Radio suisse romande 1, Emission “La ligne de coeur”, 13.06.96
Transcription
Radio suisse romande 1, Emission “La ligne de coeur”, 13.06.96
Radio suisse romande 1, Emission “La ligne de coeur”, 13.06.96 ; animatrice : Roselyne Fayard (RF), invitée Benoîte Groult (BG) Transcription orthographique standard (...) RF1 5 10 15 BG1 RF2 BG2 20 RF3 25 BG3 RF4 30 BG4 RF5 BG5 RF6 BG6 35 40 45 RF7 [on se sou]vient entre autres de Ainsi soit-elle écrit il y aura bientôt vingt ans, bien d’autres livres sont sortis depuis, et vous n’avez cessé, durant toutes ces années, donc, de vous pencher sur le sort des femmes, et de continuer à défendre leur cause. Alors après un long travail de recherche, vous avez réuni plus de deux mille textes et citations, qui mettent en évidence une longue tradition de misogynie - tout ceci est rassemblé dans un livre qui a pour titre Cette mâle assurance donc m-a accent heu circonflexe l-e, Mâle assurance éditée donc chez Albin Michel. Ce qui frappe d’abord, Benoîte Groult, c’est que dans ces textes heu - ils ont été écrits par de grands esprits, si j’ose dire, hein… Qu’il s’agisse de philosophes, d’écrivains, d’historiens, de scientifiques, c’est à peine croyable… Mais si ça avait été des imbéciles heu ça n’avait aucune importance ça n’aurait pas marqué le temps alors que là ça a eu une grande gravité, parce que c’était les grands chefs religieux, les hommes de science, les hommes de loi, les hommes de lettres, vraiment toutes les professions ; d’ailleurs j’ai divisé en catégories ce ce cette Mâle assurance, cet annuaire de la misogynie, comme dans les pages jaunes de l’annuaire en France, heu catégories professionnelles ; parce qu’on voit qu’aucune n’est épargnée :ni les poètes, ni surtout les savants ! alors que ça devrait être objectif, la science… donc le dénigrement de la femme n’est pas une question de niveau social, ni de religion, ni de caste non - de rien ; ni même de civilisation ! [petit rire] Mais qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre cette recherche, que nous allons quand même décrire un petit peu dans quelques instants à vrai dire on m’a poussé : on est venu me proposer heu c’est qui « on » ? [petit rire] eh bien c’était chez Albin Michel des femmes ? non pas du tout, c’est l’homme qui s’occupe de cette collection qui a… qui publie souvent des dictionnaires (dictionnaire de la bêtise, dictionnaire des erreurs politiques, etc. ) sont venus me dire : « Il faudrait faire un dictionnaire de la misogynie. » J’ai dit : « c’est écœurant ! j’ai parlé de la misogynie dans Ainsi soit-elle ; ça a changé de forme aujourd’hui, tout le monde sait que la culture est misogyne ». On m’a dit : « Mais pas du tout : faites votre enquête, interrogez les jeunes, ils ont oublié à quel point de Molière, à Baudelaire, à Maupassant, à Montherlant, à Dutourd - enfin on peut les citer tous presque - tout le monde est misogyne. », et comment nous avons fait pour nous débarrasser au fond de cette opinion péjorative et généralisée… Vous dites, vous, « La misogynie est le pilier de toute société patriarcale » ; est-ce un petit peu ça qui ressort de votre étude? BG7 50 55 RF8 BG8 60 AA.2.02 oui, parce que je crois que tout ce qui conforte le pouvoir est utilisé. Par exemple l’esclavage a été utilisé par les sociétés parce que ça faisait très bien fonctionner la société ; alors on a dit que les esclaves n’avaient pas d’âme, donc on pouvait les rendre taillables et corvéables à merci, et je crois que pour les femmes - c’était tellement pratique d’avoir une femme à la maison pour s’occuper des enfants, pour entretenir la force de travail du mari, du père, qu’il fallait bien prouver qu’elles étaient faites pour ça - et qu’elles pouvaient pas faire autre chose… c’est pour vous... pour vous là que se situe l’origine de cette attitude de dénigrement de la femme ? oui ; oui, et on voit aujourd’hui, où les femmes ont prouvé que leur vocation unique c’était pas d’être mères et ménagères, la panique qui a saisi la société, l’espèce de réaction aujourd’hui des hommes devant l’ « invasion » comme ils disent des femmes dans tous les métiers (…)