Ni putes ni soumises

Transcription

Ni putes ni soumises
PROGRAMNR 51406/ra1
Ni putes ni soumises
Sänds den 25/10 2005
Programlängd: 14.40
J'ai 19 ans, je suis lycéenne à Paris. Depuis un an, je sors avec un garçon que j'aime. Il ne le sait pas
mais le mois prochain je vais être mariée à un autre homme que je ne connais pas. J'ai peur. Qu'estce que je dois faire ? Je ne veux pas faire mal à ma famille et pour eux c'est comme ça et pas
autrement. Je n'ai pas de choix.
Musique : Assia : « le prix pour t’aimer »
SH :Et ben on a, on s'est dit : Là, il faut faire quelque chose, c'est pas possible. Des filles violées qui
sont harcelées dans la rue parce qu'elles sont trop heu découvertes, il faut qu'elles cachent heu
effectivement leur féminité. Une fille très tôt si elle est émancipée, ça se voit, si elle est libre, ça se
voit et le groupe fait tout pour la casser et c'est vrai, c'est terrible.
AS : Nous sommes à Paris dans les locaux du mouvement "Ni putes ni soumises" où nous avons
rendez-vous avec Sihem Habchi. Sihem est la vice-présidente du mouvement.
AS : Au départ il y a eu, vous avez, parce que nous en Suède on a notre Fadime, vous avez dû
entendre
SH : Oui Fadime, oui Pela
AS : Oui Fadime, Fadime et Pela. Et vous, vous avez aussi une fille qui s'appelait Souhane, non ?
SH : Souhane, oui, Souhane a été donc brûlée vive dans un local à poubelles dans la, à Vitry sur
Seine et il y a 2 ans maintenant.
/Nouvelles:/
Dans la rubrique "Drames de banlieue" une jeune fille est morte brûlée vive dans une cité. Hier,
Souhane Benziane une jeune fille de 17 ans a été brûlée vive par un jeune caïd dans un local à
poubelles d'une cité parisienne. A quelques jours de son 18ème anniversaire, Souhane a payé de sa
vie son refus de la domination masculine. Elle rentrait chez elle lorsque Jamal, son ex-copain, l'a
attirée dans le local à poubelles. Armé d'un briquet, celui-ci a mis le feu à la jeune fille. Transformée
en torche vivante, elle réussit à s'échapper du local, se roule dans l'herbe mais est grièvement
brûlée. Quelques heures plus tard, elle succombera de ses blessures à l'hôpital.
SH : Souhane a été donc heu brûlée vive dans un local à poubelles
AS : Par des garçons ?
SH : Par un homme, par un jeune homme parce que pareil, elle avait refusé ses avances, elle avait
dit non. Parce que l'honneur, l'honneur de ce jeune homme a été touché, il fallait qu'il le venge, il
fallait qu'il donc il a, il l'a tout simplement heu brûlée vive et elle est morte.
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AS : Après l'assassinat de Souhane, quelques personnes organisent une marche à travers la France
pour protester contre les conditions de vie des filles et des femmes dans les cités des grandes villes.
La marche s'arrête dans plusieurs villes et de plus en plus de personnes y participent. Elle se
termine le 8 mars 2003 à Paris avec une manifestation de 30 000 personnes venues de toute la
France pour montrer leur sympathie. Le mouvement "Ni putes, ni soumises" est né. Sihem était là
dès le début. Depuis toute petite, elle s'est battue pour se faire entendre en tant que fille dans sa
famille.
SH : Parce que c'est, en fait, ça a toujours été mon combat depuis petite, je me suis battue pour que
ma voix, en tant que fille, soit entendue dans ma famille. Et pour exister en tant que femme dans ma
famille d'abord parce que il y a des traditions qui sont là, malheureusement des traditions qui disent
que la fille a une certaine place et qu'elle ne doit pas la quitter parce que elle doit pouvoir se marier,
avoir des enfants, etc
AS : Mais alors, comment vous vous êtes donc combattu depuis le début mais et la réaction de vos
parents et de votre famille ?
SH : Mais difficile puisque, parce que je me suis émancipée, que je suis partie de chez mes parents
heu à l'âge de 20 ans.
Sans cesse, j'entends des insultes de la part des mecs parce que, pour eux, être habillée en jupe est
synonyme de pute – Stéphanie
Je n'ai pas parlé du viol, j'avais trop honte, j'avais peur de la réaction de mes parents, de mes amis –
Anne
SH : Et de me dire, si je reste dans ce, dans ce carcan familial, je, je vais mourir, je vais petit à petit
mourir. Parce qu'on peut mourir de plusieurs manières, mourir c'est ne pas exister en tant qu'être
libre. Donc je suis partie, mais je n’avais pas de moyens donc je n’avais personne donc je suis
devenue fille au pair, à Paris. Et donc j'ai habité Odéon dans le centre de Paris, c'était génial, j'ai eu
beaucoup de chance.
AS : Mais vous n'avez pas rompu avec votre…
SH : Non
AS : famille ?
SH : Non, non parce que rompre avec la famille, pour moi, c'était aussi abandonner mes sœurs, je
suis, alors je suis partie, le lendemain, j'étais là. Je suis venue dîner et je suis repartie après, voilà,
pour montrer que je peux vivre seule, avoir ma vie et en même temps être votre fille respectable, être
quelqu'un, voilà, je, ayez confiance en moi, je, je ne vais pas vous décevoir, je respecte ma culture, je
respecte ma tradition, n'ayez pas peur mais je veux être libre
AS : Et donc pour vos sœurs, vous êtes un exemple. Et elles ont, elles vous ont suivi ?
SH : Oui, alors ce qui est intéressant c'est que l'éducation qu'a eu mes petites sœurs a été
différente de la mienne. Mon père a compris certaines erreurs. Notamment l'enfermement etc. Moi,
depuis qu'elles sont petites, je les emmène au cinéma, je les emmène à l'extérieur, voilà c'est ça,
aujourd'hui elles sont, elles sont libres et elles, elles décident pleinement de leur choix de vie. Ça,
c'est important de pouvoir choisir et décider.
Un jour, j'ai vu de loin Samira, ma voisine, se faire insulter et frapper par un groupe de gars. Elle
rentrait comme d'habitude du lycée et ne leur avait rien fait. Elle était sous le choc, elle ne voulait
pas que j'en parle à sa famille par peur de représailles – Un anonyme
Le racisme, je le vis quotidiennement dans la rue, dans le métro, en voiture. Un garçon noir, ça ne
passe pas. Parler ? Surtout pas, ça attire les problèmes – Anonyme
AS : "Ni putes ni soumises" existe maintenant un peu partout dans le monde. Sihem est venue
plusieurs fois en Suède pour parler des problèmes des filles et des femmes dans les cités et
banlieues, problèmes qui sont partout les mêmes.
SH : Oui, je suis allée à Tensta.
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AS : Et quel effet ça vous fait ? Ça, c'est très différent de la France ou vous vous retrouvez, vous
avez l'impression … Quelle est l'impression que vous avez quand vous arrivez à Tensta ? Ça
ressemble à la France ?
SH : Moi, j'ai été choquée par le nombre de femmes voilées et de jeunes filles voilées et surtout un
voile qui pour moi porte le symbole de l'inégalité entre les sexes. C’est ce qui m'a le plus touchée à
Tensta.
AS : Vous avez trouvé qu'il y a plus de femmes voilées là que ce que vous voyez ici en France ?
SH : Ah oui bien sûr, bien sûr, bon y'a certains quartiers où il y a beaucoup mais là, c'est, c'est, je
suis, j'étais pratiquement l'une des seules à pas l'être. J'avais l'impression d'être un extra-terrestre
en fait
AS : Est-ce que vous avez porté le voile ou jamais ?
SH : Jamais
J'allais dans une soirée parisienne avec ma petite amie. Le champagne coulait à flot. Bonne
ambiance. J'ai soudain entendu des cris, je pousse la porte et là une dizaine de personnes sur une
fille, elle pleure, elle crie "Arrêtez !". La porte se referme brutalement – Brian
SH : Quand une jeune fille montre qu'elle est libre, qu'elle est émancipée, tout simplement parce
qu'en grandissant, à l'âge de 15 ans, et ben, elle montre que c'est quelqu'un qui prend des
décisions, qu'elle s'habille comme elle veut, qu'elle a des choix, qu'elle a des projets de vie, le groupe
fait tout pour la casser. Casser cette liberté. Et c'est le plus grave. Parce que quand on a 15 ans et
qu'on a envie de s'ouvrir, qu'on a envie, de s'envoler de ses propres ailes, qu'on a envie de conquérir
le monde, peu importe de quelle culture on est. Si le père, le frère, le groupe - parce que c'est les
mères aussi ! Quand je dis le groupe c'est les mamans aussi qui reproduisent les traditions
archaïques et les violences patriarcales. Heu, ben c'est terrible, il y'a rien de plus terrible que ça
On est tous partis en vacances cette année-là, mes parents, moi et ma sœur, c'était plutôt cool. On
allait voir ma famille. Toute la famille était là, je n'avais jamais vu ça. Le jour après, ils préparent une
fête mais l'impensable arrive, mon père ouvre la porte de notre chambre et nous présente nos maris
respectifs.
AS : Et qu'est-ce qu'ils font pour casser justement, quelle est la manière ?
SH : Ben c'est des pressions psychologiques, tu ne sors pas, à quelle heure tu rentres, je t'ai vu
alors. Y'a des rumeurs aussi. C'est à dire qu'on est, on est fliquée, quand je dis fliquée c'est que
quand on, par exemple on peut rentrer de l'école, rentrer de l'école, sortir du RER, arriver à la
maison. Et quand vous arrivez à la maison, vos parents savent exactement à qui vous avez parlé ou
par où vous êtes passée heu, comment vous étiez habillée, etc, etc. Ça va très, très vite avec les
téléphones portables mais en fait les, les garçons regardent les fi…, les sœurs et les filles de, de
tout le monde. On est surveillée.
Musique : Assia : « le prix pour t’aimer »
SH : La liberté, c'est dur, à un certain niveau, c'est, c'est quelque chose qu'on, qu'on doit, pour
lequel on doit se battre tout le temps. Quand on a cette liberté, c'est, c'est pas facile puisqu'on est
seule finalement.
Chacun a le droit au respect de son corps, le corps humain est inviolable. Article 16-1 - Code Civil
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