Le secteur du Théâtre Jeune Public a une cinquantaine d`année d

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Le secteur du Théâtre Jeune Public a une cinquantaine d`année d
Le secteur du Théâtre Jeune Public a une cinquantaine d’année d’existence en
Fédération Wallonie-Bruxelles. De nombreuses créations théâtrales qui en sont
issues, ont connu non seulement un grand succès ainsi qu’une très large diffusion, mais sont également reconnues internationalement, constituant au fil des
années, un réel patrimoine culturel.
Ces créations sont le fruit du travail de petites structures très dynamiques (les
compagnies regroupées en asbl) gérées pour la plupart par les artistes, euxmêmes très investis et impliqués à tous les niveaux du fonctionnement de leur
structure respective. Leur démarche s’inscrit pour chacunes d’entre elles, dans
la perspective de tisser un rapport privilégié avec le jeune spectateur.
En 1976, elles se sont fédérées en une association représentative : la Chambre
des Théâtres pour l’Enfance et la Jeunesse (CTEJ). Regroupant aujourd’hui 90
compagnies, celle-ci défend depuis lors, une vision philosophique de l’accès des
jeunes spectateurs aux arts vivants qui s’inscrit dans un véritable projet à long
terme et construit autour de spécificités qu’elle estime essentiel de préserver :
> PARCE QUE LE THÉÂTRE JEUNE PUBLIC ŒUVRE À L’ÉMANCIPATION DU JEUNE
SPECTATEUR.
Dans un monde en pleine métamorphose où la question de l’identité culturelle bégaye et où les
médias de masse ne proposent qu’un formatage d’idées et de produits immédiatement consommables, la ténacité des artisans du Théâtre Jeune Public peut être comparée à un double combat : celui de l’imaginaire et celui de l’émancipation.
Le combat de l’imaginaire
Ce combat n’est pas uniquement celui de l’exception culturelle dans un monde globalisé. Il ne
consiste donc pas seulement à défendre des démarches artistiques originales dans un contexte
où la standardisation devient la règle. Bien davantage, il vise à réhabiliter la force du symbole
sur le signe, de la liberté d’interprétation sur l’injonction, de la singularité sur le prêt-à-penser.
Le Théâtre Jeune Public défend cette conviction qu’une croissance équilibrée de l’enfant et de
l’adolescent passe par une stimulation de leur imaginaire. Et ce, particulièrement à une époque
où les injonctions sociales axées uniquement sur l’efficacité et la rentabilité tendent à atrophier
cet imaginaire.
Le combat de l’émancipation
L’émancipation met en jeu les capacités de chaque enfant et chaque adolescent à façonner ses
propres choix, ses propres perceptions, ses propres jugements, ses propres valeurs.
Grâce aux spectacles jeune public, celles-ci sont mobilisées dans une dynamique où le plaisir
n’est pas uniquement pulsionnel. La dynamique de l’émancipation s’appuie sur l’idée que chercher à comprendre le monde peut être source de plaisir. Peu importe l’exigence et la complexité
que cela présuppose. Favorisant le désir de perception, de compréhension et d’ouverture sur
le monde chez le jeune, le théâtre jeune public stimule l’aspiration de celui-ci à dépasser ses
propres limites et à s’affirmer.
> PARCE QUE LE THÉÂTRE JEUNE PUBLIC ENCOURAGE À SE FORGER UN ESPRIT
CRITIQUE ET À DÉVELOPPER SA CITOYENNETÉ.
Par l’effet de catharsis que provoque le théâtre, le jeune spectateur peut être amené à penser,
s’interroger, se forger sa propre opinion. Comprendre une œuvre permet à l’enfant de relier ce
qu’il a de plus intime avec ce qu’il y a de plus universel, partageant ainsi avec les autres spectateurs une quête commune de sens.
Le Théâtre Jeune Public participe à la construction des individus en tant que citoyens dès le
plus jeune âge. Art collectif, dans son élaboration comme dans sa représentation, le Théâtre
Jeune Public stimule le dépassement des clivages, des préjugés, des modèles et renvoie l’individu à voyager activement entre le « je » et le « nous », à éprouver et questionner sa place dans
la société.
Encourager l’enfant à assister à une représentation théâtrale de qualité, c’est lui donner une
opportunité de se confronter à l’inconnu et une occasion de rencontrer l’altérité, sous forme
d’une réalité esthétique, sociale, économique, historique ou culturelle différente.
> PARCE QUE LE THÉÂTRE JEUNE PUBLIC CRÉE DU LIEN SOCIAL ET INTERGÉNÉRATIONNEL.
Un spectacle de théâtre constitue une expérience particulière. La relation qui s’instaure entre
les spectateurs (enfants, adolescents, parents, élèves, enseignants...) favorise le lien social et
intergénérationnel.
La représentation théâtrale que ce soit dans le cadre scolaire ou en séances tout public, favorise
la rencontre et l’échange entre artistes et spectateurs, mais aussi entre les spectateurs euxmêmes, enfants, adolescents et adultes. Il rassemble, confronte et ouvre au dialogue.
En outre, en tant qu’art vivant, le Théâtre Jeune Public contribue à faire exister un espace commun qui n’appartient ni aux artistes ni aux spectateurs. Cet espace, symbolique, appartient à
tous : il est celui des interrogations et émotions qui sont le propre de la condition humaine.
> PARCE QUE LE THÉÂTRE JEUNE PUBLIC PERMET LE DÉVELOPPEMENT DE LA
CRÉATIVITÉ.
Les mutations que connaît le monde actuel provoquent chez tout un chacun, un besoin de repères nouveaux qui, à l’heure de la crise des idéologies, semblent parfois bien difficiles à trouver. Dans ce contexte, la créativité (individuelle et collective) est souvent présentée comme un
maître-mot, tant elle permettrait de semer les graines de modèles nouveaux du vivre-ensemble.
Or le Théâtre Jeune Public est précisément un espace où est stimulée cette créativité.
Car le spectateur, enfant ou adolescent, est considéré par les artisans qui œuvrent dans ce
secteur, non pas comme un consommateur mais, au contraire, comme étant partie prenante du
processus d’élaboration du spectacle. Il peut ainsi parfois être invité à assister, voire à participer à des étapes de création. De même, dans les actions de médiation, il est souvent sollicité à
mettre sa créativité au service de son regard critique, sa perception est donc prise en compte
et valorisée.
> PARCE QUE LA DÉMARCHE DU THÉÂTRE JEUNE PUBLIC PARTICIPE ACTIVEMENT À L’ACCESSIBILITÉ DE TOUS LES PUBLICS AUX ARTS VIVANTS ET REJOINT AINSI L’OBJECTIF POLITIQUE
DE DÉMOCRATISATION CULTURELLE.
Les créations théâtrales jeune public sont conçues pour aller à la rencontre de tous les publics.
Elles s’élaborent autour de scénographies légères et pouvant être installées rapidement afin de
permettre une large diffusion au niveau local, régional, national et international.
Cette pratique favorise l’accès à des publics isolés, défavorisés ou encore peu habitués à la
découverte culturelle.
Il apparaît donc essentiel de conserver le caractère singulier du projet du Théâtre
Jeune Public en pérennisant ses pratiques spécifiques au niveau de :
LA CRÉATION :
- définie par l’âge du public auquel on s’adresse.
- dont les représentations ont une durée limitée.
- dont les jauges sont adaptées.
- dont la démarche se nourrit au travers d’un processus dynamique en lien avec le jeune public
(pratique de bancs d’essai…).
LA DIFFUSION :
- qui détermine de multiples aspects de l’élaboration du spectacle.
- qui intègre de multiples lieux en décentralisation (théâtres, centres culturels, petits lieux,
écoles… ).
- qui est pensée en dynamique de tournée sur plusieurs années.
- qui se caractérise par une promotion nationale et internationale, tout public mais également
scolaire.
- avec un prix de vente des spectacles régi par des critères précis tels que : l’accès au plus grand
nombre avec prix de vente démocratique, coûts de transports...
LA MÉDIATION :
- les compagnies développent un lien personnalisé et permanent avec les enseignants et la
population scolaire et s’impliquent dans des démarches de médiation permettant le lien entre
l’artiste et l’école.
SES RAPPORTS AVEC LES POUVOIRS PUBLICS :
- les dossiers de projet des compagnies, des centres dramatiques et de la CTEJ sont analysés
par une instance d’avis spécifique représentative des intervenants du secteur et dont l’expertise permet de conseiller le pouvoir politique quant à l’octroi des subventions.
- la sélection effectuée par la Commission « Spectacles à l’école » rassemblant des composantes issues du monde de la culture et de l’enseignement garantit la réalisation des objectifs
de labellisation des spectacles destinés au public scolaire et tout public.
- l’organisation des Rencontres de Huy permet aux programmateurs belges et étrangers de découvrir les créations annuelles des compagnies sur une période concentrée et favorise l’échange
et la cohésion du secteur.
Mais la conservation du caractère singulier du projet du Théâtre Jeune Public
doit se faire en actualisant et en améliorant son mode de soutien au niveau de :
SON CADRE JURIDIQUE :
- le décret datant de 1994 est obsolète.
Si son élaboration répondait à la réalité des compagnies en activité à l’époque, il ne répond plus
aux besoins liés au développement important du secteur.
- il ne reflète pas le développement des pratiques actuelles :
-> Absence de définition des notions de production, coproduction, décentralisation,
transmission.
-> Absence d’accès à des bourses de recherche.
-> Absence de lien avec les spécificités de la diffusion.
-> Absence de recours à l’aide à la création pour les compagnies bénéficiant d’un contrat programme ou d’un agrément.
-> Absence d’encouragement à la coproduction dans les missions des deux Centres
dramatiques pour l’enfance et la jeunesse, les Centres culturels et autres lieux de
diffusion ainsi que les Théâtres adultes.
-> Absence du Théâtre Jeune Public dans les missions du Centre des Arts Scéniques.
SON ENVELOPPE FINANCIÈRE :
- le secteur du Théâtre Jeune Public est sous-financé, que ce soit au niveau de l’aide à la création ponctuelle, de l’aide aux structures de production, de l’aide à la diffusion et de l’aide à
l’équipement.
- le manque de moyens financiers actuel empêche l’autonomie des compagnies et entraîne la
difficulté de satisfaire aux obligations du droit du travail.
- l’insuffisance actuelle de moyens dévolus au secteur y maintient une précarité récurrente et
contraire au professionnalisme de ses artisans.
- l’enveloppe reste proportionnellement inférieure à celle octroyée au Théâtre pour Adultes.
- avec des montants de subventions stagnantes, elle entraîne la paupérisation des artistes et ne
permet pas la valorisation financière suffisante de nombreuses compagnies dont le parcours et
le travail sont pourtant reconnus et appréciés.
- elle ne permet pas un soutien suffisant à l’émergence de nouveaux courants.
- elle oblige au financement d’une création majoritairement sur fonds propres des compagnies
(bénéfices issus de la diffusion des spectacles antérieurs) ou sur fonds personnels.
- elle oblige à la réduction récurrente du nombre d’interprètes (1, 2 ou 3 maximum) dans les
créations de spectacles.
- elle empêche de répondre à toutes les demandes de diffusion des lieux de programmation, et
donc du public, suite à la non indexation et à la stagnation des budgets diffusion (Art et Vie –
Spectacle à l’école).
En conclusion,
La CTEJ :
- élabore une proposition d’un nouveau mode d’organisation du subventionnement ponctuel et structurel dans le secteur du Théâtre Jeune Public. La proposition est issue d’une réflexion et d’une dynamique collectives, étayée par les
différentes pratiques et expertises des compagnies membres. Elle vise à conserver les spécificités du secteur qui en ont fait sa force, tout en modernisant les
aspects aujourd’hui inadéquats de son organisation.
- développe dans le même sens, une analyse du cadre actuel de la diffusion des
spectacles en représentations scolaires et en tout public.