Programme du soir de Rameau ou l`éloquence du clavecin

Transcription

Programme du soir de Rameau ou l`éloquence du clavecin
RAMEAU OU L’ÉLOQUENCE DU CLAVECIN
RAMEAU
OU L’ÉLOQUENCE
DU CLAVECIN
CYCLE DE MUSIQUE DE CHAMBRE
11H
Les Indes galantes, transcription pour deux clavecins
Premier concert, prologue
Ouverture
Entrée pour les quatre nations
Air grave pour les Polonais
Menuets 1 et 2
Musette en rondeau
Air pour deux guerriers portant les drapeaux
Air pour les amants qui suivent Bellone et les amantes qui tentent de les retenir
Air pour les amours
Deuxième concert, le Turc généreux
Ouverture
Rigaudons 1 et 2
Air pour les esclaves africains
Tambourins 1 et 2
dimanche 23 mars 2014 - 11h, 15h et 17h
11H, Foyer Favart
Benoît Hartoin, Anne-Catherine Bucher, clavecins
15H, Foyer Favart
Béatrice Martin, clavecin
Troisième concert, les Incas du Pérou
Ouverture
Prélude pour l’adoration du Soleil
Air pour la dévotion du Soleil
Loure en rondeau
Gavottes 1 et 2
Quatrième concert, les Fleurs
Le clavecin de Rameau est capable de tout : éloquence et virtuosité, humour
Ouverture
Tendre amour
Marche des Persans
Deuxième air pour les Persans
Premier air pour les Persans
Premier air pour les Fleurs
Gavotte en rondeau
Orage
Air pour Borée
Premier air pour Zéphire
Air pour la rose
Gavotte
et surprise, évocations poétiques et descriptions imagées. Dans des
Nouvelle entrée, les Sauvages
17H, Salle Favart
Paolo Zanzu, clavecin
Florence Malgoire, dessus de violon
Kaori Uemura, viole
Charles Zebley, flûte traversière
Musiciens des Arts Florissants
proportions plus intimes, Rameau est tout aussi génial qu’à l’opéra.
Du grand Calumet de la paix
Chaconne
15H
Nouvelles suites de pièces de clavecin, 1728
Allemande
Courante
Sarabande
Les Trois Mains
Fanfarinette
La Triomphante
Gavotte et doubles
Les Tricotets
L’Indifférente
La Poule
Menuets
Les Triolets
Les Sauvages
L’Enharmonique
L’Égyptienne
17H
Pièces de clavecin en concerts, 1741
Premier concert : La Coulicam, La Livri – Rondeau gracieux, Le Vézinet
Deuxième concert : La Laborde, La Boucon, L’Agaçante, Premier Menuet et Deuxième
Menuet
Troisième concert : La Lapoplinière, La Timide, Premier Tambourin et Deuxième Tambourin en
Rondeau
Quatrième concert : La Pantomime, L’Indiscrète, La Rameau
Cinquième concert : La Forqueray, La Cupis, La Marais
Durée de chaque concert : 1h15 environ, sans entracte
Entre 1728 et 1735, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) est à un tournant de sa
carrière. Organiste titulaire de l’orgue de l’église de Sainte-Croix de la
Bretonnerie, compositeur pour les théâtres de la Foire, théoricien, il s’essaie pour
la première fois à l’exercice de la tragédie lyrique avec Hippolyte et Aricie, qui
sera d’abord jouée chez Nicolas de La Pouplinière, son mécène, avant
d’affronter la scène à l’Académie Royale de Musique (Opéra de Paris) en 1733. La
hardiesse du propos musical déclenche une querelle entre les « lullystes »
partisans de l’ancien langage et les « ramistes » attachés à la rénovation du
genre. Les Indes galantes suivront de près, en 1735. C’est dans ce contexte que
Rameau compose ces pièces pour clavecin qui ne sont en aucun cas une
production marginale dans son immense carrière, mais bel et bien l’illustration de
ses recherches.
Rameau a révolutionné la musique pour clavecin. Il en a étendu les possibilités et
l’a affranchie du style « luthé » dont François Couperin (dit « le Grand ») est à
l’époque le plus illustre représentant. Rameau propose un toucher différent,
libérant le pouce et introduisant par une nouvelle virtuosité l’illusion d’une
« troisième main » à la fonction souvent dramatique. Dans son essai de 1724,
Méthode pour la méchanique des doigts sur le clavessin, il précise par ailleurs que
« l’œil y partage le plaisir qu’en reçoit l’oreille ». Rameau, dans les œuvres qui
vous sont proposées aujourd’hui, innove avec des modulations harmoniques
audacieuses, mais fonde aussi un art de l’éloquence à l’attention de l’interprète.
Les mains se doivent d’être expressives, le corps du claveciniste doit appuyer le
discours musical. De la scène au salon, Rameau ne se contente pas de transcrire
sa musique, il en importe la théâtralité.
Les Indes galantes, transcription pour deux clavecins
Le poète Alexis Piron, ami dijonnais de Rameau, disait de lui : « Toute son âme et
son esprit étaient dans son clavecin ; quand il l'avait fermé, il n'y avait plus
personne au logis ». Les multiples reprises du Rondeau des Sauvages des Indes
galantes montrent comment, pour Rameau, le clavecin est le lieu de toutes les
expériences. C’est pour les théâtres de la Foire, lieu de naissance de l’Opéra
Comique, que Rameau composa le premier fragment de ce qui allait devenir
l’opéra ballet Les Indes galantes. Le Rondeau des Sauvages accompagnait à la
foire Saint-Laurent de 1725 une démonstration de danse amérindienne exécutée
par deux Indiens venus de Louisiane. On retrouve ce rondeau dans la suite de
pièces de clavecin de 1728, puis dans un Ballet réduit à quatre grands concerts
publié en 1735. C’est d’ailleurs grâce à ce Rondeau des Sauvages que la quatrième
entrée de ballet, dont il est, avec la dernière chaconne, le pilier central, imposera
triomphalement en 1736 Les Indes galantes, dont la création l’année précédente
n’avait pas conquis le public. Dans le cadre du cycle L’Éloquence du clavecin
proposé par les Arts Florissants, Benoît Hartoin et Anne-Catherine Bucher ont
élaboré une transcription inédite de toute la musique de ballet des Indes
galantes. Les deux clavecinistes se sont basés sur la partition d’orchestre de 1735
et ont suivi strictement l’ordre de l’opéra (à la différence du Ballet réduit à quatre
grands concerts). Ils ont également intégré le Rondeau des Sauvages ainsi que la
chaconne, pièce brillante à la virtuosité étourdissante, qui conclut la version de 1736.
Nouvelles suites de pièces de clavecin, 1728
Après les recueils de 1706 et de 1724, Rameau compose deux suites en la et en sol
précédées d’une préface. Depuis 1722 et la publication du Traité de l’harmonie
réduite à ses principes naturels, Rameau est un théoricien reconnu. Le recueil de
1724 était lui aussi accompagné d’un court texte théorique, De la méchanique des
doigts sur le clavessin, qui devait servir à éclairer l’interprète sur la manière de
jouer ces pièces.
Le texte de 1728 montre combien Rameau est attaché à l’expérimentation. Les
conseils pour le toucher du clavier sont précis : « La seule difficulté consiste à
savoir de quelle main toucher certaines parties du milieu : mais c’est
ordinairement pour la main gauche que ces sortes de parties sont resserrées, dès
que la droite n’y peut suppléer aisément ». De telles indications donnent une idée
de sa perception de l’instrument, qui se distingue de celle de François Couperin,
par exemple, à la même époque. Sur la pièce intitulée L’Enharmonique, il précise :
« l’effet qu’on éprouve dans la douzième mesure de la reprise ne sera peut-être
pas d’abord du goût de tout le monde […] l’harmonie qui cause cet effet n’est
point jetée au hasard […] il faut que l’exécution y seconde l’intention de l’Auteur
[…] ». Ces remarques appuient l’idée communément admise selon laquelle, dans
ce recueil, Rameau est un virtuose de l’harmonie.
Depuis la noble Allemande, caractérisée par la douceur et des effets harmoniques
savants, jusqu’à la virtuose Égyptienne, aux arpèges brisés et aux trouvailles
digitales, Rameau offre un ensemble coloré et inventif. Le recueil débute par une
suite à la française (Allemande en la mineur, Courante en la mineur, Sarabande en
la majeur) qui d’emblée se démarque du modèle du genre (pas de gigue) tout en
lui rendant un bel hommage. Dans Les Trois Mains, Rameau crée l’illusion d’une
troisième main par un jeu de croisements. Fanfarinette (la majeur), à la simplicité
charmante, précède La Triomphante (la majeur), émaillée de chromatismes. La
Gavotte (la mineur) offre un brillant exercice de six variations (les « doubles ») aux
jeux éloquents de ressemblances et dissimilitudes. C’est avec le rondeau Les
Tricotets, écrit en style luthé, que l’on passe à un ensemble en sol. L’Indifférente
(sol mineur) précède La Poule (sol mineur), pièce expressive à l’inventivité qui
semble sans limite. Rameau a lui-même marqué sous les premières mesures les
onomatopées du gallinacée qui lui inspire cette pièce hachée à la mécanique
précise. La juxtaposition des deux Menuets en sol majeur (qui sera repris dans
Castor et Pollux) et sol mineur apporte par contraste une atmosphère d’étrange
cocasserie à l’ensemble. Les Triolets (sol majeur) sont tout en grâce et subtilité.
Les Sauvages est la pièce originale qui sera reprise dans la deuxième version des
Indes galantes puis dans la transcription de l’opéra-ballet en 1735. L’Enharmonie
xxxx
est la pièce qui, dans ce recueil, caractérise le mieux les recherches
harmoniques de Rameau. Elles ne masquent pas pour autant la douceur d’un sol
mineur plein de langueur. Dans L’Égyptienne (sol mineur), enfin, Rameau
décloisonne le clavier et demande aux mains de l’interprète de découvrir de
nouvelles contrées. La musique pour piano n’est plus très loin.
Pièces de clavecin en concerts, 1741
En 1741, Rameau a composé déjà cinq ouvrages lyriques qui ont assis sa
réputation. C’est un musicien reconnu qui sera bientôt nommé compositeur de
la Musique du Cabinet du Roi. Les pièces de 1741 sont sa dernière grande œuvre
de clavecin. Il y aura bien en 1747 une ultime pièce (La Dauphine) composée à
l’occasion du mariage du fils de Louis XV et de Marie-Josèphe de Saxe, mais
l’ampleur de ces Pièces de clavecin en concerts est autrement plus considérable.
L’imitation de la sonate italienne a été initiée par Sébastien de Brossard dès
1695 puis développée par Couperin et Mondonville. Inspirées par cette vogue,
ces cinq pièces inversent les rôles et donnent au clavecin un rôle central
d’instrument accompagné. Dans son « Avis aux concertans », Rameau propose
une nomenclature instrumentale à géométrie variable : « petits Concerts entre
le Claveçin, un Violon ou une Flute, & une Viole ou un 2e Violon ; le Quatuor y
règne le plus souvent ». Une fois de plus, le projet éditorial innove. Il s’agit en
effet de publier les œuvres en « partition » au lieu de les éditer sous la forme
habituelle de parties séparées, « parce qu’il faut non seulement que les trois
instruments se confondent entr’eux, mais encore que les Concertans
s’entendent les uns les autres, & que sur-tout le Violon & la Viole se prêtent au
Claveçin, en distinguant ce qui n’est qu’accompagnement, de ce qui fait partie
du sujet, pour adoucir encore plus dans le premier cas ».
Les pièces de caractère dominent sur les formes traditionnelles de la suite
française que sont le menuet et le tambourin. Les titres, tantôt suggestifs tantôt
énigmatiques, ont pour certains fait l’objet de multiples interprétations. Certains
noms désignent sans conteste des lieux (Le Vézinet), des personnes (La
Pouplinière, fermier général et protecteur de Rameau) ou des familles de
musiciens (La Borde, Forqueray, Cupis, Marais). D’autres titres sont relatifs à
des essais de musique imitative : L’Agaçante, La Timide, La Pantomime,
L’Indiscrète.
Si l’œuvre « concertante » de Rameau n’est pas de la musique de chambre au
sens du XIXe siècle, le compositeur entend montrer combien l’interdépendance
des instruments lui tient à cœur.
Jérôme Avenas
Les artistes jouent sur les instruments suivants :
Clavecin Grand Français « Régent » à 2 claviers
Clavecin franco-flamand « Ruckers-Taskin » à 2 claviers
11h : Régent et Ruckers-Taskin / 15h : Ruckers-Taskin / 17h : Régent
BIOGRAPHIES
BENOÎT HARTOIN
Après des études complètes au Conservatoire National de Région de Nancy et
à l’Université de Nancy II, il entre au CNSMDP, puis est sélectionné pour être
l’un des continuistes du European Union Baroque Orchestra. Il se produit
régulièrement en tant que répétiteur, continuiste ou assistant musical avec la
Grande Écurie et la Chambre du Roy, les Arts Florissants et le Concert d’Astrée
dans de nombreuses productions d’opéra, notamment à l’Opéra de Paris (Les
Indes galantes, Hercules, Idomeneo, Giulio Cesare et Hippolyte et Aricie), au
Théâtre des Champs-Élysées (Serse, Médée), à l’Opéra Comique (Atys), au
Théâtre de Tourcoing (L’Orfeo, La Flûte Enchantée, Agrippina, Idoménée, Il
Barbiere di Siviglia, Don Giovanni, Così fan tutte). Il a eu également l’occasion de
collaborer avec CBSO, les orchestres des Opéras de Lyon et Paris, l’Orquesta
Nacional de España ou the Orchestra of the Age of Enlightenment.
ANNE-CATHERINE BUCHER
Elle étudie le clavecin et la basse continue auprès de M. Dévérité, R. Kohnen, F.
Lengellé, H. Dreyfus et suivi les master-classes de J. Christensen et G.
Leonhardt. Soucieuse du développement de l’excellence musicale dans sa
propre région, elle crée en 2000 l’ensemble Le Concert Lorrain dont elle assure
la direction artistique jusqu’en 2013. Elle dirige et enregistre Le Manuscrit des
Ursulines de la Nouvelle-Orléans, Les Petits Motets d’H. Madin et les cantates du
compositeur lorrain T.-L. Bourgeois, Les Sirènes, avec C. Sampson. À l’orgue, elle
a enregistré plusieurs disques, en particulier avec le cornettiste W. Dongois et le
Concert Brisé. Elle collabore régulièrement pour les productions baroques et
classiques avec l’Opéra National de Lorraine.
BÉATRICE MARTIN
Son parcours musical l’amène à étudier avec de grandes personnalités du
clavecin (C. Jaccottet, K. Gilbert, C. Rousset). Premier prix du Concours
International de Clavecin de Bruges en 1998, elle est nommée Révélation de
l’ADAMI 1999. Elle joue régulièrement avec Les Arts Florissants, Les Talens
Lyriques, Le Concert Spirituel, Ricercar Consort. Elle est appelée par Sir S.
Rattle à la Philharmonie de Berlin, et est sollicitée en tant que soliste par
l’Ensemble Orchestre de Basse Normandie. W. Christie la sollicite souvent en
qualité d’assistante musicale. À ce titre, elle collabore avec la ComédieFrançaise à deux recréations de comédies-ballets de Molière et Lully.
Professeur au Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux (Hauts-de-Seine),
elle a créé la classe de clavecin à l'Escola Superior de Música de Catalunya à
Barcelone (2001-2013).
PAOLO ZANZU
Après avoir étudié le piano et le clavecin dans les conservatoires de Cagliari et
de Bologne, il entre au CNSMDP, puis se perfectionne à la Royal Academy of
Music de Londres ainsi qu'à l'Accademia Chigiana de Sienne. Son intérêt pour la
musique du XIXe siècle le mène ensuite à être l'élève de P. Cohen (pianoforte) et
de N. Brochot (direction d'orchestre). Il poursuit parallèlement une carrière de
continuiste qu'il mène au sein notamment des Arts Florissants et du Cercle de
l'Harmonie et avec de nombreux autres ensembles de musique baroque. Il a été
à maintes reprises l'assistant de J. Cohen, notamment au Festival de
Glyndebourne et à l'Opéra de Dijon. En 2013, il a été l'assistant de W. Christie
dans une production lyrique au Château de Versailles et a dirigé à Caen
l'Orchestre de Basse-Normandie. Il est le partenaire habituel de la violoniste T.
Troman et du flûtiste T. Goudarzi.
LES ARTS FLORISSANTS
Directeur musical fondateur William Christie
Directeur musical adjoint et chef associé Paul Agnew
Chef associé Jonathan Cohen
Ensemble de chanteurs et d'instrumentistes voués à la musique baroque, fidèles à
l'interprétation sur instruments anciens, Les Arts Florissants sont, dans leur
spécialité, l'une des formations les plus réputées. Fondés en 1979, et dirigés depuis
lors par le claveciniste et chef d'orchestre W. Christie, ils portent le nom d'un petit
opéra de Marc-Antoine Charpentier. L’ensemble a joué un rôle pionnier pour
imposer dans le paysage musical français le Grand Siècle français, mais aussi la
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musique européenne des XVII et XVIII siècles. Depuis Atys de Lully à l’Opéra
Comique en 1987, recréé en 2011, c’est la scène lyrique qui leur a assuré les plus
grands succès (Les Indes galantes, Hippolyte et Aricie, Les Boréades, Les Paladins,
L’Allegro, il Moderato ed il Penseroso, King Arthur, Didon et Enée, The Fairy Queen,
La Flûte enchantée, L’Enlèvement au sérail). En résidence privilégiée depuis vingt ans
au Théâtre de Caen, Les Arts Florissants présentent chaque année une saison de
concerts en région Basse-Normandie. L’ensemble assure en même temps une large
diffusion nationale, tout en jouant un rôle actif d’ambassadeur de la culture
française à l’étranger (Arts Flo junior, Jardin des Voix). En 2013, les Arts Florissants
ont lancé leur propre label discographique : les Éditions Arts Florissants.
Les Arts Florissants sont soutenus par le Ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Caen
et la Région Basse-Normandie. Ils sont en résidence au théâtre de Caen. IMERYS, leader mondial des
spécialités minérales pour l’industrie, et ALSTOM, groupe mondial dans le transport ferroviaire et les
équipements de production et de transmission d'électricité, sont Grands Mécènes des Arts Florissants.