La Chine et le choc de l`offre mondiale

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La Chine et le choc de l`offre mondiale
Réservé à l’usage des
investisseurs professionnels
Mars 2006
La Chine et le choc de l’offre mondiale
Par Keith Wade
Personne ne peut ignorer l’émergence des économies dites « BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine) ni leur
impact sur le commerce international, l’offre mondiale et la croissance du PIB.
Ces dix dernières années, nous avons été témoins d’une expansion phénoménale du commerce mondial, due en
grande partie à la croissance de l’activité dans les pays BRIC.
Au sein de cette tendance, un élément principal ressort tout particulièrement : la très forte augmentation du rôle
de la Chine dans les échanges commerciaux depuis le début des années 1990. La Chine représentait 1,2 % du
commerce mondial en 1990 ; en 2004 sa part était passée à 7 % et la Chine était devenue le deuxième
exportateur d’Asie, derrière le Japon.
Cette évolution a provoqué une baisse des prix très nette dans certains secteurs et un recul de l’inflation,
ce qu’illustre bien le repli du coût des produits d’habillement et du matériel informatique - en baisse d’environ 10 %
et 80 % respectivement - aux Etats-Unis depuis 1998.
Cette situation est accentuée par le faible niveau des coûts de main-d’œuvre dans les marchés émergents, et tout
particulièrement en Chine où le salaire ouvrier horaire s’établit à 3 % à peine des niveaux américains.
On comprend donc facilement l’attrait d’une délocalisation de la production pour les sociétés américaines et
européennes, de même que les pressions à la baisse que cette délocalisation fait peser sur les coûts de maind’œuvre et les prix de fabrication de l’OCDE.
Combien de temps cela durera-t-il ?
Rien de tout cela ne devrait surprendre : c’est une histoire connue. A ce stade, ce qu’il serait vraiment intéressant
de savoir concernant cette tendance, c’est le temps que durera ce choc de l’offre mondiale.
Nous anticipons une nouvelle progression de l’offre, compte tenu de la population de travailleurs, estimée à un
milliard, que les économies BRIC vont injecter dans l’économie mondiale, et du fait également du maintien de
l’écart de production et de coût salarial entre les principaux partenaires commerciaux.
Aujourd’hui, la situation rappelle par certains côtés l’économie mondiale des années 1950. Quoique différente en
apparence, dans le sens où l’économie mondiale se remettait alors des effets dévastateurs de la Seconde Guerre
mondiale, c’était pourtant, comme aujourd’hui, une période de mondialisation pendant laquelle on a assisté à une
croissance rapide du commerce international nourrie par l’émergence (et dans certains cas, la réémergence) de
ce qui était alors les économies à bas prix d’Europe et du Japon.
En 1950, par exemple, les coûts salariaux européens en pourcentage des salaires ouvriers américains étaient
comparables à ceux des nouvelles économies asiatiques industrialisées d’aujourd’hui. Cet avantage issu de la
faiblesse des coûts a contribué à la création d’une période de forte croissance en Europe et au Japon – en
France, on continue à parler des « trente glorieuses » pour évoquer la période comprise entre 1945 et 1975.
Bien entendu, cette période de forte croissance a fini par parvenir à son terme. Bien que plusieurs facteurs aient
été en cause, l’un d’eux était particulièrement important du point de vue d’une croissance nourrie par la faiblesse
des salaires et le commerce international : l’Europe et le Japon ont perdu leur avantage de coût par rapport aux
Etats-Unis. Cette situation était le reflet de la progression du niveau de vie et de l’abandon du système de Bretton
Woods au début des années 1970, qui a conduit à une appréciation des taux de change en Europe et au Japon.
Cependant, il avait fallu trente ans pour que les salaires ouvriers (et donc les prix) européens et japonais
rattrapent ceux des Etats-Unis, ce qui montre sur quelle durée ces tendances économiques peuvent se jouer.
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La Chine et le choc de l’offre mondiale
Il se pourrait que ce soit également le cas pour la Chine aujourd’hui.
Les salaires ouvriers sont en train d’augmenter en Chine et ont gagné 30 % au cours des cinq dernières années,
mais cette évolution n’a pas eu d’impact visible sur l’écart des coûts de production entre les Etats-Unis et la Chine.
La croissance des salaires n’a pas accéléré, principalement parce que l’offre de main-d’œuvre dans le secteur
manufacturier continue à augmenter. Bien que la Chine intègre progressivement sa population rurale dans le
secteur industriel, les estimations suggèrent que le secteur agricole emploie toujours la moitié de la population
active.
Il est possible que le secteur agricole chinois parvienne à maintenir le même niveau de production avec
230 millions de travailleurs en moins. Dans ce cas, l’effet de la réembauche de ces travailleurs dans le secteur
manufacturier suffirait à soutenir le taux actuel de migration urbaine pendant encore 14 ans.
Cette tendance aurait pour effet de transformer à nouveau la structure du secteur manufacturier mondial. En effet,
si la Chine détient actuellement une part de 8 % dans le secteur manufacturier mondial, cette part pourrait passer
à 20 % à l’horizon 2030. De la même manière, l’effondrement des prix des produits manufacturés mettra sous
pression les économies qui reposent actuellement sur des bases manufacturières importantes – les Etats-Unis et
la zone euro connaîtront sans doute une baisse de leurs parts de marché (actuellement dominantes).
Incidences pour le marché
Qu’est-ce que tout cela veut dire pour les marchés mondiaux ? Les salaires et les prix de l’OCDE feront sans
doute l’objet de pressions durables à la baisse, et nous observerons vraisemblablement également une forte
demande de matières premières et de biens d’équipement, à mesure des progrès de la production dans les
économies BRIC. Cet état de fait maintiendra le contexte de faiblesse de l’inflation et des taux d’intérêt,
accompagnée d’une abondance de liquidités. Cependant, contrairement aux périodes précédentes de faible
inflation, la croissance restera probablement ferme car la progression des populations BRIC fera naître une
demande nouvelle de biens.
En termes sectoriels, les sociétés du secteur de l’énergie et des ressources seront les bénéficiaires de la
croissance de la demande de matières premières, tandis que les sociétés liées aux infrastructures et à la défense
devraient également connaître une bonne performance, à mesure que les pays gagnent en solidité économique
et cherchent à augmenter leurs dépenses de développement.
En Chine, la démographie soutiendra les sociétés des secteurs de la santé, des voyages et des produits
financiers : bientôt, la majeure partie de l’immense population du pays appartiendra à la tranche d’âge des 40
à 59 ans (contrairement à l’Inde, la population de la Chine est assez stable du fait de la politique d’enfant unique
et ne devrait donc pas connaître de forte croissance) et les nouvelles dépenses discrétionnaires seront affectées
à la santé et à l’hygiène personnelles, aux voyages et à la préparation de la vieillesse.
Il est cependant important de noter que malgré la consolidation de la puissance économique de la Chine
et l’augmentation de sa part dans la base manufacturière mondiale, la faiblesse des marges et la croissance
médiocre des bénéfices des sociétés pourraient les traduire par un attrait très inégal des actions chinoises,
qui ne sortiront pas toutes gagnantes de l’essor de cette économie.
Il est for possible que les bénéficiaires de la croissance rapide des marchés émergents soient ce qu’on appelle
les « sociétés plates-formes ». Des groupes comme Dell ou Apple aux Etats-Unis peuvent ajouter de la « valeur »
à leurs produits aux Etats-Unis ou en Europe (grâce à l’expertise au niveau du design et/ou aux compétences de
recherche et développement, par exemple), puis tirer parti de la production à bas coûts offerte dans les pays
émergents comme la Chine ou l’Inde pour fabriquer leurs produits.
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Ainsi, il ne faut pas conclure du seul fait que la tendance de la croissance chinoise ait fait la une du magazine
The Economist que les marchés ont reconnu toute l’ampleur de son impact. Le choc de l’offre mondiale a encore
du chemin à parcourir et nous ne pensons pas que le marché ait déjà intégré toutes ses implications dans
les cours.
Les opinions et prévisions présentées dans ce communiqué sont celles de Keith Wade, chef économiste de Schroder
Investment Management. Elles ne reflètent pas nécessairement les opinions de Schroder Investment Management.
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