2013-09-enregistrement_du_conseil.

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2013-09-enregistrement_du_conseil.
SOUS LA LOUPE
LE CONSEIL COMMUNAL PEUT-IL
INTERDIRE L’ENREGISTREMENT AUDIO OU
VIDÉO DES SÉANCES ?
Les séances du conseil communal sont publiques, sauf s'il est question de personnes ou si les deux tiers des
membres présents estiment que les sujets ne sont pas publics, nous enseigne la Nouvelle Loi communale. Cette
publicité ne signifie toutefois pas automatiquement que tout puisse être filmé ou enregistré et, partant,
diffusé. Si la Loi ne régit pas la matière, le conseil communal peut par contre en effet régler l’enregistrement
audio ou vidéo dans un règlement d’ordre intérieur, ou même l’interdire. De même, si cela perturbe la
séance, le pouvoir de police du bourgmestre ou du président du conseil communal leur permette toujours de
l’interdire.
1. Les séances du conseil communal sont
publiques
La Nouvelle Loi communale est claire : les séances du
conseil communal sont publiques 1.
Les dérogations à ce principe ne sont admises que dans
certains cas bien déterminés, par exemple s’il s’agit de
questions de personnes 2.
lement paiement d’une redevance qui n’excèdera pas le
prix de revient 6. Il n’y a aucune discussion sur le droit
du public et de la presse de prendre des notes durant les
séances publiques. Mais c’est plutôt l’autorisation
d’effectuer des enregistrements audio ou vidéo qui fait
l’objet d’une controverse
Une autre raison pour interdire la publicité est l’intérêt
de l’ordre public. Le conseil communal, statuant à la
majorité des deux tiers des membres présents peut, dans
l’intérêt de l’ordre public et en raison des inconvénients
graves qui résulteraient de la publicité, décider que la
séance ne sera pas publique 3. La décision doit donc être
prise avec une majorité suffisante, mais elle ne doit pas
être motivée. Cependant, les motifs – une perturbation
de l’ordre public et les inconvénients graves qui
résulteraient de la publicité – doivent être présents, sans
quoi la séance est passible d’annulation.
Lorsque le conseil communal se penche sur le projet de
budget, une modification budgétaire ou les comptes, la
délibération se fait toujours en séance publique.
La règle selon laquelle la séance à huis clos n’a lieu
qu’après la séance publique révèle également l’importance de la publicité. Les points qui doivent être traités
à huis clos viennent après tous les autres 4. Le huis
clos signifie qu’aucun public ne peut être présent 5.
Les séances publiques du conseil communal se
déroulent en présence du public qui, conformément à la
loi, doit d’ailleurs être informé des futures séances. La
presse et les habitants intéressés de la commune sont, à
leur demande et dans un délai utile, informés de l’ordre
du jour du conseil communal, moyennant éventuel-
2. La réalisation d’enregistrements audio et
vidéo n’est pas réglée
Au sens strict, l’enregistrement audio ou vidéo de la
séance du conseil communal n’est pas réglé.
L’interdiction de filmer ou d’enregistrer quand les
séances ne sont pas publiques coule de source, et
s’applique en outre aux participants eux-mêmes : même
les conseillers ne peuvent rien noter ni enregistrer
durant les séances à huis clos, afin de ne pas mettre en
péril le caractère secret de celles-ci. L’abus des
informations recueillie dans une telle séance
constituerait d’ailleurs une atteinte à la vie privée des
personnes objet des délibérations.
1 Art. 93 NLC : Les séances du conseil communal sont publiques.
2 Art. 94 NLC : La séance du conseil communal n’est pas publique lorsqu’il s’agit de questions de personnes.
Dès qu’une question de ce genre est soulevée, le président prononce immédiatement le huis clos.
3 Art. 93 NLC.
4 Art. 94 NLC.
5 Voir également Cons. d’État, Dascotte, n° 23.339, 8 juin 1983.
6 Art. 87bis NLC.
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SOUS LA LOUPE
Mais même dans les autres cas, la publicité ne signifie
pas nécessairement que tout puisse être enregistré :
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les enregistrements audio ou vidéo ne peuvent pas
perturber la séance, quand bien même ces captations
seraient réglementées 7 . C’est au président du
conseil communal, chargé de maintenir l’ordre
public, qu’il revient, après un avertissement
préalable, faire expulser de la salle des personnes qui
perturbent le déroulement de la séance.
Selon une question parlementaire de 1989, une
interdiction générale est même possible 8 en vertu du
règlement d’ordre intérieur approuvé par le conseil
communal.
Si la liberté d’expression et la liberté de la presse sont
garanties par la Constitution, elles ne sont cependant
pas mises en péril par l’instauration d’une interdiction
d’enregistrement, car les journalistes ont toujours la
possibilité d’assister aux séances et d’en faire un compterendu.
3. Le conseil communal approuve son
règlement d’ordre intérieur
En vertu de ses pouvoirs, le conseil communal peut
approuver un règlement d’ordre intérieur réglementant
ou même interdisant l’enregistrement audio ou vidéo.
Dans ce cadre, il pourrait établir une distinction entre
les journalistes professionnels et le reste du public,
accordant par exemple aux premiers des facilités
particulières tel l’aménagement d’une tribune de presse
ou leur demandant, en contrepartie, de s’identifier.
La Nouvelle Loi communale ne comprenant pas
d’interdiction de principe, tout dépend donc du
règlement d’ordre intérieur, lequel est donc susceptible
de contenir des mesures supplémentaires, comme les
modalités, une autorisation préalable ou des restrictions
à l’utilisation du matériel enregistré. Le règlement
d’ordre intérieur doit en tout cas être rédigé de manière
à exclure les abus ou tout risque de violation du secret
des délibérations, pour les cas ainsi ordonnéspar la loi 9.
Si rien n’est réglé dans le règlement d’ordre intérieur ou
s’il celui-ci n’interdit pas les enregistrements, toute
personne qui assiste aux débats peut en principe utiliser
des appareils pour la captation, dans la mesure où l’ordre
public n’est pas perturbé 10.
Notons qu’un enregistrement ne suffit pas à prouver la
tenue de certains propos par un conseiller, étant donné
que le matériel enregistré est susceptible de
manipulations ultérieures 11.
4. L’enregistrement vidéo est également lié au
droit à l’image
Développé dans la jurisprudence et la doctrine 12, le
droit à l’image est le droit général à la personnalité qui
garantit l’inviolabilité de l’image de la personne. Il
revient à chaque personne de décider de la production et
de l’utilisation de la représentation de son image 13. En
outre, l’autorisation de prendre des photos ou
d’enregistrer des images n’implique pas directement
l’autorisation de les publier ou de les diffuser. Ces
autorisations sont distinctes et doivent être obtenues
séparément.
L’autorisation de photographier ou filmer des personnes
publiques, comme les politiciens, est présumée à
condition que ces images soient prises durant
l’exécution de leur activité. Une personne publique ne
pourra en principe alors pas s’opposer à la publication
de sa photo, sauf si elle est utilisée pour nuire à son
honneur ou à sa réputation 14.
Par conséquent, lorsque l’on filme ou que l’on photographie durant la séance, il convient d’établir une
distinction entre les mandataires et les autres personnes
présentes, puisque ces dernières n’ont pas donné
d’autorisation concernant leur image.
5. De bons accords
Autoriser, réglementer ou même interdire l’enregistrement vidéo relève de l’autonomie communale. Il vaut
mieux établir un règlement plutôt que de juger au cas
par cas à chaque fois que la question se pose. Cela
permet également d’éviter une discussion ad hoc à
propos de la publicité de la séance du conseil
communal.
S’il apparaît que les enregistrements constituent une
faute au sens de l’article 1382 du Code civil, les
personnes concernées sont toujours libres de demander
des dommages-intérêts.
Hildegard Schmidt
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Q&R, Sénat, 1988-1989, Question n° 29, 2 mai 1989 (Janszegers).
ibid.
Q&R, Chambre, 1990, Question n° 29, 11 avril 1990 (Knoops).
Q&R, Sénat, 1987, Question n° 52, 14 septembre 1987 (Maes-Vanrobaeys).
Q&R, Chambre, 1990, Question n° 29, 11 avril 1990 (Knoops).
Il trouve son origine dans l’art. 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et
l’art. 22 de la Constitution.
13 Commission de la protection de la vie privée, Recommandation n° 2/2007 du 28 novembre 2007, p. 4.
14 T. Anvers, 23 juin 2005, NjW, 2005, 987.
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