lettre d`information juridique - Bretagne Vivante

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lettre d`information juridique - Bretagne Vivante
LETTRE D'INFORMATION
JURIDIQUE
L'ACTUALITÉ JURIDIQUE DE
ÉDITION N°6 - ÉTÉ 2012
Des nouvelles procédures
et plaintes
L’actualité juridique de Bretagne Vivante a été marquée
par de nouvelles actions :
• Recours contre la révision simplifiée du plan local
d’urbanisme de Brest métropole océane et le permis de
construire permettant la réalisation du centre de
formation du Stade Brestois 29.
• Plainte pour une pollution par hydrocarbures des eaux
marines suite à une négligence à Pléneuf Val André (22).
• Intervention de Bretagne Vivante aux côtés des
associations contestant l’autorisation d’occuper le
domaine public maritime par un parking à Cherrueix (35)
– voir supra.
• Intervention de Bretagne Vivante aux côtés des
associations ligériennes dans l’enquête publique relative
au dossier loi sur l’eau de l’aéroport Notre Dame des
Landes.
• Dépôt de plainte contre le remblaiement d’une zone
humide à Guenrouet (44).
• Dépôt d’une plainte pour la destruction de Goélands à
Loctudy (29).
• Envoi d’un recours contentieux contre l’autorisation de
dérogation à la protection d’asphodèles d’Arrondeau à
Larmor Plage, suite au rejet par le Préfet de notre
recours gracieux.
Interventions de l’association
dans des affaires en cours
Certaines échéances aboutiront à une décision dans
peu de temps dans les dossiers suivants :
• Examen de notre réclamation auprès du jury de
déontologie publicitaire pour demander à retirer une
publicité vantant les effets positifs de la pratique du jet
ski sur l’environnement (recours commun avec FNE
Pays de la Loire et FNE).
• Constitution de partie civile de Bretagne Vivante dans
l’affaire de la pollution du ruisseau Guillec (29) –
audience reportée en octobre.
• Examen de notre recours auprès de la commission
nationale d’aménagement commercial pour demander
l’annulation de l’autorisation d’exploitation d’un centre
commercial à St Anne sur Brivet (44).
Les dernières décisions
La contestation d’un refus de communication
d’un dossier pénal : Cléder, zone humide des
Palujous.
Dans l’affaire du remblaiement d’une zone humide à
Cléder, effectuée par le Maire de la commune, nous
avions appris en janvier 2012 que le dossier avait été
classé sans suite. Etant plaignant dans l’affaire, nous
avons mis en œuvre notre droit à obtenir communication
des pièces pénales du dossier.
Le Procureur général de Brest nous avait refusé la
communication de ce dossier au motif qu’il avait été
détruit par ses services.
Cette destruction étant manifestement illicite, nous en
avons rapporté au Ministère de la Justice.
Le ministère de la justice a imposé au Procureur de la
république de « reconstituer » le dossier pénal, chose qui
a été faite. Nous avons ainsi obtenu fin juillet 2012 un
document que nous avions réclamé et qui nous était
communicable de droit depuis janvier 2012.
Le dossier étant marqué par la prescription de l’action
publique en matière de répression pénale, nous
cherchons aujourd’hui à faire valoir nos droits par deux
procédures : une assignation civile du responsable des
dégâts et une mise en demeure au Préfet de remettre en
état la zone détruite.
Echec du référé dans l’affaire des boues de
dragage de Loctudy
Par un arrêt non motivé en date du 30 juillet 2012, le juge
des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté le
recours commun de Bretagne Vivante, FNE, ERB et du
Comité régional des pêches demandant la suspension de
l’autorisation de draguer les ports de Loctudy et Lesconil
puis de claper les boues dans un site Natura 2000.
Cet échec est plutôt décevant, mais il nous reste des
arguments à faire valoir sur le fond du dossier :
insuffisances de l’évaluation d’incidence Natura 2000 et
absence de prise en compte des solutions de gestion à
terre des déchets notamment.
Nous envisageons aussi de déposer une plainte
commune auprès de la commission européenne.
En attendant la décision sur le fond, les opérations de
dragage / clapage vont pouvoir commencer à Loctudy.
Le référé dans l’affaire de l’autorisation d’un
parking sur le domaine public maritime de
Cherrueix
Bretagne Vivante avait envoyé un recours gracieux
contre un arrêté du Préfet du Finistère qui autorisait
l’occupation du domaine public maritime de Cherrueix à
usage de parking de 65 places (situé dans la baie du
Mont Saint Michel). Cette autorisation située dans un
site Natura 2000 était choquante. Une autre association
a décidé d’envoyer directement un recours contentieux
assorti d’une demande de suspension, qui a été
accueillie positivement par le juge administratif des
référés de Rennes (ordonnance du 3 juillet 2012). Il avait
retenu le moyen selon lequel cette autorisation ne
respectait pas la loi littoral en permettant l’installation
d’un aménagement ni indispensable, ni léger, ni sans
alternative.
Le préfet ayant rejeté, de manière implicite, le recours
gracieux de Bretagne Vivante, l’association va se joindre
au recours demandant l’annulation au fond de l’arrêté
préfectoral.
Infos juridiques et actualité
réglementaire
Les dérogations à la protection des espèces
faunistiques et floristiques non domestiques
Le régime juridique de la protection des espèces
animales non domestiques et des espèces végétales non
habituellement cultivées est défini à l’article L. 411-1 du
Code de l’environnement, qui est directement inspiré des
directives dites « Oiseaux » (2009/147/CE) et « Habitats
faune - flore » de l’Union Européenne (92/43/CEE).
Une liste d’interdictions qui visent à protéger ces
espèces figure dans l’article L. 411-1, qui sont ensuite
reprises dans des arrêtés souvent pris par taxon, qui
précisent quelles espèces sont concernées, pour
quelles protections.
Il faut noter que dans la définition des espèces
protégées, la France est liée aux annexes des deux
directives oiseaux et habitats, qui listent des espèces
que les Etats membres sont obligés de protéger.
La méconnaissance des interdictions de l’article L. 411-1
et ses arrêtés d’application est pénalement réprimée par
l’article L. 415-3 du Code de l’environnement. Toute
association agréée protection de l’environnement, telle
que Bretagne Vivante, peut se porter partie civile ou
porter plainte pour la méconnaissance de ces
interdictions.
Toutefois, les directives habitats et oiseaux ont prévu
une possibilité de dérogation à ces protections (article 9
de la directive oiseaux et article 16 de la directive
habitats), en ces termes :
« À condition qu'il n'existe pas une autre solution
satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au
maintien, dans un état de conservation favorable, des
populations des espèces concernées dans leur aire de
répartition naturelle, les États membres peuvent déroger
aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l'article 15
points a) et b):
a) dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore
sauvages et de la conservation des habitats naturels;
b) pour prévenir des dommages importants notamment
aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux
eaux et à d'autres formes de propriété;
c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou
pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur,
y compris de nature sociale ou économique, et pour des
motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques
primordiales pour l'environnement;
d) à des fins de recherche et d'éducation, de
repeuplement et de réintroduction de ces espèces et
pour des opérations de reproduction nécessaires à ces
fins, y compris la propagation artificielle des plantes;
e) pour permettre, dans des conditions strictement
contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure
limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et
spécifié par les autorités nationales compétentes de
certains spécimens des espèces figurant à l'annexe IV. »
Cet article a été repris presque mot pour mot à l’article L.
411-2 4° du Code de l’environnement.
Le régime juridique français prévoit qu’il faut obtenir une
autorisation dérogatoire individuelle motivée par un des
cinq motifs ci-dessus mentionné.
La pratique pose cependant des difficultés :
• La mauvaise connaissance de cette législation aboutit à
ce que certains porteurs de projets « oublient » de
demander de telles dérogations. Dans ce cas, les
porteurs de projet sont soumis aux sanctions pénales de
l’article L. 415-3 du Code de l’environnement (1 an
d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).
Lorsqu’on a connaissance d’un tel risque de
méconnaissance, il est souhaitable d’envoyer un courrier
recommandé au porteur du projet préalablement à ses
opérations portant atteinte à des espèces protégées, de
telle manière à pouvoir par la suite, si le porteur de projet
continue son opération, qualifier le caractère intentionnel
du délit réprimé par l’article L. 415-3, ou au mieux, le
dissuader d’agir.
• L’administration est embêtée avec l’interprétation
qu’elle doit faire de la notion de « raison impérative
d’intérêt public majeur » du c). Cette notion issue du droit
de l’Union Européenne ne connait pas d’équivalent en
France. Dès lors, l’administration a tendance à l’assimiler
aux notions qu’elle connait : l’intérêt général ou l’utilité
publique. Mais la notion européenne est bien plus
restrictive que celles connues de l’administration
française. Bretagne Vivante a ainsi été amenée à faire
un recours contre une autorisation de dérogation qui
visait la raison impérative d’intérêt public majeur d’un
projet immobilier.
L’actualité réglementaire a quant à elle porté sur le b)
(notion de « dommages importants causés aux cultures
et autres »).
C’est en effet sur cette base que repose l’ensemble de la
réglementation sur les espèces classées nuisibles, et
notamment l’arrêté en date du 2 août 2012 qui fixe une
nouvelle liste, par départements, d’espèces pouvant être
classées nuisibles.
Pour chaque espèce classée nuisible, il doit pouvoir être
justifié de manière précise des dégâts pouvant être
causés aux cultures, sans quoi l’arrêté est illégal.
L’association ASPAS a par exemple fait annuler depuis
plusieurs années de nombreux arrêtés qui ne motivaient
pas suffisamment le classement de certains animaux
dans les listes des nuisibles.
Un projet d’arrêté qui était soumis à consultation
publique au mois d’août pose lui aussi beaucoup de
question concernant sa conformité à l’article 16 de la
directive habitats.
L’arrêté vise à remplacer l’exonération de protection des
espèces végétales des opérations d’exploitation
courante des parcelles habituellement cultivées par une
formule très large :
« opérations d'exploitation et de gestion courantes sur les
parcelles habituellement cultivées, utilisées ou
habituellement exploitées à des fins agricoles, sylvicoles,
piscicoles, conchylicoles, salicoles, cynégétiques ou à
des fins de maintien de la sécurité des biens et des
personnes à condition que cela n'entraîne pas de
modifications notables des habitats de l’espèce. ».
Une des questions que se posent les juristes de plusieurs
associations de protection de l’environnement est que,
partant du fait que cette nouvelle exonération pour les
espèces végétales est une exonération pour des motifs
non prévus par l’article 16 de la directive européenne, ni
l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, est-t-il
possible par voie d’arrêté ministériel de rajouter une telle
dérogation qui a un caractère général ?
Un tel projet, au-delà de la question purement juridique
qui est posée, a été estimé par France Nature
Environnement comme un danger car induisant une
exonération générale beaucoup trop large et imprécise
pour permettre une protection efficace de la biodiversité
végétale.
CONTACT
Romain Écorchard
Juriste de Bretagne Vivante
[email protected]
186 rue Anatole France - BP 63121
29231 BREST cedex 3
tél : 02 98 49 95 84
fax : 02 98 49 95 80
www.bretagne-vivante.org
RAPPEL : la prochaine réunion
du groupe juridique aura lieu le
samedi 20 octobre de 9h30 à
12h30 à Lorient.

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