Qualification des situations - Droit international humanitaire
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Qualification des situations - Droit international humanitaire
Service DIH DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE FICHE 5.4 QUALIFICATION De nombreux acteurs politiques, institutionnels et juridictionnels peuvent qualifier une situation ou un fait précis en infraction tant au niveau international que national. Chacune de ces qualifications a une valeur spécifique qui dépend de l’auteur et de la précision de celle-ci. Une qualification peut avoir : - soit une valeur politique, - soit une valeur symbolique, - soit une valeur juridique. La valeur attribuée à la qualification détermine son éventuel caractère contraignant, étant entendu que seule la qualification juridique peut contraindre les personnes concernées par la qualification. Il faut toutefois souligner qu’il n’existe pas d’autorité internationale suprême ayant le pouvoir d’imposer une qualification juridique uniforme à tous les acteurs en droit international. Valeur des qualifications en fonction de leur auteur Les Etats Les Etats peuvent qualifier une situation lors d’une déclaration politique ou d’un communiqué de presse officiel. Cette qualification n’a cependant qu’une valeur politique et n’est donc pas contraignante. Les institutions internationales De même, les institutions internationales peuvent émettre un avis sur un fait ou une situation et qualifier celui-ci ou celle-ci. Au niveau des Nations unies, chaque organe peut établir une qualification : le Secrétaire général des Nations unies (SG) lorsqu’il condamne tel fait, le Conseil de sécurité (CS) lorsqu’il prend une résolution sanctionnant tel ou tel acte d’un Etat ou tel ou tel fait dans une situation particulière, une Commission établie par l’ONU pour enquêter sur une situation lorsqu’elle rend un rapport final qui détermine les infractions commises. Dans le même ordre d’idées, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), lorsqu’il décide exceptionnellement de dénoncer publiquement des faits qu’il estime être des violations du droit existant, qualifie ces faits et détermine quelles règles ont été violées. Cette dénonciation ne se fait que très exceptionnellement, quand la situation est bloquée, que le CICR a épuisé toutes les autres formes de négociation possible et qu’il estime qu’une telle dénonciation est dans l’intérêt des victimes. Par exemple, en 2007, le CICR a décidé de dénoncer la situation au Myanmar en pointant du doigt les violations du droit international humanitaire commises à l'encontre des civils et des détenus par le gouvernement du Myanmar et a exigé que le gouvernement prenne des mesures urgentes pour mettre fin à ces violations et empêcher qu'elles se reproduisent1. La qualification effectuée par ces institutions internationales n’a, en règle générale, qu’une valeur politique. Elle n’est donc pas contraignante. Cependant, en ce qui concerne les actes des institutions des Nations unies, les termes employés et le fondement de la décision qui qualifie un fait ou une situation, peuvent attribuer à cette qualification une valeur juridique contraignante. Une résolution du CS peut effectivement avoir un effet obligatoire et s’imposer à tous les Etats sur base de l’article 25 de la Charte des Nations Unies qui impose aux Etats membres l’acceptation et le respect des décisions du CS. En pratique, il faut analyser très précisément les termes employés dans la résolution et les dispositions de la Charte des Nations unies que le CS invoque pour justifier cette résolution. Lorsque le contenu d’une résolution est exprimé dans des termes clairs et contraignants, par exemple sur base du chapitre VII de la Charte (qui lui permet de prendre des sanctions à l’égard de l’Etat concerné s’il ne respecte pas la 1 http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/myanmar-news-290607?opendocument Dossier thématique - Justices pénale et transitionnelle / Qualification – V 01.06.2011 1 Service DIH DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE résolution), cette résolution pourra être considérée comme obligatoire pour tous les Etats. Par exemple, dans sa résolution 1483, le CS a décidé de qualifier la situation de l’Irak à partir de 2003, de situation d’occupation, qualification qui s’est imposée à tous les Etats2. Le même raisonnement vaut pour les actes de l’Assemblée générale des Nations unies : ceux-ci nécessitent donc une analyse au cas par cas des termes utilisés. Les Cours et Tribunaux internationaux et nationaux Les juges saisis d’une affaire se doivent de qualifier les faits avant de pouvoir décider si la personne devant eux en est responsable. Cette qualification effectuée par les Cours et Tribunaux, tant nationaux qu’internationaux, a une valeur juridique et donc contraignante. Toutefois, la décision d’une juridiction nationale qualifiant juridiquement un fait ne s’impose pas automatiquement vis-à-vis des juridictions nationales siégeant dans les autres pays. De plus, le caractère contraignant d’une qualification est conditionné par le destinataire de l’arrêt rendu. Si l’arrêt est rendu « inter partes », la qualification n’est valable que vis-à-vis des personnes impliquées dans l’affaire. Les médias En général, les médias sont les premiers à qualifier un fait ou une situation lorsqu’ils couvrent le sujet. Cette qualification n’a cependant qu’une valeur symbolique et n’est donc pas contraignante. Les représentants politiques Les représentants politiques n’hésitent pas non plus à prendre position sur tel ou tel sujet et à qualifier le fait concerné en infraction. Cette qualification n’a qu’une valeur politique non contraignante. La société civile La société civile par le biais des associations qui travaillent sur le terrain, dénonce très souvent des actes ou des comportements de tel ou tel Etat ou tel ou tel groupe armé. En mettant en exergue les violations commises, ils qualifient également les faits. La qualification effectuée par la société civile n’a qu’une valeur symbolique. Elle n’est donc pas contraignante. Bibliographie : - - 2 E. David, « Droit des gens », tome 1 (syllabus), p.37 et s. (n°2.1 et s.) – définition et valeur des règles juridiques internationales ; p.207 et s. (n°5.17 et s.) – valeur des actes des institutions internationales ; p.215 et s. (n°6 et s.) – valeur des décisions juridictionnelles internationales Démarches du CICR en cas de violation du DIH : http://www.icrc.org/fre/demarches-dihviolations http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1483%20(2003) Dossier thématique - Justices pénale et transitionnelle / Qualification – V 01.06.2011 2