Comment optimiser la rentabilité des services

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Comment optimiser la rentabilité des services
Comment optimiser la
rentabilité des services
D’après un entretien avec Wolfgang Ulaga et son article “How to Sell Services More Profitably”*
(Harvard Business Review, 2008).
De nombreuses entreprises industrielles occidentales sur le marché des commodités connaissent
une forte concurrence les obligeant à la différenciation. Se tourner vers les services liés aux produits et les solutions pourrait passer pour un réflexe
purement défensif. Or, selon Wolfgang Ulaga, ces
activités à forte valeur ajoutée constituent un axe
de croissance à développer. Les services sont aussi
un moyen extraordinaire de faire du “customer
lock-in”, de mettre le pied chez un client et devenir de plus en plus présent, à la manière d’un
cheval de Troie, selon ses termes. Mais à côté des
success story, cinq entreprises peinent à faire décoller leur chiffre d’affaires ou leurs marges. Pour le
professeur d’HEC Paris, se lancer dans les services ne s’improvise pas : changement radical aux
exigences totalement nouvelles, il impose des
savoir-faire à acquérir que ces industriels n’ont
pas forcément. Wolfgang Ulaga a ainsi déterminé
les quatre étapes clés, nécessaires à la rentabilité
des services.
ÊTES VOUS DÉJÀ UNE ENTREPRISE
DE SERVICES ?
“Ce qui est frappant, c’est que de nombreuses
entreprises offrent déjà des services sans en tirer
bénéfice”, explique Wolfgang Ulaga. Vendre une
machine implique de pouvoir l’installer ou savoir
la réparer. Voici donc un potentiel énorme, immédiat et non exploité. L’entreprise doit avant tout réaliser son propre diagnostic : quels services
offrons-nous déjà ? Un audit est bien souvent
le préalable requis dans deux dimensions : les
différents pays d’implantation comme les différentes divisions. L’idéal est d’attribuer cette tâche
à un cadre senior qui saura piloter la transformation du free-to-fee, autrement dit transformer des
prestations délivrées gratuitement en source de
profit. C’est ce qu’a fait Air Liquide au milieu des
années 90, en louant à ses clients les cylindres
contenant du gaz entre 5 à 7 euros par mois –
générant ainsi des centaines de millions d’euros
annuels.
INDUSTRIALISER LE BACK OFFICE
Quels sont les coûts visibles et les coûts cachés
dans les services production et prestation ? La
deuxième étape consiste à identifier ces coûts afin
de différencier les services les plus rentables et
ceux qui font perdre de l’argent. Wolfgang Ulaga a
mis en exergue des entreprises qui, fortes d’une
offre de service pointue, font du sur mesure à
outrance, très onéreux et peu profitable in fine.
“Un équilibre doit être établi entre la personnalisation de l’offre de services et sa standardisation”,
dit-il. Au programme, la mise en place de platesformes de services flexibles et l’exploitation de nouvelles technologies stimulant l’innovation. Exemple
de service intelligent, SKF, le leader mondial des
roulements à billes, a installé un outil de surveillance sur Internet qui prévient des failles potentielles dans les machines des clients.
BIOGRAPHIE
Professeur Associé à HEC
Paris, Wolfgang Ulaga
enseigne le Marketing
Management et le
Marketing Businessto-Business. Il
intervient également
auprès de sociétés
dans les programmes
d’Executive Education
sur des sujets liés au
marketing B to B.
Avant de commencer
sa carrière d’enseignant,
il a travaillé à Francfort
et à Paris en tant que
consultant pour DML &
Associés, un cabinet de
conseil en management
international.
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Alors que certaines entreprises industrielles font aujourd’hui 50 % de leur
chiffre d’affaires grâce aux services, d’autres connaissent des difficultés
ou même des échecs retentissants en s’engageant dans cette voie. Wolfgang
Ulaga a identifié un processus en quatre étapes qui garantit aux entreprises
la rentabilité de leurs services, résultat de trois ans d’études de cas.
juin-juillet 2008
• recherche@hec V
hec
CRÉER UNE FORCE DE VENTE QUI SACHE
PROPOSER DES SERVICES
Une force de vente rompue aux métiers de son
entreprise peut incorporer des services simples
dans son approche traditionnelle de vente de produits ; mais si l’entreprise se tourne vers des services plus complexes à forte valeur ajoutée, la force
de vente n’est plus adaptée. Ces nouveaux services
requièrent souvent des cycles de vente plus longs.
Par ailleurs, il n’est pas rare que la force de vente
doive cibler des interlocuteurs plus élevés dans la
hiérarchie de ses clients. Dans cette situation, la
force de vente produits n’a ni le bon profil, ni la
bonne formation, ni le bon système de motivation
– elle est même souvent hostile au changement !
Les solutions ? Une formation intensive, des
embauches, une restructuration de la force de
vente afin de dédier aux services sophistiqués des
compétences qui sachent exploiter durablement
la relation client. Certaines entreprises étudiées
ont remplacé 80 % de leurs vendeurs ! Des
spécialistes ont souvent dû être embauchés –
ingénieurs agros pour certains services liés à
l’agroalimentaire développés par Air Liquide,
par exemple.
z MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Frappé par la diversité des messages de firmes sur la rentabilité de leurs services, Wolfgang Ulaga s’est intéressé à leur
développement au sein d’entreprises industrielles de 2006
à 2008. La première étape de sa recherche a consisté en une
étude pilote d’un groupe industriel, dont il a rencontré les
managers responsables des services dans différentes
divisions et différents pays. Puis il a mené son enquête au
sein d’une vingtaine de groupes industriels leaders dans
leur domaine, en menant des entretiens avec des directeurs
généraux, membres de comités de direction, directeurs de
la stratégie et directeurs vente ou marketing.
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recherche@hec
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juin-juillet 2008
SE CONCENTRER SUR LES OPÉRATIONS
DES CLIENTS
Cette dernière étape concerne la vente de solutions complexes. Lorsqu’une entreprise va brancher des bouteilles de gaz chez un client industriel,
elle n’a pas besoin d’une connaissance approfondie des opérations et des structures chez ce
dernier. Cela n’est plus vrai lorsque les solutions
proposées exigent de considérer les problèmes du
client de manière holistique. Durant ce processus,
les entreprises se rendent rapidement compte de
la nécessité d’acquérir de nouvelles expertises, en
interne ou par acquisition externe. Ainsi le spécialiste d’enduit industriel PPG a dû apprendre le fonctionnement des robots de peinture avant de reprendre
le processus de peinture des véhicules du Paint
Shop de Fiat à Turin.
CONCLUSION : UN AXE DE CROISSANCE
À PRIVILÉGIER
Ce processus en quatre étapes permet de ne pas
laisser de plumes dans l’optimisation de la vente
des services. “Il y a ici un réel intérêt stratégique,
estime le chercheur ; les services sont devenus
depuis quelques années, surtout en Europe, un
axe majeur de croissance pour de nombreux groupes
industriels”. Thyssenkrupp, sur le point d’abandonner les services au début des années 2000, a
fait un revirement considérable en faisant de ces
derniers un fer de lance de sa stratégie ; ThyssenKrupp Services AG est aujourd’hui l’une des
divisions les plus rentables du groupe.
Après cette étude qualitative, Wolfgang Ulaga se
lance maintenant dans une étude de benchmarking des meilleures pratiques auprès de 300 managers en charge des service et solutions dans le
secteur industriel, étude financée par la Fondation
HEC. Les résultats de cette enquête sont attendus
pour fin 2008.
* Werner Reinartz et Wolfgang Ulaga, “How to Sell Services
More Profitably”, Harvard Business Review, 2008.
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