cameroun/branle-bas à etoudi:ce que cache la précipitation des

Transcription

cameroun/branle-bas à etoudi:ce que cache la précipitation des
CAMEROUN/BRANLE-BAS À ETOUDI:CE QUE CACHE LA PRÉCIPITATION DES SÉNATORIALES
Écrit par camer.be
Jeudi, 14 Mars 2013 18:35
Pendant 17 ans, Paul Biya s’est obstinément opposé à la mise sur pied du Sénat. Voilà que
subitement, de retour d’un voyage en France où sa capacité à continuer à diriger le Cameroun
a été mise sur la sellette, il organise précipitamment les sénatoriales. Comme s’il y avait le feu.
Que lui arrive-t-il ? Que redoute-t-il ?C’est depuis la constitution du 18 janvier 1996 que les
Camerounais attendent la mise sur pied du Sénat. L’opposition, pendant 17 ans, l’a réclamée à
cors et à cri, en vain. Impuissante, elle s’était résolue au silence, attendant qu’un jour, Paul
Biya, dieu du temps et maître absolu du calendrier politique du pays, veuille bien se décider à
organiser enfin les sénatoriales.A priori, rien ne l’obligeait à les organiser. Lui qui a toujours pris
son temps, qui n’a jamais dirigé le Cameroun qu’à son rythme, rien qu’à son rythme. Arrivé au
pouvoir en 1982, il a entretenu le monolithisme hérité d’Amadou Ahidjo pendant 8 bonnes
années, avant d’autoriser en 1990, sous la pression de la rue, le multipartisme, puis 10 ans
pour organiser les premières élections pluralistes en 1992. Il a d’ailleurs dû tenir pendant deux
rudes années entre 1990 et 1992 alors même que la rue avait bloqué le pays en revendication
de la démocratie.
Comme le dit à juste titre Marafa Hamidou Yaya, chaque fois qu’il a
fallu prendre des risques pour faire rentrer le Cameroun dans la modernité, Paul Biya a choisi le
statu quo, au nom d’une hypothétique paix sociale. Le philosophe et non moins militant du Rdpc
Ebénézer Njoh Mouelle, ne disait pas autre chose quand il affirmait dès 1990 que la vitesse de
Paul Biya était la vitesse de la tortue, par opposition à la vitesse du lièvre. Il le disait pour
justifier la lenteur prise par Paul Biya à instaurer le multipartisme.Avant d’aller en France, il avait
engagé le Cameroun dans un processus biométrique qui, croyait-on, apporterait plus de
transparence et donc plus de crédibilité aux élections futures. De fait, l’inscription biométrique
est un aveu du président de la République lui-même de l’absence de sincérité des différents
scrutins qu’il a organisés jusqu’ici. Car il faut dire que depuis le retour du multipartisme, tous les
scrutins qu’il a organisés ont été querellés. Il n’y a pas jusqu’à la cour suprême, officiant en
qualité de cour constitutionnelle, qui n’ait reconnu des irrégularités aux différentes élections,
même si malgré tout, elle a toujours invariablement proclamé les résultats en faveur du
Rdpc.On avait alors pensé que, subitement piqué par le virus de la vertu politique, Paul Biya
avait enfin décidé de laisser une chance à la vraie démocratie dans notre pays. De sorte que
les prochains scrutins seraient le résultat d’un processus moderne maîtrisé par le recours à la
biométrie. L’opposition s’était d’ailleurs prise à rêver, exigeant même que les prochaines
municipales et législatives soient organisées avant les sénatoriales dont elle ignorait si Paul
Biya les organiserait un jour. Sur le principe, l’opposition et toute personne éprise de
démocratie, avaient raison, car les conseillers municipaux et les députés sont issus de l’ancien
système où la fraude était reine.Comparativement par exemple au crédit que l’on prêtait au
système biométrique, bien que les dispositions prises pour sa mise en place soient
anecdotiques, ceux-ci manquaient de légitimité. Ils sont d’autant plus illégitimes que leurs
mandats respectifs étaient à leurs termes depuis juillet 2012. Ils sont encore en poste grâce à
1/4
CAMEROUN/BRANLE-BAS À ETOUDI:CE QUE CACHE LA PRÉCIPITATION DES SÉNATORIALES
Écrit par camer.be
Jeudi, 14 Mars 2013 18:35
un décret présidentiel, certes légal, mais on ne peut s’empêcher de penser que depuis leur
élection, le paysage politique était en pleine recomposition.Ce qui fait que la situation réelle de
la recomposition du paysage politique ne peut être mesurée qu’à travers de nouvelles élections
municipales et législatives. Bien plus, les conseillers municipaux, électeurs des sénateurs,
devraient être irréprochables pour un scrutin véritablement du Renouveau. Afin de tourner le
dos au trafic habituel des élections dans notre pays. On peut constater que c’est raté pour cette
fois-ci.La tortue qui allait aussi vite que le lièvreComme toujours, à l’annonce des sénatoriales,
l’opposition s’est montrée outrée, s’est accrochée aux branches, pleurnichant partout, comme
elle en est passée experte, parce que, soi-disant prise au dépourvu. Pourtant, depuis 17 ans,
elle attend les sénatoriales. Pourtant, depuis l’ouverture au multipartisme, elle a rarement eu
son mot à dire, en particulier pour ce qui est du calendrier électoral. Elle a toujours attendu,
sage comme un enfant, que le président du Rdpc et président de la République, veuille bien
convoquer le corps électoral au moment qu’il juge opportun pour son parti Etat qui, du reste, a
verrouillé tous les rouages du jeu démocratique.On aurait pu penser naïvement qu’une
opposition, habituée au fait accompli, serait prête à temps et à contretemps pour une fois, et
prendrait de revers le Rdpc. John Fru Ndi, son leader, champion de la pirouette et de la folle
surenchère, ne l’a nullement aidée avec ses atermoiements incessants et son hypocrisie à
toute épreuve.Avec une opposition faire-valoir, tatillonne et incapable, Paul Biya avaitiln besoin
de précipiter les sénatoriales comme si la République était subitement en danger sans le Sénat
? Il a bien attendu 17 ans. Pourquoi n’attendraitil pas davantage ? Que lui est-il arrivé pendant
son séjour français ? Est-ce le fait qu’à Paris, les journalistes se sont préoccupés de sa
capacité à diriger le Cameroun plutôt qu’aux véritables opportunitésd’affaires qu’offre notre
pays.Il faut préciser qu’officiellement, Paul Biya était allé en France «vendre» le Cameroun aux
hommes d’affaires français afin d’attirer leurs investissements dans notre pays. Très
curieusement, les préoccupations des Français n’ont pas porté sur le climat des affaires,
notamment la corruption ou la justice soupçonnée d’affairisme. Même son code des
investissements qu’il a tenté de vendre n’a pas attiré outre mesurel’attention des journalistes.Au
contraire, on lui a demandé sans pudeur et sans aucun égard dû à son rang s’il n’était pas
fatigué ! Et lui de répondre : «Ai-je l’air si fatigué ?» Avant d’ajouter que «personne n’est
éternel». Cette attitude des journalistes français se préoccupant plutôt de la retraite de Paul
Biya que de son projet très sérieux de faire affaire avec les hommes d’affaires français
trahit-elle l’idée que François Hollande se fait du chef de l’Etat camerounais dont on sait qu’il ne
le porte pas particulièrement dans son coeur, au moins autant que son prédécesseur ? On est
tenté de croire que oui.Même si les dirigeants français, depuis Nicolas Sarkozy qui a succédé
en 2007 au compère du président camerounais Jacques Chirac, boudent Paul Biya, ils
n’ignorent pas le rôle du Cameroun dans leur pré-carré en Afrique centrale.Au nom des intérêts
français d’Afrique centraleD’accord, Paul Biya a su préserver jusqu’ici les intérêts français,
copinant sans vergogne avec Bolloré ou les Corses du Pmuc au détriment du Cameroun. Mais
sa vision politique inquiète la France. Quand celle-ci voit les dégâts sur son image et ses
intérêts économiques causés par son intervention en Côte d’Ivoire pour renverser Gbagbo et
introniser Ouattara ; quand elle voit la Rca en lambeaux, compromettant les intérêts de ses
ressortissants ou le Tchad dans un équilibre instable, elle craint naturellement que le Cameroun
finisse par basculer lui aussi dans l’instabilité.Si le Cameroun, leader économique de la
sous-région, se met à tousser, c’est tout le pré-carré français de l’Afrique centrale qui
s’enfiévrait. Vu de la France, Paul Biya se fait vieux. Et sans doute en savent-ils plus long sur
son état de santé, puisque c’est toujours dans les cliniques occidentales qu’il se fait suivre. Il
2/4
CAMEROUN/BRANLE-BAS À ETOUDI:CE QUE CACHE LA PRÉCIPITATION DES SÉNATORIALES
Écrit par camer.be
Jeudi, 14 Mars 2013 18:35
n’est pas exclu que, solidaires comme le sont les Occidentaux, ses bulletins de santé qui, a
priori devraient relever du secret d’Etat, aient circulé. En tout cas, la perspective de vacance de
pouvoir à Yaoundé est de plus en plus ouvertement abordée dans les chancelleries
occidentales.Ici et là, on piaffe d’impatience de voir Paul Biya régler sa succession. On se
souvient qu’en 2004, le Cameroun avait, l’espace d’un weekend, connu une frayeur qui n’a pas
laissé les Occidentaux indifférents, frayeur consécutive à un ballon d’essai que Paul Biya avait
orchestré sur sa disparition, afin de mesurer sa côte d’amour auprès de ses compatriotes. Tout
le monde avait bien vu que la sérénité était loin de régner. C’était la panique aussi bien à
l’intérieur qu’à l’extérieur du Cameroun. Constitutionnellement, il devait y avoir vacance de
pouvoir sans possibilité réelle d’y remédier puisqu’il n’y avait pas de sénat et donc pas de
président de sénat qui devait assurer l’intérim en attendant d’organiser l’élection d’un nouveau
président.
Cavaye Yéguié, le président de l’Assemblée nationale qui
devait faire office de président par intérim, avait senti la terre bouger sous ses pieds, car à
Yaoundé, on ne le voyait pas d’un bon oeil dans ce rôle. Il y aurait peut-être eu au moins une
révolution du palais et, éventuellement, effusion de sang s’il s’obstinait.Pour tout dire, malgré la
paix sociale dont Paul Biya se targue, le Cameroun apparaît comme un volcan endormi, à
cause de ses institutions mal ficelées. Il n’est pas exclu que durant son tête-à-tête à huis-clos
avec le président camerounais, François Hollande, au nom des intérêts français, ait demandé à
Paul Biya d’organiser sans délai les sénatoriales. En tout état de cause, ces sénatoriales
ressemblent à s’y méprendre à une volonté venue d’ailleurs.Cela se voit à au moins une chose
: pour la première fois depuis 1992, le Rdpc n’est pas prêt à une élection. D’ailleurs, au congrès
de son parti en juin 1990, soit deux ans avant les premières consultations populaires, Paul Biya
avait demandé à ses partisans de se «préparer à la concurrence». Autant dire qu’ils étaient fin
prêts quand sont intervenues les législatives de 1992, même s’ils sont passés à deux doigts de
les perdre, faute de maîtriser les techniques de fraudes qu’ils affineront plus tard pour les
consultations à venir. Les tergiversations, la constitution impossible des listes, le défi lancé à la
hiérarchie du parti par des militants voulant à tout prix devenir sénateurs sont autant de signaux
qui ne trompent pas.
Bien sûr, il y a toujours eu dans ce
parti des luttes d’influence, des duels fratricides, mais la discipline ne lui jamais fait défaut. Il se
trouve qu’à ces sénatoriales aux allures de plébiscite que le Rdpc a pourtant gagnées d’avance,
les choses vont dans tous les sens. C’est Cavayé Yéguie, le président de l’Assemblée nationale
depuis 21 ans qui, subitement, a son poste en horreur et, dédaignant la session actuellement
en cours, se voit déjà au perchoir de la future chambre haute. «Je ne démissionnerai que si je
suis élu sénateur », défie-t-il ses contradicteurs. Une défiance que personne ne voit pour
l’instant, tout le monde étant préoccupé par un parapluie du Sénat.Quelle urgence peut justifier
que Paul Biya organise en 30 jours, autant dire en catastrophe, la mise sur pied de l’une des
institutions les plus importantes de notre pays ? Comment comprendre que le chef de l’Etat ait
mis autant d’énergie pour faire rallier son principal opposant comme on l’appelle à sa cause
alors même qu’il s’est si souvent accommodé de ses abstentions aussi stupides qu’inutiles sans
que la République ait à vaciller?Aurait-il retrouvé un regain de patriotisme qui lui a recommandé
d’accélérer la mise en place des institutions décidées par la constitution de 1996 ? Il faut en
douter car il ne se comporterait pas comme s’il sortait d’un long coma et qu’il était urgent de
rattraper le temps perdu. On a tendance à croire que Paul Biya qui a fini par reconnaître que
«personne n’est éternel», envisage sérieusement la fin de son pouvoir. Là aussi, la précipitation
ne s’expliquerait pour cet homme résolument installé hors du temps.Reste l’hypothèse d’une
exigence venue d’ailleurs. Les gens qui s’étripent pour les sénatoriales précipitées le doiventils
3/4
CAMEROUN/BRANLE-BAS À ETOUDI:CE QUE CACHE LA PRÉCIPITATION DES SÉNATORIALES
Écrit par camer.be
Jeudi, 14 Mars 2013 18:35
à François Hollande ?
4/4