Sinusites : pas si anodines qu`on le croit !

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Sinusites : pas si anodines qu`on le croit !
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santé
Sinusites : pas si anodines
qu’on le croit !
Le nez est un filtre. Chez les salariés du BTP qui respirent poussières et vapeurs,
celui-ci est sollicité. Les pathologies rhinosinusiennes sont donc fréquentes.
P
oncer, peindre, démolir, percer,
scier sont autant d’activités qui
dégagent de grandes quantités
de poussières. Certes, les plus importantes d’entre elles sont retenues par
le masque de protection (à condition
d’en porter un), mais d’autres particules, plus fines, arrivent dans le nez.
Ces microparticules agressent la muqueuse. « Ce n’est pas très gênant si
le filtre nasal fonctionne bien, explique
le docteur Gilles Ayoun, chirurgien
ORL et cofondateur (avec le docteur
Lionel Azan) d’un site sur le nez et les
sinus 1. Le mucus conglomère ces
particules qui sont ensuite envoyées
dans le rhino-pharynx, passent par la
gorge et sont stérilisées dans l’estomac. » Mais, dès lors que le nez est
soumis de façon récurrente à ces
agressions, il risque d’être débordé.
Plus encore, lorsque le « filtre » ne peut
plus fonctionner convenablement (en
cas de rhume) ou si une inflammation
des sinus vient se surajouter.
Chronique et aiguë
« Les professionnels du BTP ont un
risque accru de pathologies nasales et
sinusiennes », résume le Dr Gilles
Ayoun : le travail en extérieur, par tous
les temps, les activités réalisées fenêtres grandes ouvertes (pour aérer et
faire sécher des peintures par
exemple) favorisent les infections respiratoires à répétition. Sans oublier
d’autres irritants (comme le tabac) qui
fragilisent les muqueuses ou le reflux
gastro-oesophagien
(remontées
acides dans l’œsophage et dans les
1
www.institut-nez.fr
68 – Novembre 2007 n N° 101 n Prévention BTP
voies respiratoires hautes), fréquent
chez l’homme, surtout après la cinquantaine.
Un nez qui coule en permanence, des
reniflements réguliers (pour évacuer le
mucus par l’arrière-gorge), une obstruction nasale… On finit par s’y habituer, considérer cela comme normal
ou, à tout le moins, supportable. Ce
n’est pas douloureux, juste gênant.
Pourtant, cela signale sans doute une
sinusite chronique. Les sinus, ces cavités dans les os de la face, qui servent comme le nez, à filtrer, humidifier
et réchauffer l’air inhalé sont enflammés. Il ne faut pas négliger ces symptômes car cette fragilisation des sinus
fait le lit de poussées aiguës de sinusites (maux de tête, fièvre, troubles de
l’odorat, insomnies). Les orifices
(ostium) qui permettent aux sinus de
communiquer avec le nez sont obstrués, l’air ne circule plus, le sinus enflammé est œdémateux, des
micro-organismes en profitent pour
pulluler ! Nombre de crises aiguës de
sinusite régressent par elles-mêmes.
Quand ce n’est pas le cas, seule une
longue cure d’antibiotiques (associés
à de la cortisone) peut en venir à bout.
Bien souvent, le patient se contente de
calmer la douleur et la fièvre à coup
d’anti-inflammatoires. Une fort mauvaise idée, car presque tous les antiinflammatoires (sauf les corticoïdes
principalement) favorisent l’apparition
de polypes dans le nez… et ces polypes eux-mêmes sont bien souvent à
l’origine de sinusites… La boucle est
bouclée !
Une sinusite chronique doit amener à
consulter un ORL qui pourra faire des
E Des formes variées
On ne devrait pas dire la mais les sinusites car si le mécanisme est le même
(inflammation et infection d’un ou plusieurs sinus), les causes, comme les
symptômes, en sont bien différents.
– La sinusite ethmoïdo-maxillaire se caractérise par un nez bouché, des
sécrétions purulentes qui s’écoulent dans la gorge, une toux irritative. Les
crises peuvent s’accompagner de douleurs dentaires.
– La sinusite frontale donne l’impression d’un nez non seulement obstrué,
mais « plein », « gonflé ». Les maux de tête peuvent être intenses, pulsatiles. Ils touchent surtout le front et la zone péri-orbitaire.
– La sinusite sphénoïdale est une sinusite profonde, dont les symptômes
sont parfois trompeurs. Les maux de tête sont extrêmement violents, ils
irradient vers la nuque et les yeux. Contrairement aux autres sinusites qui
n’engendrent que rarement des complications, cette sinusite peut évoluer
vers une méningite, un abcès cérébral, une destruction du nerf optique…
Les sinusites diffèrent également par leur cause, 90 % sont d’origine nasale
et 10 % d’origine dentaire (dues à des caries, à la percée du sinus maxillaire par une racine, à une extraction dentaire provoquant un orifice dans le
sinus ou encore, au passage d’amalgame dentaire à l’intérieur du sinus…).
© XAVIER PIERRE
F Certaines
professions du BTP
sont plus exposées
que d’autres aux
risques de
pathologies
rhinosinusiennes.
Cela n’est pas très
gênant si le filtre
nasal fonctionne
bien mais dans le
cas contraire…
© XAVIER PIERRE
investigations plus poussées, trouver
les causes de la sinusite (par exemple
une origine dentaire, des allergies, une
cloison nasale déviée) et les traiter ou
les faire traiter par le spécialiste com-
G Lors du travail en extérieur, effectué
par tout temps, le nez est soumis à de
multiples agressions, accroissant le risque
de pathologies nasales et sinusiennes.
pétent. Si, en dépit d’un traitement
adapté, les sinusites reviennent régulièrement, la chirurgie se révèle utile.
C’est une stratégie de « dernier recours » quand tous les autres moyens
ont échoué. « Cela change complètement la donne. Pendant un mois,
il faut supporter d’avoir des croûtes
à l’intérieur du nez, mais le résultat
en vaut la peine », souligne le Dr
Ayoun. Finies les nuits perturbées, les
infections à répétition, les mouchages
purulents, les maux de tête intenables… Pour ceux qui redoutent l’intervention, d’autres méthodes sont
parfois bien utiles pour espacer les
crises et maintenir une hygiène nasale
convenable : cures thermales (avec
aérosol-thérapie), lavages quotidiens
du nez (à l’eau de mer ou à l’eau
salée), corticothérapie locale, antihistaminiques locaux…
Gare aux infections
traînantes
Parfois, derrière cette atteinte qui
semble banale, peut se cacher une
pathologie plus grave : « Toute symptomatologie nasale ou sinusienne traînante (durant plus de 3 semaines) et
unilatérale (touchant une seule narine)
doit faire penser à un cancer et nécessite un scanner », prévient de Dr
Ayoun. Surtout si ces signes s’accompagnent de saignements de nez. La
vigilance sera d’autant plus grande
que l’on appartient à l’une ou l’autre
des professions exposées à l’inhalation de particules cancérogènes :
nickel (soudage inox), chrome (présent
dans les pigments), poussières de
bois (en particulier les bois exotiques
comme l’acajou ou le moabi et les
bois durs tels que le hêtre ou le
chêne), goudron de houille, amiante…
Ces cancers sont relativement rares,
mais il convient d’être prudent car il
s’agit de cancers graves, dont le pronostic est souvent très mauvais. Certains d’entre eux sont reconnus
maladies professionnelles : cancers de
l’ethmoïde (tableau 47 B) et cancers
dus au nickel (tableau 37 ter).
Cendrine Barruyer
Prévention BTP n N° 101 n Novembre 2007 – 69

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