Dans les jardins de Nisimaldar

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Dans les jardins de Nisimaldar
Dans les jardins de Nisimaldar
La flore dans l’œuvre de J.R.R. Tolkien
Paru dans Parcs et Jardins au Moyen Age
et à la Renaissance – L’Apocalypse. Actes
des Colloques de Rambures (2004 et 2007),
dir. Charles Ridoux, Presses Universitaires
de Valenciennes, 2008, (Recherches
valenciennoises n° 28), pp. 101-113.
Le monde de Tolkien – que l’auteur lui-même qualifie de « création secondaire » - est d’abord un
monde de beauté et de splendeur. La notion de « création secondaire » implique à la fois dépendance
et liberté par rapport à la Création divine, les lois régissant les créatures de toutes sortes qui peuplent
le Légendaire de Tolkien étant par maints aspects des « reflets » des lois de notre monde, tandis
qu’une part est laissée à l’imagination créatrice de l’auteur. Ainsi, les créatures imaginaires de
Tolkien, les Elfes, les Nains, les Orques, les Trolls, les Ents, sont, comme les humains, soumis à
certaines contraintes physiques - se déplacer dans l’espace en marchant, boire et manger, dormir –
mais surtout à une même loi morale, ainsi que l’exprime Aragorn dans le Seigneur des Anneaux :
« Le bien et le mal n’ont pas changé depuis l’année dernière ; et ils ne sont pas différents
chez les Elfes ou les Nains et chez les Hommes. Il appartient à l’homme de les discerner
aussi bien dans la Forêt d’or que dans sa propre maison ».1
Si le monde du Légendaire est d’une richesse foisonnante du fait que ceux qui le peuplent
appartiennent à tous les degrés de l’échelle des êtres et qu’ils habitent un monde complexe dont
l’histoire plonge aux Âges les plus anciens et dont la géographie fait les délices de ceux chez qui le
dessin d’une carte savamment construite met en éveil l’imagination, ce monde n’a pour autant rien
d’extravagant, il paraît très vite au lecteur aussi vrai que le monde « réel » dans lequel nous évoluons,
notamment grâce aux Hobbits ou Semi-Hommes, qui jouent en quelque sorte un rôle de médiateurs
entre le monde ordinaire du lecteur et l’univers du Légendaire. Un double mouvement d’attirance
envers les Elfes et de doute sur leur existence caractérise ainsi des hobbits tels que Bilbo ou Sam
Gamegie, et le lecteur, s’identifiant d’abord à leur scepticisme les accompagne bientôt dans leur
découverte du vaste monde qui se déploie au-delà des frontières de la Comté.
Le Beau, le Bien, le Vrai : la célèbre formule platonicienne éclaire sans doute l’univers du
Légendaire, et il convient de se souvenir que Tolkien, formé dans sa jeunesse à l’Oratoire de
Birmingham et marqué par la pensée du Cardinal Newman, est imprégné d’un christianisme
augustinien et platonicien. Mais dans ce monde de beauté et de splendeur ont été semés, dès l’origine,
des germes de laideur et de mal. Le mythe de la Création qui ouvre le Silmarillion porte le nom
d’Ainulindalë, le grand Chant des Ainur - des esprits créés par l’Unique, Eru, que l’on peut concevoir
en référence aux hiérarchies angéliques dont traite l’Aréopagite ; lors de ce Chant, entrepris à la
demande d’Eru et sur des thèmes qu’il propose aux Ainur, s’insinue la dissonance, la discordance
introduite par Melkor, un esprit orgueilleux, avide de s’emparer du Feu créateur donateur de vie qui
n’appartient qu’à Eru. C’est de cette discordance initiale que proviennent ensuite, dans Arda (qui
correspond à peu près à notre système solaire) les germes du mal, qui se manifestent ensuite chez
Melkor devenu Morgoth au plan physique – l’extrême chaleur volcanique ou l’extrême froideur des
montagnes de glace – mais aussi dans sa haine envers les Enfants d’Ilúvatar, les Elfes et les Humains,
et dans son désir d’anéantir la Création d’Eru et de se perdre lui-même dans le néant.
1
TOLKIEN J.R.R., Le Seigneur des Anneaux, Traduit de l’anglais par F. Ledoux, Christian Bourgois, 1995, p. 475.
2
C’est en artiste que Tolkien « invente » son Légendaire, qu’il découvre et explore lui-même
comme le plus curieux des ethnologues. Un artiste inspiré par la nature et surtout par l’amour
exceptionnel qu’il a porté, dès son enfance, aux arbres. A côté de son Légendaire, Tolkien est l’auteur
d’une œuvre picturale digne d’intérêt et qui a fait l’objet d’une étude fouillée par Wayne Hammond et
Christina Scull.2 Tolkien partageait le goût des pré-préraphaélites pour les arts « mineurs », décoratifs,
et il admirait la façon qu’avait le célèbre illustrateur Arthur Rackham de peindre des arbres
tourmentés. Le Vieil Homme Saule (n° 147) du Seigneur des Anneaux témoigne de cette influence
d’Arthur Rackham sur Tolkien. Le paysage de la forêt de Fangorn, dans le Silmarillion, intitulé Taurna-Fuin sert également à illustrer la sombre forêt de Mirkwood dans le Hobbit. Mais la comparaison
de cette œuvre avec une photographie d’un parc national américain en hiver révèle aussi une parenté
remarquable avec la nature elle-même. Hammond et Scull précisent que sa mère, Mabel Tolkien,
« était elle-même une artiste de talent, issue d’une famille de graveurs et d’estampeurs et qui écrivit un
traité d’ornementation où Tolkien puisa certainement son intérêt pour l’écriture décorative »3. Son
goût de la calligraphie l’amène à inventer des alphabets pour écrire les langues des Elfes ou des Nains
et, dans ses dernières années particulièrement, il produira toute une série de dessins de plantes
stylisées, comme l’on en trouve dans un alphabet fantaisiste qui se présente tel un jardin de lettres
décorées (n° 197). Tolkien est également l’inventeur d’une héraldique originale et très décorative dont
il expose les règles. C’est encore une veine décorative que l’on retrouve dans l’illustration par Tolkien
des « Jardins du palais du Roi-des-Flots » dans son récit Roverandom, qui ne se rattache pas à son
Légendaire, mais qui n’en présente pas moins un certain nombre de thèmes et de motifs présents dans
son œuvre majeure. Parmi les récits extérieurs au Légendaire, Feuille, de Niggle présente des aspects
autobiographiques et une réflexion de l’artiste sur son art et sa manière. Le personnage est un peintre
qui, submergé par son amour du détail, ne parvient pas à achever son œuvre, un Arbre magnifique ;
mais, il se retrouve après sa mort dans un splendide Jardin où son œuvre a été complétée et embellie :
remarquable intrusion du créateur dans sa création, qui renvoie à la méditation subtile de Tolkien sur
le mystère de l’Incarnation, exposé notamment dans un émouvant dialogue entre un prince elfe et une
femme mortelle (Athrabeth Finrod ah Andred).4
Mais s’il est artiste, Tolkien est aussi philologue et médiéviste, ayant effectué toute sa carrière à
Oxford, après un bref passage à l’Université de Leeds. C’est à l’époque où il était encore étudiant à
Oxford, avant la Première Guerre mondiale, que Tolkien signe ses premiers écrits philologiques, dont
les titres austères - « Les problèmes de la dissémination des changements phonétiques »,
« L’allongement des voyelles à l’époque du vieil et du moyen anglais », ou « L’élément anglonormand dans la langue anglaise » — rappellent curieusement les travaux de jeunesse du plus célèbre
des romanistes français, Gaston Paris, dont la thèse à l'École des Chartes, en 1862, portait sur le rôle
de l’accent latin dans la langue française. Après la guerre, Tolkien revient à Oxford en 1919 et il entre
dans l’équipe rédactionnelle de l’Oxford English Dictionary ; dans cette entreprise commencée en
1878 par James Murray, Tolkien fit la démonstration de ses qualités exceptionnelles dans le domaine
de la philologie. Deux œuvres majeures de la littérature médiévale retiendront surtout l’attention de
Tolkien : Sir Gawain and the Green Knight, dont il fournira en 1925, en collaboration avec son ancien
élève E.V. Gordon, une édition critique, suivie par une traduction de Tolkien en anglais moderne. Et
surtout Beowulf , auquel il consacra, le 25 novembre 1936, une conférence fameuse devant
l’Académie britannique, qui constitue un tournant dans l’histoire critique de ce poème anglo-saxon.
Tolkien s’élève là contre les commentateurs qui déniaient l’unité de cette œuvre au profit d’un
mélange confus de traditions littéraires, et il proclame que ce texte n’est pas voué aux seuls érudits. On
trouve là une démarche parallèle, nous semble-t-il, à celle d’un Joseph Bédier qui, dans ses travaux sur
la Chanson de Roland, revendique hautement pour elle le statut d’une œuvre conçue par un créateur de
génie et guerroie contre les théories qui démantèlent l’unité de l’œuvre en l’attribuant à une foule
d’interpolateurs-remanieurs. Les récents travaux de Michael Drout témoignent de l’ampleur du travail
fourni par Tolkien sur Beowulf : un fort volume de cinq cent pages contient les textes que Tolkien a
2
HAMMOND Wayne G. et SCULL Christina, J.R.R. Tolkien Artiste et Illustratreur, Christian Bourgois, 1996. - Traduit de
l’anglais par Jacques Georgel.
3
Ibid., p. 12.
4
Home, t. X, pp. 303-370. [Nous renvoyons sous l’abréviation de Home à The History of the Middle-earth, publiée en douze
volumes par Christopher Tolkien de 1983 à 1996 (non encore traduits de l’anglais, sauf les volumes I et II, Le Livre des
Contes perdus, traduits en français par Adam Tolkien, le petit-fils de l’auteur).
3
consacrés entre 1933 et 1935 à cette œuvre5 ; et c’est encore deux mille pages manuscrites, présentant
des traductions en prose et en vers par Tolkien ainsi qu’un commentaire linéaire de l’œuvre, qui
paraîtront bientôt en deux volumes.6 Durant les années 1936-1939, Tolkien assumera la responsabilité
de co-éditeur des Oxford English Monography Series, collection consacrée à la publication des textes
nordiques et anglo-saxons. Le biographe de Tolkien, Humphrey Carpenter, a mis en relief le sérieux
professionnel de Tolkien qui, des années durant, fit au moins le double de cours qu’il aurait dû faire et
dont une bonne part du temps était prise par des tâches administratives ; le biographe souligne
également la minutie et le flair du philologue, qu’il n’hésite pas à qualifier de « Sherlock Holmes » de
la linguistique :
Son souci d’exactitude était immense et allait de pair avec un flair pour détecter les structures
et les rapports cachés. Un Sherlock Holmes de la linguistique qui, se trouvant devant une
série de faits apparemment sans rapport, en déduisait la vérité sur une question plus vaste.7
Là encore, curieusement, on décèle une surprenante parenté avec les qualités intellectuelles qui
étaient celles de Gaston Paris. On peut signaler aussi la collaboration de Tolkien avec une médiéviste
belge, Simone d’Ardenne, qui avait étudié le moyen anglais avec lui au début des années trente,
collaboration qui aboutit à une édition de la Vie et la Passion de Saint Juliene, texte religieux du
Moyen Age anglais. Humphrey Carpenter estime que cette œuvre « reflète une plus grande part des
vues de Tolkien sur le haut Moyen Age anglais qu’aucun article qu’il ait publié sous son nom »8.
Mais il importe surtout de ne pas dissocier, chez Tolkien, l’activité du philologue et celle de
l’écrivain : ce sont là pour lui deux façons d’aborder la vie des mots. La création du Légendaire est
née d’abord d’une activité de langage ; Tolkien, qui aimait les mots pour leur forme et pour leur
sonorité, s’est plu à inventer non seulement des langues mais aussi des écritures pour les transcrire, et
c’est afin de permettre à ces langues d’être mises en œuvre qu’il a conçu des personnages et des récits
qui leur donnent corps et animation. En un certain sens, Tolkien - par sa connaissance étendue de
nombreuses langues indo-européennes auxquelles il faut ajouter le finnois - résume le parcours qui fut
celui des études indo-européennes depuis le XVIIIe siècle, partant du développement de la grammaire
comparée avec Franz Bopp pour aboutir au XXe siècle dans l’œuvre immense de Georges Dumézil :
entreprises d’abord sur le seul terrain de la linguistique, ces études allaient déboucher sur la prise en
compte des mythes et légendes qui s’enracinent dans le vieux fond indo-européen. Mais peut-être fautil encore creuser plus profondément pour trouver ce qui repose au fond de l’activité philologique de
Tolkien : une quête du Logos, comme le laisse entendre dans leur Avant-propos les auteurs de
l’ouvrage Tolkien, Faërie et Christianisme :
La philologie pour Tolkien était une quête du logos, du sens des choses, de la vie, de
l’histoire, un chemin que le philologue doit se frayer à travers la forêt des mots pour remonter
vers le Logos, et ouvrir, ou rouvrir aux hommes cette voie vers l’Origine, vers le Verbe. Du
point de vue de Tolkien, la vocation du philologue n’est pas essentiellement différente de
celle du philosophe. L’homme, parce qu’il est composé d’une âme et d’un corps, ne peut pas
se satisfaire d’ « idées claires » seulement, ni d’images uniquement, mais de ce mystérieux
mélange des deux : le langage, à la fois source de toute intellection et de toute imagination.9
C’est aussi comme une sorte de langage que l’on peut concevoir l’art des jardins, exprimant la
pensée humaine sur l’univers dans le cadre tout à la fois ordonné et foisonnant d’une nature qui, dans
le Légendaire de Tolkien, est enrichie de nombreux vocables tirés des langues elfiques ou autres
inventées par l’auteur. Cependant, le jardin, s’il est bien présent dans le Légendaire, est peu décrit en
lui-même, dans son ordonnance ; ce qui compte avant tout, ce sont les éléments qui le composent, la
flore et les arbres. L’unité profonde du Légendaire peut être appréhendé comme résultant d’un
5
TOLKIEN J.R.R., Beowulf and the Critics, edited by Michael Drout, Tempe (Arizona), Arizona Center or Medieval and
Renaissance Studies, Medieval and Renaissance Texts and Studies, vol. 248, 2002.
6
Tolkien, les racines du légendaire, Cahier d’études tolkieniennes réunies sous la direction de Michaël DEVAUX, Ad Solem,
2003, p. 365.
7
CARPENTER Humphrey, J.R.R. Tolkien, une biographie, Christian Bourgois1980, p. 125.
8
Ibid., p. 129.
9
CALDECOTT Stratford, RANCE Didier, SOLARI Grégory, Tolkien, Faërie et Christianisme, Genève, Ad Solem, 2002, p. 13.
4
constant jeu d’échos qui s’écoule d’âge en âge, au cours d’un long processus d’involution où beaucoup
de belles choses héritées du passé sont condamnées à périr et à disparaître à jamais, comme Elrond en
fait tristement la remarque au nain Gloïn. Dans cette chaîne dorée des réminiscences, le point de
départ est Valinor, le Royaume Béni, séjour des Valar qui ont préparé avec amour la future demeure
des Enfants d’Ilúvatar, les Elfes et les Humains. Les deux arbres sacrés de Valinor, qui répandent leur
lumière dorée et argentée, connaîtront leur pendant dans la cité elfique secrète de Gondolin, au creux
de la vallée de Tumladen entourée de hautes montagnes enneigées : dans la version ancienne du
Légendaire qui est celle du Livre des Contes Perdus, les deux arbres situés de chaque côté des portes
du palais de Turgon sont issus des Arbres glorieux de Valinor, et ils portent les noms de Glingol et
Bansil10 ; mais dans le Silmarillion, publié en 1977, on ne trouve à Gondolin que des images des
arbres d’autrefois, des représentations faites de métaux précieux11. Au cours du Deuxième Âge, après
la destruction du Beleriand et l’installation des Hommes alliés des Elfes dans l’île de Númenor, on
retrouve un Arbre Blanc issu de Telperion, l’Arbre argenté de Valinor :
Parfois, les Premiers-Nés venaient jusqu’à Númenor. Ils apportaient maintes
offrandes à Númenor : un jour, ils leur firent don d’une pousse de Celeborn,
l’Arbre Blanc qui poussait au centre d’Eressëa, lui-même un rejet de
Galathilion, l’arbre de Tuna, l’image de Telperion que Yavannah avait donné
aux Eldar à Valinor. L’arbre grandit dans les jardins du Roi, à Armenelos, il
fleurit et on le nomma Nimloth.12
Un rejeton de cet Arbre Blanc ornera les cours du Roi de Gondor en
Terre du Milieu. Le motif de l’Arbre Blanc, dans ses successives
résurgences chez les Elfes de Tol Eressëa ou de Gondolin, comme chez les
Humains de Númenor ou de Gondor, accompagne les tribulations de ces
royaumes : dans les temps de décadence et d’oubli des sages
enseignements transmis par les Valar, l’Arbre dépérit ou est même
arraché ; dans les phases de restauration de l’ordre traditionnel, l’Arbre
refleurit ou une pousse nouvelle est plantée, qui témoigne de l’émergence
d’un nouvel Âge d’Or – qui sera lui-même bientôt soumis à une nouvelle
phase d’involution cyclique.
Le nom donné par Tolkien aux Arbres de Valinor est, dans le quenya, une des langues des Elfes,
Telperion et Laurelin ; mais Tolkien a inventé également une langue propre aux Valar, bien que ceuxci communiquent le plus souvent par télépathie, sans avoir le besoin de recourir au langage articulé.
Édouard Kloczko, dans son Dictionnaire, expose que la principale caractéristique du valarin est d’être
immuable, comme il convient pour une langue divine ; par ailleurs, les mots valarins sont « longs et
prononcés rapidement, pareils au bruissement des feuilles dans un grand vent ».13 Voici l’explication
que donne ce spécialiste des langues inventées par Tolkien à propos des Arbres de Valinor :
Les noms propres valarins sont longs. Ibrîniðilpathânezel est le nom de l’arbre de lumière
argentée, communément appelé Telperion en quenya noldorin. Tulukhedelgorûs, le nom de
l’arbre de lumière dorée de Valinor, Laurelin en quenya, semble pouvoir être décomposable
en tulukhe-delgo-rûs « jaune-grappe-feu », ou plus clairement « grappe(s) jaune(s) de/en
feu ». L’arbre Laurelin portait une floraison dorée en grappe qui ressemblait à celui du cytise
aubour dit aussi faux ébénier. Selon Pline, cet arbre, l’alburnum (laburnum, « bois blanc »)
était originaire de l’île de Kythnos, l’une des Cyclades.14
10
TOLKIEN J.R.R., Le Livre des Contes Perdus, Chriatian Bourgois, 1995-1998, 2 vol. - Traduit de l’anglais par Adam
Tolkien, t. 2, p. 214.
11
TOLKIEN J.R.R., Le Silmarillion, Christian Bourgois, 1978, p. 125.
12
Ibid., p. 261.
13
KLOCZKO Édouard, Dictionnaire des langues des Hobbits, des Nains, des Orques, Argenteuil, Éditions Arda, 2002, p. 18.
14
Ibid., p. 20.
5
Tolkien a inventé toute une flore que l’on rencontre en des lieux
privilégiés de la Terre du Milieu. Citons tout d’abord l’elanor jaune et
le pâle niphredil que la Compagnie de l’Anneau découvre dès son
entrée sur le territoire de la Lórien. En souvenir de la Lórien et de
Dame Galadriel, la fille aînée de Sam Gamegie portera le nom
d’Elanorelle. L’elanor est une petite fleur jaune en forme d’étoile,
comme l’indique le suffixe El- qui marque l’affinité entre les Elfes –
appelés Eldar – et les étoiles ; en effet, l’éveil des Elfes a eu lieu, sur
les bords du lac Cuiviénen, avant que n’apparaissent dans le ciel la
Lune et le Soleil, tandis que l’éveil des Humains accompagne le
premier lever du Soleil. D’autres fleurs sont associées avec le souvenir
des morts et se rencontrent à l’ombre de tertres funéraires ; c’est le cas
des symbelmynë, qui signifient dans la langue des Rohirrim, les Cavaliers de Rohan, « souvenir
éternel » et qui fleurissent en toutes saisons ; dans les Contes et Légendes Inachevés, la même plante
porte le nom elfique d’alfirin et il est dit qu’elle pousse sur les tertres des Rois de Rohan, sous
Edoras.15 Aux abords de Gondolin, dans l’ancien temps, cette même plante, découverte par Tuor,
portait le nom de uilos, qui signifie aussi « éternelle pensée ». On perçoit ici un des aspects de la
création de Tolkien, qui consiste à relier des temps et des espaces lointains par la permanence de
certains objets, tout en soulignant l’éloignement spatial et temporel par les changements de noms
attribués à ces objets. Comme l’a bien montré Francis Dubost dans son étude du fantastique dans la
littérature médiévale, c’est par une double référence à l’Ailleurs et à l’Autrefois que se crée un
sentiment d’étrangeté.16 Le sommet pierreux et abrupt de la colline d’Amon Rûdh, qui sera un temps
le repaire du Túrin Turambar, est recouvert de seregon, dont les fleurs rouges
tirent sur le pourpre, et dont le nom signifie « sang-de-la-pierre »17 ; cette
double association avec le sang et la pierre est ici en résonance avec le destin
tragique de Túrin, qui n’est pas sans rappeler celui de Kullervo dans le
Kalevala finnois. Sur le tumulus de Glorfindel, qui a péri en combattant un
Balrog afin de sauver les rescapés de Gondolin, ce sont des fleurs jaunes qui
fleurissent et qui doivent maintenir le souvenir de cet acte héroïque « jusqu’à
la transformation du monde ».18
Une belle page est tout entière consacrée, dans les Contes et Légendes inachevés, à la description
de la flore de Númenor. L’île de Númenor, dont le plan a été dessiné par Tolkien, présente cette
particularité d’avoir la forme d’une étoile à cinq branches, ce qui la rattache au Nombre Cinq et aux
harmonies vénusiennes, comme en témoigne une étude sur ce sujet présentée par le peintre et
ésotériste portugais Lima de Freitas dans un livre consacré à l’énigme du fameux Veltro ou 515 de
Dante.19 Dans la région Nord-Ouest de l’île de Númenor s’étend la Baie spacieuse d’Eldanna, qui
regarde vers l’ouest du côté de Tol Eressëa où habitent les Elfes, à mi-chemin entre Númenor et
Valinor ; et au cœur de cette baie est sis le plus beau port de Númenor, Eldalondë la Verte. C’est dans
cette région que fleurissent les plantes apportées par les Elfes aux Humains de Númenor :
Et dans les parages de ce lieu, sur les versants marins et loin à l’intérieur des terres,
poussaient les arbres odorants aux vertes feuilles persistantes, que les Eldar avaient apportées
de l’Ouest ; et ils avaient tant prospéré que c’en était beau, disaient les Eldar, presque comme
un port d’Eressëa. C’était le plus grand charmes de Númenor, et le souvenir devait s’en
perpétuer dans les chants bien longtemps après qu’ils eurent péri à jamais, car rares furent
ceux qui fleurirent à l’est du Pays du Don : l’oiolairë et le lairelossë, le nessamelda, le
cardarionna, le taniquelassë, et le yavannamirë, avec ses fruits sphériques de couleur
écarlate. Et de douces senteurs émanaient de la fleur, de la feuille et de l’écorce de ces arbres,
et leurs arômes confondus embaumaient tout le pays ; d’où son nom : Nisimaldar, Les Arbres
Aromatiques.20
15
TOLKIEN J.R.R., Contes et Légendes inachevés, Christian Bourgois, 1982, 3 vol. (Traduit par Tina Jolas), t. 3, p. 74, n. 38.
DUBOST Francis, Aspects fantastiques de la littérature médiévale (XII°-XIII° s.), 2 vol., Paris, Champion, 1991.
17
Contes et Légendes inachevés, t. 1, p. 153 et p. 224, n. 14.
18
Silmarillion, p. 244.
19
FREITAS Lima (de), 515. Le lieu du miroir. Art et numérologie, Albin Michel, 1993 (Bibliothèque de l’Hermétisme). [Cf.
notamment le chapitre intitulé « Approches de la symbologie du 5 »].
20
Contes et Légendes inachevés, t. 2, p. 10.
16
6
Il n’y a pour ainsi dire, dans ce passage, pas de description, mais simplement quelques notations
qui ouvrent l’imagination du lecteur à une « rêverie heureuse », comme aurait pu le dire Bachelard.
C’est par l’odorat, sens plus subtil que la vue ou l’ouïe, que sont perçus les arbres de Nisimaldar ; par
l’odorat et par le nom, qui rappelle leur provenance elfique et, pour certains, portent la marque de
Valinor (le taniquelassë évoquant la montagne sainte du Taniquetil au sommet de laquelle trône
Manwë, le plus grand des Valar, tandis que le yavannamirë désigne Yavannahh, dont le chant sacré est
à l’origine des deux Arbres de Valinor. Les feuilles vertes persistantes des arbres de Nisimaldar
témoignent à leur tour de leur provenance sacrée, de leur lien avec le Royaume Béni de Valinor qui
échappe à l’usure du temps et à la corruption. Enfin, l’existence de ces arbres odoriférants est rendue
comme évanescente par le rappel de leur disparition (au moment de la Submersion de Númenor qui
reprend le mythe de l’Atlantide) : c’est finalement dans les chants et dans les légendes qu’ils subsistent
en Terre du Milieu. Le chant apparaît ici, comme c’est souvent le cas ailleurs dans l’œuvre de Tolkien,
comme le porteur de la mémoire, instrument privilégié de la victoire sur la mort.
La description se poursuit avec l’évocation d’un arbre de Númenor que l’on retrouvera en
Lothlórien : le malinornë qui, au pays de Galadriel, porte le nom de mallorn, qui signifie « arbre
doré ».
Et seulement au Nisimaldar se plaisait le puissant arbre d’or
malinornë, qui au bout de cinq siècles atteignait une hauteur à
peine moindre que celle qu’il avaient en Eressëa même. Son écorce
était lisse et argentée et ses rameaux se relevaient légèrement vers
le ciel comme ceux du bouleau ; mais il n’avait jamais qu’un seul
et unique tronc. Ses feuilles ressemblaient aussi à celles du
bouleau, mais plus larges, et elles étaient vert pâle à l’avers et
toutes d’argent à l’envers et chatoyantes au soleil ; et elles ne
tombaient pas à l’automne, mais comme de l’or se ternissaient. Au
printemps, l’arbre fleurissait d’or, et les fleurs s’épanouissaient en
grappes, comme des cerises, et duraient tout l’été ; et dès qu’elles étaient écloses, les feuilles
se détachaient, de sorte que le printemps et l’été durant, une futaie de malinorni avait voûte et
tapis d’or, mais les piliers étaient d’argent mat.21
Nous avons ici un bel exemple d’une constante dans la vision de Tolkien : l’alliance de l’or et de
l’argent, du Soleil et de la Lune, cette alchimie qui témoigne des deux essences dont se compose la
lumière dans le monde créé, en Arda – première réfraction, dans le monde visible, de la Lumière
incréée. C’est d’ailleurs à partir de ce thème des réfractions en chaîne de la lumière primordiale que
l’un des meilleures critiques de l’œuvre de Tolkien, Verlyn Flieger, a élaboré sa lecture dans
Splintered Light.22 Cette description des arbres d’or de Nisimaldar reprend également le thème de
l’involution cyclique, les arbres de Númenor étant légèrement moins hauts que ceux de Tol Eressëa,
tandis que, transplantés en Lothlórien, « les malinorni ne devaient jamais atteindre là-bas la hauteur et
la vigueur des grandes futaies du Númenor ».23
Nous voudrions maintenant aborder trois aspects que prend le thème du jardin dans l’œuvre de
Tolkien : le lien entre le jardin et le rêve, le jardin et la renaissance de la vie, enfin le jardin de
guérison en relation avec le thème du Roi thaumaturge.
Le rêve comme moyen de voyage dans le temps est un thème cher aux Inklings, le club littéraire
auquel appartenaient Tolkien et son ami C.S. Lewis. Verlyn Flieger a étudié, dans son ouvrage A
Question of Time,24 l’influence sur Tolkien de J.W. Dunne, auteur, en 1927 de An Experiment with
Time, dont les théories sur les rêves et les voyages dans le temps firent fureur dans les années trente.
21
Ibid., p. 11.
FLIEGER Verlyn, Splintered Light. Logos and Language in Tolkien’s world, The Kent State University Press, 2002 [1ère
éd., 1983].Un nouvel ouvrage de cet auteur, Interrupted Music : Tolkien and the Making of a Mythology, devrait paraître au
printemps 2005.
23
Contes et Légendes inachevés, t. 2, p. 11.
24
FLIEGER Verlyn, A Question of Time. J. R. R. Tolkien’s Road to Faërie, Kent, Ohio & London, England, The Kent State
University Press, 1997.
22
7
Deux récits de Tolkien, en particulier, se présentent comme des voyages dans le temps : dans The Lost
Road, Alboin Errol et son fils Audoin, sont conduits au temps de la Submersion de Númenor qui se
rattache au fameux « complexe atlantéen » de Tolkien manifesté par le rêve récurrent, chez lui et chez
son fils Michael, d’une vague immense engloutissant un continent ; The Notion Club Papers, autre
voyage dans le temps, met en scène des professeur d’Oxford au XXe siècle : en 1987, Lowdham et
Trewin, l’un philologue et l’autre auteur de littérature fantastique (une projection de J.R.R. Tolkien et
de C.S. Lewis ?) vont expérimenter les théories émises par Ramer, spécialiste de philologie finnoougrienne sur le Rêve vrai : Lowdham se retrouve dans ses visions dans la peau d’Elendil et il reçoit
dans des rêves auditifs la révélation de deux langues númenoréennes, l’avallonien et l’adunaïque.
Dès les débuts de sa mythologie, dans le Livre des Contes Perdus, Tolkien a imaginé de
représenter le passage entre le monde ordinaire et le monde de la Faërie par un chemin qui est celui
des rêves, auquel il donne le nom d’Olórë Mallë. C’est par ce Chemin des Rêves que les enfants
arrivent dans la Chaumière du Jeu Perdu, où les anciens contes, les anciennes chansons et la musique
elfique sont préservés ; là, ils jouent et dansent dans un jardin où chantent toutes sortes d’oiseaux.
Tolkien décrit la demeure de la reine Meril-i-Turinqi au Pays des Ormes :
La maison de cette gente dame se trouvait en cette même cité, car au pied de la grande tour
bâtie par Ingil était un large bosquet des plus anciens et des plus beaux ormes que possédait
tout ce Pays des Ormes. Ils se dressaient jusqu’au ciel, en trois étages décroissants de
feuillage brillant, et la lumière du soleil qui filtrait au travers était très fraîche - un vert doré.
Au milieu de ces arbres était une grande pelouse verte, lisse comme une toile de tissu, et
autour de celle-ci les arbres se dressaient en un cercle, de sorte que les ombres étaient lourdes
sur les bords mais que le regard du soleil tombait toute la journée en son milieu. Là se
dressait une maison superbe, et elle était toute bâtie de blanc et d’une blancheur qui brillait,
mais sa toiture était tant recouverte de mousses et de joubarbes et de maintes plantes
grimpantes curieuses que ce dont elle fut jadis façonnée ne pouvait se distinguer sous le
labyrinthe glorieux de couleurs, d’or et de rouge-brun, d’écarlate et de vert.25
Ici, la description est plus construite que celle des Arbres de Nisimaldar, puisque nous passons du
cercle ombreux des arbres à la pelouse centrale où la lumière du soleil vient relever la blancheur
éclatante de la maison, mais ce qui prédomine, c’est l’éventail de couleurs vives de ce jardin luxuriant
que la nature – et non la main de l’homme - a disposé sur la toiture de cette demeure.
On retrouve ce thème des enfants venant en rêve jouer dans des jardins délicieux dans une œuvre
qui n’appartient pas au Légendaire, Roverandom ; on y suit les tribulations d’un petit chien perdu et
qui a été transporté sur la Lune.
On pourrait encore évoquer les funellar ou fleurs de sommeil : ce sont des coquelicots qui se
trouvent à Valinor, dans le palais de Lórien à Murmuran, où il possède de vastes jardins. Ici, la plante
est associée aux sortilèges confectionnés par ce puissant Vala.
Si le jardin est ainsi souvent associé, chez Tolkien, au rêve comme moyen privilégié de voyage
dans le temps et dans l’espace, il est aussi parfois mis en rapport avec le thème de la guérison, de la
renaissance à la vie. Le site d’Orthanc, dans l’Isengard, a été transformé par le mage félon Saruman en
une sorte d’annexe épouvantable du Mordor, le territoire du Seigneur Ténébreux. Après la défaite et la
fuite honteuse de Saruman, les Ents redonnent vie à ce lieu transformé maintenant en un jardin plein
de vergers et d’arbres ; mais il subsiste, comme témoin d’un passé douloureux, entourée d’un lac d’eau
claire, la Tour d’Orthanc dont le rocher noir se reflète dans l’étang.26 De même, la Comté, après avoir
été débarrassée de Saruman – qui y régnait en y répandant la terreur sous le nom de Sharcoux – va-telle renaître à la vie grâce au don remis par Galadriel à Sam Gamegie, jardinier de son état :
Pour vous, petit jardinier et amateur d’arbres, dit-elle à Sam, je n’ai qu’un petit cadeau. Elle
lui mit dans la main une petite boîte de simple bois gris, sans autre ornement qu’une seule
rune d’argent sur le couvercle. - Cela représente un G pour Galadriel, dit-elle, mais ce peut
25
26
Livre des Contes Perdus, t. 1, p. 131.
Seigneur des Anneaux, p. 1043.
8
aussi bien évoquer un jardin dans votre langue. Il y a dans cette boîte de la terre de mon
verger, et elle est sous l’influence de la bénédiction que Galadriel est encore en état de
conférer. Si vous la conservez et que vous revoyiez votre pays en fin de compte, peut-être y
trouverez-vous votre récompense.27
C’est grâce à ce terreau de la Lothlórien que la Comté va retrouver, après le retour des
compagnons qui ont participé à la Guerre de l’Anneau, un éclat nouveau et connaître un véritable âge
d’Or.
Mais c’est sur l’évocation des jardins de guérison de Minas Tirith, la citadelle de Gondor, que
nous terminerons notre parcours dans l’univers de Tolkien. C’est dans ce lieu paisible que sont
conduits les rescapés des terribles combats livrés autour de la cité. Et lorsque Aragorn, après la
victoire sur les Champs du Pelennor, entre pour la première fois à Minas Tirith, ce n’est pas encore en
Roi triomphateur, mais sous l’allure sacrificielle de roi thaumaturge. Il se fait connaître à son peuple
en réponse à l’humble appel d’une vieille femme qui se souvient des chansons de l’ancien temps :
Une vieille femme, Ioreth, pleura et dit : — Pût-il y avoir à Gondor des rois, comme il en fut
autrefois, à ce qu’on dit. Car il est dit selon l’ancienne tradition : Les mains du roi sont celles
d’un guérisseur. Et ainsi pouvait-on toujours connaître le roi légitime. Et Gandalf, qui était
auprès d’elle, dit : — Il se peut qu’un roi soit en fait revenu à Gondor.28
C’est grâce aux vertus d’une plante appelée athelas ou feuille de roi, qu’Aragorn va soigner les
blessés. Un bref échange de propos entre Aragorn et le maître des herbes - pédant qui pontifie sur les
noms de l’athelas mais ignore ses vertus qu’il attribue aux contes de bonnes femmes — sert de
contrepoint, de détente dans un moment pathétique, mais il montre aussi la force du lien traditionnel
entre le roi et son peuple, avec les humbles et les simples, tandis que les « savants » ont perdu les
richesses transmises par les chansons des temps anciens. Ce thème du roi thaumaturge évoque
naturellement le pouvoir de guérison des écrouelles qui était la prérogative des rois de France. Dans la
monarchie capétienne, ce pouvoir est la conséquence de l’onction du sacre qui fait du Roi l’Oint du
Seigneur (indépendamment de ses qualités personnelles). Jean Hani précise que « les guérisons
opérées par le roi de France n’étaient pas ce qu’on appelle des « miracles » comme en font les saints
personnages, mais une activité courante et régulière, car le roi ne guérissait pas seulement le
lendemain du sacre, mais d’une façon habituelle pendant tout son règne ».29 Chez Aragorn, ce don
thaumaturgique ne provient pas d’une onction, mais lui est donné simplement par sa filiation qui
remonte aux rois de Númenor ; et l’exercice de ses dons de guérison n’implique aucun rituel
particulier, à la différence du roi de France qui portait une dalmatique sous le manteau royal,
demeurait nu-tête, traçait d’abord le signe de croix sur le visage du malade et touchait enfin les plaies
en disant : « Dieu te guérisse, le roi te touche ». Tolkien qui écarte soigneusement dans son œuvre
toute référence chrétienne explicite ne pouvait que réduire ce rituel à sa plus simple expression — ce
qui, en un certain sens, donne une force singulière à la reconnaissance de la présence au milieu de son
peuple du Roi légitime.
On constatera, en conclusion, que chez Tolkien le jardin fait rarement l’objet d’une description
détaillée : à la différence de la forêt, qui est, avec la montagne, un des lieux privilégiés du paysage
dans l’œuvre de Tolkien, le jardin demeure relativement dans l’ombre ; certes, il est présent dans tous
les hauts lieux du Légendaire – dans le Royaume Béni d’Aman, à Númenor et en Terre du Milieu –
mais ce qui importe, semble-t-il, c’est sa fonction plus que sa nature, qu’il soit en relation avec le rêve
ou avec la guérison, la renaissance à la vie. Et le plus souvent, on voit l’imagination de Tolkien se
mettre à l’œuvre à partir de la création de noms d’arbres ou de plantes dans les diverses langues de son
invention : pour l’enchantement du lecteur, le philologue et le romancier ne font qu’un.
Charles Ridoux
Amfroipret, le 24 janvier 2004
27
Ibid., p. 410.
Ibid., p. 920-921.
29
HANI Jean, La Royauté sacrée, Trédaniel, 1984, p. 214.
28

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