Accompagner le changement des organismes de formation par la

Transcription

Accompagner le changement des organismes de formation par la
Accompagner le changement
des organismes de formation par la FOAD
De la professionnalisation des acteurs de la formation
à la FOAD
Véronique Duveau-Patureau
Université Henri Poincaré Nancy1 – STMIA
CESS - DESS Image Numérique et Interactivité
2, rue Pierre Blanck, F-88000 Epinal
Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur ds.revuesonline.com
Expert en pédagogie multimédia
1, rue Max Blondat, F-92100 Boulogne Billancourt
[email protected]
L’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le
monde de la formation génère des changements multiples en termes d’organisation du travail,
de rôle des acteurs et même de finalités de l’acte éducatif. Dans un organisme de formation,
la mise en place de la formation ouverte et à distance (FOAD) comme offre de formation
vient réinterroger le travail de tous ses acteurs et nécessite de les accompagner ensemble
dans l’évolution et l’ouverture de leurs pratiques. Pour cela, des dispositifs de
professionnalisation des acteurs aux TIC et à la FOAD sont aujourd’hui fréquemment mis en
place ; l’accompagnement du changement a lieu, en situation d’activité, lors de la mise en
œuvre concrète de projets de FOAD que les acteurs conçoivent, réalisent, animent, vendent et
évaluent déjà pour l’améliorer. Après avoir explicité le modèle des 5 ingénieries nécessaires
à la mise en place de la FOAD, ces dispositifs sont analysés pour faire ressortir quelques
freins et critères de réussite pour que la FOAD passe de l’innovation à l’ordinaire des
organismes de formation.
RÉSUMÉ.
ICT use for training produces many changes in terms of work organisation, the
roles of stakeholders (teachers and trainers, trainee, learner, manager…) and even the goal
of the educational act. Introducing open and distance training brings about changes in any
given educational organisation that needs to be coached through them. For that purpose
systems with an “ICT for training” vocational aspect are set up. The coaching for change is
carried through during the work hours when the whole process of the training activity is
under way. After describing the model upon which the five necessary training frames for open
and distance learning are based, these are analysed to bring criteria so that open and
distance training evolves from innovation to common use in training organisations.
ABSTRACT.
MOTS-CLÉS :
ingénieries, professionnalisation des acteurs, innovation, FOAD, TIC.
engineering, vocational training of training actors, innovation, open and at
distance learning, ICT.
KEYWORDS:
Distances et savoirs. Volume 2 – n° 1/2004, pages 25 à 38
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Distances et savoirs. Volume 2 – n° 1/2004
Introduction
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A partir de mon expérience de plus de 25 ans de création d’outils de formation
utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC) et
d’animation, depuis la même époque, de formations de formateurs dans des
académies, des réseaux, des territoires, des grandes entreprises, l’enseignement
supérieur ou la formation continue des professionnels, je peux affirmer que la
formation ouverte et a distance (FOAD) dans la suite des TIC est un superbe
analyseur des pratiques pédagogiques des organismes de formation et un révélateur
du travail réel de leurs acteurs. Elle peut devenir une « innovation ordinaire » telle
que l’a décrit Norbert Alter1, dans la mesure ou elle transforme l’acte formatif en
faisant évoluer les représentations sur enseigner et apprendre.
La FOAD génère souvent des attitudes ambivalentes : elle attire et fait peur, elle
semble incontournable et à la fois dangereuse, elle semble tout autant pleine de
richesse et dans son automatisation, terriblement asséchante… Elle est souvent
introduite dans les institutions par une décision venant d’en haut comme la nécessité
du moment, la 4e révolution technologique de l’enseignement et de la formation
(après l’audiovisuel, l’EAO et l’édition multimédia sur CD ou DVD ROM) ou
encore l’unique sauveur possible devant les incertitudes actuelles qui planent sur la
formation. Certes portée par la bulle internet, car concomitante, ses enjeux et ses
possibilités sont bien plus que techniques ou économiques, elle vient nécessairement
« revisiter2 » et donc transformer le pédagogique, le stratégique et l’organisationnel
des centres de formation et dans la foulée le travail de tous leurs acteurs. Introduire
la FOAD dans un centre de formation relève d’une transformation alchimique, il va
falloir recomposer activités, procédures, mode de gestion et d’enseignement…
C’est-à-dire déconstruire la « statue » actuelle du centre de formation pour
réélaborer à partir de ses composants, en dynamique, un organisme vivant dans
lequel les technologies auront leur part. De nombreuses questions se posent :
Comment se préparer à ce changement ? Quels sont les freins ? A quelles conditions
réussir ? Qui gagne quoi dans un dispositif de professionnalisation ? Comment
instaurer cette dynamique à long terme ? Quelle part laisser aux technologies ?
Les cinq ingénieries : un modèle pour anticiper et donner un cadre
au changement par la FOAD
Pour préciser la nécessité de professionnaliser tous les acteurs, j’ai élaboré en
2002 le modèle des 5 ingénieries nécessaires à la FOAD. Il permet en début de
dispositif de professionnalisation de préciser les responsabilités de chaque acteur, la
1. L’innovation ordinaire, Norbert Alter, PUF Sociologies, 2001.
2. La formation revisitée par les TICE, Congrès du journal Education Permanente à l’ENST,
mars 2003, Education Permanente n° 152, Les TIC au service des nouveaux dispositifs de
formation.
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nécessité pour chacun de travailler ou élaborer ensemble en apportant quand cela est
nécessaire son point de vue et ses domaines d’excellence. Le schéma ci-dessous veut
illustrer la complexité, c’est-à-dire la nécessité de tisser des liens entre toutes ces
ingénieries et donc entre tous les acteurs pour que le projet de FOAD arrive à voir le
jour et surtout puisse se pérenniser.
Ingénierie
de pilotage
Ingénierie de
communication
L’organisation
Ingénierie de formation
Architecture, besoins, suivi,
valuation…
Ingénierie pédagogique
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Objectifs, méthodes, timing, outils…
Ingénierie de l’apprenance
Finalités,
Partenariat,
Logistique,
Finances,
Délais
Droits…
Styles d’apprentissage, activités
pour la construction du savoir,
individuel/collectif…
L’homme
Représentations,
modalités,
outils,
supports…
Figure 1. Le modèle des 5 ingénieries nécessaires à la FOAD
Si nous procédons habituellement du centre du schéma à partir de l’ingénierie
pédagogique, c’est qu’en général les premiers acteurs opérationnels de la FOAD
sont les enseignants ou formateurs. Souvent fortement incités ou même désignés
d’office par leurs décideurs, ce sont toujours les formateurs qui sont les
« innovateurs » dans les organisations de formation. Ils sont les premiers formés et
les premiers à se mettre au travail de formalisation du cheminement de l’apprenant à
distance. Reprenant les objectifs pédagogiques qu’il définit habituellement pour son
cours en présentiel ou en enseignement individualisé ou repartant du référentiel de
diplôme ou de formation ou à défaut, de son plan de cours, chaque formateur
scénarise la démarche ou parcours d’apprentissage de ses apprenants en FOAD.
Celui-ci devra pouvoir se faire à distance, mais accompagné par le formateur ou
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d’autres acteurs : accompagnateur, tuteur… et en lien avec d’autres apprenants, car
la confrontation et l’échange sont nécessaires à l’apprentissage3. Pour cela, le
formateur recherche ou conçoit des ressources pédagogiques variées qui, intégrées
au scénario pédagogique qu’il propose, permettent de suivre l’apprenant et de
l’évaluer. Cette ingénierie, proche du travail habituel du formateur situé entre
produits pédagogiques et services à l’apprenant, l’oblige à plus de formalisme et
semble pour beaucoup le premier et principal travail à faire pour mettre en place la
FOAD. Mais comme « toute pratique pédagogique renvoie implicitement à une
certaine conception du monde, une vision de l’homme, un choix de société4 », si le
formateur affirme celles-ci par son scénario pédagogique, il aura besoin de deux
autres types d’éclairages pour pouvoir faire ce travail de façon professionnelle,
efficace et fondée : l’éclairage de l’institution et celui des individus à former ou
public cible.
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L’éclairage de l’institution
Cet éclairage va se trouver dans l’ingénierie de pilotage principalement dans la
formalisation des finalités stratégiques de la FOAD pour l’institution en général
formulées par le décideur (au nom de son conseil d’administration) et/ou l’équipe de
direction et en lien avec le projet pédagogique de l’établissement. Quelles finalités
pour la FOAD : plus de chiffre d’affaires, de qualité, de personnes à former, de
visibilité, de réussite aux examens… ? Ces axes devraient donner la direction du
projet FOAD et permettre d’en définir l’ingénierie de formation en amont de
l’ingénierie pédagogique. En effet, l’architecture générale du dispositif de FOAD se
pense ou rêve avant de se centrer sur les ressources pédagogiques : que faire à
distance ? quelle nécessité pour la présence ? que vise-t-on en termes de
socialisation et d’autonomie dans l’apprentissage, mais aussi quels sont les prérequis
des apprenants sur ces deux points ? Comment structurer le parcours de l’apprenant
dans sa globalité pour qu’il atteigne les objectifs annoncés et que l’organisation
garantisse une formation de qualité qui atteigne les finalités qu’elle s’est définie ?
Ces choix institutionnels fournissent le périmètre du projet. Et l’on sait que
lorsqu’ils sont insuffisamment formulés, les projets ont tendance à dysfonctionner et
à empêcher l’ingénierie pédagogique élaborée par les enseignants et formateurs de
donner le meilleur d’elle-même.
3. Voir la notion de conflit socio-cognitif de Piaget ou tous les travaux cités dans le livre
J’apprends donc je suis d’Hélène Trocmé-Fabre aux Editions d’organisation, 1989.
4. Hélène Trocmé-Fabre, Ré-inventer le métier d’apprendre, Editions d’organisation, 1999,
p. 37.
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L’éclairage du public cible est primordial
C’est le public cible qui, en tant que client, devrait coconstruire le dispositif de
FOAD ; on retrouve cela dans l’ingénierie de l’apprenance5 qui « donne des
garanties pour que les acteurs et les partenaires éducatifs contribuent vraiment à un
projet d’apprendre et non à un produit de formation6 ». En effet, ce qui va faire la
différence dans la formation ouverte et à distance d’un organisme à l’autre, c’est la
capacité de chacun d’eux à s’adapter aux besoins d’apprentissage des individus à
former et à faire évoluer leur représentation de la formation dans le sens déterminé
par le projet pédagogique de l’établissement de formation intégrant cette nouvelle
forme de formation. L’ingénierie de l’apprenance nécessite de se pencher sur les
démarches diversifiées des apprenants dépendant de leurs styles d’apprentissage,
tout autant que sur le modèle pédagogique offert par les FOAD entre instructivisme
et transmission et constructivisme et accompagnement, en affirmant que tout cela est
au service de la montée en compétence de l’apprenant. Cette ingénierie, qui devrait
pouvoir justifier les choix pédagogiques pour permettre à chaque apprenant
d’atteindre les objectifs annoncés, est souvent le parent pauvre du travail sur la
FOAD : tous les acteurs se centrent plus sur les contenus dans l’ingénierie
pédagogique que sur les apprenants eux-mêmes et les services nécessaires à leur
apprentissage.
Enfin, tous les acteurs d’une institution vont devoir, pour élaborer ce dispositif
de FOAD, échanger et communiquer, c’est-à-dire construire un espace-temps
commun. Qui va parler à qui et avec quels moyens : téléphone, mail, forum… ? Et
de quoi parle-t-on ? L’ingénierie de communication s’élabore souvent autour des
outils de communication, mais comme ce ne sont pas les outils qui font la
communication, c’est le travail en commun et le besoin de sens partagé pour ce
dispositif de FOAD qui vont la structurer. La communication interne et externe
autour du projet de FOAD explicite les valeurs qui sous-tendent ce dispositif et
permette à tous d’en avoir une représentation claire.
Finalement c’est en actant ces 5 ingénieries tous les jours et en les déclinant dans
le contexte d’un projet, que chaque acteur et/ou l’équipe en professionnalisation,
forge le cadre nécessaire tant au dispositif de FOAD qu’à l’intégration de la FOAD
dans l’organisation.
5. Comme le propose Hélène Trocmé-Fabre dans son livre J’apprends donc je suis aux
Editions d’organisation, 1986, pour donner la notion de processus positif alors
qu’apprentissage dans nos représentations s’adresse à des publics en difficulté.
6. Hélène Trocmé-Fabre, ibid., p. 106.
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Distances et savoirs. Volume 2 – n° 1/2004
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Comment la FOAD intègre-t-elle les lieux de formation ? De la formation
des formateurs aux TIC à la professionnalisation des acteurs en FOAD
Pour introduire la FOAD dans les organismes de formation, la stratégie la plus
habituelle encore aujourd’hui est celle d’un projet financé comme expérimental soit
par l’Europe, la région, un fonds d’un opérateur ou encore la recherche et
développement de l’entreprise. En cela, nous sommes bien dans le cadre d’un
changement qui se voudrait fréquemment une évolution de l’organisation vers plus
de rationalisation et de recherche de cohérence organisationnelle ; d’ailleurs, la
FOAD arrive souvent après une démarche qualité ou au moment de la réécriture du
projet pédagogique de l’établissement. Le projet de FOAD est en général proposé à
quelques « innovateurs » ou transmis à des « désignés d’office » avec une forte
affirmation de la direction sur l’efficacité et même l’efficience de ce type de
formation, qui ne repose souvent sur aucun calcul rationnel : les critères ou tableaux
de bord pour suivre l’innovation étant toujours quasi inexistants. Le groupe, souvent
de formateurs, chargé de mettre en œuvre la FOAD va passer plusieurs fois par le
cycle des étapes des innovations ordinaires7 :
– incitation de la part des décideurs,
– appropriation en étant en rupture avec l’organisation habituelle,
– institutionnalisation des évolutions sur l’ensemble de la chaîne de production
et non seulement sur l’objet de travail de l’équipe.
Pour les accompagner dans cette démarche, a minima une formation de
formateurs à la FOAD est nécessaire à ce groupe ou mieux une formation-action qui
va leur permettre d’être accompagnés dans leurs travaux et évolutions. Celle-ci
s’insère dans le dispositif de professionnalisation.
Si les formations que j’ai animées depuis plus de 25 ans ont permis à des
enseignants et formateurs de concevoir des didacticiels8 ou des supports visuels pour
enseigner et apprendre9, ou encore d’élaborer et animer des centres de ressources,
depuis deux ans, je travaille sur le champs de la professionnalisation des acteurs des
lieux de formation, dans le cadre cité ci-dessus des 5 ingénieries. Dans une optique
de pluralité et de continuité, je défends la nécessité de professionnaliser des acteurs
diversifiés d’une institution à partir du projet TIC ou FOAD et cela pour permettre
d’installer le changement, et non comme c’est trop souvent le cas, donner un coup
d’épée dans l’eau le temps du projet.
7. Norbert Alter, ibid., chap. 3
8. Conseils aux auteurs de didacticiels, Véronique Duveau-Patureau, Agence de
l’Informatique (ADI), 1985.
9. Voir les différents modules de formation proposés aux enseignants de l’université HenriPoincaré de Nancy 1, http://www.cyberuhp.u-nancy.fr, depuis 2001.
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Professionnalisation et résistances
Ce concept de professionnalisation est complexe et génère souvent pour les
professionnels eux-mêmes des résistances traduites sous forme de sentiment
d’hypercompétence : « mais on sait, on a été formé, on enseigne ou forme tous les
jours, on n’a rien à apprendre, on est déjà des professionnels ». Leur revendication
est juste, car comme le formule Guy Le Boterf, il n’est pas possible de
professionnaliser quelqu’un, « seules des personnes peuvent se professionnaliser si
elles le souhaitent et si elles sont prêtes à fournir les efforts nécessaires pour y
parvenir10 ». Ce terme est apparu en même temps que le déploiement de la notion de
compétence et en particulier avec la notion de compétence collective qui mène à la
description d’une professionnalité. En mettant la construction et l’animation d’un
projet de FOAD au cœur du dispositif de professionnalisation, celui-ci inclut bien
« la formation, mais y ajoute l’organisation des situations de travail pour qu’y soit
rendu possible l’apprentissage de la construction des compétences11 » en FOAD. En
effet, que ce soit les enseignants des universités12, les formateurs de régions ou de
centres de formation ou encore les cadres d’institutions telles que les hôpitaux ou les
tribunaux (car ils ont une fonction pédagogique primordiale auprès de leurs
équipes), l’ingénierie pédagogique leur est très utile pour créer et/ou animer des
séquences pédagogiques en face à face, ou individualisées. Avec la FOAD, chaque
séquence pouvant se passer en présence, dans des centres de ressources, sur le lieu
ou poste de travail ou à distance via internet, très vite ils prennent conscience de la
nécessité de sortir cette ingénierie d’un simple cadencier pour offrir des situations
pédagogiques adaptées aux apprenants et à leurs diverses façons d’apprendre. En un
mot, ils rejoignent l’ingénierie d’apprenance. Et dans le même mouvement, tous les
autres acteurs de l’institution doivent aussi apprendre à ouvrir leurs ingénieries,
changer de représentation sur la formation avec la FOAD et communiquer. Sinon le
projet risque de ne pas voir le jour pour raison de cacophonie. Le décideur doit
imaginer de nouvelles façons de gérer l’argent d’une formation, expliciter de
nouvelles visées pour l’organisation et chaque acteur mais aussi manager autrement
les ressources humaines et les compétences de son organisation ; les techniciens et
administratifs doivent prendre en charge des apprenants en FOAD plus
individuellement qu’en groupe et répondre à des demandes individualisés, et les
apprenants doivent apprendre de nouvelles façons d’apprendre et de communiquer.
10. Le Boterf G., L’ingénierie des compétences, Paris, Editions d’organisation, 1998, p. 29.
11. Le Boterf, ibid., p. 28.
12. COMPETICE, http://www.educnet.education.fr/competice/ dans ce document pour gérer
des projets TICE dans les universités, par les compétences des acteurs, les 5 acteurs pris en
compte sont les étudiants, les enseignants, les techniciens/administratifs, les chefs de projet et
les décideurs.
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Distances et savoirs. Volume 2 – n° 1/2004
Impact du passage par l’individualisation
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Déjà, l’individualisation, par une précédente révolution que tous les organismes
de formation n’ont pas faite, avait nécessité une révolution copernicienne de l’acte
d’enseignement avec plus de centration sur l’apprenant en tant que personne, l’offre
d’outils d’apprentissage autosuffisants : dossiers d’auto-apprentissage, didacticiels,
un décompte des temps d’apprentissage plutôt que d’enseignement, des gestions par
forfaits, l’apparition de nouvelles compétences et nouveaux métiers… Les
organisations et leurs acteurs qui sont passés à l’individualisation dans leur classe ou
dans les centres de ressources, comme les APP par exemple savent bien que leur
travail a changé et qu’ils ont dû passer de l’enseignement en groupe avec animation
à l’accompagnement individualisé de l’apprentissage. Ils tentent tous les jours de
mieux s’adapter aux besoins spécifiques de l’apprenant, de trouver les moyens et les
outils pour mieux l’accompagner dans son apprentissage vers la réussite. Ils savent
que ce nouveau mode de diffusion de la formation est aussi une nécessité
gestionnaire basée sur la difficulté de réunir des groupes d’apprenants homogènes
capables d’être dans le même lieu à la même heure, sur le même besoin de
formation. Ce sont les vrais « évangélistes » de « l’apprendre autrement », incité par
leurs décideurs.
De l’offre à la demande, évolution du produit au service
Ainsi que ce soit dans la FOAD ou dans l’individualisation, l’amélioration du
service à l’apprenant et le passage de l’animation de groupes à l’individualisation
interroge aussi l’approche gestionnaire de la formation en la faisant passer de l’offre
au traitement de la demande. Elle nécessite, en particulier de redéfinir et quantifier
le travail du formateur, mais aussi de changer les unités de compte de la formation.
Depuis quelques années, l’Education nationale par le réseau de ses GRETA a fait un
travail considérable pour faire reconnaître le travail différencié de ses personnels : si
chaque enseignant suivant son statut, son grade et son type de poste… doit animer
un certain nombre d’heures en face à face pédagogique, il peut être amené à
pratiquer bien d’autres activités : construction de support pédagogique, validation
des acquis de l’expérience… ou d’autres formes de formation : FOAD,
individualisation… Son travail est alors quantifié par le barème des activités
annexes, qui, par exemple, stipule que 3 heures de FOAD sont équivalentes à
4 heures de formation classique13. En fait, le besoin de voir reconnaître des activités
spécifiques à la FOAD et nécessitant des compétences elles aussi spécifiques est
pratiquement toujours une des premières revendications des formateurs dans la mise
en place de la FOAD : « qui paye notre temps de préparation plus long, comment est
reconnu le temps de lecture et de réponses des mails pour suivre les étudiants, sur
quel temps de travail fait-on de la recherche de ressources intéressantes sur
13. Décompte des activités à caractère pédagogique et modalités de gestion des personnels à
vocation pédagogique dans les rectorats (DAFPIC et/ou CAFOC).
Accompagner le changement par la FOAD
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internet… ? » Apparaît donc avec la FOAD, un formateur à multiple facettes et non
l’enseignant monolithique de nos images d’Epinal. C’est dès le temps de la
professionnalisation que ses nouvelles missions et compétences doivent se dévoiler,
car c’est ainsi qu’il va montrer qu’il sort du moule habituel et qu’il pourra se
positionner dans son équipe pédagogique en rupture nécessaire avec l’innovation
dans la phase d’appropriation. Cette position va questionner les autres acteurs et
leurs ingénieries et inciter au réingéniering de l’organisation, c’est-à-dire à
l’institutionnalisation de cette diversification des activités du formateur.
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Quelques freins rencontrés au cours des dispositifs de professionnalisation,
preuve de la complexité
De la conception à la clôture des dispositifs de professionnalisation, nous
pouvons relever quelques prétextes, craintes ou même blocages formulées par les
différents acteurs et qui touchent toutes les ingénieries dans les phases
d’appropriation. Ils viennent ralentir, si ce n’est stopper le projet de FOAD au
moment de la phase d’institutionnalisation et sont la marque de la peur du
changement et du poids de la rationalisation tant économique qu’organisationnelle
qui pèse sur le projet, ainsi que des difficultés pour faire évoluer ou ouvrir les
représentations des acteurs.
L’insuffisance de ressources pédagogiques
Cet argument est souvent la première défense des formateurs en début de
dispositif de professionnalisation : « nous n’avons aucune ressource, il va falloir tout
créer, nous n’aurons jamais le temps, ce que nous trouvons ne correspond ni à notre
public, ni à nos budgets »… Faire reconnaître le travail de formalisation qu’ils ont à
produire pour la FOAD permet de reconnaître une activité du formateur : celle de
producteur de ressources pédagogiques, qui est en général en dehors de la FOAD,
très peu reconnue dans leurs charges de travail. Comme la formalisation est d’abord
textuelle pour fournir à l’apprenant le savoir, ils savent que c’est toujours un gros
travail de fournir un support de cours : poly ou même Powerpoint… Mais si dans
leur formation, l’approche multimédia et interactive des ressources est dévoilée,
alors ils deviennent très vite encore plus gourmands en temps et compétences pour
écrire celles-ci en intégrant images, sons, animations ou vidéos, hypertextes et
hypermédias…
Cette centration sur le contenu de la formation, plus que sur les services qu’ils
vont apporter autour de ressources de différents types (polys, sites, cassettes vidéo,
enregistrement sonore d’un cours ou conférence…) vient reproduire cette pratique
habituelle en formation qui veut que chaque formateur crée les supports de son
cours. Or les supports en dehors de la FOAD ne sont pas toujours dans une forme
éditoriale pour l’apprenant et quelquefois ceux qui peuvent lui être transmis, tels des
fichiers PowerPoint sans le discours associé de l’enseignant, sont d’une efficience
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Distances et savoirs. Volume 2 – n° 1/2004
fort limitée quand ils ne sont pas proches de l’absurdité pédagogique. En fait, en
termes de rationalisation, certains lieux, telles les écoles d’infirmières14 pourraient
mutualiser des contenus ou ressources pédagogiques et permettre ainsi aux
enseignants de puiser dans une base et de se centrer sur le scénario pédagogique et le
suivi de l’apprenant. Mais c’est attaquer de front l’image du formateur qui dit et sait
le savoir par lui-même et remettre à la première place celle du pédagogue qui
accompagne. Or comme c’est seulement sur la mission de transmission que le
formateur est aujourd’hui rémunéré, et que c’est dans le face à face pédagogique
qu’il construit son identité, on peut comprendre les freins à cette évolution pourtant
nécessaire des compétences des formateurs. Cela permettrait d’éviter des coûts de
développement en temps et en argent exorbitants pour les organismes qui se lancent
dans la FOAD et dont va souvent dépendre la qualité de la FOAD. Quant à partir des
supports habituels des formateurs, en général faits de copier-coller de nombreux
ouvrages, et les numériser, c’est souvent une grande crainte pour eux : ils mettent au
vu de tous leur production. Le temps nécessaire à ces questions, à la prise de
décision et, subitement en général, un basculement vers les services pédagogiques à
associer à ces produits est donc une phase importante de la professionnalisation des
acteurs. Tout cela est associé au fait que la plupart du temps, les décideurs et
l’ingénierie de pilotage avait clamé que rien ne changerait si ce n’est l’ingénierie
pédagogique… alors que par la FOAD, tout dans l’organisation est à reconsidérer.
Le nombre d’apprenants ou d’acteurs à former dans le dispositif
de professionnalisation
Lors de l’organisation d’un tel dispositif de professionnalisation, qui s’étale dans
le temps et qui veille à mettre en place des moments de formation spécifiques pour
chacun et des moments d’échanges entre acteurs, il n’est pas rare que les
organisations ne voient pas de limite à l’inscription de nombreux acteurs, voire tous
les acteurs, sans compréhension du besoin d’accompagnement nécessaire.
Dans la formation traditionnelle, le groupe idéal est de 12 à 15 personnes alors
que dans la formation à distance pour un formateur, j’ai pu constater à partir de ma
pratique de formateur de formateurs à distance15 qu’il est de 30 à 35 personnes pour
la FOAD. Il n’y a qu’un pas pour ceux qui pensent pouvoir gagner beaucoup
d’argent avec la FOAD, pour demander que l’accompagnateur prenne un groupe de
100 personnes ou plus, puisque tout est prêt. C’est oublier le rôle important
d’échange, d’animation et de prise de distance que permet un formateur à distance
14. Guide du multimédia en formation, sous la direction de Jacques Naymark, RETZ, 1999,
voir « Réflexion autour de la profession Infirmière », Véronique Duveau-Patureau, p. 274291.
15. Dans les formations mises en place pour le CAFOC de Créteil et la région Ile-de-France :
DIFADIF, et celle du CAFOC de Poitiers : SOFFIA, mais aussi celle du projet EQUAL pour
l’ADAPT : SQHM…
Accompagner le changement par la FOAD
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qui doit de plus mettre en place des outils pour suivre chacun. Pour suivre les
formateurs en formation, je me suis construit un indicateur : la distance pédagogique
au participant à la formation. Calculée à partir des interactions et des visites des
participants sur l’outil de formation à distance (plate-forme ou outil de travail
collaboratif), elle me permet de distinguer les acteurs en 4 types : muets, lecteurs,
actifs et hyperproductifs et de déclencher pour chacun d’eux des formes
d’accompagnement adapté. Changer de statut, par exemple faire évoluer un
formateur de lecteur à actif, donc producteur de réflexions, propositions ou
reformulations, nécessite à la fois de la part du formateur de formateurs beaucoup
d’incitations, d’assurance de non-jugement, mais aussi de valorisation de la prise de
parole plutôt que du non-dit… mais en plus il faut passer de l’incitation à la mise en
application et à la valorisation par le formateur en formation. Mais si la FOAD
permet d’animer des groupes plus importants à distance, c’est principalement à
cause de la non-simultanéïté des interactions qui ont lieu pratiquement 24 heures sur
24, mais aussi à cause des formulations plus directes qui sont produites et de la mise
en application qui peut se déclencher à tout moment.
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Le tout potentiellement à distance
Que faut-il mettre à distance dans une formation ? Très vite, les formateurs
pensent qu’elle serait potentiellement à mettre à 100 % à distance, pour pouvoir
s’adapter aux besoins des apprenants. Les formateurs ont beaucoup de mal à
distinguer les moments de formation à laisser en présence ou en alternance. « Quitte
à rationaliser, rationalisons le tout et ne donnons qu’un lieu de formation. » Elaborer
une formation intégrant la diversité des temps, lieux et actions d’apprentissage n’est
pas facile : la complexité ne semble pas proche de la rationalisation.
Une situation d’apprentissage plus riche
La FOAD est souvent annoncée comme la possibilité d’offrir à l’apprenant une
situation plus riche d’apprentissage que dans la formation traditionnelle. Le
dispositif de FOAD en mettant à disposition toutes les ressources deviendrait de fait
plus riche. Mais qu’en est-il des interactions des séances de formation, des savoirs
volés lors d’intervention de l’enseignant à un voisin, des savoirs invisibles mais
présents dans les interactions16 des échanges avec ses voisins durant un exercice, de
l’apport improvisé du formateur suite à une question de l’un du groupe. Bien
souvent en FOAD, ce sont ces interactions qui vont avoir du mal à exister, car il est
plus difficile et dangereux de formaliser par écrit sur internet, et cela de nombreux
acteurs en font l’expérience. Ceci vient bien reposer la question de la richesse de la
situation d’apprentissage à distance qui n’est pas incluse dans les technologies, ni
dans la mise à disposition de ressources, mais bien dans la qualité des services
16. Revue Sciences Humaines, n° 137, avril 2003.
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Distances et savoirs. Volume 2 – n° 1/2004
offerts. Ceux-ci nécessitent pour être développés des compétences particulières (voir
COMPETICE17) que les acteurs de la FOAD doivent acquérir.
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Quelques critères de réussite
Dans le contexte actuel, il est déterminant de se poser la question : Qu’est-ce que
réussir dans la mise en place d’un projet de FOAD ?. Cette approche par la réussite,
soulève la question de l’évaluation et en particulier celle d’évaluer à la fois des
formations et des changements organisationnels. Lorsque la question, « est-ce que la
professionnalisation des acteurs à la FOAD a été réussie ? » m’est posée, je peux
toujours répondre par les 97 % de satisfaction habituelle lors de l’évaluation à chaud
du dernier jour de formation, mais je préfère analyser nettement plus finement ceci
pour améliorer mon dispositif :
– par les projets élaborés et mis en route dans les organisations ;
– par les évolutions des représentations des acteurs ;
– par les changements organisationnels des institutions : meilleure
différenciation des activités des acteurs, nouveau mode de gestion et de décompte
des temps de formation… ;
– par les capacités acquises ou les compétences mises en œuvre des acteurs, à
partir du delta entre le test de prérequis et le test d’évaluation et compte tenu des
productions effectuées ;
– par les nouvelles capacités développées chez les apprenants avec les
technologies…
Mais si ces critères font preuve de la progression des acteurs, et des
changements, il me semble nécessaire, à partir de mon expérience et dans un objectif
de mutualisation et de coopération, d’essayer de préciser quelques critères de
réussite pour permettre d’installer la FOAD comme « innovation ordinaire » par un
dispositif de professionnalisation.
Critère de temporalité : plus de trois ans
Il y a souvent une situation d’urgence lors de la mise en place de la FOAD, soit à
cause de la prise de conscience de la nécessité de répondre aux besoins des
apprenants ou du besoin urgent de diversifier ou assouplir l’offre pour trouver des
candidats ou répondre aux demandes subites des financeurs… Certes, cette urgence
va être un superbe combustible qui va apporter de l’énergie au projet, mais le
rendement ne sera visible qu’au bout de deux ou trois ans après démarrage ; en effet
comme nous l’avons dit ci-dessus, ce sont après de nombreuses successions de
17. Cet outil interactif permet de faire un travail sur les compétences spécifiques nécessaires à
5 types d’acteur lors de l’introduction des TICE dans une université,
http://www.educnet.education.fr/competice/
Accompagner le changement par la FOAD
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séquences : incitation, appropriation, institutionnalisation que la FOAD prendra sa
vitesse… De nombreuses réalisations ou tests vont permettre d’apprécier dans quel
sens cette innovation entraîne acteurs et institution, mais pour vraiment être dans le
projet et en voir précisément les retombées, il faut suffisamment de réalisations et
une vraie implication de tous les acteurs. J’ai pu constater fréquemment, que c’est au
moment d’une institutionnalisation que soit il n’y a plus de financement pour
l’expérience, soit il y a des décisions de se recentrer sur son cœur de métier et de
laisser tomber l’expérience. Comme si la peur du changement au moment de la prise
de conscience ou institutionnalisation était plus forte que la volonté ou nécessité de
changer… Mon expérience me montre que c’est au bout de trois ans que
l’innovation FOAD s’installe après être déjà passée par plusieurs cycles : incitationappropriation-institutionnalisation et qu’il faudra deux ans encore pour que cela
devienne l’ordinaire au même niveau que d’autres formes de formation.
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Critères de parcours jalonné : des étapes et un accompagnement
Pour répondre à la gestion du projet, le problème du temps doit être découpé en
étapes et surtout accompagné par un consultant ou expert qui pourra dans une
relecture distanciée de l’évolution tant des acteurs que de l’organisation énoncer,
positionner et proposer régulièrement des bilans d’étapes et faire les liens avec les
pratiques professionnelles traditionnelles de l’organisation, avec un minimum
d’extériorité... Il pourra surtout indiquer avec recul et objectivité quelles sont les
avancées et progressions entrées en action et ce qu’il faut continuer à faire évoluer
pour que la FOAD soit totalement intégrée au niveau des pratiques des formateurs,
des apprenants et de tous les acteurs, et fasse partie du patrimoine de l’organisation.
Critère stratégique : des décideurs d’un nouveau style qui gère l’incertitude
Les décideurs qui lancent leur organisation dans la FOAD attendent de ce
changement des finalités plus ou moins clairement exprimées comme je l’ai dit plus
haut : si c’est une amélioration du rendement de la formation, comme cela tend à
mettre 2, 3 ou 5 ans pour se produire, il leur faut de la patience ; si c’est une
amélioration de la qualité de la formation ou une évolution de l’image de
l’organisation de formation, le démontrer n’est pas facile. Dans tous les cas, il leur
faut trouver de nouveaux modes de gestion et d’organisation dans ces phases
d’incertitude et ne pas abdiquer avant que la FOAD ne puisse être l’ordinaire du
Centre de formation. Certes une action innovatrice s’appuie toujours sur des
croyances, mais ensuite il n’existe pas de méthodologie certaine, il faut construire
une stratégie aléatoire basée sur l’écologie de l’action qui fait que « toute action
entre dans un jeu d’interaction qui fait qu’elle échappe assez vite à l’intention et à la
volonté de ses auteurs18 ».
18. Morin E., Le Moigne J.L., L’intelligence de la complexité, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 203.
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Critères de gestion : une autre économie ou mode de gestion
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Pour les organisations, une des principales difficultés de la FOAD est
d’appréhender un nouveau mode de gestion : gestion du temps de travail des
formateurs, gestion des heures d’apprentissage/enseignement sur lesquelles les
financements sont fondés, gestion des flux d’apprenants, gestion de plannings
individualisés… tout se complexifie, disent les acteurs. Est-ce que le jeu en vaut la
chandelle ? Si l’on prend le temps de travail des formateurs, calculé seulement sur le
temps de face à face avec les apprenants, voilà que la FOAD révèle que ce n’est
peut-être pas le temps de parole ou d’exposé du formateur qui est la bonne variable
pour valoriser un organisme de formation (en général, on évalue un organisme par le
nombre d’heures d’enseignement dispensé, quelquefois même, par le nombre
d’heures d’enseignement multipliées par le nombre d’élèves effectuées durant
l’année…) et qu’il serait important de travailler sur les données qualité des
situations d’apprentissage : ce nouveau mode de management des institutions de
formation à partir de la FOAD est totalement à élaborer.
Ainsi entre rationalisation poussée et innovation erratique, il me semble que la
FOAD est une vraie opportunité pour le champ de la formation. Elle permet de se
reposer les questions fondamentales pédagogiques et managériales avec les sciences,
techniques et découvertes d’aujourd’hui pour définir la qualité de formation qu’on
est en mesure d’attendre aujourd’hui et non celle d’il y a un siècle. Pour cela, un
chantier important est à bâtir pour que toutes les expériences, innovations avortées
ou devenues ordinaires de la FOAD permettent d’enrichir la formation du XXIe
siècle. Le référentiel des Bonnes Pratiques de la FOAD de l’AFNOR19 ou les
évolutions en cours de la législation sur la formation ou encore la reconnaissance
des activités pédagogiques des enseignants-chercheurs universitaires dans leur
évolution de carrière me semblent être autant de chantiers qui permettront à ces
technologies innovantes d’enrichir la formation, car « La Pauvreté fait son
apparition lorsque les gens perdent le sens du partage20 »… Alors, partageons…
Bibliographie
Naymark J., Guide du multimédia en formation, Paris, Retz, 1999.
Maubant P., Pédagogues et pédagogies en formation d’adultes, Paris, PUF, 2004.
Morin E., Les 7 savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Paris, Seuil, 2000.
19. AFNOR BP_Z_76-001(F).
20. Angie Todd-Dennis, cité par Majid Rahnema dans Quand la misère chasse la pauvreté,
Paris, Fayard, Actes Sud, 2003, p. 75.