POURQUOI CREER UNE SOCIETE CIVILE

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POURQUOI CREER UNE SOCIETE CIVILE
Conférence "les rendez-vous 18h/20h"-septembre 2013 http://chambre-38.notaires.fr
Du bon usage de la Société Civile Immobilière
Conférence des notaires de l'Isère – septembre 2013
POURQUOI CREER UNE SOCIETE CIVILE ?
Lionel MOREAU, notaire
Les sociétés civiles fascinent. Excellent instrument de la gestion patrimoniale et de la
transmission, elles constituent un des piliers incontournables de la gestion de patrimoine.
La société civile de famille va être constituée le plus souvent dans un objectif de
transmission.
La paix des familles, les besoins des jeunes générations appellent à une transmission
anticipée du patrimoine, opération qui ne peut être simple car marquée par la complexité
des situations à régir.
En effet, les nouvelles trajectoires familiales, les familles éclatées ou recomposées, la prise
en compte des intérêts des mineurs, d'incapables majeurs, de "personnes fragilisées", se
traduisent sur le plan patrimonial par un besoin d'assistance permanente par des proches
qualifiés et désintéressés et la mise en place de verrous juridiques visant à protéger une
personne contre elle-même.
Pour concilier l'ensemble de ces intérêts, dans un environnement économique et familial
difficile, l'objectif est donc de transmettre son patrimoine tout en assurant sa propre
sécurité, de créer des droits concurrents, de les maîtriser, de donner et de retenir.
Au vrai, il s'agit de dissocier propriété et pouvoir, propriété et fruits, tout en restant
respectueux des canons de notre droit patrimonial.
La société civile présente, en tant que structure sociale, toute une série d'atouts pour servir
les besoins exprimés dans le cadre familial.
On sait que ce type de société présente une souplesse incontestée, marqué par un fort
intuitu personae.
La constitution est aisée, point de capital minimum ni de contrôle des apports, elle est
ouverte à toute personne, fonctionnaires, professions libérales, mineurs, faillis.
Son fonctionnement est par ailleurs marqué par la flexibilité, les conditions de nomination et
de révocation du gérant, le droit de vote, le calcul de la majorité peuvent être
statutairement aménagés.
Au surplus, en dessous des seuils fixés par la loi, il n'existe aucune obligation de désigner un
commissaire aux comptes, aucun dépôt de documents comptables au greffe.
Il en va jusqu'au régime fiscal qui autorise soit l'option à l'IS (Impôt sur les sociétés), soit de
rester soumis à la fiscalité des particuliers.
QUELS SONT LES AVANTAGES DE LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ?
Une Société civile présente de nombreux avantages parmi lesquels on peut citer :
- elle permet d'éviter les aléas de l'indivision en prévoyant des majorités sur mesure en
fonction du nombre d'enfants, ce qui peut être utile si vous intégrez vos héritiers dans la
société..
- fort intuitu personae, ne rentre pas qui veut dans la société, ce qui permet d'ouvrir ou
fermer l'accès à la Société civile, prévoir toutes les évolutions possibles.
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- grande souplesse dans la rédaction des statuts, organiser le démembrement des parts en
cas de donation, protéger un enfant mineur.
- permet d'opérer une dissociation pouvoir-capital très précieuse.
- loisible de fixer dans les statuts une majorité renforcée pour la nomination et la révocation
du gérant, il est loisible de rendre le gérant indétrônable.
- possibilité de laisser au gérant des pouvoirs considérables, comme disposer librement de
l'actif social, les décisions courantes sont prises par le gérant dont les pouvoirs sont
librement fixés par les statuts.
- le champ de l'agrément en cas de cession de parts peut-être total.
- statut fiscal à l'IR ou à l'IS sur option.
- pas d'abus de biens social.
- clauses statutaires très souples en cas de décès, en fonction du contexte familial.
En permettant une transmission progressive du patrimoine au moindre coût fiscal.
Il est en effet plus facile de transmettre des parts de société qu'un immeuble entier.
En procédant par donations, vous pourrez optimiser les abattements légaux et transmettre
sans droits jusqu'à 100 000 euros par enfants, malheureusement tous les 15 ans.
En matière d'ISF, les parts de société civile font généralement l'objet d'une décote de l'ordre
de 10 à 20 % par rapport à la valeur des immeubles, en raison de leur manque de liquidité,
avec la stipulation d'une clause d'agrément par exemple.
QUELS SONT LES INCONVENIENTS ?
Il faut savoir que la Société civile, comme toute société, est soumise à un formalisme lourd,
non seulement lors de la constitution de la société (avec un coût, formalités au greffe
comprises, d'environ 1 500 euros), mais aussi tout au long de sa vie (il est indispensable de
faire vivre cette société, pour éviter le risque de fictivité fiscale, avec une assemblée
générale par an décidant de l'affectation des résultats, et de tenir une comptabilité pour
cette société, de préférence par un expert-comptable, pour sécuriser les apports en compte
courant d'associés).
Il est en effet recommandé pour une SCI de tenir une comptabilité et convoquer une
assemblée générale au moins une fois par an pour l'approbation des comptes.
A défaut, en cas de vérification, il vous sera impossible de justifier vos déclarations et les
services fiscaux pourront établir une imposition d'office.
Par ailleurs, il faut savoir qu'une société civile ne peut avoir qu'une :
- activité purement civile, pas d'activité commerciale comme la location en meublé (sauf
option pour l'IS).
- absence de fonctionnement et de suivi comptable dans beaucoup de SCI, très dangereuse
d'un point de vue fiscal comme je l'ai évoqué à l'instant.
- en cas de conflit entre les associés risque de blocage important, il s'agit de faire attention
aux règles de majorité.
- absence d'avantages fiscaux, comme une détention directe, la société civile est avant tout
un outil d'organisation et de transmission, ce n'est pas la panacée.
- les associés ont une responsabilité totale vis à vis des dettes sociales, et il faut organiser la
protection du mineur.
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QUEL EST LE STATUT DES ASSOCIES ?
Le choix des associés d'origine, regroupement de personnes qui décident d'instituer une
société, se fait par la signature des statuts.
La société civile est par nature une société fermée c'est à dire que :
- on n’y entre pas facilement.
- on n'en sort pas facilement.
Les statuts fixent assez librement les conditions d'entrée et de sortie des associés.
Toutefois 2 catégories d'associés doivent retenir rapidement notre attention : les incapables
et les conjoints.
1) L'incapable majeur ou le mineur
Entrer dans une société civile, c'est être exposé indirectement à son passif.
En effet, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part
dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.
Toutefois, les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales
contre les associés qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
Il est important de prévoir, dans les statuts, surtout pour les associés mineurs, qu'ils ne sont
tenus du passif social qu'à concurrence de la valeur nominale de leurs droits sociaux.
Il est impératif, pour éviter la mise en cause du professionnel qui a rédigé les statuts, que les
associés majeurs s'engagent à prendre en charge proportionnellement à leurs droits dans le
capital, les dettes qui pourraient être réclamées aux associés mineurs.
De sorte que lesdits associés mineurs ne soient jamais responsables indéfiniment du passif
de la société ou de tout passif né pendant leur minorité, au-delà de la valeur nominale de
leurs droits sociaux, c'est à dire souvent quelques centaines d'euros.
Toutefois, dans l'hypothèse où le mineur tiendrait ses parts sociales d'une donation qui lui
aurait été consentie par une des associés de la société, celui-ci sera tenu de l'excédent du
passif qui serait attaché à la société.
Il est important que toutes ces restrictions de responsabilité du majeur ou mineur protégé,
soient portées à la connaissance des créanciers.
2) Le conjoint commun en biens
Si un apport est fait au moyen de biens communs, le conjoint de l'apporteur peut s'inviter
dans la société, dès la constitution ou plus tard.
Il est donc indispensable de statuer sur l'entrée ou non du conjoint de l'apporteur dans la
société.
S'ils ne souhaitent pas l'associer, les associés doivent obtenir la renonciation du conjoint, à la
qualité d'associé, lors de l'apport.
A défaut, il sera fortement suggéré de soumettre à agrément le conjoint qui ferait usage a
postériori de cette faculté.
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Car en pratique, cette entrée tardive et brutale du conjoint de l'associé aura le plus souvent
pour but non pas de participer à la vie de la société mais plutôt de faire pression sur le
conjoint associé dans le cadre d'une séparation.
L'époux associé peut ainsi peut ainsi perdre la majorité des droits de vote si son conjoint
s'invite dans la société et qu'aucune clause d'agrément n'est prévue.
QUEL EST LE REGIME FISCAL DE LA SOCIETE CIVILE ?
Lorsqu'elles ne sont pas assujetties à l'impôt sur les sociétés à raison de leur objet ou sur
option, les sociétés civiles sont soumises au régime fiscal des sociétés de personnes.
1) La SCI soumise au régime des sociétés de personnes.
Au cours de la phase de financement
La SCI sera soumise au régime des sociétés de personnes conformément au Code général
des impôts, chaque associé personne physique sera imposable à titre personnel dans la
catégorie des revenus fonciers, pour la part de résultat correspondant à ses droits dans la
société, c'est ce qu'on appelle une société transparente.
Ce régime d'imposition présente les caractéristiques suivantes :
- détermination du bénéfice foncier à partir des loyers encaissés et des charges payées sur
l'année considérée.
- non déductibilité des travaux de construction, reconstruction ou agrandissement.
- imputation des déficits sur le revenu global à hauteur de 10 700 euros par an, hors déficits
générés par les intérêts d'emprunt, et pour le solde sur les revenus fonciers des 10 années
suivantes.
En cas de cession de l'immeuble
Dans la mesure où la société civile reste assujettie au régime fiscal des sociétés de
personnes, la plus-value dégagée lors de la revente de l'immeuble dépendra du régime des
plus-values immobilières des personnes physiques.
La plus-value est déterminée par différence entre le prix de cession de l'immeuble, diminué
des frais afférents, et son prix d'acquisition, majoré des frais d'acquisition.
Dans l'hypothèse d'une cession des parts de la SCI, la même fiscalité est applicable sur le prix
de cession desdites parts par rapport à leur prix d'acquisition.
Le délai de détention retenu est celui des parts.
2) La société civile soumise à l'impôt sur les sociétés.
Le Code général des impôts autorise les sociétés de personnes, qui n'entrent pas en principe
dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, à opter expressément pour leur
assujettissement audit impôt.
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L'option permet aux associés des sociétés de personnes de n'avoir à acquitter l'impôt sur le
revenu sur les bénéfices sociaux éventuellement mis en réserve qu'au moment de la
distribution de ces réserves.
Au cours de la phase de financement
Les sociétés de personnes ayant exercé l'option pour l'IS ont à supporter les mêmes charges
fiscales que les sociétés de capitaux.
Les associés supportent l'impôt sur le revenu, au titre des revenus de capitaux mobiliers et la
mise à disposition des résultats de la SCI passera donc par une distribution de dividendes
donnant lieu à une imposition au titre de l'impôt sur le revenu et rendant exigible les
prélèvements sociaux.
La déduction de la dotation aux amortissements des constructions et un moindre taux
d'imposition permettront de réaliser une économie d'impôt substantielle, notamment sur la
durée d'amortissement des constructions, ce qui est particulièrement appréciable lorsque,
pendant la phase de financement, les loyers servent à rembourser les échéances de
l'emprunt.
Lors de la cession de l'immeuble ou des parts sociales
Le régime de l'IS s'avère pénalisant en cas de cession ultérieure de l'immeuble ou des parts.
En cas de cession d'éléments de l'actif immobilisé, les plus-values, relavant dans leur
intégralité du régime du court terme, sont soumises à l'impôt sur les sociétés suivant le
régime de droit commun (33, 1/3).
Ce régime d'imposition des plus-values professionnelles, qui prévoit notamment que le
montant de la plus-value est déterminé par différence entre le prix de cession des éléments
d'actifs cédés et leur valeur nette comptable à la date de cession (valeur bruteamortissements pratiqués dans le cas des constructions) est donc beaucoup moins
favorable, par rapport au régime d'imposition des plus-values immobilières, qui prévoit un
abattement pour durée de détention.
Par ailleurs, le prix net d'IS de la cession ne pourrait être appréhendé par les associés que
par une distribution de dividendes, d'où une double imposition.
En cas de cession de parts, l'option pour l'IS, qui est de nature irrévocable, est susceptible de
décourager les acquéreurs potentiels particuliers en cas de revente ultérieure des parts
sociales.
COMMENT GERER UNE SCI ?
Etienne NALLET, notaire
Rapport entre associés, rédaction statut, fonctionnement récurent, pouvoir, coût, suivi
comptabilité, co-gérance…
Ainsi que cela a été dit par Maître MOREAU et ainsi que cela sera étudié par Maître GLAIZE,
le recours à une SCI présente des intérêts pour la détention du patrimoine professionnel et
pour la détention du patrimoine civil.
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En ce qui concerne le patrimoine professionnel la SCI permet de séparer l’actif immobilier de
l’exploitation professionnelle permettant ainsi une plus grande liberté de gestion et une
protection du patrimoine.
En ce qui concerne le patrimoine privé l’intérêt réside dans l’organisation du patrimoine et
sa transmission.
Dans l’approche que je vais faire de la SCI je vais aborder deux points le premier aura trait à
l’intérêt de la SCI comme outil de gestion et le second qui sera plus rapide aura trait aux
modalités matérielles de gestion d’une SCI.
LA SCI COMME OUTIL DE GESTION DU PATRIMOINE
L’idée du recours à une SCI germe généralement lorsque se profile un projet d’acquisition à
plusieurs.
Il s’agit en conséquence d’une acquisition projetée entre deux époux, entre deux concubins,
entre des parents et leurs enfants, ou bien entre des associés au sein d’une société
d’exploitation.
Nous laisserons volontairement de côté l’hypothèse de l’acquisition entre deux époux
puisque dans cette hypothèse la question de la gestion du bien acquis sera réglée par le
régime matrimonial des époux et les règles s’y rattachant.
Dans tous les autres cas (acquisition par des concubins, des parents et des enfants, des
associés) et à défaut pour les acquéreurs d’avoir anticipé la question de la détention du bien,
le bien sera détenu en indivision puisqu’il y’aura plusieurs propriétaires ayant des droits de
même nature sur un même bien.
Dans cette hypothèse de détention d’un bien en indivision les règles qui trouvent à
s’appliquer sont les règles édictées par les articles 815 et suivants du Code civil, et sans qu’il
soit utile de toutes les étudier, on peut se contenter de rappeler que ces dernières sont
extrêmement restrictives.
A titre d’exemple la décision de vente d’un bien détenu en indivision ne pourra être prise
que de manière unanime entre les indivisaires, les décisions relatives à l’administration du
bien devront-elles être prises à la majorité des 2/3 des droits indivis.
Enfin il faut aussi rappeler que le régime de l’indivision est prévu par le Code civil comme
devant être un mode de détention temporaire et qu’en conséquence l’article 815 du Code
civil prévoit la possibilité pour chaque indivisaire de sortir de l’indivision en provoquant le
partage de l’indivision.
Ces deux écueils, rigidité des règles décisionnaires et caractère temporaire, font que la
détention en indivision peut être considérée comme un mode détention à proscrire.
Pour être parfaitement complet il convient d’évoquer la possibilité prévue par le Code civil
de rédiger une convention d’indivision aux termes de laquelle les indivisaires peuvent
nommer un gérant, mais même cette solution est peu satisfaisante puisque cette convention
ne pourra pas excéder 5 ans et que les pouvoirs qui pourront être confiés au gérant sont
limités.
Une autre possibilité de détention à plusieurs d’un même bien immobilier peut se présenter
en cas de démembrement. On est plus alors dans l’hypothèse de plusieurs propriétaires
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ayant un droit de même nature, mais dans l’hypothèse où le droit de propriété est
démembré entre un usufruitier et un nu-propriétaire.
Une telle hypothèse peut notamment se présenter en cas de décès d’un propriétaire d’un
bien immobilier puisque dans cette hypothèse le bien peut revenir en nue-propriété à
certains héritiers et en usufruit à d’autres, ou bien également dans l’hypothèse d’une
donation lorsque le donateur se réserve l’usufruit du bien donné.
De nouveau dans l’hypothèse d’un démembrement les pouvoirs de l’usufruitier et du nupropriétaire sont strictement déterminés par le Code civil.
Ainsi la vente du bien démembré ne pourra avoir lieu que d’un commun accord, ce qui est
parfaitement logique puisque chacun vendra le droit qu’il a sur le bien immobilier. Dans le
cadre de la mise en location du bien par ailleurs le Code civil dispose que l’usufruitier ne
peut consentir des baux ayant une durée supérieure à 9 ans.
Enfin le Code civil dispose que l’usufruitier aura seul droit au fruit produit par le bien
immobilier (et c’est la nature même de son droit) et qu’en cas de vente du bien immobilier le
prix de vente sera réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.
Donc de nouveau dans le cadre du démembrement il n’existe aucune liberté pour les parties
puisque l’ensemble des règles régissant ce statut sont déterminés par le Code civil.
Une fois que cela a été dit, l’intérêt du recours à une SCI semble évident puisque la SCI
relève de la convention et que les associés ont alors globalement tous les pouvoirs pour
organiser comme bon leur semble les modalités de gestion du bien immobilier.
En effet la SCI est une société, or la société est définie par le Code civil comme un contrat, et
la forme écrite de ce contrat ce sont les statuts de la société.
Autrement dit, par la rédaction des statuts les associés peuvent conventionnellement
décider des règles de gestion qui trouveront à s’appliquer au bien immobilier qui sera acquis
par la société.
Schématiquement cette liberté donnée aux associés se traduira par différents aspects :
- Les pouvoirs donnés au gérant ;
- Les pouvoirs donnés à l’assemblée générale des associés ;
- Le caractère ouvert ou fermé de la société ;
- La question de la répartition des bénéfices.
LES POUVOIRS DONNES AU GERANT
L’article 1846 du Code civil dispose « la société est gérée par une ou plusieurs personnes,
associées ou non, nommées soit par les statuts, soit par un acte distinct, soit par une
décision des associés. »
L’article 1849 du même Code dispose lui que « le gérant engage la société par les actes
entrant dans l’objet social »
Mais ces pouvoirs sont ceux prévus en l’absence de dispositions statutaires puisque les
associés peuvent effectivement décidés d’apporter des limites aux pouvoirs du gérant, ce qui
est fait dans l’immense majorité des cas.
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Mais cela permet bien de souligner l’intérêt de la SCI dans la liberté qu’elle offre aux
associés, puisque loin de la rigueur de l’indivision, les associés peuvent faire en sorte par
exemple que le gérant puisse vendre seul les biens appartenant à la SCI.
Sans en aller jusque-là le recours à la SCI permettra en tout état de cause au gérant de faire
seuls les actes d’administration (acte d’exploitation ou de gestion courante du patrimoine) là
ou dans le régime de l’indivision ces actes nécessitent la majorité des deux tiers des droits
indivis.
Exemples d’acte d’administration : conclusion d'un bail d'habitation, encaissement des
loyers, ouverture d'un compte de dépôt…
Au-delà de l’aménagement des pouvoirs du gérant, les notaires ont l’habitude d’aménager
les statuts et les clauses de désignation des gérants soit par la nomination de co-gérants, soit
par la distinction des pouvoirs accordés aux gérants statutaires et aux gérants qui seront
nommés par la suite.
INTERET DE LA CO-GERANCE
L’intérêt de la co-gérance est principalement de pouvoir donner des pouvoirs importants aux
gérants de manière individuelle, chacun pouvant agir seul conformément aux pouvoirs
conférés par les statuts, tout en prévoyant que pour certaines décisions particulièrement
importantes l’accord de tous les co-gérants sera nécessaire.
Cela permet donc d’introduire si on le souhaite un premier degré de contrôle des décisions
prises par le gérant. Un deuxième degré de contrôle, nous le verrons par la suite étant
constitué par les pouvoirs donnés à l’assemblée générale des associés.
- Intérêt de la gérance statutaire : le gérant statutaire est le gérant désigné dans les statuts
c’est-à-dire lors de la création de la société. Il est loisible pour les associés de conférer au
gérant statutaire les pouvoirs les plus étendus et sans aucune limitation. A l’inverse, il sera
prévu des limites statutaires pour les gérants qui seront désignés en assemblée générale, à
la suite de la démission du gérant statutaire.
Une telle technique permet par exemple dans le cadre d’une opération familiale permet aux
parents d’être désignés gérants statutaires et donc d’avoir des pouvoirs très importants,
tout en prévoyant que le jour où un des enfants deviendra gérant alors ses pouvoirs seront
plus limités.
LES POUVOIRS DONNES A L’ASSEMBLEE GENERALE DES ASSOCIES
On est là au cœur de la question de l’intérêt de la SCI dans le cadre de la gestion d’un bien
immobilier.
On l’a dit à défaut de société, un bien acquis par différents acquéreurs sera indivis et la règle
de gestion sera en conséquence l’unanimité.
Dans le cadre d’une SCI les modalités de prise des décisions relatives au bien immobilier
appartenant à la SCI seront fixées par les associés eux-mêmes dans le cadre des statuts.
En effet, sauf les pouvoirs accordés au gérant, la SCI se prononce par le biais de l’assemblée
générale des associés et des décisions qui y seront prises. Or les associés ont toute latitude
pour déterminer quelles sont les décisions qui relèveront de l’assemblée générale ordinaire
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(assemblée qui statut une fois par an sur l’arrêté des compte de la société et sur les
décisions courantes) et quelles sont les décisions qui relèveront de l’assemblée générale
extraordinaire (compétent pour les décisions plus importantes). Et surtout les associés
auront tout pouvoir pour déterminer quelles seront les majorités requises pour l’adoption
des décisions à prendre en assemblée générale ordinaire ou extraordinaire.
Pour bien mesurer la liberté offerte par la SCI il convient de noter que les statuts devront
déterminer si la majorité doit être appréciée par tête ou par nombre de parts, et en tenant
compte de tous les associés ou des seuls associés présents.
Dans l’hypothèse d’un démembrement des parts sociales, les statuts permettront également
de déterminer qui a le droit de vote entre l’usufruitier et le nu-propriétaire et donc qui a le
pouvoir décisionnaire dans le cadre de la société.
Assez souvent ces pouvoirs sont répartis en fonction de l’objet de la résolution qui sera
soumise au vote et par exemple on indique que les décisions relatives à la répartition des
bénéfices le droit de vote appartiendra à l’usufruitier, ce qui semble assez logique puisque
c’est généralement lui qui aura vocation à recevoir les bénéfices.
Autrement par le recours à la SCI on passe de la tyrannie, puisqu’un seul peut opposer son
refus à tous, à la démocratie ou les décisions sont prises à la majorité et aux conditions
arrêtées par les associés.
LE CARACTERE OUVERT OU FERME DE LA SOCIETE
Dans le cadre d’une indivision les indivisaires ne contrôlent que partiellement le devenir
puisqu’outre la difficulté relative aux prises de décision en indivision, une difficulté va
également se poser sur l’identité des indivisaires eux-mêmes.
En effet la loi prévoit un droit de préemption au bénéfice des indivisaires en cas de cession à
titre onéreux, ce qui veut dire qu’un indivisaire qui souhaite vendre ses droits indivis à
l’obligation de notifier les conditions de la vente aux autres indivisaires afin qu’ils puissent
les lui racheter par préférence, mais cela n’autorise pas les indivisaires à proposer un autre
acquéreur.
Par ailleurs ce droit n’existe pas en cas de décès d’un indivisaire, hypothèse dans laquelle les
héritiers de l’indivisaire reçoivent les droits indivis et deviennent en conséquence
automatiquement membre de l’indivision.
Dans le cadre d’une SCI les associés ont la possibilité lors de la rédaction des statuts
d’indiquer quelles seront les formalités à respecter pour que les parts de la société soient
vendues ou données. Cette possibilité se traduit par la mise en place d’une clause
d’agrément par laquelle les associés se réservent d’agréer, c’est-à-dire d’autoriser, le nouvel
associé qui serait présenté par l’associé en place qui souhaiterait céder ses parts ou bien les
donner.
En cas de refus d’agrément les associés doivent racheter les parts ou faire racheter ces parts
par un tiers ou par la société elle-même.
On peut donc dans le cadre d’une SCI déterminer dès l’origine qui seront les associés à
l’avenir et donc indirectement les « propriétaires du bien immobilier » à la différence de
l’indivision.
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LA QUESTION DE LA REPARTITION DES BENEFICES
Dans l’hypothèse de la détention en indivision d’un bien immobilier qui génère des revenus
la répartition de ces revenus entre les indivisaires sera très simple puisque chacun recevra
une quote-part de revenu correspondant à ses droits indivis.
La solution n’est pas très différente dans une SCI ou la logique est que chaque associé à des
droits dans le bénéfice de la société équivalent à sa participation dans le capital de la
société.
L’intérêt de la SCI est toutefois plus avéré sur cette question dans l’hypothèse d’un
démembrement
MODALITES MATERIELLES DE GESTION D’UNE SCI
La SCI présente un certain nombre d’intérêt quant à la gestion d’un bien immobilier.
Il ne faut pas oublier que la SCI doit elle-même être gérée. En effet il s’agit d’une personne
morale, juridiquement indépendante des personnes physiques qui la composent, et elle est
donc tenue à des obligations qui lui sont propres.
La première de cette obligation a trait à la tenue d’une comptabilité. Il ne s’agit pas d’une
obligation juridique puisque ces sociétés relèvent du régime fiscal des sociétés de
personnes. Toutefois il est strictement nécessaire qu’une telle comptabilité soit tenue d’une
part au titre des obligations fiscales qui sont imposées à la société (nous y reviendrons
ensuite), mais également parce que le Code civil impose au gérant de rendre compte de sa
gestion aux associés de la société au moins une fois par an, et que la meilleurs manière de le
faire et de tenir une comptabilité.
En fonction de la complexité des opérations effectuées par la SCI il pourra être utile voire
strictement nécessaire d’avoir recours au service d’un expert-comptable qui pourra tenir
cette comptabilité et également procéder à la rédaction des procès-verbaux des assemblées
générales qui permettront de valider ces éléments comptables.
La tenue d’assemblée générale annuelle constitue une autre règle de gestion de la SCI. Il est
en effet primordial que tous les ans les associés soient convoqués à une assemblée générale
qui permettra de nouveau gérant de rendre compte de sa gestion et qui permettra aux
associés de statuer sur les comptes annuels.
Outre le fait qu’une telle assemblée générale soit nécessaire à la bonne circulation de
l’information, la tenue régulière de ces assemblées générales, ainsi que la tenue d’une
comptabilité, permettront le cas échéant de démontrer à l’administration fiscale le caractère
réel de la société en démontrant son activité et le compte rendu qui en fait annuellement. A
défaut l’administration fiscale pourrait être tentée de mettre en avant le caractère fictif de la
personne morale.
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COMMENT TRANSMETTRE UNE SCI ?
Olivier GLAIZE, notaire
M et Mme BOURGOGNE ont 3 enfants mineurs. Ils sont âgés de 55 ans et mariés sous le
régime de la communauté réduite aux acquêts.
Actif à ce jour :
- Une maison d’habitation à Seyssins : 600.000 €
- Un portefeuille titres : 50.000 €
- Divers livrets : 50.000 €
Passif :
- capital restant dû sur le prêt de la maison : 400.000 €.
- Projet d’acquérir deux appartements :
- 1 T2 à GRENOBLE de 160.000 €
- 1 T3 à Crolles de 230.000 €
Par recours à deux emprunts d’un total de 390.000 €
M et Mme BOURGOGNE envisagent une transmission vers 65 ans
Doivent-ils acquérir ces appartements personnellement ou par l’intermédiaire d’une société
civile? Comparons l’impact du choix du mode d’acquisition sur :
- les donations futures aux enfants,
- les ventes futures des biens et les pouvoirs que les parents peuvent conserver après
ces donations.
ACQUISITION PAR LES PARENTS PERSONNELLEMENT
Les biens deviennent immédiatement communs
Dans 10 ans lors de la donation :
Les biens ne seront pas partageables : 2 biens pour 3
Les parents conserveront l’usufruit et donneront la nue-propriété des 2 biens en indivision
entre les 3 enfants :
Enfants = en indivision sur la nue-propriété.
Conserver l’usufruit = je peux louer et je peux habiter mais je ne peux pas vendre,
Fiscalement je donne sur la valeur des immeubles et je ne peux pas déduire le passif.
Dans 20 ans usufruitier et nus propriétaires décident de vendre :
- Il faut l’unanimité
- Il y aura répartition du prix de vente entre usufruitiers et nus propriétaires ou décision
de remployer ensemble le prix de vente par subrogation.
Dans le cas d’un partage du prix, la valeur de l’usufruit dépend de l’âge de l’usufruitier : plus
il est âgé, moins sa part dans le prix est importante.
CHOIX DE L’ACQUISITION EN SOCIETE CIVILE
La société civile achète les biens et emprunte. Dans 10 ans les parents donnent :
Conférence "les rendez-vous 18h/20h"-septembre 2013 -
Du bon usage de la Société Civile Immobilière
Conférence des notaires de l'Isère – septembre 2013
-
L’usufruit des parts sociales
Ils partagent équitablement 1/3 des parts pour chaque enfant par une donationpartage
Les statuts régissent les rapports entre usufruitiers et nus propriétaires : objet social,
démembrement de
propriété, gérance. Par les statuts, les parents vont pouvoir
aménager le pouvoir et le conserver.
« La société a pour objet :
-L’acquisition sous toutes ses formes de biens et droits immobiliers.
-La propriété, l’administration et l’exploitation par bail, location ou autrement de ses biens et
droits immobiliers,
-La gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, notamment par arbitrage.
-L’acquisition, la propriété, la vente, pour son compte, de tous instruments financiers tels que
notamment, titres, valeurs mobilières, droits sociaux de toute nature (à l’exclusion de ceux
entrainant pour leur titulaire la qualité de commerçant).
-De manière exceptionnelle, la vente de tout ou partie de l’actif social, à condition de
respecter le caractère civil de la société et à condition de remployer le prix dans une
acquisition mobilière ou immobilière si cette cession concerne la totalité des biens de la
société.
-Et, généralement toutes opérations quelconques, se rattachant directement ou
indirectement à cet objet pourvu que celle-ci n’ait pas pour effet d’altérer son caractère
civil ».
DEMEMBREMENT DES PARTS SOCIALES
L’usufruitier, sous réserve du droit de participation à l’assemblée du nu-propriétaire exerce
seul le droit de vote attaché aux titres dont la propriété est démembrée, à l’exception des
décisions concernant les modifications statutaires (autres que celles touchant aux droits
d'usufruit grevant des parts sociales, la fusion, la dissolution, la liquidation de la société, la
remise d'un immeuble constituant un actif social à la disposition gratuite d'un associé ou le
retrait de la disposition gratuite d'un immeuble constituant un actif social existante au profit
d'un associé) qui sont du ressort du nu-propriétaire.
Le nu-propriétaire doit être régulièrement convoqué aux assemblées générales dans
lesquelles l’usufruitier exerce seul le droit de vote.
En sa qualité d’associé, le nu-propriétaire bénéficie du droit à l’information et à la
communication des documents sociaux.
Il émet un avis consultatif sur les résolutions soumises au vote de l’usufruitier et peut
obtenir la consignation de ses observations, dans le procès-verbal de la délibération de
l’assemblée ; la même faculté lui est offerte en cas de consultation écrite
Dans 20 ans, usufruitier et nus propriétaires décident de vendre :
- l’usufruitier a seul pouvoir de vendre (cf clause statutaire)
- l’usufruitier est également le gérant de la société,
- il doit remployer le prix conformément à l’objet social,
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Du bon usage de la Société Civile Immobilière
Conférence des notaires de l'Isère – septembre 2013
-
s’il décide de distribuer le prix : il faut prévoir dans les statuts une obligation de convention
de quasi-usufruit.
COMPARAISON FISCALE - DONATION POUR UN ENFANT ET PAR PARENT
Personnes physiques
Immeubles
: 390.000
Part du Père : 195.000
Part de l’enfant : 65.000
Usufruit Père : 26.000
NP donnée
: 39.000
Abattement : 100.000
Reste disponible 61.000
SCI
Immeubles
: 390.000
Passif
: 152.600
Valeur Parts : 237.400
Parts du Père : 118.700
Part de l’enfant : 39.566
Usufruit Père : 15.826
NP donnée
: 23.740
Abattement : 100.000
Reste disponible 76.260
*Economie réalisée sur les abattements :
15.260 € (100 000 – 23 740) par enfant et
par parent soit au total 91.560 €.
*Cette économie permet de transmettre plus aux enfants :
Si à 65 ans, les parents décident de transmettre la nue-propriété de leur résidence
principale, (maison de Seyssins qui vaut aujourd’hui 750.000 €)
Fiscalement l’usufruit à 65 ans équivaut à 40% de la pleine propriété et la nue-propriété 60%
Les parents vont donc donner chacun (750.000/2) X 60% = 225.000 €
Chacun des enfants reçoit donc
225.000/3
= 75.000 €
- Avec la SCI : pas d’impôt, car on peut encore donner 76.260 € (solde sur abattement
disponible)
- Sans la SCI : impôt à payer : car l’abattement disponible n’est que de 61.000 €.
CONSEILS IMPORTANTS
- Tenir une comptabilité avec un expert-comptable,
- Bien affecter les bénéfices, soit mise en réserve, report à nouveau ou distribution
- Privilégier les mises en réserve plutôt que des comptes courants d’associés.
- Privilégier les mises en réserve plutôt qu’une distribution laissée sur les comptes
courants d’associés dans le cas où les associés n’ont pas besoin des bénéfices.
- Stipuler dans les statuts que les réserves appartiennent au nu-propriétaire et que les
bénéfices distribués appartiennent à l’usufruitier.
- En cas de distribution du bénéfice distribué : viser que le bénéfice ordinaire va à
l’usufruitier ainsi que le bénéfice extraordinaire, mais que pour ce dernier
l’usufruitier aura une dette de restitution envers le nu-propriétaire (quasi-usufruit).
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