Mexique, Chihuahua - Fondation Frantz Fanon

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Mexique, Chihuahua - Fondation Frantz Fanon
Tribunal permanent des peuples1
Mexique, Chihuahua
AUDIENCE SUR LE FEMINICIDE ET LA VIOLENCE DE GENRE
Le Tribunal Permanent des Peuples a été convoqué,
mouvements sociaux citoyens et de la société civile
l’impact des traités de libre échange en matière
humains et des peuples, de violence, d’impunité, de
de responsabilité de l’Etat.
en 2011, à l’initiative de
mexicaine, pour juger de
de violation des droits
dérégulation juridique et
Cette session est composée d’audiences thématiques qui ont pour objectif de
comprendre la complexité des causes, les acteurs et les victimes de la violence.
Après l’audience2 introductive de la session, ont été tenues les audiences
thématiques sur les violations des droits du travail 3, sur la dévastation
environnementale4, sur la souveraineté alimentaire et l’autonomie des
peuples5, sur la criminalisation des mouvements sociaux et des défenseurs des
droits humains6.
Les audiences concernant la liberté d’expression et l’accès à la communication
se sont tenues à Mexico7, les violences faites aux femmes et les violences de
genre8 à Chihuahua; des sessions sur la “guerre sale”, les migrations et les
jeunes ont aussi eu lieu.
La session conclusive délibérative9 se tiendra du 12 au 15 novembre 2014.
I/ Chihuahua, premières impressions
Mireille Fanon-Mendes France
Fondation Frantz Fanon
Membre du Tribunal permanent des peuples-Fondation Lelio Basso
Improbable lieu de perdition et de désert... la ville s'étend au loin, tout en
plat, rues poussiéreuses où circulent d'énormes pick up. Ils ont remplacé
les chevaux des cow boys dont la mentalité n'a pas quitté cette cité. A la
fois la "modernité" dans ses aspects les plus hideux agresse et coexiste
1
L’ambition du TPP est de renouveler le droit international à partir des capacités de réponse et d’innovations des mouvements sociaux et
citoyens. Ce sont les mouvements qui saisissent le TPP, qui y témoignent, y présentent leurs preuves et leurs recommandations. Le TPP s’en
remet aux mouvements pour rendre ces sentences effectives, dans la mesure où ils s’en saisissent, les mettent en avant dans leurs luttes et y
font référence dans leurs propositions et dans leurs pratiques.
Les sentences du TPP participent au renouvellement et à l’amélioration du droit international en y amenant la parole et la conception des
mouvements sociaux et citoyens et en renforçant la participation de ces mouvements à la légitimité du droit international.
2
Ciudad Juarez, mai 2012
Mexico, mai-juin 2012
4
Mexico, novembre 2013
5
idem
6
idem
7
Septembre 2014
8
21-23 septembre 2014
3
9
http://www.internazionaleleliobasso.it/?p=2655
avec l'histoire de cette ville sortie du désert dans les années 1700 et
quelque....quelques maisons ressemblant à d'énormes gateaux recouverts
de sucre glace tant leur toit tuilé brille sous le soleil de plomb de l'aprèsmidi, pourtant dès ce soir la température tombera de près de 10 degrés.
La publicité pour une bière encore plus fraîche que l'autre rivalise avec
celle pour les banques et les taux les plus incroyablement bas pour des
crédits qui vont jeter à la rue nombre de ceux qui vont pousser la porte
croyant enfin être tirés d'affaire, alors qu'ils viennent de pénétrer dans
l'antre de l'enfer....
Sur le chemin de l'aéroport à l'hôtel Ibis,
grandes, inélégantes.
de nombreuses croix roses,
Elles témoignent du nombre de femmes et jeunes filles tuées, enlevées,
disparues vers on ne sait quel destin...Le pire certainement. Un accueil
des plus sympathiques, s'il en est. Pour guise de salut, Victor venu
m'accueillir, me signale qu'il ne faut pas marcher dans les rues seule.....
Welcome au pays de l'horreur institutionnalisée et de l'oubli organisé,
puisque nulle part il est fait mention de ce féminicide...
Une ville de contradictions avec sa violence au grand jour.
Je suis quand même allée arpenter quelques rues, je voulais retrouver le
bout de la piste que recherchait Blueberry, le cow boy, je voulais voir les
tourbillons de poussière...
Chihuahua, deuxième journée
Sortie de l'hôtel IBIS pour rejoindre le seul théâtre de la ville, construction
moderne, sans aucune grâce ressemblant à une Maison de la Culture des
années 60. Une foule joyeuse, mais dont il est facile de voir que les
épaules ploient sous le trop plein de souffrances, attend le début de
l'audience organisée par le Tribunal permanent des peuples annoncé par
une grande affiche flottant sur la façade du théâtre sur laquelle une jeune
fille stylisée, une chaîne à la cheville, tente d'attraper un vol de papillons
multicolores. La liberté enchaînée. Un soleil de plomb vient s'écraser sur
les murs en béton du théâtre. Tout est calme, le ciel est serein.
En croisant une toute jeune adolescente blonde au visage émacié, son
regard attristé et ses yeux d'enfant profondément cernés m'ont surprise.
J'ai voulu penser qu'elle avait fêté un anniversaire la veille et qu'elle
manifestait son opposition à se trouver là. Que viendrait-elle faire ici, un
dimanche matin, à écouter inlassablement les histoires de disparitions
forcées, de meurtres, de séquestration; les mots au bord des larmes, les
corps secoués de tremblements mais quoiqu'il en coûte de souffrances, la
détermination est inexorable.
Quelques heures plus tard, j'apprendrais que son père a disparu en 2010.
Elle avait 9 ans. La dernière fois qu'elle l'a vu, il montait, forcé par 4
hommes armés, dans une voiture. Il ne l'a plus jamais appelée. Sa mère,
avec la force de sa vie, a remué ciel et terre pour savoir s'il était détenu
ou s'il était mort et pourquoi lui. Rien, un mur opaque se construit entre
les familles et les agents de la force publique qui se joue des familles qui
recherchent inlassablement leurs proches. Elle exige prises de sang,
photos, reconstitution de dossier alors qu'il y en a déjà un qui dort dans
les tiroirs du commissariat. Parfois, elle convoque, toute séance tenante,
une famille, qui oscille entre espoir et désespérance, et l'emmène devant
un charnier, juste découvert, afin qu'elle reconnaisse des corps. Comble
d'ignominie, il s'agit simplement de carcasses d'animaux. L'objectif est de
briser encore un peu plus les mères, les pères, les frères et les soeurs
recherchant, sans répit, leur proche manquant à la famille, aux amis, à sa
vie.
Une
entreprise
de
"terrorisation"
systématique
des
familles
s'institutionnalise pas à pas, doublée d'un cynisme porté à son comble. La
police refusant de faire les investigations, c'est donc aux familles de
prendre l'ensemble des coûts en charge, de s'endetter pour obtenir enfin
des éléments de réponse qui ne sont jamais suffisants ou pertinents pour
ceux qui sont chargés de tout mettre en oeuvre pour mener une enquête
prompte, impartiale et approfondie sur les violations des droits de
l’Homme – préalable indispensable afin de déceler, le cas échéant, des
comportements de nature criminelle, d’en déterminer les circonstances et
d’identifier les personnes s’étant livrées aux exactions.
Il faut une âme déterminée pour ne pas céder aux pressions ou aux
menaces physiques. Il faut la conviction que l'Absent n'est pas parti de
son plein gré pour résister à la violence de l'Etat et à ses agents. Il faut
chaque jour se convaincre que "Vivant, il est parti, Vivant nous le
ramènerons". Il faut pouvoir défier l'Etat terroriste qui criminalise et
décide, selon des critères que lui seul connaît, qui seront les prochaines
victimes.
Qu'ont en commun toutes ces personnes disparues? Jeunes, entre 15 et
35 ans, parfois même moins, dans certaines communes, ce sont les
femmes qui sont particulièrement ciblées, dans d'autres les hommes.
Tous ont disparu en plein jour, de retour de l'école, du lycée, du travail ou
d'un magasin proche de chez eux...La majorité d'entre eux ont suivi un
cursus scolaire et ont un travail régulier. Pourquoi disparaissent-ils? Quelle
logique domine à ces disparitions forcées? Ont-ils été emmenés de force
pour travailler dans des mines ou pour devenir des esclaves sexuelles
dans certains lieux du Mexique ou au-delà de la frontière nord-américaine,
à quelque 250 kilomètres de Chihuahua? Ont-ils été tués, comme se
contente de dire la police locale, par des narco-trafiquants ou par une
bande rivale au prétexte qu'il ou elle appartiendrait à un gang?
D'autres questions, lancinantes, se posent. Qui les a tuées? Lorsqu'elles
sont enlevées, des témoins affirment avoir reconnu les véhicules, les
uniformes de la police ou de l'armée, d'autres ceux des paramilitaires;
mais dans un jeu pervers et afin de brouiller les identifications, les uns et
les autres ont fini par adopter le même uniforme.
Certaines personnes ayant assisté à la scène reconnaissent une personne,
se précipitent au commissariat, donnent le nom du criminel. Rien n'y fait,
ce dernier ne sera jamais inquiété. Ces familles insistent, elles connaissent
son lieu le travail de celui qui a rendu leur vie infernale. Elles ne sont pas
écoutées et encore moins entendues; la plupart du temps renvoyées chez
elles avec nombre de menaces.
Consuelo Morales n'a plus aucune nouvelle de son fils, Alberto -31 ans-,
disparu alors qu'il revenait de son travail. Il était gendarme. Sa mère,
tenant entre ses mains son portrait, retrace, depuis février 2010, sa vie
qui a basculé, sa quête sans fin, son acharnement. Son mari, mort de
tristesse. Une vie commune à tous ceux et toutes celles qui se tiennent
sur l'estrade, portant avec précaution, dans un profond silence, le portrait
du disparu. Tous ont en commun de continuer un combat où les forces
sont inégales. Tous se battent contre l'effondrement pour tenter de
comprendre pourquoi, comment, par qui, où?
Seul moyen pour que ces enfants, femmes et hommes disparus ne
tombent pas dans l'oubli.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------II/ Sentence portant sur le droit à la vie, le droit à la dignité
humaine, la non-discrimination avec son corollaire l’égalité, la
protection des défenseurs des droits
Mireille Fanon-Mendes France10
Fondation Frantz Fanon
Membre du Tribunal permanent des peuples-Fondation Lelio Basso
Rosa­Linda Fregoso11
Professor, Social Sciences Division
University of California, Santa Cruz
1. Nombre d’instruments internationaux mentionnent que la protection
de la personne humaine et de son droit à la vie a un caractère
supérieur et prioritaire, c’est ainsi devenu une norme impérative que
tous les Etats se doivent de respecter, ce qui est mentionné dans la
Constitution du Mexique, « En los Estados Unidos Mexicanos todas
las personas gozarán de los derechos humanos reconocidos en esta
Constitución y en los tratados internacionales de los que el Estado
Mexicano sea parte, así como de las garantías para su protección,
cuyo ejercicio no podrá restringirse ni suspenderse, salvo en los
casos y bajo las condiciones que esta Constitución establece. Las
normas relativas a los derechos humanos se interpretarán de
10
11
Parties écrites en Français
Parties écrites en Espagnol
conformidad con esta Constitución y con los tratados internacionales
de la materia favoreciendo en todo tiempo a las personas la
protección más amplia12 ».
2. Ce qui revient à dire que si ces normes de protection du droit à la vie
sont en conflit au moment où devrait être signé un traité, alors cela
devrait entraîner la nullité du traité.
3. Pour confirmer ce droit fondamental à la vie, à la liberté et à
l’intégrité de la personne, la Déclaration universelle des droits de
l’Homme vient préciser que pour garantir un tel droit, il est essentiel
que «les droits humains soient protégés par un régime de droit pour
que les individus ne soient pas contraints, en suprême recours, à la
révolte contre la tyrannie et l’oppression13» ; la Convention14
américaine des droits de l’homme rappelle, quant à elle, que l’État
doit s’abstenir de porter atteinte arbitrairement à la vie d’un individu sous sa
juridiction.
4. Or, les témoignages entendus par les juges du Tribunal Permanent
des Peuples portant d’une part, sur la violence structurelle qui a
atteint, dans certains Etats, un degré de violence qui augmenté avec
les interventions gouvernementales et d’autre part, sur la violence
dont sont victimes les femmes dans différents Etats du Mexique 15
sont la preuve que le droit à la vie n’est protégé ni par l’Etat central
ni par les Etats fédéraux.
5. Pourtant, le Mexique, lors de son EPU16 de 2009, avait accepté de
tout mettre en œuvre pour “reconnaître la place centrale des droits
de l'homme et de la primauté du droit dans son mode d'approche
concernant l'amélioration de la sécurité publique17”.
6. La violence structurelle de l’Etat du Mexique est justifiée par la
politique libérale prônée par le gouvernement. Elle n’a cessé de
s’exprimer, entre autres, par les campagnes de légitimation de
l’accaparement des terres appartenant originellement aux
communautés autochtones afin de les céder à des entreprises
privées revendiquant le droit d’exploiter, pour leurs propres intérêts,
les ressources naturelles. Cette violence, justifiée par un Etat libéral,
s’est étendue à toutes personnes exclues du système capitaliste
parce que pauvres, sans défense et dont les femmes représentent
12
Article 1
13
Préambule, §3, Déclaration universelle des droits de l’homme
Articles 1 (1) et 4
14
15
Au Mexique, entre 1996 et 2008, 4 000 femmes ont été tuées à Ciudad Juárez, 4ème ville du pays. 500 sont toujours portées disparues.
A l'échelle du pays, 34 000 femmes ont été assassinées pour le seul fait d’être une femme au cours des 25 dernières années, selon une étude
de l’ONUMujeres.
16
Examen Périodique universal, http://www.ohchr.org/fr/hrbodies/upr/pages/uprmain.aspx
17
Recommandation faite par la Nouvelle Zélande
une grande part de cette « classe » mais aussi à toutes personnes
revendiquant de vivre selon d’autres critères et résistant à la
libéralisation à outrance de leurs terres.
7. L’Etat mexicain, pour dominer les populations afin d’assurer leur
reproduction par des mécanismes de contrôle social et combattre la
résistance, s’appuie sur l’armée, les services de sécurité des
entreprises privées et les milices paramilitaires.
8. Au Mexique, mais plus généralement partout où le capitalisme
violent domine, le primat des intérêts financiers surpasse celui des
droits humains et la confiscation de la décision politique est
préemptée par des instances qui affirment qu’elles sont
représentatives.
9. Aussi, malgré les paravents subtils dont l’Etat mexicain se dote et
qu’il instrumentalise, lors de rencontres internationales –ainsi lors de
la Quatrième Rencontre entre l’Amérique Latine et l’Europe à
Vienne, Vicente Fox avait rassuré ses homologues européens en
affirmant que « (s)on gouvernement a profondément respecté les
droits humains (…) nous disposons aujourd’hui au Mexique d’une
liberté d’expression totale (…) La démocratie et la liberté sont les
deux piliers fondamentaux de la nouvelle société mexicaine, dans le
respect total des droits de l’homme, dont nous disposons
aujourd’hui au Mexique18», ou de son Examen Périodique Universel,
afin de se présenter comme un garant des droits humains, et plus
spécifiquement des droits autochtones , il n’en reste pas moins qu’il
demeure un Etat répressif qui assure les conditions d’installation
d’entreprises étrangères.
10.
Structural violence Para entender la violencia de género en su
profundidad es necesario contextualizarla en un ensamblaje de
multiples factores que incluyen la naturalización de normas sociales
de superioridad masculina e inferioridad femenina, la herarquia de
género, raza/étnia y sexualidad, el Estado patriarchal e instituciones
patriarcales, la misoginia normalizadas. Además la violencia de
género se manifiesta en interseccionalidad con una serie de
problemáticas estructurales que incluyen la militarización, la
pobreza, el desempleo, explotación ambiental, políticas neoliberales,
regimenes autoritarios y las nuevas guerras y conflictos armados.
11.
Por eso consideramos la interseccionalidad de la violencia de
género con la violencia estructural que en el contexto Mexicano es
reconocida como determinante de muchas otras violencias a través
18
Il s’exprimait ainsi lors d’une conférence de presse portant sur la répression à Atenco, 12 mai 2006
de las políticas neoliberales de ajuste estructural y el tratado de libre
comercio con Norteamérica, que aunada a la cultura patriarcal,
misógina y corrupta de autoridades, instituciones de la sociedad y
medios de comunicación va de la discriminación al exterminio,
violaciones y agravios, tales como: explotación laboral y sexual,
despojo de riquezas naturales, desplazamientos, carestía de la vida,
flexibilidad laboral y desempleo, pobreza galopante, enorme
desigualdad, militarización y criminalización, creando mayor
vulnerabilidad y riesgo para las mujeres y niñas.
12.
Le féminicide est l’une des démonstrations la plus criante de
cette violence, il touche l’ensemble du territoire mexicain ; ces
assassinats ou ces disparitions forcées –dont le caractère profondément
immoral, grave et criminel de cette pratique constitue “a radical breach of the
treaty19” ; en bref, “it is a crime against humanity involving a gross rejection
of the essential principles on which the inter-American system is based 20-
résultant d’un climat généralisé de violence et de discrimination à
l’encontre des femmes, découlent de l’idée qu’elles «sont
remplaçables, et l’on peut facilement les utiliser, abuser d’elles, puis
les jeter» ainsi que l’a souligné un membre de la famille d’une des
victimes. Le féminicide est basé sur une double négation, celle de la
femme parce que femme et celle de sa féminité dans son intégrité
physique et psychique.
13.
Les juges du Tribunal Permanent des Peuples ont tenté de
comprendre comment au Mexique un tel crime contre l’humanité
peut arriver alors que l’Etat a introduit, dans sa Constitution,
l’affirmation de l’égalité, devant la loi, entre l’homme et la femme21.
14.
L’Etat mexicain ne faisait, en affirmant cette égalité, que
reprendre
les
normes
impératives
–portant
sur l’égalité
homme/femme- contenues aussi bien dans la Déclaration universelle
des droits de l’homme22 mais aussi dans le Pacte international sur
les droits sociaux, économiques et culturels 23, sans oublier la
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes24 et ce qu’il a aussi pris comme engagement en
acceptant de respecter la norme de la non-discrimination avec son
corollaire l’égalité, pilier fondateur de la Charte des Nations Unies 25
en signant et en adhérant aux termes de cette Charte.
15.
L’égalité homme/femme repose essentiellement sur ce
principe fondateur de tout l’arsenal des droits humains ; est établi
un lien organique entre ce principe et l’obligation générale de
19
Déclaration de la Cour interaméricaine des droits de l’homme
20
idem
article 4
21
22
Article 1er, “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent
agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité”
23
articles 2 et 3, 1966
24
Préambule, § 2
25
Signée par le Mexique le 7/11/1945
protection en ce que plusieurs instruments internationaux et leurs
organes de contrôle ont reconnu qu’un traitement discriminatoire
dans la mise en œuvre des droits fondamentaux engage la
responsabilité internationale de l’État. Il est intéressant de faire
référence, sur ce point, à l’avis consultatif de la Cour américaine des
droits de l’homme qui rappelle que “[t]he principle of equality and
non-discrimination is fundamental for the safeguard of human rights
in both international and domestic law26.” La pratique de la
discrimination se caractérise par sa nature déraisonnable, non
proportionnelle et subjective. Ainsi, le principe d’égalité et de nondiscrimination prévoit, d’une part, que les États ne peuvent en
aucune circonstance introduire dans leur ordre juridique une
réglementation qui serait discriminatoire. D’autre part, ils doivent
supprimer toute réglementation en vigueur dont les effets seraient
discriminatoires et en combattre les pratiques existantes.
16.
L’Etat mexicain s’y est engagé puisqu’il avait accepté
l’ensemble des recommandations émises lors de l’EPU de 2009 ;
entre autres il s’était engagé à « harmoniser la législation nationale
et la législation des États de façon à éviter les pratiques
discriminatoires à l'égard des femmes et des peuples
autochtones »27 et à « supprimer tous les éléments discriminatoires
qui sont toujours présents dans certaines lois des États »28; à
« prendre d'autres mesures pour combattre la discrimination à
l'égard des femmes et des groupes vulnérables, notamment des
enfants, des minorités et des peuples autochtones, et pour leur offrir
protection et assistance »29 et à « lutter contre la discrimination et la
violence à l'égard des femmes par l'éducation et l'adoption de
textes de loi spécifiques, dans le secteur privé comme dans le
secteur public; mettre au point des programmes concrets et positifs
pour élever le niveau de vie des femmes et assurer leur
représentation aux postes de décisions »30.
17.
Cet engagement revient à reconnaître que toutes les
personnes, homme ou femme, ont droit à l’égale protection de leurs
droits humains devant la loi car ils appartiennent tous à la famille
humaine et que cela est essentiel à la dignité humaine.
18.
Il faut ajouter que le Comité contre la discrimination raciale,
dans sa déclaration sur la discrimination raciale et les mesures
visant à lutter contre le terrorisme31, a confirmé que le principe de
26
Avis consultatif no 18 relatif aux droits des travailleurs migrants, 2003 ; la Cour suprême américaine ayant refusé d’octroyer une
indemnité pour congédiement illégal à un travailleur mexicain en situation irrégulière, le gouvernement mexicain, qui souhaitait clarifier la
situation de millions de travailleurs mexicains résidant sur le territoire américain, demanda, au sujet de ce traitement discriminatoire, un avis
consultatif à la Cour américaine des droits de l’homme
27
À la demande du Brésil
A la demande du Chili
29
À la demande du Royaume Uni
30
À la demande du Pakistan
28
31
http://www.ohchr.org/documents/publications/factsheet32fr.pdf
non-discrimination était une règle de jus cogens, dès lors il a valeur
de norme impérative que tout Etat se doit de respecter au risque de
voir sa responsabilité internationale interroger. Ce qu’avaient
réaffirmé d’une part, le juge Ammoun, qui dans une opinion 32
individuelle précisait que les principes du préambule de la charte
des Nations Unies, au nombre desquels figure le principe d’égalité et
de non-discrimination, sont de nature impérative et d’autre part, la
Cour internationale de Justice qui a considéré que l’interdiction de la
discrimination raciale est si importante qu’elle fait partie des
obligations erga omnes.
19.
La conceptualisation du féminicide - néologisme créé par la
commission spéciale de la Chambre mexicaine des députés- pensée
à la suite d’une proposition de loi émanant d’un groupe de
députés33, a été élaborée à partir d’un ensemble de huit éléments
constituant autant de preuves pour préciser la nature de ce crime
spécifique, entre autres violence sexuelle, antécédents violents de
celui qui a commis le crime, relation entre la victime et le
responsable du crime, impossibilité pour la femme d’assurer sa
propre défense, commission par le criminel de lésions infamantes et
dégradantes...
20.
Le « féminicide » décrit la violence spécifique commise contre
les femmes et se traduit par des homicides ou tout autre forme de
mort violente tout en combinant une violation des droits humains
associée à des conduites misogynes pouvant impliquer l’impunité
sociale et étatique.
21.
L’enjeu était de promouvoir la justice pour les victimes de
«féminicide» et de répondre à une situation critique en matière de
violation des droits humains à l’égard des femmes. Introduit dans le
Code pénal mexicain depuis le 28 juillet 2011, les coupables de ce
crime agressant la dignité humaine sont passibles de peines allant
jusqu’à 60 ans ; il faut cependant noter que l’Etat de Chihuahua ne
l’a toujours pas intégré dans sa législation en contradiction avec la
recommandation acceptée en 2009, où l’Etat du Mexique s’était
engagée à harmoniser la législation nationale et la législation des
États de façon à éviter les pratiques discriminatoires à l'égard des
femmes et des peuples autochtones 34 et à supprimer tous les
éléments discriminatoires qui sont toujours présents dans certaines
lois des États35.
32
À propos de l’Affaire Barcelona Traction et dans l’Avis consultatif sur la Namibie
33
Camara de Diputados de H. Congreso de la Union-LIX Legislatura - Comision Especial para Conocer y Dar Seguimiento a las
Investigaciones Relacionadas con los Feminicidios en la República Mexicana y a la Procuración de Justicia Vinculada, « Iniciativa de Ley
General de Acceso de las Mujeres a una Vida Libre de Violencia, Artículo 21 », in Violencia feminicida en la Republica Mexicana. Tomo 1 :
Por la Vida y la Libertad de las Mujeres, p.81; consulté le 23/09/2014
34
35
A la demande du Brésil
A la demande du Chili
22.
Según La Ley de Acceso a las Mujeres a una Vida Libre de
Violencia36, la violencia feminicida se define como "la forma extrema
de violencia de género contra las mujeres, producto de la violación
de sus derechos humanos, en los ámbitos público y privado,
conformada por el conjunto de conductas misóginas que pueden
conllevar impunidad social y del Estado y puede culminar en
homicidio y otras formas de muerte violenta de mujeres".
23.
En varios sistemas penales, como indica la Organización de las
Naciones Unidas: “La muerte violenta de las mujeres por razones de
género, tipificada [...]bajo la figura del “femicidio” o “feminicidio” y
en otros como homicidio agravado […], constituye la forma más
extrema de violencia contra la mujer. Ocurre en el ámbito familiar o
en el espacio público y puede ser perpetrada por particulares o
ejecutada o tolerada por agentes del Estado. Constituye una
violación de varios derechos fundamentales de las mujeres,
consagrados en los principales instrumentos internacionales de
derechos humanos, en especial el derecho a la vida, el derecho a la
integridad física y sexual, y/o el derecho a la libertad personal37”.
24.
Por eso es de singular importancia diferenciar entre los
homicidios de hombres (que, en México son de mayor proporción) y
las particularidades de los asesinatos de mujeres: Aunque sus
manifestaciones ilustran diferentes interrelaciones entre normas y
prácticas socioculturales, el femicidio […] constituye un fenómeno
global que ha alcanzado proporciones alarmantes en el mundo […].
Sus víctimas son las mujeres en diversas etapas de desarrollo,
condiciones y situaciones de vida. Los informes disponibles revelan
que en las muertes violentas de las mujeres se presentan
manifestaciones del ejercicio de una violencia desmedida previa,
concomitante o posterior a la acción delictiva, que evidencia una
brutalidad particular en contra del cuerpo de las mujeres. En muchas
ocasiones la muerte se produce como el acto final de un continuum
de violencia, en particular, en los casos de femicidio íntimo que son
cometidos por el esposo, compañero permanente, novio, etc. Estos
aspectos constituyen algunos de los elementos diferenciadores de
dichas muertes con respecto a los homicidios comunes38 […].
25.
Por ello, los casos de Marisela Escobedo y Rubí Frayre son
emblemáticos de la violencia extrema de género y de violación de
varios derechos fundamentales de las mujeres, consagrados en los
principales instrumentos internacionales de derechos humanos.
26.
36
Rubí Frayre, hija de Marisela Escobedo, fue víctima de
Ley General, Art.21
37
OACNUDH-ONU Mujeres. Modelo de protocolo latinoamericano de investigación de las muertes violentas de mujeres por razones de
género (femicidio/feminicidio), párr. 3. Disponible en: http://acnudh.org/wp-content/uploads/2014/08/Modelo_de_Protocolo.pdf
38
Ídem., párr. 4
feminicidio íntimo. Rubí desapareció en enero de 2009 y después de
meses de busqueda se encontraron sus restos. Desde que desde
que desapareció Rubí no se activó el protocolo Alba 39 La
desaparición de una niña de 16 años en ciudad Juárez que nunca fue
buscada por las autoridades. La simulación de aplicación del
Protocolo Alba40, el papel protagónico de la madre a quien la fiscalía
le endosa la responsabilidad de investigar, con el riesgo que
conlleva esta actividad, la falta de medidas de protección, uno de los
primeros juicios de feminicidio en el país ante un tribunal oral, el
asesinato de una defensora de derechos humanos, la criminalización
de la protesta social, la campaña de desprestigio del Gobierno de
Chihuahua en contra de las organizaciones
sociales que
acompañamos a las víctimas y en especial del CEDEHM , lo que
origino medidas provisionales del más alto tribunal de las Americas,
la Corte Interamericana de DH, la detención de dos presuntos
autores materiales a quien la familia considera chivo expiatorio. En
este crimen de estado confluyen las mayorías de las violencias de
género que hoy se exponen ante este el Tribunal Permanente del
Pueblo.
27.
Rubí fue asesinada en Ciudad Juárez por su pareja que
consecuentemente fue puesto en libertad. A raíz de la búsqueda de
justicia por el feminicido de su hija, Marisela Escobedo se convirtió
en defensora de derechos humanos. En noviembre de 2010, acudió
a la Secretaría de Gobernación en la Ciudad de México para exponer
su situación de vulnerabilidad y riesgo y denunciar públicamente las
amenazas recibidas. El 16 de diciembre de 2010, días después de
denunciar estas amenazas fue asesinada por un individuo frente al
Palacio de Gobierno de Chihuahua.
28.
La réaction initiale aux féminicides, notamment au niveau de
l’Etat, a été un pur et simple déni: ces crimes n’ont fait l’objet ni
d’investigations ni de répressions suffisantes, et nul ne s’est attaqué
aux causes fondamentales de la violence à l’égard des femmes à
Chihuahua et de Ciudad Juarez, ce qui a créé un climat d’impunité
alors que divers instruments41 internationaux assurent aux victimes
ou aux proches des victimes un égal accès à la justice. Quand ils ont
suscité des enquêtes et des poursuites pénales, dans de nombreux
cas, le juge a ordonné la relaxe du prévenu.
29.
Ainsi Perla Lizbeth Vega -30 ans-, jeune universitaire à
l’Université de Culiacan –Etat de Sinaloa-, assassinée de nombreux
coups de couteau, le 27 mai 2012, pendant son sommeil. Elle a été
39
Contrario a lo que ordeno la Corte Interamericana en el caso del Campo Algodonero respecto de adopción de medidas para agilizar la
búsqueda
40
Comprenant, suite à une recommandation de la Cour interaméricaine de justice en 2011, un mécanisme « d’alerte de genre » et un autre
concernant l’enregistrement de la plainte. Il n’a jamais été appliqué
41
Entre autres, la Déclaration Universelle des droits de l’homme, articles 6 et 7
privée de son droit à la vie42 .
30.
Le juge, lors de la première instruction, n’a retenu que trois
des huit éléments constituant le féminicide. Perla connaissait Juan
Carlos Cristerna -rapidement arrêté après le meurtre- ; Perla avait
mis fin à leur relation amoureuse. Depuis, il ne cessait de la
harceler. Ne lui avait-il pas passé, en une seule journée, plus de 100
appels ? Les coups meurtriers portés ont été considérés comme
dégradants. Elle n’a pu se défendre, puisqu’ils ont été portés alors
qu’elle dormait.
31.
Pourtant, lors de l’audience, le juge n’a cessé de démontrer
que les trois éléments retenus ne pouvaient justifier un procès ;
entre autres, le harcèlement n’a pas été retenu, pas plus le fait
qu’elle n’a pu se protéger. Le juge a décidé qu’étant dans son
environnement, elle aurait dû être à même de se défendre. De plus,
le présumé criminel a affirmé avoir subi des tortures. Dès lors, il a
été relâché.
32.
La mère de Perla continue de chercher des preuves qui
renverraient le criminel en prison, de façon à voir son droit à un
recours effectif43 appliqué et respecté devant les juridictions
nationales compétentes.
33.
Le Comité des droits de l’homme a évoqué, comme étant
intangible, l’interdiction de la privation arbitraire de la vie, de la
torture et des traitements inhumains et dégradants, des prises
d’otages, des châtiments collectifs, de la privation arbitraire de
liberté et de la violation de certains droits relatifs à la régularité de
la procédure.
34.
Como se mencionó anteriormente, la violencias ejercidas en
los cuerpos de las mujeres son parte de un continuum de violencia
que muchas veces culmina en el feminicidio íntimo cometido por la
pareja. Es además establecido que un alto porcentaje de los
feminicidios tienen origen en violencia familiar. Elle afecta a las
mujeres en distintas etapas de su vida y en la mayoría de los casos
los perpetradores de este tipo de violaciones de los derechos
humanos de las mujeres y niñas son familiares, parejas, o conocidos.
Además la violencia familiar se encuentra naturalizada en la mayoría
de las sociedades, normalizada por relaciones de desigualdad de
género e impulsadas por la impunidad por parte de las instituciones
estatales.
35.
Según la Convención Interamericana para Prevenir, Sancionar
42
article 3 de la DUDH, 4 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et 6 du Pacte international des droits civils et
politiques.
43
articles 8 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme et 20 de la Constitution mexicaine
y Erradicar la Violencia contra la Mujer44, identifica como formas de
violencia la física, sexual y psicológica 45, y reitera que debe
entenderse por “violencia contra la mujer cualquier acción o
conducta, basada en su género, que cause muerte, daño o
sufrimiento físico, sexual o psicológico a la mujer, tanto en el ámbito
público como en el privado46”.
36.
Lucero Rubí mantuvo una relación íntima con Carlos Peña
Olivas por unos meses y debido a distintos actos de violencia
familiar y amenazas de muerte que Carlos cometía en contra de ella,
en julio de 2011, Rubí presentó una denuncia en julio de 2011 ante
la Unidad de Delitos Sexuales y contra la Familia. En su denuncia
Rubí detalló los actos de violencia, que incluían hostigamiento,
perseguimiento, y amenazas. En otra ocasión, Lucero Rubí acudió a
las autoridades a denunciar actos de violencia por parte de Peña que
incluyeron amenazas de herirla con el cuchillo que llevaba en mano
y golpes que recibió en la cara y la cabeza mientra Peña gritaba que
la iba a matar.
37.
Carlos Peña continuó hostingando y amenazando a Lucero
Rubí. El 3 de agosto, ella volvió a acudir a la Fiscalía para entregar
dos fotografías de Carlos Peña que servía de identificación.
38.
El 19 de agosto de 2011, Lucero Rubí fue encontrada muerta
por disparos de arma de fuego, en las cercanías de su lugar de
trabajo. Luego de ello, y después de algunas pruebas y testimoniales
de su propia hija, el 24 de agosto de 2011, un juez garantía libró
orden de aprehensión en contra de Carlos Peña Olivas, por los
delitos de violencia familiar y daños con penalidad agravada.
Asimismo, el 31 de agosto de 2011, otro juez de garantía libró orden
de aprehensión en contra de Carlos Peña Olivas, por el delito de
Homicidio Agravado en contra de Lucero Rubí Pérez Cisneros.
39.
El feminicidio de Lucero Rubí representa la forma extrema de
la violencia de género que vivió y en la culminación de una serie de
agresiones físicas constitutivas del delito de violencia familiar; así
como la ejecución de las diversas amenazas de muerte que su ex
pareja le hizo.
40.
El caso también evidencia la falta de aplicación de medidas de
protección a una mujer víctima de violencia familiar, que además
culminó en feminicido. Es también evidente que las autoridades no
actuaron con diligencia para prevenir su asesinato. Además el
feminicidio es también resultado de la impunidad que imperó en el
caso desde la primera denuncia por parte de Lucero Rubí.
44
Convención de Belém do Pará -Convención Interamericana para Prevenir, Sancionar y Erradicar la Violencia contra las Mujeres,
adoptada en Belém do Pará (Brasil), el 9 de junio de 1994. México es ratificó este tratado el 19 de junio de 1998.
45
46
Idem, articulo 2
Idem, articulo 1
41.
Trop d’affaires restent non résolues et trop de victimes non
identifiées. Pire encore, de tels crimes continuent d’être commis
aussi bien à Ciudad Juarez qu’à Chihuahua, la réaction des autorités
ne peut être considérée que comme insuffisante et amène à croire
que les autorités ne contrôlent pas ou ne veulent pas contrôler la
situation et ne sont pas prêtes à prendre les mesures indispensables
à ce fléau qui brise la société mexicaine47.
42.
Pourtant, les États, dans le cas de violation grave des droits
fondamentaux, sont responsables de la mise à disposition d'un
recours utile. En particulier, lorsque quiconque est arbitrairement
privé de son droit à la vie, une enquête efficace doit être menée et
les responsables présumés doivent être traduits en justice ; à cela
aussi l’Etat mexicain s’était engagé en acceptant de procéder à une
révision, dans des délais prescrits, de la législation des États qui est
discriminatoire à l'égard des femmes; s'engager à faire abroger
rapidement les textes, en accordant la priorité aux dispositions du
droit de la famille qui aboutissent à une discrimination réelle ou de
facto à l'égard des femmes et des filles, et aux textes de loi qui
empêchent les femmes d'accéder à la justice, en particulier pour ce
qui est de signaler les cas de violence dans la famille et d'engager
des poursuites contre leurs auteurs; et à l'échelon fédéral guider
tous les États pour les aider à adopter des mesures concrètes visant
à garantir la mise en oeuvre au niveau local des réformes
législatives apportées48 et de « mettre en oeuvre efficacement dans
tout le pays (Turquie) et dès que possible le programme national
visant à prévenir, prendre en charge, réprimer et éliminer la
violence à l'égard des femmes » .49
43.
La responsabilité des États dans le domaine des violations des
droits humains ne se limite pas aux exactions commises par ses
représentants mais porte également sur celles commises par des
particuliers. L'État a pour obligation d'agir contre les personnes qui
entravent ou menacent les efforts des défenseurs des droits
humains, qu'il ait ou non ordonné, favorisé ou tacitement approuvé
ces atteintes. Un État qui n'agit pas avec la diligence voulue pour
prévenir ces agissements, enquêter sur ces actes et les sanctionner
est tenu pour responsable au regard du droit international.
44.
Face à ce phénomène, des organisations se sont constituées
pour aider les familles dans leurs démarches mais aussi pour lutter
contre l’impunité dont bénéficient trop souvent les auteurs des
crimes, que ce soit au niveau institutionnel ou privé.
47
Voir le site http://www.endvawnow.org/fr/articles/299-faits-en-un-coup-doeil-statistiques-sur-la-violence-a-legard-des-femmes.html
48
A la demande de la Nouvelle Zélande
A la demande de la Turquie et du Japon
49
45.
Rappelons que chaque année, lors de l'Assemblée générale de
l'Organisation des États américains, les gouvernements des
Amériques reconnaissent l'importance des individus, groupes et ONG
agissant pour la promotion des droits fondamentaux en passant une
résolution demandant aux États de veiller de toute urgence à faire
en sorte que les défenseurs des droits humains puissent accomplir
leur travail de promotion et de protection des droits
fondamentaux.
46.
Par ailleurs, la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs
des droits de l'homme a été adoptée50 par l'Assemblée générale des
Nations unies. Ce faisant, les États membres des Nations unies
réaffirmaient les idéaux inscrits dans la Déclaration Universelle des
droits de l’homme et reconnaissaient la contribution qu'apportent
tous ceux qui participent à la mise en œuvre effective des droits
humains ainsi que la nécessité de les soutenir et de les protéger.
47.
Le système interaméricain représente une importante source
de mesures de protection pour les défenseurs des droits humains.
L'article 25 des règles de procédure de la Commission
interaméricaine des droits de l'homme peut demander que l'État
concerné adopte des mesures conservatoires pour empêcher des
personnes de subir un préjudice irréparable. De la même manière,
selon l'article 63 de la Convention américaine relative aux droits de
l'homme et les règles de procédure de la Cour interaméricaine des
droits de l'homme, cette dernière peut adopter des mesures
provisoires afin d'éviter que des personnes en danger soient
victimes d'un préjudice irréparable.
48.
Très souvent victimes d'une forte répression, les défenseurs
des droits économiques, sociaux et culturels au Mexique continuent
de lutter pour la justice, la dignité et les droits humains. La négation
des droits économiques, sociaux et culturels dans certains secteurs
de la société mexicaine a poussé des personnes à agir au risque de
devenir elles-mêmes victimes.
49.
« Les victimes des homicides et des disparitions forcées sont
généralement les personnes qui se font le plus remarquer par leurs
dénonciations ou leurs capacités de dirigeants. Les agresseurs, par
le biais de tentatives d'homicide, cherchent à produire un effet
“d'exemple”, à stopper les processus de dénonciation des violations,
à pousser les organisations de défense des droits de l'homme à
abandonner certaines zones et/ou à diminuer le nombre de leurs
dénonciations51 ».
50.
Ismael et Manuelita Solis Contreras oeuvraient, dans le
cadre de l’organisation del Barzon, en faveur des droits
50
9 décembre 1998
Commission interaméricaine des droits de l'homme, Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l'homme dans les Amériques,
2006
51
économiques, sociaux et culturels liés notamment à la pauvreté et à
un environnement sain, particulièrement le droit à l’eau, en tant que
bien commun. Originaires d’une communauté indigène, ils se sont
élevés contre l’exploitation d’une entreprise minière canadienne,
Mag Silver et sa filiale El Cascabel qui utilisait une grande quantité
des réserves aquifères, privant ainsi la communauté de son accès à
l’eau pour assurer sa vie quotidienne au détriment de leur droit à
disposer librement de leurs ressources naturelles ainsi que le
précisent les deux Pactes52 internationaux de 1966 «aucun peuple
ne pourra être privé de ses moyens de subsistance et devra
disposer librement de ses richesses, de ses ressources
naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la
coopération économique internationale, fondée sur le principe de
l'intérêt mutuel, et du droit international». Il faut aussi mentionner la
Déclaration sur le droit au développement53 qui établit des liens très
clairs entre le droit à l’autodétermination des peuples et leur droit à
disposer librement de leurs ressources naturelles. Sans oublier la
Déclaration et le Programme d’action de Vienne 54 qui réaffirme
l’universalité des droits et précise que «tous les peuples ont le droit
de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et poursuivent librement leur
développement économique, social et culturel55».
51.
Dans le cas des entreprises minières canadiennes s’installant
dans les pays hôtes, comme cela a été constaté, lors de l’audience
du Tribunal permanent des Peuples à Montréal 56 « le développement
s’organise de manière unilatérale et au profit exclusif des
entreprises extractrices. Toute tentative des peuples autochtones de
développer leur économie se solde par une destruction
systématique de ce secteur afin de garantir à l’exploitation minière
une totale liberté sur l’espace qu’elle tente de s’approprier 57» ou
qu’elle s’est déjà approprié.
52.
Tout comme toutes les personnes qui travaillent au
renforcement de ces droits, Ismael et Manuelita Solis Contreras se
sont opposés aux intérêts économiques mis en place depuis la
signature du Traité de Libre-échange avec les Etats-Unis et le
Canada58, et ont été exposés à des attaques, souvent menées par
des individus ou des acteurs non étatiques qui n'ont pas eu à rendre
52
53
54
55
56
57
58
Article 1§2, commun aux deux Pactes
Résolution 2542 de l’Assemblée Générale de l’ONU, 11 décembre 1986
1993
Article 2
29 mai-1 juin 2014
voir le rapport de Mireille Fanon-Mendes-France, http://frantzfanonfoundation-fondationfrantzfanon.com/article2242.html
23/11/1993
compte de leurs actions, ou par des agents étatiques agissant en
partie pour protéger des intérêts économiques des entreprises. Ils
ont été assassinés le 22 octobre 2012 dans la municipalité de
Cuauhtémoc.
53.
L'article 2 de la Déclaration des Nations unies sur les
défenseurs des droits de l'homme stipule que chaque État a le
devoir d'instaurer les conditions voulues pour défendre les droits
fondamentaux dans sa juridiction. Pourtant, au Mexique, les
défenseurs des droits humains se font, assez souvent, tuer, sont
criminalisés et arrêtés à tort, poursuivis par les autorités fédérales
et celles des États, qui s'appuient sur des éléments mensongers ou
erronés.
54.
Ainsi Cipriana Jurado, défendeur des droits humains depuis
plus de 20 ans pendant lesquels elle a travaillé sur les droits au
travail et sur les droits à la santé dans les maquiladoras 59. Elle s’est
mobilisée sur la question du féminicide en apportant ses
compétences aux nombreuses familles touchées par ce fléau. En
2008, elle fut retenue plusieurs jours par les forces de l’Agence
Fédérale d’Investigation, AFI. A sa sortie, les menaces n’ont jamais
cessé, à tel point qu’elle a dû demander l’asile politique aux Etats
Unis où elle vit depuis quatre ans avec ses fils.
55.
Le meurtre ou l’exil politique d'un défenseur des droits
humains n'a pas seulement un effet dévastateur sur sa famille en
faisant peser une pression psychologique et financière et ses
collègues, bien souvent, il sonne le glas des espoirs de ceux avec qui
cette personne travaillait en jetant le doute sur la légitimité de son
action. L'implication de responsables fédéraux ou de représentants
des États dans des manœuvres visant à discréditer le travail des
défenseurs des droits humains afin d'entraver leurs activités
légitimes liées aux droits fondamentaux suggère un vif mépris, au
sein de certaines institutions publiques, pour l'action en faveur des
droits humains ainsi que pour les normes et les principes
internationaux relatifs à ces droits.
56.
Pourtant, aux termes des normes 60 relatives aux droits
humains, les États ont pour obligation de respecter, protéger et
garantir les droits humains et les libertés fondamentales de chacun
dans leur juridiction.
57.
Nestora Salgado est touchée de plein fouet par cette
criminalisation étatique. Le 21 août 2013, Nestora, coordonnatrice
de la police communautaire de Olinala-Etat de Guerrero 61, a été
arrêtée par la Marina62, pour avoir participé à quarante-huit
59
60
61
62
Entreprises privées dont le nombre est passé de quelque 300 à plus de 1 000 en dix ans
Entre autres PIDESC, article 5
instauréée par l’Etat en 2012
Agents de la Police de l’Etat et de la police municipale
séquestrations et à des actions relevant du crime organisé. Pendant
qu’elle était en détention provisoire, elle a reçu de nombreuses
menaces de mort proférées par ces mêmes Agents. En fait, il lui est
reproché d’avoir dénoncé le responsable syndical, Armando Patron
Jimenez et d’avoir des liens avec les narcotrafiquants. Depuis cette
date, elle est détenue dans la prison de haute sécurité de Nayarit.
En avril 2014, un juge fédéral a décidé de lever l’ensemble des
charges –au regard la loi 701 et de la Convention 169 63 de l’OIT-,
précisant qu’en tant qu’agent de la Police communautaire, elle avait
toute l’autorité pour avancer de telles accusations.
58.
Mais le tribunal de l’Etat de Guerrero ne l’a pas entendu ainsi.
Il a décidé d’émettre d’autres charges contre Nestora Salgado,
dont le séquestration en bande organisée. Elle est toujours
détenue dans la prison de Nayarit et est considérée comme
« dangereuse. Une telle utilisation du système pénal n’a d’autre
objectif que de créer dans l'esprit du public un lien erroné entre
défenseurs des droits humains et activités illégales.
59.
Il faut rappeler que les normes64 internationales relatives aux
droits humains établissent des consignes strictes quant aux
circonstances dans lesquelles le droit à la liberté d'expression,
d'association ou d'assemblée peut être légitimement restreint car
la protection des défenseurs des droits humains et de leur travail
est une responsabilité65 essentielle des États qui doit être
conforme aux principales obligations relatives aux droits humains
inscrites dans la Convention américaine relative aux droits de
l'homme et dans la Charte66 internationale des droits de l'homme.
60.
Comme le souligne la Cour Interaméricaine des Droits de
l’Homme67, « le travail de promotion et de protection des droits
humains […] est une activité légitime qui aide les États à
s'acquitter d'une obligation fondamentale et qui, en conséquence,
crée pour les États l'obligation spéciale de protéger les personnes
qui se consacrent à la promotion et à la protection de ces droits ».
61.
Cela avait bien été compris par l’Etat mexicain, qui en août
2008, avait introduit un Programme national –adopté par décret
présidentiel- en faveur des droits humains dans le cadre de son
Programme68 national de développement 2007-2012. Le but étant
de garantir l'existence d'espaces permettant à la société civile de
63
Article 9
64
Entre autres, l'article 17 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'homme, les articles 19, 21 et
22 du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques et les articles 13, 15 et 16 de la Convention américaine relative aux
droits de l'homme
65
Selon les termes de l'article 12 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme
comprenant la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, ratifié par le Mexique le 23 mars 1981, ainsi que le PIDCP, ratifié par ce pays le même jour, et ses deux Protocoles
facultatifs, ratifiés le 15 mars 2002 et le 26 septembre 2007
67
CIDH, Rapport sur la situation des défenseurs des droits humains dans les Amériques [2006], § 30
66
participer efficacement et en toute sécurité à l'élaboration des
stratégies des pouvoirs publics, c’est l'Unité du ministère de
l'Intérieur, chargée de la promotion des droits humains, qui est
responsable de la réalisation du programme.
62.
Malgré cet arsenal, l'État, lui-même, a sollicité la Cour
Interaméricaine des Droits de l’Homme pour des mesures de
protection ; cela montre à quel point ce système est important
pour la protection des défenseurs des droits humains au Mexique
mais aussi souligne la forte dépendance vis-à-vis des dispositifs
internationaux et surtout l'insuffisance des mécanismes internes
de protection des défenseurs des droits humains, ce qui vient
renforcer l’insuffisance de moyens de protection des femmes et
l’insuffisance des mécanismes juridiques qui autorise les auteurs
des crime de féminicide et des défenseurs des droits à se penser
au-dessus des lois ; ainsi l’impunité fonctionne comme une
autorisation à tuer, à violer, à exploiter sexuellement les femmes.
Pour ces motifs,
En réponse aux questions qui leur ont été posées, les membres du Tribunal
permanent des peuples constatent que :

L’Etat mexicain ne garantit pas le droit à la vie d’une partie de ses
citoyens et commet, de ce fait, une violation grave d’une norme
impérative

L’Etat mexicain ne respecte pas le principe d’égalité et de nondiscrimination qui devrait pourtant guider toute son action,
relativement à son obligation de respecter et de garantir la
jouissance des droits fondamentaux

L’Etat mexicain viole son obligation générale de protection qui
s’impose à tous les États au bénéfice de tous les individus sous leur
juridiction, indépendamment de leur sexe, statut…

Cet Etat pratiquant ou autorisant la pratique d’exécutions extra
judiciaires par des agents de l’État agissant dans le cadre d’une
politique étatique et violant les droits humains, est responsable de
cette atteinte grave au droit à la vie

L’Etat mexicain viole son obligation de mettre sur pied un cadre
juridique protecteur du droit à la vie et à celle d’établir un système
judiciaire capable d’enquêter, punir et réparer toute privation
arbitraire de la vie commise par les agents de l’État
68
Programa Nacional de Derechos Humanos 2008-2012, disponible sur
http://www.derechoshumanos.gob.mx/archivos/anexos/PROGRAMA_NACIONAL_DE_DERECHOS_HUMANOS_20082012.pdf ; consulté le 23/09/2014

L’État manque à ses obligations d’assurer l’ordre public sur son
territoire et ne respecte pas les droits fondamentaux conférés aux
individus placés sous sa juridiction