IRLANDE : Le tigre celtique ne rugit plus

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IRLANDE : Le tigre celtique ne rugit plus
IRLANDE : Le tigre celtique ne rugit plus
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IRLANDE : Le tigre celtique ne
rugit plus
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Date de mise en ligne : vendredi 1er mai 2009
Description :
Enfant prodige de l'Europe depuis les années 1990, l'Irlande voit aujourd'hui sa croissance économique fulgurante s'arrêter brutalement. A la veille d'un nouveau
référendum sur le Traité de Lisbonne, se tournera-t-elle vers l'UE pour son rétablissement ?
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IRLANDE : Le tigre celtique ne rugit plus
Passée en moins de 20 ans du statut de parent pauvre à celui de deuxième pays le plus riche
de l'Union, l'Irlande semblait détenir les clés du succès dans l'économie mondialisée. Mais
l'éclatement de la crise actuelle a porté un brusque coup d'arrêt à cette croissance
faramineuse, révélant au passage les faiblesses d'un modèle fondé sur la spéculation
financière et immobilière. Egalement ébranlée sur le plan politique, alors qu'un second
référendum sur le Traité de Lisbonne est annoncé pour la fin de l'année, la très catholique île
de St Patrick cherche la voie du salut... L'Europe la lui fournira-t-elle ?
Anatomie de la débâcle économique
Le « tigre celtique » affronte aujourd'hui une double crise, à savoir celle du secteur financier d'une part et celle du
secteur immobilier, aussi bien résidentiel que commercial, d'autre part. Ce cocktail mortel a stoppé une économie
habituée à des niveaux de croissance impressionnants, qui oscillaient ces dix dernières années entre 6 % et 11 %
annuel, des chiffres largement supérieurs à la moyenne européenne. Dans la mesure où le secteur immobilier est
une des premières victimes de la crise du crédit, la situation est particulièrement compliquée.
LIrlande est entrée officiellement en récession en septembre 2008 après avoir enregistré une décroissance de son
PIB pendant deux trimestres consécutifs. De plus, les prévisions pour 2009 et 2010 n'ont rien d'encourageant. La
Commission européenne prévoit une contraction du PIB pour 2009 de 5 % et une forte hausse du chômage, qui
passerait de 6,5 % actuellement, à 9,7 %. Le gouvernement irlandais dirigé par Brian Cowen tient un discours plus
alarmiste encore : Il prévoit notamment de grandes difficultés pour les dépenses publiques, avec un déficit
avoisinnant les 12 % du PIB dici cinq ans.
Avec un déficit budgétaire actuel de 9,4 milliards deuros, le gouvernement se trouve pourtant contraint d'assainir les
comptes de l'État. Le problème réside dans le fait que, en raison des tristes prévisions en terme de licenciements et
de contraction de la consommation, la période est loin d'être idéale pour réaliser de telles coupes dans les dépenses
publiques. Lépoque où les salaires des fonctionnaires irlandais étaient 40 % supérieurs à la moyenne européenne
ne sera bientôt qu'un amer souvenir.
Au cours du mois de mars 2009, le gouvernement irlandais a donc recouru à l'émission de titres d'obligations d'État
pour un montant d'un milliard d'euro ; bien que la nouvelle puisse paraître tout à fait ordinaire, il faut souligner qu'il
sagit là de la première série dobligations d'État depuis quatre ans, symptôme d'une pression sur les finances
publiques aussi forte quinédite.
[JPG - 143 ko] La crise fait rage, le mécontentement aussi
Source photo : informatique, flickr.com
Au cours du mois d'octobre 2008 qui a vu la Bourse chuter lourdement, cédant jusquà 12,5 % en une seule journée,
le gouvernement s'est vu contraint de mettre en place un plan de garantie illimitée des dépôts bancaires pour les
deux années à venir. En décembre, un plan de 5,5 milliards deuros a été adopté pour sauver les trois premières
banques du pays : Allied Irish Bank, Bank of Ireland et Anglo Irish Bank, la dernière étant la plus exposée au marché
de limmobilier. Par la suite, en janvier 2009, lAnglo Irish Bank a été nationalisée après trois journées consécutives
de chute du titre et de ruée aux guichets de ses clients voulant récupérer leur argent.
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C'est à cette occasion quont éclaté de nombreux scandales liés à la mauvaise gestion de l'établissement : le
directeur Sean FitzPatrick a été évincé suite à la découverte de prêts quil sest personnellement accordé sans qu'ils
ne figurent dans la comptabilité. La somme en cause navait au moment de la découverte rien de dérisoire (87
millions d'euros). Par la suite, dautres lièvres ont été levés à linstar de ces prêts accordés à des clients de longue
date finalisés contre l'acquisition d'actions de la banque pour en soutenir le titre : la révélation de laffaire, dont le
total de ces transactions sélevait à 451 millions d'euros, a donné lieu à une moisson d'actions légales.
Une bulle immobilière éclatée, des multinationales
prêtes à fuir
À mesure que la crise avance, la bulle immobilière se dégonfle. Les prix des logements se sont écroulés après avoir
connu une hausse sans précédent ces dernières années. En 2007, 78 000 nouveaux bâtiments avaient été
construits en Irlande contre 50 000 en 2008 ; en 2009, le nombre de nouvelles constructions, en forte baisse, devrait
avoisiner les 20 000 unités. La vente de logements a enregistré en 2008 une chute de 60 % pour la seule zone de
Dublin. Lindice élaboré par The Economist montre que le marché de l'immobilier a crû de 201 % en 11 ans,
stimulant les spéculations et les investissements pour des constructions qui se retrouvent aujourdhui partiellement
inachevés faute de demande, mais aussi en raison de laccès au crédit devenu très difficile. Limmobilier, un secteur
traditionnellement moteur dans les économies émergeantes les plus avancées, est finalement devenu un poids qui
pèse sur le système irlandais.
Le tigre celtique fait donc face à une situation tortueuse. Même les grandes sociétés américaines, qui jadis coulaient
des jours heureux sur l'île, prévoient des licenciements et des délocalisations vers les pays dEurope de lEst, le
système d'impôt sur les sociétés n'étant plus aussi avantageux qu'auparavant. Le géant de linformatique Dell a
annoncé quil fermerait toutes les principales installations en Irlande et supprimerait 1 900 postes pour déplacer la
production en Pologne. Le groupe zurichois SR Technics cherche lui aussi à fermer son siège de Dublin qui emploie
1 135 personnes. Waterford Wedgwood, le célèbre porcelainier na pas été non plus épargné par la crise et a été
placé sous administration judiciaire.
Dans ce scénario de délocalisation et de licenciements, la seule note d'optimisme semble venir de Facebook, la
compagnie américaine de réseau social qui a récemment inauguré à Dublin son siège européen, rejoignant ainsi les
autres géants des nouvelles technologies tels que Google, Ebay et Paypal. Elle poursuit à lheure actuelle son
recrutement. La question est maintenant de savoir si ce pays qui a vécu un tel boom économique au cours des
dernières années avant de connaître une chute tout aussi vertigineuse a atteint un degré de développement suffisant
pour jeter les bases dune économie de marché solide et autonome.
[JPG - 70,8 ko] Mary McAleese, présidente de la République d'Irlande
Source photo : Service Audiovisuel de la Commission européenne
« L'Irlande a été consumée par le consumérisme », ce sont les mots de Mary McAleese, la Présidente de la
République dIrlande, pour expliquer le déclin de son pays. Les Irlandais, emportés par le boom économique, ont
consommé de manière insouciante, recourrant excessivement au crédit. Les autorités estiment que chaque
contribuable a contracté en moyenne un crédit de 100 000 euros. La somme cumulée pour les quatre millions
dIrlandais atteindrait un total de 400 milliards d'euros, une somme qui ne reviendra pas de sitôt dans les coffres des
banques. LIrlande à larrêt, des années difficiles attendent maintenant le gouvernement. Le tigre a rentré ses griffes
et ne les ressortira probablement pas avant quelque temps.
La crise peut-elle rallumer la flamme européenne des
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Irlandais ?
Du point de vue politique également, le « non » irlandais au référendum du 12 juin 2008 pour ladhésion au traité de
Lisbonne avait compliqué les choses, générant un état de crise dans les relations entre le pays et l'Union
européenne ; daucuns pensent même que lappartenance même du pays à lUE pourrait être menacée si la
deuxième consultation populaire annoncée ne remet pas les choses en place. Dans le pire des cas (même si, pour
lheure, il nest pas le plus probable), l'Irlande pourrait même se retrouver à combattre une décision des autres États
membres qui viserait à la rétrograder au statut de membre associé . En tout état de cause, il semble vraiment
paradoxal quun pays dà peine quatre millions d'habitants, soit moins d'1 % de la population européenne, puisse
opposer son veto au demi-milliard de citoyens que compte l'UE... mais il sagit là dun thème qui touche aux règles
communautaires et dont la discussion pourrait mener trop loin.
Un sondage récent de lIrish Times montre toutefois que le peuple irlandais a adopté une attitude plus conciliante
vis-à-vis de la ratification du Traité de Lisbonne : à lheure actuelle, le « oui » lemporterait avec 51 % des votes,
alors que le « non » nen recueillerait que 33 %. LÉtat de l'économie a sans doute suggéré aux électeurs de la
classe moyenne et aux agriculteurs de revoir leur opinion de l'Europe. La comparaison entre l'Irlande et un autre
pays non membre de l'UE, l'Islande, a peut-être été déterminante. Dans ce pays qui sest récemment retrouvé en
situation de quasi-faillite suite à leffondrement de ses banques, une partie du corps politique local réfléchit à
lorganisation dune procédure dadhésion rapide à lUE, considérée comme le dernier recours pouvant encore
sauver le pays.
Pendant ce temps, en Irlande, le corps politique est en train de décider de la date du prochain référendum ; la
situation reste encore confuse, bien que le Premier ministre Brian Cowen ait assuré quun nouveau scrutin aurait lieu
avant la fin de lannée.
Comme si la situation n'était pas assez compliquée, les trois grandes agences dévaluation financière (Moodys
Investors Service, Fitch et S&P) ont abaissé la perspective de notation du pays de stable à négative (le score
maximal d'un triple A est encore inchangé, reste à savoir combien de temps encore). Dietmar Hornung, analyste
auprès de Moodys à Francfort, a annoncé que les obligations irlandaises pourraient être déclassées au cours des
12 à 18 mois à venir, perdant le triple A qui permet actuellement au pays de se financer à des taux favorables. Mais
même si le pays n'a pas encore vu les évaluations de sa stabilité financière officiellement dégradées, les
perspectives peu réjouissantes lui en font déjà sentir les conséquences : comme le révèle The Economist dans un
article du 19 mars 2009 « The party is definitely over », le rendement des obligations dÉtat irlandaises décennales
atteint encore actuellement de 6 %, alors que celui des obligations allemandes sétablit à 3,2 %. Bien évidemment,
les marchés financiers anticipent déjà dans les faits une dégradation de la notation financière du tigre celtique. Enfin,
il convient de se rappeler que lIrlande, actuellement membre effectif de l'UE et pays de la zone euro de surcroît, ne
peut pas non plus recourir à une simple dévaluation de la monnaie pour restaurer la compétitivité. La voie choisie par
le gouvernement consiste à présenter pour avril une alternative au plan financier qui mise encore sur des coupes
dans les dépenses publiques (notamment les retraites) et laugmentation de limpôt sur le revenu, tout en maintenant
à 12,5 % limpôt sur les sociétés qui a eu tant de succès dans le passé comme accélérateur de développement.
S'agissant du quatrième plan financier de lÉtat en 12 mois, il est légitime de se demander si ce sera suffisant.
Logo : Monti 12, flickr.com
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