Gros plan sur l`élevage de brebis laitières en Région wallonne.

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Gros plan sur l`élevage de brebis laitières en Région wallonne.
Filière Ovine et Caprine n°13, juillet 2005
Gros plan sur l’élevage de brebis laitières en Région wallonne.
Un article de Ir. Pierre Rondia, CRA-W, Département Productions et Nutrition animales, Ir. Charles
Delmotte, MRW –DGA, Direction du Développement et de la Vulgarisation, Philippe Vandiest, FICOW
L’élevage des brebis laitières en France connaît un développement important depuis plus de
40 ans, principalement dans le sud (rayon de Roquefort, Pyrénées Atlantiques et Corse). On y
recense aujourd’hui environ 6 000 exploitations détenant quelque 1 400 000 brebis (dont 850
000 en rayon de Roquefort).
La Wallonie compte, quant à elle, une dizaine de producteurs passionnés par ce petit ruminant
et possédant de 30 à 250 brebis traites. Cette spéculation est toutefois l’objet, chaque année,
d’un intérêt grandissant, tant de la part de candidats producteurs que de transformateurs.
L’absence de filière structurée (aucune collecte de lait par une laiterie) oblige nos producteurs
à trouver leur propre circuit de commercialisation. C’est pourquoi, la majorité d’entre eux
transforment également le lait quasi-exclusivement en fromages.
Cet article synthétise les principaux résultats d’un suivi mené dans des exploitations ovines
laitières par le Département Productions et Nutrition animales du CRA-W grâce au soutien
financier de la Région Wallonne (MRW-DGA, IG3). Cette étude a pour objectif de mieux
caractériser la spécificité et la technicité de la spéculation ovine laitière dans notre région. Sa
mise en œuvre a impliqué non seulement la mesure des performances zootechniques
(production laitière) et d’élevage (reproduction) des brebis mais également la caractérisation
des techniques d’élevage spécifiques de cette spéculation par le suivi de deux élevages. En
outre, cette convention de recherche a aussi permis de créer une dynamique au sein du secteur
avec la constitution de la commission raciale « ovin laitier » et l’extension du contrôle des
performances, réalisé auprès de cinq élevages en 2004.
Le Mouton Laitier Belge, une race bien de chez nous . . .
La plupart des brebis laitières constituant le cheptel wallon appartiennent à la race « Mouton
Laitier Belge ». Des brebis de race Lacaune sont également présentes dans certaines
exploitations.
Le mouton laitier belge (photos ci-dessous) est fortement apparenté au mouton laitier frison.
C’est un animal de type exclusivement laitier au corps allongé et haut sur pattes (0.75 à 0.90
m au garrot). La tête est longue avec un chanfrein légèrement busqué. Les oreilles sont
portées en avant dans une attitude « relevée et oblique ». La toison, de couleur crème, est fine,
mi-longue et dense. La queue est fine et dépourvue de laine. Le mouton laitier belge se
distingue du frison par son ventre dépourvu de laine.
Conduite d’élevage : un choix adapté aux objectifs de l’éleveur
La conduite du troupeau laitier peut différer d’une exploitation à l’autre en raison des
orientations prises par l’éleveur. La destination du lait (vente en l’état ou après transformation
fromagère) va, par exemple, grandement conditionner le choix de la conduite des animaux et
la taille du troupeau. Néanmoins, le mode de conduite le plus couramment observé est
similaire à celui pratiqué dans le rayon de Roquefort (voir schéma ci-dessous), à savoir : les
brebis allaitent leurs jeunes durant quatre à cinq semaines avant d’être traites mécaniquement
deux fois par jour (matin et soir). En fin de lactation, et en fonction du niveau de production
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laitière, elles ne sont plus traites qu’une fois par jour (le matin). Précisons qu’une durée
d’allaitement plus courte (une semaine au lieu de quatre ou cinq) peut être choisie par un
producteur souhaitant davantage privilégier la production de lait. De même, certains
producteurs appliquent une traite mécanique une fois par jour pour des raisons de
disponibilité.
Conduite alimentaire : répondre aux besoins élevés de la laitière
Les brebis laitières ont des besoins alimentaires spécifiques très élevés. Leur alimentation
nécessite donc une attention particulière car celle-ci aura des conséquences importantes sur
leur carrière de productrices. La ration de base des brebis est constituée de fourrages (foin et
herbe pâturée). Un complément (concentré) est ensuite distribué en bergerie et sur le quai
pour équilibrer la ration. Au pâturage, un complément alimentaire est distribué en salle de
traite pour inciter les brebis à monter sur le quai.
La mise à l’herbe s’effectue vers la mi-avril avec une période de transition de 10 à 15 jours
durant laquelle les brebis passent les nuits en bergerie. Les brebis sont rentrées en bergerie à
partir d’octobre / novembre. Un pâturage tournant est pratiqué de manière à toujours faire
pâturer les animaux en lactation sur les meilleures parcelles.
Performances des brebis laitières : résultat de trois années de suivi
Comme toutes les races ovines à vocation laitière, le Mouton Laitier Belge enregistre de très
bonnes performances d’élevage avec une prolificité proche de 2 agneaux par brebis. Le taux
de mortalité des agneaux de la naissance au sevrage est de l’ordre de 10%.
Le contrôle laitier, un outil précieux pour une gestion optimale du troupeau
Le suivi des performances zootechniques des brebis laitières, tant quantitatives (production
laitière) que qualitatives (taux de matières utiles et dénombrement des cellules somatiques),
est obtenu par la mise en place du contrôle laitier officiel (CLO). Le CLO est effectué tous les
30 jours en alternance matin et soir au moyen d’éprouvettes graduées identiques à celles
utilisées pour le « CLO Lacaune » en rayon de Roquefort. Il est réalisé par le service
« contrôle des performances lait » de l’Association Wallonne de l’Elevage situé à Herve. Les
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analyses des taux de matières utiles et le dénombrement des cellules somatiques des
échantillons individuels de lait sont confiés au Comité du Lait de Battice. Les données sont
traitées par le logiciel « MOUTLAIT » de la FICOW qui calcule une lactation réelle mais
aussi une lactation standard. Cette dernière se définit comme étant la traite calculée sur une
période de 90 et 120 jours, respectivement pour les primipares et les multipares, après une
période d’allaitement de 30 jours. Seule la lactation réelle figure dans le tableau ci-dessous.
Sur près de mille brebis contrôlées en trois ans, la production mesurée est en moyenne de 220
litres en 180 jours. A titre indicatif, les brebis de race Lacaune en France soumises au CLO
produisent 261 litres en 157 jours (source CNBL, 2003). Comparativement à la chèvre, la
quantité de lait produit par la brebis est trois à quatre fois moindre sur une saison de
production. Toutefois, les taux de matières utiles du lait de brebis sont presque deux fois plus
élevés avec des taux butyreux et protéiques respectivement de 6.4 et 5.6% contre 3.3 et 3.0%
pour le lait de chèvre (source : Caprigène France, 2004).
Comme précisé précédemment, la variabilité des données de production observée dans le
tableau ci avant résulte du schéma de conduite appliqué par l’éleveur (monotraite, durée de
lactation plus courte, niveau de complémentation des brebis, …).
La présence de brebis de sang Lacaune et de brebis de sang Laitier Belge sur une même
exploitation a permis d’effectuer une comparaison des performances laitières. L’analyse des
données de production révèle que, à l’échelle du troupeau, la laitière belge accuse une
production moindre par rapport à la Lacaune. En effet, la quantité de lait produit par la laitière
belge représente 74 et 91% de celle de la Lacaune, respectivement pour les primipares et
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multipares. L’écart plus important observé chez les primipares est révélateur des efforts de
sélection entrepris en race Lacaune depuis plus de 50 ans pour la production de lait.
Toutefois, le classement individuel des animaux montre que la laitière belge présente un
potentiel laitier intéressant. En effet, parmi les 10 meilleures productrices, on trouve 5 brebis
laitières belges dont deux figurent en tête de classement.
Enfin, en vue de vérifier la fiabilité des données du contrôle laitier, une comparaison de ces
dernières a été effectuée avec les fournitures réelles auprès d’une exploitation. Les résultats
montrent une surestimation mineure de l’ordre de 3% des quantités de lait produit.
La figure ci-après présente un aperçu de l’évolution type d’une courbe de la production
laitière d’une brebis. La quantité de lait produit journellement diminue avec l’avancement de
la saison de production : elle est de 2 litres par brebis en mars et de 0.6 litre en octobre.
Parallèlement, les taux protéique et butyreux augmentent sensiblement pour atteindre
respectivement plus de 7 et 9 % en fin de saison. Le lait devient donc de plus en plus riche au
cours de l’avancement de la lactation des animaux. Toutefois, un phénomène de concentration
des matières utiles dans le lait, lié au faible niveau de production des animaux en fin de
lactation, est responsable de la hausse sensible des teneurs observée à partir du mois d’août.
L’absence de pic de lactation sur le graphique s’explique par une mise à la traite progressive
des brebis mais aussi parce que ce pic survient relativement tôt, environ 3 à 4 semaines après
la mise bas, soit en période d’allaitement. Les taux protéique et butyreux suivent une
évolution similaire au cours de la lactation avec, toutefois, une fluctuation plus marquée en
faveur du taux butyreux.
0,5
5
0
4
Taux de matières utiles (%)
6
PL
TB
TP
Octobre
1
Septembre
7
Août
1,5
Juillet
8
Juin
2
Mai
9
Avril
2,5
Mars
Production laitière (l/j)
Evolutions de la production laitière (PL) et des taux butyreux
(TB) et protéique (TP) du lait du troupeau de l'exploitation
'Ardenne' au cours de la saison de production
La numération cellulaire, un bon indicateur de la santé du pis
Les infections mammaires des petits ruminants se distinguent principalement de celles des
bovins par leur étiologie et une moindre incidence moyenne des cas cliniques. En effet, le
taux annuel de cas cliniques en élevage ovin ne dépasse pas 5% des animaux, valeur
notablement inférieure à celle observée chez la vache laitière. Toutefois, la numération
cellulaire (CCS) chez une brebis saine est nettement plus élevée que chez la vache puisque
des comptages se situant entre 500 000 et
1 000 000 de cellules/ml sont généralement
considérés comme normaux.
Le germe le plus fréquent dans les mammites cliniques est Staphylococcus aureus (30 à 50%),
tandis que les germes à coagulase négative sont les plus souvent isolés (60 à 90%) dans les
mammites subcliniques. En France, l’élimination des infections mammaires repose
principalement sur la réforme et sur l’antibiothérapie au tarissement.
Sur base des données issues du contrôle laitier, on observe une hausse des numérations
cellulaires avec le rang et le stade de lactation des animaux. Environ 70% du cheptel ont un
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CCS inférieur à 500 mille cellules et contribuent au CCS total à concurrence de 10% alors que
20% du cheptel sont responsables de plus de 80% du CCS total. En outre, un antibiogramme
ponctuel réalisé sur le lait de 44 brebis indique une proportion plus importante de quartiers
sains pour les brebis ayant un CCS inférieur à 1 million de cellules. Lorsque le CCS dépasse 1
million de cellules, la proportion de quartiers infectés par des « staphylocoques à coagulasepositifs » augmente sensiblement, ce qui présente un risque accru de déclaration d’une
mammite clinique pour les brebis appartenant à cette classe.
Cette étude a pu être réalisée grâce au soutien financier du Ministère de la Région wallonne Direction Générale de l’Agriculture, IG3. Nous tenons également à remercier vivement les
éleveurs ovins laitiers, sans qui cette étude n’aurait pas vu le jour.
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