Charles Caruso - Le Compagnon-cuisinier
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Charles Caruso - Le Compagnon-cuisinier
Le Compagnon-Cuisinier Art culinaire et art de recevoir Dans la même collection Cibi reali Maurizio Braghiroli Come dire “Ti Amo” in tre portate Monica Traversa & Pasquale Mugella Le ricette di Caruso / Les recettes de Caruso Charles Caruso Madame est servie Caterina Reviglio Sonnino Charles Caruso Le Compagnon-Cuisinier Ce livre est également disponible en version papier www.liberfaber.com Impaginazione/Mise en page : AOC (06000 Nice) www.liberfaber.com Tutti i diritti riservati Tous droits réservés pour tous pays LiberFaber Sarl, 23 boulevard des Moulins, 98000 Monaco ISBN 978-2-36580-002-0 Ce livre est dédié à mon Parrain « Agenais le Bien Aimé » Compagnon Cuisinier des Devoirs Unis de L’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France de la Cayenne de Nice. Le compas et l’équerre, symboles du Compagnon–Cuisinier 5 Introduction Définition de Compagnon tirée du Littré : Autrefois, garçon qui, ayant fait son apprentissage en son métier et n’ayant pas les moyens de se faire passer Maître, allait servir et travailler chez les autres. Définition de Cuisinier toujours tirée du Littré : Celui dont la fonction est de faire la cuisine ; personne qui sait faire la cuisine. La définition qui nous intéresse : Le Compagnon est celui qui partage son pain avec son Frère de même métier. Ce terme n’apparaît dans la langue française que vers 1080 du latin populaire companio-onis « celui qui mange son pain avec ». Il ne peut-être donné qu’à celui qui a fait son Tour de France, ce travailleur est un modèle et ce titre n’est donné qu’après avoir présenté son Chef-d’œuvre. Une cérémonie initiatique secrète l’élève à la dignité de Compagnon. Il reçoit alors les ‘couleurs’ et sa canne. Sur le plan humain, le terme compagnonnage apparût en France en 1719 et évoque l’entraide, la protection, l’éducation, la transmission des connaissances uniquement et exclusivement entre ses membres. Sa devise est : « Travailler toujours mieux. Enseigner le métier. Aider et soutenir ses Frères » 7 L’historique Le compagnonnage a toujours été et reste divisé en Rites, placés chacun sous le ‘patronage’ d’un personnage historique ou mythique, tous associés à la construction du Temple de Jérusalem et par ce fait, cristallisent la triple origine : « Biblique, Chevaleresque et Monastique ». Biblique, car tous les Rituels se réfèrent à la Bible (Livres des Rois) et il n’y a qu’à prendre pour preuve les éléments de la Passion qui interviennent lors des ‘initiations’ et autres cérémonies. Chevaleresque, à l’image de l’Ordre du Temple, l’Ordre de la Toison d’Or, ces derniers étant de grands constructeurs, Châteaux, Forteresses, Églises. Monastique, avec comme modèle les Cisterciens, ces grands bâtisseurs. Les Compagnons reconnaissent comme des Maîtres dans la science du ‘Trait’ et de l’Art de bâtir (en 1151 il y avait 500 Abbayes et au xvie siècle plus de 1800) et si les moines étaient les Maîtres d’œuvres, il n’en demeure pas moins qu’ils contribuèrent grandement à la formation des Compagnons. Pas de science sans conscience et c’est ainsi que les Compagnons ont construit les cathédrales. Fixer une date précise à la naissance du compagnonnage nécessiterait de lui donner une définition précise qu’il n’a jamais eu. Le Compagnonnage désigne principalement des associations de métiers qui existent depuis la plus haute antiquité. Il existait déjà au temps de la construction des cathédrales, des signes et contre-signes particuliers aux compagnons qui sont reconnaissables, ces compagnons voyageaient dans tous les pays et principalement en France. C’est peut-être de cette époque que datent les dénominations au sein des compagnons de Pays (ouvrier pratiquant son 9 métier sur le sol en atelier) et Coterie (ouvrier pratiquant son métier en hauteur, sur les échafaudages). Les gens du pays, ne souhaitant pas prendre de risques, auraient fait venir des gens de la côte pour réaliser les travaux dangereux sur les échafaudages. Le titre de Compagnon est attribué à l’ouvrier qui, après avoir rempli son temps d’apprentissage et s’être perfectionné sur le tour de France, et réalisé un travail appelé communément un ‘chef-d’œuvre’. Il est dit travail de « Réception » : la réception est une cérémonie qui donnera à l’aspirant le titre de compagnon. Il poursuivra sa formation auprès de divers patrons et « pays » ou « coteries » qu’il côtoiera sur le tour de France. Au cours de son périple, il trouvera partout une maison de compagnons, où sont situées Cayenne et Chambres. Cette maison est gérée par une femme : « Dame économe », « Dame Hôtesse » ou « Mère » en fonction du degré d’initiation reçue par cette dernière. Chambres et Cayenne font référence, suivant les Métiers, au lieu où se réunissent les Compagnons de chaque Métier. Au sein des maisons, on trouve le premier aspirant qui seconde la mère en cas d’absence et le Rouleur ou Rôleur, Compagnon itinérant qui autrefois était chargé de l’embauche et qui, maintenant, seconde le Prévost, tout en faisant souvent office de Maître des Cérémonies. Dans l’esprit du public, le Compagnonnage demeure mystérieux, beaucoup de légendes courent sur le compte de cette organisation humaine avant tout, certainement la plus ancienne ayant subsistée jusqu’à notre époque, en traversant les régimes et les empires, les royaumes et les différentes républiques. Au fil du temps et afin d’écarter le faux du vrai je vais essayer de mieux vous faire connaître le trajet pour devenir peut-être un jour Compagnon du Devoir. De tout temps, il s’est trouvé parmi les ouvriers une ‘élite’ qui a compris la nécessité de se réunir, sans dépendance et de s’instruire et de parvenir à la recherche de la perfection. Cette perfection est-elle de ce monde ? Certains font naître cet ordre en Egypte au temps de la construction des pyramides, d’autres des collèges grecs où Pythagore enseignait la Géométrie, plus près de nous au temps des croisades avec les Templiers qui avaient amené avec eux des ouvriers ‘bâtisseurs’ la truelle dans une main et l’épée dans l’autre. 10 La Tradition fait remonter l’organisation du travail des premiers compagnons à la construction du Temple du roi Salomon, à Jérusalem. Une ‘tragédie’ de chantier, le meurtre du Maître d’œuvre a divisé en plusieurs branches cette organisation ouvrière : 1. Les Enfants du Rite de Salomon, Devoir de Liberté avec les Tailleurs de pierre dit Compagnon-étrangers, les Menuisiers du Devoir de Liberté, les Gavots tout comme les Serruriers, les Tonneliers-Foudriers du Devoir de Liberté et enfin les Charpentiers du Devoir appelés les Indiens. 2. Le Rite du Père Soubise, continuateur avec les Tailleurs de pierre du Saint Devoir de Dieu et des Honnêtes Compagnons avec les Charpentiers du Devoir, Bons-Drilles du Tour de France, les Couvreurs du Devoir et les Plâtriers-Stucateurs du Devoir. 3. Le Rite de Maître Jacques, les Compagnons du Devoir avec les Tailleurs de pierre, les Serruriers, les Tanneurs du Devoir, les Cordiers, les Vanniers, les Chapeliers, les Blanchets-Chamoiseurs, les Fondeurs, les Épingliers, les Forgerons, les Tourneurs, les Vitriers, les Selliers, les Poêliers, les Doleurs, les Couteliers, les Ferblantiers, les Bourreliers, les Charrons, les Cloutiers, les Toiliers, les MaréchauxFerrants, les Cordonniers, les Bottiers, les Boulangers, les Tisserants, les Ferrandiniers, les Sabotiers et les Potiers. 4. Point de Cuisiniers jusqu’à la création par Agricol Perdiguier d’unir et de fédérer les ouvriers de tous les Rites dans une unique fédération pourvue d’un Rituel unifié, respectant la liberté de conscience et ce rêve vit le jour, l’année ou Agricol Perdiguier mourut en 1875. 5. L’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis fut donc créée en 1889. 11 ∴ Lucien Blanc, dit « Provençal le Résolu », crée en 1889 l’« Union compagnonnique des devoirs unis » né le 20 août 1823 à Menerbes dans le Vaucluse, fréquenta l’école pendant une année puis il entra en apprentissage du métier de Bourrelier. Il voyagea pendant 7 ans et travailla dans les principales villes : Lyon, Paris, Nantes, Bordeaux et Marseille etc. de façon à former par son voyage un ‘Pentagramme’ ou étoile à 5 branches. Je cite : « L’effort de ma vie disait-il, ont été de fusionner les Rites et les Devoirs et cette fusion seule peuvent sauver de la mort le Compagnonnage ». L’Union Compagnonnique des Compagnons du Tour de France des Devoirs Unis que j’ai fondée et que je préside à pour but tout en gardant les vraies et saines valeurs de la Tradition de rajeunir et de réformer ses usages. Elle se fait plus accueillante, ne les soumet plus à des dures épreuves corporelles, mais exige d’eux, la compétence professionnelle, des garanties d’honneur, d’honnêteté, de probité et de vertu. « Lucien Blanc se refusait à admettre que le Compagnonnage eut des relations avec la Franc-Maçonnerie, cette dernière citée n’a de commun que des lointaines origines, elle n’était pas autre chose que le Compagnonnage des Ouvriers Maçons ». Comme toute société, elle avait ses Rites et ses Signes et Contre-Signes qui permettaient aux travailleurs errants de ville en ville de se reconnaître entre eux. Chacun sait du reste qu’elle fut autrefois une belle association ouvrière d’assistance mutuelle et de fraternité… très différente de ce qu’elle est devenue aujourd’hui. L’œuvre de ce Compagnon a été considérable, il a donné sa vie à cette vieille société d’ouvriers traditionalistes, éclairée, fraternelle, qui a fait plus qu’on ne le croit pour le progrès social, pour les caisses de retraite, caisse mutuelle de secours, orphelinat compagnonnique comme pour les progrès professionnels. Cette association repose sur une conception humaniste du 12 travail. L'homme est le créateur, celui qui, par son travail, transforme une matière première brute en un objet de valeur puisqu'il y met tout son savoir et tout son habileté ainsi que toute une tradition dont il est le successeur. Le rôle de la Tradition, de la Transmission du Savoir par un apprentissage sont des éléments importants et motivent donc ce Tour de France que doivent faire les apprentis pour devenir un jour des compagnons. Ils doivent aller se mettre à l'école de compagnons anciens reconnus et pour cela l'ordre met à leur disposition des maisons, dirigées par une Mère ou une Dame Hôtesse. Il y en a une trentaine en France et en Europe et elles peuvent chacune accueillir de trente à cent jeunes en apprentissage. C'est donc tout un réseau social qui est en place pour assurer la tradition et la formation d'ouvriers qui seront sérieux du produit de leur travail qu'ils mènent du début à la fin. Le Tour de France à notre époque s’effectue dans le sens des aiguilles d’une montre, pour les cuisiniers, bien souvent il s’agit d’un tour d’Europe voire du monde, et il paraît inutile de rappeler ici que de nombreux CompagnonsCuisiniers sont Meilleurs Ouvriers de France, professeurs dans les lycées techniques professionnels, dans les Centres de Formation Hôtelière etc. Le Tour représente une dure école sur le tas, nécessaire pour apprendre les recettes de chaque région, des façons de bien faire, des tours de main et partout ou il y a un chef de cuisine issu du Compagnonnage, il existe un foyer susceptible d’engendrer de futur compagnon. Le jeune homme diplômes en poche (CAP, BEP, BAC-PRO) doit accomplir au sein de l’association un travail culinaire situant ses connaissances du métier : premier ‘chefd’œuvre’ pour être admis ‘Aspirant’ et porter la couleur verte, stagiaire reconnu de l’Union. Au terme, il commence à voyager aidé par les compagnons qui se préoccupent du placement de l’aspirant, puis vient la seconde période, après avoir satisfait au devoir, l’obligation de faire et de réussir un second Chef-d’œuvre ; il sera alors reconnu par tout Compagnon-Cuisinier, il portera la 13 couleur rouge, écharpe avec liseré blanc. Ce cérémonial des couleurs et des réceptions marque à tout jamais le compagnon et cette méthode vieille comme le monde, de la sacralisation du Travail bien fait, du goût de la ‘belle ouvrage’, de vie en communauté réalisée dans son métier, crée une élite professionnelle reconnue, quasiment insurpassable et des travailleurs heureux. Je ne peux avec mon droit de ‘réserve’ citer dans ce court exposé et pour chaque époque, les innombrables Chefsd’œuvre dus aux Compagnons du Tour de France qui justifient que le compagnonnage a le droit d’être nommé « La Chevalerie du Travail », distinction conquise par nos Anciens et que le Devoir nous ordonne de sauvegarder. Cette Chevalerie du Travail est un ordre dans lequel chacun de ses membres a été minutieusement choisi et admis à entrer dès lors que ses qualités professionnellement et morales ont été reconnues suffisamment élever. Le Compagnon est un homme libre et de bonnes mœurs, mais il doit observer une discipline et respecter le Devoir. La liberté de pensée, l’indépendance d’esprit sont des maîtres mots pour les Compagnons qui sont tenus de ne jamais faire état de leurs idées personnelles lorsqu’ils se retrouvent et lorsqu’ils travaillent ensemble sur le même chantier. La ‘Cayenne’ est le lieu de réunion dans chaque ville étape du tour de France, le soir est organisé des cours approfondis sur le ‘Trait’ ou géométrie compagnonnique. Ces cours de Trait sont bénévolement professés par des Compagnons qui se font un devoir d’enseigner ce qu’ils ont le bonheur de connaître. Perpétuer l’œuvre des ‘anciens’ par le travail bien fait, participer au bonheur de l’humanité et guider nos ‘jeunes’ dans le chemin du Bonheur sont les raisons essentielles d’être du compagnonnage et en résumé, demain comme aujourd’hui, il faudra des hommes aux mains adroites, hautement qualifiés, capables de résoudre certains problèmes compliqués, des hommes à l’esprit cultivé et sachant manier avec précision : le Compas et l’Équerre. ∴ 14 Continuez la lecture sur www.liberfaber.com Retrouvez l’ouvrage de Charles Caruso à l’adresse : http://liberfaber.com/fr/artculinaire/produit-le-compagnoncuisinier.html 15