14-18 en chansons

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14-18 en chansons
14-18 en chansons
«Mourir pour la patrie», ou «Le choeur des Girondins» : Chanson écrite par Alexandre Varney en
1847 à l'occasion de la représentation d'un drame théâtral intitulé Le Chevalier de Maison-Rouge,
écrit par Alexandre Dumas et Auguste Maquet. Ce chant sera l’hymne de la deuxième République
(1848-1851). C’est au son de ce chant devenu une marche militaire que se déroule l'exécution
d’un condamné «pour l’exemple» dans le roman Les Croix de bois, de Roland Dorgelès (1919).
Par la voix du canon d'alarme,
La France appelle ses enfants.
Allons, dit le soldat, aux armes !
C'est ma mère, je la défends.
Mourir pour la Patrie, (bis)
C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie ! (bis)
Nous, amis, qui loin des batailles
Succombons dans l'obscurité,
Vouons du moins nos funérailles
A la France, à la liberté.
Mourir pour la Patrie, (bis)
C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie ! (bis)
Frères, pour une cause sainte,
Quand chacun de nous est le martyr,
Ne proférons pas une plainte,
La France, un jour, doit nous bénir.
Mourir pour la Patrie, (bis)
C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie ! (bis)
Du créateur de la nature,
Bénissons encore la bonté,
Nous plaindre serait une injure :
Nous mourons pour la liberté.
Mourir pour la Patrie, (bis)
C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie ! (bis)
Les deux vers du refrain : « Mourir pour la patrie. C'est le sort le plus beau, le plus digne
d'envie...», ont été empruntés à Roland à Roncevaux, chant composé à Strasbourg en 1792 par
Rouget de Lisle.
M. Duhornay / Lycée Jehan-Ango / Dieppe
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14-18 en chansons
«Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine», paroles de Gaston Villemer et Henri Nazet, musique de
Ben Tayoux (1871).
France à bientôt ! Car la sainte espérance
Emplit nos coeurs en te disant : adieu,
En attendant l'heure de délivrance,
Pour l'avenir... Nous allons prier Dieu.
Nos monuments où flotte leur bannière
Semblent porter le deuil de ton drapeau.
France entends-tu la dernière prière
De tes enfants couchés dans leur tombeau ?
(Refrain)
Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine,
Et, malgré vous, nous resterons français.
Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre coeur vous ne l'aurez jamais.
Eh quoi ! Nos fils quitteraient leur chaumière
Et s'en iraient grossir vos régiments !
Pour égorger la France, notre mère,
Vous armeriez le bras de ses enfants !
Ah ! Vous pouvez leur confier des armes,
C'est contre vous qu'elles leur serviront,
Le jour où, las de voir couler nos larmes,
Pour nous venger leurs bras se lèveront.
Ah ! Jusqu'au jour où, drapeau tricolore,
Tu flotteras sur nos murs exilés,
Frères, étouffons la haine qui dévore
Et fait bondir nos coeurs inconsolés.
Mais le grand jour où la France meurtrie
Reformera ses nouveaux bataillons,
Au cri sauveur jeté par la patrie,
Hommes, enfants, femmes, nous répondrons.
M. Duhornay / Lycée Jehan-Ango / Dieppe
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14-18 en chansons
L'air est pur, la route est large,
Le Clairon sonne la charge,
Les Zouaves vont chantant,
Et là-haut sur la colline,
Dans la forêt qui domine,
Le Prussien les attend - Variante : «On les guette, on les attend.»
Le Clairon est un vieux brave,
Et lorsque la lutte est grave,
C'est un rude compagnon ;
Il a vu mainte bataille
Et porte plus d'une entaille,
Depuis les pieds jusqu'au front.
C'est lui qui guide la fête
Jamais sa fière trompette
N'eut un accent plus vainqueur;
Et de son souffle de flamme,
L'espérance vient à l'âme,
Le courage monte au cœur.
On grimpe, on court, on arrive,
Et la fusillade est vive,
Et les Prussiens sont adroits - Variante : «Et les autres sont adroits.»
Quand enfin le cri se jette:
« En marche! A la baïonnette !»
Et l'on entre sous le bois.
A la première décharge,
Le Clairon sonnant la charge
Tombe frappé sans recours;
Mais, par un effort suprême,
Menant le combat quand même,
Le Clairon sonne toujours.
Et cependant le sang coule,
Mais sa main, qui le refoule,
Suspend un instant la mort,
Et de sa note affolée
Précipitant la mêlée,
Le vieux Clairon sonne encore.
Il est là, couché sur l'herbe,
Dédaignant, blessé superbe,
Tout espoir et tout secours;
Et sur sa lèvre sanglante,
Gardant sa trompette ardente,
Il sonne, il sonne toujours.
Puis, dans la forêt pressée,
Voyant la charge lancée,
Et les Zouaves bondir,
Alors le clairon s'arrête,
Sa dernière tâche est faite,
Il achève de mourir.
Paul Déroulède, «Le Clairon», Chants du soldat, 1872
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14-18 en chansons
«Verdun, on ne passe pas !» J.Cazol et E.Joullot, R.Mercier, 1917.
Un aigle noir a plané sur la ville,
Il a juré d'être victorieux.
De tous côtés, les corbeaux se faufilent
Dans les sillons, et dans les chemins creux,
Mais tout à coup, le coq gaulois claironne :
Cocorico, debout petits soldats !
Le soleil luit, partout le canon tonne,
Jeunes héros, voici le grand combat !
Refrain :
Et Verdun la victorieuse
Pousse un cri que portent là-bas
Les échos des bords de la Meuse,
Halte là ! On ne passe pas !
Plus de morgue, plus d'arrogance,
Fuyez, barbares et laquais,
C'est ici la porte de France
Et vous ne passerez jamais.
Les ennemis s'avancent avec rage,
Énorme flot d'un vivant océan,
Semant la mort partout sur son passage,
Ivres de bruit, de carnage et de sang,
Ils vont passer... quand relevant la tête,
Un officier dans un suprême effort,
Quoique mourant crie : à la baïonnette,
Hardi les gars, debout, debout les morts !
Mais nos enfants, dans un élan sublime
Se sont dressés, et bientôt l'aigle noir
La rage au coeur impuissant en son crime,
Vit disparaître son suprême espoir,
Les vils corbeaux devant l'âme française
Tombent sanglants, c'est le dernier combat,
Pendant que nous chantons La Marseillaise,
Les assassins fuient devant les soldats !
M. Duhornay / Lycée Jehan-Ango / Dieppe
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La Chanson de Craonne (Anonyme, 1917).
Le plateau de Craonne, dans l’Aisne, a été le théâtre de violents combats lors des différentes batailles du
Chemin des Dames (1917 et 1918). Cette chanson, symbole de l’épuisement physique et moral des
combattants, a été composée par un auteur anonyme, sur l’air d’une chanson populaire à la mode. Les
autorités militaires ont offert en vain une récompense à qui dévoilerait l’identité de son auteur. Elle est
devenue l’hymne des mutins de 1917 et a été longtemps interdite en France.
Quand au bout d' huit jours le r'pos terminé
On va reprend' les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile1.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher.
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot,
On dit adieu aux civelots2.
Mais sans tambour et sans trompette
On s'en va là-bas en baissant la tête.
Refrain.
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous somm' tous des condamnés,
Nous somm' les sacrifiés.
Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain dans la nuit et le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance :
C'est un officier de chasseurs à pied3,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe,
Nos pauv' remplaçants vont chercher leurs tombes.
1
Défaite (argot militaire).
2
Civils (idem).
3
Unité d’infanterie.
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14-18 en chansons
(Au refrain).
C'est malheureux d' voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font la foire,
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la même chose.
Au lieu de s' cacher, tous ces embusqués 4
F'raient mieux d' monter aux tranchées,
Pour défend' leurs biens, car nous on n'a rien,
Nous aut' les pauv' purotins 5.
Et les camarades sont étendus là
Pour défend' les biens de ces messieurs-là.
(Sur l'air du refrain).
Ceux qu'ont l' pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève,
Mais c'est fini, nous les trouffions 6,
On va se mettre en grève.
Ce s'ra vot' tour, messieurs les gros 7
De monter sur l' plateau :
Si vous voulez encor' la guerre,
Payez-la d' votre peau.
LA GUERRE ET CE QUI S’EN SUIVIT
(extrait)
Les ombres se mêlaient et battaient la semelle
Un convoi se formait en gare à Verberie
Les plates-formes se chargeaient d’artillerie
On hissait les chevaux les sacs et les gamelles
Il y avait un lieutenant roux et frisé
Qui criait sans arrêt dans la nuit des ordures
On s’énerve toujours quand la manoeuvre dure
Et qu’au-dessus de vous éclatent les fusées
On part Dieu sait pour où Ça tient du mauvais rêve
On glissera le long de la ligne de feu
Quelque part ça commence à n’être plus du jeu
Les bonhommes là-bas attendent la relève
Le train va s’en aller noir en direction
Du sud en traversant des campagnes désertes
Avec ses wagons de dormeurs la bouche ouverte
Et les songes épais des respirations
4
Personnes qui échappent volontairement à la mobilisation et aux combats (argot militaire).
5
Malheureux (idem).
6
Soldats (idem).
7
Bourgeois.
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14-18 en chansons
Il tournera pour éviter la capitale
Au mâtin pâle On le mettra sur une voie
De garage Un convoi qui donne de la voix
Passe avec ses toits peints et ses croix d’hôpital
Et nous vers l’est à nouveau nous roulons Voyez
La cargaison de chair que notre marche entraîne
Vers le fade parfum qu’exhalent les gangrènes
Au long pourrissement des entonnoirs noyés
Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles
Jeune homme dont j’ai vu battre le coeur à nu
Quand j’ai déchiré ta chemise et toi non plus
Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille
Qu’un obus a coupé par le travers en deux
Pour une fois qu’il avait un jeu du tonnerre
Et toi le tatoué l’ancien Légionnaire
Tu survivras longtemps sans visage sans yeux
Roule au loin roule train des dernières lueurs
Les soldats assoupis que ta danse secoue
Laissent pencher leur front et fléchissent le cou
Cela sent le tabac la laine et la sueur
Comment vous regarder sans voir vos destinées
Fiancés de la terre et promis des douleurs
La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs
Vous bougez vaguement vos jambes condamnées
Vous étirez vos bras vous retrouvez le jour
Arrêt brusque et quelqu’un crie Au jus là-dedans
Vous bâillez Vous avez une bouche et des dents
Et le caporal chante Au pont de Minaucourt
Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s’efface
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri
Louis Aragon, Le Roman inachevé, 1956.
M. Duhornay / Lycée Jehan-Ango / Dieppe
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14-18 en chansons
Depuis que l'homme écrit l'Histoire,
Depuis qu'il bataille à cœur joie,
Entre mille et une guerr’ notoires
Si j'étais t'nu de faire un choix,
A l'encontre du vieil Homère
Je déclarerais tout de suite:
«Moi, mon colon, cell’ que j'préfère,
C'est la guerr’ de quatorz’-dix-huit ! »
Est-ce à dire que je méprise
Les nobles guerres de jadis,
Que je m'soucie comm’ d'un’ cerise
De celle de soixante-dix?
Au contraire, je la révère
Et lui donne un satisfecit,
Mais, mon colon, celle que j'préfère
C'est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !
Je sais que les guerriers de Sparte
Plantaient pas leurs épées dans l'eau,
Que les grognards de Bonaparte
Tiraient pas leur poudre aux moineaux,
Leurs faits d'armes sont légendaires,
Au garde-à-vous, j’ les félicite,
Mais, mon colon, celle que j'préfère,
C'est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !
Bien sûr, celle de l'an quarante
Ne m'a pas tout à fait déçu,
Elle fut longue et massacrante
Et je ne crache pas dessus,
Mais à mon sens, elle ne vaut guère
Guèr’ plus qu'un premier accessit,
Moi, mon colon, celle que j' préfère,
C'est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !
Mon but n'est pas de chercher noise
Aux guérillas, non, fichtre, non,
Guerres saintes, guerres sournoises
Qui n'osent pas dire leur nom,
Chacune a quelque chos’ pour plaire,
Chacune a son petit mérite,
Mais, mon colon, celle que j'préfère,
C'est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !
Du fond de son sac à malices
Mars va sans doute, à l'occasion,
En sortir une, un vrai délice
Qui me fera grosse impression,
En attendant je persévère
A dir’ que ma guerre favorite
Cell’, mon colon, que j'voudrais faire,
C'est la guerr’ de quatorz’-dix-huit !
«La guerre de 14-18», Georges Brassens, Trompettes de la renommée, 1962.
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