Vie familliale détenus. Allemagne

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Vie familliale détenus. Allemagne
MINISTERE DE LA JUSTICE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
STATUT DES PRISONNIERS
DROIT A UNE VIE CONJUGALE ET FAMILIALE
ALLEMAGNE
AVEC LE CONCOURS DU PROFESSEUR
HANS-JOERG ALBRECHT
DIRECTEUR DU DEPARTEMENT DE DROIT PENAL ETRANGER ET
INTERNATIONAL A L’INSTITUT MAX PLANCK, FREIBOURG
Novembre 2006
JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268
Téléport 2, Bd. René Cassin
BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex
Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66
Courriel : [email protected]
LE STATUT DES PRISONNIERS EN ALLEMAGNE
LE DROIT A UNE VIE CONJUGALE ET FAMILIALE
Identification et présentation de la législation garantissant aux personnes
incarcérées la possibilité de maintenir ou de créer des liens conjugaux ou
familiaux
I.
LES COMMUNICATIONS PAR COURRIER ET TELEPHONE
A. LE COURRIER
B. LES APPELS TELEPHONIQUES
II. LES VISITES ET LES PERMISSIONS DE SORTIE
A. LES VISITES
B. LES PERMISSION DE SORTIE - INSTRUMENT SUPERIEUR POUR LE MAINTIEN DES LIENS DE FAMILLE ET DE LA
VIE FAMILIALE
C. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES REFUS DE VISITES OU DE PERMISSIONS DE SORTIE
III. LES AUTRES ASPECTS DE LA VIE FAMILIALE
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2
TEXTE DE REFERENCE
Constitution fédérale (Grundgesetz)
Loi sur l’exécution des peines d’empisonnement (Gesetz über den Vollzug der Freiheitsstrafe
und der freiheitsentziehenden Maßregeln der Besserung und Sicherung) du 16 mars 1976, cidessous loi sur les prisons
Projet de loi sur les prisons juvéniles du Land de Berlin
BIBLIOGRAPHIE
BUSCH, M. et al: Zur Situation der Frauen von Inhaftierten. Volume 2, Stuttgart 1987
CADDIE, D., CRISP, D.: Mothers in Prison. Research Findings. Home Office Research and Statistics
Directorate, No. 38, London 1997
HEIDEMANN, P.: Haftehen in Schleswig-Holstein und Hamburg. Vorgeschichte und Motivation. Kiel
1987
KAISER, G., SCHÖCH, H.: Strafvollzug. 5th ed., Heidelberg 2002
LAUBENTHAL, K.: Strafvollzug. 3th ed., Berlin 2003
LISZT, F.V.: Strafrechtliche Aufsätze und Vorträge, volume 2, Berlin 1905
MCDERMOTT, K., KING, R.D., Prison Rule 102 : stand by your man. The Impact of Penal Policy on
teh Families of prisoners. In: SHAW, R. (ed.): Prisoners Children. What are the Issues? Routledge:
London 1992
MEYER, F.-W.: Zwangsgetrennt: Frauen inhaftierter Männer, Pfaffenweiler 1990
PREUSKER, H.: Erfahrungen mit der „ehe- und familienfreundlichen Besuchsregelung“ in der
Justizvollzugsanstalt Bruchsal, in: SCHÄFER, H.H., SIEVERING, U.O. (eds.): Strafvollzug – Ende für
Partnerschaft, Ehe und Familie? Perspektiven des Langzeitvollzugs. Frankfurt 1994
SHAW, R.: Children of Imprisoned Fathers. London 1987
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3
INTRODUCTION
____________________________________________
Quand la Loi sur la prison est entrée en vigueur en Allemagne en 19761, la situation
juridique des détenus a sensiblement changé2. Cette loi s’inscrit dans la ligne d’une décision
de 1972 de la Cour constitutionnelle fédérale allemande3 qui avait jugé que des détenus
jouissaient, comme toute autre personne, de droits fondamentaux pouvant être limités
seulement en vertu de la loi et conformément aux termes d’une décision de justice
(imposant une privation de liberté). Auparavant, la doctrine dominante et la pratique des
tribunaux étaient fondées sur le principe que le détenu, lors de son entrée dans une prison,
voyait son statut juridique déterminé par un rapport spécial avec l’Etat (« rapport spécial
d'application » - Besonderes Gewaltverhältnis) 4 qui restreignait ses droits fondamentaux et
permettait à l’administration, dans l’exercice de son pouvoir d’exécution, de prendre seule
des mesures restrictives. Ce rapport spécial était d’ailleurs appliqué non seulement aux
détenus mais également aux étudiants et aux soldats.
La décision de la Cour constitutionnelle fédérale de 1972 (citée ci-dessus) se
distinguait donc de la doctrine du « rapport spécial d'application » et soulignait que les
détenus jouissaient de tous les droits fondamentaux consacrés par la Constitution
allemande et que ces droits ne pouvaient être restreints que sur une base légale et pour des
buts conformes aux principes fondamentaux de la Constitution. L’exigence d’une base
légale est dérivée du principe de l’état de droit qui exige que tous les actes d’exécution
doivent être fondés sur une loi adoptée par le Parlement. L’exigence de la base légale
gouverne désormais le domaine de l'exécution des peines d’emprisonnement et le régime
des prisons dans son ensemble.
1
Gesetz über den Vollzug der Freiheitsstrafe und der freiheitsentziehenden Maßregeln der Besserung und Sicherung
Datum: 16. 3. 1976, BGBl I 1976, 581, 2088; BGBl I 1977, 436.
2
La loi sur les prisons de 1976 s’applique uniquement aux détenus adultes exécutant leurs peines ; les prisons pour
l’exécution de la détention provisoire sont régies par une ordonnance des ministres d’Etat à la Justice ; les peines de
prison prononcées contre des jeunes attendent leurs réglementation prochaine au courant 2007, suite à des changements
constitutionnels concernant les compétences législatives et à une décision récente de la Cour fédérale constitutionnelle
mettant l’accent sur la nécessité pour le Parlement d’adopter au plus vite une loi servant de base à l’exécution des
décisions de justice prononçant des peines de prison à l’encontre de jeunes.
3
BVerfGE 33, S. 1ff
4
Voir, pour un résumé, KAISER, G., SCHÖCH, H.: Strafvollzug. 5th ed., Heidelberg 2002; LAUBENTHAL, K.: Strafvollzug.
3th ed., Berlin 2003.
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4
Au principe de l’état de droit dérivé de la décision de la Cour constitutionnelle
fédérale de 1972 s’est ajouté celui du bien-être social (Sozialstaatsprinzip)5.
La Cour constitutionnelle fédérale a également développé, dans son approche des
régimes d'emprisonnement, le principe de l'Etat providence (Sozialstaatsprinzip) qui, selon
la Cour, exige que le régime d’emprisonnement rende possible la réadaptation et la
réinsertion après la sortie de prison. Le principe de l’Etat providence est interprété ainsi
comme comportant également le droit des détenus à un environnement pénitentiaire
offrant des conditions considérées comme nécessaires pour préparer une réinsertion
appropriée6. La Cour fait valoir que le droit et le devoir des Etats de prévoir des peines de
prison comme réponse proportionnée à la culpabilité individuelle et moyen destiné à la
protection des intérêts fondamentaux de la société doivent être conciliés avec l’obligation
d’éviter les méfaits de l'emprisonnement à long terme (culture secondaire de prison). Selon
la doctrine de l'Etat providence, l’Etat qui impose et exécute les sanctions pénales doit
également faire en sorte que le détenu puisse ensuite réintégrer la société.
Ce sont ces orientations de la décision de 1972 de la Cour constitutionnelle
allemande qui ont été mises en application par la loi de 1976 sur les prisons qui régit les
régimes d’emprisonnement, les droits et les devoirs des détenus. La loi pose trois principes
qui doivent guider l'application des peines d’emprisonnement, l'organisation des prisons,
les rapports entre le détenu et sa famille ainsi que les rapports entre la prison et la famille
(ou les proches) des détenus :
- l’article 3, I de la loi sur les prisons dispose que l'administration des prisons doit
prévoir des conditions de vie dans les prisons aussi proches que possible des conditions qui
existent en dehors de l’environnement pénitentiaire (Angleichungsgrundsatz, principe relatif
à l’adaptation des conditions pénitentiaires).
- l’article 3, II pose le principe que les effets négatifs de l'emprisonnement doivent
être évités autant que possible (principe d’évitement/de réduction au minimum).
L'administration pénitentiaire est obligée de créer les conditions permettant d’empêcher la
formation d'une culture secondaire de prison et d'autres conséquences possibles de
l’enfermement à long terme.
- l’article 3, III exige de l'administration pénitentiaire qu’elle organise le « processus
correctionnel » (processus punitif et éducatif) afin de faciliter la réadaptation et la
réinsertion (principe de réadaptation du détenu).
5
Voir, par exemple, la Cour fédérale constitutionnelle (BVerfG), Neue Juristische Wochenschrift 1998, pp. 3337, qui
considère que le principe du bien-être social commande une augmentation sensible des rémunérations versées pour le
travail en prison.
6
Cour fédérale constitutionnelle, Neue Juristische Wochenschrift 1998, pp. 3337.
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5
Par conséquent,
- les détenus jouissent de tous les droits fondamentaux (y compris le droit d’avoir
une famille et une vie familiale) ;
- les restrictions à ces droits ne peuvent être imposées qu’en vertu de la loi ;
- le « processus correctionnel » et la vie en prison doivent être dirigés principalement
vers l’objectif de la réadaptation et de la réinsertion ;
- l'interprétation des dispositions de la loi sur les prisons et leur application doivent
avoir pour ligne conductrice d’éviter les inconvénients pouvant résulter de
l'emprisonnement lui-même et de promouvoir la réadaptation et la réinsertion des détenus.
Cependant, comme l'emprisonnement se définit comme une privation de la liberté, il
est évident qu’il entraîne par sa nature une limitation réelle et effective de nombreux droits
fondamentaux7.
Outre le principe de l’Etat de droit et de l’Etat providence, consacrés par la décision
de 1972 de la Cour constitutionnelle, le principe de proportionnalité est d'importance
primordiale pour savoir si oui ou non et dans quelle mesure les décisions et les lois violant
les droits fondamentaux des détenus sont justifiés. L’exigence de proportionnalité emporte
trois conséquences. D'abord, il doit être établi que les restrictions des droits fondamentaux
sont tout à fait appropriées pour atteindre un but légitime. En second lieu, il doit être établi
que ces restrictions - si appropriées – sont nécessaires pour réaliser ce but ; la nécessité ne
peut être présumée que si d’autres mesures moins contraignantes ne sont pas disponibles
au moment de la prise de la décision. Enfin, la comparaison des intérêts poursuivis par
l’administration et les intérêts de l’individu à la préservation de son droit fondamental doit
mener à la conclusion que l'intérêt public est supérieur à l'intérêt de l'individu ou à ses
droits.
Le droit à la vie familiale
Les recherches sur les conséquences de l'emprisonnement ont fourni d’abondantes
informations sur la façon dont les peines de prison affectent les familles8. Dès le 19ème siècle,
7
8
MEYER, F.-W.: Zwangsgetrennt: Frauen inhaftierter Männer. Pfaffenweiler 1990.
SHAW, R.: Children of Imprisoned Fathers. London 1987; CADDIE, D., CRISP, D.: Mothers in Prison. Research
Findings. Home Office Research and Statistics Directorate, No. 38, London 1997; HEIDEMANN, P.: Haftehen in
Schleswig-Holstein und Hamburg. Vorgeschichte und Motivation. Kiel 1987; BUSCH, M. et al: Zur Situation der Frauen
von Inhaftierten. Volume 2, Stuttgart 1987; PREUSKER, H.: Erfahrungen mit der „ehe- und familienfreundlichen
Besuchsregelung“ in der Justizvollzugsanstalt Bruchsal, in: SCHÄFER, H.H., SIEVERING, U.O. (eds.): Strafvollzug – Ende
für Partnerschaft, Ehe und Familie? Perspektiven des Langzeitvollzugs. Frankfurt 1994, pp. 53-62; MCDERMOTT, K.,
KING, R.D.: Prison Rule 102: stand by your man. The Impact of Penal Policy on teh Families of prisoners. In: SHAW, R.
(ed.): Prisoners Children. What are the Issues? Routledge: London 1992, pp. 50-73.
6
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l'impact négatif de l'emprisonnement sur la vie des familles et en particulier sur le bien-être
des enfants à charge a été remarqué et des remèdes ont été recherchés9. Alors que les
recherches et la littérature des 150 dernières années étaient préoccupées par les
conséquences effectives de l’emprisonnement sur les membres de la famille et le détenu luimême, plus récemment, après avoir renforcé le statut juridique des détenus, les aspects
normatifs de la possibilité de resserrer les liens entre le détenu et sa famille ont été explorés.
Selon la doctrine allemande, la convention européenne des droits de l'homme
(ratifiée par la République Fédérale d'Allemagne) est assimilée à une loi fédérale et est ainsi
inférieure à la Constitution Fédérale Allemande (Grundgesetz)10.
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés
fondamentales dispose que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile et de sa correspondance ». Les limitations de ce droit ne sont possibles que pour des
raisons mentionnées dans l’article 8 alinéa 2, c'est-à-dire lorsqu’elles sont « nécessaires à la
sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de
l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,
ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». L’article 6 de la Constitution fédérale
allemande correspond à l'article 8 de la convention européenne. L’alinéa 1er de l'article 6,
dispose que l’Etat doit accorder à la famille et au mariage une protection particulière, cette
protection particulière étant interprétée comme couvrant le droit individuel au mariage et à
la vie familiale. L'alinéa 2 de l’article 6 étend la protection constitutionnelle au droit
d'éduquer et d’élever ses enfants. Bien que les droits fondamentaux de l'art 6 ne soient pas
assortis d’une réserve formelle autorisant des restrictions issues de la loi, il est évidant que
l'emprisonnement leur apporte des restrictions effectives.
La Cour constitutionnelle fédérale et la doctrine ont donc cherché à concilier la
protection constitutionnelle de la famille, le prononcé des peines de prison et leur
exécution.
Les restrictions effectives sont justifiées par le droit et le devoir d’exécuter une
sanction criminelle imposée judiciairement et par les restrictions qui sont dues aux
conditions particulières (bureaucratiques, administratives et de sécurité) sans lesquelles
une prison ne pourrait pas fonctionner. Cependant, malgré la reconnaissance de telles
restrictions, le droit à une vie familiale et conjugale doit être préservé. La Cour
constitutionnelle fédérale a jugé, à diverses occasions, que le renforcement des rapports
familiaux et conjugaux du détenu favorise le processus de réadaptation et le processus de
9
LISZT, F.v.: Die Kriminalität der Jugendlichen. In: LISZT, F.V.: Strafrechtliche Aufsätze und Vorträge. Volume 2.
Berlin 1905, pp. 331-355.
10
Décisions de la Cour fédérale constitutionnelle, volume 10, p. 271.
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7
réinsertion. La Cour a même jugé que les relations familiales et le mariage doivent être
protégées, dans un environnement pénitentiaire, que cette protection serve ou non le but de
la réadaptation, puisque l'Etat se doit de protéger le mariage et la famille selon l’article 6 de
la Constitution fédérale11.
11
Voir, par exemple, la décision de la Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 736/90, 8. December, 8, 1993.
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8
I.
LES COMMUNICATIONS PAR COURRIER ET TELEPHONE
_________________________________________________________________________________
A. Le courrier
La réglementation du droit des détenus de correspondre avec le monde extérieur
correspond en principe à celle des visites. Chaque détenu a le droit de recevoir et d’envoyer
du courrier. La réception et l'envoi du courrier ne sont pas limités à un certain nombre de
lettres (art. 28 I de la loi sur les prisons). Cependant, les coûts sont à la charge du détenu
(sauf circonstances spéciales dans lesquelles l'administration pénitentiaire supporte de tels
coûts).
Le chef de l'administration pénitentiaire peut interdire l'échange de courrier avec
certaines personnes si un tel échange risque d’entraîner des dangers concrets pour la
sécurité ou l'ordre de la prison. En outre, le droit de correspondre peut être restreint au cas
où l'échange du courrier avec une autre personne influencerait le détenu de manière
négative ou créerait des obstacles à sa réinsertion (sauf lorsqu’il s’agit de la correspondance
avec les parents proches qui ont le même statut privilégié qu’en matière de visites).
Le contrôle de la correspondance prend la forme de la lecture du courrier et du
contrôle de la présence d’objets interdits dans les enveloppes. Mais un tel contrôle n’est
possible que s’il est justifié par des raisons de sécurité ou d'ordre de la prison ou pour la
réadaptation du détenu (art. 29 de la loi sur les prisons). La question s’est posée de savoir si
un contrôle généralisé de tout courrier sortant ou entrant peut être exercé sans considérer
les circonstances spécifiques d’espèce. Les tribunaux correctionnels ont jugé que de telles
mesures générales de surveillance peuvent être légitimes et sont conformes à la loi sur les
prisons si la sécurité ou l'ordre de la prison l’exige12.
L’article 31 de la loi sur les prisons contient un catalogue des motifs qui autorisent
l'interception et le refus du courrier sortant (ou entrant). Les circonstances retenues sont les
suivantes :
le contenu du courrier fait naître des dangers pour la réadaptation du détenu
ou pour la sécurité ou l'ordre de la prison ;
12
la remise du courrier serait constitutive d’infraction ;
Oberlandesgericht Frankfurt, Neue Juristische Wochenschrift 1979, p. 2525.
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9
le courrier contient des descriptions qui donnent une image déformée ou
complètement fausse de la prison ;
le courrier contient des insultes graves (visant par exemple le personnel
pénitentiaire ou le directeur de la prison) ;
-
le courrier empêcherait la réinsertion d'un autre détenu ;
-
le courrier est écrit dans un code secret ou une langue non accessible au
personnel pénitentiaire.
Les lettres qui sont retenues sont renvoyées à l'expéditeur, ou, si ce n'est pas
possible, gardées par l'administration pénitentiaire (art. 31 III de loi sur les prisons).
C'est en particulier le motif tiré des « insultes significatives » incluses dans des lettres
entre les membres de la famille qui a provoqué de nombreux débats. L’argument des
« descriptions déformées ou fausses de la réalité de la prison » a soulevé également des
difficultés dans la mesure où il devait être mis en rapport avec la liberté d’expression.
La Cour constitutionnelle fédérale a jugé, en ce qui concerne les insultes contenues
dans les lettres entre le détenu et les membres de la famille ou ses proches, que
l'administration pénitentiaire doit respecter l'intimité du détenu tant que l'infraction
d’insulte n’est pas constituée13. On admet généralement que la correspondance entre
personnes très proches (par exemple des membres de famille) ne constitue pas l'infraction
pénale d'insulte tant que l'intimité fait que de telles insultes ne deviennent pas publiques.
Ce qui est échangé entre les personnes proches est hors le champ du régime pénal des
insultes puisque ce régime exige que les insultes soient publiées d’une certaine manière. Il
en résulte que la correspondance entre des personnes proches doit être traitée comme
appartenant à la sphère privée indépendamment du fait que les personnes impliquées dans
la correspondance soient placées dans une prison et sous surveillance. L'administration
pénitentiaire peut être ainsi informée d'une insulte (par exemple contre le directeur de la
prison) mais doit la traiter comme si elle s'était produite dans le cadre de la vie privée.
13
Décisions de la Cour fédérale constitutionnelle, Volume 35, p. 35; Volume 57, p. 170; Volume 90, p. 255.
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10
B. Les appels téléphoniques
Les téléphones portables ne sont pas autorisés en prison (pour des raisons de
surveillance). L'utilisation de téléphones est autorisée (pour les appels entrants et sortants),
mais de la manière qui reste à la discrétion de l'administration pénitentiaire et sur demande
du détenu (art. 32 de la loi sur les prisons). Le détenu doit se servir des téléphones qui sont
installés dans les prisons par l'administration.
Des restrictions sont possibles par analogie avec les règles de communication par
courrier (dangers pour la sécurité et l'ordre de la prison et/ou dangers pour le processus de
réadaptation). Les coûts sont à la charge du détenu.
La communication peut être placée sur écoute. Cependant, la personne qui appelle
de l'extérieur ou qui est appelée par un détenu, de même que le détenu lui-même, doit être
informée de la possibilité que la communication soit interrompue.
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11
II. LES VISITES ET LES PERMISSIONS DE SORTIE
_____________________________________________________________________
Alors que les prisons de sécurité conçues pour les détenus condamnés à de longues
peines de prison, les délinquants dangereux ou à grand risque d'évasion mettent l’accent
sur les mesures de visite en prison afin de poursuivre le but du maintien des liens familiaux
entre les détenus et leurs familles et le respect des droits fondamentaux à une vie de famille
et au mariage, les prisons de sécurité légère ou les prisons ouvertes favoriseront des
mesures telles que les permissions de sortie pour raisons de travail.
A. Les visites
1. Les visites ordinaires
a. Le droit de visite
La loi sur les prisons prévoit dans ses articles 23 et s. le droit des détenus de recevoir
des visites. Le principe est que chaque détenu peut rencontrer des personnes venant de
l'extérieur. La loi indique également que de telles interactions doivent être encouragées par
l'administration pénitentiaire. Le législateur a souligné le rôle de la communication et des
interactions avec le monde extérieur comme étant particulièrement important pour réduire
au minimum les conséquences négatives d'un environnement pénitentiaire fermé et pour
rendre possible la réadaptation.
L’article 24 de la loi pose le principe d’un droit individuel à recevoir des visites dans
la prison. Chaque détenu a le droit de recevoir des visites de façon régulière. La durée
minimum de ces visites est d’une heure par mois. Cependant, puisqu’il ne s’agit que d’un
minimum, la loi (art. 24) encourage implicitement la mise en place de visites de plus d'une
heure. Le règlement détaillé des visites doit être publié par chaque établissement.
Chaque prison a ses propres règlements en ce qui concerne les jours, le temps et les
lieux de visite. Le plus souvent, certains jours et heures sont indiqués (par exemple du
mercredi au samedi, de 9h à 16h). L’article 24 II pose que les visites autres que les visites
régulières autorisées par l’article 24 I devraient être accordées afin de promouvoir le
processus de réadaptation ou si elles sont nécessaires pour répondre à des besoins légitimes
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12
qui ne peuvent pas être satisfaits autrement (par une démarche écrite ou par tout autre
moyen de communication).
Dans la prison de Tegel (Berlin) par exemple, le règlement intérieur autorise deux
« visites régulières » d'approximativement 40 minutes chacune par mois. En outre, les
détenus peuvent solliciter deux autres visites d'approximativement 40 minutes également.
Bien que les règles régissant les visites en prison ne distinguent pas entre les parents
proches et les autres personnes (mises à part les règles spéciales s'appliquant aux visites
effectuées par les avocats, les parlementaires, ou dans le cadre des programmes de visites
de prison), les parents proches sont en pratique privilégiés, dans la mesure où il est rare
que leur visite soit interdite.
b. La procédure
Les visites ordinaires sont permises par l’article 24 I de la loi et ne sont pas soumises
à l’autorisation préalable de l'administration pénitentiaire. Cependant, le chef de
l'administration pénitentiaire peut interdire une visite pour des motifs énoncés par la loi
sur les prisons (art. 25). Un détenu n'est pas non plus obligé de recevoir des visiteurs. Le
détenu doit informer l'administration pénitentiaire sur l’identité de la personne qui va lui
rendre visite (ou un détenu est informé par l'administration pénitentiaire au sujet du projet
de visite d'une personne) et de la date de la visite.
Le visiteur doit indiquer son identité, auprès de l'administration pénitentiaire, lors
de son arrivée. Le visiteur est en principe soumis à certaines restrictions (par exemple la
prohibition de remettre des objets au détenu ou de se faire remettre des objets par ce
dernier sans l’accord préalable de l'administration pénitentiaire) et peut être soumis à des
procédures de fouille et de confiscation prévues par la loi sur les prisons. Certains objets ne
sont pas admis en prison (habituellement toutes les armes, les téléphones portables et
l'argent liquide) et doivent être déposés dans un endroit prévu pour cela avant d'entrer
dans les salles de visite. La fouille peut être commandée par des raisons de sécurité.
Cependant, si le visiteur ne peut pas être forcé à se soumettre à une fouille, le fait d’y
consentir peut être la condition sine qua non de la visite. A défaut de consentement, la
visite peut alors être refusée (article 24 III de la loi sur les prisons).
Il faut ajouter que ces règles s'appliquent aussi aux détenus en détention provisoire.
En revanche, pour ces derniers, chaque visite doit être autorisée par le juge d’instruction
conformément aux règles du code de procédure pénale. L’autorisation sera refusée si la
visite comporte un risque d'obstruction à la justice. En dehors de ces considérations
particulières, le droit à la protection de la vie familiale s'applique également aux rapports
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13
entre les détenus en détention provisoire et leurs proches parents14. Ceci transparaît dans
l'ordonnance qui régit l'application de la détention préalable au procès
(Untersuchungshaftvollzugsordnung). Dans une décision récente, la Cour constitutionnelle a
décidé que les détenus en détention provisoire ont le droit de maintenir des rapports en
particulier avec de jeunes enfants ou des enfants nouveau-nés15. Dans le cas d’espèce, un
détenu en détention provisoire (en attendant la décision d'appel) et sa petite fille avaient
contesté une décision de l'administration pénitentiaire qui avait refusé d’accorder au
détenu et à sa fille la même durée de temps accordée aux visites des conjoints des détenus.
Une visite n'est donc pas soumise à l'approbation préalable de l’administration, mais
peut être interdite dans les conditions prévues par la loi sur les prisons. Selon l’article 25, la
visite peut être interdite si elle risque de mettre en danger la sécurité ou l'ordre de la prison
(art. 25 I, n° 1 de la loi sur les prisons) ou si elle risque d’influencer négativement la
réadaptation ou la réinsertion du détenu (art. 25 I, n° 2 de la loi sur les prisons). En ce qui
concerne cette dernière raison de refus, les parents proches sont privilégiés. La visite des
parents proches ne peut être refusée que s'il peut être établi que la visite mettra en danger
la sécurité ou l'ordre de la prison, quelle que soit l’influence supposée de la visite sur le
détenu et sa réinsertion dans la société.
La question a été soulevée pour savoir si une visite peut être soumise à l’accord du
détenu d’être fouillé avant et/ou après une visite. Dans une décision récente de la Cour
constitutionnelle fédérale, il a été jugé que la fouille (fouille corporelle comprise) peut être
proportionnée aux risques pour la sécurité ou l'ordre de la prison16.
Selon une jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, la protection
particulière de la famille offerte par l’art 6 de la Constitution allemande exige, dans
certaines circonstances, l'ajustement des règlements intérieurs concernant les visites17. Si,
par exemple, en raison des conditions de son travail, un membre de famille ne peut pas
rendre visite au détenu pendant les heures ou les jours indiqués dans les règlements
intérieurs, l'administration pénitentiaire doit aménager d’autres plages de temps. Il a
également été jugé que si la distance entre la prison et la résidence des membres de famille
est longue, l'administration pénitentiaire est obligée de prévoir des exceptions à la règle
générale de la limitation des visites à 40 ou 60 minutes. Dans ces cas, l’article 6 de la
Constitution allemande rend possibles des visites plus longues18.
14
Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 1797/06, 23.10.2006,
www.bverfg.de/entscheidungen/rk20061023_2bvr179706.html.
15
Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 1797/06, 23.10.2006,
www.bverfg.de/entscheidungen/rk20061023_2bvr179706.html.
16
BVerfG, 2 BvR 249/06 as of 6.7.2006, www.bverfg.de/entscheidungen/rk20060706_2bvr024906.html
17
Décisions de la Cour fédérale constitutionnelle, volume 42, p. 95.
18
Voir également KAISER, G., SCHÖCH, H., Strafvollzug, 5th ed., Heidelberg 2002, p. 291-292.
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14
2. Les visites conjugales dites « visites de longue durée »
Dans les années 1980, certaines administrations pénitentiaires ont commencé à
mettre en place, à titre expérimental, des visites conjugales dites « visites de longue durée »
(Langzeitbesuch) 19. Bien qu’à ce jour les tribunaux affirment que les détenus n’ont pas un
droit aux visites conjugales, la loi sur les prisons en tient compte. Les tribunaux ont été peu
disposés à accorder un droit aux visites conjugales en raison principalement des coûts
relatifs aux conditions des visites conjugales conformes à la dignité humaine. Cependant
aujourd'hui, la plupart des prisons qui accueillent des détenus exécutant de longues peines
sont équipées pour leur permettre de passer jusqu'à une journée avec leurs conjoints ou
leur famille. Le bénéfice d’une telle visite est accordé dès lors que l’on peut
raisonnablement estimer qu’elle favorisera le processus de réadaptation et de réinsertion
du détenu. Cependant, la décision est prise discrétionnairement par l'administration
pénitentiaire. Généralement, les expériences sont positives.
3. Le régime des visites des jeunes détenus
Comme précisé ci-dessus, la loi sur les prisons entrée en vigueur en 1976 s'applique
seulement aux adultes. Les établissements correctionnels pour mineurs sont à ce jour
toujours régis par des ordonnances fédérales. Suite aux exigences formulées par la Cour
constitutionnelle fédérale20, les dispositions législatives relatives aux prisons pour jeunes
élaborées par les états (Laender) - car la compétence législative en matière pénitentiaire a
récemment été transférée du niveau fédéral au niveau étatique – prévoient des règles de
visites de prisons qui correspondent à celles déjà intégrées dans la loi sur les prisons (pour
adultes)21.
Cependant, le projet de loi sur les prisons juvéniles du Land de Berlin comporte
plusieurs particularités. D'abord, le projet accorde un minimum de quatre heures de visite
par mois ; en second lieu, s’agissant des détenus mineurs (de moins de 18 ans), la visite de
certaines personnes peut être refusée si les parents ou les tuteurs légaux s'y opposent ;
19
PREUSKER, H., Erfahrungen mit der „ehe- und familienfreundlichen Besuchsregelung“ in der Justizvollzugsanstalt
Bruchsal, in SCHÄFER, H.H., SIEVERING, U.O. (eds.), Strafvollzug – Ende für Partnerschaft, Ehe und Familie?
Perspektiven des Langzeitvollzugs, Frankfurt 1994, pp. 53-62.
20
Cour fédérale constitutionnelle, 31. 5. 2006 – 2 BvR 1673/04; 2 BvR 2402/04.
21
Entwurf eines Gesetzes zur Regelung des Jugendstrafvollzuges im Land Berlin (GJVollz Bln).
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15
enfin, s’agissant de jeunes détenus ayant des enfants, le projet de loi autorise au moins deux
« visites additionnelles de longue durée » afin de maintenir les liens avec les enfants22.
4. Le contrôle, la restriction et le refus des visites
Les visites peuvent être soumises à un contrôle visuel pour des raisons de sécurité et
d’ordre de la prison (art. 27 de la loi sur les prisons). Cependant, s’il existe des preuves
convaincantes dans des cas spécifiques que ni la réadaptation ni la sécurité et l’ordre de la
prison ne sont mis en danger par un visiteur individuel, la visite peut avoir lieu sans
surveillance. Une visite peut être interrompue et ensuite refusée si le visiteur ou le détenu
violent des règles applicables pendant les visites (par exemple la règle selon laquelle le
visiteur peut ne peut rien remettre au détenu sans l’accord préalable de l'administration
pénitentiaire).
La visite d’un conjoint peut être soumise à des mesures de contrôle supplémentaires
dans des circonstances particulières. La Cour constitutionnelle fédérale a jugé dans une
affaire plutôt extrême que l’installation d'une fenêtre de séparation empêchant tout contact
physique peut être justifiée même si des membres de famille sont impliqués. Le cas
d’espèce concernait un détenu qui était parvenu à s’évader à plusieurs reprises des
établissements pénitentiaires et qui avait une réputation de violence exercée à l’encontre
des autres détenus et du personnel pénitentiaire. Dès lors, la Cour constitutionnelle
fédérale a conclu que les tribunaux avaient légitimement validé la décision de l’autorité
pénitentiaire de ne permettre la visite qu’en présence d'une fenêtre de séparation. Du point
de vue de la proportionnalité, cependant, la Cour a indiqué que cette décision devait être
réétudiée périodiquement afin d'éviter des violations inutiles du droit à la famille23.
En ce qui concerne les restrictions et les refus de visites, le principe de
proportionnalité s'applique. Ainsi, avant de refuser purement et simplement une visite,
l'administration pénitentiaire doit examiner s'il n’est pas suffisant de fouiller le visiteur, de
mettre en place une audio - ou une vidéo surveillance ou d’intervenir au cas par cas pour
interrompre et annuler une visite.
22
23
See §21 Entwurf eines Gesetzes zur Regelung des Jugendstrafvollzuges im Land Berlin (GJVollz Bln).
Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 736/90, 8. December, 8, 1993.
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16
B. Les permission de sortie - instrument supérieur pour le maintien de la
vie familiale
La loi sur les prisons prévoit dans son article 13 le droit des détenus à bénéficier de
permissions de sorties pouvant aller jusqu'à 21 jours par an. Les permissions sont en
principe à la discrétion du directeur de la prison qui doit cependant s’efforcer de
poursuivre les objectifs généraux de limitation des méfaits pouvant être causés par la
prison elle-même et d’encouragement à la réadaptation (principes qui encadrent en fin de
compte son pouvoir discrétionnaire). Si les permissions sont généralement accordées pour
visiter des membres de la famille, elles ne sont pas limitées à cet objectif. Lorsque les
risques sont faibles, des permissions régulières sont considérées comme le meilleur
instrument du maintien de la vie de famille. La communication et les interactions ne
doivent pas avoir lieu dans l'environnement pénitentiaire dans la mesure où cet
environnement répressif est défavorable au renforcement des liens familiaux.
Outre les 21 jours de permissions ordinaires, des permissions spéciales allant jusqu'à
7 jours par an peuvent également être accordées (art. 35 de la loi sur les prisons). Elles sont
généralement accordées pour permettre au détenu de se rendre à un enterrement ou auprès
d’un proche parent gravement malade24.
En pratique, les permissions de sortir sont en particulier accordées aux détenus
purgeant de courtes peines de prison (jusqu'à 18 mois d'emprisonnement) et qui ne
présentent pas de risques d'évasion ou de rechute dans la délinquance.
Certains détenus purgeant des peines de prison dans les établissements ouverts sont
placés sous le régime de permissions de sortie pour raisons de travail. Ce régime permet
une absence journalière de la prison ; les détenus concernés sont alors en mesure de rendre
visite à leurs familles et de continuer – dans une certaine mesure - une vie de famille
ordinaire.
24
KAISER, G., SCHÖCH, H.: op. cit., 2002, p. 281.
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17
C. Les voies de recours contre les refus de visites ou de permissions de
sortie
Le détenu et le visiteur peuvent faire appel de la décision de refus d'une visite ou de
la décision imposant des mesures spéciales de surveillance (art. 109 de la loi sur les
prisons). Les appels contre les décisions (ou les silences) de l'administration pénitentiaire
sont de la compétence d’une juridiction spéciale, la cour correctionnelle
(Strafvollstreckungskammer), prévue par la loi sur les prisons. Il s’agit d’une juridiction
spéciale au niveau de la région (Landgericht).
Les décisions de cette cour correctionnelle peuvent être portées devant la cour
supérieure (Oberlandesgericht). Les décisions de celle-ci ne peuvent faire l’objet de
contestation selon les procédures ordinaires. Cependant, subsiste la possibilité de critiquer
les décisions de ces cours devant la Cour constitutionnelle fédérale et les cours supérieures
peuvent elles-mêmes soumettre une affaire à la Cour suprême (Bundesgerichtshof)
lorsqu’une décision n’est pas conforme à la jurisprudence des autres cours supérieures.
Outre la procédure d’appel juridictionnel prévue par l’article 109 de la loi sur les
prisons, l’article 108 accorde à chaque détenu le droit de contester la décision devant le chef
de l’établissement pénitentiaire.
Les dispositions sur les procédures d'appel imposent que les décisions prises par
l'administration pénitentiaire soient motivées et prises par écrit car, à défaut, le système
d'appel n’aurait plus beaucoup de sens. Les détenus doivent être informés des décisions de
refus et des motifs les justifiant. Un document énonçant les faits et les motifs doit être joint
au dossier judiciaire du détenu.
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18
III. LES AUTRES ASPECTS DE LA VIE FAMILIALE
________________________________________________________________________________
Le mariage et le divorce. Le droit d’avoir une famille et le droit de participer à
l'éducation de ses enfants ne peuvent pas être restreints au-delà des limitations intrinsèques
induites par l'emprisonnement. Cela signifie qu'un détenu peut ne pas se voir refuser le
mariage, ni le divorce.
L’autorité parentale. Pour les mêmes raisons, un détenu ne peut pas non plus se voir
refuser le droit de participer aux décisions affectant l'éducation de ses enfants, à moins
qu’une décision du tribunal des affaires familiales ait limité ses pouvoirs légaux parentaux
en la matière. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle fédérale a eu à souligner le fait que la
protection légale de la famille s'applique également aux pères et mères célibataires25. Ainsi,
un traitement différent des pères mariés et célibataires en ce qui concerne par exemple la
durée des visites violerait le principe de l'égalité des traitements (et le statut protégé de la
famille).
La maternité. La loi sur les prisons contient des dispositions spéciales relatives aux
détenues femmes susceptibles d’accoucher pendant la durée de l’exécution de leur peine ou
ayant des enfants en bas âge.
L’article 76 de la loi sur les prisons exige que les détenues enceintes soient
transférées à l’hôpital avant d’accoucher. Des restrictions ne peuvent être imposées que sur
une base légale. Des entraves (menottes par exemple) peuvent, selon l’article 88 de la loi,
être appliquées seulement s'il y a un risque significatif d'évasion ou un risque significatif de
violence qui ne peut être traité efficacement par d'autres moyens. A ce jour, il n'y a pas eu
de cas d’entraves appliquées à une prisonnière qui accouche, car il ne semble pas
raisonnable de considérer que le risque d'évasion (d'un hôpital) puisse être traité
efficacement seulement par l'application de menottes.
Après la naissance d’un enfant, l'administration municipale doit en être informée par
un courrier qui ne doit mentionner ni le statut de la prisonnière, ni l'information sur
l'hôpital de prison comme lieu de naissance.
L’article 80 de la loi sur les prisons dispose qu'un enfant en dessous de l'âge de
suivre l’enseignement obligatoire (environ 6 ans) peut être placé avec la mère dans une
25
Federal Constitutional Court, 2 BvR 1797/06, 23.10.2006,
www.bverfg.de/entscheidungen/rk20061023_2bvr179706.html
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19
unité spéciale si le tuteur légal en est d’accord et si ce placement est justifié par l’intérêt de
l'enfant.
La première unité pour mères et enfants a été créée dans les années 1970 dans la
prison de Preungesheim (Etat de Hesse) 26. Actuellement, une dizaine d’unités de ce genre
fonctionnent dans les prisons, offrant une capacité de 65 lits pour les mères et de l'espace
supplémentaire pour leurs enfants27.
Ni la condamnation, ni l’exécution de la peine de prison n’entraînent la perte de
l’autorité parentale. Celle-ci peut seulement résulter d’une décision prise par les tribunaux
des affaires familiales et si elle est commandée par l’intérêt de l'enfant.
26
EINSELE, H., DUPUIS, H., Die Mutter-Kind- Situation im Frauengefängnis, in: DÜRKOP, M., HARDTMANN, G. (eds.):
Frauen im Gefängnis, Frankfurt 1978, pp. 58-66.
27
Voir pour plus de détails, KAISER, G., SCHÖCH, H.: op. cit., 2002, pp. 433-435.
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20
TABLES DES MATIERES
INTRODUCTION.............................................................................................................................................................4
LE DROIT A LA VIE FAMILIALE .........................................................................................................................................6
I.
LES COMMUNICATIONS PAR COURRIER ET TELEPHONE....................................................................9
A. LE COURRIER ..............................................................................................................................................................9
B. LES APPELS TELEPHONIQUES...................................................................................................................................11
II. LES VISITES ET LES PERMISSIONS DE SORTIE ............................................................................................12
A. LES VISITES ..............................................................................................................................................................12
1. Les visites ordinaires....................................................................................................................................12
a. Le droit de visite................................................................................................................................................................... 12
b. La procédure ........................................................................................................................................................................ 13
2. Les visites conjugales dites « visites de longue durée »................................................................15
3. Le régime des visites des jeunes détenus ...........................................................................................15
4. Le contrôle, la restriction et le refus des visites ..............................................................................16
B. LES PERMISSION DE SORTIE - INSTRUMENT SUPERIEUR POUR LE MAINTIEN DE LA VIE FAMILIALE...................17
C. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES REFUS DE VISITES OU DE PERMISSIONS DE SORTIE ...............................18
III. LES AUTRES ASPECTS DE LA VIE FAMILIALE.............................................................................................19
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