Vie familliale détenus. Allemagne
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Vie familliale détenus. Allemagne
MINISTERE DE LA JUSTICE SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES PARIS STATUT DES PRISONNIERS DROIT A UNE VIE CONJUGALE ET FAMILIALE ALLEMAGNE AVEC LE CONCOURS DU PROFESSEUR HANS-JOERG ALBRECHT DIRECTEUR DU DEPARTEMENT DE DROIT PENAL ETRANGER ET INTERNATIONAL A L’INSTITUT MAX PLANCK, FREIBOURG Novembre 2006 JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] LE STATUT DES PRISONNIERS EN ALLEMAGNE LE DROIT A UNE VIE CONJUGALE ET FAMILIALE Identification et présentation de la législation garantissant aux personnes incarcérées la possibilité de maintenir ou de créer des liens conjugaux ou familiaux I. LES COMMUNICATIONS PAR COURRIER ET TELEPHONE A. LE COURRIER B. LES APPELS TELEPHONIQUES II. LES VISITES ET LES PERMISSIONS DE SORTIE A. LES VISITES B. LES PERMISSION DE SORTIE - INSTRUMENT SUPERIEUR POUR LE MAINTIEN DES LIENS DE FAMILLE ET DE LA VIE FAMILIALE C. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES REFUS DE VISITES OU DE PERMISSIONS DE SORTIE III. LES AUTRES ASPECTS DE LA VIE FAMILIALE JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 2 TEXTE DE REFERENCE Constitution fédérale (Grundgesetz) Loi sur l’exécution des peines d’empisonnement (Gesetz über den Vollzug der Freiheitsstrafe und der freiheitsentziehenden Maßregeln der Besserung und Sicherung) du 16 mars 1976, cidessous loi sur les prisons Projet de loi sur les prisons juvéniles du Land de Berlin BIBLIOGRAPHIE BUSCH, M. et al: Zur Situation der Frauen von Inhaftierten. Volume 2, Stuttgart 1987 CADDIE, D., CRISP, D.: Mothers in Prison. Research Findings. Home Office Research and Statistics Directorate, No. 38, London 1997 HEIDEMANN, P.: Haftehen in Schleswig-Holstein und Hamburg. Vorgeschichte und Motivation. Kiel 1987 KAISER, G., SCHÖCH, H.: Strafvollzug. 5th ed., Heidelberg 2002 LAUBENTHAL, K.: Strafvollzug. 3th ed., Berlin 2003 LISZT, F.V.: Strafrechtliche Aufsätze und Vorträge, volume 2, Berlin 1905 MCDERMOTT, K., KING, R.D., Prison Rule 102 : stand by your man. The Impact of Penal Policy on teh Families of prisoners. In: SHAW, R. (ed.): Prisoners Children. What are the Issues? Routledge: London 1992 MEYER, F.-W.: Zwangsgetrennt: Frauen inhaftierter Männer, Pfaffenweiler 1990 PREUSKER, H.: Erfahrungen mit der „ehe- und familienfreundlichen Besuchsregelung“ in der Justizvollzugsanstalt Bruchsal, in: SCHÄFER, H.H., SIEVERING, U.O. (eds.): Strafvollzug – Ende für Partnerschaft, Ehe und Familie? Perspektiven des Langzeitvollzugs. Frankfurt 1994 SHAW, R.: Children of Imprisoned Fathers. London 1987 JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 3 INTRODUCTION ____________________________________________ Quand la Loi sur la prison est entrée en vigueur en Allemagne en 19761, la situation juridique des détenus a sensiblement changé2. Cette loi s’inscrit dans la ligne d’une décision de 1972 de la Cour constitutionnelle fédérale allemande3 qui avait jugé que des détenus jouissaient, comme toute autre personne, de droits fondamentaux pouvant être limités seulement en vertu de la loi et conformément aux termes d’une décision de justice (imposant une privation de liberté). Auparavant, la doctrine dominante et la pratique des tribunaux étaient fondées sur le principe que le détenu, lors de son entrée dans une prison, voyait son statut juridique déterminé par un rapport spécial avec l’Etat (« rapport spécial d'application » - Besonderes Gewaltverhältnis) 4 qui restreignait ses droits fondamentaux et permettait à l’administration, dans l’exercice de son pouvoir d’exécution, de prendre seule des mesures restrictives. Ce rapport spécial était d’ailleurs appliqué non seulement aux détenus mais également aux étudiants et aux soldats. La décision de la Cour constitutionnelle fédérale de 1972 (citée ci-dessus) se distinguait donc de la doctrine du « rapport spécial d'application » et soulignait que les détenus jouissaient de tous les droits fondamentaux consacrés par la Constitution allemande et que ces droits ne pouvaient être restreints que sur une base légale et pour des buts conformes aux principes fondamentaux de la Constitution. L’exigence d’une base légale est dérivée du principe de l’état de droit qui exige que tous les actes d’exécution doivent être fondés sur une loi adoptée par le Parlement. L’exigence de la base légale gouverne désormais le domaine de l'exécution des peines d’emprisonnement et le régime des prisons dans son ensemble. 1 Gesetz über den Vollzug der Freiheitsstrafe und der freiheitsentziehenden Maßregeln der Besserung und Sicherung Datum: 16. 3. 1976, BGBl I 1976, 581, 2088; BGBl I 1977, 436. 2 La loi sur les prisons de 1976 s’applique uniquement aux détenus adultes exécutant leurs peines ; les prisons pour l’exécution de la détention provisoire sont régies par une ordonnance des ministres d’Etat à la Justice ; les peines de prison prononcées contre des jeunes attendent leurs réglementation prochaine au courant 2007, suite à des changements constitutionnels concernant les compétences législatives et à une décision récente de la Cour fédérale constitutionnelle mettant l’accent sur la nécessité pour le Parlement d’adopter au plus vite une loi servant de base à l’exécution des décisions de justice prononçant des peines de prison à l’encontre de jeunes. 3 BVerfGE 33, S. 1ff 4 Voir, pour un résumé, KAISER, G., SCHÖCH, H.: Strafvollzug. 5th ed., Heidelberg 2002; LAUBENTHAL, K.: Strafvollzug. 3th ed., Berlin 2003. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 4 Au principe de l’état de droit dérivé de la décision de la Cour constitutionnelle fédérale de 1972 s’est ajouté celui du bien-être social (Sozialstaatsprinzip)5. La Cour constitutionnelle fédérale a également développé, dans son approche des régimes d'emprisonnement, le principe de l'Etat providence (Sozialstaatsprinzip) qui, selon la Cour, exige que le régime d’emprisonnement rende possible la réadaptation et la réinsertion après la sortie de prison. Le principe de l’Etat providence est interprété ainsi comme comportant également le droit des détenus à un environnement pénitentiaire offrant des conditions considérées comme nécessaires pour préparer une réinsertion appropriée6. La Cour fait valoir que le droit et le devoir des Etats de prévoir des peines de prison comme réponse proportionnée à la culpabilité individuelle et moyen destiné à la protection des intérêts fondamentaux de la société doivent être conciliés avec l’obligation d’éviter les méfaits de l'emprisonnement à long terme (culture secondaire de prison). Selon la doctrine de l'Etat providence, l’Etat qui impose et exécute les sanctions pénales doit également faire en sorte que le détenu puisse ensuite réintégrer la société. Ce sont ces orientations de la décision de 1972 de la Cour constitutionnelle allemande qui ont été mises en application par la loi de 1976 sur les prisons qui régit les régimes d’emprisonnement, les droits et les devoirs des détenus. La loi pose trois principes qui doivent guider l'application des peines d’emprisonnement, l'organisation des prisons, les rapports entre le détenu et sa famille ainsi que les rapports entre la prison et la famille (ou les proches) des détenus : - l’article 3, I de la loi sur les prisons dispose que l'administration des prisons doit prévoir des conditions de vie dans les prisons aussi proches que possible des conditions qui existent en dehors de l’environnement pénitentiaire (Angleichungsgrundsatz, principe relatif à l’adaptation des conditions pénitentiaires). - l’article 3, II pose le principe que les effets négatifs de l'emprisonnement doivent être évités autant que possible (principe d’évitement/de réduction au minimum). L'administration pénitentiaire est obligée de créer les conditions permettant d’empêcher la formation d'une culture secondaire de prison et d'autres conséquences possibles de l’enfermement à long terme. - l’article 3, III exige de l'administration pénitentiaire qu’elle organise le « processus correctionnel » (processus punitif et éducatif) afin de faciliter la réadaptation et la réinsertion (principe de réadaptation du détenu). 5 Voir, par exemple, la Cour fédérale constitutionnelle (BVerfG), Neue Juristische Wochenschrift 1998, pp. 3337, qui considère que le principe du bien-être social commande une augmentation sensible des rémunérations versées pour le travail en prison. 6 Cour fédérale constitutionnelle, Neue Juristische Wochenschrift 1998, pp. 3337. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 5 Par conséquent, - les détenus jouissent de tous les droits fondamentaux (y compris le droit d’avoir une famille et une vie familiale) ; - les restrictions à ces droits ne peuvent être imposées qu’en vertu de la loi ; - le « processus correctionnel » et la vie en prison doivent être dirigés principalement vers l’objectif de la réadaptation et de la réinsertion ; - l'interprétation des dispositions de la loi sur les prisons et leur application doivent avoir pour ligne conductrice d’éviter les inconvénients pouvant résulter de l'emprisonnement lui-même et de promouvoir la réadaptation et la réinsertion des détenus. Cependant, comme l'emprisonnement se définit comme une privation de la liberté, il est évident qu’il entraîne par sa nature une limitation réelle et effective de nombreux droits fondamentaux7. Outre le principe de l’Etat de droit et de l’Etat providence, consacrés par la décision de 1972 de la Cour constitutionnelle, le principe de proportionnalité est d'importance primordiale pour savoir si oui ou non et dans quelle mesure les décisions et les lois violant les droits fondamentaux des détenus sont justifiés. L’exigence de proportionnalité emporte trois conséquences. D'abord, il doit être établi que les restrictions des droits fondamentaux sont tout à fait appropriées pour atteindre un but légitime. En second lieu, il doit être établi que ces restrictions - si appropriées – sont nécessaires pour réaliser ce but ; la nécessité ne peut être présumée que si d’autres mesures moins contraignantes ne sont pas disponibles au moment de la prise de la décision. Enfin, la comparaison des intérêts poursuivis par l’administration et les intérêts de l’individu à la préservation de son droit fondamental doit mener à la conclusion que l'intérêt public est supérieur à l'intérêt de l'individu ou à ses droits. Le droit à la vie familiale Les recherches sur les conséquences de l'emprisonnement ont fourni d’abondantes informations sur la façon dont les peines de prison affectent les familles8. Dès le 19ème siècle, 7 8 MEYER, F.-W.: Zwangsgetrennt: Frauen inhaftierter Männer. Pfaffenweiler 1990. SHAW, R.: Children of Imprisoned Fathers. London 1987; CADDIE, D., CRISP, D.: Mothers in Prison. Research Findings. Home Office Research and Statistics Directorate, No. 38, London 1997; HEIDEMANN, P.: Haftehen in Schleswig-Holstein und Hamburg. Vorgeschichte und Motivation. Kiel 1987; BUSCH, M. et al: Zur Situation der Frauen von Inhaftierten. Volume 2, Stuttgart 1987; PREUSKER, H.: Erfahrungen mit der „ehe- und familienfreundlichen Besuchsregelung“ in der Justizvollzugsanstalt Bruchsal, in: SCHÄFER, H.H., SIEVERING, U.O. (eds.): Strafvollzug – Ende für Partnerschaft, Ehe und Familie? Perspektiven des Langzeitvollzugs. Frankfurt 1994, pp. 53-62; MCDERMOTT, K., KING, R.D.: Prison Rule 102: stand by your man. The Impact of Penal Policy on teh Families of prisoners. In: SHAW, R. (ed.): Prisoners Children. What are the Issues? Routledge: London 1992, pp. 50-73. 6 JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] l'impact négatif de l'emprisonnement sur la vie des familles et en particulier sur le bien-être des enfants à charge a été remarqué et des remèdes ont été recherchés9. Alors que les recherches et la littérature des 150 dernières années étaient préoccupées par les conséquences effectives de l’emprisonnement sur les membres de la famille et le détenu luimême, plus récemment, après avoir renforcé le statut juridique des détenus, les aspects normatifs de la possibilité de resserrer les liens entre le détenu et sa famille ont été explorés. Selon la doctrine allemande, la convention européenne des droits de l'homme (ratifiée par la République Fédérale d'Allemagne) est assimilée à une loi fédérale et est ainsi inférieure à la Constitution Fédérale Allemande (Grundgesetz)10. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Les limitations de ce droit ne sont possibles que pour des raisons mentionnées dans l’article 8 alinéa 2, c'est-à-dire lorsqu’elles sont « nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». L’article 6 de la Constitution fédérale allemande correspond à l'article 8 de la convention européenne. L’alinéa 1er de l'article 6, dispose que l’Etat doit accorder à la famille et au mariage une protection particulière, cette protection particulière étant interprétée comme couvrant le droit individuel au mariage et à la vie familiale. L'alinéa 2 de l’article 6 étend la protection constitutionnelle au droit d'éduquer et d’élever ses enfants. Bien que les droits fondamentaux de l'art 6 ne soient pas assortis d’une réserve formelle autorisant des restrictions issues de la loi, il est évidant que l'emprisonnement leur apporte des restrictions effectives. La Cour constitutionnelle fédérale et la doctrine ont donc cherché à concilier la protection constitutionnelle de la famille, le prononcé des peines de prison et leur exécution. Les restrictions effectives sont justifiées par le droit et le devoir d’exécuter une sanction criminelle imposée judiciairement et par les restrictions qui sont dues aux conditions particulières (bureaucratiques, administratives et de sécurité) sans lesquelles une prison ne pourrait pas fonctionner. Cependant, malgré la reconnaissance de telles restrictions, le droit à une vie familiale et conjugale doit être préservé. La Cour constitutionnelle fédérale a jugé, à diverses occasions, que le renforcement des rapports familiaux et conjugaux du détenu favorise le processus de réadaptation et le processus de 9 LISZT, F.v.: Die Kriminalität der Jugendlichen. In: LISZT, F.V.: Strafrechtliche Aufsätze und Vorträge. Volume 2. Berlin 1905, pp. 331-355. 10 Décisions de la Cour fédérale constitutionnelle, volume 10, p. 271. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 7 réinsertion. La Cour a même jugé que les relations familiales et le mariage doivent être protégées, dans un environnement pénitentiaire, que cette protection serve ou non le but de la réadaptation, puisque l'Etat se doit de protéger le mariage et la famille selon l’article 6 de la Constitution fédérale11. 11 Voir, par exemple, la décision de la Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 736/90, 8. December, 8, 1993. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 8 I. LES COMMUNICATIONS PAR COURRIER ET TELEPHONE _________________________________________________________________________________ A. Le courrier La réglementation du droit des détenus de correspondre avec le monde extérieur correspond en principe à celle des visites. Chaque détenu a le droit de recevoir et d’envoyer du courrier. La réception et l'envoi du courrier ne sont pas limités à un certain nombre de lettres (art. 28 I de la loi sur les prisons). Cependant, les coûts sont à la charge du détenu (sauf circonstances spéciales dans lesquelles l'administration pénitentiaire supporte de tels coûts). Le chef de l'administration pénitentiaire peut interdire l'échange de courrier avec certaines personnes si un tel échange risque d’entraîner des dangers concrets pour la sécurité ou l'ordre de la prison. En outre, le droit de correspondre peut être restreint au cas où l'échange du courrier avec une autre personne influencerait le détenu de manière négative ou créerait des obstacles à sa réinsertion (sauf lorsqu’il s’agit de la correspondance avec les parents proches qui ont le même statut privilégié qu’en matière de visites). Le contrôle de la correspondance prend la forme de la lecture du courrier et du contrôle de la présence d’objets interdits dans les enveloppes. Mais un tel contrôle n’est possible que s’il est justifié par des raisons de sécurité ou d'ordre de la prison ou pour la réadaptation du détenu (art. 29 de la loi sur les prisons). La question s’est posée de savoir si un contrôle généralisé de tout courrier sortant ou entrant peut être exercé sans considérer les circonstances spécifiques d’espèce. Les tribunaux correctionnels ont jugé que de telles mesures générales de surveillance peuvent être légitimes et sont conformes à la loi sur les prisons si la sécurité ou l'ordre de la prison l’exige12. L’article 31 de la loi sur les prisons contient un catalogue des motifs qui autorisent l'interception et le refus du courrier sortant (ou entrant). Les circonstances retenues sont les suivantes : le contenu du courrier fait naître des dangers pour la réadaptation du détenu ou pour la sécurité ou l'ordre de la prison ; 12 la remise du courrier serait constitutive d’infraction ; Oberlandesgericht Frankfurt, Neue Juristische Wochenschrift 1979, p. 2525. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 9 le courrier contient des descriptions qui donnent une image déformée ou complètement fausse de la prison ; le courrier contient des insultes graves (visant par exemple le personnel pénitentiaire ou le directeur de la prison) ; - le courrier empêcherait la réinsertion d'un autre détenu ; - le courrier est écrit dans un code secret ou une langue non accessible au personnel pénitentiaire. Les lettres qui sont retenues sont renvoyées à l'expéditeur, ou, si ce n'est pas possible, gardées par l'administration pénitentiaire (art. 31 III de loi sur les prisons). C'est en particulier le motif tiré des « insultes significatives » incluses dans des lettres entre les membres de la famille qui a provoqué de nombreux débats. L’argument des « descriptions déformées ou fausses de la réalité de la prison » a soulevé également des difficultés dans la mesure où il devait être mis en rapport avec la liberté d’expression. La Cour constitutionnelle fédérale a jugé, en ce qui concerne les insultes contenues dans les lettres entre le détenu et les membres de la famille ou ses proches, que l'administration pénitentiaire doit respecter l'intimité du détenu tant que l'infraction d’insulte n’est pas constituée13. On admet généralement que la correspondance entre personnes très proches (par exemple des membres de famille) ne constitue pas l'infraction pénale d'insulte tant que l'intimité fait que de telles insultes ne deviennent pas publiques. Ce qui est échangé entre les personnes proches est hors le champ du régime pénal des insultes puisque ce régime exige que les insultes soient publiées d’une certaine manière. Il en résulte que la correspondance entre des personnes proches doit être traitée comme appartenant à la sphère privée indépendamment du fait que les personnes impliquées dans la correspondance soient placées dans une prison et sous surveillance. L'administration pénitentiaire peut être ainsi informée d'une insulte (par exemple contre le directeur de la prison) mais doit la traiter comme si elle s'était produite dans le cadre de la vie privée. 13 Décisions de la Cour fédérale constitutionnelle, Volume 35, p. 35; Volume 57, p. 170; Volume 90, p. 255. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 10 B. Les appels téléphoniques Les téléphones portables ne sont pas autorisés en prison (pour des raisons de surveillance). L'utilisation de téléphones est autorisée (pour les appels entrants et sortants), mais de la manière qui reste à la discrétion de l'administration pénitentiaire et sur demande du détenu (art. 32 de la loi sur les prisons). Le détenu doit se servir des téléphones qui sont installés dans les prisons par l'administration. Des restrictions sont possibles par analogie avec les règles de communication par courrier (dangers pour la sécurité et l'ordre de la prison et/ou dangers pour le processus de réadaptation). Les coûts sont à la charge du détenu. La communication peut être placée sur écoute. Cependant, la personne qui appelle de l'extérieur ou qui est appelée par un détenu, de même que le détenu lui-même, doit être informée de la possibilité que la communication soit interrompue. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 11 II. LES VISITES ET LES PERMISSIONS DE SORTIE _____________________________________________________________________ Alors que les prisons de sécurité conçues pour les détenus condamnés à de longues peines de prison, les délinquants dangereux ou à grand risque d'évasion mettent l’accent sur les mesures de visite en prison afin de poursuivre le but du maintien des liens familiaux entre les détenus et leurs familles et le respect des droits fondamentaux à une vie de famille et au mariage, les prisons de sécurité légère ou les prisons ouvertes favoriseront des mesures telles que les permissions de sortie pour raisons de travail. A. Les visites 1. Les visites ordinaires a. Le droit de visite La loi sur les prisons prévoit dans ses articles 23 et s. le droit des détenus de recevoir des visites. Le principe est que chaque détenu peut rencontrer des personnes venant de l'extérieur. La loi indique également que de telles interactions doivent être encouragées par l'administration pénitentiaire. Le législateur a souligné le rôle de la communication et des interactions avec le monde extérieur comme étant particulièrement important pour réduire au minimum les conséquences négatives d'un environnement pénitentiaire fermé et pour rendre possible la réadaptation. L’article 24 de la loi pose le principe d’un droit individuel à recevoir des visites dans la prison. Chaque détenu a le droit de recevoir des visites de façon régulière. La durée minimum de ces visites est d’une heure par mois. Cependant, puisqu’il ne s’agit que d’un minimum, la loi (art. 24) encourage implicitement la mise en place de visites de plus d'une heure. Le règlement détaillé des visites doit être publié par chaque établissement. Chaque prison a ses propres règlements en ce qui concerne les jours, le temps et les lieux de visite. Le plus souvent, certains jours et heures sont indiqués (par exemple du mercredi au samedi, de 9h à 16h). L’article 24 II pose que les visites autres que les visites régulières autorisées par l’article 24 I devraient être accordées afin de promouvoir le processus de réadaptation ou si elles sont nécessaires pour répondre à des besoins légitimes JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 12 qui ne peuvent pas être satisfaits autrement (par une démarche écrite ou par tout autre moyen de communication). Dans la prison de Tegel (Berlin) par exemple, le règlement intérieur autorise deux « visites régulières » d'approximativement 40 minutes chacune par mois. En outre, les détenus peuvent solliciter deux autres visites d'approximativement 40 minutes également. Bien que les règles régissant les visites en prison ne distinguent pas entre les parents proches et les autres personnes (mises à part les règles spéciales s'appliquant aux visites effectuées par les avocats, les parlementaires, ou dans le cadre des programmes de visites de prison), les parents proches sont en pratique privilégiés, dans la mesure où il est rare que leur visite soit interdite. b. La procédure Les visites ordinaires sont permises par l’article 24 I de la loi et ne sont pas soumises à l’autorisation préalable de l'administration pénitentiaire. Cependant, le chef de l'administration pénitentiaire peut interdire une visite pour des motifs énoncés par la loi sur les prisons (art. 25). Un détenu n'est pas non plus obligé de recevoir des visiteurs. Le détenu doit informer l'administration pénitentiaire sur l’identité de la personne qui va lui rendre visite (ou un détenu est informé par l'administration pénitentiaire au sujet du projet de visite d'une personne) et de la date de la visite. Le visiteur doit indiquer son identité, auprès de l'administration pénitentiaire, lors de son arrivée. Le visiteur est en principe soumis à certaines restrictions (par exemple la prohibition de remettre des objets au détenu ou de se faire remettre des objets par ce dernier sans l’accord préalable de l'administration pénitentiaire) et peut être soumis à des procédures de fouille et de confiscation prévues par la loi sur les prisons. Certains objets ne sont pas admis en prison (habituellement toutes les armes, les téléphones portables et l'argent liquide) et doivent être déposés dans un endroit prévu pour cela avant d'entrer dans les salles de visite. La fouille peut être commandée par des raisons de sécurité. Cependant, si le visiteur ne peut pas être forcé à se soumettre à une fouille, le fait d’y consentir peut être la condition sine qua non de la visite. A défaut de consentement, la visite peut alors être refusée (article 24 III de la loi sur les prisons). Il faut ajouter que ces règles s'appliquent aussi aux détenus en détention provisoire. En revanche, pour ces derniers, chaque visite doit être autorisée par le juge d’instruction conformément aux règles du code de procédure pénale. L’autorisation sera refusée si la visite comporte un risque d'obstruction à la justice. En dehors de ces considérations particulières, le droit à la protection de la vie familiale s'applique également aux rapports JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 13 entre les détenus en détention provisoire et leurs proches parents14. Ceci transparaît dans l'ordonnance qui régit l'application de la détention préalable au procès (Untersuchungshaftvollzugsordnung). Dans une décision récente, la Cour constitutionnelle a décidé que les détenus en détention provisoire ont le droit de maintenir des rapports en particulier avec de jeunes enfants ou des enfants nouveau-nés15. Dans le cas d’espèce, un détenu en détention provisoire (en attendant la décision d'appel) et sa petite fille avaient contesté une décision de l'administration pénitentiaire qui avait refusé d’accorder au détenu et à sa fille la même durée de temps accordée aux visites des conjoints des détenus. Une visite n'est donc pas soumise à l'approbation préalable de l’administration, mais peut être interdite dans les conditions prévues par la loi sur les prisons. Selon l’article 25, la visite peut être interdite si elle risque de mettre en danger la sécurité ou l'ordre de la prison (art. 25 I, n° 1 de la loi sur les prisons) ou si elle risque d’influencer négativement la réadaptation ou la réinsertion du détenu (art. 25 I, n° 2 de la loi sur les prisons). En ce qui concerne cette dernière raison de refus, les parents proches sont privilégiés. La visite des parents proches ne peut être refusée que s'il peut être établi que la visite mettra en danger la sécurité ou l'ordre de la prison, quelle que soit l’influence supposée de la visite sur le détenu et sa réinsertion dans la société. La question a été soulevée pour savoir si une visite peut être soumise à l’accord du détenu d’être fouillé avant et/ou après une visite. Dans une décision récente de la Cour constitutionnelle fédérale, il a été jugé que la fouille (fouille corporelle comprise) peut être proportionnée aux risques pour la sécurité ou l'ordre de la prison16. Selon une jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, la protection particulière de la famille offerte par l’art 6 de la Constitution allemande exige, dans certaines circonstances, l'ajustement des règlements intérieurs concernant les visites17. Si, par exemple, en raison des conditions de son travail, un membre de famille ne peut pas rendre visite au détenu pendant les heures ou les jours indiqués dans les règlements intérieurs, l'administration pénitentiaire doit aménager d’autres plages de temps. Il a également été jugé que si la distance entre la prison et la résidence des membres de famille est longue, l'administration pénitentiaire est obligée de prévoir des exceptions à la règle générale de la limitation des visites à 40 ou 60 minutes. Dans ces cas, l’article 6 de la Constitution allemande rend possibles des visites plus longues18. 14 Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 1797/06, 23.10.2006, www.bverfg.de/entscheidungen/rk20061023_2bvr179706.html. 15 Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 1797/06, 23.10.2006, www.bverfg.de/entscheidungen/rk20061023_2bvr179706.html. 16 BVerfG, 2 BvR 249/06 as of 6.7.2006, www.bverfg.de/entscheidungen/rk20060706_2bvr024906.html 17 Décisions de la Cour fédérale constitutionnelle, volume 42, p. 95. 18 Voir également KAISER, G., SCHÖCH, H., Strafvollzug, 5th ed., Heidelberg 2002, p. 291-292. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 14 2. Les visites conjugales dites « visites de longue durée » Dans les années 1980, certaines administrations pénitentiaires ont commencé à mettre en place, à titre expérimental, des visites conjugales dites « visites de longue durée » (Langzeitbesuch) 19. Bien qu’à ce jour les tribunaux affirment que les détenus n’ont pas un droit aux visites conjugales, la loi sur les prisons en tient compte. Les tribunaux ont été peu disposés à accorder un droit aux visites conjugales en raison principalement des coûts relatifs aux conditions des visites conjugales conformes à la dignité humaine. Cependant aujourd'hui, la plupart des prisons qui accueillent des détenus exécutant de longues peines sont équipées pour leur permettre de passer jusqu'à une journée avec leurs conjoints ou leur famille. Le bénéfice d’une telle visite est accordé dès lors que l’on peut raisonnablement estimer qu’elle favorisera le processus de réadaptation et de réinsertion du détenu. Cependant, la décision est prise discrétionnairement par l'administration pénitentiaire. Généralement, les expériences sont positives. 3. Le régime des visites des jeunes détenus Comme précisé ci-dessus, la loi sur les prisons entrée en vigueur en 1976 s'applique seulement aux adultes. Les établissements correctionnels pour mineurs sont à ce jour toujours régis par des ordonnances fédérales. Suite aux exigences formulées par la Cour constitutionnelle fédérale20, les dispositions législatives relatives aux prisons pour jeunes élaborées par les états (Laender) - car la compétence législative en matière pénitentiaire a récemment été transférée du niveau fédéral au niveau étatique – prévoient des règles de visites de prisons qui correspondent à celles déjà intégrées dans la loi sur les prisons (pour adultes)21. Cependant, le projet de loi sur les prisons juvéniles du Land de Berlin comporte plusieurs particularités. D'abord, le projet accorde un minimum de quatre heures de visite par mois ; en second lieu, s’agissant des détenus mineurs (de moins de 18 ans), la visite de certaines personnes peut être refusée si les parents ou les tuteurs légaux s'y opposent ; 19 PREUSKER, H., Erfahrungen mit der „ehe- und familienfreundlichen Besuchsregelung“ in der Justizvollzugsanstalt Bruchsal, in SCHÄFER, H.H., SIEVERING, U.O. (eds.), Strafvollzug – Ende für Partnerschaft, Ehe und Familie? Perspektiven des Langzeitvollzugs, Frankfurt 1994, pp. 53-62. 20 Cour fédérale constitutionnelle, 31. 5. 2006 – 2 BvR 1673/04; 2 BvR 2402/04. 21 Entwurf eines Gesetzes zur Regelung des Jugendstrafvollzuges im Land Berlin (GJVollz Bln). JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 15 enfin, s’agissant de jeunes détenus ayant des enfants, le projet de loi autorise au moins deux « visites additionnelles de longue durée » afin de maintenir les liens avec les enfants22. 4. Le contrôle, la restriction et le refus des visites Les visites peuvent être soumises à un contrôle visuel pour des raisons de sécurité et d’ordre de la prison (art. 27 de la loi sur les prisons). Cependant, s’il existe des preuves convaincantes dans des cas spécifiques que ni la réadaptation ni la sécurité et l’ordre de la prison ne sont mis en danger par un visiteur individuel, la visite peut avoir lieu sans surveillance. Une visite peut être interrompue et ensuite refusée si le visiteur ou le détenu violent des règles applicables pendant les visites (par exemple la règle selon laquelle le visiteur peut ne peut rien remettre au détenu sans l’accord préalable de l'administration pénitentiaire). La visite d’un conjoint peut être soumise à des mesures de contrôle supplémentaires dans des circonstances particulières. La Cour constitutionnelle fédérale a jugé dans une affaire plutôt extrême que l’installation d'une fenêtre de séparation empêchant tout contact physique peut être justifiée même si des membres de famille sont impliqués. Le cas d’espèce concernait un détenu qui était parvenu à s’évader à plusieurs reprises des établissements pénitentiaires et qui avait une réputation de violence exercée à l’encontre des autres détenus et du personnel pénitentiaire. Dès lors, la Cour constitutionnelle fédérale a conclu que les tribunaux avaient légitimement validé la décision de l’autorité pénitentiaire de ne permettre la visite qu’en présence d'une fenêtre de séparation. Du point de vue de la proportionnalité, cependant, la Cour a indiqué que cette décision devait être réétudiée périodiquement afin d'éviter des violations inutiles du droit à la famille23. En ce qui concerne les restrictions et les refus de visites, le principe de proportionnalité s'applique. Ainsi, avant de refuser purement et simplement une visite, l'administration pénitentiaire doit examiner s'il n’est pas suffisant de fouiller le visiteur, de mettre en place une audio - ou une vidéo surveillance ou d’intervenir au cas par cas pour interrompre et annuler une visite. 22 23 See §21 Entwurf eines Gesetzes zur Regelung des Jugendstrafvollzuges im Land Berlin (GJVollz Bln). Cour fédérale constitutionnelle, 2 BvR 736/90, 8. December, 8, 1993. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 16 B. Les permission de sortie - instrument supérieur pour le maintien de la vie familiale La loi sur les prisons prévoit dans son article 13 le droit des détenus à bénéficier de permissions de sorties pouvant aller jusqu'à 21 jours par an. Les permissions sont en principe à la discrétion du directeur de la prison qui doit cependant s’efforcer de poursuivre les objectifs généraux de limitation des méfaits pouvant être causés par la prison elle-même et d’encouragement à la réadaptation (principes qui encadrent en fin de compte son pouvoir discrétionnaire). Si les permissions sont généralement accordées pour visiter des membres de la famille, elles ne sont pas limitées à cet objectif. Lorsque les risques sont faibles, des permissions régulières sont considérées comme le meilleur instrument du maintien de la vie de famille. La communication et les interactions ne doivent pas avoir lieu dans l'environnement pénitentiaire dans la mesure où cet environnement répressif est défavorable au renforcement des liens familiaux. Outre les 21 jours de permissions ordinaires, des permissions spéciales allant jusqu'à 7 jours par an peuvent également être accordées (art. 35 de la loi sur les prisons). Elles sont généralement accordées pour permettre au détenu de se rendre à un enterrement ou auprès d’un proche parent gravement malade24. En pratique, les permissions de sortir sont en particulier accordées aux détenus purgeant de courtes peines de prison (jusqu'à 18 mois d'emprisonnement) et qui ne présentent pas de risques d'évasion ou de rechute dans la délinquance. Certains détenus purgeant des peines de prison dans les établissements ouverts sont placés sous le régime de permissions de sortie pour raisons de travail. Ce régime permet une absence journalière de la prison ; les détenus concernés sont alors en mesure de rendre visite à leurs familles et de continuer – dans une certaine mesure - une vie de famille ordinaire. 24 KAISER, G., SCHÖCH, H.: op. cit., 2002, p. 281. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 17 C. Les voies de recours contre les refus de visites ou de permissions de sortie Le détenu et le visiteur peuvent faire appel de la décision de refus d'une visite ou de la décision imposant des mesures spéciales de surveillance (art. 109 de la loi sur les prisons). Les appels contre les décisions (ou les silences) de l'administration pénitentiaire sont de la compétence d’une juridiction spéciale, la cour correctionnelle (Strafvollstreckungskammer), prévue par la loi sur les prisons. Il s’agit d’une juridiction spéciale au niveau de la région (Landgericht). Les décisions de cette cour correctionnelle peuvent être portées devant la cour supérieure (Oberlandesgericht). Les décisions de celle-ci ne peuvent faire l’objet de contestation selon les procédures ordinaires. Cependant, subsiste la possibilité de critiquer les décisions de ces cours devant la Cour constitutionnelle fédérale et les cours supérieures peuvent elles-mêmes soumettre une affaire à la Cour suprême (Bundesgerichtshof) lorsqu’une décision n’est pas conforme à la jurisprudence des autres cours supérieures. Outre la procédure d’appel juridictionnel prévue par l’article 109 de la loi sur les prisons, l’article 108 accorde à chaque détenu le droit de contester la décision devant le chef de l’établissement pénitentiaire. Les dispositions sur les procédures d'appel imposent que les décisions prises par l'administration pénitentiaire soient motivées et prises par écrit car, à défaut, le système d'appel n’aurait plus beaucoup de sens. Les détenus doivent être informés des décisions de refus et des motifs les justifiant. Un document énonçant les faits et les motifs doit être joint au dossier judiciaire du détenu. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 18 III. LES AUTRES ASPECTS DE LA VIE FAMILIALE ________________________________________________________________________________ Le mariage et le divorce. Le droit d’avoir une famille et le droit de participer à l'éducation de ses enfants ne peuvent pas être restreints au-delà des limitations intrinsèques induites par l'emprisonnement. Cela signifie qu'un détenu peut ne pas se voir refuser le mariage, ni le divorce. L’autorité parentale. Pour les mêmes raisons, un détenu ne peut pas non plus se voir refuser le droit de participer aux décisions affectant l'éducation de ses enfants, à moins qu’une décision du tribunal des affaires familiales ait limité ses pouvoirs légaux parentaux en la matière. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle fédérale a eu à souligner le fait que la protection légale de la famille s'applique également aux pères et mères célibataires25. Ainsi, un traitement différent des pères mariés et célibataires en ce qui concerne par exemple la durée des visites violerait le principe de l'égalité des traitements (et le statut protégé de la famille). La maternité. La loi sur les prisons contient des dispositions spéciales relatives aux détenues femmes susceptibles d’accoucher pendant la durée de l’exécution de leur peine ou ayant des enfants en bas âge. L’article 76 de la loi sur les prisons exige que les détenues enceintes soient transférées à l’hôpital avant d’accoucher. Des restrictions ne peuvent être imposées que sur une base légale. Des entraves (menottes par exemple) peuvent, selon l’article 88 de la loi, être appliquées seulement s'il y a un risque significatif d'évasion ou un risque significatif de violence qui ne peut être traité efficacement par d'autres moyens. A ce jour, il n'y a pas eu de cas d’entraves appliquées à une prisonnière qui accouche, car il ne semble pas raisonnable de considérer que le risque d'évasion (d'un hôpital) puisse être traité efficacement seulement par l'application de menottes. Après la naissance d’un enfant, l'administration municipale doit en être informée par un courrier qui ne doit mentionner ni le statut de la prisonnière, ni l'information sur l'hôpital de prison comme lieu de naissance. L’article 80 de la loi sur les prisons dispose qu'un enfant en dessous de l'âge de suivre l’enseignement obligatoire (environ 6 ans) peut être placé avec la mère dans une 25 Federal Constitutional Court, 2 BvR 1797/06, 23.10.2006, www.bverfg.de/entscheidungen/rk20061023_2bvr179706.html JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 19 unité spéciale si le tuteur légal en est d’accord et si ce placement est justifié par l’intérêt de l'enfant. La première unité pour mères et enfants a été créée dans les années 1970 dans la prison de Preungesheim (Etat de Hesse) 26. Actuellement, une dizaine d’unités de ce genre fonctionnent dans les prisons, offrant une capacité de 65 lits pour les mères et de l'espace supplémentaire pour leurs enfants27. Ni la condamnation, ni l’exécution de la peine de prison n’entraînent la perte de l’autorité parentale. Celle-ci peut seulement résulter d’une décision prise par les tribunaux des affaires familiales et si elle est commandée par l’intérêt de l'enfant. 26 EINSELE, H., DUPUIS, H., Die Mutter-Kind- Situation im Frauengefängnis, in: DÜRKOP, M., HARDTMANN, G. (eds.): Frauen im Gefängnis, Frankfurt 1978, pp. 58-66. 27 Voir pour plus de détails, KAISER, G., SCHÖCH, H.: op. cit., 2002, pp. 433-435. JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 20 TABLES DES MATIERES INTRODUCTION.............................................................................................................................................................4 LE DROIT A LA VIE FAMILIALE .........................................................................................................................................6 I. LES COMMUNICATIONS PAR COURRIER ET TELEPHONE....................................................................9 A. LE COURRIER ..............................................................................................................................................................9 B. LES APPELS TELEPHONIQUES...................................................................................................................................11 II. LES VISITES ET LES PERMISSIONS DE SORTIE ............................................................................................12 A. LES VISITES ..............................................................................................................................................................12 1. Les visites ordinaires....................................................................................................................................12 a. Le droit de visite................................................................................................................................................................... 12 b. La procédure ........................................................................................................................................................................ 13 2. Les visites conjugales dites « visites de longue durée »................................................................15 3. Le régime des visites des jeunes détenus ...........................................................................................15 4. Le contrôle, la restriction et le refus des visites ..............................................................................16 B. LES PERMISSION DE SORTIE - INSTRUMENT SUPERIEUR POUR LE MAINTIEN DE LA VIE FAMILIALE...................17 C. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES REFUS DE VISITES OU DE PERMISSIONS DE SORTIE ...............................18 III. LES AUTRES ASPECTS DE LA VIE FAMILIALE.............................................................................................19 JURISCOPE – C.N.R.S. - UMS 2268 Téléport 2, Bd. René Cassin BP 90194 - 86962 Futuroscope cedex Tél. 05.49.49.41.41 - Télécopie : 05.49.49.00.66 Courriel : [email protected] 21