LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI - ILGA
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LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI - ILGA
LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI RELATIVE A LA TRANSSEXUALITE étude de droit comparé menée pour le compte de l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes Paul BORGHS OCTOBRE 2013 LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI RELATIVE A LA TRANSSEXUALITE étude de droit comparé menée pour le compte de l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 1 Sommaire Introduction 6. 1. Les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité 8. Dispositions relatives à l'enregistrement officiel du sexe 8. Dispositions relatives au changement de prénom 10. Dispositions relatives à la filiation 11. 2. Droit comparé 14. Généralités 14. Législation existante en Europe 14. Jurisprudence en Europe 19. Future législation en Europe 24. Autres développements en Europe 27. Développements en dehors de l'Europe 29. 3. Contexte international des droits de l'homme 32. Généralités 32. Principes de Yogyakarta 32. Nations Unies : Rapport du Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 35. 2 Conseil de l'Europe: Issue Paper ‘Human Rights and Gender Identity’ du Commissaire aux droits de l'homme 36. Conseil de l'Europe : Résolution 1728 (2010) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe 38. Conseil de l'Europe : Résolution 1945 (2013) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe 39. Conseil de l'Europe: Recommandation CM/Rec(2010) 5 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe 40. Union européenne 41. Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) 41. Commission Internationale de l’Etat Civil (CIEC) : Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe 42. The World Professional Association for Transgender Health (WPATH) 43. 4. Filiation 44. Généralités 44. Législation et jurisprudence étrangères 45. Conclusion en matière de filiation 47. 5. Synthèse 50. Droit comparé 50. Droits de l'homme 50. Attention croissante pour les circonstances individuelles 51. Condition de stérilité et proportionnalité 53. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 3 Droit à l'autodétermination et inviolabilité du corps humain 55. Transphobie institutionnalisée 58. Conclusion 60. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 4 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 5 Introduction 1. La Belgique, selon l'accord de gouvernement fédéral, doit jouer un rôle de pionnier en ce qui concerne l'égalité des droits des lesbigays, des bisexuels et des transgenres1. Si l'on analyse les classements européens, la Belgique occupe toujours une place de premier plan dans le domaine des droits des homosexuels et des bisexuels. Par contre, pour ce qui est des transgenres, la Belgique obtient un très mauvais score2. Ce piètre résultat est notamment lié aux critères médicaux imposés par la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité3. Les termes 'critères médicaux' font référence aux dispositions ayant trait au traitement hormonal, au changement de sexe et à la stérilité. 2. Cette étude4 analyse les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité depuis la perspective du droit comparé et des droits de l'homme. L'étude est conçue comme suit : - Le premier chapitre propose un résumé des critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité. - De plus en plus de pays européens suppriment les critères médicaux dans leur législation ou préparent une nouvelle législation dans laquelle les critères médicaux sont supprimés. Le deuxième chapitre analyse les formulations concrètes et les options choisies par ces pays. Il s'intéresse aussi à la jurisprudence ayant trait à la suppression des critères médicaux et à la motivation de cette jurisprudence. Enfin, il y est fait référence à la législation en la matière en dehors de l'Europe. - Le troisième chapitre est consacré au contexte international des droits de l'homme. Sur le forum international, les critères médicaux sont de plus en plus critiqués et l'on tend toujours plus à les supprimer. Les développements au niveau des Nations Unies, du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne sont passés en revue. En outre, ce chapitre se penche sur les principes de Yogyakarta. - Ensuite, on aborde la question de la filiation. Les critères médicaux sont souvent dictés par des considérations ayant trait au droit de la filiation. Le législateur veut éviter que des femmes transgenres conçoivent un enfant et que des hommes 1 GOUVERNEMENT FEDERAL, Accord gouvernemental 1er décembre 2012, Bruxelles, Gouvernement fédéral, 2012, 164. 2 Voir par exemple le Rainbow Europe Country Index (mai 2011) sur www.ilga-europe.org. 3 Loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité, Moniteur belge 11 juillet 2007, 37-823-37.827. 4 Dans les textes cités dans cette étude, certaines parties sont surlignées en gras. Ce surlignage est appliqué par l'auteur de cette étude. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 6 transgenres accouchent d'un enfant. Le quatrième chapitre examine les conséquences sur le plan du droit de la filiation de la suppression des critères médicaux et formule une proposition en matière de conséquences sur le plan du droit de la filiation. - Enfin, le cinquième chapitre résume les principaux arguments avancés entre autres par le législateur et dans la jurisprudence pour justifier la suppression des critères médicaux. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 7 1. Les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité Généralités 3. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité renferme quelques 'critères médicaux'. Ce chapitre aborde les critères concernant l'enregistrement officiel du sexe, ainsi que les critères concernant le changement 'particulier' de prénom. Les dispositions de la loi ayant trait au droit de filiation sont également examinées de plus près. Dispositions relatives à l'enregistrement officiel du sexe Dispositions légales 4. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité insère un article 62 bis au Code Civil. Cet article stipule que tout Belge ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance et dont le corps a été adapté à ce sexe opposé dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical, peut déclarer cette conviction à l'officier de l'état civil (article 62 bis, § 1 C. civ.). 5. Lors de la déclaration, l'intéressé remet à l'officier de l'état civil une déclaration du psychiatre et du chirurgien, en qualité de médecins traitants, attestant : 1° que l'intéressé a la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance ; 2° que l'intéressé a subi une réassignation sexuelle qui le fait correspondre au sexe opposé, auquel il a la conviction d'appartenir, dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical ; 3° que l'intéressé n'est plus en mesure de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent (article 62 bis, § 2 C. civ.). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 8 Commentaires 6. Pour pouvoir obtenir un changement officiel de sexe, il faut que l'intéressé ait la conviction constante et intime d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance. Il est fait référence ici à la conviction intime et à l'aspect physique de la personne transsexuelle qui doivent être conciliés5. La conviction doit être constante. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité ne renferme aucune disposition concernant une durée minimale requise. 7. En outre, l'intéressé doit avoir subi une réassignation sexuelle le faisant correspondre au sexe opposé auquel il a la conviction d'appartenir dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical. Cette disposition vise surtout le traitement chirurgical6. Il est possible de déroger de la réassignation sexuelle sur la base d'objections médicales. L'utilisation des termes 'réassignation sexuelle' indique qu'une opération de changement de sexe n'est pas déterminante, mais le ministre de la Justice a néanmoins souligné que l'opération de changement de sexe devait tout de même être considérée comme point de départ7. Selon la jurisprudence, il ne faut pas obligatoirement exploiter ou recourir effectivement à toutes les possibilités offertes par les progrès de la médecine8. 8. Enfin, il doit s'avérer que l'intéressé n'est plus en mesure de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent. L'intéressé doit donc être stérile ou doit avoir subi une stérilisation de manière irréversible. On ne peut déroger à cette condition de stérilité irréversible. Cette obligation a pour but d'éviter qu'une personne transsexuelle, qui est passée du sexe féminin au sexe masculin ou inversement suite à une intervention chirurgicale puisse encore concevoir des enfants9. Le législateur veut ainsi éviter que naissent des enfants dont le père biologique est déjà une femme au moment de la conception ou inversement10. Dans la mesure où ceci est effectivement la raison d'être du projet de loi, comme l'affirme le Conseil d'Etat, il faut non seulement exclure la possibilité d'insémination naturelle (ne plus être en mesure de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent), mais aussi l'insémination artificielle avec du sperme congelé11. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité n'exclut cependant en aucun cas qu'une femme transgenre fasse congeler du 5 Proposition de loi relative à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Chambre, 2005-2006, n° 903/6, 3 et Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/5, 8. 6 Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/5, 18. 7 Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n°1794/5, 9-10 et 17-18. 8 Anvers 3 avril 2009, Rechtskundig Weekblad 2009-2010, 630-631. 9 Projet de loi relatif à la transsexualité. Avis du Conseil d'Etat, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/3, 5. 10 Projet de loi relatif à la transsexualité. Avis du Conseil d'Etat, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/3, 5. 11 Projet de loi relatif à la transsexualité. Avis du Conseil d'Etat, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/3, 5. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 9 sperme avant son opération de changement de sexe. Ceci afin de pouvoir concevoir un enfant, après l'opération de réassignation sexuelle, avec sa partenaire féminine ou son épouse. Tout comme pour l'adaptation physique, la portée de la condition de stérilité n'est pas claire. L'ablation des testicules ou des ovaires serait suffisante, mais dans la pratique, une opération de réassignation sexuelle effective serait parfois aussi posée comme condition12. 9. La réponse aux trois conditions précitées doit être attestée par une déclaration médicale établie et signée par le psychiatre et le chirurgien en qualité de médecins traitants. La tâche de l'officier de l'état civil se limite à un contrôle de la présence des pièces requises par la loi. Il ne peut effectuer aucun contrôle d'opportunité. L'officier vérifie les conditions formelles, et non pas les conditions matérielles13. Dispositions relatives au changement de prénom Disposition légale 10. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité complète l'article 2 de la loi du 15 mai 1987 relative aux noms et prénoms, qui dit que toute personne qui a quelque motif de changer de nom ou de prénoms en adresse la demande motivée au Ministre de la Justice, comme suit. Les personnes qui ont la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué sur leur acte de naissance et qui ont adopté le rôle sexuel correspondant joignent à leur demande une déclaration du psychiatre et de l'endocrinologue, qui atteste : 1° que l'intéressé a la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance ; 2° qui l'intéressé suit ou a suivi un traitement hormonal de substitution visant à induire les caractéristiques sexuelles physiques du sexe auquel l'intéressé a la conviction d'appartenir ; 3° que le changement de prénom constitue une donnée essentielle lors du changement de rôle (article 2 de la loi relative aux noms et prénoms). 12 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 56. 13 Considération d.1. dans la Circulaire du 1er février 2008 concernant la loi relative à la transsexualité, Moniteur belge 20 février 2008, 10.759. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 10 Commentaires 11. En ce qui concerne le changement de prénoms, la loi impose que l'intéressé subisse ou ait subi un traitement hormonal de substitution. Elle n'oblige pas l'intéressé à subir une intervention chirurgicale. Pour changer de prénoms, il suffit donc d'introduire une déclaration d'un psychiatre et d'un endocrinologue14. 12. Si une personne transsexuelle ne satisfait pas aux conditions pour une demande 'particulière' de changement de prénoms, elle peut se tourner vers une demande ‘normale’ de changement de prénoms (article 2 de la loi relative aux noms et prénoms). La demande 'particulière' de changement de prénoms est un droit, la demande 'normale' de changement de prénoms est une faveur (article 3 de la loi relative aux noms et prénoms). Si l'intéressé introduit une demande 'normale' de changement de prénoms, il ou elle ne peut choisir de prénom correspondant au sexe opposé, mais doit choisir un prénom neutre15. Dispositions relatives à la filiation Disposition légale 13. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité insère un article 62 bis au Code civil. Celui-ci stipule que l'acte portant mention du nouveau sexe ne modifie en rien les liens de filiation existants, ni les droits, pouvoirs et obligations qui en découlent. (...) Les dispositions du livre Ier, titre VII, chapitre II du Code civil16 ne s'appliquent pas à la personne de sexe masculin qui a fait une déclaration conformément à l'article 62bis et pour laquelle un acte portant mention du nouveau sexe a été établi (article 62 bis, § 8 C. civ.). 14. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité insère également un article 62 au Code civil. Conformément à cet article, l'acte portant mention du nouveau sexe indique entre autres le nouveau lien de filiation avec la mère et le père, si la filiation paternelle est établie (article 62 ter C. civ.). 14 Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/5, 10. 15 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 56. 16 Livre Ier, titre VII, chapitre II C. civ. concerne la filiation du côté paternel. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 11 Commentaires 15. Les dispositions de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité qui ont trait au droit de filiation peuvent être interprétées comme suit17. En ce qui concerne les liens de filiation existants par rapport aux enfants d'une personne transsexuelle, le changement de sexe officiel n'a pas d'incidences. Une femme transgenre reste 'père de' (mais devient 'fille de'). Un homme transgenre reste 'mère de' (mais devient 'fils de'). Pour ce qui est du lien de filiation par rapport aux enfants d'une personne transsexuelle qui sont nés avant la réassignation sexuelle, la filiation peut encore être établie conformément au sexe précédent même après la réassignation sexuelle. Dès le moment de l'établissement d'un acte portant mention du nouveau sexe, et en ce qui concerne les enfants nés après l'établissement de l'acte, une femme transgenre ne peut plus devenir père d'un enfant que ce soit par la suspicion de paternité, par la reconnaissance ou pour l'analyse de paternité18. Une femme transgenre devra adopter l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse par la voie de l'adoption coparentale. Avant sa réassignation sexuelle, une femme transgenre peut faire congeler du sperme qui servira à concevoir un enfant avec sa partenaire ou son épouse. Néanmoins, elle devra adopter l'enfant avec lequel elle est apparentée sur le plan biogénétique afin d'en devenir le deuxième parent juridique. Si la femme transgenre devait reporter le changement de sexe officiel jusqu'après la naissance des enfants, un lien de filiation original pourrait dans ce cas bel et bien être établi. Une disposition similaire s'applique aux hommes transgenres. Un homme transgenre peut devenir le père juridique de l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse, par reconnaissance ou sur la base de la règle de paternité. En conséquence, un homme transgenre peut établir un lien de filiation original par rapport à un enfant qui a obligatoirement été conçu avec du sperme de donneur et avec lequel il n'est pas apparenté sur le plan biogénétique. 16. On peut également déduire de ces dispositions qu'une femme transgenre ou un homme transgenre peut avoir un enfant avec lequel un lien de filiation juridique a été établi avant le 17 Paul BORGHS, “Rechtspositie meemoeder. Van adoptieve naar oorspronkelijke juridische afstamming”, Nieuw Juridisch Weekblad 2013, 402. 18 Circulaire du 1er février 2008 concernant la loi relative à la transsexualité, Moniteur belge 20 février 2008, 10762. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 12 changement de sexe officiel, en plus d'un enfant avec lequel un lien de filiation a été établi après le changement de sexe officiel. Le cas échéant, une femme transgenre ou un homme transgenre est en même temps mère juridique d'un enfant et père juridique de l'autre enfant. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 13 2. Droit comparé Généralités 17. Dans divers pays européens, les critères médicaux ont été supprimés (on n'ont jamais été repris) dans la loi par le législateur. Dans d'autres pays européens, les critères médicaux ont été supprimés par les Cours et les tribunaux. Par ailleurs, certains pays préparent une nouvelle législation ne tenant plus compte des critères médicaux. En dehors des frontières européennes également, des développements significatifs sont en cours. C'est le cas notamment en Argentine et en Uruguay. Législation existante en Europe Hongrie 18. Un décret hongrois datant de 1982 (Décret relatif à l'acte de naissance) constitue la base légale pour la modification des données reprises dans l'acte de naissance. La législation hongroise ne détermine pas comment un changement de sexe doit être prouvé si bien que les autorités administratives disposent d'une grande marge d'appréciation. La demande de modification de l'enregistrement officiel du sexe et du prénom doit être adressée à un département du ministère hongrois des affaires intérieures. Cette demande doit être accompagnée d'un rapport d'un psychologue ou d'un psychiatre et d'un urologue ou d'un gynécologue. Une proposition est ensuite formulée sur la base de ces documents et évaluée par le ministère hongrois de la santé. Si la demande est approuvée, la décision est transmise à l'état civil pour modification de l'acte de naissance de l'intéressé. Selon la pratique actuelle, une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'est pas requise pour obtenir le changement de l'enregistrement officiel du sexe ou du prénom19. Islande 19. En Islande, une loi relative au statut légal des personnes ayant un trouble de l'identité de genre est entrée en vigueur en 201220. 20. Un trouble de l'identité de genre (‘kynáttunarvanda’) implique qu'une personne se considère, depuis son plus jeune âge, comme étant née du mauvais sexe. La personne désire appartenir au sexe opposé (article 3 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). 19 X, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Hungary, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 41-42. 20 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda (loi n°57 du 25 juin 2012 relative au statut légal des personnes présentant un trouble de l'identité de genre), www.stjornartidindi.is. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 14 21. Une équipe d'experts composée d'un psychiatre, d'un endocrinologue et d'un psychologue a été constituée au sein de l'Hôpital National Universitaire d'Islande (‘Landspitali’) (article 4 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). Cette équipe assure le diagnostic et le traitement de l'intéressé. Par ailleurs, les autorités ont nommé une commission d'experts (pour une période renouvelable de quatre ans) composée d'un chirurgien, d'un autre médecin et d'un avocat (article 5 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). 22. Si l'intéressé a été traité pendant au moins dix-huit mois par l'équipe d'experts, et si, durant cette période, l'intéressé a vécu pendant au moins douze mois dans le rôle du sexe opposé à celui mentionné sur l'acte de naissance, celui-ci peut introduire une demande auprès de la commission d'experts afin de changer l'enregistrement officiel de son sexe. L'intéressé doit entre autres être majeur. La loi ne lui impose pas d'avoir subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, ni d'être stérile. La commission d'experts doit prouver que l'intéressé appartient au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance. Une fois que le changement officiel de sexe a été confirmé, cette modification est reprise automatiquement dans le Registre de la population (articles 5 et 6 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). L'intéressé doit toutefois demander un changement de prénom avant que le changement officiel de sexe soit enregistré de manière définitive (article 8 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). 23. La loi prévoit aussi la possibilité de revenir à l'enregistrement du sexe précédent. L'intéressé peut s'adresser à l'équipe d'experts pour évaluer la situation. La commission d'experts peut ensuite révoquer le changement officiel de sexe (article 11 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). Portugal 24. Au Portugal, une loi relative à la procédure de modification de l'enregistrement du sexe et du prénom est d'application depuis 2011 (Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil)21. 25. Un intéressé qui est majeur et chez qui un trouble de l'identité de genre (‘perturbação de identidade de género’) a été établi peut s'adresser à l'officier de l'état civil (‘conservatória do registo civil’) (article 2 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil). 26. L'intéressé doit remettre les documents suivants : (1) une demande de modification de l'enregistrement du sexe, avec mention du nouveau prénom souhaité par l'intéressé et (2) un rapport d'une équipe médicale pluridisciplinaire dans lequel le trouble de l'identité de genre 21 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil (loi n° 7/2011 du 15 mars 2011 relative à la procédure de modification de l'enregistrement du sexe et du prénom), www.legislacao.org. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 15 est diagnostiqué. Ce dernier rapport doit être signé au minimum par un médecin et un psychologue (article 3 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil). La loi n'impose pas à l'intéressé d'avoir subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, ni d'être stérile, ni encore de suivre un traitement hormonal22. 27. L'officier de l'état civil décide, dans un délai de huit jours, si la demande peut être accordée, si elle doit être complétée, ou au contraire, si la demande doit être refusée parce que les documents introduits ne satisfont pas aux normes en vigueur. Dans le deuxième cas, l'officier doit à nouveau décider dans un délai de huit jours après réception des données complémentaires (article 4 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil). 28. La loi prévoit la délivrance d'un acte de naissance complètement neuf (article 123 Código do Registo Civil). Espagne 29. En Espagne, une loi relative à la rectification de l'enregistrement officiel du sexe (Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo) est en vigueur depuis 200723. 30. Un intéressé qui est majeur et chez qui une dysphorie de genre (‘disforia de género’) a été constatée peut s'adresser à l'officier de l'état civil (‘al Encargado del Registro Civil’) pour une rectification de l'enregistrement officiel du sexe. La rectification de l'enregistrement officiel du sexe implique en principe aussi un changement du prénom de l'intéressé (articles 1 et 3 Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo). 31. L'intéressé doit disposer d'un rapport d'un médecin ou d'un psychologue clinicien attestant que le diagnostic de dysphorie de genre (‘une différence stable et durable entre le sexe et l'identité de genre de l'intéressé’) a été posé. L'intéressé doit avoir suivi pendant au moins deux ans un traitement médical visant à adapter ses caractéristiques physiques au sexe souhaité. Il est possible de déroger de cette condition pour des motifs de santé ou en raison de l'âge de l'intéressé. 32. La loi espagnole stipule explicitement qu'une opération de réassignation sexuelle n'est pas requise (article 4 Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo). Les éléments pris en considération par les juges sont entre autres le suivi d'un traitement 22 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 59. 23 Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo (loi n° 3/2007 du 15 mars 2007 relative à la correction de l'enregistrement officiel du sexe), www.boe.es/legislacion/. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 16 hormonal, le comportement de l'intéressé en tant qu'homme/femme, les facteurs psychologiques et sociaux et l'incapacité à s'adapter au sexe masculin/féminin24. Royaume-Uni 33. Au Royaume-Uni25 on applique depuis 2005 le Gender Recognition Act 200426. 34. Un intéressé qui est majeur peut introduire une demande de ‘gender recognition certificate’ auprès du ‘Gender Recognition Panel’. Le ‘Gender Recognition Panel’ est constitué de médecins, de psychologues et de juristes. L'intéressé doit présenter ou avoir présenté une dysphorie de genre27, avoir vécu pendant deux ans dans le rôle du sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance et avoir l'intention de continuer de vivre dans ce rôle sexuel jusqu'à sa mort (article 2 Gender Recognition Act 2004). 35. L'intéressé doit disposer d'un rapport rédigé par un médecin ou un psychologue actif dans le domaine de la dysphorie de genre et dans lequel le diagnostic de dysphorie de genre est établi. En outre, il faut un rapport d'un médecin actif ou non dans le domaine de la dysphorie de genre. S'il est question d'un traitement en vue d'une modification des caractéristiques sexuelles, celui-ci doit être mentionné dans l'un des rapports (article 3 Gender Recognition Act 2004). La loi n'impose pas à l'intéressé d'avoir subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, ni d'être stérile, ni encore de suivre un traitement hormonal28. 36. Le ‘Gender Recognition Panel’ délivre un ‘gender recognition certificate’ octroyant à l'intéressé le sexe officiel dans lequel il vit (article 9 Gender Recognition Act 2004)29. 24 Par exemple Tribunal Supremo, 17 septembre 2007 (n° 929/2007); 28 février 2008 (n° 158/2008); 6 mars 2008 (n° 182/2008) et 18 juillet 2008 (n° 731/2008), www.poderjudicial.es et T. FREIXES SANJUAN, F. BALAGUER CALLEJON en C. ELIAS MENDEZ, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Spain, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 50. 25 L'article 28 du Gender Recognition Act 2004 précise quelles sont les dispositions applicables dans quelles régions du Royaume-Uni. 26 Gender Recognition Act 2004, www.legislation.gov.uk. 27 Les termes 'dysphorie de genre' font référence à la dysphorie de genre, au trouble de l'identité sexulle et à la transsexualité (article 25 Gender Recognition Act 2004) 28 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 60. 29 “Paragraph 3 ensures that the issue of a gender recognition certificate obliges the Registrar General to make an entry in the Gender Recognition Register and to mark the original entry reffering to the birth (or adoption) of the transsexual person to show that the original entry has been superseded. This will ensure that caution is exercised when an application is received for a certificate from the original birth (or adoption) record. If applicants for a birth certificate provide details of the name recorded on the birth certificate, they will be issued with a certificate from the birth record. If they supply the details recorded on the Gender Recognition Register, they will receive a certificate compiled from the entry in the Gendere Recognition Register. The mark linking the two entries will be chosen carefully to ensure that the fact that an entry is contained in the Gender Recognition Register Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 17 Suède 37. En Suède, des modifications à la loi relative au constat du sexe (Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall) dans certains cas sont applicables depuis 201330. 38. Un intéressé peut demander un changement officiel de sexe auprès du Conseil National de la Santé et du Bien-être (‘Socialstyrelsen’) si l'intéressé (1) a le sentiment depuis longtemps d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance, (2) se comporte depuis un moment conformément à ce sexe et (3) veut continuer à vivre à l'avenir conformément à ce sexe (article 1 Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall). 39. La loi n'exigeait (et n'exige) pas que l'intéressé ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (article 4 Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall). Initialement, la loi posait effectivement pour condition que l'intéressé soit stérile. En 2012, un tribunal administratif (Kammarrätten i Stockholm), statuant dans le cadre d'un recours, a jugé ce dernier critère contradictoire à la Constitution suédoise et à la Convention Européenne des Droits de l'Homme (en particulier aux articles 8 et 14). La Cour estimait que la condition de stérilité ne se justifiait plus. La stérilisation n'était pas effectuée sur une base volontaire, elle était discriminatoire par rapport aux transsexuels et était contraire au droit à l'intégrité physique31. 40. Suite notamment à cette décision, le législateur suédois a supprimé la disposition du Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall qui imposait à l'intéressé d'être stérile pour entrer en ligne de compte pour un changement officiel de sexe. Jurisprudence en Europe Allemagne 41. La loi allemande relative à la transsexualité fixe les conditions pour l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe (appelée ‘grosse Lösung’). Elle exige entre autres (1) que l'intéressé ait la conviction d'appartenir au sexe opposé à celui indiqué dans l'acte de naissance ; (2) que l'intéressé ait l'envie depuis au moins trois ans de vivre conformément au sexe opposé ; (3) qu'il soit très improbable que cette conviction change chez l'intéressé ; (4) que l'intéressé soit stérile de manière permanente et (5) que l'intéressé ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (§ 8 Transsexuellengesetz). Les deux dernières conditions ne s'appliquent pas au changement de prénom (appelé ‘kleine Lösung’) (§ 1 Transsexuellengesetz). is not apparent.” Gender Recognition Bill 2013. Explanatory Notes (Clause 10: Registration), www.publications.parliament.uk. 30 Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall (loi 1972:119 du 21 avril 1972 relative au constat du sexe dans certains cas), www.riksdagen.se. 31 Kamarrätten i Stockholm, 19 décembre 2012 (n° 1968-12), www.kammarrattenistockholm.domstol.se. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 18 42. Le Bundesverfassungsgericht allemand a estimé le 11 janvier 2011 que le critère de stérilité permanente et l'exigence d'avoir subi une intervention de réassignation sexuelle sont contraires à la Constitution allemande et ne peuvent être appliqués32. 43. Le Bundesverfassungsgericht a avancé les considérations suivantes. 32 - Les exigences de stérilité permanente et d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle sont contraires au droit à l'autodétermination sexuelle découlant de l'article 2, alinéa 1er de la Constitution, lu parallèlement à l'article 1, alinéa 1er de la Constitution (l'article 2, alinéa 1er de la Constitution allemande stipule que chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité et l'article 1, alinéa 1er de la Constitution allemande stipule que la dignité de chacun est inviolable). - Les exigences de stérilité permanente et d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle sont contraires au droit à l'intégrité physique évoquée dans l'article 2, 2e alinéa de la Constitution (l'article 2, 2e alinéa de la Constitution allemande stipule que chacun a droit à la vie et à l'intégrité physique). Les exigences de stérilité permanente et d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle constituent une obligation trop conséquente, déraisonnable pour les intéressés, qui leur est imposée par le législateur. - L'exigence d'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle forme une violation grave au principe d'intégrité physique. Cette exigence entraîne des risques pour la santé des intéressés et des risques d'effets indésirables. Selon l'état actuel de la science, il n'est pas toujours indiqué, même en cas de diagnostic approfondi et vérifié de transsexualité, de procéder à une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. La constance et l'irréversibilité du sexe opposé dans lequel vit l'intéressé ne se mesurent pas au degré d'adaptation des caractéristiques sexuelles extérieures par une intervention chirurgicale. Il est plus important de vérifier dans quelle mesure l'intéressé vit dans l'autre rôle sexuel. On exige des personnes transsexuelles qu'elles se soumettent à une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, et qu'elles subissent des dommages pour leur santé, même lorsque ce type d'intervention n'est pas indiqué, pour établir le caractère durable de leur transsexualité. L'exigence inconditionnelle d'une intervention de réassignation sexuelle constitue dès lors une obligation excessive. - De même, l'exigence de stérilité, dans la mesure où celle-ci requiert une intervention chirurgicale, est démesurée. Le législateur veut éviter qu'un homme transgenre accouche d'un enfant et qu'une femme transgenre conçoive un enfant. Cette inquiétude de la part du législateur doit être évaluée par rapport au droit à l'autodétermination sexuelle et au droit à l'intégrité physique. Ces deux droits pèsent davantage dans la balance. D'autant plus qu'il est très rare qu'un homme transgenre accouche d'un enfant ou qu'une femme transgenre conçoive un enfant. En outre, la loi relative à la transsexualité stipule que les liens de filiation existants restent inchangés Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 19 (§ 11 Transsexuellengesetz). Cette vérité peut être extrapolée aux enfants nés après l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe. Malgré l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe, un enfant se verra donc toujours attribuer une mère juridique et un père juridique. 44. Cet arrêt concernait une femme transgenre âgée de soixante-deux ans qui cohabitait avec une partenaire féminine. La femme transgenre avait obtenu un changement de prénom, mais était encore enregistrée officiellement en tant qu'homme vu qu'elle n'avait pas subi d'opération de réassignation sexuelle. Etant donné l'âge de la femme transgenre, une telle intervention n'était pas sans risque. La femme transgenre souhaitait légaliser sa cohabitation avec sa partenaire féminine, mais cette demande lui avait été refusée. Selon la loi allemande, une cohabitation légale ne peut être enregistrée qu'entre personnes officiellement inscrites comme étant de sexe différent. Afin d'obtenir malgré tout une certaine sécurité juridique, la femme transgenre avait été obligée de se marier avec sa partenaire féminine33. Comme les deux épouses portaient un prénom féminin, elles ont été contraintes de reconnaître que l'une d'entre elles était transsexuelle. De ce fait, elles n'ont plus pu prétendre à une vie 'discrète' et 'sans discrimination'. A cet égard, le Bundesverfassungsgericht a notamment évoqué aussi l'atteinte à la vie privée de la femme transgenre34. Italie 45. Conformément à la loi italienne n°164 de 1982, une personne transsexuelle doit introduire une demande à deux reprises auprès du tribunal. La première fois, pour obtenir l'approbation pour une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Et la seconde fois, pour la modification du prénom et de l'enregistrement officiel du sexe35. 46. En 1997, le tribunal de première instance de Rome a estimé qu'une femme transgenre pouvait obtenir une modification de l'enregistrement officiel du sexe sans chirurgie de 33 En Allemagne, le mariage est exclusivement possible entre personnes officiellement enregistrées comme étant de sexe différent. 34 Dans une proposition de loi allemande, il a été suggéré de permettre l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe sans avoir à fournir la preuve d'une opération de réassignation sexuelle ou de stérilité permanente. L'exigence de chirurgie de réassignation sexuelle est dépassée et ne correspond plus à une société reconnaissant des formes de vie pluralistes. Les interventions chirurgicales sont lourdes et contraires au principe d'intégrité physique. Elles impliquent des risques pour la santé et peuvent même engager le pronostic vital. Pour les intéressés, elles constituent un frein trop important au déploiement de leur identité. L'exigence de stérilité est désuette étant donné que le législateur autorise l'adoption coparentale dans le cadre de la cohabitation légale de deux hommes ou deux femmes et reconnaît ainsi qu'un enfant peut avoir deux pères ou deux mères. Voir: Entwurf eines Gesetzes über die Änderung der Vornamen und die Feststellung der Geschlechtszugehörigkeit, Deutscher Bundestag, 16 juin 2010, n° 17/221. 35 M. CARTABIA, E. CRIVELLI, E. LAMARQUE et D. TEGA, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Italy, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 22. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 20 réassignation sexuelle. L'intéressée était très malade et n'avait selon toute probabilité plus longtemps à vivre36. 47. Dans la jurisprudence récente, par référence au jugement du tribunal de première instance de Rome de 1997, la modification de l'enregistrement officiel du sexe a été de plus en plus souvent autorisée sans intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Le tribunal de première instance de Rome a jugé dans un arrêt du 11 mars 2011, ayant trait à une femme transgenre, qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'était pas requise. Le tribunal a fait remarquer que l'identité sexuelle était non seulement liée aux caractéristiques sexuelles extérieures, mais aussi aux facteurs psychosociaux. L'intéressée n'envisageait en aucun cas de renoncer à ses propres organes sexuels et une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'était pas nécessaire aux yeux de l'intéressée pour trouver un bon équilibre entre l'apparence physique et le bien-être psychique. Le tribunal a par ailleurs souligné que le traitement hormonal suivi par l'intéressée avait fortement réduit sa capacité de procréation37. Le tribunal de première instance de Rovereto a également jugé, dans un arrêt du 3 mai 2013, concernant une femme transgenre, qu'une opération de réassignation sexuelle n'était pas requise. Le tribunal s'est basé sur des arguments similaires38. Autriche 48. En Autriche, il n'existe pas de loi spécifique sur la transsexualité. Un changement de prénom et de l'enregistrement officiel du sexe est possible sur la base du Personenstandsgesetz et du Namensrechtänderungsgesetz39. 49. Le Verwaltungsgerichtshof autrichien a estimé le 27 février 2009 qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ne constituait pas une exigence pour la modification de l'enregistrement officiel du sexe. Une femme transgenre vivait déjà depuis de longues années dans le rôle du sexe opposé. Elle suivait une psychothérapie, s'était fait épiler la barbe et suivait un traitement hormonal. Elle n'avait pas opté pour la chirurgie de réassignation sexuelle. La femme transgenre avait argué qu'elle occupait une fonction de dirigeante dans une entreprise internationale. L'absence prolongée qu'aurait exigée l'intervention de réassignation sexuelle aurait mené à son licenciement. La femme transgenre ne pouvait courir le risque d'être licenciée et, ainsi, de perdre sa place dans la société. Comme elle n'avait pas 36 M. CARTABIA, E. CRIVELLI, E. LAMARQUE et D. TEGA, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Italy, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 22-23. 37 Tribunale di Roma 11 mars 2011 (n° 5896). 38 Tribunale di Rovereto 3 mai 2013 (n° 194/13). 39 M. NOWAK, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Austria, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 26-28. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 21 subi d'intervention chirurgicale de réassignation sociale, l'officier de l'état civil de la ville de Vienne avait refusé d'adapter l'enregistrement officiel de son sexe. Le Verwaltungsgerichtshof s'est référé à sa jurisprudence antérieure dans laquelle il avait été établi qu'une personne devait être considérée comme appartenant au sexe auquel correspondait son apparence extérieure si (1) cette personne avait l'intime conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance ; (2) cette personne avait subi des interventions de réassignation sexuelle tendant à se rapprocher manifestement de l'apparence extérieure du sexe opposé et (3) cette personne avait toutes les probabilités de rester convaincue d'appartenir à l'autre sexe. Le Verwaltungsgerichtshof s'est également basé sur l'article 8 de la CEDH garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. Le droit à la vie privée inclut notamment la liberté de tout un chacun de vivre son orientation sexuelle. Selon le Verwaltungsgerichtshof, une lourde intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ne formait pas une condition indispensable pour pouvoir parler de rapprochement manifeste de l'apparence extérieure du sexe opposé. Il faut également tenir compte des composantes psychiques pour évaluer l'appartenance à un sexe défini. “Ist dieses Zugehörigkeitsempfinden aller Voraussicht nach weitgehend irreversibel und nach aussen in der Form einer deutliche Annäherung an das äussere Erscheinungsbild des anderen Geschlechts zum Ausdruck gekommen, ist der österreichischen Rechtsordnung kein Hindernis zu entnehmen, das eine personenstandsrechtliche Berücksichtigung des für die Allgemeinheit relevanten geslechtsspezifischen Auftretens hindern würde40.” 50. Le Verwaltungsgerichtshof a affirmé le 15 septembre 2009, sur la base d'arguments comparables, que la chirurgie de réassignation sexuelle ne constituait pas un critère pour le changement de prénom. Il s'agissait dans cette affaire de la même femme transgenre que celle concernée par l'arrêt du 27 février 200941. 51. Voyant que le ministère autrichien des affaires intérieures refusait de se conformer à la décision du Verwaltungsgerichtshof, et avait à nouveau mis en exergue la condition de chirurgie de réassignation sexuelle dans une communication datée du 27 octobre 2009, le Verwaltungsgerichtshof a prononcé un nouveau jugement le 17 février 2010. Le Verwaltungsgerichtshof s'est référé à ses arrêts précédents et a jugé que la communication était contraire au droit42. 52. Le Verfassungsgerichtshof autrichien s'est également prononcé au sujet du critère d'intervention de réassignation sexuelle. Il a jugé le 3 décembre 2009 qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'était pas indispensable pour accorder un changement de l'enregistrement officiel du sexe. La décision de refus du changement de l'enregistrement officiel du sexe d'une femme transgenre parce que l'intéressée n'avait pas subi d'intervention de réassignation sexuelle était contradictoire, selon le Verfassungsgerichtshof, au principe 40 41 42 Verwaltungsgerichtshof 27 février 2009 (n° 2008/017/0054), www.ris.bka.gv.at. Verwaltungsgerichtshof 15 septembre 2009 (n° 2008/06/0032), www.ris.bka.gv.at. Verwaltungsgerichtshof 17 février 2010 (n° 2009/17/0263), www.ris.bka.gv.at. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 22 d'égalité garanti par la Constitution. L'intéressée avait introduit un recours auprès du ‘Landeshauptmann von Oberösterreich’ contre une décision prise par l'officier de l'état civil de Linz. Ce dernier avait refusé de modifier l'enregistrement officiel du sexe pour manque de preuve attestant d'une chirurgie de réassignation sexuelle. D'après l'officier de l'état civil, l'intéressée n'avait pas fourni de pièce justificative émanant d'un expert en matière de transsexualité ou d'un médecin indépendant. Par conséquent, il n'était pas possible de prendre une décision étant donné que les pièces introduites par l'intéressée ne permettaient pas d'évaluer s'il était question d'un rapprochement manifeste de l'apparence extérieure du sexe opposé. Le recours a été refusé par le ‘Landeshauptmann von Oberösterreich’. Le Verfassungsgerichtshof a jugé qu'il s'agissait là d'une décision arbitraire et donc d'une violation du principe d'égalité, parce que l'officier de l'état civil avait exigé à tort une preuve émanant d'un expert en matière de transsexualité ou d'un médecin indépendant. Ce faisant, l'officier de l'état civil avait inversé la charge de la preuve et manqué d'examiner s'il était question d'un rapprochement manifeste de l'apparence extérieure du sexe opposé et si ce rapprochement avait toutes les probabilités de ne plus changer à l'avenir43. Future législation en Europe Irlande 53. En juillet 2013, le ministre irlandais de la Protection Sociale (‘minister for Social Protection’) a publié un schéma général pour le Gender Recognition Bill 201344. Le projet de loi a été défendu par le conseil des ministres irlandais et a été soumis à discussion au Parlement irlandais. Le législateur irlandais est contrait d'élaborer un règlement légal suite au jugement prononcé par la Cour suprême irlandaise45. 54. L'intéressé peut adresser une demande de modification de l'enregistrement officiel du sexe au ministre de la Protection Sociale (article 4 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Il doit répondre à un certain nombre de conditions. Ainsi, l'intéressé doit être majeur (article 5 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). L'intéressé doit déclarer avoir la ferme intention de continuer de vivre dans le sexe opposé pendant le restant de sa vie. Le médecin (‘primary treating physician’) de l'intéressé doit confirmer que l'intéressé suit ou a suivi un processus de transition et qu'il comprend pleinement les implications de sa décision de vivre de manière permanente dans le rôle du sexe opposé (article 6 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Selon le projet de loi, aucun détail n'est demandé au sujet du traitement (et donc au sujet des antécédents médicaux ou de l'existence d’un diagnostic déterminé). L'intéressé ne doit pas non plus prouver qu'il ou elle 43 44 45 Verfassungsgerichtshof 3 december 2009 (n° B 1973/08-13), www.ris.bka.gv.at. General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013, www.welfare.ie. High Court 19 octobre 2007 (Foy v. An t-Ard Chláraitheoir & Ors, n° IEHC 470),www.courts.ie. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 23 a vécu pendant un certain temps dans le rôle du sexe opposé, tel que recommandé par un groupe consultatif (‘Gender Recognition Advisory Group’)46. 55. Si toutes les conditions légales sont satisfaites, le ministre de la Protection Sociale délivre un ‘gender recognition certificate’ contenant le nom complet et le nouvel enregistrement officiel du sexe de l'intéressé (article 8 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Le ministre de la Protection Sociale avise l'agent compétent (‘an tArd-Chláraitheoir’47), qui conserve un ‘gender recognition register’ (non public) et qui prend contact avec l'intéressé dans le but de modifier ses données personnelles et d'émettre un nouvel acte de naissance (articles 8, 9 et 12 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Le règlement prévoit également une procédure d'appel auprès du tribunal contre la décision du ministre de la Protection Sociale et la pénalisation des fausses déclarations (articles 17 et 20 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). 56. Le projet de loi irlandais prend pour point de départ la déclaration de l'intéressé. Il n'exige pas que le diagnostic de dysphorie de genre ait été posé, ni que l'intéressé ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Le médecin de l'intéressé doit par contre encore attester que l'intéressé suit ou a suivi un processus de transition. De ce fait, le projet de loi comporte encore une évaluation médicale. Dans une proposition de loi, introduite par un sénateur irlandais, on suggère d'éviter toute évaluation médicale. Selon cette proposition de loi, l'intéressé doit uniquement introduire une déclaration incluant la définition de l'identité de genre, la confirmation de l'intention de vivre de façon permanente selon cette identité de genre et le ou les prénom(s) que cette personne souhaite avoir. Les données personnelles de l'intéressé sont ensuite adaptées en conséquence. La proposition de loi se réfère à cet égard au droit à l'intégrité physique et aux recommandations du Commissaire aux Droits de l'Homme au Conseil de l'Europe48. Pays-Bas 57. La Deuxième Chambre néerlandaise a approuvé le 9 avril 2013 une proposition de Modification du Livre 1er du Code civil et de la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en 46 DEPARTMENT OF SOCIAL PROTECTION, “Bill will provide for State recognition of the acquired gender of transgender people”, 17 juillet 2013, www.welfare.ie en GENDER RECOGNITION ADVISORY GROUP, Report to Joan Burton, T.D., Minister for Social Protection, Dublin, Gender Recognition Advisory Group, 2011, 33. 47 ‘Registrar General’. 48 Legal Recognition of Gender Bill 2013, House of Oireachtas 2 juillet 2013 (n° 75), www.oireachtas.ie. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 24 matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance49. La modification de la loi est actuellement à l'examen au sein de la Première Chambre50. 58. Le mineur d'âge âgé de seize ans51 ou plus, et qui a la conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance, peut déclarer cette conviction à l'officier de l'état civil (nouvel article 28 Code civil). Au moment de cette déclaration, il doit fournir une attestation d'un expert52 délivrée au minimum six mois avant la date de la déclaration (nouvel article 28a Code civil). L'attestation doit démontrer (1) que l'intéressé a déclaré à l'expert avoir la conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance ; (2) que l'intéressé a visiblement compris l'information de l'expert au sujet de la portée et du sens de cet état et (3) que l'intéressé a bien considéré son souhait de modifier la mention du sexe dans son acte de naissance. L'expert ne peut délivrer d'attestation s'il a une bonne raison de douter du bien-fondé de la conviction de l'intéressé (nouvel article 28a Code civil). Sur la base de l'attestation et de la déclaration, l'officier de l'état civil ajoute à l'acte de naissance une mention ultérieure de changement de sexe. Eventuellement, il peut aussi procéder au changement des prénoms de l'intéressé (nouvel article 28b Code civil). 59. La nouvelle législation néerlandaise n'exigera plus que l'intéressé soit stérile, ou qu'il ait subi une réassignation sexuelle (pour autant que la demande soit justifiée du point de vue médical et psychologique). Il suffit que la conviction de l'intéressé soit de nature permanente et que celle-ci soit confirmée par un expert53. 60. D'après le législateur néerlandais, l'intervention d'un expert ne se justifie pas par le fait que la dysphorie de genre serait une anomalie ou un trouble médical. Selon lui, l'intervention est utile et indispensable54. Le point de départ est le ‘consentement éclairé’ ou l'autodiagnostic de l'intéressé. L'expert n'a pas pour tâche de définir l'identité de genre de l'intéressé. Seul l'intéressé peut le faire. L'expert, quant à lui, confirme uniquement la conviction durable de l'identité de genre et le fait que cette conviction n'est pas induite par 49 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351), www.tweedekamer.nl. 50 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance, Eerste Kamer 2012-2013 (n° 33351), www.eerstekamer.nl. 51 Le mineur de seize ans ou plus est capable de faire cette déclaration pour lui-même et d'intervenir en la matière dans et en dehors des tribunaux (nouvel article 28 du Code civil). 52 L'expert est désigné en vertu d'une mesure générale d'administration. 53 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 1, www.tweedekamer.nl. 54 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 3-4, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 25 un trouble psychique. L'accent est placé sur le constat des capacités mentales et du caractère durable et bien considéré du souhait. L'expert a aussi le devoir d'informer suffisamment l'intéressé sur ce que signifie dans la pratique et dans la vie quotidienne d'appartenir durablement au sexe opposé et de vivre conformément à cet autre sexe55. 61. Si l'intéressé veut revenir ultérieurement sur la modification de l'enregistrement officiel du sexe, il faut à nouveau un rapport d'expert. Ceci devrait contribuer à réduire les revirements56. 62. L'officier de l'état civil vérifie si l'expert fait partie des experts compétents pour délivrer une attestation en la matière et si l'attestation répond à tous les critères de forme. L'officier de l'état civil peut refuser une déclaration si l'attestation de l'expert ne provient pas d'un expert compétent ou si aucune attestation d'expert n'a été remise. Il est possible de faire appel de la décision de l'officier de l'état civil devant un tribunal. La tâche de l'officier de l'état civil ne consiste pas à évaluer la valeur intrinsèque de la déclaration de l'intéressé57. Autres développements en Europe 63. En France, on a introduit en 2011 une proposition de loi visant à permettre la modification de l'enregistrement officiel du sexe par le biais d'une demande adressée au président du tribunal de première instance. L'intéressé pourrait simplement s'adresser au président du tribunal de première instance, accompagné de trois témoins (de son choix) confirmant que l'intéressé agit de bonne foi. Les témoins ne peuvent être des ascendants ou des descendants de l'intéressé, mais par exemple des parents collatéraux. Sauf abus manifeste, le tribunal ordonne la modification de l'enregistrement officiel du sexe. Les auteurs de la proposition de loi estiment que les conséquences sociales d'une modification de l'enregistrement officiel du sexe sont telles qu'elles découragent les abus. Par ailleurs, la proposition de loi prévoit la possibilité pour le ministère public de lutter contre les abus. Les auteurs de la proposition de loi ne perçoivent aucune contradiction par rapport au principe d'indisponibilité de l'état de la personne : “Or, la présente proposition de loi ne propose en rien de modifier le sexe biologique de l’individu reconnu à sa naissance et 55 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 2, www.tweedekamer.nl. 56 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 3, www.tweedekamer.nl. 57 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Avis du Conseil d'Etat et rapport détaillé, Tweede Kamer 2012-2013 (n°33351/4), 3, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 26 indiqué dans l’acte de l’état civil. Il s’agit ici de rectifier le genre de l’individu qui constate que son genre ne correspond pas à son sexe biologique58.” 64. Le 24 mai 2012, la Cour d'Appel de Chisinau en Moldavie a affirmé qu'une modification de l'enregistrement officiel du sexe est possible sur la base d'un rapport psychiatrique et sans intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Selon la Cour d'Appel, une intervention chirurgicale est onéreuse et s'accompagne d'une longue période de rétablissement. De plus, tous les types d'interventions chirurgicales ne sont pas accessibles en Moldavie59. 65. En Pologne, une modification de l'enregistrement officiel du sexe est possible au terme d'une procédure longue et complexe devant le tribunal. Les parents de l'intéressé sont eux aussi appelés à comparaître. L'intéressé doit répondre à de nombreux critères. Ainsi, il faut un diagnostic de trouble de l'identité de genre, il faut passer (en principe) par une période d'essai de deux ans et l'intéressé doit suivre un traitement hormonal. Il doit aussi y avoir des indications selon lesquelles le changement de sexe sera irréversible ou il doit être question d'une intervention chirurgicale (mastectomie). En revanche, l'intéressé ne doit pas être stérile. L'article 156 du Code pénal polonais pénalise la stérilisation. Dès lors, une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, menant à une stérilité irréversible, ne pourrait dans la pratique être réalisée qu'après la décision d'un juge autorisant le changement officiel de sexe (car l'intervention serait alors considérée comme une nécessité médicale dans le but d'adapter les caractéristiques physiques de l'intéressé au sexe officiel)60. 66. En Suisse, la Cour d'Appel du canton de Zurich a estimé le 1er février 2011 qu'une modification de l'enregistrement officiel du sexe d'une femme transgenre était également possible à titre exceptionnel sans intervention chirurgicale de réassignation sexuelle et à défaut de preuve de stérilité irréversible. L'intéressée vivait déjà depuis plusieurs années sous les traits d'une femme et était aussi considérée par son entourage comme une femme. De plus, l'intéressée suivait un traitement hormonal déjà depuis longtemps, ce qui l'avait rendue stérile. Au vu des circonstances, la Cour d'Appel a déduit que l'intéressée continuerait à prendre des hormones de manière permanente et resterait par conséquent stérile. En ce sens, la condition de stérilité permanente était remplie, même si celle-ci n'était pas irréversible61. 58 Proposition de loi visant à la simplification de la procédure de changement de la mention du sexe dans l’état civil, Assemblée Nationale 22 décembre 2011 (n° 4127), www.assemblee-nationale.fr. 59 GENDERDOC-M INFORMATION CENTRE, “Groundbreaking strategic legal victory for transgender people in Moldova”, www.ilga-europe.org. 60 A. BODNAR, A. GLISZCZYNSKA-GRABIAS, K. SEKOWSKA-KOZLOWSKA en A. SLEDZINSKA-SIMON, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Poland, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 62 en W. DYNARSKI, “Gender gatekeepers – gatekeeping in the context of experiences of people correcting gender in Poland”, dans M. MAKUCHOWSKA et M. PAWLEGA (éd.), Situation of LGBT persons in Poland, Warschau, Campaign Against Homophobia, 2012, 290-291. 61 Obergerichts des Kantons Zürich 1er février 2011 (n° NC090012/U), www.gerichte-zh.ch. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 27 67. D'après une étude d'ILGA-Europe, en Finlande, le critère de stérilité de la loi relative à la transsexualité serait interprété dans la pratique de telle manière qu'un traitement hormonal suffirait62. 68. Selon une étude du Commissaire aux Droits de l'Homme au sein du Conseil de l'Europe, en Russie, il n'y aurait aucune base légale imposant la stérilité irréversible. Certaines autorités et certains tribunaux l'exigeraient néanmoins63. Développements en dehors de l'Europe Argentine 69. En Argentine, une loi relative à l'identité de genre (Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas) est entrée en vigueur en 201264. 70. La loi argentine stipule que tout un chacun a droit (1) à la reconnaissance de son identité de genre ; (2) au libre épanouissement personnel suivant son identité de genre et (3) au traitement et à l'identification conformément à son identité de genre (article 1 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). Dans la définition65 de l'identité de genre il est explicitement mentionné qu'il peut être question d'une modification des caractéristiques physiques extérieures ou des fonctions physiques, par des moyens pharmacologiques, chirurgicaux ou autres, pour autant que le choix de cette modification ait été fait librement. Selon la loi, l'identité de genre comprend aussi d'autres expressions de genre comme les vêtements, la façon de parler et le comportement (article 2 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 71. En cas de contradiction avec l'identité de genre perçue par lui, chacun peut demander une modification de l'enregistrement officiel du sexe, ainsi que du prénom et de la photo (article 3 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). Pour ce faire, l'intéressé doit s'adresser au (bureau local du) Registre national (‘Registro Nacional de las 62 S. AGIUS, R. KÖHLER, S. AUJEAN en J. EHRT, Human Rights and Gender Identity. Best Practice Catalogue, Brussel, ILGA-Europe, 2011, 24. Selon une étude de la Fundamental Rights Agency, l'on pourrait même échapper à la condition de traitement hormonal, d'après EUROPEAN UNION FUNDAMENTAL RIGHTS AGENCY, Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation in the EU Member States: Part I – Legal Analysis, Vienne, Fundamental Rights Agency, 2008, 133. 63 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, Straatsburg, Council of Europe, 2011, 87. 64 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas (loi n° 26.743 du 9 mai 2012 relative à l'identité de genre), www.boletinoficial.gob.ar. 65 “Par identité de genre on entend la perception interne et individuelle du genre telle que chaque personne la ressent, et qui peut ou non correspondre au sexe attribué au moment de la naissance, à l'inclusion de la perception personnelle du corps. Ceci peut induire une modification de l'apparence ou de la fonction physique par des moyens pharmacologiques, chirurgicaux ou autres, pour autant que le choix de cette modification ait été fait librement. Ceci implique également d'autres moyens d'expression de genre comme les vêtements, la façon de parler et le comportement.”(article 2 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 28 Personas’). La loi stipule explicitement que l'on ne peut demander aucune preuve d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (complète ou partielle), de traitement hormonal ou de tout autre traitement psychologique ou médical (article 1 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas)66. L'agent qui reçoit la demande doit procéder à la modification de l'enregistrement officiel du sexe et du prénom sans procédure légale ou administrative complémentaire. L'intéressé reçoit un nouvel acte de naissance et une nouvelle carte d'identité (article 6 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 72. Une fois les adaptations effectuées, elles ne peuvent plus être modifiées qu'après l'intervention d'un tribunal (article 8 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 73. La loi argentine relative à l'identité de genre garantit entre autres l'accès aux interventions chirurgicales ou aux traitements hormonaux sans approbation judiciaire ou administrative préalable (article 11 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas)67. Uruguay 74. En Uruguay, une loi relative à l'identité de genre (Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios) est d'application depuis 200968. 75. La loi garantit à tout un chacun le droit au libre épanouissement de son identité de genre et à l'identification conformément à son identité de genre (article 1 Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios). Chacun peut demander une modification de son prénom et/ou son sexe, par le biais d'une procédure devant le tribunal (‘Juzgados Letrados de Familia’), pour autant que le prénom et/ou le sexe actuel(s) ne corresponde(nt) pas à l'identité de genre de l'intéressé et ce depuis au moins deux ans. La loi stipule explicitement qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'est pas requise (articles 3 et 4 Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios). La loi exige en revanche l'introduction d'un rapport technique élaboré par une équipe pluridisciplinaire spécialisée. La loi précise qu'il faut tenir compte de témoignages de personnes qui partagent la vie quotidienne de l'intéressé et de prestataires professionnels (sur le plan social, mental et physique) (article 4 Ley 66 L'intéressé doit être majeur. Pour les mineurs, on a développé une procédure distincte exigeant l'intervention de leur(s) représentant(s) légal/légaux et d'un avocat (article 5 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 67 Pour les mineurs, en cas d'intervention chirurgicale, l'intervention du tribunal est obligatoire (article 11 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 68 Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios (loi n° 18.620 du 25 octobre 2009 relative au droit à l'identité de genre et au changement de prénom et sexe dans les documents d'identité), www.parlamento.gub.uy. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 29 derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 30 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 31 3. Contexte international des droits de l'homme Généralités 76. En ce qui concerne la protection internationale des droits de l'homme des personnes transgenres, on observe une nette tendance à faire une distinction très claire entre les critères légaux pour le changement officiel de sexe et les interventions médicales. Tant au niveau des Nations Unies, que du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, il existe à cet égard des prises de position évidentes. Par ailleurs, les principes de Yogyakarta ont été lancés en guise de référence pour la protection internationale des droits de l'homme. Principes de Yogyakarta 77. Les principes de Yogyakarta69 ont été élaborés en 2006 par un groupe de travail international d'éminents experts en matière de droits de l'homme. Au travers des vingt-neuf principes, les droits de l'homme sont déclinés en termes d'orientation sexuelle et d'identité de genre. Les principes de Yogyakarta font office de manuel pratique sur la façon dont les Etats peuvent protéger les droits des lesbigays et bisexuels, ainsi que des transgenres. Ce rôle de manuel pratique est de plus en plus reconnu. Plusieurs textes et déclarations des Nations Unies, du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne font également référence aux principes de Yogyakarta70. Les gouvernements notamment danois, allemand, finlandais, islandais, néerlandais, norvégien et suédois soutiennent les principes de Yogyakarta-71. La Cour suprême de New Delhi (Inde) a fait référence aux principes de Yogyakarta dans un arrêt révolutionnaire72. 69 Une version en néerlandais est disponible sur: www.ypinaction.org/files/01/35/Yogyakarta_Principles_NL_versie.pdf. 70 Par exemple : COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 8; COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON EQUALITY AND NON-DISCRIMINATION, Putting an end to coercive sterilisations and castrations. Committee Opinion, 26 juin 2013 (n° Doc. 13252), 3; EUROPEAN PARLIAMENT DIRECTORATE-GENERAL FOR INTERNAL POLICIES. POLICY DEPARTMENT CITIZEN’S RIGHTS AND CONSTITUTIONAL AFFAIRS, Transgender Person’s Rights in the EU Member States. Note, Bruxelles, Policy Department C (Citizen’s Rights and Constitutional Affairs), 2010, 5 et UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 8. 71 P. BORGHS, “België en de Yogyakarta-principes”, De Juristenkrant 10 avril 2013, 16 et M. O’FLAHERTY et J. FISHER, “Sexual Orientation, Gender Identity and International Human Rights Law: Contextualising the Yogyakarta Principles”, Human Rights Law Review 2008, 207-248. 72 High Court of Delhi at New Delhi 2 juillet 2009 (Naz Foundation v. Government of NCT of Delhi, n° 7455/2001), www.delhihighcourt.nic.in. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 32 78. Le Parlement flamand a approuvé en 2008 une proposition de résolution invitant le gouvernement flamand à défendre activement les principes de Yogyakarta73. Le Sénat a quant à lui approuvé en 2012 une proposition de résolution dans laquelle le gouvernement fédéral était appelé à souscrire à et à appliquer les principes de Yogyakarta74. Le plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes, proposé en janvier 2013, inclut l'engagement des législateurs belges à souscrire aux principes de Yogyakarta, à les (faire) appliquer et à les (faire) défendre activement75. 79. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité est contraire aux troisième et dixhuitième principes de Yogyakarta. Selon le troisième principe (‘Le droit à la reconnaissance devant la loi’), personne ne peut être forcé de subir un traitement médical, tel qu'une opération de réassignation sexuelle, une stérilisation ou une thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de l'identité de genre76. Suivant le dix-huitième principe 73 VLAAMS PARLEMENT, Voorstel van resolutie betreffende een geïntegreerde gelijkekansenbeleid voor holebi’s en het actief uitdragen van de Jogjakartaprincipes op internationaal niveau, 2007-2008, n° 1685 (“De 29 Jogjakartaprincipes te ondertekenen en mee uit te dragen op internationaal niveau.”). 74 SENAT BELGE, Proposition de résolution relative aux principes de Jogyakarta sur l'application des droits humains en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre, 2012-2013, n° 1847 (“De souscrire aux principes de Jogyakarta et d'en appliquer pleinement les dispositions dans tous les domaines de la vie publique et privée afin de mettre un terme à la discrimination basée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre.”). 75 Plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes, 31 janvier 2013, 6 (“Les législateurs belges d'engagent à souscrire aux principes de Yogyakarta, à les (faire) appliquer et à les (faire) défendre activement.”). 76 PRINCIPE 3 LE DROIT A LA RECONNAISSANCE DEVANT LA LOI Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Les personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre jouiront d’une capacité juridique dans tous les aspects de leur vie. L’orientation sexuelle et l’identité de genre définies par chacun personnellement font partie intégrante de sa personnalité et sont l’un des aspects les plus fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. Personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre. Aucun statut, tels que le mariage ou la condition de parent, ne peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance légale de l’identité de genre d’une personne. Personne ne sera soumis à de la pression pour dissimuler, supprimer ou nier son orientation sexuelle ou son identité de genre. Les Etats devront : A. Garantir que toutes les personnes se voient accordées une capacité juridique dans les affaires civiles, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, ainsi que la possibilité d’exercer cette capacité, y compris un droit égal à conclure des contrats, et à administrer, posséder, acquérir (y compris par héritage), gérer, jouir et disposer de biens ; B. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour respecter pleinement et reconnaître légalement l’identité de genre telle que chacun l’a définie pour soi-même ; C. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour assurer l’existence de procédures par lesquelles tous les documents émis par l’État indiquant l’identité de genre d’une personne — y compris les certificats de naissance, les passeports, les registres électoraux et d’autres documents — reflètent l’identité de genre profonde telle que definie par chacun pour soi-même ; D. Garantir que de telles procédures soient efficaces, équitables et non discriminatoires, et qu’elles respectent la dignité et la vie privée de la personne concernée ; Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 33 (‘Protection contre les abus médicaux’), personne ne peut être forcé de subir une quelconque forme de traitement, de protocole ou de test médical ou psychologique (...) en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. En dépit de toute classification allant dans le sens contraire, l'orientation sexuelle et l'identité de genre d'une personne ne sont pas en soi des maladies et ne doivent pas être traitées, soignées ou supprimées77. 80. Le dix-septième principe (‘Le droit au plus haut niveau possible de santé’) appelle entre autres à faciliter l'accès des personnes désireuses de subir des modifications corporelles liées à une réassignation de sexe, à un traitement, à des soins et à un soutien adéquats et non discriminatoires78. E. Garantir que les modifications apportées aux documents d’identité soient reconnues dans toutes les situations où l’identification ou la catégorisation des personnes en fonction du sexe est requise par la loi ou une politique ; F. Mettre en place des programmes ciblés afin d’apporter un soutien social à toutes les personnes subissant une transition ou une réassignation de sexe. 77 PRINCIPE 18 PROTECTION CONTRE LES ABUS MEDICAUX Nul ne peut être forcé de subir une quelconque forme de traitement, de protocole ou de test médical ou psychologique, ou d’être enfermé dans un établissement médical, en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. En dépit de toute classification allant dans le sens contraire, l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne ne sont pas en soi des maladies et ne doivent pas être traitées, soignées ou supprimées. Les Etats devront : A. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir une protection complète contre les pratiques médicales nuisibles qui se rapportent à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, y compris celles fondées sur des stéréotypes, dérivés ou non de la culture, ayant trait au comportement, à l’apparence physique ou à des normes de genre perçues ; B. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir qu’aucun enfant ne voie son corps irréversiblement altéré par des pratiques médicales visant à lui imposer une identité de genre sans le consentement total, libre et averti de l’enfant, conformément à son âge et à sa maturité, et suivant le principe selon lequel, dans toutes les situations impliquant des enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ; C. Établir des mécanismes de protection de l’enfant qui fassent en sorte qu’aucun enfant n’encoure un risque de, ou ne soit sujet à, des abus médicaux ; D. Garantir la protection des personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre contre les pratiques ou les recherches médicales contraires à l’éthique ou non désirées, y compris celles en relation avec les vaccins, les traitements ou les microbicides contre le VIH/SIDA ou d’autres maladies ; E. Revoir et amender tous les critères ou programmes de financement du secteur de la santé, y compris ceux portés sur l’aide au développement, qui peuvent promouvoir, faciliter ou, de toute autre façon, rendre possibles de tels abus ; F. Garantir qu’aucun traitement ou conseil, médical ou psychologique, n’aborde, explicitement ou implicitement, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre comme des maladies devant être traitées, soignées ou supprimées. 78 PRINCIPE 17 LE DROIT AU PLUS HAUT NIVEAU POSSIBLE DE SANTE Toute personne a droit au plus haut niveau possible de santé physique et mentale, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. La santé sexuelle et reproductive est un aspect fondamental de ce droit. Les Etats devront : Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 34 Nations Unies : Rapport du Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants 81. Le Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a fait état le 1er février 2013 au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies de certaines formes d'abus dans les ‘health-care settings’. Il s'agit d'abus où un seuil de maltraitance a été dépassé et qui peut être assimilé à de la torture ou à des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants79. Initialement, la torture était uniquement considérée dans le contexte des interrogatoires, des punitions et de l'intimidation de prisonniers, mais la communauté internationale reconnaît depuis que la torture peut également survenir dans d'autres contextes80. A. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir la jouissance du droit au plus haut niveau possible de santé, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ; B. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir que toutes les personnes aient accès aux établissements, aux biens et aux services de soins de santé, y compris en ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive, et qu’elles aient accès à leurs propres dossiers médicaux, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ; C. Garantir que les établissements, les biens et les services de soins de santé soient conçus pour améliorer l’état de santé et répondre aux besoins de tous, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, qui seront par ailleurs prises en compte, et que les dossiers médicaux soient à cet égard traités avec confidentialité ; D. Développer et mettre en application des programmes qui abordent le problème de la discrimination, des préjugés et d’autres facteurs sociaux qui sapent la santé de certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ; E. Garantir que toutes les personnes soient informées et aient le pouvoir de prendre leurs propres décisions concernant les traitements et les soins médicaux dont elles peuvent bénéficier, sur la base d’un consentement véritablement informé, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ; F. Garantir que tous les programmes et services d’éducation, de prévention, de soins et de traitement en matière de santé sexuelle et reproductive respectent la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre, et qu’ils soient accessibles à toutes les personnes de manière égale, sans discrimination ; G. Faciliter l’accès des personnes désireuses de subir des modifications corporelles liées à une réassignation de sexe, à un traitement, des soins et un soutien compétents et non discriminatoires ; H. Garantir que tous les fournisseurs de soins de santé traitent leurs patients et leurs partenaires sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, y compris en ce qui concerne la reconnaissance d’une personne en tant que parent le plus proche ; I. Adopter les politiques et les programmes d’éducation et de formation nécessaires pour permettre aux personnes travaillant dans le secteur des soins de santé de fournir à tous le plus haut niveau possible de soins de santé, avec un respect total pour l’orientation sexuelle et l’identité de genre de chacun. 79 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 23 p. 80 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 4. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 35 82. Dans son rapport, le Rapporteur Spécial évoque la situation de certains groupes minoritaires parmi lesquels les personnes transgenres : “In many countries transgender persons are required to undergo often unwanted sterilization surgeries as a prerequisite to enjoy legal recognition of their preferred gender81.” 83. Dans les recommandations qui accompagnent le rapport, le Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants appelle dès lors tous les Etats à interdire dans toutes les circonstances toute forme de stérilisation appliquée (de manière imposée) et à offrir une protection particulière aux groupes minoritaires : “The Special Rapporteur calls upon all States to repeal any law allowing intrusive and irreversible treatments, including forced genital-normalizing surgery, involuntary sterilisation, unethical experimentation, medical display, “reparative therapies” or “conversion therapies”, when enforced or administered without the free and informed consent of the person concerned. He also calls upon them to outlaw forced or coerced sterilization in all circumstances and provide special protection to individuals belonging to marginalized groups82.” 84. Le Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se réfère à cet égard notamment à la jurisprudence dans certains pays européens : “Some domestic courts have found that not only does enforced surgery result in permanent sterility and irreversible changes to the body, and interfere in family and reproductive life, it also amounts to a severe and irreversible intrusion into a person’s physical integrity”. Se référant à la jurisprudence suédoise, il fait remarquer que “a forced sterilization requirement to intrude into someone’s physical integrity could not be seen als voluntary83.” Conseil de l'Europe: Issue Paper ‘Human Rights and Gender Identity’ du Commissaire aux droits de l'homme 85. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a publié le 29 juillet 2009 un Issue Paper ‘Human Rights and Gender Identity’84. Le Commissaire aux droits de l'homme constate que les droits humains des personnes transgenres ont été longtemps niés et négligés. Or, ces personnes sont confrontées à des problèmes graves, et souvent spécifiques. Les personnes transgenres sont victimes de beaucoup de discrimination, d'intolérance et 81 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 19. 82 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 23. 83 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 19. 84 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 19 p. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 36 d'agression ouverte. Leurs droits humains fondamentaux sont violés, en ce compris le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique et le droit à la santé85. 86. En ce qui concerne le changement de prénom et le changement de l'enregistrement officiel du sexe, le Commissaire aux droits de l'homme souligne que les critères dits médicaux sont clairement contradictoires au principe de respect de l'intégrité physique. Il s'agit (1) des interventions chirurgicales de réassignation sexuelle ; (2) de la stérilité irréversible consécutive à une intervention chirurgicale et (3) d'autres procédures médicales telles que le traitement hormonal. 87. Selon le Commissaire aux droits de l'homme, il est inquiétant de voir que les personnes transgenres sont le seul groupe en Europe qui soit soumis à une condition de stérilisation prescrite par la loi et appliquée par les autorités. “Such requirements clearly run counter to the respect for the physical integrity of the person. To require sterilisation or other surgery as a prerequisite to enjoy legal recognition of one’s preferred gender ignores the fact that while such operations are often desired by transgender persons, this is not always the case. Moreover, surgery of this type is not always medically possible, available, or affordable without health insurance funding. The treatment may not be in accordance with the wishes and needs of the patient, nor prescribed by his/her medical specialist. Yet the legal recognition of the person’s preferred gender identity is rendered impossible without these treatments, putting the transgender person in a limbo without any apparent exit. It is of great concern that transgender people appear to be the only group in Europe subject to legal prescribed, state-enforced sterilisation86.” 88. Ce n'est pas parce bon nombre de personnes transgenres optent pour un traitement, qu'il ne faut pas tenir compte du principe selon lequel un traitement médical doit toujours viser l'intérêt de l'individu et doit toujours être adapté aux besoins spécifiques et à la situation de l'intéressé. “It is disproportionate for the state to prescribe treatment in a “one size fits all” manner. The basic human rights concern here is to what extent such a strong interference by the state in the private live of individuals can be justified and whether sterilisation or other medical interventions are required to classify someone as being of one sex or the other”, estime le Commissaire aux droits de l'homme87. 89. La condition de stérilité irréversible est souvent dictée par des considérations liées à la reproduction de personnes transgenres (même si ces considérations doivent être largement relativisées étant donné le traitement hormonal et les souhaits individuels des intéressés). 85 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 3. 86 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 8. 87 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 8. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 37 D'après le Commissaire aux droits de l'homme, les considérations liées à la reproduction ne constituent pas un motif fondé pour les Etats membres pour échapper à leur obligation de respect de l'intégrité physique de chacun. Par ailleurs, il faut tenir compte du droit de chacun à fonder une famille : “States which impose intrusive physical procedures on transgender persons effectively undermine their right to found a family88.” 90. Le Commissaire aux droits de l'homme critique également les conditions posées pour le changement de prénom, comme par exemple un traitement hormonal durant un certain temps ou un diagnostic de dysphorie de genre. “As a consequence, transgender people are, for a long period in their lives, effectively barred from meaningful and full participation in society, education or employment as they may face continuous problems with ‘justifying’ who they are”, souligne le Commissaire aux droits de l'homme à ce sujet89. 91. Dans ses recommandations énoncées dans l'Issue Paper, le Commissaire aux droits de l'homme appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe à utiliser les principes de Yogyakarta comme fil conducteur (recommandation 1). La stérilité et les autres traitements médicaux obligatoires ne peuvent former une condition légale pour reconnaître l'identité de genre d'une personne dans les lois relatives au changement de prénom et au changement de l'enregistrement officiel du sexe (recommandation 4)90. Conseil de l'Europe : Résolution 1728 (2010) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe. 92. Le 29 avril 2010, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a approuvé une résolution ayant trait à la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et l'identité de genre91. Dans cette résolution, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe constate que les personnes transgenres sont souvent confrontées à la discrimination et à l'atteinte de leurs droits, entre autres sous la forme d'attitudes discriminatoires et d'obstacles à la reconnaissance officielle de leur nouveau sexe. 88 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 9. 89 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 9. 90 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 18. 91 COUNCIL OF EUROPE PARLIAMENTARY ASSEMBLY, Resolution. Discrimination on the basis of sexual orientation and gender identity, 29 avril 2010 (n° 1728 (2010)). Voir aussi COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON LEGAL AFFAIRS AND HUMAN RIGHTS, Discrimination on the basis of sexual orientation and gender identity. Report, 23 mars 2010 (n° Doc. 12185), 27 p. et COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON EQUAL OPPORTUNITIES FOR WOMAN AND MEN, Discrimination on the basis of sexual orientation and gender identity. Committee Opinion, 7 avril 2010 (n° Doc. 12197), 3 p. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 38 93. L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe appelle les Etats membres à accorder de l'attention aux discriminations spécifiques et aux violations des droits humains des personnes transgenres. Dans la législation et dans la pratique, il y a lieu de garantir le droit aux documents officiels reflétant l'identité de genre souhaitée par l'intéressé, sans aucune condition préalable à subir une stérilisation ou une autre procédure médicale telle qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle et un traitement hormonal (recommandation 16.11.2). Conseil de l'Europe : Résolution 1945 (2013) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe. 94. Le 26 juin 2013, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a approuvé une résolution portant sur les stérilisations et castrations forcées92. Dans la résolution, les Etats membres du Conseil de l'Europe sont appelés, si nécessaire, à revoir leur législation et leur politique de manière à ce que personne ne se voie imposer une stérilisation ou une castration, de quelque manière ou pour quelque motif que ce soit (recommandation 7.1). Les stérilisations et castrations forcées constituent une violation grave aux droits de l'homme et à la dignité humaine et sont inacceptables dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Au vingt et unième siècle, elles ne peuvent être légitimées d'aucune manière et doivent cesser. L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe souligne que le concept ‘forcé’ est un concept évolutif dans le domaine des droits de l'homme et qu'il est notamment lié à l'absence de consentement libre et éclairé. 95. Dans un rapport annexé, il est mentionné que les stérilisations et castrations forcées violent toute une série de droits humains tels que le droit à la santé, le droit à l'intégrité physique, le droit à ne subir aucune violence, le droit à ne subir aucune torture ni aucun traitement inhumain ou dégradant, le droit à décider soi-même du nombre d'enfants et le droit à la non-discrimination. En ce qui concerne plus spécifiquement les personnes transgenres, on y cite entre autres le point de vue du Conseil National Suédois pour la Santé et le Bien-être (‘Socialstyrelsen’) qui affirme que les stérilisations de personnes transgenres peuvent être qualifiées de 'forcées' dans la mesure où certains intéressés ne souhaitent pas s'y soumettre, mais les acceptent uniquement dans l'optique de la reconnaissance officielle de leur changement de sexe93. 92 COUNCIL OF EUROPE PARLIAMENTARY ASSEMBLY, Resolution. Putting an end to coerced sterilisations and castrations, 26 juin 2013 (n° 1945 (2013)). 93 COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON SOCIAL AFFAIRS, HEALTH AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT, Putting an end to coerced sterilisations and castrations. Report, 28 mai 2013 (n° Doc. 13215), 7 et 13. Voir aussi COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON EQUALITY AND NON-DISCRIMINATION, Putting an end to coercive sterilisations and castrations. Committee Opinion, 26 juin 2013 (n° Doc. 13252), 2-3. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 39 Conseil de l'Europe: Recommandation CM/Rec(2010) 5 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. 96. Le 31 mars 2010, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation relative aux mesures visant à lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre94. Le Comité des Ministres recommande aux Etats membres du Conseil de l'Europe d'examiner régulièrement les critères préalables à la reconnaissance légale d'un changement de sexe, en ce compris les critères incluant une adaptation de nature physique, ce dans le but de supprimer les critères abusifs (recommandation 20). Le changement de prénom et de sexe dans les documents officiels doit se dérouler de manière rapide, transparente et accessible (recommandation 21). Personne ne peut se voir imposer une procédure de réassignation sexuelle sans son approbation (recommandation 35). 97. Le mémorandum annexé examine plus en détail la situation des personnes transgenres. “As affirmed in Committee of Ministers Recommandation Rec(2007) 17 on gender equality standards and mechanisms, both woman and men must have a nonnegotiable right to decide over their own body, including sexual and reproductive matters. Such acknowledgement must be reflected in the development, implementation, acces to, monitoring and evaluation of health-care services and in research priorities. In some countries access to gender reassignment services is conditional upon procedures such as irreversible sterilisation, hormonal treatment, preliminary surgical procedures and sometimes also proof of the person’s ability to live for a long period of time in the new gender (the so called “real life experience”). In this respect, existing requirements and procedures should be reviewed in order to remove those requirements which are disproportionate. It should be noted, in particular, that for some persons it may not possible, for health reasons, to complete every hormonal and/or surgical step required. Similar considerations apply with respect to the legal recognition of a gender reassignment, which can be conditional to a number of procedures and prior requirements, including changes of a physical nature95.” 98. La recommandation du 21 novembre 2007 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les normes et les mécanismes de l'égalité des sexes à laquelle il est fait référence dans le mémorandum, affirme que les hommes et les femmes bénéficient d'un droit non négociable 94 COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE OF MINISTERS, Recommendation of the Committee of Ministers to member states on measures to combat discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity, 31 mars 2010 (n° CM/Rec(2010) 5). 95 Considération 20-21 dans COUNCIL OF EUROPE STEERING COMMITTEE FOR HUMAN RIGHTS, Recommendation of the Committee of Ministers to member states on measures to combat discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity. Explanatory Memorandum, 31 mars 2010 (n° CM(2010) 4 add3 final). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 40 de prendre des décisions au sujet de leur propre corps, à l'inclusion des aspects sexuels et liés à la reproduction (reproduction 44)96. Union européenne 99. Le 28 septembre 2011, le Parlement européen a adopté une résolution sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans le cadre du Conseil des droits de l'homme des NU. Dans cette résolution, le Parlement européen regrette “que les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) ne soient pas toujours pleinement respectés au sein de l'Union, y compris le droit à l'intégrité physique, le droit à la vie privée et familiale, le droit à la liberté d'opinion et d'expression, le droit à la liberté de réunion, le droit à la nondiscrimination, le droit à la libre circulation, notamment la libre circulation pour les couples du même sexe et leurs familles, le droit à l'accès aux soins de santé préventifs, au traitement médical, et le droit d'asile” (considération 11)97. 100. Une étude réalisée pour la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures attire l'attention sur la stérilisation forcée de personnes transgenres comme condition pour la modification de l'enregistrement officiel du sexe. “This requirement is not medically necessary, and violates the dignity of those who want to transition and retain the ability to have children. The sterilisations requirement further stigmatises trans people, entrenching the idea that trans people do not have the right to reproduce and should not be treated on an equal basis with the rest of society98.” Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) 101. Jusqu'à présent, la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne s'est pas encore prononcée sur la compatibilité de l'article 8 de la CEDH avec les critères d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou de stérilité pour l'obtention d'une modification de l'enregistrement officiel du sexe99. 96 COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE OF MINISTERS, Recommendation of the Committee of Ministers to member states on gender equality standards and mechanisms, 21 novembre 2007 (n° CM/Rec(2007) 17). 97 PARLEMENT EUROPEEN, Résolution sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans le cadre du Conseil des droits de l'homme des NU, 28 septembre 2011 (n° P7_TA(2011 ) 0427). 98 EUROPEAN PARLIAMENT DIRECTORATE-GENERAL FOR INTERNAL POLICIES. POLICY DEPARTMENT CITIZEN’S RIGHTS AND CONSTITUTIONAL AFFAIRS, Towards a roadmap for equality on grounds of sexual orientation and gender identity. Study, Brussel, Policy Department C (Citizen’s Rights and Constitutional Affairs), 2012, 38 99 La demande de traiter la plainte d'un homme transgenre français a été refusée. L'homme transgenre se plaignait, sur la base de l'article 8 de la CEDH, de la longue durée de la procédure hormonalechirurgicale en France. Dans la décision de recevabilité, la Cour a fait référence à la marge de jugement qui revient aux Etats membres en la matière (Décision relative à la recevabilité de la demande n° 18367/06 (Stella Nunez contre France), 27 mai 2008). Voir également demande émanant Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 41 102. Dans les affaires Goodwin contre le Royaume-Uni et I. contre le Royaume-Uni du 11 juillet 2002, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a jugé que les Etats membres ont pour obligation de reconnaître juridiquement le nouveau sexe d'une personne transsexuelle pour autant que cette personne ait subi une intervention de réassignation sexuelle100. Par ailleurs, les Etats membres disposent d'une grande marge de jugement pour déterminer sous quelles conditions ils reconnaissent aussi juridiquement la réassignation sexuelle effective101. 103. La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne permet donc pas de déduire une obligation pour les Etats membres de supprimer les critères d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle et de stérilité dans l'optique de l'obtention d'un enregistrement officiel du sexe. Par ailleurs, les Etats membres disposent d'une grande marge d'évaluation si bien qu'ils peuvent décider eux-mêmes des conditions auxquelles ils autorisent une modification de l'enregistrement officiel du sexe. La CEDH permet explicitement aux Etats membres d'offrir à leurs sujets une protection plus importante que celle qui leur est imposée en vertu de la CEDH (article 53 CEDH). Commission Internationale de l’Etat Civil (CIEC) : Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe. 104. La Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe de la Commission Internationale de l’Etat Civil (CIEC) a été signée à Vienne le 12 septembre 2000102. La Convention stipule que la reconnaissance d'une décision constatant un changement de sexe peut être refusée par un Etat contractant “lorsque l'adaptation physique n'a pas été réalisée et constatée par la décision en question” (article 2 Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe). Le refus constitue une possibilité, et non pas une obligation. A l'époque où la Convention est entrée en vigueur, dans les années 90 du siècle dernier, l'adaptation physique était encore perçue comme une d'un homme transgenre turc examinée actuellement par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (Demande n° 14793/08 (Y.Y. contre Turquie), 6 mars 2008). 100 CEDH 11 juillet 2002 (Goodwin contre Royaume-Uni, n° 28957/15), par. 91 et CEDH, 11 juillet 2002 (I. contre Royaume-Uni, n° 25680/94), par. 73. 101 CEDH 11 juillet 2002 (Goodwin contre Royaume-Uni, n° 28957/15), par. 91 et CEDH, 11 juillet 2002 (I. contre Royaume-Uni, n° 25680/94), par. 65: “In accordance with the principle of subidiarity, it is indeed primarily for the Contracting States to decide on the measures necessary to secure Convention rights within their jurisdiction and, in resolving within their domestic legal systems the practical problems created by the legal recognition of post-operative gender status, the Contracting States must enjoy a wide margin of appreciation.” 102 COMMISSION INTERNATIONALE DE L’ETAT CIVIL (CIEC), Convention relative à la reconnaissance des décisions constatant un changement de sexe, 12 septembre 2000, www.ciec1.org. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 42 composante à part entière et une caractéristique de la transsexualité. La CIEC aurait entretemps aussi reconnu que cette partie de la convention doit être reconsidérée103. 105. La Belgique est effectivement membre de la CIEC, mais elle n'a pas signé la Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe et n'y est donc pas liée104. The World Professional Association for Transgender Health, Inc. (WPATH) 106. La World Professional Association for Transgender Health, Inc. a lancé le 16 juin 2010 un appel à supprimer à l'échelle mondiale les interventions chirurgicales ou la stérilisation comme conditions pour la reconnaissance de l'identité de personnes transgenres : “No person should have to undergo surgery or accept sterilization as a condition of identity recognition. If a sex marker is required on an identity document, that marker could recognize the person's lived gender, regardless of reproductive capacity. The WPATH Board of Directors urges governments and other authoritative bodies to move to eliminate requirements for identity recognition that require surgical procedures105.” 107. La World Professional Association for Transgender Health, Inc. est une association professionnelle pluridisciplinaire ayant pour mission de promouvoir le traitement ‘evidencebased’, la formation, la recherche, la défense des droits, la politique publique et le respect pour les personnes transgenres. L'organisation a développé des ‘standards of care’ proposant des directives au personnel d'assistance pour le traitement de personnes présentant une dysphorie de genre106. 103 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des Motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 9, www.tweedekamer.nl. 104 La Convention a été signée par l'Allemagne, la Grèce, les Pays-Bas, l'Autriche et l'Espagne. 105 THE WORLD PROFESSIONAL ASSOCIATION FOR TRANSGENDER HEALTH, INC., WPATH Identity Recognition Statement, 16 juin 2010, www.wpath.org. 106 W. BOCKTING, G. DE CUYPERE et S. MONSTREY, “Standards of Care van de WPATH” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 65. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 43 4. Filiation 108. Le critère de stérilité irréversible est étroitement lié aux conséquences possibles en matière de droit de filiation. Ces conséquences peuvent être incluses dans le cadre actuel du droit de filiation. Généralités 109. La condition de stérilité irréversible est dictée par des considérations ayant trait à la filiation de personnes transgenres. En posant ces conditions, le législateur veut éviter que des hommes transgenres accouchent d'un enfant ou que des femmes transgenres conçoivent un enfant. Ces considérations doivent être nuancées. Un traitement hormonal mène dans la plupart des cas à la stérilité107. En outre, la loi en vigueur aujourd'hui permet déjà à une femme transgenre de concevoir un enfant (à l'aide de sperme congelé avant la modification de l'enregistrement officiel du sexe). En Belgique, deux hommes ou deux femmes peuvent d'ailleurs devenir les parents juridiques d'un même enfant. Il existe des plans qui l'autorisent non seulement par le biais de l'adoption coparentale, mais aussi par le biais de la filiation originale. Toutes les informations disponibles indiquent enfin que la transsexualité d'un parent n'exerce aucune influence négative sur le développement psychosexuel ou de genre des enfants108. 110. Si une femme transgenre entretient une relation avec une partenaire féminine, cette dernière peut tomber enceinte grâce à la reproduction médicalement assistée avec du sperme congelé de la femme transgenre (ou du sperme de donneur). Si une femme transgenre entretient une relation avec un partenaire masculin, les partenaires ne pourront concevoir d'enfant dans le cadre de leur relation. La possibilité pour une femme transgenre de tomber elle-même enceinte est encore inexistante109. Si un homme transgenre entretien une relation avec une partenaire féminine, cette dernière peut tomber enceinte grâce à la reproduction médicalement assistée avec du sperme de donneur. Si un homme transgenre entretient une relation avec un partenaire masculin, les partenaires ne pourront concevoir d'enfant dans le cadre de leur relation. 111. La suppression du critère de stérilité irréversible pourrait le cas échéant entraîner qu'une femme transgenre qui entretient une relation avec une partenaire féminine pourrait également concevoir un enfant en dehors de la reproduction médicalement assistée avec du 107 P. DE SUTTER et K. WIERCKX, “Vruchtbaarheid” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 175-176. 108 P. DE SUTTER et K. WIERCKX, “Vruchtbaarheid” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 174. 109 P. DE SUTTER et K. WIERCKX, “Vruchtbaarheid” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 175. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 44 sperme congelé. Un homme transgenre qui entretient une relation avec une femme ou un homme pourrait tomber enceinte avec du sperme de donneur ou de son/sa partenaire. 112. En Belgique, le changement officiel de sexe n'induit aucune conséquence en ce qui concerne les liens de filiation existants. Pour ce qui est de nouveaux liens de filiation, une femme transgenre devra (encore actuellement) adopter l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse par le biais d'une adoption coparentale (même s'il s'agit d'un enfant avec lequel la femme transgenre est apparentée sur le plan biogénétique). Un homme transgenre pourra reconnaître l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse ou il deviendra automatiquement le père juridique sur la base de la règle de paternité. Législation et jurisprudence étrangères 113. Les (propositions de) lois étrangères indiquent souvent (uniquement) que le changement officiel de sexe n'exerce aucune influence sur le statut de l'intéressé en tant que père ou mère d'un enfant110. La jurisprudence étrangère aborde la parentalité de personnes transgenres de manière pragmatique. Ainsi, le tribunal de Leeuwarden (Pays-Bas) a créé en 2010 un ‘lien juridique imposé par le besoin' permettant à une femme transgenre mariée de devenir, sans passer par l'adoption coparentale, la deuxième mère juridique d'un enfant conçu avec son sperme congelé. D'après le tribunal, le fait qu'une femme transgenre ne puisse devenir automatiquement la deuxième mère juridique de l'enfant avec lequel elle était apparentée génétiquement est contraire aux droits de l'homme et aux développements dans le droit néerlandais. C'est pourquoi, le tribunal a créé un 'lien juridique imposé par le besoin' en constatant que la femme transgenre, outre son épouse, était le parent juridique de l'enfant. Bien que l'adoption coparentale ait mené au même résultat, le tribunal a suivi la femme transgenre et son épouse dans leur volonté de principe d'y renoncer111. L'Oberlandesgericht de Cologne (Allemagne) a jugé en 2009 qu'une femme transgenre pouvait reconnaître l'enfant mis au monde par sa partenaire après une procédure de reproduction médicalement assistée avec du sperme congelé de la femme transgenre. La femme transgenre est ainsi devenue le père juridique de l'enfant112. 114. Dans l'arrêt X., Y. et Z. contre le Royaume-Uni du 22 avril 1997, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a jugé qu'il était question de vie familiale entre un homme transgenre (qui était encore enregistré officiellement comme une femme) et l'enfant conçu chez sa 110 Voir par exemple : article 7 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas (Argentine), article 21 General Scheme of the Gender Recognition Bill (Irlande), article 10 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda (Islande) et article 12 Gender Recognition Act 2007 (Royaume-Uni). 111 Tribunal de Leeuwarden 23 décembre 2010 (LJ-nummer BO8039), www.rechtspraak.nl : “Sur la base des jugements prononcés dans le cadre du droit européen et des développements dans le droit néerlandais (proposition de loi double maternité), la Cour voit surgir une contradiction par rapport aux articles 8 et 14 de la CEDH, lorsque le lien juridique et biologique entre la femme A et l'enfant n'est pas reconnue de droit. Afin de supprimer la contradiction par rapport aux articles en question, la Cour se voit contrainte de construire un lien juridique imposé par le besoin : elle constate que la femme A (outre la femme B) est parent de l'enfant.” 112 Oberlandesgericht Köln 30 novembre 2009, Familienrechtszeitung 2010, 741-743. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 45 partenaire par le biais de la reproduction médicalement assistée113. Suite à la grande marge d'évaluation accordée aux Etats membres, il n'était pas possible de déduire une obligation, sur la base de l'article 8 de la CEDH, pour reconnaître l'homme transgenre, qui n'était pas le père biologique, comme le père juridique de l'enfant. 115. Aux Pays-Bas, les nouvelles dispositions légales (nouvel article 28c du Code civil) stipuleront ce qui suit114: - - - - La modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance a des conséquences à partir de la date où l'officier de l'état civil ajoute à l'acte de naissance une mention ultérieure de changement du sexe. La modification de la mention du sexe ne porte pas préjudice aux relations de droit familial existant au moment énoncé au premier alinéa (et aux droits, compétences et obligations qui en découlent). Si, après la modification de la mention du sexe, l'intéressée accouche d'un enfant, le sexe pris en compte pour l'application du titre 11115 et ce qui en découle est le sexe de l'intéressée avant la modification. En cas d'adoption d'un enfant à la demande de celui qui l'a conçu ou a accepté une procédure ayant mené à la conception de l'enfant avec son propre sperme après la modification de la mention de son sexe, et si l'enfant est né ou naît dans le cadre de la relation de l'adoptant et du parent, on applique la règle énoncée au quatrième alinéa de l'article 227116. 116. Le législateur néerlandais propose de se baser sur le sexe de l'intéressé suivant la mention modifiée dans l'acte de naissance. Au moment de la déclaration de naissance ou de la reconnaissance d'un enfant, l'officier de l'état civil consulte les données personnelles de l'administration communale. L'historique de modification de sexe du parent transgenre n'y figure pas nécessairement. En revanche, le nouveau sexe de l'intéressé est immédiatement signalé à l'officier de l'état civil117. C'est pourquoi il a été proposé de ne pas appliquer les règles de filiation par analogie avec les règles applicables aux enfants déjà nés, mais de se 113 CEDH 22 avril 1997 (X, Y. et Z. contre Royaume-Uni, n° 21830/93) par. 37. Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance, Eerste Kamer 2012-2013 (n° 33351), www.eerstekamer.nl. 115 Le Titre 11 du Code civil règle la filiation. 116 En vertu de l'article 227 du Code civil, l'adoption d'un enfant né au sein de la relation de la mère avec une partenaire du même sexe est régie par des conditions plus souples (“Si l'enfant est né ou naît au sein de la relation de l'adoptant et du parent, si l'enfant a été conçu suite à une insémination artificielle avec sperme de donneur telle que décrite à l'article 1, alinéa c, de la loi relative aux données de donneurs et si une déclaration de confirmation est introduite par l'institution telle que décrite dans cette loi, la demande est acceptée, à moins que l'adoption ne soit clairement pas profitable à l'enfant, ou que les conditions énoncées à l'article 228 ne soient pas satisfaites”). 117 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 4 et 10, www.tweedekamer.nl. 114 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 46 baser sur le nouveau sexe de l'intéressé. On peut remarquer à cet égard que le législateur néerlandais cherche à adapter ici la parentalité juridique pour les parents du même sexe. Ainsi, une femme transgenre pourra donc devenir automatiquement ou par reconnaissance, et donc sans procédure d'adoption, le deuxième parent juridique de l'enfant dont a accouché son épouse ou sa partenaire118. En attendant cette adaptation, il est stipulé que les règles applicables à l'adoption d'un enfant né au sein de la relation d'une maman et de sa partenaire sont également d'application lorsqu'une femme transgenre veut devenir parent juridique par adoption de l'enfant dont a accouché son épouse ou sa partenaire. 117. Le législateur néerlandais prévoit une seule exception à ce principe général : un homme transgenre qui accouche d'un enfant, devient la mère juridique de l'enfant. On peut s'attendre à ce que cette situation ne se produise que très rarement. Le cas échéant, si l'on devait se baser sur le nouveau sexe de l'intéressé, l'enfant n'aurait pas de mère juridique de droit. Ceci serait contraire au principe selon lequel la femme qui donne naissance à l'enfant est la mère de cet enfant. Il pourrait aussi y avoir une confusion au sujet de la mère biologique de l'enfant119. Conclusion en matière de filiation 118. La suppression de la condition de stérilité irréversible a un impact sur la filiation de personnes transgenres. Dans des cas très exceptionnels, un homme transgenre pourra accoucher d'un enfant. Il est déjà possible qu'une femme transgenre conçoive un enfant. 119. En matière de filiation, il y a lieu de mettre en regard deux principes. D'une part, il y a le principe ‘Mater semper certa est’ : le lien de filiation par rapport à la mère doit être défini par l'accouchement, ou encore le lien biophysiologique créé par l'accouchement forme le principe de base pour la filiation maternelle120. D'autre part, il y a le principe de la protection de la vie privée des intéressés, ce qui plaide en faveur d'un constat de la filiation le plus possible sur la base du sexe après la modification du sexe. 120. Il convient de souligner que l'article 312 du Code civil stipule que l'enfant a pour mère la personne mentionnée en tant que telle dans l'acte de naissance. Si, en Belgique, un homme transgenre devait accoucher d'un enfant, il deviendrait la mère juridique de l'enfant conformément à l'article article 312 du Code civil121. 118 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil ayant trait à la parentalité juridique de la partenaire féminine de la père autrement que par l'adoption, Eerste Kamer 2012-2013 (n° 33032/1), www.eerstekamer.nl. 119 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 4 et 10, www.tweedekamer.nl. 120 Voir par exemple l'arrêt Marckx de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH 13 juin 1979 (Marckx contre Belgique, n° 6833/74)). 121 G. HIERNAUX, “Approche de la transsexualité en droit belge”, dans N. GALLUS (éd.) Droit des familles, genre et sexualité, Limal, Anthemis, 2012, 54. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 47 121. Il s'ensuit, par analogie avec la législation néerlandaise, que le règlement existant peut être maintenu en Belgique (si la condition de stérilité irréversible est supprimée), mais qu'il faudrait le compléter d'une exception pour les hommes transgenres qui donnent naissance à un enfant. En ce qui concerne cette dernière situation, on peut se référer à l'article 312 du Code civil. Dès lors, la situation concernant les nouveaux liens de filiation se présente comme suit : - La femme qui accouche de l'enfant devient la mère juridique de l'enfant. Une femme transgenre devra par contre adopter l'enfant mis au monde par son épouse ou sa partenaire par la voie de l'adoption coparentale. Si la ‘parentalité automatique’ est approuvée, la femme transgenre deviendra de plein droit le parent juridique de l'enfant mis au monde par son épouse ou elle pourra reconnaître l'enfant auquel sa partenaire aura donné naissance. Un homme transgenre deviendra, sur la base de la règle de paternité, le père juridique de l'enfant mis au monde par son épouse ou il pourra reconnaître l'enfant dont sa partenaire aura accouché. - En ce qui concerne les hommes transgenres, il faut tenir compte du principe ‘Mater semper certa est’. Un homme transgenre qui donne naissance à un enfant devient la mère juridique de l'enfant. Si l'on se base en la matière sur le sexe de l'homme transgenre avant la modification (cf. Pays-Bas), l'épouse ou la partenaire devra adopter l'enfant par le biais de l'adoption coparentale (si la 'parentalité automatique' est approuvée, l'épouse deviendra de plein droit le parent juridique de l'enfant et la partenaire pourra reconnaître l'enfant). Un homme deviendra, en vertu de la règle de paternité, le père juridique de l'enfant mis au monde par son épouse ou il pourra reconnaître l'enfant dont sa partenaire aura accouché. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 48 5. Synthèse 122. Les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité sont critiqués pour diverses raisons. Voici un aperçu des principaux arguments avancés pour la suppression de ces critères. Droit comparé 123. La loi belge du 10 mai 2007 relative à la transsexualité a été adoptée à une période où l'application de critères médicaux pour l'obtention de la modification de l'enregistrement officiel du sexe était encore courante. Depuis, les critères médicaux sont de plus en plus négligés, sur la base des nouvelles thèses en matière de transsexualité et d'une attention croissante pour les droits humains des personnes transgenres. Dans de plus en plus de pays, on tend à penser que la reconnaissance légale de l'identité de genre ne peut être tributaire de procédures médicales, d'interventions chirurgicales de réassignation sexuelle et du suivi d'un traitement hormonal. Dans les pays où l'on a procédé à l'élaboration d'une loi en la matière, la reconnaissance n'est soumise qu'à quelques, voire pas de conditions médicales. Bon nombre de pays européens (par exemple l'Islande, le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni) n'exigent plus d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou de stérilité irréversible pour modifier l'enregistrement officiel du sexe. 124. Par ailleurs, certains pays requièrent parfois encore un traitement obligatoire (par exemple l'Islande), ou un diagnostic de dysphorie de genre (par exemple le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni), ou encore l'intervention d'experts (par exemple l'Islande, le Royaume-Uni et la Suède). En ce sens, la médicalisation est malgré tout encore relativement présente. La législation argentine va plus loin dans ce domaine. Elle stipule qu'aucune preuve d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (complète ou partielle), de traitement hormonal ou de tout autre traitement psychologique ou médical ne peut être demandée. De plus, l'officier prend note du changement de sexe et de prénom sans aucune procédure juridique ou administrative préalable. Droits de l'homme 125. L'exigence d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou de stérilité permanente pour la modification de l'enregistrement officiel du sexe est critiquée depuis l'angle international des droits de l'homme. Ainsi, dans les principes de Yogyakarta - qui font office d'autorité - et dans les recommandations et résolutions émanant des (organes des) Nations Unies, du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, les critères médicaux sont vivement condamnés. La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne permet de déduire aucune obligation pour les Etats membres à supprimer les conditions médicales, mais d'un autre côté, rien n'interdit aux Etats membres de les supprimer effectivement. La Cour Européenne des Droits de l'Homme laisse aux Etats membres une Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 49 grande marge d'évaluation pour décider des conditions selon lesquelles ils autorisent une modification de l'enregistrement officiel du sexe. Attention croissante pour les circonstances individuelles 126. En imposant des interventions médicales et un traitement hormonal pour obtenir une modification de l'enregistrement officiel du sexe, le législateur ne prend pas en considération les circonstances individuelles des personnes transgenres. Toutes les personnes transgenres ne ressentent pas le besoin par exemple de subir une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle122. Ce qui importe pour elles, c'est de pouvoir mener leur vie dans le rôle du sexe opposé et d'être reconnues d’un point de vue social et juridique dans ce rôle du sexe opposé. Beaucoup de personnes transgenres ont essentiellement besoin d'une reconnaissance sociale et juridique, qui, pour elles, n'est pas nécessairement liée à, par exemple, la chirurgie de réassignation sexuelle. En outre, pour des raisons médicales, toutes les personnes transgenres ne peuvent pas se soumettre à une intervention chirurgicale. Certains intéressés ne peuvent supporter les frais inhérents à une telle intervention, sont confrontés à de longues listes d'attente ou se trouvent dans une situation professionnelle ne permettant pas d'absence prolongée123. Suite à l'imposition de conditions médicales dans la législation, certaines personnes transgenres sont exclues sur la base par exemple de leur situation économique, de leur âge ou de leur état de santé, ce qui suscite à son tour des questions quant au respect de la loi luttant contre la discrimination. Il faut savoir aussi qu'il faut attendre tout un temps (parfois même plusieurs années) avant que l'intéressé ait parcouru l'ensemble du trajet médical imposé par la loi. 127. Si l'intéressé ne satisfait pas aux conditions énoncées dans la loi, on ne peut procéder à aucun changement de prénom et/ou à aucune modification de l'enregistrement officiel du sexe. L'intéressé possède dans ce cas des documents d'identité qui ne correspondent pas à son identité de genre et un aspect fondamental de la personnalité de l'intéressé est complètement bafoué par le législateur. Les problèmes qui en découlent peuvent persister à vie si l'intéressé ne souhaite par exemple pas subir d'intervention chirurgicale124. D'autres personnes transgenres se trouvent confrontées au choix impossible, par exemple, entre une intervention chirurgicale et la possession de documents d'identité adaptés, ou elles optent par exemple pour la chirurgie dans le seul but de pouvoir disposer de documents d'identité 122 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 22. 123 GENDER RECOGNITION ADVISORY GROUP, Report to Joan Burton, T.D., Minister for Social Protection, Dublin, Gender Recognition Advisory Group, 2011, 33 et Verwaltungsgerichtshof 27 février 2009 (n° 2008/017/0054), www.ris.bka.gv.at. 124 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 2. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 50 adaptés125. Le prix que ces personnes ont à payer pour leur reconnaissance légale est alors particulièrement élevé126. 128. L'étude ‘Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe’ du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe souligne ce qui suit en ce qui concerne les problèmes rencontrés par les intéressés lorsqu'ils vivent dans le rôle du sexe opposé sans que celui-ci corresponde à l'enregistrement officiel de leur sexe : “The difficulty of living with documents that reflect the wrong gender identity or wrong name cannot be exaggerated. Transgender persons who have been unable to change their passport or ID expericence problems every time they have to identify themselves, for example when paying with a credit card, taking out a library book, opening a bank account or crossing a border. As a result of having inadequate documents, transgender persons can spend long periods of life effectively barred from meaningful and full participation in society, education or employment, as they may face continual problems ‘justifying’ their identities. Transgender persons may also face practical problems in institutional settings such as hospitals, public toilets, police stations and prisons127.” Une femme transgenre autrichienne a fait remarquer à ce sujet qu'elle se sentait comme une immigrée illégale dans son propre pays. Chaque fois qu'elle voyait approcher la police, il lui arrivait par exemple de traverser la rue pour éviter les contrôles128. 129. Les critères médicaux énoncés dans la législation, comme l'exigence de traitement hormonal (dans le cadre d'un changement de prénom) ou les interventions de réassignation sexuelle et la stérilité (dans le cadre du changement de l'enregistrement officiel du sexe), excluent un grand nombre de personnes transgenres du droit au changement de prénom et/ou de l'enregistrement officiel du sexe. De plus, ils confirment la dichotomie homme/femme129. Les intéressés sont sans cesse poussés à faire un coming-out et leur vie privée est violée en permanence. 130. Le Bundesverfassungsgericht allemand a fait remarquer que l'appartenance à l'un ou l'autre sexe ne peut pas uniquement être déterminée sur la base des caractéristiques 125 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 3 et 6. 126 “(L’opération) s’apparante à une ‘mutilation’ à laquelle ils doivent silencieusement consentir pour obtenir ce qu’ils convoitent le plus”, aldus C. FORTIER en L. BRUNET, “Changement d’état civil des personnes ‘trans’ en France: du transsexualisme à la transidentité”, in N. GALLUS (ed.) Droit des familles, genre et sexualité, Limal, Anthemis, 2012, 72. 127 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, Straatsburg, Council of Europe, 2011, 90. 128 Communiqué de presse RECHTSKOMITEE LAMBDA, Blitzentscheidung: Höchtsgericht massregelt Innenministerium im Einverfahren, Vienne, Rechtskomitee Lambda, 17 mars 2010, www.rklambda.at. 129 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 56. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 51 sexuelles extérieures au moment de la naissance, mais dépend aussi substantiellement de la constitution psychique et de l'autodiagnostic de l'intéressé130. Vu l'état actuel de la recherche scientifique, on ne peut plus partir du principe que toute personne transsexuelle vise une adaptation physique au sexe opposé au moyen d'interventions chirurgicales. L'opportunité de telles interventions est l'affaire de l'intéressé. La durabilité et l'irréversibilité de la conviction d'appartenir au sexe opposé ne sont pas liées au degré d'adaptation aux caractéristiques sexuelles extérieures, mais bien à la mesure dans laquelle la personne vit dans le rôle du sexe opposé. Le sexe perçu par l'intéressé doit être reconnu de droit de sorte que l'intéressé puisse vivre conformément à ce sexe sans avoir à être sans cesse exposé à la contradiction entre l'apparence adaptée au sexe perçu et le traitement légal. Par ailleurs, le législateur ne peut pas imposer de conditions déraisonnables. La reconnaissance du sexe perçu ne peut être soumise à des conditions qui portent clairement préjudice à l'inviolabilité du corps humain et induisent des risques pour la santé (telles que la chirurgie de réassignation sexuelle ou la stérilité), lorsque, si l'on considère l'état actuel de la science, ces conditions ne sont pas indispensables pour démontrer une adaptation durable et manifeste au sexe opposé131. Condition de stérilité et proportionnalité 131. La Convention Européenne des Droits de l'Homme autorise des restrictions en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée et familiale, pour autant que ces restrictions soient prévues par la loi, visent un but légitime et soient proportionnelles au but visé132. La notion de vie privée doit être considérée dans un sens très large et implique notamment l'identité de genre, le nom, l'orientation sexuelle, la vie sexuelle, le droit à l'épanouissement personnel et le droit à nouer des relations avec d'autres133. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a confirmé à de multiples reprises que les personnes transsexuelles ont droit à l'épanouissement personnel et à la protection physique et morale134. 132. Le critère de stérilité est dicté par des considérations liées à la filiation des personnes transgenres. Elles ont pour objectif de “prévenir le risque de confusion en matière de relations familiales si une personne transgenre devait avoir de propres enfants après un changement officiel de sexe135.” 130 Dans le même ordre d'idée : Verwaltungsgerichtshof 27 février 2009 (n° 2008/017/0054), www.ris.bka.gv.at. 131 Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de (par. 51, 52 et 66). 132 S. SMIS, C. JANSSENS, S. MIRGAUX et K. VAN LAETHEM, Handboek Mensenrechten, Anvers, Intersentia, 2011, 233. 133 Par exemple : CEDH 29 avril 2002 (Pretty contre Royaume-Uni, n° 2346/02), par. 61. 134 CEDH 11 juillet 2002 (Goodwin contre Royaume-Uni, n° 28957/15), par. 90; CEDH, 11 juillet 2002 (I. contre Royaume-Uni, n° 25680/94), par. 70 et CEDH 12 juin 2003 (Van Kück contre Allemagne, n° 35968/97), par. 69. 135 Kamarrätten i Stockholm, 19 décembre 2012 (n° 1968-12), www.kammarrattenistockholm.domstol.se. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 52 133. La condition de stérilité requiert des interventions physiques extrêmement invasives et irréversibles. Les techniques de stérilisation ordinaires sont réversibles. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité exige toutefois l'ablation des ovaires ou des testicules (sauf en cas de conditions médicales préexistantes ayant entraîné la stérilité permanente). L'exigence va donc au-delà de la stérilité courante136. 134. Un tribunal administratif suédois (Kammarrätten i Stockholm) a estimé que, vu la nature des interventions et les développements actuels, le critère de stérilité ne se justifiait plus dans la seule optique du droit de filiation. Vient s'ajouter à cela, d'après le tribunal, que le critère de stérilité ne peut être considéré comme une intervention volontaire. Une intervention qui est posée comme condition pour l'obtention de certains avantages ou droits doit être vue comme une intervention forcée. D'autant plus que le critère de stérilité n'est pas déterminé par une cause médicale ou autre. La condition de stérilité forme par conséquent une telle restriction de l'intégrité de l'intéressé qu'elle n'est pas conciliable avec l'article 8 de la CEDH. Et comme la condition s'applique exclusivement au groupe restreint des transsexuels, elle est aussi contraire à l'interdiction de la discrimination décrite dans l'article 14 de la CEDH. La législation est à même d'apporter une réponse à la filiation de personnes transsexuelles. L'exigence de stérilité est disproportionnée et ne peut être considérée comme une restriction autorisée137. 135. De même, selon le législateur néerlandais, la condition qui veut qu'une femme transgenre ne puisse plus jamais concevoir d'enfant, et qu'un homme transgenre ne puisse plus jamais mettre au monde un enfant, doit être considérée comme disproportionnée suivant les conceptions internationales138. “L'imposition d'une adaptation physique au sexe souhaité, pour l'objectif visé – l'obtention d'une indication concrète et convaincante du caractère permanent de la conviction d'appartenir au sexe opposé pour la modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance –, doit être considérée comme une condition inutilement drastique. La Sous-commission juridique du Conseil de la santé était déjà d'avis en 1979 que la condition porte nettement préjudice à l'inviolabilité physique, même s'il n’y a pas d'objections médicales (…). Le critère d'adaptation physique porte atteinte à l'article 11 de la Constitution, qui garantit le droit à l'inviolabilité du corps humain. Sur le plan international, l'on tend de plus en plus à penser que la reconnaissance légale de l'identité de genre d'une personne ne peut être tributaire de ‘medical procedures, including sex 136 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 17. 137 Kamarrätten i Stockholm, 19 décembre 2012 (n° 1968-12), www.kammarrattenistockholm.domstol.se. 138 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 1, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 53 reassignment surgery, sterilisation or hormonal therapy’. Le principe 3 des principes dits de Yogyakarta139 est notamment formulé en ce sens.” Le législateur néerlandais fait aussi remarquer que la stérilisation qui est imposée aux personnes transgenres va vraiment très loin. Normalement, les conséquences de la stérilité peuvent être annihilées, mais pour les personnes transgenres, on impose une stérilité absolue140. 136. Le Bundesverfassungsgerichthof allemand a lui aussi affirmé que le critère de stérilité, dans la mesure où cela sous-entend une intervention chirurgicale, est disproportionné. Le droit à l'autodétermination sexuelle et le droit à l'intégrité physique pèsent plus lourd dans la balance que la nécessité d'exclure le risque (limité) qu'une femme transgenre conçoive un enfant ou qu'un homme transgenre accouche d'un enfant141. Droit à l'autodétermination et inviolabilité du corps humain 137. Toute personne bénéficie du droit à l'autodétermination en ce qui concerne son propre corps. “One of the most basic essentials of self-determination” est selon la Cour Européenne des Droits de l'Homme “the applicant’s freedom to define herself as a female person142.” Le législateur peut poser des limites au droit à l'autodétermination. 138. “L'exercice du (…) droit à l'autodétermination peut se voir poser des restrictions liées aux droits et intérêts des autres. Celles-ci ne peuvent cependant, et ne doivent pas être telles que des limitations uniquement liées à la technique juridique d'un système de droit qui, entre-temps, n'est plus applicable au point concerné (“en droit, les enfants ne peuvent avoir qu'un père et une mère”) sont maintenues143.” 139 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 5-6, www.tweedekamer.nl. 140 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 6, www.tweedekamer.nl. 141 Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de (par. 68-72). 142 CEDH 12 juin 2003 (Van Kück contre Allemagne, n° 35968/97), par. 73. 143 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 7, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 54 Une personne transsexuelle est un individu qui se comporte sur le plan psychique, social et sexuel comme appartenant au sexe opposé144. On parle de conviction intime, permanente et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance. Il s'agit d'un phénomène primaire non physique. Le principal critère pour le constat de l'identité de genre est l'autodiagnostic de l'intéressé. 139. La modification de l'enregistrement officiel du sexe relève de l'ordre public, mais cela ne doit pas signifier que la stérilité doive être posée comme condition pour obtenir une modification de l'enregistrement officiel du sexe. La condition de stérilité va trop loin pour réaliser la conséquence souhaitée (c'est-à-dire l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe) de confirmation de la conviction d'appartenance au sexe opposé. 140. Il faut également prêter attention à l'évolution du cadre juridique. En Belgique, depuis 2003, les personnes du même sexe peuvent se marier. Depuis 2006, deux hommes ou deux femmes peuvent être ensemble les parents juridiques d'un même enfant (pour l'instant via l'adoption, à l'avenir sans doute également 'automatiquement' et par la reconnaissance). C'est la loi qui stipule qu'un enfant peut avoir deux parents du même sexe. L'imposition d'un critère de stérilité irréversible, censé éviter que des enfants soient mis au monde ou conçus par des parents dont le sexe juridique diffère du sexe biologique, ne correspond plus aux conceptions actuelles. 141. La World Professional Association for Transgender Health, Inc. reconnaît en outre explicitement dans les ‘Standards of Care for the Health of Transsexual, Transgender and Gender-Nonconforming People’ que les interventions chirurgicales – tout comme toutes les décisions relatives aux soins de santé - doivent d'abord et avant tout être prises par les personnes concernées elles-mêmes145. 142. Toute personne a également droit au respect de sa vie et de son intégrité physique146. 143. Le droit au respect de l'intégrité physique englobe aussi la protection contre les interventions médicales forcées : “The right to health contains both freedoms and entitlements. The freedoms include the right to control one’s health and body, including sexual and reproductive freedom, and the right to be free from interference, such as the right to be free from torture, non-consensuel medical treatment and experimentation. By contrast, the entitlements include the right to 144 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 22. 145 E. COLEMAN e.a., “Standards of care for the Health of Transsexual, Transgender and GenderNonconfming People. Version 7”, International Journal of Transgenderism, 2011, 182. 146 P. SENAEVE, Compendium van het Personen- en Familierecht, Louvain, Acco, 2011, 126 et 138 (“Zo ook moet het subjectieve recht van het individu erkend worden om m.b.t. de fysieke bestanddelen van zijn persoonlijkheid – binnen bepaalde grenzen – zelf naar eigen inzicht beslissingen te nemen zonder dat anderen of de overheid hem daarbij mogen hinderen.”). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 55 a system of health protection which provides equality of opportunity for people to enjoy the hightest attainable level of health147.” 144. Les conditions médicales touchent au principe d'inviolabilité du corps humain. L'imposition d'interventions chirurgicales est déjà contraire à l'inviolabilité du corps humain, même s'il est établi qu'il n'y a pas d'objections médicales148. L'identité de genre étant un phénomène primaire non physique, l'obligation d'adaptations physiques a uniquement pour but d'obtenir une indication concrète du caractère permanent de la conviction. Le fait d'imposer des adaptations physiques est un moyen trop drastique pour atteindre cet objectif. L'adaptation physique au sexe souhaité ne devrait être rien de plus qu'une indication du bienfondé et du caractère permanent de la conviction d'appartenir à l'autre sexe. En posant l'adaptation physique comme condition pour la modification du sexe mentionné dans l'acte de naissance, le législateur va trop loin149. 145. Le Bundesverfassungsgericht a lui aussi fait remarquer que le législateur place la barre trop haut en ce qui concerne la preuve du caractère persistant de la conviction d'appartenance au sexe opposé, dans la mesure où il attend, sans condition et sans exception, de la part de l'intéressé qu'il ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou qu'il soit stérile. Le caractère permanent est démontré par un processus diagnostiquethérapeutique de longue durée. Il y a d'abord un test pratique au cours duquel l'intéressé se familiarise avec le rôle du sexe opposé. Suit alors un traitement hormonal de longue haleine. Ensuite, on peut envisager des interventions chirurgicales. Celles-ci sont éventuellement encore suivies d'interventions chirurgicales correctrices complémentaires. Une intervention chirurgicale exerce un impact considérable sur l'inviolabilité du corps humain. Elle implique des risques pour la santé et peut avoir des effets indésirables. On ne peut souhaiter que l'intéressé se soumette à une intervention aussi lourde si celle-ci n'est médicalement pas indiquée, et ce dans le seul but de démontrer le caractère permanent et le sérieux de la conviction d'appartenir au sexe opposé pour adapter l'enregistrement officiel du sexe150. 147 UNITED NATIONS ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL, General Comment n° 14 of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights. Substantive issues arising in the implementation of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (The right to the highest attainable standard of health (article 12 of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights)), 11 août 2000 (n° E/C.12/2000/4), p. 3. 148 Règles détaillées pour les transsexuels concernant la modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs. Tweede Kamer 1981-1982 (n° 17297/3), 16, www.tweedekamer.nl. 149 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 8, www.tweedekamer.nl. 150 Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de (par. 63-65). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 56 Transphobie institutionnalisée 146. Dans le plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes proposé en janvier 2013, les législateurs belges s'engagent aussi à lutter contre la transphobie. La transphobie a été définie comme “les expressions directes ou indirectes de discrimination, de rejet, d'exclusion et de violence contre des individus, groupes ou pratiques, sur la base du critère d'identité ou d'expression sexuelle, dont l'apparence ou le comportement diffère des stéréotypes de masculinité ou de féminité dans notre société151.” 147. La discrimination se manifeste souvent dans le contexte familial, au travail et dans d'autres contextes sociaux. La discrimination peut aussi être étroitement liée au comportement social et à l'organisation sociale : “Such systemic discrimination can be understood as legal rules, policies, practices of predominant cultural attitudes in either the public or private sector which create relative disadvantages for some groups, and privileges for other groups152.” Il existe donc aussi une forme institutionnalisée de discrimination, à savoir lorsque la législation défavorise un groupe défini. Dans cette optique, les conditions médicales imposées par la loi aux personnes transgenres peuvent être considérées comme une forme institutionnalisée de discrimination ou de transphobie. 148. Un traitement différent peut certes être motivé : “Differential treatment based on prohibited grounds will be viewed as discriminatory unless the justification for differentiation is reasonable and objective. This will include an assessment as to whether the aim and effects of the measures or omissions are legitimate, compatible with the nature of the Covenant rights and solely for the purpose of promoting the general welfare in a democratic society. In addition there must be a clear and reasonable relationship of proportionality between the aim sought to be realized and the measures or omissions and their effects153.” Toutefois, comme évoqué plus haut, cette motivation peut être sérieusement remise en cause. Les personnes transgenres sont ramenées par la législation au rang de patients ayant eux-mêmes peu à dire au sujet de leur propre identité et de leur propre corps. Les traitements ne sont pas basés sur leurs besoins et désirs personnels, mais sur des attentes sociales et institutionnelles. Les traitements sont souvent liés à des critères légaux qui rendent certains droits sociaux tributaires de toute une série de procédures imposées par la 151 Plan d'action interfédéralcontre les violences homophobes et transphobes, 31 janvier 2013, 10. UNITED NATIONS ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL, General Comment n° 20 of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights. Non-discrimination in economic, social and culturel rights (art. 2, para. 2, of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights), 2 juillet 2009 (n° E/C.12/GC/20), 4-5. 153 UNITED NATIONS ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL, General Comment n° 20 of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights. Non-discrimination in economic, social and culturel rights (art. 2, para. 2, of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights), 2 juillet 2009 (n° E/C.12/GC/20), 5. 152 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 57 loi. “This manifests itself most clearly in the enforcement of certain unnecessary yet obligatory medical treatments and procedures (e.g. sterilisation and the requirement of ‘full’ gender reassignment ) in order for them to be able to access certain rewards that are freely available to the vast majority of people in society (e.g. change of name and issuance of identification documents in the appropriate gender for trans people…).154” Conclusion 149. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité a permis un changement de prénom ‘particulier’. Celui-ci requiert de la part de l'intéressé qu'il suive ou ait suivi un traitement hormonal de substitution, visant à induire les caractéristiques physiques sexuelles du sexe auquel l'intéressé est convaincu d'appartenir. Il faut également démontrer que le changement de prénom constitue une donnée essentielle dans l'inversion de rôle (article 2 de la loi relative aux noms et prénoms). L'exigence d'un traitement hormonal de substitution va au-delà des conditions posées pour un changement de l'enregistrement officiel du sexe (l'article 62 bis, § 2 C. civ. exige une attestation démontrant que l'intéressé suit ou a suivi un traitement hormonal de substitution). Initialement, le législateur avait d'ailleurs l'intention de poser comme condition que l'intéressé 'suit ou suivra' un traitement hormonal155. Dans le texte définitif, c'est devenu ‘suit ou a suivi. Les personnes transgenres traversent un processus diagnostique-thérapeutique de longue durée qui commence par la familiarisation (plus ou moins longue) avec le rôle du sexe opposé. Suivent alors éventuellement des traitements hormonaux et des interventions chirurgicales. Si l'intéressé ne peut disposer de documents d'identité adaptés (avec un prénom et une photo adaptés), ceci entraîne des problèmes au quotidien. La vie privée de l'intéressée s'en trouve violée de manière permanente et sévère (cf. article 8 CEDH). Un changement de prénom devrait être possible pour les personnes transgenres sans conditions médicales ou autres excessives, mais par exemple sur la base d'une déclaration sur l'honneur introduite auprès de l'officier de l'état civil. En Allemagne, un changement de prénom est par exemple possible, certes par le biais d'une décision judiciaire, si l'intéressé se déclare, sur la base de son orientation transsexuelle (intrinsèque), qu'il a le sentiment d'appartenir au sexe opposé. L'intéressé doit avoir ressenti pendant au moins trois ans le besoin de vivre conformément à l'autre sexe (sans avoir nécessaire vécu 'de fait' dans le rôle 154 S. AGIUS et C. TOBLER, Trans and intersex people. Discrimination on the grounds of sex, gender identity and gender expression, Bruxelles, European Commission (Directorate-General for Justice), 2011, 15. 155 Proposition de loi relative à la transsexualité, Doc. Parl. Chambre, 2005-2006, n° 903/1, 15. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 58 de cet autre sexe). Ce sentiment d'appartenir au sexe opposé doit enfin avoir toutes les probabilités de persister (§ 1 Transsexuellengesetz). 150. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité exige pour l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe que l'intéressé ait subi une réassignation sexuelle qui le fasse correspondre au sexe opposé, auquel il a la conviction d'appartenir, dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical. En outre, l'intéressé ne peut plus être à même de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent (article 62 bis, § 2 C. civ.). Ces critères médicaux sont eux aussi de plus en plus critiqués dans la perspective internationale des droits de l'homme. Les critiques s'expliquent notamment par le développement des connaissances ayant trait à la transsexualité et aux transgenres (et, partant, la disparition des préjugés, de l'incompréhension et du désintérêt). Les critères médicaux qui imposent une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou la stérilité posent problème dans le cadre de certains droits de l'homme tels que la protection de la vie privée (ainsi que le droit à l'autodétermination et l'inviolabilité du corps humain). Ces critères médicaux sont en outre disproportionnés et ne peuvent donc déjà être mis en œuvre pour cette seule raison. Les problèmes de droit de filiation souvent évoqués et qui peuvent se poser en cas de suppression des critères médicaux ne sont pas nouveaux ni insurmontables156. Les lois récentes ne tiennent plus compte des critères médicaux. Le tableau ci-joint (voir p. 54-55) compare divers aspects de la législation adoptée dans certains pays. La sexualité fait partie intégrante de la vie privée. Les traitements hormonaux, les interventions médicales et la stérilité relèvent de la relation entre le médecin traitant et son patient et ne peuvent être imposés par le législateur pour l'obtention d'une reconnaissance légale (cf. transphobie institutionnalisée). L'imposition de critères médicaux est contraire aux droits de l'homme et peut être considérée comme une violation inadmissible et disproportionnée de la vie privée et du droit à la vie familiale. Les critères médicaux devraient par conséquent être supprimés dans la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité. Le législateur devrait prendre pour point de départ l'autodiagnostic de l'intéressé et une déclaration (standardisée) de l'intéressé auprès de l'officier de l'état civil. L'intervention d'un psychiatre est un point sensible. Toutes les personnes transgenres n'ont pas besoin d'un psychiatre (ou d'un traitement psychiatrique). L'intervention d'un psychiatre aurait tendance à confirmer un préjugé et à stigmatiser. Si, pour éviter les abus, un 'contrôle' de la déclaration des intéressés est indispensable, celuici devrait idéalement se faire au travers d'une 'seconde opinion' (standardisée) du médecin traitant ou d'un centre spécialisé dans les personnes transgenres. Les décisions ayant trait à la transsexualité et aux personnes transgenres sont des décisions qui ne se prennent absolument 156 Voir p. 47-48. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 59 pas à la légère. Une autre façon de faire obstacle aux abus peut consister par exemple à les faire freiner par le ministère public ou à obliger les intéressés qui souhaitent une nouvelle fois modifier l'enregistrement officiel de leur sexe à passer par le tribunal. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 60 ARGENTINË BASE PROCEDURE DOCUMENTS REQUIS CRITERES IRLANDE ISLANDE Contradiction avec l'identité de genre perçue par l'intéressé luimême Déclaration auprès de l'administration locale tenant le registre national La demande de l'intéressé suffit Vivre dans le rôle du sexe opposé Trouble de l'identité de genre Déclaration auprès du ministre de la Protection Sociale Déclaration auprès d'une Commission d'experts Déclaration de l'intéressé + attestation du médecin L'agent signalera la modification, sans aucune procédure juridique ou administrative L'intéressé doit déclarer (1) avoir la ferme intention de continuer à vivre dans le rôle du sexe opposé (2) de comprendre les implications de sa demande et (3) de faire sa demande de son propre chef Le médecin doit déclarer (1) que l'intéressé suit ou a suivi un PAYS-BAS PORTUGAL ESPAGNE ROYAUMEUNI Conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance Déclaration auprès de l'officier de l'état civil Trouble de l'identité de genre Trouble de l'identité de genre Vivre dans le rôle du sexe opposé Déclaration auprès de l'officier de l'état civil Déclaration auprès de l'officier de l'état civil Déclaration auprès du ‘Gender Recognition Panel’ Preuve du diagnostic et du traitement par une équipe d'experts Attestation d'un expert Rapport d'une équipe médicale pluridisciplinair e signé au minimum par un médecin et u psychologue Rapport d'un médecin ou d'un psychologue clinicien Traitement de min. 18 m. par une équipe d'experts + avoir vécu pendant min. 12 m. dans le rôle du sexe opposé L'attestation de l'expert stipule que l'intéressé (1) a introduit une déclaration, (2) a compris l'information donnée par l'expert et (3) continue de souhaiter le changement de sexe de manière bien considérée L'officier de l'état civil décide (dans un délai de 8 jours) si la demande peut être acceptée Traitement de minimum 2 ans (exception possible pour raisons de santé ou d'âge) Déclaration d'un médecin ou d'un psychologue actif dans le domaine de la dysphorie de genre + attestation d'un médecin Le ‘Gender Recognition Panel’ déclare que l'intéressé (1) présente (ou a présenté) une dysphorie de genre, (2) a vécu pendant deux ans dans le rôle du sexe opposé et (3) a l'intention de continuer à vivre conformément à ce rôle La Commission d'experts confirme que l'intéressé appartient au sexe opposé SUEDE Conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance Déclaration auprès du Conseil National pour la Santé et le Bien-être Déclaration de l'intéressé L'intéressé doit déclarer (1) qu'il a le sentiment depuis longtemps d'appartenir au sexe opposé, (2) qu'il se comporte depuis un moment conformément à cet autre sexe et (3) qu'il continuera à vivre à l'avenir conformément à ce sexe MISE EN OEUVRE Une nouvelle modification n'est possible que moyennant un accord judiciaire processus de transition et (2) qu'il comprend les implications de sa demande Pénalisation en cas de fausses déclarations Retour à l'enregistremen t du sexe précédent via une nouvelle demande adressée à une équipe d'experts Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité Pénalisation en cas de fausses déclarations 63 LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI RELATIVE A LA TRANSSEXUALITE étude de droit comparé menée pour le compte de l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI RELATIVE A LA TRANSSEXUALITE étude de droit comparé menée pour le compte de l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes Paul BORGHS OCTOBRE 2013 LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI RELATIVE A LA TRANSSEXUALITE étude de droit comparé menée pour le compte de l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 1 Sommaire Introduction 6. 1. Les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité 8. Dispositions relatives à l'enregistrement officiel du sexe 8. Dispositions relatives au changement de prénom 10. Dispositions relatives à la filiation 11. 2. Droit comparé 14. Généralités 14. Législation existante en Europe 14. Jurisprudence en Europe 19. Future législation en Europe 24. Autres développements en Europe 27. Développements en dehors de l'Europe 29. 3. Contexte international des droits de l'homme 32. Généralités 32. Principes de Yogyakarta 32. Nations Unies : Rapport du Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 35. 2 Conseil de l'Europe: Issue Paper ‘Human Rights and Gender Identity’ du Commissaire aux droits de l'homme 36. Conseil de l'Europe : Résolution 1728 (2010) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe 38. Conseil de l'Europe : Résolution 1945 (2013) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe 39. Conseil de l'Europe: Recommandation CM/Rec(2010) 5 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe 40. Union européenne 41. Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) 41. Commission Internationale de l’Etat Civil (CIEC) : Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe 42. The World Professional Association for Transgender Health (WPATH) 43. 4. Filiation 44. Généralités 44. Législation et jurisprudence étrangères 45. Conclusion en matière de filiation 47. 5. Synthèse 50. Droit comparé 50. Droits de l'homme 50. Attention croissante pour les circonstances individuelles 51. Condition de stérilité et proportionnalité 53. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 3 Droit à l'autodétermination et inviolabilité du corps humain 55. Transphobie institutionnalisée 58. Conclusion 60. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 4 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 5 Introduction 1. La Belgique, selon l'accord de gouvernement fédéral, doit jouer un rôle de pionnier en ce qui concerne l'égalité des droits des lesbigays, des bisexuels et des transgenres1. Si l'on analyse les classements européens, la Belgique occupe toujours une place de premier plan dans le domaine des droits des homosexuels et des bisexuels. Par contre, pour ce qui est des transgenres, la Belgique obtient un très mauvais score2. Ce piètre résultat est notamment lié aux critères médicaux imposés par la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité3. Les termes 'critères médicaux' font référence aux dispositions ayant trait au traitement hormonal, au changement de sexe et à la stérilité. 2. Cette étude4 analyse les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité depuis la perspective du droit comparé et des droits de l'homme. L'étude est conçue comme suit : - Le premier chapitre propose un résumé des critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité. - De plus en plus de pays européens suppriment les critères médicaux dans leur législation ou préparent une nouvelle législation dans laquelle les critères médicaux sont supprimés. Le deuxième chapitre analyse les formulations concrètes et les options choisies par ces pays. Il s'intéresse aussi à la jurisprudence ayant trait à la suppression des critères médicaux et à la motivation de cette jurisprudence. Enfin, il y est fait référence à la législation en la matière en dehors de l'Europe. - Le troisième chapitre est consacré au contexte international des droits de l'homme. Sur le forum international, les critères médicaux sont de plus en plus critiqués et l'on tend toujours plus à les supprimer. Les développements au niveau des Nations Unies, du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne sont passés en revue. En outre, ce chapitre se penche sur les principes de Yogyakarta. - Ensuite, on aborde la question de la filiation. Les critères médicaux sont souvent dictés par des considérations ayant trait au droit de la filiation. Le législateur veut éviter que des femmes transgenres conçoivent un enfant et que des hommes 1 GOUVERNEMENT FEDERAL, Accord gouvernemental 1er décembre 2012, Bruxelles, Gouvernement fédéral, 2012, 164. 2 Voir par exemple le Rainbow Europe Country Index (mai 2011) sur www.ilga-europe.org. 3 Loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité, Moniteur belge 11 juillet 2007, 37-823-37.827. 4 Dans les textes cités dans cette étude, certaines parties sont surlignées en gras. Ce surlignage est appliqué par l'auteur de cette étude. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 6 transgenres accouchent d'un enfant. Le quatrième chapitre examine les conséquences sur le plan du droit de la filiation de la suppression des critères médicaux et formule une proposition en matière de conséquences sur le plan du droit de la filiation. - Enfin, le cinquième chapitre résume les principaux arguments avancés entre autres par le législateur et dans la jurisprudence pour justifier la suppression des critères médicaux. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 7 1. Les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité Généralités 3. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité renferme quelques 'critères médicaux'. Ce chapitre aborde les critères concernant l'enregistrement officiel du sexe, ainsi que les critères concernant le changement 'particulier' de prénom. Les dispositions de la loi ayant trait au droit de filiation sont également examinées de plus près. Dispositions relatives à l'enregistrement officiel du sexe Dispositions légales 4. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité insère un article 62 bis au Code Civil. Cet article stipule que tout Belge ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance et dont le corps a été adapté à ce sexe opposé dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical, peut déclarer cette conviction à l'officier de l'état civil (article 62 bis, § 1 C. civ.). 5. Lors de la déclaration, l'intéressé remet à l'officier de l'état civil une déclaration du psychiatre et du chirurgien, en qualité de médecins traitants, attestant : 1° que l'intéressé a la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance ; 2° que l'intéressé a subi une réassignation sexuelle qui le fait correspondre au sexe opposé, auquel il a la conviction d'appartenir, dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical ; 3° que l'intéressé n'est plus en mesure de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent (article 62 bis, § 2 C. civ.). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 8 Commentaires 6. Pour pouvoir obtenir un changement officiel de sexe, il faut que l'intéressé ait la conviction constante et intime d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance. Il est fait référence ici à la conviction intime et à l'aspect physique de la personne transsexuelle qui doivent être conciliés5. La conviction doit être constante. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité ne renferme aucune disposition concernant une durée minimale requise. 7. En outre, l'intéressé doit avoir subi une réassignation sexuelle le faisant correspondre au sexe opposé auquel il a la conviction d'appartenir dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical. Cette disposition vise surtout le traitement chirurgical6. Il est possible de déroger de la réassignation sexuelle sur la base d'objections médicales. L'utilisation des termes 'réassignation sexuelle' indique qu'une opération de changement de sexe n'est pas déterminante, mais le ministre de la Justice a néanmoins souligné que l'opération de changement de sexe devait tout de même être considérée comme point de départ7. Selon la jurisprudence, il ne faut pas obligatoirement exploiter ou recourir effectivement à toutes les possibilités offertes par les progrès de la médecine8. 8. Enfin, il doit s'avérer que l'intéressé n'est plus en mesure de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent. L'intéressé doit donc être stérile ou doit avoir subi une stérilisation de manière irréversible. On ne peut déroger à cette condition de stérilité irréversible. Cette obligation a pour but d'éviter qu'une personne transsexuelle, qui est passée du sexe féminin au sexe masculin ou inversement suite à une intervention chirurgicale puisse encore concevoir des enfants9. Le législateur veut ainsi éviter que naissent des enfants dont le père biologique est déjà une femme au moment de la conception ou inversement10. Dans la mesure où ceci est effectivement la raison d'être du projet de loi, comme l'affirme le Conseil d'Etat, il faut non seulement exclure la possibilité d'insémination naturelle (ne plus être en mesure de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent), mais aussi l'insémination artificielle avec du sperme congelé11. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité n'exclut cependant en aucun cas qu'une femme transgenre fasse congeler du 5 Proposition de loi relative à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Chambre, 2005-2006, n° 903/6, 3 et Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/5, 8. 6 Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/5, 18. 7 Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n°1794/5, 9-10 et 17-18. 8 Anvers 3 avril 2009, Rechtskundig Weekblad 2009-2010, 630-631. 9 Projet de loi relatif à la transsexualité. Avis du Conseil d'Etat, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/3, 5. 10 Projet de loi relatif à la transsexualité. Avis du Conseil d'Etat, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/3, 5. 11 Projet de loi relatif à la transsexualité. Avis du Conseil d'Etat, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/3, 5. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 9 sperme avant son opération de changement de sexe. Ceci afin de pouvoir concevoir un enfant, après l'opération de réassignation sexuelle, avec sa partenaire féminine ou son épouse. Tout comme pour l'adaptation physique, la portée de la condition de stérilité n'est pas claire. L'ablation des testicules ou des ovaires serait suffisante, mais dans la pratique, une opération de réassignation sexuelle effective serait parfois aussi posée comme condition12. 9. La réponse aux trois conditions précitées doit être attestée par une déclaration médicale établie et signée par le psychiatre et le chirurgien en qualité de médecins traitants. La tâche de l'officier de l'état civil se limite à un contrôle de la présence des pièces requises par la loi. Il ne peut effectuer aucun contrôle d'opportunité. L'officier vérifie les conditions formelles, et non pas les conditions matérielles13. Dispositions relatives au changement de prénom Disposition légale 10. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité complète l'article 2 de la loi du 15 mai 1987 relative aux noms et prénoms, qui dit que toute personne qui a quelque motif de changer de nom ou de prénoms en adresse la demande motivée au Ministre de la Justice, comme suit. Les personnes qui ont la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué sur leur acte de naissance et qui ont adopté le rôle sexuel correspondant joignent à leur demande une déclaration du psychiatre et de l'endocrinologue, qui atteste : 1° que l'intéressé a la conviction intime, constante et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l'acte de naissance ; 2° qui l'intéressé suit ou a suivi un traitement hormonal de substitution visant à induire les caractéristiques sexuelles physiques du sexe auquel l'intéressé a la conviction d'appartenir ; 3° que le changement de prénom constitue une donnée essentielle lors du changement de rôle (article 2 de la loi relative aux noms et prénoms). 12 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 56. 13 Considération d.1. dans la Circulaire du 1er février 2008 concernant la loi relative à la transsexualité, Moniteur belge 20 février 2008, 10.759. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 10 Commentaires 11. En ce qui concerne le changement de prénoms, la loi impose que l'intéressé subisse ou ait subi un traitement hormonal de substitution. Elle n'oblige pas l'intéressé à subir une intervention chirurgicale. Pour changer de prénoms, il suffit donc d'introduire une déclaration d'un psychiatre et d'un endocrinologue14. 12. Si une personne transsexuelle ne satisfait pas aux conditions pour une demande 'particulière' de changement de prénoms, elle peut se tourner vers une demande ‘normale’ de changement de prénoms (article 2 de la loi relative aux noms et prénoms). La demande 'particulière' de changement de prénoms est un droit, la demande 'normale' de changement de prénoms est une faveur (article 3 de la loi relative aux noms et prénoms). Si l'intéressé introduit une demande 'normale' de changement de prénoms, il ou elle ne peut choisir de prénom correspondant au sexe opposé, mais doit choisir un prénom neutre15. Dispositions relatives à la filiation Disposition légale 13. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité insère un article 62 bis au Code civil. Celui-ci stipule que l'acte portant mention du nouveau sexe ne modifie en rien les liens de filiation existants, ni les droits, pouvoirs et obligations qui en découlent. (...) Les dispositions du livre Ier, titre VII, chapitre II du Code civil16 ne s'appliquent pas à la personne de sexe masculin qui a fait une déclaration conformément à l'article 62bis et pour laquelle un acte portant mention du nouveau sexe a été établi (article 62 bis, § 8 C. civ.). 14. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité insère également un article 62 au Code civil. Conformément à cet article, l'acte portant mention du nouveau sexe indique entre autres le nouveau lien de filiation avec la mère et le père, si la filiation paternelle est établie (article 62 ter C. civ.). 14 Projet de loi relatif à la transsexualité. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. Parl. Sénat, 2006-2007, n° 1794/5, 10. 15 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 56. 16 Livre Ier, titre VII, chapitre II C. civ. concerne la filiation du côté paternel. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 11 Commentaires 15. Les dispositions de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité qui ont trait au droit de filiation peuvent être interprétées comme suit17. En ce qui concerne les liens de filiation existants par rapport aux enfants d'une personne transsexuelle, le changement de sexe officiel n'a pas d'incidences. Une femme transgenre reste 'père de' (mais devient 'fille de'). Un homme transgenre reste 'mère de' (mais devient 'fils de'). Pour ce qui est du lien de filiation par rapport aux enfants d'une personne transsexuelle qui sont nés avant la réassignation sexuelle, la filiation peut encore être établie conformément au sexe précédent même après la réassignation sexuelle. Dès le moment de l'établissement d'un acte portant mention du nouveau sexe, et en ce qui concerne les enfants nés après l'établissement de l'acte, une femme transgenre ne peut plus devenir père d'un enfant que ce soit par la suspicion de paternité, par la reconnaissance ou pour l'analyse de paternité18. Une femme transgenre devra adopter l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse par la voie de l'adoption coparentale. Avant sa réassignation sexuelle, une femme transgenre peut faire congeler du sperme qui servira à concevoir un enfant avec sa partenaire ou son épouse. Néanmoins, elle devra adopter l'enfant avec lequel elle est apparentée sur le plan biogénétique afin d'en devenir le deuxième parent juridique. Si la femme transgenre devait reporter le changement de sexe officiel jusqu'après la naissance des enfants, un lien de filiation original pourrait dans ce cas bel et bien être établi. Une disposition similaire s'applique aux hommes transgenres. Un homme transgenre peut devenir le père juridique de l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse, par reconnaissance ou sur la base de la règle de paternité. En conséquence, un homme transgenre peut établir un lien de filiation original par rapport à un enfant qui a obligatoirement été conçu avec du sperme de donneur et avec lequel il n'est pas apparenté sur le plan biogénétique. 16. On peut également déduire de ces dispositions qu'une femme transgenre ou un homme transgenre peut avoir un enfant avec lequel un lien de filiation juridique a été établi avant le 17 Paul BORGHS, “Rechtspositie meemoeder. Van adoptieve naar oorspronkelijke juridische afstamming”, Nieuw Juridisch Weekblad 2013, 402. 18 Circulaire du 1er février 2008 concernant la loi relative à la transsexualité, Moniteur belge 20 février 2008, 10762. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 12 changement de sexe officiel, en plus d'un enfant avec lequel un lien de filiation a été établi après le changement de sexe officiel. Le cas échéant, une femme transgenre ou un homme transgenre est en même temps mère juridique d'un enfant et père juridique de l'autre enfant. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 13 2. Droit comparé Généralités 17. Dans divers pays européens, les critères médicaux ont été supprimés (on n'ont jamais été repris) dans la loi par le législateur. Dans d'autres pays européens, les critères médicaux ont été supprimés par les Cours et les tribunaux. Par ailleurs, certains pays préparent une nouvelle législation ne tenant plus compte des critères médicaux. En dehors des frontières européennes également, des développements significatifs sont en cours. C'est le cas notamment en Argentine et en Uruguay. Législation existante en Europe Hongrie 18. Un décret hongrois datant de 1982 (Décret relatif à l'acte de naissance) constitue la base légale pour la modification des données reprises dans l'acte de naissance. La législation hongroise ne détermine pas comment un changement de sexe doit être prouvé si bien que les autorités administratives disposent d'une grande marge d'appréciation. La demande de modification de l'enregistrement officiel du sexe et du prénom doit être adressée à un département du ministère hongrois des affaires intérieures. Cette demande doit être accompagnée d'un rapport d'un psychologue ou d'un psychiatre et d'un urologue ou d'un gynécologue. Une proposition est ensuite formulée sur la base de ces documents et évaluée par le ministère hongrois de la santé. Si la demande est approuvée, la décision est transmise à l'état civil pour modification de l'acte de naissance de l'intéressé. Selon la pratique actuelle, une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'est pas requise pour obtenir le changement de l'enregistrement officiel du sexe ou du prénom19. Islande 19. En Islande, une loi relative au statut légal des personnes ayant un trouble de l'identité de genre est entrée en vigueur en 201220. 20. Un trouble de l'identité de genre (‘kynáttunarvanda’) implique qu'une personne se considère, depuis son plus jeune âge, comme étant née du mauvais sexe. La personne désire appartenir au sexe opposé (article 3 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). 19 X, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Hungary, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 41-42. 20 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda (loi n°57 du 25 juin 2012 relative au statut légal des personnes présentant un trouble de l'identité de genre), www.stjornartidindi.is. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 14 21. Une équipe d'experts composée d'un psychiatre, d'un endocrinologue et d'un psychologue a été constituée au sein de l'Hôpital National Universitaire d'Islande (‘Landspitali’) (article 4 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). Cette équipe assure le diagnostic et le traitement de l'intéressé. Par ailleurs, les autorités ont nommé une commission d'experts (pour une période renouvelable de quatre ans) composée d'un chirurgien, d'un autre médecin et d'un avocat (article 5 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). 22. Si l'intéressé a été traité pendant au moins dix-huit mois par l'équipe d'experts, et si, durant cette période, l'intéressé a vécu pendant au moins douze mois dans le rôle du sexe opposé à celui mentionné sur l'acte de naissance, celui-ci peut introduire une demande auprès de la commission d'experts afin de changer l'enregistrement officiel de son sexe. L'intéressé doit entre autres être majeur. La loi ne lui impose pas d'avoir subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, ni d'être stérile. La commission d'experts doit prouver que l'intéressé appartient au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance. Une fois que le changement officiel de sexe a été confirmé, cette modification est reprise automatiquement dans le Registre de la population (articles 5 et 6 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). L'intéressé doit toutefois demander un changement de prénom avant que le changement officiel de sexe soit enregistré de manière définitive (article 8 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). 23. La loi prévoit aussi la possibilité de revenir à l'enregistrement du sexe précédent. L'intéressé peut s'adresser à l'équipe d'experts pour évaluer la situation. La commission d'experts peut ensuite révoquer le changement officiel de sexe (article 11 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda). Portugal 24. Au Portugal, une loi relative à la procédure de modification de l'enregistrement du sexe et du prénom est d'application depuis 2011 (Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil)21. 25. Un intéressé qui est majeur et chez qui un trouble de l'identité de genre (‘perturbação de identidade de género’) a été établi peut s'adresser à l'officier de l'état civil (‘conservatória do registo civil’) (article 2 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil). 26. L'intéressé doit remettre les documents suivants : (1) une demande de modification de l'enregistrement du sexe, avec mention du nouveau prénom souhaité par l'intéressé et (2) un rapport d'une équipe médicale pluridisciplinaire dans lequel le trouble de l'identité de genre 21 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil (loi n° 7/2011 du 15 mars 2011 relative à la procédure de modification de l'enregistrement du sexe et du prénom), www.legislacao.org. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 15 est diagnostiqué. Ce dernier rapport doit être signé au minimum par un médecin et un psychologue (article 3 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil). La loi n'impose pas à l'intéressé d'avoir subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, ni d'être stérile, ni encore de suivre un traitement hormonal22. 27. L'officier de l'état civil décide, dans un délai de huit jours, si la demande peut être accordée, si elle doit être complétée, ou au contraire, si la demande doit être refusée parce que les documents introduits ne satisfont pas aux normes en vigueur. Dans le deuxième cas, l'officier doit à nouveau décider dans un délai de huit jours après réception des données complémentaires (article 4 Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil). 28. La loi prévoit la délivrance d'un acte de naissance complètement neuf (article 123 Código do Registo Civil). Espagne 29. En Espagne, une loi relative à la rectification de l'enregistrement officiel du sexe (Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo) est en vigueur depuis 200723. 30. Un intéressé qui est majeur et chez qui une dysphorie de genre (‘disforia de género’) a été constatée peut s'adresser à l'officier de l'état civil (‘al Encargado del Registro Civil’) pour une rectification de l'enregistrement officiel du sexe. La rectification de l'enregistrement officiel du sexe implique en principe aussi un changement du prénom de l'intéressé (articles 1 et 3 Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo). 31. L'intéressé doit disposer d'un rapport d'un médecin ou d'un psychologue clinicien attestant que le diagnostic de dysphorie de genre (‘une différence stable et durable entre le sexe et l'identité de genre de l'intéressé’) a été posé. L'intéressé doit avoir suivi pendant au moins deux ans un traitement médical visant à adapter ses caractéristiques physiques au sexe souhaité. Il est possible de déroger de cette condition pour des motifs de santé ou en raison de l'âge de l'intéressé. 32. La loi espagnole stipule explicitement qu'une opération de réassignation sexuelle n'est pas requise (article 4 Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo). Les éléments pris en considération par les juges sont entre autres le suivi d'un traitement 22 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 59. 23 Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo (loi n° 3/2007 du 15 mars 2007 relative à la correction de l'enregistrement officiel du sexe), www.boe.es/legislacion/. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 16 hormonal, le comportement de l'intéressé en tant qu'homme/femme, les facteurs psychologiques et sociaux et l'incapacité à s'adapter au sexe masculin/féminin24. Royaume-Uni 33. Au Royaume-Uni25 on applique depuis 2005 le Gender Recognition Act 200426. 34. Un intéressé qui est majeur peut introduire une demande de ‘gender recognition certificate’ auprès du ‘Gender Recognition Panel’. Le ‘Gender Recognition Panel’ est constitué de médecins, de psychologues et de juristes. L'intéressé doit présenter ou avoir présenté une dysphorie de genre27, avoir vécu pendant deux ans dans le rôle du sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance et avoir l'intention de continuer de vivre dans ce rôle sexuel jusqu'à sa mort (article 2 Gender Recognition Act 2004). 35. L'intéressé doit disposer d'un rapport rédigé par un médecin ou un psychologue actif dans le domaine de la dysphorie de genre et dans lequel le diagnostic de dysphorie de genre est établi. En outre, il faut un rapport d'un médecin actif ou non dans le domaine de la dysphorie de genre. S'il est question d'un traitement en vue d'une modification des caractéristiques sexuelles, celui-ci doit être mentionné dans l'un des rapports (article 3 Gender Recognition Act 2004). La loi n'impose pas à l'intéressé d'avoir subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, ni d'être stérile, ni encore de suivre un traitement hormonal28. 36. Le ‘Gender Recognition Panel’ délivre un ‘gender recognition certificate’ octroyant à l'intéressé le sexe officiel dans lequel il vit (article 9 Gender Recognition Act 2004)29. 24 Par exemple Tribunal Supremo, 17 septembre 2007 (n° 929/2007); 28 février 2008 (n° 158/2008); 6 mars 2008 (n° 182/2008) et 18 juillet 2008 (n° 731/2008), www.poderjudicial.es et T. FREIXES SANJUAN, F. BALAGUER CALLEJON en C. ELIAS MENDEZ, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Spain, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 50. 25 L'article 28 du Gender Recognition Act 2004 précise quelles sont les dispositions applicables dans quelles régions du Royaume-Uni. 26 Gender Recognition Act 2004, www.legislation.gov.uk. 27 Les termes 'dysphorie de genre' font référence à la dysphorie de genre, au trouble de l'identité sexulle et à la transsexualité (article 25 Gender Recognition Act 2004) 28 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 60. 29 “Paragraph 3 ensures that the issue of a gender recognition certificate obliges the Registrar General to make an entry in the Gender Recognition Register and to mark the original entry reffering to the birth (or adoption) of the transsexual person to show that the original entry has been superseded. This will ensure that caution is exercised when an application is received for a certificate from the original birth (or adoption) record. If applicants for a birth certificate provide details of the name recorded on the birth certificate, they will be issued with a certificate from the birth record. If they supply the details recorded on the Gender Recognition Register, they will receive a certificate compiled from the entry in the Gendere Recognition Register. The mark linking the two entries will be chosen carefully to ensure that the fact that an entry is contained in the Gender Recognition Register Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 17 Suède 37. En Suède, des modifications à la loi relative au constat du sexe (Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall) dans certains cas sont applicables depuis 201330. 38. Un intéressé peut demander un changement officiel de sexe auprès du Conseil National de la Santé et du Bien-être (‘Socialstyrelsen’) si l'intéressé (1) a le sentiment depuis longtemps d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance, (2) se comporte depuis un moment conformément à ce sexe et (3) veut continuer à vivre à l'avenir conformément à ce sexe (article 1 Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall). 39. La loi n'exigeait (et n'exige) pas que l'intéressé ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (article 4 Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall). Initialement, la loi posait effectivement pour condition que l'intéressé soit stérile. En 2012, un tribunal administratif (Kammarrätten i Stockholm), statuant dans le cadre d'un recours, a jugé ce dernier critère contradictoire à la Constitution suédoise et à la Convention Européenne des Droits de l'Homme (en particulier aux articles 8 et 14). La Cour estimait que la condition de stérilité ne se justifiait plus. La stérilisation n'était pas effectuée sur une base volontaire, elle était discriminatoire par rapport aux transsexuels et était contraire au droit à l'intégrité physique31. 40. Suite notamment à cette décision, le législateur suédois a supprimé la disposition du Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall qui imposait à l'intéressé d'être stérile pour entrer en ligne de compte pour un changement officiel de sexe. Jurisprudence en Europe Allemagne 41. La loi allemande relative à la transsexualité fixe les conditions pour l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe (appelée ‘grosse Lösung’). Elle exige entre autres (1) que l'intéressé ait la conviction d'appartenir au sexe opposé à celui indiqué dans l'acte de naissance ; (2) que l'intéressé ait l'envie depuis au moins trois ans de vivre conformément au sexe opposé ; (3) qu'il soit très improbable que cette conviction change chez l'intéressé ; (4) que l'intéressé soit stérile de manière permanente et (5) que l'intéressé ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (§ 8 Transsexuellengesetz). Les deux dernières conditions ne s'appliquent pas au changement de prénom (appelé ‘kleine Lösung’) (§ 1 Transsexuellengesetz). is not apparent.” Gender Recognition Bill 2013. Explanatory Notes (Clause 10: Registration), www.publications.parliament.uk. 30 Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall (loi 1972:119 du 21 avril 1972 relative au constat du sexe dans certains cas), www.riksdagen.se. 31 Kamarrätten i Stockholm, 19 décembre 2012 (n° 1968-12), www.kammarrattenistockholm.domstol.se. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 18 42. Le Bundesverfassungsgericht allemand a estimé le 11 janvier 2011 que le critère de stérilité permanente et l'exigence d'avoir subi une intervention de réassignation sexuelle sont contraires à la Constitution allemande et ne peuvent être appliqués32. 43. Le Bundesverfassungsgericht a avancé les considérations suivantes. 32 - Les exigences de stérilité permanente et d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle sont contraires au droit à l'autodétermination sexuelle découlant de l'article 2, alinéa 1er de la Constitution, lu parallèlement à l'article 1, alinéa 1er de la Constitution (l'article 2, alinéa 1er de la Constitution allemande stipule que chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité et l'article 1, alinéa 1er de la Constitution allemande stipule que la dignité de chacun est inviolable). - Les exigences de stérilité permanente et d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle sont contraires au droit à l'intégrité physique évoquée dans l'article 2, 2e alinéa de la Constitution (l'article 2, 2e alinéa de la Constitution allemande stipule que chacun a droit à la vie et à l'intégrité physique). Les exigences de stérilité permanente et d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle constituent une obligation trop conséquente, déraisonnable pour les intéressés, qui leur est imposée par le législateur. - L'exigence d'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle forme une violation grave au principe d'intégrité physique. Cette exigence entraîne des risques pour la santé des intéressés et des risques d'effets indésirables. Selon l'état actuel de la science, il n'est pas toujours indiqué, même en cas de diagnostic approfondi et vérifié de transsexualité, de procéder à une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. La constance et l'irréversibilité du sexe opposé dans lequel vit l'intéressé ne se mesurent pas au degré d'adaptation des caractéristiques sexuelles extérieures par une intervention chirurgicale. Il est plus important de vérifier dans quelle mesure l'intéressé vit dans l'autre rôle sexuel. On exige des personnes transsexuelles qu'elles se soumettent à une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, et qu'elles subissent des dommages pour leur santé, même lorsque ce type d'intervention n'est pas indiqué, pour établir le caractère durable de leur transsexualité. L'exigence inconditionnelle d'une intervention de réassignation sexuelle constitue dès lors une obligation excessive. - De même, l'exigence de stérilité, dans la mesure où celle-ci requiert une intervention chirurgicale, est démesurée. Le législateur veut éviter qu'un homme transgenre accouche d'un enfant et qu'une femme transgenre conçoive un enfant. Cette inquiétude de la part du législateur doit être évaluée par rapport au droit à l'autodétermination sexuelle et au droit à l'intégrité physique. Ces deux droits pèsent davantage dans la balance. D'autant plus qu'il est très rare qu'un homme transgenre accouche d'un enfant ou qu'une femme transgenre conçoive un enfant. En outre, la loi relative à la transsexualité stipule que les liens de filiation existants restent inchangés Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 19 (§ 11 Transsexuellengesetz). Cette vérité peut être extrapolée aux enfants nés après l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe. Malgré l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe, un enfant se verra donc toujours attribuer une mère juridique et un père juridique. 44. Cet arrêt concernait une femme transgenre âgée de soixante-deux ans qui cohabitait avec une partenaire féminine. La femme transgenre avait obtenu un changement de prénom, mais était encore enregistrée officiellement en tant qu'homme vu qu'elle n'avait pas subi d'opération de réassignation sexuelle. Etant donné l'âge de la femme transgenre, une telle intervention n'était pas sans risque. La femme transgenre souhaitait légaliser sa cohabitation avec sa partenaire féminine, mais cette demande lui avait été refusée. Selon la loi allemande, une cohabitation légale ne peut être enregistrée qu'entre personnes officiellement inscrites comme étant de sexe différent. Afin d'obtenir malgré tout une certaine sécurité juridique, la femme transgenre avait été obligée de se marier avec sa partenaire féminine33. Comme les deux épouses portaient un prénom féminin, elles ont été contraintes de reconnaître que l'une d'entre elles était transsexuelle. De ce fait, elles n'ont plus pu prétendre à une vie 'discrète' et 'sans discrimination'. A cet égard, le Bundesverfassungsgericht a notamment évoqué aussi l'atteinte à la vie privée de la femme transgenre34. Italie 45. Conformément à la loi italienne n°164 de 1982, une personne transsexuelle doit introduire une demande à deux reprises auprès du tribunal. La première fois, pour obtenir l'approbation pour une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Et la seconde fois, pour la modification du prénom et de l'enregistrement officiel du sexe35. 46. En 1997, le tribunal de première instance de Rome a estimé qu'une femme transgenre pouvait obtenir une modification de l'enregistrement officiel du sexe sans chirurgie de 33 En Allemagne, le mariage est exclusivement possible entre personnes officiellement enregistrées comme étant de sexe différent. 34 Dans une proposition de loi allemande, il a été suggéré de permettre l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe sans avoir à fournir la preuve d'une opération de réassignation sexuelle ou de stérilité permanente. L'exigence de chirurgie de réassignation sexuelle est dépassée et ne correspond plus à une société reconnaissant des formes de vie pluralistes. Les interventions chirurgicales sont lourdes et contraires au principe d'intégrité physique. Elles impliquent des risques pour la santé et peuvent même engager le pronostic vital. Pour les intéressés, elles constituent un frein trop important au déploiement de leur identité. L'exigence de stérilité est désuette étant donné que le législateur autorise l'adoption coparentale dans le cadre de la cohabitation légale de deux hommes ou deux femmes et reconnaît ainsi qu'un enfant peut avoir deux pères ou deux mères. Voir: Entwurf eines Gesetzes über die Änderung der Vornamen und die Feststellung der Geschlechtszugehörigkeit, Deutscher Bundestag, 16 juin 2010, n° 17/221. 35 M. CARTABIA, E. CRIVELLI, E. LAMARQUE et D. TEGA, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Italy, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 22. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 20 réassignation sexuelle. L'intéressée était très malade et n'avait selon toute probabilité plus longtemps à vivre36. 47. Dans la jurisprudence récente, par référence au jugement du tribunal de première instance de Rome de 1997, la modification de l'enregistrement officiel du sexe a été de plus en plus souvent autorisée sans intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Le tribunal de première instance de Rome a jugé dans un arrêt du 11 mars 2011, ayant trait à une femme transgenre, qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'était pas requise. Le tribunal a fait remarquer que l'identité sexuelle était non seulement liée aux caractéristiques sexuelles extérieures, mais aussi aux facteurs psychosociaux. L'intéressée n'envisageait en aucun cas de renoncer à ses propres organes sexuels et une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'était pas nécessaire aux yeux de l'intéressée pour trouver un bon équilibre entre l'apparence physique et le bien-être psychique. Le tribunal a par ailleurs souligné que le traitement hormonal suivi par l'intéressée avait fortement réduit sa capacité de procréation37. Le tribunal de première instance de Rovereto a également jugé, dans un arrêt du 3 mai 2013, concernant une femme transgenre, qu'une opération de réassignation sexuelle n'était pas requise. Le tribunal s'est basé sur des arguments similaires38. Autriche 48. En Autriche, il n'existe pas de loi spécifique sur la transsexualité. Un changement de prénom et de l'enregistrement officiel du sexe est possible sur la base du Personenstandsgesetz et du Namensrechtänderungsgesetz39. 49. Le Verwaltungsgerichtshof autrichien a estimé le 27 février 2009 qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ne constituait pas une exigence pour la modification de l'enregistrement officiel du sexe. Une femme transgenre vivait déjà depuis de longues années dans le rôle du sexe opposé. Elle suivait une psychothérapie, s'était fait épiler la barbe et suivait un traitement hormonal. Elle n'avait pas opté pour la chirurgie de réassignation sexuelle. La femme transgenre avait argué qu'elle occupait une fonction de dirigeante dans une entreprise internationale. L'absence prolongée qu'aurait exigée l'intervention de réassignation sexuelle aurait mené à son licenciement. La femme transgenre ne pouvait courir le risque d'être licenciée et, ainsi, de perdre sa place dans la société. Comme elle n'avait pas 36 M. CARTABIA, E. CRIVELLI, E. LAMARQUE et D. TEGA, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Italy, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 22-23. 37 Tribunale di Roma 11 mars 2011 (n° 5896). 38 Tribunale di Rovereto 3 mai 2013 (n° 194/13). 39 M. NOWAK, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Austria, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 26-28. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 21 subi d'intervention chirurgicale de réassignation sociale, l'officier de l'état civil de la ville de Vienne avait refusé d'adapter l'enregistrement officiel de son sexe. Le Verwaltungsgerichtshof s'est référé à sa jurisprudence antérieure dans laquelle il avait été établi qu'une personne devait être considérée comme appartenant au sexe auquel correspondait son apparence extérieure si (1) cette personne avait l'intime conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance ; (2) cette personne avait subi des interventions de réassignation sexuelle tendant à se rapprocher manifestement de l'apparence extérieure du sexe opposé et (3) cette personne avait toutes les probabilités de rester convaincue d'appartenir à l'autre sexe. Le Verwaltungsgerichtshof s'est également basé sur l'article 8 de la CEDH garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. Le droit à la vie privée inclut notamment la liberté de tout un chacun de vivre son orientation sexuelle. Selon le Verwaltungsgerichtshof, une lourde intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ne formait pas une condition indispensable pour pouvoir parler de rapprochement manifeste de l'apparence extérieure du sexe opposé. Il faut également tenir compte des composantes psychiques pour évaluer l'appartenance à un sexe défini. “Ist dieses Zugehörigkeitsempfinden aller Voraussicht nach weitgehend irreversibel und nach aussen in der Form einer deutliche Annäherung an das äussere Erscheinungsbild des anderen Geschlechts zum Ausdruck gekommen, ist der österreichischen Rechtsordnung kein Hindernis zu entnehmen, das eine personenstandsrechtliche Berücksichtigung des für die Allgemeinheit relevanten geslechtsspezifischen Auftretens hindern würde40.” 50. Le Verwaltungsgerichtshof a affirmé le 15 septembre 2009, sur la base d'arguments comparables, que la chirurgie de réassignation sexuelle ne constituait pas un critère pour le changement de prénom. Il s'agissait dans cette affaire de la même femme transgenre que celle concernée par l'arrêt du 27 février 200941. 51. Voyant que le ministère autrichien des affaires intérieures refusait de se conformer à la décision du Verwaltungsgerichtshof, et avait à nouveau mis en exergue la condition de chirurgie de réassignation sexuelle dans une communication datée du 27 octobre 2009, le Verwaltungsgerichtshof a prononcé un nouveau jugement le 17 février 2010. Le Verwaltungsgerichtshof s'est référé à ses arrêts précédents et a jugé que la communication était contraire au droit42. 52. Le Verfassungsgerichtshof autrichien s'est également prononcé au sujet du critère d'intervention de réassignation sexuelle. Il a jugé le 3 décembre 2009 qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'était pas indispensable pour accorder un changement de l'enregistrement officiel du sexe. La décision de refus du changement de l'enregistrement officiel du sexe d'une femme transgenre parce que l'intéressée n'avait pas subi d'intervention de réassignation sexuelle était contradictoire, selon le Verfassungsgerichtshof, au principe 40 41 42 Verwaltungsgerichtshof 27 février 2009 (n° 2008/017/0054), www.ris.bka.gv.at. Verwaltungsgerichtshof 15 septembre 2009 (n° 2008/06/0032), www.ris.bka.gv.at. Verwaltungsgerichtshof 17 février 2010 (n° 2009/17/0263), www.ris.bka.gv.at. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 22 d'égalité garanti par la Constitution. L'intéressée avait introduit un recours auprès du ‘Landeshauptmann von Oberösterreich’ contre une décision prise par l'officier de l'état civil de Linz. Ce dernier avait refusé de modifier l'enregistrement officiel du sexe pour manque de preuve attestant d'une chirurgie de réassignation sexuelle. D'après l'officier de l'état civil, l'intéressée n'avait pas fourni de pièce justificative émanant d'un expert en matière de transsexualité ou d'un médecin indépendant. Par conséquent, il n'était pas possible de prendre une décision étant donné que les pièces introduites par l'intéressée ne permettaient pas d'évaluer s'il était question d'un rapprochement manifeste de l'apparence extérieure du sexe opposé. Le recours a été refusé par le ‘Landeshauptmann von Oberösterreich’. Le Verfassungsgerichtshof a jugé qu'il s'agissait là d'une décision arbitraire et donc d'une violation du principe d'égalité, parce que l'officier de l'état civil avait exigé à tort une preuve émanant d'un expert en matière de transsexualité ou d'un médecin indépendant. Ce faisant, l'officier de l'état civil avait inversé la charge de la preuve et manqué d'examiner s'il était question d'un rapprochement manifeste de l'apparence extérieure du sexe opposé et si ce rapprochement avait toutes les probabilités de ne plus changer à l'avenir43. Future législation en Europe Irlande 53. En juillet 2013, le ministre irlandais de la Protection Sociale (‘minister for Social Protection’) a publié un schéma général pour le Gender Recognition Bill 201344. Le projet de loi a été défendu par le conseil des ministres irlandais et a été soumis à discussion au Parlement irlandais. Le législateur irlandais est contrait d'élaborer un règlement légal suite au jugement prononcé par la Cour suprême irlandaise45. 54. L'intéressé peut adresser une demande de modification de l'enregistrement officiel du sexe au ministre de la Protection Sociale (article 4 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Il doit répondre à un certain nombre de conditions. Ainsi, l'intéressé doit être majeur (article 5 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). L'intéressé doit déclarer avoir la ferme intention de continuer de vivre dans le sexe opposé pendant le restant de sa vie. Le médecin (‘primary treating physician’) de l'intéressé doit confirmer que l'intéressé suit ou a suivi un processus de transition et qu'il comprend pleinement les implications de sa décision de vivre de manière permanente dans le rôle du sexe opposé (article 6 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Selon le projet de loi, aucun détail n'est demandé au sujet du traitement (et donc au sujet des antécédents médicaux ou de l'existence d’un diagnostic déterminé). L'intéressé ne doit pas non plus prouver qu'il ou elle 43 44 45 Verfassungsgerichtshof 3 december 2009 (n° B 1973/08-13), www.ris.bka.gv.at. General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013, www.welfare.ie. High Court 19 octobre 2007 (Foy v. An t-Ard Chláraitheoir & Ors, n° IEHC 470),www.courts.ie. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 23 a vécu pendant un certain temps dans le rôle du sexe opposé, tel que recommandé par un groupe consultatif (‘Gender Recognition Advisory Group’)46. 55. Si toutes les conditions légales sont satisfaites, le ministre de la Protection Sociale délivre un ‘gender recognition certificate’ contenant le nom complet et le nouvel enregistrement officiel du sexe de l'intéressé (article 8 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Le ministre de la Protection Sociale avise l'agent compétent (‘an tArd-Chláraitheoir’47), qui conserve un ‘gender recognition register’ (non public) et qui prend contact avec l'intéressé dans le but de modifier ses données personnelles et d'émettre un nouvel acte de naissance (articles 8, 9 et 12 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). Le règlement prévoit également une procédure d'appel auprès du tribunal contre la décision du ministre de la Protection Sociale et la pénalisation des fausses déclarations (articles 17 et 20 General Scheme of the Gender Recognition Bill 2013). 56. Le projet de loi irlandais prend pour point de départ la déclaration de l'intéressé. Il n'exige pas que le diagnostic de dysphorie de genre ait été posé, ni que l'intéressé ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Le médecin de l'intéressé doit par contre encore attester que l'intéressé suit ou a suivi un processus de transition. De ce fait, le projet de loi comporte encore une évaluation médicale. Dans une proposition de loi, introduite par un sénateur irlandais, on suggère d'éviter toute évaluation médicale. Selon cette proposition de loi, l'intéressé doit uniquement introduire une déclaration incluant la définition de l'identité de genre, la confirmation de l'intention de vivre de façon permanente selon cette identité de genre et le ou les prénom(s) que cette personne souhaite avoir. Les données personnelles de l'intéressé sont ensuite adaptées en conséquence. La proposition de loi se réfère à cet égard au droit à l'intégrité physique et aux recommandations du Commissaire aux Droits de l'Homme au Conseil de l'Europe48. Pays-Bas 57. La Deuxième Chambre néerlandaise a approuvé le 9 avril 2013 une proposition de Modification du Livre 1er du Code civil et de la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en 46 DEPARTMENT OF SOCIAL PROTECTION, “Bill will provide for State recognition of the acquired gender of transgender people”, 17 juillet 2013, www.welfare.ie en GENDER RECOGNITION ADVISORY GROUP, Report to Joan Burton, T.D., Minister for Social Protection, Dublin, Gender Recognition Advisory Group, 2011, 33. 47 ‘Registrar General’. 48 Legal Recognition of Gender Bill 2013, House of Oireachtas 2 juillet 2013 (n° 75), www.oireachtas.ie. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 24 matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance49. La modification de la loi est actuellement à l'examen au sein de la Première Chambre50. 58. Le mineur d'âge âgé de seize ans51 ou plus, et qui a la conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance, peut déclarer cette conviction à l'officier de l'état civil (nouvel article 28 Code civil). Au moment de cette déclaration, il doit fournir une attestation d'un expert52 délivrée au minimum six mois avant la date de la déclaration (nouvel article 28a Code civil). L'attestation doit démontrer (1) que l'intéressé a déclaré à l'expert avoir la conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance ; (2) que l'intéressé a visiblement compris l'information de l'expert au sujet de la portée et du sens de cet état et (3) que l'intéressé a bien considéré son souhait de modifier la mention du sexe dans son acte de naissance. L'expert ne peut délivrer d'attestation s'il a une bonne raison de douter du bien-fondé de la conviction de l'intéressé (nouvel article 28a Code civil). Sur la base de l'attestation et de la déclaration, l'officier de l'état civil ajoute à l'acte de naissance une mention ultérieure de changement de sexe. Eventuellement, il peut aussi procéder au changement des prénoms de l'intéressé (nouvel article 28b Code civil). 59. La nouvelle législation néerlandaise n'exigera plus que l'intéressé soit stérile, ou qu'il ait subi une réassignation sexuelle (pour autant que la demande soit justifiée du point de vue médical et psychologique). Il suffit que la conviction de l'intéressé soit de nature permanente et que celle-ci soit confirmée par un expert53. 60. D'après le législateur néerlandais, l'intervention d'un expert ne se justifie pas par le fait que la dysphorie de genre serait une anomalie ou un trouble médical. Selon lui, l'intervention est utile et indispensable54. Le point de départ est le ‘consentement éclairé’ ou l'autodiagnostic de l'intéressé. L'expert n'a pas pour tâche de définir l'identité de genre de l'intéressé. Seul l'intéressé peut le faire. L'expert, quant à lui, confirme uniquement la conviction durable de l'identité de genre et le fait que cette conviction n'est pas induite par 49 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351), www.tweedekamer.nl. 50 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance, Eerste Kamer 2012-2013 (n° 33351), www.eerstekamer.nl. 51 Le mineur de seize ans ou plus est capable de faire cette déclaration pour lui-même et d'intervenir en la matière dans et en dehors des tribunaux (nouvel article 28 du Code civil). 52 L'expert est désigné en vertu d'une mesure générale d'administration. 53 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 1, www.tweedekamer.nl. 54 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 3-4, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 25 un trouble psychique. L'accent est placé sur le constat des capacités mentales et du caractère durable et bien considéré du souhait. L'expert a aussi le devoir d'informer suffisamment l'intéressé sur ce que signifie dans la pratique et dans la vie quotidienne d'appartenir durablement au sexe opposé et de vivre conformément à cet autre sexe55. 61. Si l'intéressé veut revenir ultérieurement sur la modification de l'enregistrement officiel du sexe, il faut à nouveau un rapport d'expert. Ceci devrait contribuer à réduire les revirements56. 62. L'officier de l'état civil vérifie si l'expert fait partie des experts compétents pour délivrer une attestation en la matière et si l'attestation répond à tous les critères de forme. L'officier de l'état civil peut refuser une déclaration si l'attestation de l'expert ne provient pas d'un expert compétent ou si aucune attestation d'expert n'a été remise. Il est possible de faire appel de la décision de l'officier de l'état civil devant un tribunal. La tâche de l'officier de l'état civil ne consiste pas à évaluer la valeur intrinsèque de la déclaration de l'intéressé57. Autres développements en Europe 63. En France, on a introduit en 2011 une proposition de loi visant à permettre la modification de l'enregistrement officiel du sexe par le biais d'une demande adressée au président du tribunal de première instance. L'intéressé pourrait simplement s'adresser au président du tribunal de première instance, accompagné de trois témoins (de son choix) confirmant que l'intéressé agit de bonne foi. Les témoins ne peuvent être des ascendants ou des descendants de l'intéressé, mais par exemple des parents collatéraux. Sauf abus manifeste, le tribunal ordonne la modification de l'enregistrement officiel du sexe. Les auteurs de la proposition de loi estiment que les conséquences sociales d'une modification de l'enregistrement officiel du sexe sont telles qu'elles découragent les abus. Par ailleurs, la proposition de loi prévoit la possibilité pour le ministère public de lutter contre les abus. Les auteurs de la proposition de loi ne perçoivent aucune contradiction par rapport au principe d'indisponibilité de l'état de la personne : “Or, la présente proposition de loi ne propose en rien de modifier le sexe biologique de l’individu reconnu à sa naissance et 55 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 2, www.tweedekamer.nl. 56 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 3, www.tweedekamer.nl. 57 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Avis du Conseil d'Etat et rapport détaillé, Tweede Kamer 2012-2013 (n°33351/4), 3, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 26 indiqué dans l’acte de l’état civil. Il s’agit ici de rectifier le genre de l’individu qui constate que son genre ne correspond pas à son sexe biologique58.” 64. Le 24 mai 2012, la Cour d'Appel de Chisinau en Moldavie a affirmé qu'une modification de l'enregistrement officiel du sexe est possible sur la base d'un rapport psychiatrique et sans intervention chirurgicale de réassignation sexuelle. Selon la Cour d'Appel, une intervention chirurgicale est onéreuse et s'accompagne d'une longue période de rétablissement. De plus, tous les types d'interventions chirurgicales ne sont pas accessibles en Moldavie59. 65. En Pologne, une modification de l'enregistrement officiel du sexe est possible au terme d'une procédure longue et complexe devant le tribunal. Les parents de l'intéressé sont eux aussi appelés à comparaître. L'intéressé doit répondre à de nombreux critères. Ainsi, il faut un diagnostic de trouble de l'identité de genre, il faut passer (en principe) par une période d'essai de deux ans et l'intéressé doit suivre un traitement hormonal. Il doit aussi y avoir des indications selon lesquelles le changement de sexe sera irréversible ou il doit être question d'une intervention chirurgicale (mastectomie). En revanche, l'intéressé ne doit pas être stérile. L'article 156 du Code pénal polonais pénalise la stérilisation. Dès lors, une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle, menant à une stérilité irréversible, ne pourrait dans la pratique être réalisée qu'après la décision d'un juge autorisant le changement officiel de sexe (car l'intervention serait alors considérée comme une nécessité médicale dans le but d'adapter les caractéristiques physiques de l'intéressé au sexe officiel)60. 66. En Suisse, la Cour d'Appel du canton de Zurich a estimé le 1er février 2011 qu'une modification de l'enregistrement officiel du sexe d'une femme transgenre était également possible à titre exceptionnel sans intervention chirurgicale de réassignation sexuelle et à défaut de preuve de stérilité irréversible. L'intéressée vivait déjà depuis plusieurs années sous les traits d'une femme et était aussi considérée par son entourage comme une femme. De plus, l'intéressée suivait un traitement hormonal déjà depuis longtemps, ce qui l'avait rendue stérile. Au vu des circonstances, la Cour d'Appel a déduit que l'intéressée continuerait à prendre des hormones de manière permanente et resterait par conséquent stérile. En ce sens, la condition de stérilité permanente était remplie, même si celle-ci n'était pas irréversible61. 58 Proposition de loi visant à la simplification de la procédure de changement de la mention du sexe dans l’état civil, Assemblée Nationale 22 décembre 2011 (n° 4127), www.assemblee-nationale.fr. 59 GENDERDOC-M INFORMATION CENTRE, “Groundbreaking strategic legal victory for transgender people in Moldova”, www.ilga-europe.org. 60 A. BODNAR, A. GLISZCZYNSKA-GRABIAS, K. SEKOWSKA-KOZLOWSKA en A. SLEDZINSKA-SIMON, Legal Study on Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity. Thematic Study Poland, Wenen, Fundamental Rights Agency, 2010, 62 en W. DYNARSKI, “Gender gatekeepers – gatekeeping in the context of experiences of people correcting gender in Poland”, dans M. MAKUCHOWSKA et M. PAWLEGA (éd.), Situation of LGBT persons in Poland, Warschau, Campaign Against Homophobia, 2012, 290-291. 61 Obergerichts des Kantons Zürich 1er février 2011 (n° NC090012/U), www.gerichte-zh.ch. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 27 67. D'après une étude d'ILGA-Europe, en Finlande, le critère de stérilité de la loi relative à la transsexualité serait interprété dans la pratique de telle manière qu'un traitement hormonal suffirait62. 68. Selon une étude du Commissaire aux Droits de l'Homme au sein du Conseil de l'Europe, en Russie, il n'y aurait aucune base légale imposant la stérilité irréversible. Certaines autorités et certains tribunaux l'exigeraient néanmoins63. Développements en dehors de l'Europe Argentine 69. En Argentine, une loi relative à l'identité de genre (Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas) est entrée en vigueur en 201264. 70. La loi argentine stipule que tout un chacun a droit (1) à la reconnaissance de son identité de genre ; (2) au libre épanouissement personnel suivant son identité de genre et (3) au traitement et à l'identification conformément à son identité de genre (article 1 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). Dans la définition65 de l'identité de genre il est explicitement mentionné qu'il peut être question d'une modification des caractéristiques physiques extérieures ou des fonctions physiques, par des moyens pharmacologiques, chirurgicaux ou autres, pour autant que le choix de cette modification ait été fait librement. Selon la loi, l'identité de genre comprend aussi d'autres expressions de genre comme les vêtements, la façon de parler et le comportement (article 2 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 71. En cas de contradiction avec l'identité de genre perçue par lui, chacun peut demander une modification de l'enregistrement officiel du sexe, ainsi que du prénom et de la photo (article 3 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). Pour ce faire, l'intéressé doit s'adresser au (bureau local du) Registre national (‘Registro Nacional de las 62 S. AGIUS, R. KÖHLER, S. AUJEAN en J. EHRT, Human Rights and Gender Identity. Best Practice Catalogue, Brussel, ILGA-Europe, 2011, 24. Selon une étude de la Fundamental Rights Agency, l'on pourrait même échapper à la condition de traitement hormonal, d'après EUROPEAN UNION FUNDAMENTAL RIGHTS AGENCY, Homophobia and Discrimination on Grounds of Sexual Orientation in the EU Member States: Part I – Legal Analysis, Vienne, Fundamental Rights Agency, 2008, 133. 63 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, Straatsburg, Council of Europe, 2011, 87. 64 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas (loi n° 26.743 du 9 mai 2012 relative à l'identité de genre), www.boletinoficial.gob.ar. 65 “Par identité de genre on entend la perception interne et individuelle du genre telle que chaque personne la ressent, et qui peut ou non correspondre au sexe attribué au moment de la naissance, à l'inclusion de la perception personnelle du corps. Ceci peut induire une modification de l'apparence ou de la fonction physique par des moyens pharmacologiques, chirurgicaux ou autres, pour autant que le choix de cette modification ait été fait librement. Ceci implique également d'autres moyens d'expression de genre comme les vêtements, la façon de parler et le comportement.”(article 2 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 28 Personas’). La loi stipule explicitement que l'on ne peut demander aucune preuve d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (complète ou partielle), de traitement hormonal ou de tout autre traitement psychologique ou médical (article 1 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas)66. L'agent qui reçoit la demande doit procéder à la modification de l'enregistrement officiel du sexe et du prénom sans procédure légale ou administrative complémentaire. L'intéressé reçoit un nouvel acte de naissance et une nouvelle carte d'identité (article 6 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 72. Une fois les adaptations effectuées, elles ne peuvent plus être modifiées qu'après l'intervention d'un tribunal (article 8 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 73. La loi argentine relative à l'identité de genre garantit entre autres l'accès aux interventions chirurgicales ou aux traitements hormonaux sans approbation judiciaire ou administrative préalable (article 11 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas)67. Uruguay 74. En Uruguay, une loi relative à l'identité de genre (Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios) est d'application depuis 200968. 75. La loi garantit à tout un chacun le droit au libre épanouissement de son identité de genre et à l'identification conformément à son identité de genre (article 1 Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios). Chacun peut demander une modification de son prénom et/ou son sexe, par le biais d'une procédure devant le tribunal (‘Juzgados Letrados de Familia’), pour autant que le prénom et/ou le sexe actuel(s) ne corresponde(nt) pas à l'identité de genre de l'intéressé et ce depuis au moins deux ans. La loi stipule explicitement qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle n'est pas requise (articles 3 et 4 Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios). La loi exige en revanche l'introduction d'un rapport technique élaboré par une équipe pluridisciplinaire spécialisée. La loi précise qu'il faut tenir compte de témoignages de personnes qui partagent la vie quotidienne de l'intéressé et de prestataires professionnels (sur le plan social, mental et physique) (article 4 Ley 66 L'intéressé doit être majeur. Pour les mineurs, on a développé une procédure distincte exigeant l'intervention de leur(s) représentant(s) légal/légaux et d'un avocat (article 5 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 67 Pour les mineurs, en cas d'intervention chirurgicale, l'intervention du tribunal est obligatoire (article 11 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas). 68 Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios (loi n° 18.620 du 25 octobre 2009 relative au droit à l'identité de genre et au changement de prénom et sexe dans les documents d'identité), www.parlamento.gub.uy. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 29 derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 30 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 31 3. Contexte international des droits de l'homme Généralités 76. En ce qui concerne la protection internationale des droits de l'homme des personnes transgenres, on observe une nette tendance à faire une distinction très claire entre les critères légaux pour le changement officiel de sexe et les interventions médicales. Tant au niveau des Nations Unies, que du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, il existe à cet égard des prises de position évidentes. Par ailleurs, les principes de Yogyakarta ont été lancés en guise de référence pour la protection internationale des droits de l'homme. Principes de Yogyakarta 77. Les principes de Yogyakarta69 ont été élaborés en 2006 par un groupe de travail international d'éminents experts en matière de droits de l'homme. Au travers des vingt-neuf principes, les droits de l'homme sont déclinés en termes d'orientation sexuelle et d'identité de genre. Les principes de Yogyakarta font office de manuel pratique sur la façon dont les Etats peuvent protéger les droits des lesbigays et bisexuels, ainsi que des transgenres. Ce rôle de manuel pratique est de plus en plus reconnu. Plusieurs textes et déclarations des Nations Unies, du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne font également référence aux principes de Yogyakarta70. Les gouvernements notamment danois, allemand, finlandais, islandais, néerlandais, norvégien et suédois soutiennent les principes de Yogyakarta-71. La Cour suprême de New Delhi (Inde) a fait référence aux principes de Yogyakarta dans un arrêt révolutionnaire72. 69 Une version en néerlandais est disponible sur: www.ypinaction.org/files/01/35/Yogyakarta_Principles_NL_versie.pdf. 70 Par exemple : COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 8; COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON EQUALITY AND NON-DISCRIMINATION, Putting an end to coercive sterilisations and castrations. Committee Opinion, 26 juin 2013 (n° Doc. 13252), 3; EUROPEAN PARLIAMENT DIRECTORATE-GENERAL FOR INTERNAL POLICIES. POLICY DEPARTMENT CITIZEN’S RIGHTS AND CONSTITUTIONAL AFFAIRS, Transgender Person’s Rights in the EU Member States. Note, Bruxelles, Policy Department C (Citizen’s Rights and Constitutional Affairs), 2010, 5 et UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 8. 71 P. BORGHS, “België en de Yogyakarta-principes”, De Juristenkrant 10 avril 2013, 16 et M. O’FLAHERTY et J. FISHER, “Sexual Orientation, Gender Identity and International Human Rights Law: Contextualising the Yogyakarta Principles”, Human Rights Law Review 2008, 207-248. 72 High Court of Delhi at New Delhi 2 juillet 2009 (Naz Foundation v. Government of NCT of Delhi, n° 7455/2001), www.delhihighcourt.nic.in. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 32 78. Le Parlement flamand a approuvé en 2008 une proposition de résolution invitant le gouvernement flamand à défendre activement les principes de Yogyakarta73. Le Sénat a quant à lui approuvé en 2012 une proposition de résolution dans laquelle le gouvernement fédéral était appelé à souscrire à et à appliquer les principes de Yogyakarta74. Le plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes, proposé en janvier 2013, inclut l'engagement des législateurs belges à souscrire aux principes de Yogyakarta, à les (faire) appliquer et à les (faire) défendre activement75. 79. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité est contraire aux troisième et dixhuitième principes de Yogyakarta. Selon le troisième principe (‘Le droit à la reconnaissance devant la loi’), personne ne peut être forcé de subir un traitement médical, tel qu'une opération de réassignation sexuelle, une stérilisation ou une thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de l'identité de genre76. Suivant le dix-huitième principe 73 VLAAMS PARLEMENT, Voorstel van resolutie betreffende een geïntegreerde gelijkekansenbeleid voor holebi’s en het actief uitdragen van de Jogjakartaprincipes op internationaal niveau, 2007-2008, n° 1685 (“De 29 Jogjakartaprincipes te ondertekenen en mee uit te dragen op internationaal niveau.”). 74 SENAT BELGE, Proposition de résolution relative aux principes de Jogyakarta sur l'application des droits humains en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre, 2012-2013, n° 1847 (“De souscrire aux principes de Jogyakarta et d'en appliquer pleinement les dispositions dans tous les domaines de la vie publique et privée afin de mettre un terme à la discrimination basée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre.”). 75 Plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes, 31 janvier 2013, 6 (“Les législateurs belges d'engagent à souscrire aux principes de Yogyakarta, à les (faire) appliquer et à les (faire) défendre activement.”). 76 PRINCIPE 3 LE DROIT A LA RECONNAISSANCE DEVANT LA LOI Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Les personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre jouiront d’une capacité juridique dans tous les aspects de leur vie. L’orientation sexuelle et l’identité de genre définies par chacun personnellement font partie intégrante de sa personnalité et sont l’un des aspects les plus fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. Personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre. Aucun statut, tels que le mariage ou la condition de parent, ne peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance légale de l’identité de genre d’une personne. Personne ne sera soumis à de la pression pour dissimuler, supprimer ou nier son orientation sexuelle ou son identité de genre. Les Etats devront : A. Garantir que toutes les personnes se voient accordées une capacité juridique dans les affaires civiles, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, ainsi que la possibilité d’exercer cette capacité, y compris un droit égal à conclure des contrats, et à administrer, posséder, acquérir (y compris par héritage), gérer, jouir et disposer de biens ; B. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour respecter pleinement et reconnaître légalement l’identité de genre telle que chacun l’a définie pour soi-même ; C. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour assurer l’existence de procédures par lesquelles tous les documents émis par l’État indiquant l’identité de genre d’une personne — y compris les certificats de naissance, les passeports, les registres électoraux et d’autres documents — reflètent l’identité de genre profonde telle que definie par chacun pour soi-même ; D. Garantir que de telles procédures soient efficaces, équitables et non discriminatoires, et qu’elles respectent la dignité et la vie privée de la personne concernée ; Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 33 (‘Protection contre les abus médicaux’), personne ne peut être forcé de subir une quelconque forme de traitement, de protocole ou de test médical ou psychologique (...) en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. En dépit de toute classification allant dans le sens contraire, l'orientation sexuelle et l'identité de genre d'une personne ne sont pas en soi des maladies et ne doivent pas être traitées, soignées ou supprimées77. 80. Le dix-septième principe (‘Le droit au plus haut niveau possible de santé’) appelle entre autres à faciliter l'accès des personnes désireuses de subir des modifications corporelles liées à une réassignation de sexe, à un traitement, à des soins et à un soutien adéquats et non discriminatoires78. E. Garantir que les modifications apportées aux documents d’identité soient reconnues dans toutes les situations où l’identification ou la catégorisation des personnes en fonction du sexe est requise par la loi ou une politique ; F. Mettre en place des programmes ciblés afin d’apporter un soutien social à toutes les personnes subissant une transition ou une réassignation de sexe. 77 PRINCIPE 18 PROTECTION CONTRE LES ABUS MEDICAUX Nul ne peut être forcé de subir une quelconque forme de traitement, de protocole ou de test médical ou psychologique, ou d’être enfermé dans un établissement médical, en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. En dépit de toute classification allant dans le sens contraire, l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne ne sont pas en soi des maladies et ne doivent pas être traitées, soignées ou supprimées. Les Etats devront : A. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir une protection complète contre les pratiques médicales nuisibles qui se rapportent à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, y compris celles fondées sur des stéréotypes, dérivés ou non de la culture, ayant trait au comportement, à l’apparence physique ou à des normes de genre perçues ; B. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir qu’aucun enfant ne voie son corps irréversiblement altéré par des pratiques médicales visant à lui imposer une identité de genre sans le consentement total, libre et averti de l’enfant, conformément à son âge et à sa maturité, et suivant le principe selon lequel, dans toutes les situations impliquant des enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ; C. Établir des mécanismes de protection de l’enfant qui fassent en sorte qu’aucun enfant n’encoure un risque de, ou ne soit sujet à, des abus médicaux ; D. Garantir la protection des personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre contre les pratiques ou les recherches médicales contraires à l’éthique ou non désirées, y compris celles en relation avec les vaccins, les traitements ou les microbicides contre le VIH/SIDA ou d’autres maladies ; E. Revoir et amender tous les critères ou programmes de financement du secteur de la santé, y compris ceux portés sur l’aide au développement, qui peuvent promouvoir, faciliter ou, de toute autre façon, rendre possibles de tels abus ; F. Garantir qu’aucun traitement ou conseil, médical ou psychologique, n’aborde, explicitement ou implicitement, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre comme des maladies devant être traitées, soignées ou supprimées. 78 PRINCIPE 17 LE DROIT AU PLUS HAUT NIVEAU POSSIBLE DE SANTE Toute personne a droit au plus haut niveau possible de santé physique et mentale, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. La santé sexuelle et reproductive est un aspect fondamental de ce droit. Les Etats devront : Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 34 Nations Unies : Rapport du Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants 81. Le Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a fait état le 1er février 2013 au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies de certaines formes d'abus dans les ‘health-care settings’. Il s'agit d'abus où un seuil de maltraitance a été dépassé et qui peut être assimilé à de la torture ou à des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants79. Initialement, la torture était uniquement considérée dans le contexte des interrogatoires, des punitions et de l'intimidation de prisonniers, mais la communauté internationale reconnaît depuis que la torture peut également survenir dans d'autres contextes80. A. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir la jouissance du droit au plus haut niveau possible de santé, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ; B. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir que toutes les personnes aient accès aux établissements, aux biens et aux services de soins de santé, y compris en ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive, et qu’elles aient accès à leurs propres dossiers médicaux, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ; C. Garantir que les établissements, les biens et les services de soins de santé soient conçus pour améliorer l’état de santé et répondre aux besoins de tous, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, qui seront par ailleurs prises en compte, et que les dossiers médicaux soient à cet égard traités avec confidentialité ; D. Développer et mettre en application des programmes qui abordent le problème de la discrimination, des préjugés et d’autres facteurs sociaux qui sapent la santé de certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ; E. Garantir que toutes les personnes soient informées et aient le pouvoir de prendre leurs propres décisions concernant les traitements et les soins médicaux dont elles peuvent bénéficier, sur la base d’un consentement véritablement informé, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ; F. Garantir que tous les programmes et services d’éducation, de prévention, de soins et de traitement en matière de santé sexuelle et reproductive respectent la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre, et qu’ils soient accessibles à toutes les personnes de manière égale, sans discrimination ; G. Faciliter l’accès des personnes désireuses de subir des modifications corporelles liées à une réassignation de sexe, à un traitement, des soins et un soutien compétents et non discriminatoires ; H. Garantir que tous les fournisseurs de soins de santé traitent leurs patients et leurs partenaires sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, y compris en ce qui concerne la reconnaissance d’une personne en tant que parent le plus proche ; I. Adopter les politiques et les programmes d’éducation et de formation nécessaires pour permettre aux personnes travaillant dans le secteur des soins de santé de fournir à tous le plus haut niveau possible de soins de santé, avec un respect total pour l’orientation sexuelle et l’identité de genre de chacun. 79 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 23 p. 80 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 4. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 35 82. Dans son rapport, le Rapporteur Spécial évoque la situation de certains groupes minoritaires parmi lesquels les personnes transgenres : “In many countries transgender persons are required to undergo often unwanted sterilization surgeries as a prerequisite to enjoy legal recognition of their preferred gender81.” 83. Dans les recommandations qui accompagnent le rapport, le Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants appelle dès lors tous les Etats à interdire dans toutes les circonstances toute forme de stérilisation appliquée (de manière imposée) et à offrir une protection particulière aux groupes minoritaires : “The Special Rapporteur calls upon all States to repeal any law allowing intrusive and irreversible treatments, including forced genital-normalizing surgery, involuntary sterilisation, unethical experimentation, medical display, “reparative therapies” or “conversion therapies”, when enforced or administered without the free and informed consent of the person concerned. He also calls upon them to outlaw forced or coerced sterilization in all circumstances and provide special protection to individuals belonging to marginalized groups82.” 84. Le Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se réfère à cet égard notamment à la jurisprudence dans certains pays européens : “Some domestic courts have found that not only does enforced surgery result in permanent sterility and irreversible changes to the body, and interfere in family and reproductive life, it also amounts to a severe and irreversible intrusion into a person’s physical integrity”. Se référant à la jurisprudence suédoise, il fait remarquer que “a forced sterilization requirement to intrude into someone’s physical integrity could not be seen als voluntary83.” Conseil de l'Europe: Issue Paper ‘Human Rights and Gender Identity’ du Commissaire aux droits de l'homme 85. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a publié le 29 juillet 2009 un Issue Paper ‘Human Rights and Gender Identity’84. Le Commissaire aux droits de l'homme constate que les droits humains des personnes transgenres ont été longtemps niés et négligés. Or, ces personnes sont confrontées à des problèmes graves, et souvent spécifiques. Les personnes transgenres sont victimes de beaucoup de discrimination, d'intolérance et 81 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 19. 82 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 23. 83 UNITED NATIONS HUMAN RIGHTS COUNCIL, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, 11 février 2013 (n° A/HRC/22/53), 19. 84 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 19 p. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 36 d'agression ouverte. Leurs droits humains fondamentaux sont violés, en ce compris le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique et le droit à la santé85. 86. En ce qui concerne le changement de prénom et le changement de l'enregistrement officiel du sexe, le Commissaire aux droits de l'homme souligne que les critères dits médicaux sont clairement contradictoires au principe de respect de l'intégrité physique. Il s'agit (1) des interventions chirurgicales de réassignation sexuelle ; (2) de la stérilité irréversible consécutive à une intervention chirurgicale et (3) d'autres procédures médicales telles que le traitement hormonal. 87. Selon le Commissaire aux droits de l'homme, il est inquiétant de voir que les personnes transgenres sont le seul groupe en Europe qui soit soumis à une condition de stérilisation prescrite par la loi et appliquée par les autorités. “Such requirements clearly run counter to the respect for the physical integrity of the person. To require sterilisation or other surgery as a prerequisite to enjoy legal recognition of one’s preferred gender ignores the fact that while such operations are often desired by transgender persons, this is not always the case. Moreover, surgery of this type is not always medically possible, available, or affordable without health insurance funding. The treatment may not be in accordance with the wishes and needs of the patient, nor prescribed by his/her medical specialist. Yet the legal recognition of the person’s preferred gender identity is rendered impossible without these treatments, putting the transgender person in a limbo without any apparent exit. It is of great concern that transgender people appear to be the only group in Europe subject to legal prescribed, state-enforced sterilisation86.” 88. Ce n'est pas parce bon nombre de personnes transgenres optent pour un traitement, qu'il ne faut pas tenir compte du principe selon lequel un traitement médical doit toujours viser l'intérêt de l'individu et doit toujours être adapté aux besoins spécifiques et à la situation de l'intéressé. “It is disproportionate for the state to prescribe treatment in a “one size fits all” manner. The basic human rights concern here is to what extent such a strong interference by the state in the private live of individuals can be justified and whether sterilisation or other medical interventions are required to classify someone as being of one sex or the other”, estime le Commissaire aux droits de l'homme87. 89. La condition de stérilité irréversible est souvent dictée par des considérations liées à la reproduction de personnes transgenres (même si ces considérations doivent être largement relativisées étant donné le traitement hormonal et les souhaits individuels des intéressés). 85 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 3. 86 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 8. 87 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 8. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 37 D'après le Commissaire aux droits de l'homme, les considérations liées à la reproduction ne constituent pas un motif fondé pour les Etats membres pour échapper à leur obligation de respect de l'intégrité physique de chacun. Par ailleurs, il faut tenir compte du droit de chacun à fonder une famille : “States which impose intrusive physical procedures on transgender persons effectively undermine their right to found a family88.” 90. Le Commissaire aux droits de l'homme critique également les conditions posées pour le changement de prénom, comme par exemple un traitement hormonal durant un certain temps ou un diagnostic de dysphorie de genre. “As a consequence, transgender people are, for a long period in their lives, effectively barred from meaningful and full participation in society, education or employment as they may face continuous problems with ‘justifying’ who they are”, souligne le Commissaire aux droits de l'homme à ce sujet89. 91. Dans ses recommandations énoncées dans l'Issue Paper, le Commissaire aux droits de l'homme appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe à utiliser les principes de Yogyakarta comme fil conducteur (recommandation 1). La stérilité et les autres traitements médicaux obligatoires ne peuvent former une condition légale pour reconnaître l'identité de genre d'une personne dans les lois relatives au changement de prénom et au changement de l'enregistrement officiel du sexe (recommandation 4)90. Conseil de l'Europe : Résolution 1728 (2010) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe. 92. Le 29 avril 2010, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a approuvé une résolution ayant trait à la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et l'identité de genre91. Dans cette résolution, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe constate que les personnes transgenres sont souvent confrontées à la discrimination et à l'atteinte de leurs droits, entre autres sous la forme d'attitudes discriminatoires et d'obstacles à la reconnaissance officielle de leur nouveau sexe. 88 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 9. 89 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 9. 90 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Issue Paper Human Rights and Gender Identity, 29 juillet 2009 (n° CommDH/IssuePaper(2009)2), 18. 91 COUNCIL OF EUROPE PARLIAMENTARY ASSEMBLY, Resolution. Discrimination on the basis of sexual orientation and gender identity, 29 avril 2010 (n° 1728 (2010)). Voir aussi COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON LEGAL AFFAIRS AND HUMAN RIGHTS, Discrimination on the basis of sexual orientation and gender identity. Report, 23 mars 2010 (n° Doc. 12185), 27 p. et COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON EQUAL OPPORTUNITIES FOR WOMAN AND MEN, Discrimination on the basis of sexual orientation and gender identity. Committee Opinion, 7 avril 2010 (n° Doc. 12197), 3 p. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 38 93. L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe appelle les Etats membres à accorder de l'attention aux discriminations spécifiques et aux violations des droits humains des personnes transgenres. Dans la législation et dans la pratique, il y a lieu de garantir le droit aux documents officiels reflétant l'identité de genre souhaitée par l'intéressé, sans aucune condition préalable à subir une stérilisation ou une autre procédure médicale telle qu'une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle et un traitement hormonal (recommandation 16.11.2). Conseil de l'Europe : Résolution 1945 (2013) de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe. 94. Le 26 juin 2013, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a approuvé une résolution portant sur les stérilisations et castrations forcées92. Dans la résolution, les Etats membres du Conseil de l'Europe sont appelés, si nécessaire, à revoir leur législation et leur politique de manière à ce que personne ne se voie imposer une stérilisation ou une castration, de quelque manière ou pour quelque motif que ce soit (recommandation 7.1). Les stérilisations et castrations forcées constituent une violation grave aux droits de l'homme et à la dignité humaine et sont inacceptables dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Au vingt et unième siècle, elles ne peuvent être légitimées d'aucune manière et doivent cesser. L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe souligne que le concept ‘forcé’ est un concept évolutif dans le domaine des droits de l'homme et qu'il est notamment lié à l'absence de consentement libre et éclairé. 95. Dans un rapport annexé, il est mentionné que les stérilisations et castrations forcées violent toute une série de droits humains tels que le droit à la santé, le droit à l'intégrité physique, le droit à ne subir aucune violence, le droit à ne subir aucune torture ni aucun traitement inhumain ou dégradant, le droit à décider soi-même du nombre d'enfants et le droit à la non-discrimination. En ce qui concerne plus spécifiquement les personnes transgenres, on y cite entre autres le point de vue du Conseil National Suédois pour la Santé et le Bien-être (‘Socialstyrelsen’) qui affirme que les stérilisations de personnes transgenres peuvent être qualifiées de 'forcées' dans la mesure où certains intéressés ne souhaitent pas s'y soumettre, mais les acceptent uniquement dans l'optique de la reconnaissance officielle de leur changement de sexe93. 92 COUNCIL OF EUROPE PARLIAMENTARY ASSEMBLY, Resolution. Putting an end to coerced sterilisations and castrations, 26 juin 2013 (n° 1945 (2013)). 93 COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON SOCIAL AFFAIRS, HEALTH AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT, Putting an end to coerced sterilisations and castrations. Report, 28 mai 2013 (n° Doc. 13215), 7 et 13. Voir aussi COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE ON EQUALITY AND NON-DISCRIMINATION, Putting an end to coercive sterilisations and castrations. Committee Opinion, 26 juin 2013 (n° Doc. 13252), 2-3. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 39 Conseil de l'Europe: Recommandation CM/Rec(2010) 5 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. 96. Le 31 mars 2010, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation relative aux mesures visant à lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre94. Le Comité des Ministres recommande aux Etats membres du Conseil de l'Europe d'examiner régulièrement les critères préalables à la reconnaissance légale d'un changement de sexe, en ce compris les critères incluant une adaptation de nature physique, ce dans le but de supprimer les critères abusifs (recommandation 20). Le changement de prénom et de sexe dans les documents officiels doit se dérouler de manière rapide, transparente et accessible (recommandation 21). Personne ne peut se voir imposer une procédure de réassignation sexuelle sans son approbation (recommandation 35). 97. Le mémorandum annexé examine plus en détail la situation des personnes transgenres. “As affirmed in Committee of Ministers Recommandation Rec(2007) 17 on gender equality standards and mechanisms, both woman and men must have a nonnegotiable right to decide over their own body, including sexual and reproductive matters. Such acknowledgement must be reflected in the development, implementation, acces to, monitoring and evaluation of health-care services and in research priorities. In some countries access to gender reassignment services is conditional upon procedures such as irreversible sterilisation, hormonal treatment, preliminary surgical procedures and sometimes also proof of the person’s ability to live for a long period of time in the new gender (the so called “real life experience”). In this respect, existing requirements and procedures should be reviewed in order to remove those requirements which are disproportionate. It should be noted, in particular, that for some persons it may not possible, for health reasons, to complete every hormonal and/or surgical step required. Similar considerations apply with respect to the legal recognition of a gender reassignment, which can be conditional to a number of procedures and prior requirements, including changes of a physical nature95.” 98. La recommandation du 21 novembre 2007 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les normes et les mécanismes de l'égalité des sexes à laquelle il est fait référence dans le mémorandum, affirme que les hommes et les femmes bénéficient d'un droit non négociable 94 COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE OF MINISTERS, Recommendation of the Committee of Ministers to member states on measures to combat discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity, 31 mars 2010 (n° CM/Rec(2010) 5). 95 Considération 20-21 dans COUNCIL OF EUROPE STEERING COMMITTEE FOR HUMAN RIGHTS, Recommendation of the Committee of Ministers to member states on measures to combat discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity. Explanatory Memorandum, 31 mars 2010 (n° CM(2010) 4 add3 final). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 40 de prendre des décisions au sujet de leur propre corps, à l'inclusion des aspects sexuels et liés à la reproduction (reproduction 44)96. Union européenne 99. Le 28 septembre 2011, le Parlement européen a adopté une résolution sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans le cadre du Conseil des droits de l'homme des NU. Dans cette résolution, le Parlement européen regrette “que les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) ne soient pas toujours pleinement respectés au sein de l'Union, y compris le droit à l'intégrité physique, le droit à la vie privée et familiale, le droit à la liberté d'opinion et d'expression, le droit à la liberté de réunion, le droit à la nondiscrimination, le droit à la libre circulation, notamment la libre circulation pour les couples du même sexe et leurs familles, le droit à l'accès aux soins de santé préventifs, au traitement médical, et le droit d'asile” (considération 11)97. 100. Une étude réalisée pour la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures attire l'attention sur la stérilisation forcée de personnes transgenres comme condition pour la modification de l'enregistrement officiel du sexe. “This requirement is not medically necessary, and violates the dignity of those who want to transition and retain the ability to have children. The sterilisations requirement further stigmatises trans people, entrenching the idea that trans people do not have the right to reproduce and should not be treated on an equal basis with the rest of society98.” Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) 101. Jusqu'à présent, la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne s'est pas encore prononcée sur la compatibilité de l'article 8 de la CEDH avec les critères d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou de stérilité pour l'obtention d'une modification de l'enregistrement officiel du sexe99. 96 COUNCIL OF EUROPE COMMITTEE OF MINISTERS, Recommendation of the Committee of Ministers to member states on gender equality standards and mechanisms, 21 novembre 2007 (n° CM/Rec(2007) 17). 97 PARLEMENT EUROPEEN, Résolution sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans le cadre du Conseil des droits de l'homme des NU, 28 septembre 2011 (n° P7_TA(2011 ) 0427). 98 EUROPEAN PARLIAMENT DIRECTORATE-GENERAL FOR INTERNAL POLICIES. POLICY DEPARTMENT CITIZEN’S RIGHTS AND CONSTITUTIONAL AFFAIRS, Towards a roadmap for equality on grounds of sexual orientation and gender identity. Study, Brussel, Policy Department C (Citizen’s Rights and Constitutional Affairs), 2012, 38 99 La demande de traiter la plainte d'un homme transgenre français a été refusée. L'homme transgenre se plaignait, sur la base de l'article 8 de la CEDH, de la longue durée de la procédure hormonalechirurgicale en France. Dans la décision de recevabilité, la Cour a fait référence à la marge de jugement qui revient aux Etats membres en la matière (Décision relative à la recevabilité de la demande n° 18367/06 (Stella Nunez contre France), 27 mai 2008). Voir également demande émanant Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 41 102. Dans les affaires Goodwin contre le Royaume-Uni et I. contre le Royaume-Uni du 11 juillet 2002, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a jugé que les Etats membres ont pour obligation de reconnaître juridiquement le nouveau sexe d'une personne transsexuelle pour autant que cette personne ait subi une intervention de réassignation sexuelle100. Par ailleurs, les Etats membres disposent d'une grande marge de jugement pour déterminer sous quelles conditions ils reconnaissent aussi juridiquement la réassignation sexuelle effective101. 103. La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne permet donc pas de déduire une obligation pour les Etats membres de supprimer les critères d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle et de stérilité dans l'optique de l'obtention d'un enregistrement officiel du sexe. Par ailleurs, les Etats membres disposent d'une grande marge d'évaluation si bien qu'ils peuvent décider eux-mêmes des conditions auxquelles ils autorisent une modification de l'enregistrement officiel du sexe. La CEDH permet explicitement aux Etats membres d'offrir à leurs sujets une protection plus importante que celle qui leur est imposée en vertu de la CEDH (article 53 CEDH). Commission Internationale de l’Etat Civil (CIEC) : Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe. 104. La Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe de la Commission Internationale de l’Etat Civil (CIEC) a été signée à Vienne le 12 septembre 2000102. La Convention stipule que la reconnaissance d'une décision constatant un changement de sexe peut être refusée par un Etat contractant “lorsque l'adaptation physique n'a pas été réalisée et constatée par la décision en question” (article 2 Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe). Le refus constitue une possibilité, et non pas une obligation. A l'époque où la Convention est entrée en vigueur, dans les années 90 du siècle dernier, l'adaptation physique était encore perçue comme une d'un homme transgenre turc examinée actuellement par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (Demande n° 14793/08 (Y.Y. contre Turquie), 6 mars 2008). 100 CEDH 11 juillet 2002 (Goodwin contre Royaume-Uni, n° 28957/15), par. 91 et CEDH, 11 juillet 2002 (I. contre Royaume-Uni, n° 25680/94), par. 73. 101 CEDH 11 juillet 2002 (Goodwin contre Royaume-Uni, n° 28957/15), par. 91 et CEDH, 11 juillet 2002 (I. contre Royaume-Uni, n° 25680/94), par. 65: “In accordance with the principle of subidiarity, it is indeed primarily for the Contracting States to decide on the measures necessary to secure Convention rights within their jurisdiction and, in resolving within their domestic legal systems the practical problems created by the legal recognition of post-operative gender status, the Contracting States must enjoy a wide margin of appreciation.” 102 COMMISSION INTERNATIONALE DE L’ETAT CIVIL (CIEC), Convention relative à la reconnaissance des décisions constatant un changement de sexe, 12 septembre 2000, www.ciec1.org. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 42 composante à part entière et une caractéristique de la transsexualité. La CIEC aurait entretemps aussi reconnu que cette partie de la convention doit être reconsidérée103. 105. La Belgique est effectivement membre de la CIEC, mais elle n'a pas signé la Convention relative à la reconnaissance de décisions constatant un changement de sexe et n'y est donc pas liée104. The World Professional Association for Transgender Health, Inc. (WPATH) 106. La World Professional Association for Transgender Health, Inc. a lancé le 16 juin 2010 un appel à supprimer à l'échelle mondiale les interventions chirurgicales ou la stérilisation comme conditions pour la reconnaissance de l'identité de personnes transgenres : “No person should have to undergo surgery or accept sterilization as a condition of identity recognition. If a sex marker is required on an identity document, that marker could recognize the person's lived gender, regardless of reproductive capacity. The WPATH Board of Directors urges governments and other authoritative bodies to move to eliminate requirements for identity recognition that require surgical procedures105.” 107. La World Professional Association for Transgender Health, Inc. est une association professionnelle pluridisciplinaire ayant pour mission de promouvoir le traitement ‘evidencebased’, la formation, la recherche, la défense des droits, la politique publique et le respect pour les personnes transgenres. L'organisation a développé des ‘standards of care’ proposant des directives au personnel d'assistance pour le traitement de personnes présentant une dysphorie de genre106. 103 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des Motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 9, www.tweedekamer.nl. 104 La Convention a été signée par l'Allemagne, la Grèce, les Pays-Bas, l'Autriche et l'Espagne. 105 THE WORLD PROFESSIONAL ASSOCIATION FOR TRANSGENDER HEALTH, INC., WPATH Identity Recognition Statement, 16 juin 2010, www.wpath.org. 106 W. BOCKTING, G. DE CUYPERE et S. MONSTREY, “Standards of Care van de WPATH” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 65. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 43 4. Filiation 108. Le critère de stérilité irréversible est étroitement lié aux conséquences possibles en matière de droit de filiation. Ces conséquences peuvent être incluses dans le cadre actuel du droit de filiation. Généralités 109. La condition de stérilité irréversible est dictée par des considérations ayant trait à la filiation de personnes transgenres. En posant ces conditions, le législateur veut éviter que des hommes transgenres accouchent d'un enfant ou que des femmes transgenres conçoivent un enfant. Ces considérations doivent être nuancées. Un traitement hormonal mène dans la plupart des cas à la stérilité107. En outre, la loi en vigueur aujourd'hui permet déjà à une femme transgenre de concevoir un enfant (à l'aide de sperme congelé avant la modification de l'enregistrement officiel du sexe). En Belgique, deux hommes ou deux femmes peuvent d'ailleurs devenir les parents juridiques d'un même enfant. Il existe des plans qui l'autorisent non seulement par le biais de l'adoption coparentale, mais aussi par le biais de la filiation originale. Toutes les informations disponibles indiquent enfin que la transsexualité d'un parent n'exerce aucune influence négative sur le développement psychosexuel ou de genre des enfants108. 110. Si une femme transgenre entretient une relation avec une partenaire féminine, cette dernière peut tomber enceinte grâce à la reproduction médicalement assistée avec du sperme congelé de la femme transgenre (ou du sperme de donneur). Si une femme transgenre entretient une relation avec un partenaire masculin, les partenaires ne pourront concevoir d'enfant dans le cadre de leur relation. La possibilité pour une femme transgenre de tomber elle-même enceinte est encore inexistante109. Si un homme transgenre entretien une relation avec une partenaire féminine, cette dernière peut tomber enceinte grâce à la reproduction médicalement assistée avec du sperme de donneur. Si un homme transgenre entretient une relation avec un partenaire masculin, les partenaires ne pourront concevoir d'enfant dans le cadre de leur relation. 111. La suppression du critère de stérilité irréversible pourrait le cas échéant entraîner qu'une femme transgenre qui entretient une relation avec une partenaire féminine pourrait également concevoir un enfant en dehors de la reproduction médicalement assistée avec du 107 P. DE SUTTER et K. WIERCKX, “Vruchtbaarheid” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 175-176. 108 P. DE SUTTER et K. WIERCKX, “Vruchtbaarheid” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 174. 109 P. DE SUTTER et K. WIERCKX, “Vruchtbaarheid” dans G. T’SJOEN, M. VAN TROTSENBURG et L. GIJS (éd.), Transgenderzorg, Louvain, Acco, 2013, 175. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 44 sperme congelé. Un homme transgenre qui entretient une relation avec une femme ou un homme pourrait tomber enceinte avec du sperme de donneur ou de son/sa partenaire. 112. En Belgique, le changement officiel de sexe n'induit aucune conséquence en ce qui concerne les liens de filiation existants. Pour ce qui est de nouveaux liens de filiation, une femme transgenre devra (encore actuellement) adopter l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse par le biais d'une adoption coparentale (même s'il s'agit d'un enfant avec lequel la femme transgenre est apparentée sur le plan biogénétique). Un homme transgenre pourra reconnaître l'enfant mis au monde par sa partenaire ou son épouse ou il deviendra automatiquement le père juridique sur la base de la règle de paternité. Législation et jurisprudence étrangères 113. Les (propositions de) lois étrangères indiquent souvent (uniquement) que le changement officiel de sexe n'exerce aucune influence sur le statut de l'intéressé en tant que père ou mère d'un enfant110. La jurisprudence étrangère aborde la parentalité de personnes transgenres de manière pragmatique. Ainsi, le tribunal de Leeuwarden (Pays-Bas) a créé en 2010 un ‘lien juridique imposé par le besoin' permettant à une femme transgenre mariée de devenir, sans passer par l'adoption coparentale, la deuxième mère juridique d'un enfant conçu avec son sperme congelé. D'après le tribunal, le fait qu'une femme transgenre ne puisse devenir automatiquement la deuxième mère juridique de l'enfant avec lequel elle était apparentée génétiquement est contraire aux droits de l'homme et aux développements dans le droit néerlandais. C'est pourquoi, le tribunal a créé un 'lien juridique imposé par le besoin' en constatant que la femme transgenre, outre son épouse, était le parent juridique de l'enfant. Bien que l'adoption coparentale ait mené au même résultat, le tribunal a suivi la femme transgenre et son épouse dans leur volonté de principe d'y renoncer111. L'Oberlandesgericht de Cologne (Allemagne) a jugé en 2009 qu'une femme transgenre pouvait reconnaître l'enfant mis au monde par sa partenaire après une procédure de reproduction médicalement assistée avec du sperme congelé de la femme transgenre. La femme transgenre est ainsi devenue le père juridique de l'enfant112. 114. Dans l'arrêt X., Y. et Z. contre le Royaume-Uni du 22 avril 1997, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a jugé qu'il était question de vie familiale entre un homme transgenre (qui était encore enregistré officiellement comme une femme) et l'enfant conçu chez sa 110 Voir par exemple : article 7 Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas (Argentine), article 21 General Scheme of the Gender Recognition Bill (Irlande), article 10 Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda (Islande) et article 12 Gender Recognition Act 2007 (Royaume-Uni). 111 Tribunal de Leeuwarden 23 décembre 2010 (LJ-nummer BO8039), www.rechtspraak.nl : “Sur la base des jugements prononcés dans le cadre du droit européen et des développements dans le droit néerlandais (proposition de loi double maternité), la Cour voit surgir une contradiction par rapport aux articles 8 et 14 de la CEDH, lorsque le lien juridique et biologique entre la femme A et l'enfant n'est pas reconnue de droit. Afin de supprimer la contradiction par rapport aux articles en question, la Cour se voit contrainte de construire un lien juridique imposé par le besoin : elle constate que la femme A (outre la femme B) est parent de l'enfant.” 112 Oberlandesgericht Köln 30 novembre 2009, Familienrechtszeitung 2010, 741-743. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 45 partenaire par le biais de la reproduction médicalement assistée113. Suite à la grande marge d'évaluation accordée aux Etats membres, il n'était pas possible de déduire une obligation, sur la base de l'article 8 de la CEDH, pour reconnaître l'homme transgenre, qui n'était pas le père biologique, comme le père juridique de l'enfant. 115. Aux Pays-Bas, les nouvelles dispositions légales (nouvel article 28c du Code civil) stipuleront ce qui suit114: - - - - La modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance a des conséquences à partir de la date où l'officier de l'état civil ajoute à l'acte de naissance une mention ultérieure de changement du sexe. La modification de la mention du sexe ne porte pas préjudice aux relations de droit familial existant au moment énoncé au premier alinéa (et aux droits, compétences et obligations qui en découlent). Si, après la modification de la mention du sexe, l'intéressée accouche d'un enfant, le sexe pris en compte pour l'application du titre 11115 et ce qui en découle est le sexe de l'intéressée avant la modification. En cas d'adoption d'un enfant à la demande de celui qui l'a conçu ou a accepté une procédure ayant mené à la conception de l'enfant avec son propre sperme après la modification de la mention de son sexe, et si l'enfant est né ou naît dans le cadre de la relation de l'adoptant et du parent, on applique la règle énoncée au quatrième alinéa de l'article 227116. 116. Le législateur néerlandais propose de se baser sur le sexe de l'intéressé suivant la mention modifiée dans l'acte de naissance. Au moment de la déclaration de naissance ou de la reconnaissance d'un enfant, l'officier de l'état civil consulte les données personnelles de l'administration communale. L'historique de modification de sexe du parent transgenre n'y figure pas nécessairement. En revanche, le nouveau sexe de l'intéressé est immédiatement signalé à l'officier de l'état civil117. C'est pourquoi il a été proposé de ne pas appliquer les règles de filiation par analogie avec les règles applicables aux enfants déjà nés, mais de se 113 CEDH 22 avril 1997 (X, Y. et Z. contre Royaume-Uni, n° 21830/93) par. 37. Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance, Eerste Kamer 2012-2013 (n° 33351), www.eerstekamer.nl. 115 Le Titre 11 du Code civil règle la filiation. 116 En vertu de l'article 227 du Code civil, l'adoption d'un enfant né au sein de la relation de la mère avec une partenaire du même sexe est régie par des conditions plus souples (“Si l'enfant est né ou naît au sein de la relation de l'adoptant et du parent, si l'enfant a été conçu suite à une insémination artificielle avec sperme de donneur telle que décrite à l'article 1, alinéa c, de la loi relative aux données de donneurs et si une déclaration de confirmation est introduite par l'institution telle que décrite dans cette loi, la demande est acceptée, à moins que l'adoption ne soit clairement pas profitable à l'enfant, ou que les conditions énoncées à l'article 228 ne soient pas satisfaites”). 117 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 4 et 10, www.tweedekamer.nl. 114 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 46 baser sur le nouveau sexe de l'intéressé. On peut remarquer à cet égard que le législateur néerlandais cherche à adapter ici la parentalité juridique pour les parents du même sexe. Ainsi, une femme transgenre pourra donc devenir automatiquement ou par reconnaissance, et donc sans procédure d'adoption, le deuxième parent juridique de l'enfant dont a accouché son épouse ou sa partenaire118. En attendant cette adaptation, il est stipulé que les règles applicables à l'adoption d'un enfant né au sein de la relation d'une maman et de sa partenaire sont également d'application lorsqu'une femme transgenre veut devenir parent juridique par adoption de l'enfant dont a accouché son épouse ou sa partenaire. 117. Le législateur néerlandais prévoit une seule exception à ce principe général : un homme transgenre qui accouche d'un enfant, devient la mère juridique de l'enfant. On peut s'attendre à ce que cette situation ne se produise que très rarement. Le cas échéant, si l'on devait se baser sur le nouveau sexe de l'intéressé, l'enfant n'aurait pas de mère juridique de droit. Ceci serait contraire au principe selon lequel la femme qui donne naissance à l'enfant est la mère de cet enfant. Il pourrait aussi y avoir une confusion au sujet de la mère biologique de l'enfant119. Conclusion en matière de filiation 118. La suppression de la condition de stérilité irréversible a un impact sur la filiation de personnes transgenres. Dans des cas très exceptionnels, un homme transgenre pourra accoucher d'un enfant. Il est déjà possible qu'une femme transgenre conçoive un enfant. 119. En matière de filiation, il y a lieu de mettre en regard deux principes. D'une part, il y a le principe ‘Mater semper certa est’ : le lien de filiation par rapport à la mère doit être défini par l'accouchement, ou encore le lien biophysiologique créé par l'accouchement forme le principe de base pour la filiation maternelle120. D'autre part, il y a le principe de la protection de la vie privée des intéressés, ce qui plaide en faveur d'un constat de la filiation le plus possible sur la base du sexe après la modification du sexe. 120. Il convient de souligner que l'article 312 du Code civil stipule que l'enfant a pour mère la personne mentionnée en tant que telle dans l'acte de naissance. Si, en Belgique, un homme transgenre devait accoucher d'un enfant, il deviendrait la mère juridique de l'enfant conformément à l'article article 312 du Code civil121. 118 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil ayant trait à la parentalité juridique de la partenaire féminine de la père autrement que par l'adoption, Eerste Kamer 2012-2013 (n° 33032/1), www.eerstekamer.nl. 119 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 4 et 10, www.tweedekamer.nl. 120 Voir par exemple l'arrêt Marckx de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH 13 juin 1979 (Marckx contre Belgique, n° 6833/74)). 121 G. HIERNAUX, “Approche de la transsexualité en droit belge”, dans N. GALLUS (éd.) Droit des familles, genre et sexualité, Limal, Anthemis, 2012, 54. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 47 121. Il s'ensuit, par analogie avec la législation néerlandaise, que le règlement existant peut être maintenu en Belgique (si la condition de stérilité irréversible est supprimée), mais qu'il faudrait le compléter d'une exception pour les hommes transgenres qui donnent naissance à un enfant. En ce qui concerne cette dernière situation, on peut se référer à l'article 312 du Code civil. Dès lors, la situation concernant les nouveaux liens de filiation se présente comme suit : - La femme qui accouche de l'enfant devient la mère juridique de l'enfant. Une femme transgenre devra par contre adopter l'enfant mis au monde par son épouse ou sa partenaire par la voie de l'adoption coparentale. Si la ‘parentalité automatique’ est approuvée, la femme transgenre deviendra de plein droit le parent juridique de l'enfant mis au monde par son épouse ou elle pourra reconnaître l'enfant auquel sa partenaire aura donné naissance. Un homme transgenre deviendra, sur la base de la règle de paternité, le père juridique de l'enfant mis au monde par son épouse ou il pourra reconnaître l'enfant dont sa partenaire aura accouché. - En ce qui concerne les hommes transgenres, il faut tenir compte du principe ‘Mater semper certa est’. Un homme transgenre qui donne naissance à un enfant devient la mère juridique de l'enfant. Si l'on se base en la matière sur le sexe de l'homme transgenre avant la modification (cf. Pays-Bas), l'épouse ou la partenaire devra adopter l'enfant par le biais de l'adoption coparentale (si la 'parentalité automatique' est approuvée, l'épouse deviendra de plein droit le parent juridique de l'enfant et la partenaire pourra reconnaître l'enfant). Un homme deviendra, en vertu de la règle de paternité, le père juridique de l'enfant mis au monde par son épouse ou il pourra reconnaître l'enfant dont sa partenaire aura accouché. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 48 5. Synthèse 122. Les critères médicaux de la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité sont critiqués pour diverses raisons. Voici un aperçu des principaux arguments avancés pour la suppression de ces critères. Droit comparé 123. La loi belge du 10 mai 2007 relative à la transsexualité a été adoptée à une période où l'application de critères médicaux pour l'obtention de la modification de l'enregistrement officiel du sexe était encore courante. Depuis, les critères médicaux sont de plus en plus négligés, sur la base des nouvelles thèses en matière de transsexualité et d'une attention croissante pour les droits humains des personnes transgenres. Dans de plus en plus de pays, on tend à penser que la reconnaissance légale de l'identité de genre ne peut être tributaire de procédures médicales, d'interventions chirurgicales de réassignation sexuelle et du suivi d'un traitement hormonal. Dans les pays où l'on a procédé à l'élaboration d'une loi en la matière, la reconnaissance n'est soumise qu'à quelques, voire pas de conditions médicales. Bon nombre de pays européens (par exemple l'Islande, le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni) n'exigent plus d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou de stérilité irréversible pour modifier l'enregistrement officiel du sexe. 124. Par ailleurs, certains pays requièrent parfois encore un traitement obligatoire (par exemple l'Islande), ou un diagnostic de dysphorie de genre (par exemple le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni), ou encore l'intervention d'experts (par exemple l'Islande, le Royaume-Uni et la Suède). En ce sens, la médicalisation est malgré tout encore relativement présente. La législation argentine va plus loin dans ce domaine. Elle stipule qu'aucune preuve d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle (complète ou partielle), de traitement hormonal ou de tout autre traitement psychologique ou médical ne peut être demandée. De plus, l'officier prend note du changement de sexe et de prénom sans aucune procédure juridique ou administrative préalable. Droits de l'homme 125. L'exigence d'intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou de stérilité permanente pour la modification de l'enregistrement officiel du sexe est critiquée depuis l'angle international des droits de l'homme. Ainsi, dans les principes de Yogyakarta - qui font office d'autorité - et dans les recommandations et résolutions émanant des (organes des) Nations Unies, du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, les critères médicaux sont vivement condamnés. La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne permet de déduire aucune obligation pour les Etats membres à supprimer les conditions médicales, mais d'un autre côté, rien n'interdit aux Etats membres de les supprimer effectivement. La Cour Européenne des Droits de l'Homme laisse aux Etats membres une Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 49 grande marge d'évaluation pour décider des conditions selon lesquelles ils autorisent une modification de l'enregistrement officiel du sexe. Attention croissante pour les circonstances individuelles 126. En imposant des interventions médicales et un traitement hormonal pour obtenir une modification de l'enregistrement officiel du sexe, le législateur ne prend pas en considération les circonstances individuelles des personnes transgenres. Toutes les personnes transgenres ne ressentent pas le besoin par exemple de subir une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle122. Ce qui importe pour elles, c'est de pouvoir mener leur vie dans le rôle du sexe opposé et d'être reconnues d’un point de vue social et juridique dans ce rôle du sexe opposé. Beaucoup de personnes transgenres ont essentiellement besoin d'une reconnaissance sociale et juridique, qui, pour elles, n'est pas nécessairement liée à, par exemple, la chirurgie de réassignation sexuelle. En outre, pour des raisons médicales, toutes les personnes transgenres ne peuvent pas se soumettre à une intervention chirurgicale. Certains intéressés ne peuvent supporter les frais inhérents à une telle intervention, sont confrontés à de longues listes d'attente ou se trouvent dans une situation professionnelle ne permettant pas d'absence prolongée123. Suite à l'imposition de conditions médicales dans la législation, certaines personnes transgenres sont exclues sur la base par exemple de leur situation économique, de leur âge ou de leur état de santé, ce qui suscite à son tour des questions quant au respect de la loi luttant contre la discrimination. Il faut savoir aussi qu'il faut attendre tout un temps (parfois même plusieurs années) avant que l'intéressé ait parcouru l'ensemble du trajet médical imposé par la loi. 127. Si l'intéressé ne satisfait pas aux conditions énoncées dans la loi, on ne peut procéder à aucun changement de prénom et/ou à aucune modification de l'enregistrement officiel du sexe. L'intéressé possède dans ce cas des documents d'identité qui ne correspondent pas à son identité de genre et un aspect fondamental de la personnalité de l'intéressé est complètement bafoué par le législateur. Les problèmes qui en découlent peuvent persister à vie si l'intéressé ne souhaite par exemple pas subir d'intervention chirurgicale124. D'autres personnes transgenres se trouvent confrontées au choix impossible, par exemple, entre une intervention chirurgicale et la possession de documents d'identité adaptés, ou elles optent par exemple pour la chirurgie dans le seul but de pouvoir disposer de documents d'identité 122 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 22. 123 GENDER RECOGNITION ADVISORY GROUP, Report to Joan Burton, T.D., Minister for Social Protection, Dublin, Gender Recognition Advisory Group, 2011, 33 et Verwaltungsgerichtshof 27 février 2009 (n° 2008/017/0054), www.ris.bka.gv.at. 124 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 2. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 50 adaptés125. Le prix que ces personnes ont à payer pour leur reconnaissance légale est alors particulièrement élevé126. 128. L'étude ‘Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe’ du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe souligne ce qui suit en ce qui concerne les problèmes rencontrés par les intéressés lorsqu'ils vivent dans le rôle du sexe opposé sans que celui-ci corresponde à l'enregistrement officiel de leur sexe : “The difficulty of living with documents that reflect the wrong gender identity or wrong name cannot be exaggerated. Transgender persons who have been unable to change their passport or ID expericence problems every time they have to identify themselves, for example when paying with a credit card, taking out a library book, opening a bank account or crossing a border. As a result of having inadequate documents, transgender persons can spend long periods of life effectively barred from meaningful and full participation in society, education or employment, as they may face continual problems ‘justifying’ their identities. Transgender persons may also face practical problems in institutional settings such as hospitals, public toilets, police stations and prisons127.” Une femme transgenre autrichienne a fait remarquer à ce sujet qu'elle se sentait comme une immigrée illégale dans son propre pays. Chaque fois qu'elle voyait approcher la police, il lui arrivait par exemple de traverser la rue pour éviter les contrôles128. 129. Les critères médicaux énoncés dans la législation, comme l'exigence de traitement hormonal (dans le cadre d'un changement de prénom) ou les interventions de réassignation sexuelle et la stérilité (dans le cadre du changement de l'enregistrement officiel du sexe), excluent un grand nombre de personnes transgenres du droit au changement de prénom et/ou de l'enregistrement officiel du sexe. De plus, ils confirment la dichotomie homme/femme129. Les intéressés sont sans cesse poussés à faire un coming-out et leur vie privée est violée en permanence. 130. Le Bundesverfassungsgericht allemand a fait remarquer que l'appartenance à l'un ou l'autre sexe ne peut pas uniquement être déterminée sur la base des caractéristiques 125 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 3 et 6. 126 “(L’opération) s’apparante à une ‘mutilation’ à laquelle ils doivent silencieusement consentir pour obtenir ce qu’ils convoitent le plus”, aldus C. FORTIER en L. BRUNET, “Changement d’état civil des personnes ‘trans’ en France: du transsexualisme à la transidentité”, in N. GALLUS (ed.) Droit des familles, genre et sexualité, Limal, Anthemis, 2012, 72. 127 COUNCIL OF EUROPE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS, Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, Straatsburg, Council of Europe, 2011, 90. 128 Communiqué de presse RECHTSKOMITEE LAMBDA, Blitzentscheidung: Höchtsgericht massregelt Innenministerium im Einverfahren, Vienne, Rechtskomitee Lambda, 17 mars 2010, www.rklambda.at. 129 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 56. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 51 sexuelles extérieures au moment de la naissance, mais dépend aussi substantiellement de la constitution psychique et de l'autodiagnostic de l'intéressé130. Vu l'état actuel de la recherche scientifique, on ne peut plus partir du principe que toute personne transsexuelle vise une adaptation physique au sexe opposé au moyen d'interventions chirurgicales. L'opportunité de telles interventions est l'affaire de l'intéressé. La durabilité et l'irréversibilité de la conviction d'appartenir au sexe opposé ne sont pas liées au degré d'adaptation aux caractéristiques sexuelles extérieures, mais bien à la mesure dans laquelle la personne vit dans le rôle du sexe opposé. Le sexe perçu par l'intéressé doit être reconnu de droit de sorte que l'intéressé puisse vivre conformément à ce sexe sans avoir à être sans cesse exposé à la contradiction entre l'apparence adaptée au sexe perçu et le traitement légal. Par ailleurs, le législateur ne peut pas imposer de conditions déraisonnables. La reconnaissance du sexe perçu ne peut être soumise à des conditions qui portent clairement préjudice à l'inviolabilité du corps humain et induisent des risques pour la santé (telles que la chirurgie de réassignation sexuelle ou la stérilité), lorsque, si l'on considère l'état actuel de la science, ces conditions ne sont pas indispensables pour démontrer une adaptation durable et manifeste au sexe opposé131. Condition de stérilité et proportionnalité 131. La Convention Européenne des Droits de l'Homme autorise des restrictions en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée et familiale, pour autant que ces restrictions soient prévues par la loi, visent un but légitime et soient proportionnelles au but visé132. La notion de vie privée doit être considérée dans un sens très large et implique notamment l'identité de genre, le nom, l'orientation sexuelle, la vie sexuelle, le droit à l'épanouissement personnel et le droit à nouer des relations avec d'autres133. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a confirmé à de multiples reprises que les personnes transsexuelles ont droit à l'épanouissement personnel et à la protection physique et morale134. 132. Le critère de stérilité est dicté par des considérations liées à la filiation des personnes transgenres. Elles ont pour objectif de “prévenir le risque de confusion en matière de relations familiales si une personne transgenre devait avoir de propres enfants après un changement officiel de sexe135.” 130 Dans le même ordre d'idée : Verwaltungsgerichtshof 27 février 2009 (n° 2008/017/0054), www.ris.bka.gv.at. 131 Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de (par. 51, 52 et 66). 132 S. SMIS, C. JANSSENS, S. MIRGAUX et K. VAN LAETHEM, Handboek Mensenrechten, Anvers, Intersentia, 2011, 233. 133 Par exemple : CEDH 29 avril 2002 (Pretty contre Royaume-Uni, n° 2346/02), par. 61. 134 CEDH 11 juillet 2002 (Goodwin contre Royaume-Uni, n° 28957/15), par. 90; CEDH, 11 juillet 2002 (I. contre Royaume-Uni, n° 25680/94), par. 70 et CEDH 12 juin 2003 (Van Kück contre Allemagne, n° 35968/97), par. 69. 135 Kamarrätten i Stockholm, 19 décembre 2012 (n° 1968-12), www.kammarrattenistockholm.domstol.se. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 52 133. La condition de stérilité requiert des interventions physiques extrêmement invasives et irréversibles. Les techniques de stérilisation ordinaires sont réversibles. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité exige toutefois l'ablation des ovaires ou des testicules (sauf en cas de conditions médicales préexistantes ayant entraîné la stérilité permanente). L'exigence va donc au-delà de la stérilité courante136. 134. Un tribunal administratif suédois (Kammarrätten i Stockholm) a estimé que, vu la nature des interventions et les développements actuels, le critère de stérilité ne se justifiait plus dans la seule optique du droit de filiation. Vient s'ajouter à cela, d'après le tribunal, que le critère de stérilité ne peut être considéré comme une intervention volontaire. Une intervention qui est posée comme condition pour l'obtention de certains avantages ou droits doit être vue comme une intervention forcée. D'autant plus que le critère de stérilité n'est pas déterminé par une cause médicale ou autre. La condition de stérilité forme par conséquent une telle restriction de l'intégrité de l'intéressé qu'elle n'est pas conciliable avec l'article 8 de la CEDH. Et comme la condition s'applique exclusivement au groupe restreint des transsexuels, elle est aussi contraire à l'interdiction de la discrimination décrite dans l'article 14 de la CEDH. La législation est à même d'apporter une réponse à la filiation de personnes transsexuelles. L'exigence de stérilité est disproportionnée et ne peut être considérée comme une restriction autorisée137. 135. De même, selon le législateur néerlandais, la condition qui veut qu'une femme transgenre ne puisse plus jamais concevoir d'enfant, et qu'un homme transgenre ne puisse plus jamais mettre au monde un enfant, doit être considérée comme disproportionnée suivant les conceptions internationales138. “L'imposition d'une adaptation physique au sexe souhaité, pour l'objectif visé – l'obtention d'une indication concrète et convaincante du caractère permanent de la conviction d'appartenir au sexe opposé pour la modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance –, doit être considérée comme une condition inutilement drastique. La Sous-commission juridique du Conseil de la santé était déjà d'avis en 1979 que la condition porte nettement préjudice à l'inviolabilité physique, même s'il n’y a pas d'objections médicales (…). Le critère d'adaptation physique porte atteinte à l'article 11 de la Constitution, qui garantit le droit à l'inviolabilité du corps humain. Sur le plan international, l'on tend de plus en plus à penser que la reconnaissance légale de l'identité de genre d'une personne ne peut être tributaire de ‘medical procedures, including sex 136 HUMAN RIGHTS WATCH, Controlling Bodies, Denying Identities. Human Rights Violations against Trans People in the Netherlands, New York, Human Rights Watch, 2011, 17. 137 Kamarrätten i Stockholm, 19 décembre 2012 (n° 1968-12), www.kammarrattenistockholm.domstol.se. 138 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 1, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 53 reassignment surgery, sterilisation or hormonal therapy’. Le principe 3 des principes dits de Yogyakarta139 est notamment formulé en ce sens.” Le législateur néerlandais fait aussi remarquer que la stérilisation qui est imposée aux personnes transgenres va vraiment très loin. Normalement, les conséquences de la stérilité peuvent être annihilées, mais pour les personnes transgenres, on impose une stérilité absolue140. 136. Le Bundesverfassungsgerichthof allemand a lui aussi affirmé que le critère de stérilité, dans la mesure où cela sous-entend une intervention chirurgicale, est disproportionné. Le droit à l'autodétermination sexuelle et le droit à l'intégrité physique pèsent plus lourd dans la balance que la nécessité d'exclure le risque (limité) qu'une femme transgenre conçoive un enfant ou qu'un homme transgenre accouche d'un enfant141. Droit à l'autodétermination et inviolabilité du corps humain 137. Toute personne bénéficie du droit à l'autodétermination en ce qui concerne son propre corps. “One of the most basic essentials of self-determination” est selon la Cour Européenne des Droits de l'Homme “the applicant’s freedom to define herself as a female person142.” Le législateur peut poser des limites au droit à l'autodétermination. 138. “L'exercice du (…) droit à l'autodétermination peut se voir poser des restrictions liées aux droits et intérêts des autres. Celles-ci ne peuvent cependant, et ne doivent pas être telles que des limitations uniquement liées à la technique juridique d'un système de droit qui, entre-temps, n'est plus applicable au point concerné (“en droit, les enfants ne peuvent avoir qu'un père et une mère”) sont maintenues143.” 139 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 5-6, www.tweedekamer.nl. 140 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 6, www.tweedekamer.nl. 141 Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de (par. 68-72). 142 CEDH 12 juin 2003 (Van Kück contre Allemagne, n° 35968/97), par. 73. 143 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Note consécutive au rapport, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/6), 7, www.tweedekamer.nl. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 54 Une personne transsexuelle est un individu qui se comporte sur le plan psychique, social et sexuel comme appartenant au sexe opposé144. On parle de conviction intime, permanente et irréversible d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance. Il s'agit d'un phénomène primaire non physique. Le principal critère pour le constat de l'identité de genre est l'autodiagnostic de l'intéressé. 139. La modification de l'enregistrement officiel du sexe relève de l'ordre public, mais cela ne doit pas signifier que la stérilité doive être posée comme condition pour obtenir une modification de l'enregistrement officiel du sexe. La condition de stérilité va trop loin pour réaliser la conséquence souhaitée (c'est-à-dire l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe) de confirmation de la conviction d'appartenance au sexe opposé. 140. Il faut également prêter attention à l'évolution du cadre juridique. En Belgique, depuis 2003, les personnes du même sexe peuvent se marier. Depuis 2006, deux hommes ou deux femmes peuvent être ensemble les parents juridiques d'un même enfant (pour l'instant via l'adoption, à l'avenir sans doute également 'automatiquement' et par la reconnaissance). C'est la loi qui stipule qu'un enfant peut avoir deux parents du même sexe. L'imposition d'un critère de stérilité irréversible, censé éviter que des enfants soient mis au monde ou conçus par des parents dont le sexe juridique diffère du sexe biologique, ne correspond plus aux conceptions actuelles. 141. La World Professional Association for Transgender Health, Inc. reconnaît en outre explicitement dans les ‘Standards of Care for the Health of Transsexual, Transgender and Gender-Nonconforming People’ que les interventions chirurgicales – tout comme toutes les décisions relatives aux soins de santé - doivent d'abord et avant tout être prises par les personnes concernées elles-mêmes145. 142. Toute personne a également droit au respect de sa vie et de son intégrité physique146. 143. Le droit au respect de l'intégrité physique englobe aussi la protection contre les interventions médicales forcées : “The right to health contains both freedoms and entitlements. The freedoms include the right to control one’s health and body, including sexual and reproductive freedom, and the right to be free from interference, such as the right to be free from torture, non-consensuel medical treatment and experimentation. By contrast, the entitlements include the right to 144 J. MOTMANS (en collaboration avec I. DE BIOLLEY et S. DEBUNNE), Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, 2009, 22. 145 E. COLEMAN e.a., “Standards of care for the Health of Transsexual, Transgender and GenderNonconfming People. Version 7”, International Journal of Transgenderism, 2011, 182. 146 P. SENAEVE, Compendium van het Personen- en Familierecht, Louvain, Acco, 2011, 126 et 138 (“Zo ook moet het subjectieve recht van het individu erkend worden om m.b.t. de fysieke bestanddelen van zijn persoonlijkheid – binnen bepaalde grenzen – zelf naar eigen inzicht beslissingen te nemen zonder dat anderen of de overheid hem daarbij mogen hinderen.”). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 55 a system of health protection which provides equality of opportunity for people to enjoy the hightest attainable level of health147.” 144. Les conditions médicales touchent au principe d'inviolabilité du corps humain. L'imposition d'interventions chirurgicales est déjà contraire à l'inviolabilité du corps humain, même s'il est établi qu'il n'y a pas d'objections médicales148. L'identité de genre étant un phénomène primaire non physique, l'obligation d'adaptations physiques a uniquement pour but d'obtenir une indication concrète du caractère permanent de la conviction. Le fait d'imposer des adaptations physiques est un moyen trop drastique pour atteindre cet objectif. L'adaptation physique au sexe souhaité ne devrait être rien de plus qu'une indication du bienfondé et du caractère permanent de la conviction d'appartenir à l'autre sexe. En posant l'adaptation physique comme condition pour la modification du sexe mentionné dans l'acte de naissance, le législateur va trop loin149. 145. Le Bundesverfassungsgericht a lui aussi fait remarquer que le législateur place la barre trop haut en ce qui concerne la preuve du caractère persistant de la conviction d'appartenance au sexe opposé, dans la mesure où il attend, sans condition et sans exception, de la part de l'intéressé qu'il ait subi une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou qu'il soit stérile. Le caractère permanent est démontré par un processus diagnostiquethérapeutique de longue durée. Il y a d'abord un test pratique au cours duquel l'intéressé se familiarise avec le rôle du sexe opposé. Suit alors un traitement hormonal de longue haleine. Ensuite, on peut envisager des interventions chirurgicales. Celles-ci sont éventuellement encore suivies d'interventions chirurgicales correctrices complémentaires. Une intervention chirurgicale exerce un impact considérable sur l'inviolabilité du corps humain. Elle implique des risques pour la santé et peut avoir des effets indésirables. On ne peut souhaiter que l'intéressé se soumette à une intervention aussi lourde si celle-ci n'est médicalement pas indiquée, et ce dans le seul but de démontrer le caractère permanent et le sérieux de la conviction d'appartenir au sexe opposé pour adapter l'enregistrement officiel du sexe150. 147 UNITED NATIONS ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL, General Comment n° 14 of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights. Substantive issues arising in the implementation of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (The right to the highest attainable standard of health (article 12 of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights)), 11 août 2000 (n° E/C.12/2000/4), p. 3. 148 Règles détaillées pour les transsexuels concernant la modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs. Tweede Kamer 1981-1982 (n° 17297/3), 16, www.tweedekamer.nl. 149 Proposition de loi modifiant le Livre 1er du Code civil et la loi d'administration communale de base des données personnelles concernant la modification des conditions pour et la compétence en matière de modification de la mention du sexe dans l'acte de naissance. Exposé des motifs, Tweede Kamer 2012-2013 (n° 33351/3), 8, www.tweedekamer.nl. 150 Bundesverfassungsgericht 11 janvier 2011 (n° 1 BvR 3295/07), www.bundesverfassungsgericht.de (par. 63-65). Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 56 Transphobie institutionnalisée 146. Dans le plan d'action interfédéral contre les violences homophobes et transphobes proposé en janvier 2013, les législateurs belges s'engagent aussi à lutter contre la transphobie. La transphobie a été définie comme “les expressions directes ou indirectes de discrimination, de rejet, d'exclusion et de violence contre des individus, groupes ou pratiques, sur la base du critère d'identité ou d'expression sexuelle, dont l'apparence ou le comportement diffère des stéréotypes de masculinité ou de féminité dans notre société151.” 147. La discrimination se manifeste souvent dans le contexte familial, au travail et dans d'autres contextes sociaux. La discrimination peut aussi être étroitement liée au comportement social et à l'organisation sociale : “Such systemic discrimination can be understood as legal rules, policies, practices of predominant cultural attitudes in either the public or private sector which create relative disadvantages for some groups, and privileges for other groups152.” Il existe donc aussi une forme institutionnalisée de discrimination, à savoir lorsque la législation défavorise un groupe défini. Dans cette optique, les conditions médicales imposées par la loi aux personnes transgenres peuvent être considérées comme une forme institutionnalisée de discrimination ou de transphobie. 148. Un traitement différent peut certes être motivé : “Differential treatment based on prohibited grounds will be viewed as discriminatory unless the justification for differentiation is reasonable and objective. This will include an assessment as to whether the aim and effects of the measures or omissions are legitimate, compatible with the nature of the Covenant rights and solely for the purpose of promoting the general welfare in a democratic society. In addition there must be a clear and reasonable relationship of proportionality between the aim sought to be realized and the measures or omissions and their effects153.” Toutefois, comme évoqué plus haut, cette motivation peut être sérieusement remise en cause. Les personnes transgenres sont ramenées par la législation au rang de patients ayant eux-mêmes peu à dire au sujet de leur propre identité et de leur propre corps. Les traitements ne sont pas basés sur leurs besoins et désirs personnels, mais sur des attentes sociales et institutionnelles. Les traitements sont souvent liés à des critères légaux qui rendent certains droits sociaux tributaires de toute une série de procédures imposées par la 151 Plan d'action interfédéralcontre les violences homophobes et transphobes, 31 janvier 2013, 10. UNITED NATIONS ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL, General Comment n° 20 of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights. Non-discrimination in economic, social and culturel rights (art. 2, para. 2, of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights), 2 juillet 2009 (n° E/C.12/GC/20), 4-5. 153 UNITED NATIONS ECONOMIC AND SOCIAL COUNCIL, General Comment n° 20 of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights. Non-discrimination in economic, social and culturel rights (art. 2, para. 2, of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights), 2 juillet 2009 (n° E/C.12/GC/20), 5. 152 Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 57 loi. “This manifests itself most clearly in the enforcement of certain unnecessary yet obligatory medical treatments and procedures (e.g. sterilisation and the requirement of ‘full’ gender reassignment ) in order for them to be able to access certain rewards that are freely available to the vast majority of people in society (e.g. change of name and issuance of identification documents in the appropriate gender for trans people…).154” Conclusion 149. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité a permis un changement de prénom ‘particulier’. Celui-ci requiert de la part de l'intéressé qu'il suive ou ait suivi un traitement hormonal de substitution, visant à induire les caractéristiques physiques sexuelles du sexe auquel l'intéressé est convaincu d'appartenir. Il faut également démontrer que le changement de prénom constitue une donnée essentielle dans l'inversion de rôle (article 2 de la loi relative aux noms et prénoms). L'exigence d'un traitement hormonal de substitution va au-delà des conditions posées pour un changement de l'enregistrement officiel du sexe (l'article 62 bis, § 2 C. civ. exige une attestation démontrant que l'intéressé suit ou a suivi un traitement hormonal de substitution). Initialement, le législateur avait d'ailleurs l'intention de poser comme condition que l'intéressé 'suit ou suivra' un traitement hormonal155. Dans le texte définitif, c'est devenu ‘suit ou a suivi. Les personnes transgenres traversent un processus diagnostique-thérapeutique de longue durée qui commence par la familiarisation (plus ou moins longue) avec le rôle du sexe opposé. Suivent alors éventuellement des traitements hormonaux et des interventions chirurgicales. Si l'intéressé ne peut disposer de documents d'identité adaptés (avec un prénom et une photo adaptés), ceci entraîne des problèmes au quotidien. La vie privée de l'intéressée s'en trouve violée de manière permanente et sévère (cf. article 8 CEDH). Un changement de prénom devrait être possible pour les personnes transgenres sans conditions médicales ou autres excessives, mais par exemple sur la base d'une déclaration sur l'honneur introduite auprès de l'officier de l'état civil. En Allemagne, un changement de prénom est par exemple possible, certes par le biais d'une décision judiciaire, si l'intéressé se déclare, sur la base de son orientation transsexuelle (intrinsèque), qu'il a le sentiment d'appartenir au sexe opposé. L'intéressé doit avoir ressenti pendant au moins trois ans le besoin de vivre conformément à l'autre sexe (sans avoir nécessaire vécu 'de fait' dans le rôle 154 S. AGIUS et C. TOBLER, Trans and intersex people. Discrimination on the grounds of sex, gender identity and gender expression, Bruxelles, European Commission (Directorate-General for Justice), 2011, 15. 155 Proposition de loi relative à la transsexualité, Doc. Parl. Chambre, 2005-2006, n° 903/1, 15. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 58 de cet autre sexe). Ce sentiment d'appartenir au sexe opposé doit enfin avoir toutes les probabilités de persister (§ 1 Transsexuellengesetz). 150. La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité exige pour l'adaptation de l'enregistrement officiel du sexe que l'intéressé ait subi une réassignation sexuelle qui le fasse correspondre au sexe opposé, auquel il a la conviction d'appartenir, dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical. En outre, l'intéressé ne peut plus être à même de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent (article 62 bis, § 2 C. civ.). Ces critères médicaux sont eux aussi de plus en plus critiqués dans la perspective internationale des droits de l'homme. Les critiques s'expliquent notamment par le développement des connaissances ayant trait à la transsexualité et aux transgenres (et, partant, la disparition des préjugés, de l'incompréhension et du désintérêt). Les critères médicaux qui imposent une intervention chirurgicale de réassignation sexuelle ou la stérilité posent problème dans le cadre de certains droits de l'homme tels que la protection de la vie privée (ainsi que le droit à l'autodétermination et l'inviolabilité du corps humain). Ces critères médicaux sont en outre disproportionnés et ne peuvent donc déjà être mis en œuvre pour cette seule raison. Les problèmes de droit de filiation souvent évoqués et qui peuvent se poser en cas de suppression des critères médicaux ne sont pas nouveaux ni insurmontables156. Les lois récentes ne tiennent plus compte des critères médicaux. Le tableau ci-joint (voir p. 54-55) compare divers aspects de la législation adoptée dans certains pays. La sexualité fait partie intégrante de la vie privée. Les traitements hormonaux, les interventions médicales et la stérilité relèvent de la relation entre le médecin traitant et son patient et ne peuvent être imposés par le législateur pour l'obtention d'une reconnaissance légale (cf. transphobie institutionnalisée). L'imposition de critères médicaux est contraire aux droits de l'homme et peut être considérée comme une violation inadmissible et disproportionnée de la vie privée et du droit à la vie familiale. Les critères médicaux devraient par conséquent être supprimés dans la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité. Le législateur devrait prendre pour point de départ l'autodiagnostic de l'intéressé et une déclaration (standardisée) de l'intéressé auprès de l'officier de l'état civil. L'intervention d'un psychiatre est un point sensible. Toutes les personnes transgenres n'ont pas besoin d'un psychiatre (ou d'un traitement psychiatrique). L'intervention d'un psychiatre aurait tendance à confirmer un préjugé et à stigmatiser. Si, pour éviter les abus, un 'contrôle' de la déclaration des intéressés est indispensable, celuici devrait idéalement se faire au travers d'une 'seconde opinion' (standardisée) du médecin traitant ou d'un centre spécialisé dans les personnes transgenres. Les décisions ayant trait à la transsexualité et aux personnes transgenres sont des décisions qui ne se prennent absolument 156 Voir p. 47-48. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 59 pas à la légère. Une autre façon de faire obstacle aux abus peut consister par exemple à les faire freiner par le ministère public ou à obliger les intéressés qui souhaitent une nouvelle fois modifier l'enregistrement officiel de leur sexe à passer par le tribunal. Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité 60 ARGENTINË BASE PROCEDURE DOCUMENTS REQUIS CRITERES IRLANDE ISLANDE Contradiction avec l'identité de genre perçue par l'intéressé luimême Déclaration auprès de l'administration locale tenant le registre national La demande de l'intéressé suffit Vivre dans le rôle du sexe opposé Trouble de l'identité de genre Déclaration auprès du ministre de la Protection Sociale Déclaration auprès d'une Commission d'experts Déclaration de l'intéressé + attestation du médecin L'agent signalera la modification, sans aucune procédure juridique ou administrative L'intéressé doit déclarer (1) avoir la ferme intention de continuer à vivre dans le rôle du sexe opposé (2) de comprendre les implications de sa demande et (3) de faire sa demande de son propre chef Le médecin doit déclarer (1) que l'intéressé suit ou a suivi un PAYS-BAS PORTUGAL ESPAGNE ROYAUMEUNI Conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance Déclaration auprès de l'officier de l'état civil Trouble de l'identité de genre Trouble de l'identité de genre Vivre dans le rôle du sexe opposé Déclaration auprès de l'officier de l'état civil Déclaration auprès de l'officier de l'état civil Déclaration auprès du ‘Gender Recognition Panel’ Preuve du diagnostic et du traitement par une équipe d'experts Attestation d'un expert Rapport d'une équipe médicale pluridisciplinair e signé au minimum par un médecin et u psychologue Rapport d'un médecin ou d'un psychologue clinicien Traitement de min. 18 m. par une équipe d'experts + avoir vécu pendant min. 12 m. dans le rôle du sexe opposé L'attestation de l'expert stipule que l'intéressé (1) a introduit une déclaration, (2) a compris l'information donnée par l'expert et (3) continue de souhaiter le changement de sexe de manière bien considérée L'officier de l'état civil décide (dans un délai de 8 jours) si la demande peut être acceptée Traitement de minimum 2 ans (exception possible pour raisons de santé ou d'âge) Déclaration d'un médecin ou d'un psychologue actif dans le domaine de la dysphorie de genre + attestation d'un médecin Le ‘Gender Recognition Panel’ déclare que l'intéressé (1) présente (ou a présenté) une dysphorie de genre, (2) a vécu pendant deux ans dans le rôle du sexe opposé et (3) a l'intention de continuer à vivre conformément à ce rôle La Commission d'experts confirme que l'intéressé appartient au sexe opposé SUEDE Conviction d'appartenir au sexe opposé à celui mentionné dans l'acte de naissance Déclaration auprès du Conseil National pour la Santé et le Bien-être Déclaration de l'intéressé L'intéressé doit déclarer (1) qu'il a le sentiment depuis longtemps d'appartenir au sexe opposé, (2) qu'il se comporte depuis un moment conformément à cet autre sexe et (3) qu'il continuera à vivre à l'avenir conformément à ce sexe MISE EN OEUVRE Une nouvelle modification n'est possible que moyennant un accord judiciaire processus de transition et (2) qu'il comprend les implications de sa demande Pénalisation en cas de fausses déclarations Retour à l'enregistremen t du sexe précédent via une nouvelle demande adressée à une équipe d'experts Les critères médicaux de la loi relative à la transsexualité Pénalisation en cas de fausses déclarations 63 LES CRITERES MEDICAUX DANS LA LOI RELATIVE A LA TRANSSEXUALITE étude de droit comparé menée pour le compte de l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes