Les écoles de journalisme, une nouvelle norme

Transcription

Les écoles de journalisme, une nouvelle norme
Université Nancy 2
Faculté des Lettres & Sciences Humaines
UFR Lettres
Mémoire de stage pour l'obtention de la Licence Professionnelle
« Journalisme Spécialisé »
LES ECOLES DE JOURNALISME, UNE NOUVELLE NORME DANS
UNE PROFESSION EN PLEINE MUTATION ECONOMIQUE ET
TECHNOLOGIQUE
Présenté par :
BAZZARA Aurélie
Organisme ou entreprise d’accueil du stagiaire
Fréquence Fac, Nancy
Période de stage
du 13 février au 6 mai 2012
Tuteur professionnel
Tutrice
universitaire
Pol Laurent
Claude Proeschel
Année Universitaire 2011-2012
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Remerciements
En préambule de ce mémoire de stage, je tiens tout particulièrement à
remercier mon maître de stage M. Pol Laurent pour son accueil chaleureux, sa
bonne humeur et son sens de la formation, ainsi que M. Thomas Braun de
m'avoir acceptée en tant que stagiaire au sein de Fréquence Fac. La confiance
qu'ils m'ont accordée fut très motivante et cette expérience très formatrice. Je
leur suis aussi reconnaissante de m'avoir laissée travailler en autonomie.
Je remercie également la rédaction de France Bleu Sud Lorraine : M. Franck
Rabaud-Weill, M. Laurent Watrin, M. Denis Souilla, M. Mohand Chibani et
Mme. Nathalie Broutin, tous journalistes, pour leur disponibilité, leur aide et
leurs conseils dans le cadre de mes réalisations.
Je n'oublie pas M. Nicolas Sourisce, M. Sylviano Marchione, Mme Nicole
Gauthier et M. Dimitri Rahmelow ; des professionnels du milieu journalistique,
avec qui j'ai travaillé pour élaborer ce mémoire. Ainsi que M. Mickaël Frison,
étudiant à l'institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine.
D'une façon plus générale, je remercie l'ensemble de l'équipe de Fréquence
Fac et l'équipe de France Bleu Sud Lorraine pour l'intérêt qu'ils m'ont porté
tout au long de mon stage et pour les compétences qu'ils ont pu m'apporter.
Je remercie de même, ma tutrice de stage Mme. Claude Proeschel, pour son
encadrement pendant toute la durée de ce stage.
Merci à tous et à toutes pour votre soutien
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Sommaire
Introduction .......................................................................................................4
I. FRANCE BLEU SUD LORRAINE ET FREQUENCE FAC, DEUX
IDENTITES MAIS DEUX RADIOS PARENTES...........................................6
1. FREQUENCE FAC, LA WEB RADIO ETUDIANTE ...................................6
1.L'histoire de Fréquence Fac, une identité, des objectifs, un lien
privilégié avec France Bleu Sud Lorraine ..............................................6
2.Le budget et la programmation ...........................................................9
3.Un avenir incertain pour Fréquence Fac ...........................................10
2. FRANCE BLEU SUD LORRAINE, UNE RADIO DE PROXIMITE............10
1.L'histoire de France Bleu Sud Lorraine, une identité, des objectifs ..10
2.L'organisation et le budget ................................................................11
II. JOURNALISTE : UNE PROFESSION EN MOUVEMENT, UNE
FORMATION NOUVELLE ...........................................................................12
1. LES ECOLES DE JOURNALISME EN FRANCE ....................................12
1.Journaliste, la construction d'une profession, la nécessité d'une
formation ...............................................................................................13
2.Une offre de formation actuellement conséquente.............................14
2. LA FORMATION, UN GAGE DE QUALITE POUR LES EMPLOYEURS. .16
...................................................................................................................17
1.Des mutations économiques et technologiques importantes : le
« pluri-média », le journalisme de l'offre et des supports élargis .........17
2.Les écoles de journalisme s'adaptent aux nouvelles exigences de la
profession : mobilité, polyvalence et expérience ..................................20
3. LES ECOLES DE JOURNALISME, UN GAGE DE QUALITE POUR LA
PROFESSION ............................................................................................28
1.La menace de la montée du journalisme amateur..............................28
2.Des enseignements en école qui conservent les valeurs du métier....29
III. LA FORMATION EN ECOLE DE JOURNALISME, UNE NOUVELLE
NORME EFFICACE ?....................................................................................31
1. LE JOURNALISME, UNE PROFESSION TOUJOURS OUVERTE ET
DIVERSIFIEE ? ..........................................................................................32
1.Des écoles de journalisme reconnues très sélectives.........................32
2.Une vulgarisation et un appauvrissement de l'information ...............34
2. RISQUE DE BANALISATION DU DIPLOME ........................................35
1.Le journalisme, un corps journalistique ? ..........................................35
2.L'exemple du Studio école de France, une école non reconnue .......37
3.Le débat est engagé : faut-il instaurer un diplôme obligatoire ? ......38
Conclusion ........................................................................................................41
Bibliographie ......................................................................................................43
Annexes...............................................................................................................44
3 Page
Introduction
Ce stage, d'une durée de quatre mois environ (du 13 février 2012 au 5 mai
2012), a consisté à participer activement à la vie d'un média radiophonique,
Fréquence Fac, diffusé uniquement sur Internet, en bénéficiant pleinement du
statut de reporter.
Etudiante en licence professionnelle de journalisme spécialisé à l'Université de
Lorraine, j'ai eu la chance de réaliser un stage dans un média dans le but de
parfaire mes connaissances dans le domaine de la radio. L'enseignement
dispensé au sein de mon cursus universitaire m'a permis de développer au
mieux mon savoir en matière de journalisme radiophonique. Cette démarche
n'a fait qu'encourager mon projet professionnel. C'est pourquoi, il me
paraissait primordial de trouver une entreprise qui me proposait de mettre à
son service mes compétences journalistiques afin de participer à la vie du
média tout en m'apportant un enseignement de terrain. Ainsi, j'ai postulé à
Fréquence Fac, qui me permettait de choisir un statut particulier (présentateur,
animateur, journaliste, reporter, chroniqueur) en me faisant également
découvrir l'intégralité de la vie d'une radio que ce soit l'animation, la
présentation et la technique. J'ai trouvé judicieux de proposer mes services en
tant que stagiaire à un média qui cohabite avec une radio locale du réseau
France Bleu. En effet, j'ai trouvé que c'était un moyen efficace de faire ses
premiers pas dans le métier en se créant un carnet d'adresses ainsi que des
contacts en vue d'une future carrière. De plus, une nouvelle locale du réseau
France Bleu va voir prochainement le jour, le groupe sera donc en période de
recrutement.
Pendant cette période de stage, je me suis familiarisée avec un ensemble de
savoir-faires et de techniques mais aussi avec un véritable travail en rédaction.
Ceci m'a permis de réaliser des reportages sur tous types de sujets dans des
conditions optimales.
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La vie au sein de la rédaction de Fréquence Fac et de France Bleu Sud
Lorraine ainsi que le travail sur le terrain m'a amené à rencontrer de nombreux
journalistes. Si quelques journalistes font fonctionner ce que l'on nomme le
« piston » ou encore utilisent Fréquence Fac comme tremplin professionnel, je
me suis rendu compte qu'il semblerait que le passage par une école de
journalisme soit une nouvelle norme dans la formation des jeunes journalistes.
En effet, tous les nouveaux journalistes au sein de la rédaction locale sont issus
d'une école de journalisme. Alors que certains journalistes titulaires se sont
formés « sur le tas ». Je proposerai donc dans ce mémoire d'éclaircir ce point :
pourquoi la formation en école de journalisme semble être une nouvelle norme
pour devenir journaliste ?
Dans une première partie, je présenterai la structure d'accueil ainsi que la
radio France Bleu Sud Lorraine. Dans une seconde partie, j'établirai un lien
entre l'explosion des centres de formation en France et la profession
journalistique en pleine mutation. Dans une dernière partie, j'évoquerai les
conséquences de ce changement, à savoir la nécessité d'un diplôme pour
franchir les portes d'une rédaction dans l'hexagone.
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I. FRANCE BLEU SUD LORRAINE ET FREQUENCE FAC, DEUX
IDENTITES MAIS DEUX RADIOS PARENTES
1. FREQUENCE FAC, LA WEB RADIO ETUDIANTE
Fréquence Fac existe sous le même nom et conserve le même concept depuis
quinze ans environ. Située dans les mêmes locaux que France Bleu Sud
Lorraine, je me devais donc de présenter également cette radio de proximité
qui m'a épaulée durant ma période de stage. Pour bien comprendre ce que sont
les projets et l'esprit des deux radios nancéiennes, il convient de replacer
brièvement leurs histoires dans celle de la bande FM et au sein de l'histoire de
la webradio.
1. L'histoire de Fréquence Fac, une identité, des objectifs, un lien
privilégié avec France Bleu Sud Lorraine
Un monopole d’État a été établi sur les stations de radio en 1945, au sortir de
la Seconde Guerre mondiale. Le service public devait désormais cohabiter, tant
bien que mal, avec cinq réseaux commerciaux privés et puissants. Toutes les
autres radios ont adopté le statut de radios dites pirates et ont essayé de briser
ce monopole. Il a fallu attendre l'année 1981 et l'arrivée de François
Mitterrand au pouvoir pour libéraliser les ondes. Ce fut la naissance des radios
libres.
Mohand Chibani est le fondateur de Fréquence Fac en 1993. Jeune étudiant en
communication à la faculté de Lettres et Sciences Humaines de Nancy, il a
décidé de créer une radio étudiante. Il voulait donner naissance à un support
de diffusion dont le but était de réunir la masse d'information qui se condensait
au sein de l'Université. Dédiée aux étudiants, elle a su se pérenniser dans un
contexte pourtant difficile. D'abord diffusée d'une cave située dans un quartier
du Haut-du-Lièvre à Nancy, elle s'est associée la même année à Radio Graffiti,
une radio associative nancéienne, en 1993. Forte de cette expérience,
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Fréquence Fac a acquis une certaine notoriété dans le milieu étudiant tout en
souhaitant se professionnaliser d'avantage. La rédaction a signé une
convention de partenariat avec France Bleu Sud Lorraine en 1995. Par ailleurs,
la radio étudiante s'est dotée d'un statut juridique en 2000 : Fréquence Fac
l'association. Fréquence Fac a donc signé dès sa création le slogan « la radio
faite par des étudiants pour des étudiants ». Le ton est donné. Son contenu a
essentiellement pour but de toucher un public cible de jeunes. A en voir les
sujets d'actualités traités dans le journal, il ne s'agit que d'informations sur le
monde estudiantin ou pouvant toucher un public universitaire. Par conséquent,
les membres de la radio ont une connaissance pointue sur le milieu scolaire, à
tel point que les membres de la rédaction de France Bleu Sud Lorraine
viennent s'éclairer auprès des « Fréqfac » lorsqu'ils doivent traiter des sujets
étudiants.
Depuis
une
quinzaine
d'année,
on
peut
considérer
que
le
paysage
radiophonique français est rasséréné, mais le support radio a connu une
période de trouble, notamment dû à des rachats en nombre et des alliances
forcées. En 2007, le CSA a lancé un vaste plan de réattribution des fréquences
dans le but de rationaliser le paysage radiophonique français. Radio France a
subi de nombreux doublons de fréquences. Bien que le paysage radiophonique
français tente aujourd'hui de se structurer sur les ondes, il est en revanche
totalement dissipé sur Internet par le biais des webradios. Fréquence Fac
reflète bien l'avancée dans le paysage radiophonique. D'abord diffusée une
heure par jour sur les ondes de Radio Graffiti, puis sur les ondes de France
Bleu Sud Lorraine, la radio étudiante a ensuite été touchée par le « Plan Bleu »
lancé par Radio France en 2009. L'objectif était de mettre une certaine
cohérence et d’harmoniser la programmation des stations locales. Fréquence
Fac a été exclue des ondes bleues et a opéré un basculement forcé sur le web.
Désormais, l'émission étudiante est diffusée du lundi au vendredi sur le site
internet Frequencefac.com et sur la diffusion en continu de France Bleu Sud
Lorraine de dix-neuf heures à vingt heures.
Désormais, la webradio étudiante a deux objectifs principaux : ne pas perdre
d'argent et assurer la pérennité de l'image de la radio. Ceux-ci passent
premièrement par l'audience. Entre cent cinquante et deux cents auditeurs
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écoutent Fréquence Fac par jour. Autre donnée : la diffusion en continu a été
suivie plus de dix mille fois en l'espace de six mois. Ici, il s'agit d'audience
« cumulée-vieille », laquelle est indépendante de la durée d'écoute. On peut
faire remarquer que le média réunissait mille auditeurs quotidiennement
lorsque l'émission était diffusée en FM. On constate l'impact du basculement
de la FM sur la toile sur le nombre d'écoute. La pérennité du média est
deuxièmement assurée par le nombre de bénévoles. Ceux-ci sont en charge de
donner une image positive du média. Ils assurent également le contenu en le
diversifiant, ce qui donne du crédit au média auprès de l'auditeur. A l'origine,
cinq bénévoles fabriquaient le contenu de l'émission. Aujourd'hui, la rédaction
compte une trentaine de bénévoles chaque année. L'équipe régulière se
compose tout juste d'une dizaine de personnes ; un nombre insuffisant pour le
rayonnement du média.
Aujourd'hui, la rédaction de Fréquence Fac se situe toujours dans les locaux de
France Bleu Sud Lorraine. Les membres de l'équipe ont accès à un studio
d'enregistrement, aux matériels et logiciels tels que la cabine d'enregistrement
(nommée dans le milieu « KB »), Openmédia et RadioAssit. Elle bénéficie aussi
des services d'un technicien du groupe Radio France. Outre le fait d'offrir le
confort nécessaire afin d'optimiser la réalisation des émissions quotidiennes, la
locale du service public se sert de la radio étudiante comme d'un vivier. En
effet, de nombreux bénévoles sont devenus « des Bleus ». Les jeunes
journalistes et animateurs en herbe sont écoutés par la rédaction et repérés
par la suite. Preuve de ce basculement, France Bleu Sud Lorraine compte
quatre anciens « Freqfac » parmi ses neuf animateurs. On peut citer Véronique
Lorre, Sarah Polacci ou encore Vincent Loriol. Il en va de même du coté des
journalistes. Nathalie Broutin, Mohand Chibani ou encore Marine Scherer sont
des anciens de la radio étudiante qui ont intégré les rangs de la locale du
réseau France Bleu en Lorraine. Fort d'une première expérience au sein de
Fréquence Fac, d'autres prennent leur envol en dehors des studios bleus. Par
exemple, Benjamin Mathieu est actuellement attaché de production à France
Info, Virginie Demange est passée par les rédactions de M6, la Voix du Nord,
Image PLUS et l'Est Républicain et actuellement journaliste pour France 3,
Nicolas Bredard
est actuellement journaliste reporter d'images à Vosges
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Télévision ou encore Amandine Scherer qui est passée par le Journal du
cinéma, l'Hebdo du cinéma, M6, France 5 et est co-fondatrice du Petit Journal
de Yann Barthès sur Canal +. Par conséquent, Fréquence Fac représente une
école formatrice au métier de journaliste ou d'animateur sur le support
radiophonique. Preuve de ce vivier, des lettres d'anciens « Fréqfac » sont
affichées aux murs du bureau de la webradio.
2. Le budget et la programmation
Le budget annuel de la radio étudiante est d'environ trente mille euros par an,
dont la majeure partie est absorbée par le salaire des deux employés de la
rédaction, Thomas Braun (directeur des programmes) et Pol Laurent (rédacteur
en chef). La totalité du budget provient de sommes d'argent provenant de
l'Université de Lorraine, du CROUS (centre régional des œuvres universitaires
et scolaires) et des collectivités territoriales. Les dépenses sont quasiment des
frais fixes tel que les droits distribués à la SACEM. Le budget prend également
en compte des frais occasionnels ; notamment le renouvellement du matériel
(les enregistreurs ou les ordinateurs), les frais de communication (impression
d'affiches, création de stylos et de clés USB) ou encore les frais de
déplacements. Par exemple, lors de mon stage, la radio a eu l'occasion de
réaliser un reportage sur la finale culinaire du CROUS à Paris ou bien sur une
action de l'Unicef au Bénin en Afrique. Les coûts de diffusion sont moindres
puisqu'il s'agit d'une diffusion exclusivement sur la toile. L'équilibre financier
de la radio est respecté.
Fréquence Fac a aussi de nombreux partenariats qui sont établis en termes
d'échange de visibilité. La radio étudiante assure une promotion en échange
d'informations ou alors de cadeaux à faire gagner aux auditeurs. On peut citer
l'Autre Canal, l'ensemble Poirel, la Manufacture, les Trinitaires à Metz, le Label
LN, le bureau régional de la vie étudiante, la Fédération des Etudiants
Nancéiens, les lieux de sorties (L'envers Club, le Réseaux, le Lazer Maxx …),
Metz Métropole, la MGEL (qui assure les frais de la radio étudiante lors d'une
campagne d'affichage) ou encore Wifi Lorraine (qui héberge les podcasts des
émissions).
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3. Un avenir incertain pour Fréquence Fac
Forte d'une expérience de quinze années environ, Fréquence Fac a pris la
décision de quitter les locaux de France Bleu Sud Lorraine le 22 juin prochain
pour prendre son envol. Deux facteurs ont encouragé cette décision. Lors du
basculement de la FM à la diffusion sur internet, la radio étudiante a perdu bon
nombre de ses auditeurs. De plus, les locaux sont excessivement coûteux pour
Fréquence Fac qui n'a qu'un petit budget bloquant ainsi des initiatives
permettant de redorer l'image de la radio en perte de vitesse. Pour cela, trois
projets sont actuellement en cours de réflexion : devenir le média officiel de
l'Université
de
Lorraine,
conserver
son
indépendance
envers
l'entité
universitaire et organiser une diffusion web « non stop » ou alors signer un
nouveau partenariat avec une autre radio afin d'être à nouveau diffusée sur la
bande FM. Il va s'agir pour le média de retrouver sa place sur les bandes FM
ou sur la Radio Numérique Terrestre qui va être mise en place prochainement.
2. FRANCE BLEU SUD LORRAINE, UNE RADIO DE PROXIMITE
1. L'histoire de France Bleu Sud Lorraine, une identité, des objectifs
Le groupe Radio France a obtenu l'autorisation de créer trois radios locales en
1980 : Fréquence Nord, Radio Mayenne, et Melun FM. Par la suite, vingt-neuf
autres radios de proximité ont vu le jour à partir des radios gérées par France
3 comme c'est la cas de France Bleu Sud Lorraine, qui était donc une radio
privée avant de faire partie du premier groupe radiophonique français public.
Elle s'est tout d'abord appelée Radio Nancy, puis Radio Lorraine, Radio
Lorraine-Champagne, Radio Nord-Est, Radio France Nancy avant de trouver
son nom actuel. La rédaction se situe au 21-23 boulevard du Recteur Senn à
Nancy. France Bleu Sud Lorraine est une radio faisant partie du réseau France
Bleu qui représente quarante-trois radios locales françaises, bientôt quarantequatre. Par conséquent, elle fait partie du groupe Radio France, le plus grand
groupe radiophonique français public. La directrice actuelle du réseau France
Bleu est Anne Brucy et le directeur de France Bleu Sud Lorraine est Marc
10 Page
Scherer.
En septembre 2000, le réseau France Bleu a lancé le « Plan Bleu » afin de
mettre de l'ordre dans les programmations et d'harmoniser les quarante-trois
locales. Le réseau France Bleu a deux objectifs principaux. Il s'efforce d'allier
exigence culturelle et respect du grand public tout en étant un relais
d'information. Ainsi, on peut citer les missions expliquées sur le site de Radio
France (faisant partie intégrante du groupe Radio France, ces missions valent
également pour le Réseau France Bleu) :
« Pour l’accomplissement de toutes ces missions, le cahier des missions et des
charges fixé par décret définit, conformément à l’article 48 de la loi du 30
septembre 1986, les obligations de Radio France, notamment celles liées à sa
mission éducative, culturelle et sociale, à la lutte contre les discriminations par
le biais d’une programmation reflétant la diversité de la société française, ainsi
qu’aux impératifs de la défense nationale, de la sécurité publique et de la
communication gouvernementale en temps de crise. Le cahier des charges
précise également les caractéristiques et l’identité des lignes éditoriales de
chacune
des
chaînes
de
Radio
France
ainsi
que
les
modalités
de
programmation des émissions publicitaires : il prévoit notamment la part
maximale de publicité autorisée ».
Depuis 2000, les radios du réseau bleu affichent le slogan « l'info vue d'ici » qui
signe pleinement son identité répondant ainsi parfaitement au public cible à
savoir les trente-cinq ans et plus et actifs. La radio affiche la volonté d'être
proche de ses auditeurs, reprenant ainsi son rôle de compagnon du quotidien.
2. L'organisation et le budget
Pour assurer un contenu diversifié, France Bleu Sud Lorraine dispose d'une
rédaction grande et intergénérationnelle. Elle compte huit journalistes
permanents et de nombreux CDD 1 et pigistes. De plus, la rédaction comprend
neuf animateurs et, tout comme du coté des journalistes, il y a des animateurs
en CDD. Des chroniqueurs viennent également assurer le contenu sur la bande
FM. Le budget de France Bleu Sud Lorraine a été adopté en décembre par les
1 Contrat à durée déterminée
11 Page
dirigeants du groupe Radio France pour l'année 2012. Le groupe du service
public redistribue un montant de 668,1 millions d'euros à toutes les radios du
groupe. Le budget est en progression de 2,4% par rapport à l'année 2011. Par
ailleurs, il permet de poursuivre « le développement du maillage territorial
pour le réseau France Bleu avec la préparation de l’ouverture d’une quarantequatrième station à Saint Etienne ». Tout comme Fréquence Fac, France Bleu
Sud Lorraine a de nombreux partenariats qui se réalisent en termes d'échange
de visibilité.
Concernant l'écoute, le réseau France Bleu a réalisé une audience cumulée
record de 7,1%, soit près de quatre millions d'auditeurs quotidiens selon le
dernier sondage Médiamétrie réalisé en décembre dernier. Les radios bleues
voient augmenter leur écoute de trois cent mille auditeurs en plus par rapport
à l'année passée. Elle prend ainsi la seconde place des radios généralistes,
entre Europe 1 et France Inter. Preuve en est que la radio de proximité a
encore de beaux jours devant elle2.
II. JOURNALISTE : UNE PROFESSION EN MOUVEMENT, UNE
FORMATION NOUVELLE
1. LES ECOLES DE JOURNALISME EN FRANCE
L'apparition d'une formation journalistique va de pair avec l'émergence du
métier de journaliste. En effet, la question d'un apprentissage spécifique se
pose à une période de l'histoire où la profession s'érige, à partir du 19e siècle.
A partir de ce constat, les acteurs du champ journalistique pensent à un
indispensable apprentissage en école d'un métier comme les autres. Bien plus
tard, le sociologue Jean-Marie Charon ajoutera que la formation journalistique
serait la clé pour se distinguer parmi d'autres métiers intellectuels.
L'enseignement nécessite un lieu ad hoc. Par conséquent, il est nécessaire de
retracer un bref historique de l'émergence du métier de journaliste afin de
comprendre le développement de l'instruction de cette profession en France.
2 Voir Annexe 1
12 Page
1. Journaliste, la construction d'une profession, la nécessité d'une
formation
Aujourd'hui, l'évidence est de mise : être journaliste est un métier. Mais la
profession ne s'est pas érigée dès les premières publications occasionnelles 3
apparues aux environs du 15e siècle, rédigées par des hommes de lettres. Il a
fallu attendre les années 1830 pour observer une montée en puissance du
métier et une émergence de nombreux patrons de presse emblématiques tels
que Emile de Girardin, Hypolite de Villemessant (le fondateur du Figaro) ou
encore Moïse Millaud (le créateur du Petit Journal). D'ailleurs, le mot
« journaliste », n’apparaît sous la plume de Pierre Bayle 4 en Hollande qu'en
1684 en préface des ses Nouvelles de la République des Lettres et ne sera
utilisé en France qu'en 1870.
Au fil du temps, des problématiques salariales apparaissent, amenant les
journalistes à rompre avec l'idéal de lettres. Des associations gardiennes des
valeurs et des droits sociaux en sont l'illustration, tel que l'Association des
professionnels Parisiens (1884) suivies de nombreuses autres. L'autre étape
marquante dans l'émergence de cette profession est la création du Syndicat
National des Journalistes en 1918. Il a pour ambition de défendre la discipline
professionnelle notamment en négociant les conditions de travail, les congés ou
encore les salaires. Il milite aussi pour obtenir une reconnaissance législative
d'un statut de journaliste. C'est en 1935 que la loi établissant le statut de
journaliste est érigée, dite loi Brachard et Cressard. Suivi par la Commission
de la Carte d'identité des Journalistes Professionnels, créée par la loi du 29
mars 1935, qui affirme l'identité du journaliste en délivrant une carte d'identité
de journaliste professionnel. Par ailleurs, des textes régissant la profession sont
édités : la Charte de 1881, la Charte des devoirs professionnels des journalistes
français élaborée par le SNJ, la Déclaration des devoirs et des droits des
journalistes dite la Charte de Munich conçue en 1971 ainsi que toutes les
conventions internes spécifiques aux adhérents d'un média comme par exemple
3 Les publications occasionnelles sont de petits ouvrages rapidement imprimés tels que des bulletins
d'informations, des canards ou des libellés.
4 Pierre Bayle est un philosophe et écrivain français. Il a créé et rédigé le périodique français Les
Nouvelles de la République des Lettres qui rencontre un franc succès en Europe.
13 Page
la Charte de Radio France.
Face à cette montée en puissance de la reconnaissance du métier de
journaliste, la question d'une formation se pose à l'époque clé de l'affirmation
de l'identité du journaliste, c'est-à-dire au 19e siècle. Inversement, l'éducation
va permettre d'affirmer le métier de journaliste. Un projet d'enseignement
professionnel est alors pensé afin d'inculquer les techniques, les savoir-faire et
les qualités morales nécessaires pour être journaliste. En 1899, la première
école de journalisme voit le jour sous l'impulsion de Jeanne Weil 5. Une idée
novatrice puisque c'est la première fois qu'une formation spécifique pour les
journalistes peut être dispensée. A sa création, l'école suscite la moquerie et
l'indifférence car, selon les acteurs de la profession, le journalisme n'est pas
une discipline qui s'apprend dans une école. Les journalistes pensent que
l'apprentissage se fait essentiellement sur le terrain, se faisant alors adeptes
du proverbe : « c'est en forgeant que l'on devient forgeron » ! Une dualité de
point de vue encore en vigueur actuellement.
In fine, le champ journalistique présente la particularité de ne pas avoir de
droit d'entrée sous condition de diplôme. Il est donc important de préciser
qu'aucun diplôme n'est exigé pour exercer la profession de journaliste dans les
pays qui promeuvent la liberté de la presse comme la France. Pourtant, les
offres de formations explosent depuis quelques années dans l'hexagone.
2. Une offre de formation actuellement conséquente
Selon sa dernière publication en date du mois de juillet 2007, l'Observatoire
des Métiers de l'Audiovisuel6 recensait en France plus de soixante-neuf
formations, qu'elles soient publiques ou privées, préparant au métier de
journaliste. Parmi ces offres d'instruction diversifiées, il est néanmoins
important de préciser qu'une dualité existe entre des écoles reconnues par la
profession et d’autres centres de formation non reconnus.
5 Jeanne Weill, romancière, est plus connue sous le nom de plume Dick May.
6 L'Observatoire Prospectif des Qualifications et des Métiers de l'Audiovisuel est sous tutelle de la
Commission Paritaire Nationale pour l’Emploi et la Formation de l’audiovisuel.
14 Page
En 1976, les représentants des organisations professionnelles de journalistes
mettent en place pour la première fois un contrôle des écoles de journalisme à
l'occasion de la signature de la Convention Collective Nationale de Travail des
Journalistes7. Elles s'engagent à donner leur concours à deux écoles : le Centre
de Formation des Journalistes à Paris qui a vu le jour en 1946 et l'ESJ de Lille
créé en 1924. Une cinquantaine d'années plus tard, ces deux écoles ont été
rejointes par onze autres. Il y a des établissements publics : le CELSA Paris, le
Centre Universitaire d'Enseignement du Journalisme de Strasbourg, l'Ecole de
Journalisme et de Communication de Marseille, l'Ecole de Journalisme de
Grenoble, l'Institut Français de Presse de Paris, l'Institut de Journalisme
Bordeaux Aquitaine à Bordeaux, l'IUT de Lannion et l'IUT de Tours. Ils peuvent
également être privés : le Centre de Formation des Journalistes de Paris,
l'Ecole de Journalisme de Toulouse, l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille,
l'Institut Pratique de Journalisme de Paris. L'Ecole de journalisme de Sciences
Po Paris a un statut à part. Parallèlement, il existe aussi bon nombre de
formations non reconnues par la profession. Il y a des centres Parisiens :
l'Institut du monde anglophone à l'Université de la Sorbonne nouvelle, l'Institut
européen de journalisme, l'Eurodio Studio Ecole de France, l'Institut supérieur
de formation au journalisme, le Centre de formation et de perfectionnement
des journalistes. Mais il existe aussi bon nombre de centres de formations en
Province : l'Institut d'études politiques à Grenoble, l'Institut d'études politiques
à l'Université de Rennes, l'IUT de Nice, l'Ecole de journalisme Nouvelles de
Nice ou encore les nombreuses licence dites info-com.
Même si le diplôme n'est pas un sésame obligatoire pour entrer dans la
profession de journaliste, on constate tout de même une présence croissante
des diplômés issus d'écoles de journalisme possédant le fameux label dans les
médias les plus prestigieux. En 2010, plus de 15,6% des journalistes encartés
ont suivi une formation reconnue8. Un chiffre en constante augmentation
puisqu'ils étaient 12% en 2000. Une tendance reflétée dans la rédaction de
France Bleu Sud Lorraine. Les journalistes titularisés (Franck Rabaud-Weill,
7 Signée par toutes les fédérations d'employeurs et tous les syndicats de journalistes, la convention
collective s'applique à la totalité des journalistes titulaires de la carte de presse. C'est une pièce
essentielle du statut de journaliste professionnel.
8 Voir annexe 2
15 Page
Laurent Watrin, Nathalie Broutin) sont issus d'une école de journalisme ou
alors, se sont former sur le tas comme Mohand Chibani. Mais les nouveaux
journalistes en poste tels que Denis Souilla ou Marine Scherrer sont issus d'une
école de journalisme. Sans exception.
De plus, la formation serait, pour bon nombre de jeunes, le recours idéal pour
accéder à leur rêve : être journaliste. Une attractivité des organismes prouvée
par le nombre de postulants aux concours d'entrée des écoles de journalisme
possédant le fameux label. Ainsi, les treize centres de formation reconnus ont
accueilli près de 8 000 candidats en 2011 pour n'en retenir qu'environ 480.
C'est pourquoi, certains n'hésitent pas à passer plusieurs fois ces concours
pour augmenter leurs chances d'admission dans une de ces écoles car elles
réservent une double garantie. Tout d'abord, celle de recevoir une formation
indéfectible car les critères de reconnaissance sont acérés et exigeants.
D'autre part, une meilleure insertion professionnelle est assurée par ces
centres d'apprentissage du métier grâce à leurs réseaux, leurs partenaires et
leur renommée. Quelles sont leurs qualités auprès du monde professionnel qui
peuvent favoriser l'embauche ? Pourquoi sont-elles en train de devenir une
nouvelle norme dans la profession ?
2. LA FORMATION, UN GAGE DE QUALITE POUR LES EMPLOYEURS
Le constat est univoque : le champ médiatique est en pleine mutation
économique et technologique. Ces modifications ont bouleversé l'organisation
des entreprises médiatiques. Preuve est que l'expression « journalisme de
marché », comme le nomment certains chercheurs anglo-saxons9, devient de
plus en plus fréquente. Ces changements se caractérisent principalement par
une importance accordée à la logique de profit. Cela est causé, en partie, à
l'arrivé des managers et des gestionnaires dans les rédactions. C'est pourquoi,
le maître-mot est désormais l'efficacité, ce qui fait des entreprises médiatiques
des entreprises comme les autres. Les écoles de journalisme ont saisi la
tendance globale et s'imposent grâce à leurs programmes d'enseignement
comme un gage de qualité pour les employeurs qui sont à la recherche de
9 On peut citer les analystes J. McManus et du coté français, l'analyste Michel Mathien.
16 Page
toujours plus de rentabilité.
1. Des mutations économiques et technologiques importantes : le
« pluri-média », le journalisme de l'offre et des supports élargis
Avant d'analyser les causes qui propulsent les écoles de journalisme en un
passage recommandé pour exercer la profession de journaliste, il est
nécessaire de se reporter aux chiffres d'audiences réalisés par l'ensemble des
supports médiatiques. Ils permettent de faire état d'une tendance forte : les
audiences et les diffusions médiatiques sont en baisse constante, sinon
stagnantes. Selon le 22e Observatoire de la Presse 10, publié en mars 2012,
l'évolution de la diffusion des supports papiers est alarmante.
Evolution de la presse quotidienne
Entre 2010 et 2011, la vente de support de presse quotidienne a reculé de
2,04% (la presse quotidienne nationale enregistre une diminution de 1,36% et
la presse quotidienne régionale décline, elle aussi, de 2,28%). La tendance est
moins marquée sur le support radio, qui réalise une audience cumulée de
82,1% en mars 2012 (elle était de 82,4% à la même période en 2011) selon le
dernier sondage réalisé par l'institut Médiamétrie. En revanche, l'audience de
la télévision a augmenté : en moyenne, un individu a regardé la télévision trois
heures et vingt-huit minutes en mars 2012 (elle était de 3h19 à la même
période de l'année précédente), selon le dernier sondage publié par l'institut
10 Chaque année, il dresse un panorama complet de la diffusion de la presse française à partir des
données de diffusion et de fréquentation de plus de 2000 titres et sites adhérents à l’Office de
Justification de la Diffusion, organisme de référence en matière de certification de la diffusion des Médias
numériques en France.
17 Page
Médiamétrie. Par conséquent, ils sont de plus en plus sous la houlette des
logiques financières et concurrentes pour contrer cette crise d'audience que
traversent actuellement les médias français.
Pour pallier à cette situation inquiétante, les acteurs du champ médiatique
avaient fait le choix de se protéger en se regroupant. Selon le journaliste
Claude Bellanger, cette convergence n'est donc pas un phénomène nouveau
puisqu'elle prend naissance pendant l'entre-deux guerres, à une époque où la
radio fait son apparition. Par la suite, le lancement des nouvelles technologies
intensifie davantage cette concentration. Dans ce contexte, le chercheur au
CNRS (le centre national de la recherche scientifique) Jean-Marie Charon
remarque que les groupes de presse ont progressivement élargi leur offre en
s'emparant de l'audiovisuel (l'édition musicale, la vidéo, le Net et l'Internet).
Ainsi, le terme de « stratégie multi-média », qui fait son apparition dans les
années 1980, est progressivement remplacé par celui de « pluri-média ».
Actuellement, 80% du marché médiatique se partage entre quelques groupes
de communication possédant une large palette d'activités couvrant les médias
et autres domaines les dotant d'une puissance financière incomparable. Ainsi,
on peut citer Bertelsmann, le groupe allemand le plus influent en Europe (RTL,
M6, Géo, Ça m’intéresse, Femme actuelle, Capital ou encore Voici) ou encore le
groupe français Lagardère (Elle, Première, le Journal de Mickey, Ici Paris,
Europe 1, Virgin Radio, Mezzo, Virgin 17 ou encore Gulli).
Cette nouvelle forme d'organisation médiatique affecte directement les
conditions de travail des journalistes qui sont soumis aux impératifs de
rentabilité imposés par les dirigeants. Pour preuve, le marketing fait son
apparition dans le domaine de l'information. Les médias ont, d'une part,
recours à un style d'écriture particulier pour toucher un public dit « cible ».
Michel
Mathien,
professeur
de
Sciences
de
l'information
et
de
la
communication à l'Université de Strasbourg, évoque l'idée d'un journalisme de
l'offre. Pour Franck Rabaud-Weill, rédacteur en chef de France Bleu Sud
Lorraine, « les radios sont fonction de ce que les gens viennent chercher sur
telle ou telle radio. C'est une des chances du groupe Radio France puisqu'il
18 Page
offre une palette extrêmement large qui va du mouv', radio pour un public
jeune, à France Inter en passant par France Info et bien sûr par le réseau
France Bleu. Cela permet de couvrir un spectre très large au niveau du
public ». France Bleu Sud Lorraine a pour cible les personnes de 35 ans et
plus, toujours actives. C'est pourquoi, la radio traite de l'information de
proximité c'est-à-dire qu'une information nationale sera déclinée sous l'angle
régional. Le ton employé par les journalistes à l'antenne est donc serein, les
mots sont très articulés et l'on cherche à capter l'auditeur en utilisant souvent
une question en début de sujet ou encore utilisant le pronom « vous » pour
expliquer des faits. Par exemple : « vous l'avez sûrement vu ou entendu ... ». A
l'inverse, Fréquence Fac utilise un ton très dynamique et presque familier pour
toucher un public étudiant.
Les formats, d'autre part, ont évolué pour
satisfaire un public considéré par les patrons de presse comme des
consommateurs d'informations rapides. Ils sont désormais très courts. « Il y a
une quinzaine d'années, j'ai connu des locales où l'on faisait des débats et des
magazines hebdomadaires. On se prenait plus de temps pour évoquer certain
sujets de fond. Aujourd'hui, faute de place, il y a des sujets que l'on n'aborde
plus du tout comme les sciences et la recherche. Par exemple, France Bleu a
évolué vers du format très très court en terme d'information » affirme Laurent
Watrin, journaliste à la locale. Le but de la fréquence est d'apporter un
maximum d'informations à un public actif qui écoute le plus souvent la radio
lors de trajets en voiture.
Enfin, dernière mutation, les entreprises médiatiques ont également recours à
un élargissement de leurs compétences originelles, le « cross média » ou de
« média global », pour obvier la situation inquiétante qui touche actuellement
les médias. Le but du « média global » est de toucher davantage de publics
différents grâce à une offre de supports élargie. C'est le cas par exemple du
groupe Radio France qui possède plusieurs fréquences totalement différentes
et qui visent donc des publics différents. Ainsi, France inter et France mouv'
n'ont pas le même public d'audience. De plus, l’avènement de l'offre sur
internet a poussé les médias dits traditionnels à devenir des « cross média ».
On n'écoute plus seulement France Info mais on peut la regarder car
19 Page
l'interview de la matinale est disponible en vidéo sur le site Internet de la
station. Il en va de même pour RTL, qui diffuse sur son site internet les vidéos
des matinales et qui publie également des photographies.
2. Les écoles de journalisme s'adaptent aux nouvelles exigences de
la profession : mobilité, polyvalence et expérience
Ces changements dans les médias impulsés par des nouveaux impératifs
commerciaux changent totalement la configuration des organes d'information
et impactent sur leur organisation. Ainsi, selon le professeur André-Jean
Tudesq11, la figure du journaliste mobile, polyvalent et opérationnel est l'une
des illustrations de ces mutations économiques et technologiques. Les écoles
de journalisme ont bien compris ces nouvelles exigences et ont, en réaction,
adapté leurs programmes dans le but de délivrer de futurs journalistes aguerris
et adaptés aux nouvelles normes en œuvre dans la profession journalistique. Le
nouveau credo des écoles de journalisme possédant le fameux label serait :
« puisqu'il faut savoir tout faire, il faut être formé à tout ». En somme, les
rédactions en recherche d'un journaliste polyvalent et immédiatement
opérationnel ne peuvent plus hésiter entre un diplômé et un jeune voulant se
former sur le tas.
Par comparaison, Nicole Gauthier, directrice du CUEJ affirme qu'« avant, il y
avait des journalistes spécialisés dans la radio ou la télévision avec des
passerelles possibles qui pouvaient se faire entre les différents supports. Mais
aujourd'hui, quel que soit le support auquel l'élève se destine, il doit avoir une
connaissance minimale du multi-média ». Actuellement, la polyvalence entre
différents supports médiatiques, que sont la presse écrite, la radio, la télévision
ou encore le Web, est une des qualités également requises dans la profession.
Selon l'Observatoire français des Médias 12, les journalistes travaillent sur
plusieurs supports médiatiques au cours de leurs carrières, soit en passant
11 André-Jean Tudesq est un spécialiste des médias français et africains. Il a été professeur à l'Université
de Bordeaux.
12 Il s'agit d'une association loi de 1901 liée au mouvement altermondialiste. L'observatoire français des
médias estime que les médias n'assurent plus leur rôle de contre-pouvoir.
20 Page
d'un média à l'autre, soit en y travaillant simultanément. Ainsi, les journalistes
de Fréquence Fac doivent à la fois appréhender le support radio mais aussi la
photographie, la vidéo et l'Internet. Il est essentiel de maîtriser ces supports
pour évoluer au sein de la radio locale nancéienne, comme j'ai pu le constater
durant le stage. Le terme de « journaliste multi-média » prenant tout son sens.
Pour illustrer cette nouvelle tendance, des étudiants de l'ESJ Lille ont réalisé
une vidéo intitulée « le journaliste du 21e siècle » dans laquelle on y aperçoit
un jeune journaliste, téléphone vissé à l'oreille, lourdement équipé d'une
caméra, d'un trépied, de plusieurs enregistreurs et micros, d'un ordinateur
portable, de cahiers de note et enfin, de stylos. La voix off indique que ce
pigiste doit réalise quatre à cinq reportages par jour sur des sujets d'actualité
totalement divers et variés. Le commentaire final indique que l'hommeorchestre a suivi « une formation multi-qualifiante à l'ESJ Lille ». Traitée avec
humour, la tendance de fond est bien là, à savoir qu'un journaliste doit savoir
maîtriser tous les supports existants et savoir tout faire. Ce nouveau besoin a
eu un impact considérable sur les programmes des écoles de journalisme
reconnues. En effet, les étudiants de première année suivent une formation
d'environ 180 heures sur chaque support médiatique dans tous les centres de
formation labellisés. Le parcours de Mickaël Frison, étudiant en deuxième
année à l'IJBA illustre cette polyvalence. « En première année, j'ai touché à
tout. J'ai fait énormément de web, par exemple. J'ai aussi eu des cours de
télévision et de radio. Et puis, j'ai eu des cours de presse écrite, base du métier
de journalisme. Donc oui je suis polyvalent ». D'ailleurs, la reconnaissance
d'une école illustre également ce nouveau besoin de polyvalence. La
Commission nationale paritaire de l'emploi des journalistes 13 ne la livre que si
l'école forme, à minimum, trois supports médiatiques : la télévision, la radio et
la presse écrite.
Cependant, une formation sur tous les types de support est longue, coûteuse et
pas nécessairement utile. Aujourd'hui, un journaliste de télévision consacre la
majeure partie de son temps à faire de la télévision. Ainsi, plus que la
polyvalence « multi-média », les écoles de journalisme reconnues ont opté pour
la spécialisation. Autrement dit, les étudiants qui touchent à tous les supports
13 La Commission est un lieu de réflexion et de décision réunissant les syndicats de journalistes et les
patrons des médias
21 Page
médiatiques en première année sont obligés de choisir une spécialité en
deuxième année et ce jusqu'à la fin de leur formation. Les étudiants sont donc
formés de manière pointue à un support tout en étant capables de faire de la
presse écrite ou encore de l'agence de presse. Denis Souilla, ancien élève de
l'IFP14 et journaliste du réseau France Bleu atteste que, grâce à son parcours,
la maîtrise d'un support, comme la radio par exemple, est indispensable. « On
demande de faire de la présentation, monter un son, un reportage comme un
enrobé, un tout sonore avec le mixage, d'être apte à faire du direct dans les
studios ou sur le terrain et réaliser une interview. La polyvalence sur le média
radio est essentielle, cela fait partie des critères de recrutement ». J'ai pu
constaté cette polyvalence lors de mon stage. Je devais savoir chercher et
obtenir de l'information, hiérarchiser les faits, réaliser une enquête de terrain,
un reportage mais aussi rédiger différents types de papiers tels qu'un papier
magazine ou encore un papier d'enquête, faire du montage, présenter un flash
d'information et un journal mais aussi approfondir un sujet pour le mettre en
ligne. On peut néanmoins ajouter que cette tendance à la spécialisation reste
l'idée conductrice des écoles de journalisme reconnues, et ce, malgré
l'importance accordée actuellement au multimédia. Selon Nicolas Sourisce,
directeur de la filière agréée de journalisme à l'IUT de Tours, les écoles de
journalisme ont toujours pour « idée de former des futurs journalistes
spécialisés sur un support dit traditionnel. Aucun des étudiants ne fait que du
multimédia. L'idée derrière ce choix est que le marché de l'emploi va intégrer
des jeunes journalistes spécialisés sur un support et à qui on va demander, en
plus, de faire du multimédia ».
Afin de faciliter davantage l'insertion professionnelle et la conformité des
jeunes journalistes à ce qu’attendent les patrons de presse, les centres de
formation labellisés ont, aussi, un autre modus operandi particulier. Force est
de constater qu'ils abolissent progressivement la frontière entre les entreprises
et les écoles, tout en renforçant l'idée d'être opérationnel à la sortie du cursus
scolaire.
Les écoles de journalisme labellisées se rapprochent du monde du travail, tout
14 IFP est l'institut français de la presse, école de journalisme parisienne
22 Page
d'abord, en ajustant leurs cours aux exigences de celui-ci. Les programmes se
calibrent finement aux tendances effectives du marché de l'emploi. Le choix
des écoles avait été très clair : tant que les rédactions ne recruteraient pas un
type de journaliste (radio, télévision, agence de presse ou fraîchement le Web),
la formation ne sera pas orientée vers une pratique à part entière et intensive
d'un genre de journalisme. Ainsi, Nicolas Sourisce affirme qu'il « est très à
l'écoute de la réalité du marché du travail car le but du jeu est de former des
élèves correctement pour qu'ils puissent intégrer une entreprise de presse. Il
serait complètement absurde de former uniquement une promotion au
journalisme multimédia car on sait très bien qu'il n'y aurait pas suffisamment
de postes ». On peut aussi citer, à titre d'exemple, le CUEJ à Strasbourg, l'IJBA
de Bordeaux et le CFJ à Paris qui ont mis en place une filière Journalisme
Reporter d'Image dans les années 1980, époque où la télévision connaît un
essor considérable. Plus récemment, la floraison de la presse magazine ainsi
que
de
la
presse
professionnelle
teinte
également
les
programmes
d'enseignement des écoles de journalisme. L'ESJ Lille va plus loin puisque le
centre de formation a ouvert une filière agricole au vue de l'importance
accordée à cette thématique dans la presse. De la sorte, les programmes
généraux contiennent des options de spécialisation comme la politique
intérieure, l'international, les sports ou encore l'information de proximité ; des
thématiques qui ont une grande importance dans les informations traitées de
nos jours. Dernièrement, l'arrivée de la numérisation dans les rédactions ainsi
que l'émergence des sites d'information en ligne montrent bien les ajustements
possibles que peuvent faire les écoles de journalisme agréées pour s'adapter au
marché du travail. Selon Franck Rabaud-Weill, rédacteur en chef de France
Bleu Sud Lorraine, « il est évident que les formations doivent s'adapter aux
nouvelles technologies car il est évident que cela fait partie de la réalité du
métier du journaliste que d'appréhender ces outils ». En effet, lors de mon
stage, j'ai remarqué que Twitter et Facebook sont au cœur de la rédaction
nancéienne.
J'ai
dû
obtenir
des
informations
ou
des
compléments
d'informations et les diffuser via ces réseaux sociaux. Nicolas Sourisce, ancien
élève de l'IUT de Tours, constate cette évolution : « entre ce que moi j'ai pu
apprendre il y a une vingtaine d’année et ce que l'on apprend aujourd'hui aux
23 Page
futurs journalistes, il y a toute une partie qui n'existait pas à l'époque, c'est la
partie multimédia et il faut absolument la mettre en avant dans nos
enseignements ». En effet, au cours des 5 dernières années, le nombre
d'heures de cours numériques a considérablement augmenté dans les
programmes d'enseignement. Petit à petit, le numérique s'est même transformé
en discipline pratique à part entière alors qu'il n'était considéré que comme
une simple approche il y a quelques années. Comme pour la radio ou la
télévision, des sessions de quelques jours sont consacrés à un enseignement
pleinement numérique encadré par des journalistes de Rue89, du Monde.fr,
Slate, 20mn.fr ou encore Médiapart.
Le deuxième fait marquant dans l'abolition des frontières entre le marché du
travail et les écoles de journalisme, est l'émergence de phases dites de préprofessionnalisation. Afin de renforcer le mythe du journaliste opérationnel
immédiatement, les écoles de journalisme possédant le fameux sésame
confrontent leurs étudiants à davantage de cours pratiques et d'expériences
professionnelles. Cette professionnalisation croissante se fait, tout d'abord, au
sein de l'école. En effet, les exercices pratiques sont fréquents et privilégiés.
On peut citer à titre d'exemple les journaux écoles que doivent réaliser les
étudiants dans des conditions dites « réelles », ou presque. Ces réalisations
doivent permettre aux futurs journalistes d'acquérir des pratiques et de se
familiariser avec le travail en rédaction. La promotion entière se transforme en
rédaction le temps de la confection du journal pilote. « Il y a les reporters, les
secrétaires de rédaction, les personnes qui font la mise en page. On est une
équipe. En session radio de deuxième année, il y a même des conférences pour
prendre connaissance des sujets. Puis on est dans de la mise en scène. Un
reportage doit être fait en trois heures, il sera fait en trois heures et pas trois
heures et cinq minutes » annonce Mickaël Frison, étudiant à l'IJBA. De même,
l'IPJ, par exemple, a réalisé des journaux écoles à la manière du quotidien Le
Parisien. Plus concrètement, l'IUT de Tours donne même la possibilité aux
étudiants de faire de l'antenne grâce à un partenariat avec le réseau France
Bleu et la station RTL. Les flashs d'information diffusés la nuit sur la première
radio de France sont réalisés par les étudiants spécialisés en radio, de même
que, tous les mercredis, les étudiants ont la possibilité de s'exprimer en direct,
24 Page
pendant une heure, sur la fréquence de France Bleu Touraine. Plus loin, l'ESJ
Lille, par exemple, enseigne une démarche dite commerciale. Il s'agit
d'apprendre aux futurs journalistes à argumenter leurs propos dans une
conférence de rédaction afin de réussir à vendre au mieux leurs sujets auprès
des rédacteurs en chef. Cette professionnalisation progressive passe, ensuite,
par l'obligation d'effectuer des stages en entreprise qui sont, comme l'affiche
l'IJBA sur son site internet, « indispensables et formateurs ». En première
année, les étudiants réalisent un stage en presse quotidienne régionale, et ce,
durant les deux mois des vacances d'été ainsi que deux stages de deux
semaines. En deuxième année, les étudiants réalisent des stages choisis en
fonction de leurs spécialités à une fréquence identique. Mais cette
multiplication de séquences pré-professionnelles n'a pas toujours été la norme
dans les écoles de journalisme reconnues. Denis Souilla, journaliste à France
Bleu Sud Lorraine et ancien étudiant à l'ESJ Paris, constate cette évolution :
« les stages n'étaient pas obligatoires lorsque j'étais étudiant, j'avais tout
intérêt à trouver des stages en parallèle de mes études car dans les entreprises
on te demande d'avoir de l'expérience professionnelle ». Aujourd'hui, les écoles
forcent les étudiants à franchir les portes d'une entreprise médiatique mais les
étudiants, aussi, prennent l'initiative de ces opportunités. En effet, ils
n'hésitent pas à multiplier davantage les stages en y sacrifiant leurs vacances
dans le but d'être davantage opérationnel. Mickaël Frison, étudiant à l'IJBA a
profité de ces opportunités : « j'ai effectué mon stage obligatoire à l'Est
Républicain, puis il est bien vu de mettre des stages à toutes les vacances donc
j'ai fait des stages à Europe 1, RTL et RMC. Il se trouve que j'en ai fait plus, j'ai
été aussi dans les rédactions de Télé 7 jour et Radio Classique pendant que
tous mes copains étaient en vacances. Les stages me permettent d'arriver
mieux armé que tous ceux qui n'en n'ont pas fait, clairement. »
Incontestablement, toutes ces phases de pré-professionnalisation sont possibles
grâce à des réseaux qu'entretiennent les écoles avec les entreprises de presse.
Pour former des journalistes conformes aux moules des employeurs, les écoles
de journalisme collaborent avec les entreprises médiatiques. Mais cette forme
d'échange est du « donnant-donnant ». En effet, les patrons de presse
25 Page
coopèrent avec les centres de formation reconnus puisqu'ils répondent à leur
demande. Et inversement, les entreprises de presse ont besoin de s'allier avec
les écoles labellisées pour faire état de leur demande. Ainsi, l'école CELSA, par
exemple, a même dédié un site internet à ces formes de réseaux. Les étudiants
actuels et les anciens étudiants, aujourd'hui journalistes en entreprises,
échangent sur cette plate-forme, à la manière d'un réseau social comptant près
de 900 adhérents. Une véritable fourmilière interne. Ainsi, « les réseaux
permettent aux étudiants de se créer leur premier réseau professionnel, à la
fois grâce aux intervenants mais aussi grâce aux stages », selon Nicolas
Sourisce. De plus, les critères d'embauche ont été modifiés puisque la nécessité
d'un vivier semble se révéler indispensable pour intégrer une entreprise de
presse. A tel point que les écoles sont devenues un « sous-marché » du travail
conséquent pour bon nombre d'entreprises. Selon le directeur de la filière
reconnue de journalisme à Tours, les employeurs font « leurs courses » dans les
écoles : « on a une vingtaine d'étudiants qui effectuent un stage à Ouest
France tous les ans, l'entreprise sait que notre formation est de qualité, ils ne
sont pas déçus par les stagiaires. C'est ce que l'on nomme ici réseauter. ». Une
démarche qui bat son plein. En effet, les écoles qui placent des étudiants à
Radio France ont une bonne image de l'école. Autrement dit, c'est aussi bien vu
pour le réseau de dire que son personnel a été formé par une école reconnue.
Autre manière d'opérer ce pré-recrutement, certaines écoles agréées
organisent un concours entre les jeunes journalistes des écoles qui débouchent,
pour les lauréats, sur des CDD en fin d'études. Le concours des bourses en sont
l'illustration. Ainsi, deux étudiants de chaque école concourent par exemple à
Europe 1, RTL ou France Info. Les étudiants passent une journée dans les
rédactions respectives et ils doivent réaliser un reportage et présenter un flash
d'information. Pour Mickaël Frison, candidat à la bourse Europe 1, le concours
est une occasion à ne pas louper : « je présente la bourse car j'ai très envie d'y
travailler. C'est une aventure assez dingue car je vais passer une journée à la
station et au bout du compte, il peut se passer quelque chose de formidable, un
emploi, si je la gagne c'est extraordinaire ».
In fine, la tendance à être à tout prix opérationnel se confirme également par le
26 Page
nombre d'intervenants professionnels dans les centres de formation. Ils
demandent aux étudiants de réaliser des productions totalement conformes à
ce qu'attendent les patrons de presse. « Chaque intervenant nous répète à
longueur d'année qu'il faut être opérationnel car les rédactions cherchent
avant tout des journalistes opérationnels, c'est très important. Est-ce que je le
suis ? Disons que je me sens opérationnel à 90% » ajoute Mickaël Frison. Son
cursus lui a permis d'être formé par Yves Maugue (rédacteur en chef de France
Bleu Gironde), Stéphane Place (correspondant à Europe 1 à Bordeaux),
Annabelle Roger (journaliste politique à RMC), Jérôme Millagou (reporter
sportif à RTL) ou encore Antoine Genton (journaliste à RFI). Les intervenants
sont nombreux dans les treize écoles de journalisme reconnues par la
profession. Une nécessité pour Nicolas Sourisce, directeur de la filière
reconnue de journalisme à l'IUT de Tours : « il faut que nos étudiants sachent
s'adapter à des lignes éditoriales différentes. Les patrons n'ont pas la même
demande qu'ils soient à RTL, à France Info ou encore à Europe 1. C'est
pourquoi on diversifie un maximum les intervenants professionnels ». Un fait
que ne dément pas Dimitri Rahmelow, intervenant à l'ESJ Lille et journaliste :
« je pense que ma manière d'être RTL influe sur la réalisation et l'angle des
reportages. Sur RTL, on va faire parler plutôt la victime que l'avocat ou bien
sur un fait divers, la famille parle plutôt que les victimes. Alors qu'à Europe 1,
ce n'est pas la même construction. C'est surtout sur les reportages que l'on
peut griffer la patte du média pour lequel l'intervenant travaille ».
Franck Rabaud-Weill, rédacteur en chef de France Bleu Sud Lorraine affirme :
« je dois reconnaître que mon expérience me fait dire que les jeunes
journalistes qui sortent des écoles sont extrêmement opérationnels et efficaces.
Pour moi, c'est une quasi nécessité aujourd'hui de faire une école de
journalisme car le marché du travail est plus difficile à intégrer qu'il y a
plusieurs années. Les critères de sélection aux recrutements reposent
essentiellement sur la formation que ces jeunes journalistes ont pu suivre, et
c'est vrai qu'aujourd'hui on s’intéresse d'abord aux jeunes journalistes qui ont
suivi un cursus reconnu ».
27 Page
3. LES ECOLES DE JOURNALISME, UN GAGE DE QUALITE POUR LA
PROFESSION
La profession de journaliste a une spécificité bien particulière : elle n'est pas
sanctionnée par un diplôme ouvrant les portes du journalisme. De ce fait le
métier reste « ouvert » comme en témoigne le nombre de journalistes encartés,
84%, n'ayant pas suivi de formation reconnue. Ajouté à cela, on note
l'émergence de la figure du journaliste amateur qui bouleverse totalement la
profession et remet en cause le professionnel sur son propre terrain. C'est
pourquoi, les écoles de journalisme reconnues s'imposent comme un gage de
qualité. Elles tirent leur épingle du jeu notamment à travers des enseignements
de qualité, à savoir la transmission d'un savoir-faire unique, l'amour de la
langue
française
et
des
valeurs
du
métier
ainsi
qu'une
sensibilité
déontologique.
1. La menace de la montée du journalisme amateur
Le journalisme dit « participatif », « en réseau », « citoyen » ou encore
« interactif » fait une entrée
bouleversante dans le champ journalistique.
Celui-ci se caractérise par une montée en puissance des « prosumers » comme
les nomme le sociologue américain Alvin Toffler dès les années 1980,
autrement dit, les consommateurs producteurs de contenus. Le sociologue
anglais Andrew Abbott va plus loin en affirmant que le phénomène des
journalistes amateurs est amplifié par l'économie des médias qui recourt de
plus en plus massivement aux contenus de ce type et qui ont la particularité
d'être bon marché. Cette pensée se vérifie davantage aujourd'hui, à une
époque où la volonté de profit est d'autant plus forte. A titre d'exemple, les
correspondants locaux, dont le statut est reconnu par la loi de 1999,
fournissent une part conséquente du contenu rédactionnel dans la presse
quotidienne régionale. Par la suite, le journalisme participatif explose avec
l'arrivée d'Internet, puis des réseaux sociaux et du Web 2.0 au début des
années 2000. Face à cette montée en puissance de ce nouveau journalisme, les
médias traditionnels sont contraints de s'adapter. Des nouvelles rubriques à but
28 Page
interactif sont mises en place, permettant de remplir des espaces rédactionnels
à moindre coût. De même que le site internet informatif Rue89 est une
illustration de cette nouvelle forme de journalisme. Le média se décrit
volontiers comme un site d'information et de débat sur l'actualité, indépendant
et participatif. Dans la même idée, des plate-formes peuvent recevoir des
témoignages en vue d'une possible exploitation par les médias. On peut citer la
communauté You du quotidien le Parisien ou encore la rubrique Témoin de la
radio RTL. Des sites internet sont même conçus pour établir un lien entre les
rédactions et les amateurs comme Agoravox. Ce site compte aujourd'hui près
de 4 000 citoyens reporters représentés par des étudiants, des journalistes, des
chercheurs, des doctorants ou encore des ingénieurs. Alors que certains
saluent cette ouverture, la voyant avant tout comme un partage de savoir-faire,
d'autres, en revanche, craignent une tendance de dé-professionnalisation de la
profession. Cette nouveauté constitue un véritable défi pour la formation. C'est
pourquoi, les écoles de journalisme reconnues représentent une valeur ajoutée
pour la profession.
2. Des enseignements en école qui conservent les valeurs du métier
Selon l'ancien rédacteur en chef du quotidien le Monde Louis Guéry, les
qualités essentielles pour devenir « un bon journaliste » sont avant tout une
curiosité, un sens de l'information et de l’art ainsi qu'une bonne culture
générale, une parfaite maîtrise de la langue française et des connaissances de
droit de la presse. Les professionnels de l'information s'accordent à dire que la
qualité d'écriture et le style, la rigueur et le sérieux, l'ouverture d'esprit et la
culture générale sont un bagage essentiel pour exercer la profession, selon une
enquête réalisée par Remy Le Champion, maître de conférence à l'IFP. Un
suspect ne doit pas être un coupable mais un présumé coupable, un coup de
téléphone supplémentaire peut se révéler utile, l'attribution d'un propos se
place après la première phrase de la citation … Or, des erreurs de langage ou
pire, ce que les professionnels appellent « des dérapages » sont constatés
actuellement dans les médias faute d'un enseignement solide. Une enquête
réalisée par le Centre de formation professionnel technique et le cabinet
29 Page
Deloitte et Touche15 fait état de chiffres alarmants dans l'exercice de la
profession de journaliste. Des journalistes spécialisés dans le domaine
économique ont été interrogés sur leur façon de travailler. Ainsi, 52,4% ne
croisent pas les sources, 40,38% ne vérifient pas les chiffres fournis par les
sources, 30% reprennent les communiqués sans en vérifier le contenu et 76,4%
affirment ne pas connaître le droit du travail et des affaires. Une autre enquête
réalisée par l'Observatoire des Pratiques et des Métiers de la presse sur des
journalistes audiovisuels pointe également des tendances préoccupantes dans
le journalisme. C'est pourquoi, les écoles de journalisme agréées se
démarquent et misent sur un enseignement solide de ces bases et des valeurs
indispensables. Comme l'exprime Johanna Siméant, membre du centre
européen de sociologie et de science politique : « les établissements de
formation
sont
des
lieux
essentiels
d'intégration
des
normes
du
professionnalisme journalistique ». Les écoles de journalisme se missionnent
donc de former de futurs journalistes qui doivent apporter des garanties, une
analyse, un certain recul, un comportement éthique, une critique et décoder ce
qui relève de la communication et de l'information dans un discours. Cela passe
par une intention particulière portée sur ce que les professionnels et les
enseignants nomment les fondamentaux, en d'autres termes, les bases d'un
apprentissage visant à former des futurs journalistes compétents. La directrice
du CUEJ, Nicole Gauthier pense qu'« il est important d'avoir des qualités
journalistiques qui permettent d’expertiser le niveau et la qualité des
informations. Les choses totalement fondamentales s'apprennent uniquement
dans les écoles de journalisme ». Par exemple, l'IJBA dispense, durant deux
années, des cours d'histoire de la presse et des médias, de droit de la presse,
de sociologie des journalistes, d'épistémologie des sciences de l'information et
de la communication, de géopolitique, de recherche documentaire (sources de
recherche de l'information), d'économie des entreprises de presse, de
techniques d'interview, de techniques du reportage et d'analyse de traitement
de l'information. Selon le chercheur Marc Prensky, ces formes d'enseignement
sont faites par le biais d'une transmission « verticale du savoir essentiellement
née de l'expérience professionnelle du journaliste qui les dispensent ». Ainsi,
15 Leaders mondiaux de l'audit et des services professionnels.
30 Page
« les digital natives » reçoivent leur formation par des « migrant natives ».
Ainsi, Nicolas Sourisce, ancien élève de ce cursus, reconnaît : « lorsque j'étais
étudiants, je n'avais pas autant de pratique, c'est indéniable ». Même si la
pratique tend à prendre le pas sur la théorie, celle-ci reste néanmoins
importante dans les cursus reconnus. Par exemple, le CUEJ concilie pratique et
théorie au travers des exercices comme les séminaires sur des questions
d'actualité européenne ou urbanistique : « cela donne lieu, en termes de
réalisation, à des dossiers multimédias mais agrémentés de contenus à haute
dose d'expertise sur ces questions. Cela se décline sur des formes pratiques et
théoriques » affirme Nicole Gauthier, directrice de l'école.
Par ailleurs, un accent particulier est mis sur l'enseignement de la
déontologie16, le maître mot dans la formation journalistique. Elle permet
d'effectuer un distinguo entre les journalistes professionnels et les amateurs,
autrement dit, elle représente la frontière entre les « vrais » et les « faux »
journalistes. Dans les écoles, cet enseignement passe par un exercice
récurent : mettre l'élève dans des situations concrètes afin qu'ils prennent
conscience de la matérialité du problème éthique. Nicole Gauthier va plus loin.
« On a des productions écrites sur papiers et sur internet qui sont soumis aux
règles de publication de la presse professionnelle. Les étudiants sont donc
confrontés à des questionnements déontologiques. Cela se croise dans les
écoles et pas ailleurs ; même si un étudiant fait son blog dans son coin il n'aura
jamais ce type de confrontation ».
III.
LA FORMATION EN ECOLE DE JOURNALISME, UNE
NOUVELLE NORME EFFICACE ?
1. LE JOURNALISME, UNE PROFESSION TOUJOURS OUVERTE ET
DIVERSIFIEE ?
1. Des écoles de journalisme reconnues très sélectives
16 La déontologie est l’ensemble de principes et règles éthiques qui régit la profession, Elle est aussi
illustrée par le Code déontologique.
31 Page
Les écoles de journalisme offrent plus de garanties de travailler dans une
entreprise de presse. Mais tous les jeunes désireux de vouloir devenir un jour
journaliste ne peuvent pas suivre une de ces formations de prestige en raison
du prix de celle-ci. Les places sont onéreuses et laissent donc cette voie d'accès
à la profession portes closes. Le recrutement est, tout d'abord, payant. En effet,
il faut débourser en moyenne cinquante euros de frais d'inscription pour avoir
le droit de passer le concours, un coût variable en fonction des écoles. Par
exemple, le montant s'élève à cinquante euros pour l'IJBA et le CUEJ ou encore
deux-cent-cinquante euros pour l'ESJ Lille. Mais il faut également prendre en
compte les frais annexes que sont le déplacement pour rejoindre le lieu où se
passe le recrutement, c'est-à-dire directement dans les écoles de journalisme
(les postulants viennent de toutes les régions de France et ont donc besoin de
payer un transport) et le logement si besoin. Les formations reconnues sont,
ensuite, payantes. Il faut débourser une somme d'argent importante pour
s'assurer une année de cours, celle-ci également variable en fonction des
écoles. Ainsi, une année à l'ESJ Paris coûte 5 300 ; il faut débourser 3 900
euros à l'année pour suivre une formation à l'ESJ Lille, ou encore 6 050 euros
pour les deux années de Master de l'IJBA. Enfin, les étudiants doivent
également assurer les frais de déplacement et d’hébergement à l'occasion des
stages en entreprise qui se déroulent le plus souvent sur l'ensemble du
territoire, voir même à l'étranger. Par ailleurs, les élèves ont rarement
l'éventualité de travailler à coté de leurs études en raison de leur cursus très
chargé et de la nécessité de rendre de nombreuses productions. Les étudiants
ont peu de temps pour exercer un petit boulot régulier excepté quelques piges
occasionnelles. Par conséquent, ces contraintes financières restent un obstacle
majeur pour bon nombre de jeunes voulants concrétiser leur rêve. Ils préfèrent
s'orienter vers un cursus non reconnu tel qu'une licence info-com, plus
abordable mais moins prometteuse en termes d'embauche, où il faudrait faire
d'autant plus ses preuves.
Cet enthousiasme salarial envers les centres de formation labellisés a, pour
seconde
conséquence,
d'uniformiser
les
profils
de
journalistes.
Cette
uniformisation passe principalement par les méthodes de sélection pour entrer
dans ces fameux établissements qui encouragent un profil particulier de futur
32 Page
journaliste. La faible diversité des étudiants est constatée au travers des
chiffres publiés sur les sites internet des treize écoles de journalisme agréées.
En premier lieu, on trouve les étudiants diplômés de science politique puis, en
second lieu, d'une licence d'histoire, de droit et enfin de lettres. Les postulants
issus d'une licence scientifique, par exemple, ne sont pas dans la meilleure
posture pour subir les épreuves des concours d'entrée aux écoles de
journalisme reconnues. Pour cause, dans son dernier rapport publié en 2010, la
Commission sur la diversité des médias 17 déplore que les phases de sélection
des divers centres de formation mettent l'accent sur la culture générale et font
table rase sur les créations journalistiques tels que les journaux écoles ou
encore des émissions de radio bénévoles. Ce constat renforce l'accusation faite
envers les écoles de journalisme reconnues. Elles sont accusées de privilégier
dans leur recrutement des profils de type « science politique » ainsi que de ne
pas être assez ouvertes à la diversité sociale. Cela consisterait à perpétuer une
caste de journalistes.
Afin de lutter contre cette uniformisation des journalistes, vingt-et-une
entreprises de presse ont signé la Charte pour le développement de la diversité
et de la transparence des procédures de recrutement, impulsé par la
commission sur la diversité des médias en mai 2010. Ainsi, de grands médias
actent la nécessité d'ouvrir la profession à plus de diversité tels que l'Agence
France Presse, la chaîne Canal Plus, les radios tels Europe 1, RTL et le groupe
Radio France et des quotidiens tels que Le Monde, Le Figaro ou encore
Libération. Cette démarche a des conséquences directes sur les conditions de
recrutement des écoles de journalisme labellisées. A l'écoute des moindres
volontés des entreprises de presse, elles tentent de faire des efforts pour, elles
aussi, s'ouvrir à la diversité et ainsi, par échos, répondre à la demande sousjacente signée par les patrons de presse. Par exemple, l'Ecole supérieure de
journalisme de Lille en partenariat avec le Bondy Blog lance une préparation
aux concours gratuite ouverte aux boursiers. Toutefois, on remarque que ces
méthodes restent insuffisantes au regard des profils actuels des étudiants
suivant une formation dans une école reconnue.
17 La Commission est un outil de mesure de la diversité visant à observer les situations d’inégalités et
toutes les discriminations, de sexe, d’origine, de domicile, notamment les discriminations indirectes.
33 Page
2. Une vulgarisation et un appauvrissement de l'information
L'apparition de la télévision a amené le sociologue Bourdieu à pointer une
tendance encore actuelle dès 1996 : « une telle technologie permet donc
d'ouvrir les esprits par un accroissement du niveau des connaissances de tout
un chacun et par la confrontation de différentes sources d'information.
Malheureusement dans les faits, cela se passe autrement : on observe plutôt
une tendance à l'uniformisation et à l'appauvrissement de l'information ».
Bourdieu affirmait déjà une sorte de soumission des entreprises de presse aux
exigences du marché, créant une pression sur les journalistes, pour ensuite, au
travers eux, exercer une emprise sur les différents champs de production de
l'information qu’elle soit politique, juridique ou encore culturelle. Cette
nouvelle mutation est apprise dès les écoles de journalisme. François Ruffin,
ancien élève du Centre de Formation des Journalistes de Paris déclarait : « on
vous demande de produire vite et beaucoup. Ces mécanismes qui dominent
dans les rédactions, je les ai observés dès l'école ». Selon le journaliste, les
écoles labellisées apprennent aux étudiants à avoir une vision purement
« économiste » où l'entreprise de presse est reine. En d'autres termes, les
futurs journalistes apprennent tout au long de leur cursus à penser
l'information uniquement comme une marchandise. En effet, puisque les
exigences du marché se traduisent principalement par une quête de l'Audimat,
il faut attirer le public le plus large possible, celui-ci étant considéré comme un
consommateur rapide d'informations diverses et variées. Ainsi, lors de mon
stage, je remarque qu'il faut être sur tous les terrains pour toucher un
maximum de public et surtout faire tout avant le concurrent. Par conséquent, le
temps d'antenne est désormais amplement restreint. C'est pourquoi, dès les
écoles de journalisme, la règle des trois « C » est le dogme de tout futur
journaliste. Un règle également maîtresse lors de mon stage. Il s'agit de traiter
un sujet de manière courte, concrète et concise. Ce nouveau principe se
répercute principalement en termes de format, devenu court. Nicolas Sourisce,
ancien élève de la filière reconnue de journalisme de l'IUT de Tours et
actuellement directeur de celle-ci constate cette évolution : « quand j'étais
étudiant, on nous demandait de réaliser des enrobés de deux minutes trente
34 Page
parfois trois minutes. Aujourd'hui, on demande aux étudiants des formats de
une minute quinze maximum. Il faut s'adapter à ce nouveau format devenu une
exigence ». Cependant, ces formats courts ne permettent pas de traiter une
information dans son intégralité. Les formats courts ne laissent pas le temps à
la pensée de se poser et à la réflexion de s'élaborer. Ainsi, faute de place, de
nombreux sujets ne sont même plus traités. Ainsi, Laurent Watrin, journaliste à
France Bleu Sud lorraine affirme : « il est évident que sur certains sujets, on ne
peut pas faire une minute quinze, cela n'a pas de sens. Par exemple, expliquer
en quarante secondes voir une minute ce qu'est un pôle de recherche sur l'eau,
qui en sont les acteurs et comment cela vient impacter dans la vie politique
régionale, c'est très difficile. J'ai l'impression que l'on survole les sujets ». Par
là, il faut beaucoup vulgariser l'information pour être compris dès la première
écoute, une nécessité remarqué lors des premiers jours de stage. Selon Yves
Bellefleur, journaliste, ces formats limités répondent au mieux au style de vie
des consommateurs d'information, toujours plus pressés. Par conséquent,
l'exigence de la diffusion d’une grande quantité d’informations et d’un temps
d'antenne restreint est une contrainte qui constitue un frein à la diffusion d'une
information complète. Cela aboutit à une perte de la valeur journalistique
comme on a pu le constater par le passé, à travers notamment des grands
journalistes qui ont signé des longs reportages dans des quotidiens tels que
Joseph Kessel, reporter à France Soir. C'est un cercle vicieux qui s'opère entre
les centres de formation, les entreprises de presse et les logiques économiques.
2. RISQUE DE BANALISATION DU DIPLOME
1. Le journalisme, un corps journalistique ?
L'absence d'un diplôme obligatoire a toujours été défendue par les acteurs du
champ journalistique
car la profession est considérée comme ouverte.
Autrement dit, l'exercice du métier de journaliste n'est pas sanctionné par un
titre comme c'est le cas, par exemple, dans le corps judiciaire ou le corps
médical. Mais la réflexion tend à évoluer. En effet, les mutations auxquelles
sont enclins les entreprises médiatiques changent totalement la donne. Les
35 Page
médias, devenus « marketing », encouragent les patrons de presse à
embaucher des journalistes opérationnels et efficaces. De même, l'économie
des médias pousse les dirigeants à devenir frileux à employer. C'est pourquoi,
un jeune journaliste titulaire d'un diplôme d'un centre de formation labellisé
sera plus avantagé pour trouver un emploi qu'un jeune journaliste sorti d'un
cursus non reconnu. Un constat que fait Mohand Chibani, journaliste à France
Bleu Sud Lorraine : « il m'a été plus difficile de faire valider mon expérience,
de faire valoir mes diplômes de communication obtenus à la faculté de Lettres
de Nancy. En passant par une école, je pense que les choses auraient été plus
faciles. Mais aujourd'hui, une école est indispensable, voir obligatoire ». Dans
la rédaction de France Bleu Sud Lorraine, la majorité des journalistes en poste
depuis des années se sont formés dans une école de journalisme ou, pour un
petit nombre, ont opté pour une « formation sur le tas ». Mais, les jeunes
arrivants sont tous, sans exception, sortis d'une école de journalisme. Franck
Rabaud-Weill estime que les écoles « sont de confiance ». Nicolas Sourisce,
directeur de la filière reconnue de journalisme à l'IUT de Tours annonce « Il y a
moins d'embauche dans le journalisme, du coup, un élève sorti du CUEJ, de
l'ESJ Lille, ou encore de l'école de Marseille donne l'assurance à l'employeur
que le futur journaliste a eu une formation solide et spécifique au métier et
qu'il va d'entrée de jeu être capable de produire ». En effet, les employeurs
veulent avant tout une main d’œuvre taillée aux normes de l’entreprise, un
critère que les écoles de journalisme prennent en compte dans leurs cursus. De
même, la recherche de stage illustre bien ce nouveau constat. Les entreprises
de presse, notamment les plus prisées telles que les rédactions des quotidiens
nationaux ou des radios nationales, privilégient clairement les étudiants en
formation dans un cursus agréé. Autrement dit, les médias « ne fonctionnent
qu'avec les personnes maquées en école ». Sans cette notification sur le
curriculum vitae, les entreprises de presse ne se cachent pas de dire que la
demande n'est même pas traitée.
Parallèlement à ces formations de prestige, il existe une centaine d'autres
cursus non reconnus par la Commission paritaire nationale de l'emploi des
journalistes mais labellisés par le ministère de l'Enseignement supérieur et de
la Recherche. Cependant, ces filières n'ont pas aussi bonne réputation que les
36 Page
treize écoles reconnues. Cette différence est cultivée par les employeurs qui ne
jurent que par les étudiants diplômés d'un cursus reconnu. Mais dans cette
prolifération de formations, certains cursus sont tout aussi sérieux que les
cursus labellisés. Ainsi, Nicolas Sourisce pointe la faiblesse des critères de la
Commission paritaire nationale de l'emploi des journalistes : « une formation
qui propose un contenu suffisamment sérieux en terme de formation, il n'y a
aucune raison qu'elle ne soit pas reconnue. Aujourd'hui pour être reconnue en
tant que cursus, il faut former aux trois médias : la presse écrite, la radio et la
télévision. C'est-à-dire qu'une école qui forme uniquement à la radio, mais qui
formerait très très bien à ce support, ne serait pas reconnue. Les critères de la
CPNJ vont devoir, à mon sens, évoluer ».
2. L'exemple du Studio école de France, une école non reconnue
Le Studio école de France a opté pour la formation spécifique radio, c'est-à-dire
une polyvalence cultivée et optimale sur le support radio. En effet, le Studio
école de France, localisé à Issy-Les-Moulineaux, forme des journalistes et des
animateurs uniquement sur le support radio. La formation est agréée par le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche mais pas par la
Commission paritaire nationale de l'emploi des journalistes. Selon Sylvianno
Marchione, le directeur de cette école, la non-reconnaissance n'est pas un
obstacle à devenir journaliste : « les écoles reconnues sont un petit monde.
Cela n'empêche pas que des talents se découvrent dans des écoles non
reconnues de la formation journalistique. Bon nombre de nos étudiants
obtiennent des places dans de belles radios malgré le handicap de ne pas faire
partie de ce noyau très privilégié d'écoles de journalisme ».
Comme dans les treize écoles labellisées par la profession, le programme
d'enseignement du Studio école de France dispense « les fondamentaux » au
travers des cours de déontologie, de culture générale, de technique d'écriture,
d'interview, d’enquête et du reportage. Afin de donner des cours dans les
meilleures conditions, l'école recrute « de très bons intervenants pour
transmettre les bases d'un bon journaliste ». La pratique est aussi similaire à
celle dispensée en école reconnue. Le programme d'enseignement compte de
37 Page
nombreuses heures de techniques de réalisations aboutissant à des productions
radio telles que des émissions complètes. Similairement aux formations
labellisées, les stages en entreprises sont valorisés.
Le Studio école de France a donc tous les ingrédients pour former des
journalistes comme dans les grandes écoles prestigieuses. Son unique « défaut
» est de former uniquement sur le support radio, empêchant l’obtention de la
reconnaissance par la profession. Mais, pour le directeur, dispenser
uniquement des cours de radio est une force et permet aux étudiants d'exceller
sur ce support voir d'être mieux formés que des étudiants qui se forment
« succinctement » à tous les supports. « La radio c'est notre credo. Je ne veux
pas me perdre à faire un peu de ci, un peu de ça, et un peu de cela » affirme
Sylvianno Marchione.
3. Le débat est engagé : faut-il instaurer un diplôme obligatoire ?
Alors que les acteurs de la profession revendiquent que l'accès à l'exercice du
journalisme n'est pas sanctionné par un diplôme obligatoire, les critères
d'embauche des nouveaux entrants, notamment l'importance d'un diplôme
signé par une école reconnue, démontrent bien les limites de cette diversité.
Autrement dit, l'accès à l'exercice de cette profession tend à se conditionner
par un diplôme comme c'est le cas dans la profession au sein du corps médical
ou artisanal. Le monde du journalisme ne serait plus aussi diversifié et ouvert
qu'il le laisse entendre. Face à cette tendance synonyme de malaise dans la
profession, des réflexions s'élaborent dont le but est de faire évoluer ce
système éducatif vers plus de reconnaissance dans l'offre de formation. Même
s'il existe aujourd'hui des centaines de formations au métier de journaliste, le
système éducatif rencontre des difficultés à réguler ce qui relève de la
formation journalistique ou bien de l'initiation au journalisme. C'est pourquoi,
les treize écoles reconnues s'imposent comme une valeur sûre. Nicolas
Sourisce, directeur de la filière reconnue de journalisme à l'IUT de Tours jette
un pavé dans la marre et affirme qu'« il y a des formations qui se réclament du
journalisme mais en réalité, elles reposent sur 30 ou 40 heures dans l'année
sous forme de modules nommés journalisme, c'est très fumeux, il n'y a pas
38 Page
grand-chose. Au contraire, il y a de bonnes formations mais non reconnues ».
Fort de ce constat, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
a récemment lancé un débat sur la formation journalistique impulsé par Patrick
Pépin, ancien directeur de l'école supérieure de journalisme de Lille. Le but
principal est de penser à la possibilité d'ouvrir davantage la reconnaissance à
des cursus de la formation. Or, il existe actuellement « un fossé » entre ce que
conçoit comme formation au journalisme, d'une part le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et, d'autre part, les acteurs de la
profession. C'est pourquoi, l'enjeu du débat est de savoir si les deux entités
peuvent s'accorder sur « un référentiel commun » à toutes les formations
existantes. En catimini, cette démarche projette de stopper cette nouvelle
tendance, à savoir la nécessité d'être titulaire d'un diplôme reconnu pour
entrer dans la profession. Par conséquent, les employeurs seront obligés de
revoir leurs critères d'embauche et de reconnaître que des formations, outre
les treize labellisées, peuvent être aussi efficaces et répondre à leurs
exigences. La main mise des écoles de journalisme sur les patrons de presse
serait donc remise en cause puisque ces réflexions peuvent aboutir à un
élargissement du nombre de formations agréées.
Actuellement, ce débat n'est toujours pas tranché. Mais des projets sont d'ores
et déjà proposés pour éviter que la profession ne perde sa caractéristique
propre à savoir que son exercice n'est pas sanctionné par un diplôme ce qui
permet une richesse des profils au sein du corps journalistique. Ainsi, la
Conférence nationale des métiers du journalisme 18 a publié en 2011 un projet
de « référentiel commun ». Il a pour objectif de rapprocher les critères de
reconnaissance des multiples formations existantes entre la Commission
paritaire nationale de l'emploi des journalistes et les ministères en charge de la
formation. En somme, il y a une volonté d'harmoniser les critères d'évaluation
qui octroient la reconnaissance à un cursus. Il ne s'agit pas d'homogénéiser les
formations mais de définir les points de convergence pour obtenir la qualité de
reconnaissance. Selon l'initiateur Patrick Pépin 19 « l'objectif est de rendre plus
18 La Conférence nationale des métiers du journalisme (CNMJ) est une instance de dialogue et de
proposition issue des Etats Généraux de la Presse Ecrite lancée par l’Elysée. Elle regroupe les 13
écoles de journalisme reconnues par la profession, des professionnels, les pouvoirs publics, des
chercheurs et des personnalités qualifiées.
19 Journaliste à Radio France, trésorier et membre du comité exécutif de Reporters sans frontières
39 Page
lisible le paysage et de distinguer les formations rigoureuses ». En d'autres
termes, il s'agit d'une volonté d'établir des critères communs dont le but est de
distinguer quelles sont les formations assez sérieuses pour être dignes d'être
reconnues. Par conséquent, il se peut que le nombre de formations agréées
s'étoffe. Cela s'effectuera par une mise en place d'un cahier des charges pour
les formations aux métiers du journalisme. Ainsi, nombre de critères sont
exigés, comme à titre d'exemple, avoir un cursus clairement distinct de la
filière de communication, les étudiants doivent avoir accès à des journaux en
ligne, la Commission paritaire nationale de l'emploi des journalistes doit être
informée de l'emploi du temps des étudiants et du budget de paiement des
heures financières ou encore les frais d'inscription et de scolarité qui doivent
être accessibles au plus grand nombre. A ceci s'ajoute des grands axes
d'enseignement comme l'anglais, la recherche et la collecte d'information ou
encore les techniques de l'interview, d'enquête et de reportage ainsi que des
cours de secrétariat de rédaction.
Un autre projet vise à réguler cette nouvelle course au diplôme reconnu. En
effet, l'élaboration d'un « passeport professionnel des journalistes » initié par la
Conférence nationale des métiers du journalisme et la Commission paritaire
nationale de l'emploi des journalistes marque une étape décisive. Il s'agit d'une
formation de 15 jours, où les fondamentaux du journalisme, dont la
déontologie, sont dispensés à des salariés non diplômés d'un cursus reconnu.
Cet enseignement s'organise en cinq axes : la relation au public et l'objectif du
média, la relation aux sources d'information, le recueil et l'exploitation des
informations auprès des interlocuteurs, l'exploitation des données chiffrées et
statistiques, et enfin le travail en équipe. Ce passeport vise à fournir, à tous les
journalistes, le socle commun qu'ont établi les employeurs pour exercer
correctement le métier. En outre, il permet d'acquérir les fondamentaux qui
font « de bons journalistes », conformément aux exigences des patrons de
presse.
Cependant, l'ensemble des acteurs du champ journalistique et de la formation
semblent avoir quelques difficultés à être en accord. Ne serait-ce que parce
que le métier de journaliste n'est toujours pas totalement défini ? Le débat bat
actuellement son plein.
40 Page
Conclusion
Le journaliste Pol Vandromme affirmait : « il paraît que le journalisme
s'enseigne. On le dit, et il faut le croire, même si cette croyance offense le sens
commun ». Depuis l’avènement de la profession de journaliste, la question de la
formation a toujours été au cœur du métier. Actuellement, la formation semble
être devenue le fameux sésame pour pouvoir exercer la profession de
journaliste au sein d'une entreprise de presse. Les mutations économiques et
technologiques auxquelles sont enclins les médias en sont la raison principale.
Preuve est que les patrons de presse sont désireux de recruter des journalistes
polyvalents et capables de produire selon les exigences d'un public cible. Des
exigences qui sont inculquées aux futurs journalistes dans les écoles de
journalisme.
A
leurs
sortie
de
cursus,
ils
sont
opérationnels,
pré-
professionnalisés et polyvalents, capables de produire de l'information comme
le désire leurs employeurs. Les écoles de journalisme sont devenues un gage de
qualité certain pour les employeurs. J'ai eu l'occasion de remarquer cette
nouvelle tendance lors de mon stage au sein des locaux de France Bleu Sud
Lorraine. En effet, la rédaction n'embauche que des journalistes sortis d'école
car
c'est un gage de qualité « incontestable ». Ainsi, même si un bénévole
motivé et doué veut devenir journaliste, Fréquence Fac ne peut plus être un
tremplin pour sa carrière comme ce fut le cas pour Mohand Chibani.
Aujourd'hui, le meilleur moyen pour exercer le métier de journaliste est d'être
formé dans une école de journalisme reconnue.
Mais ce système montre ses limites. Cette nouvelle norme d'un diplôme
appauvrit la profession et ses productions. La non-obligation d'un diplôme pour
être journaliste permettait de compter des profils différents, voir atypiques, au
sein des acteurs du journalisme, ce qui profitait à une information riche et
diversifiée. Cependant, comme le corps médical ou le corps judiciaire, le
journalisme devient une voie où les plus chanceux, c'est-à-dire les étudiants
diplômés d'un cursus reconnu peuvent devenir les témoins de la société. En
catimini, le diplôme s'impose comme une nouvelle norme. Les portes du champ
41 Page
journalistique tendent à se fermer et les profils de journalistes ainsi que les
informations à s'uniformiser. Ce malaise a été perçu par des autorités comme la
Conférence Nationale des Métiers du journalisme qui tend à réguler l'offre de
formation et à favoriser l'insertion professionnelle. Les réflexions sont
actuellement en cours.
42 Page
Bibliographie
BADILLO Patrick-Yves, « Plus personne n’est journaliste ! », numéro spécial sur
les médias et les nouveaux médias, N° 24, Octobre 2008, ISBN 978-220092420-1
BELLANGER Claude, Histoire générale de la presse française, Tome III, PUF,
1972
BOURDIEU Pierre, Sur la télévision, Essai poche, 1996
CHARON Jean-Marie, « Les Journalistes et leur qualification » rapport,
Observatoire des pratiques et des métiers de la presse, Cfpj, 1997 et
« Réflexions et propositions sur la déontologie de l'information », rapport à
Madame la Ministre de la culture et de la communication, 1999 et Les groupes
multimédias et l’information, Cahiers Français, 2007
GUILLOU Bernard, Les stratégies multimédias des groupes de communication,
la Documentation Française, 1984
LETEINTURIER Christine, et MATHIEN Michel, Une profession fragilisée : les
journalistes français face au marché de l’emploi, Quaderni numéro 73, 2010
MARCHETTI Dominique, RUELLAN Denis, Devenir journalistes. Sociologie de
l'entrée dans le marché du travail, la Documentation Française, 2001
OBSERVATOIRE DES MÉTIERS DE LA PRESSE, Photographie de la profession
des journalistes : étude des journalistes détenteurs de la carte de journaliste
professionnel de 2000 à 2008
RUELLAN Denis et PÉLISSIER Nicolas, Les journalistes contre leur
formation ?, Hermès, 2003
RUFFIN François, Les petits soldats du journalisme, Les Arènes, 2003
SIMÉANT Johanna, Déontologie et crédibilité : le réglage des relations
professionnelles au CFJ, Politix,1992
TESSIER Marc, « La presse au défi du numérique », rapport pour le Ministre
de la culture et de la communication, 2007
TRAVAUX DE LA CPNEJ et CNMJ, « Projet d'un passeport professionnel des
journalistes », 2012
43 Page
Annexes
ORGANIGRAMME
Université de
Lorraine
(poste vacant)
Thomas Braun
Directeur
Pol Laurent
Rédacteur en
chef
Jean-Luc Hess
Président du
groupe Radio
France
Alexandre Barbé, Ophélie
Ostermann, Justine Flamme,
Romain Frésu
Bénévoles permanents
30 bénévoles occasionnels
Aurélie
Bazzara
Stagiaire
44 Page
ANNEXE 1
Audience réalisée en mars 2012, Médiamétrie
ANNEXE 2
Proportion de journalistes encartés par type de formation, Observatoire des Métiers de la
Presse
45 Page
LES ECOLES DE JOURNALISME, UNE NOUVELLE NORME DANS
UNE PROFESSION EN PLEINE MUTATION ECONOMIQUE ET
TECHNOLOGIQUE
MOTS-CLES :
–
Journalisme
–
Mutation
–
Formation
–
Fréquence Fac
–
France Bleu Sud Lorraine
RESUME :
Il faut penser le journalisme comme un monde mouvant, dans lequel le
journaliste doit perpétuellement s'adapter. Les formations, elles aussi, évoluent
constamment pour délivrer de futurs journalistes aguerris, prêts à fournir du
contenu sur n'importe quel média, et ce, en conformité avec les attentes des
entreprises de presse. La formation paraît, aujourd'hui, indispensable pour
devenir un journaliste des temps modernes.
ABSTRACT :
Journalism can be seen as a changing world where the journalist always has to
adapt. Trainings are constantly evolving too, in order to bring good journalism
on any medium and to answer to media companies’ expectations. Nowadays,
training seems to be necessary to become a good journalist.
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