Sur la trace des éléments

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Sur la trace des éléments
Les oligo-éléments n’apparaissent qu’en petites quantités dans le corps, leur fonction est
néanmoins vitale. Quelle est l’importance des oligo-éléments dans l’alimentation? Les mélanges minéraux qui contiennent des oligo-éléments sont-ils un luxe ou sont-ils judicieux?
Les «lunettes» typiques (poils blancs non pigmentés autour des yeux)
signalent un manque de cuivre.
ism/jbg. Les oligo-éléments (parfois également appelés élémentstraces), tels que le fer (Fe), le cuivre
(Cu), l’iode (J), le manganèse
(Mn), le zinc (Zn), le cobalt (Co), le
sélénium (Se), le chrome (Cr), le
fluor (F) et le molybdène (Mo)
sont des substances minérales qui
ne sont présentes dans l’organisme
qu’en très petites quantités; on n’en
retrouve que des «traces». Ils sont
néanmoins des composants essentiels des enzymes, vitamines et
hormones. S’ils viennent à manquer dans l’organisme, le développement des animaux est perturbé,
tout comme la fécondité à l’échelle
du troupeau. Aussi longtemps que
les dégâts ne sont pas irréversibles,
un manque d’oligo-éléments peut
être traité par l’administration
d’un composé minéral enrichi en
oligo-éléments. Toutefois, un apport prolongé d’oligo-éléments
hautement concentrés est toxique,
car les oligo-éléments sont stockés
dans l’organisme.
ploitation peut induire en erreur,
étant donné que les teneurs du
fourrage en oligo-éléments – et en
éléments minéraux d’une manière
générale – sont très variables.
Elles dépendent de la composition
botanique des plantes fourragères
(la prairie artificielle par exemple
révèle de plus faibles teneurs en
oligo-éléments que la prairie naturelle), du sol et des conditions de
croissance (les périodes de sécheresse font diminuer les teneurs des
plantes en oligo-éléments). De ce
fait, les teneurs du fourrage de
base en oligo-éléments varient
d’une coupe à l’autre. Les faibles
teneurs en oligo-éléments surviennent notamment sur les sols sablonneux et tourbeux, ainsi que
sur les sols riches en calcaire et en
sédiments de granit. Une fumure
azotée importante réduit les réserves en oligo-éléments du sol.
Seules les analyses régulières du
fourrage livrent des informations
fiables sur les teneurs en éléments
minéraux. Même les analyses de
sang, pour déterminer l’approvisionnement des vaches en oligoéléments, sont des mesures instantanées.
Interactions dans le tractus
intestinal
Pour un bon approvisionnement en
oligo-éléments, aussi bien les teneurs du fourrage que la mise en
Les principaux oligoéléments
Les teneurs en oligoéléments oscillent
Une analyse unique du fourrage
pour contrôler la situation sur l’ex-
valeur par l’animal sont décisives.
Si les oligo-éléments ingérés forment des complexes insolubles
dans la panse avec d’autres minéraux ou composants végétaux, ils
ne peuvent pas être absorbés par
les intestins et sont éliminés avec
les selles. Les phytates et l’acide
phytique, notamment contenus
dans le trèfle, mais aussi dans le
maïs, le soja et le son des céréales,
forment de tels complexes avec les
oligo-éléments. Une part élevée de
trèfle dans la ration accroît ainsi le
risque d’une carence «secondaire»
en oligo-éléments. La formation
de tels complexes ou autres réactions chimiques (par ex. les oxydations) sont favorisées en milieu
acide. Chez les vaches qui souffrent d’acidose en particulier, les
pertes d’oligo-éléments (surtout de
sélénium) sont importantes. Le fer
fixe également d’autres oligo-éléments: l’eau provenant de vieilles
conduites rouillées (voir TORO
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(notamment les ensilages avec une
teneur en cendres brutes supérieure à 10%) sont riches en fer et
exercent une influence néfaste sur
l’approvisionnement du bétail en
oligo-éléments. Le cuivre (eau
provenant d’anciennes conduites
en cuivre) réduit en particulier le
zinc.
L’eau qui coule à travers les tuyaux rouillés contient trop de fer et nuit
ainsi à l’absorption d’autres oligo-éléments.
Le fer est partie constituante de
l’hémoglobine et joue donc un rôle
important pour le transport de
l’oxygène dans le sang. Chez les
bovins, seuls les veaux nourris au
lait sont sujets à un manque de fer,
qui se traduit par une pâleur des
muqueuses et une faiblesse générale dues à l’anémie. Chez ces
veaux-là, un apport de fer peut être
indiqué. Les vaches ne souffrent
que rarement d’un manque de fer.
Au contraire, les problèmes liés à
un excès de fer sont bien plus fréquents. En effet, le cuivre, le zinc,
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tion dans la panse où ils atteignent
rapidement une concentration
toxique lors d’un apport bienveillant mais excessif et, d’autre
part, leur transformation en sélénium inexploitable lorsqu’ils se
trouvent en milieu trop acide (acidose de la panse) où ils sont éliminés avec les selles.
Un veau vivace et en bonne santé est le but de tout éleveur.
la vitamine E et la carotène sont
rendus inutilisables par le fer.
Dans la perspective d’un bon approvisionnement du veau en oligoéléments ainsi que d’un bon déroulement du vêlage et de l’expulsion
des arrière-faix, il ne faut pas recycler l’ensilage souillé ou les restes
de fourrage, dans lesquels les salissures s’accumulent, en les affourageant aux vaches taries. La
teneur en fer des aliments minéraux ne devrait pas dépasser les
300 mg/kg de MS.
Le cuivre est un élément indispensable pour le métabolisme du
fer, une bonne fécondité, le système nerveux et immunitaire ainsi
que pour la formation de corne et
de poils. Il n’est que peu présent
dans les céréales, le maïs, l’ensilage d’herbe et doit donc être apporté en complément à la ration.
La quantité de cuivre préconisée
dans l’alimentation bovine est de
10 mg/kg de MS. Un manque de
cuivre ne se manifeste qu’après un
certain temps. Les symptômes
sont l’anémie, les avortements précoces, la chétivité et les «lunettes»
typiques (poils blancs non pigmentés autour des yeux). Souvent,
les animaux manifestent également un besoin de lécher prononcé
et vont jusqu’à consommer de la
terre (pica).
L’iode est important pour le bon
fonctionnement de la glande thyroïde. Les hormones que cette
dernière produit interviennent
dans tous les processus métaboliques de l’organisme et une sousfonction de la glande thyroïde
peut entraîner de sévères troubles.
Une carence en iode se traduit par
un agrandissement de la glande
thyroïde (goitre), des chaleurs silencieuses, l’apparition de kystes,
des avortements fréquents et la
naissance de veaux chétifs, sans
poils ou extrêmement hirsutes,
qui présentent souvent déjà un
goitre. Le manque d’iode peut
être un effet secondaire du
manque de sélénium (voir cidessous).
Le sélénium stabilise les fonctions générales des cellules. Il est
soutenu dans son action par la vitamine E. Un manque de sélénium
est généralement détecté en premier lieu chez les veaux nouveaunés. Lorsque ceux-ci boivent mal
et ont des difficultés à avaler, des
articulations déformées, des tremblements musculaires ainsi que le
dos courbé, une déficience en sélénium doit être suspectée chez les
vaches taries. Dans les cas extrêmes, les veaux sont atteints de
dystrophie musculaire (maladie
du muscle blanc). Chez les vaches,
les rétentions placentaires récurrentes et les mammites fréquentes
laissent supposer une carence en
sélénium. Le fourrage des régions
alpines manque généralement de
sélénium et demande donc souvent un complément. Néanmoins,
la fourchette entre une carence et
un excès de sélénium est relativement petite. Un apport excédentaire de sélénium peut donc facilement conduire à une intoxication
(par exemple après des injections
répétées de sélénium). Différentes
sources de sélénium sont à disposition pour un apport complémentaire: sélénite de sodium (en partie
stable dans la panse), sélénate de
sodium et les onéreuses levures
enrichies en sélénium. Les inconvénients du sélénite et du sélénate
sont, d’une part, leur accumula-
Les causes potentielles d’un sous-approvisionnement en oligoéléments sont:
• leur élimination excessive (transpiration démesurée ou diarrhées)
• maladies métaboliques (acidose de la panse, cétose)
• conditions régionales (pauvreté du sol)
• sécheresse
• habitudes alimentaires (trèfle, maïs, soja)
• absorption insuffisante dans les intestins (additifs ou formes
d’administration inappropriées, antagonistes dans le fourrage)
Le zinc intervient dans le métabolisme, le régime hormonal et la
formation de peau et de corne. Le
manque d’appétit, les lésions à la
peau et aux poils, les squames aux
membres postérieurs et au pis, le
ramollissement des onglons et les
articulations enfles sont les signes
d’une manque de zinc. Par ailleurs,
un mauvais taux de fécondation,
de faibles poids à la naissance et
des avortements fréquents peuvent
apparaître. Pour un approvisionnement optimal en zinc, il est également conseillé d’administrer un
complément minéral. Une concentration élevée d’acide phytique
(trèfle!) ou un excès de cuivre ou
de fer dans la ration (voir ci-dessus) ont une influence néfaste sur
l’absorption de zinc dans les intestins. C’est pourquoi, lorsque les
rations posent problème, il est
conseillé d’utiliser le chélate de
zinc, toutefois assez onéreux, mais
qui est insensible à la formation de
complexes.
Le manganèse est également un
composant essentiel de nombreux
enzymes. Une carence en manganèse se manifeste par des troubles
de la fécondité, parfois accompagnés par des écoulements purulents. Fréquemment, une proportion élevée de veaux mâles sur
l’exploitation est attribuée à un
manque de manganèse.
Le cobalt intervient dans la formation de la vitamine B12, utilisée
par les organismes de la panse. La
vache dépend par ailleurs de la vitamine B12 pour assurer le métabolisme énergétique. Un manque de
cobalt et de vitamine B12 à la naissance induit une plus faible production de lait et une mauvaise
qualité de colostrum. Des essais
ont démontré que les teneurs adéquates du fourrage en cobalt et en
vitamine B12 jouaient également
un rôle essentiel dans la prévention
contre la cétose, car la consommation de fourrage et la digestion des
fibres augmentent avec un approvisionnement optimal de la flore
de la panse.