DEUX GARÇONS SANS HISTOIRE Interview réalisé pour le

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DEUX GARÇONS SANS HISTOIRE Interview réalisé pour le
MARC DESAUBLIAUX - DEUX GARÇONS SANS HISTOIRE
Interview réalisé pour le magasine «Des auteurs des livres»
Marc Desaubliaux, vous êtes, on peut le dire, un véritable talent dans le paysage de l’édition française.
Pourtant vous écrivez depuis plus de vingt ans en évitant au maximum la médiatisation ?
qu’il n’accepte pas, mais qu’il n’osera jamais dénoncer. Et comme toujours lorsque l’on vit dans le déni,
on se réfugie dans une solitude, une vie parallèle, et
une profonde souffrance.
J’écris de mon côté, l’édition française est un monde Jean-Denis, quant à lui, est l’autre personnage princique je ne connais pas vraiment. La médiatisation pal. Il est l’inverse de Sébastien. Comment le décrim’effraie, alors je préfère laisser ça aux autres.
riez-vous ?
Ce qui n’empêche pas vos livres de se vendre ?
Oui et tant mieux, cela me permet de continuer à
écrire !
Plutôt bien dans sa peau, assez ouvert aux autres,
c’est un personnage tout feu tout flamme. Quand j’ai
créé Jean-Denis, j’ai voulu qu’il soit à l’opposé de
mon caractère étant enfant, et donc l’opposé de Sébastien. C’est justement la personnalité de Jean-Denis qui attire Sébastien. Sans l’entrain de l’un, la rencontre avec l’autre n’aurait jamais pu se faire.
De leur rencontre va naître une amitié compliquée.
Peut-on parler d’amour avec un grand A ?
Oui et non. Peut-on donner un nom aux sentiments qui
vont naître entre ces deux personnages, alors qu’euxmêmes ne comprennent pas ce qui leur arrivent ? Ils
en sont chamboulés. Les deux ressentent bien une attirance forte, un désir d’être ensemble, de se rapprocher mais d’affirmer qu’il s’agit bien d’une amitié ou
d’un amour, aucun n’en est capable. Le seul amour
Deux Garçons sans histoire, une tragédie moderne est que Sébastien peut identifier est celui qu’il porte à sa
votre dernier roman. Il raconte l’amitié particulière mère.
entre deux jeunes garçons, Sébastien et Jean-Denis,
qui tourne au tragique. Qu’est-ce qui vous a poussé à Justement, cet amour entre Sébastien et sa mère est
lui aussi compliqué. L’aime-t-elle comme elle deécrire ce roman ?
vrait, tant elle est présente dans sa vie ?
Ecrire est pour moi autant un besoin qu’une souffrance. En ce qui concerne Deux garçons sans his- Oui, on peut même dire qu’il vit sa vie par procuratoire, j’avais besoin de réinventer mon enfance en tion à travers sa mère. Sébastien a un amour incondipartant quand même d’une base réelle, Sébastien, tionnel pour cette femme, qui le lui rend avec la même
un des deux personnages principaux, qui n’est autre intensité. Un amour tellement fort qu’il est, et on le
que mon double, romancé certes, mais qui abrite en comprend facilement dans le livre, tout sauf mesuré
lui ma propre personnalité, mes propres souffrances et normal. La mère de Sébastien est une bonne épouse
mais pas une femme heureuse en couple. C’est un peu
d’enfant. J’ai écrit ce livre pour me comprendre.
deux solitudes qui ont décidé de former un amour de
Comme vous, enfant, on comprend vite que Sébastien substitution. Le fils qui devient comme un mari idéal,
est un jeune garçon timide et renfermé sur lui-même un confident, car le véritable mari est lui bien trop
absent ; et la mère qui devient la femme qu’il aime,
Oui, c’est un personnage introverti, solitaire par obli- la référence de sa vie. Pour lui, tout amour lui est
gation et non par désir. C’est un garçon qui n’ose pas. interdit, sauf celui qu’il a pour sa mère. Sébastien
Il ne vit pas la vie, il la regarde. Sa route a déjà été a l’impression que s’il se mettait à aimer une autre
tracée, par son éducation, par sa famille, une route fille, sa mère ne l’accepterait pas, il est convaincu
qu’elle en serait même jalouse. Et comme on doit aimer, comme l’être est fait comme cela, il va choisir au
fond l’amour ou l’amitié particulière qui lui paraîtra
le moins risqué, celui d’un garçon, en l’occurrence
Jean-Denis. Sébastien vit donc deux sentiments extrêmement compliqués. Celui qu’il ressent pour JeanDenis et celui pour sa mère, et à son âge ces ressentis
peuvent être dévastateurs.
Les deux personnages se rencontrent dans un collège
catholique pour garçons. Dans votre œuvre, les lieux
sont décrits avec beaucoup de précision. Existent-ils
dans la réalité ?
Sans dévoiler les intrigues du roman, on peut dire que
deux événements dramatiques surviennent dans ce récit, dont un auquel on ne s’attend pas du tout ?
Oui. Pour le premier, il n’est que la résultante d’une
route prise par Sébastien qui s’avérera être dévastatrice ; pour le second, c’est au fur et à mesure de
l’écriture que je me suis rendu compte de la nécessité de ce rebondissement qui, je vous l’accorde, est
inattendu, mais qui, paradoxalement, deviendra une
évidence pour le lecteur.
C’est un regroupement de lieux différents. Certains
sont romancés, d’autres se réfèrent à des endroits que
j’ai connus. On retrouvera par exemple le quartier
de l’Elysée ou le Parc Monceau à Paris, ou encore
certaines rues de la ville de Senlis. Aussi bien pour
les lieux que pour les personnages, on y reconnaîtra
toujours quelques bribes de moi-même.
On découvre une simplicité dans votre écriture, elle
est agréable et facile d’accès. Peut-on décrire votre
style comme populaire ?
A la base, je n’avais pas de style précis. J’écrivais
comme un enfant à qui on donne un pinceau pour la
première fois. Et puis, au fil des ans, mon style s’est Selon votre éditeur, cette œuvre est la plus aboutie,
dépouillé, clarifié… Mais effectivement, aujourd’hui, pourquoi ?
j’aborde toujours une écriture en ayant comme objecC’est l’œuvre pour laquelle je me suis investi le plus.
tif d’être accessible.
Elle me touche et me confond au plus près. Beaucoup
de ma personnalité est dans ce livre. Pendant longtemps je l’ai porté en moi. Beaucoup d’endroits, de
Quelles sont vos inspirations ?
lieux et de circonstances me rappelaient la nécessité
Très clairement, j’ai été fasciné par Bruno Gay-Lus- de l’écrire, notamment parce que j’habite le quartier
sac, un auteur que j’ai rencontré à la fin des années de ma jeunesse.
90 et avec qui j’ai partagé quelques conversations
qui sont restées gravées en moi. En lisant ses œuvres,
je me suis toujours dit que j’aurais aimé les écrire.
Pour le reste, Proust ou Montherlant m’ont beaucoup
inspiré.
Dans votre nouveau roman à paraître (Deux garçons
sans histoire, une tragédie moderne), la sexualité
semble une énigme chez vos personnages, ils la recherchent...
En ce qui concerne le premier personnage, Sébastien,
il n’en a jamais entendu parler, il a une vie sexuelle
bien sûr, mais il pense qu’il est seul dans son cas et
Beaucoup de souffrances. Ce n’est jamais facile de ne sait pas mettre un nom dessus… Il faut dire que
raviver des plaies que l’on croyait disparues. J’ai mis dans sa famille, c’est un sujet tellement tabou. On
quatre ans à écrire et finir ce livre, avec des périodes n’en parle jamais. Il n’a pas de recours, de moyen
d’expression, il enfouit tout ça au fond de lui, et pour
de pauses, de doutes, et beaucoup de réécriture.
un jeune de son âge, on peut comprendre à quel point
Pour revenir à ‘’Deux garçons sans histoire’’, dans
quelle condition l’avez-vous écrit ?
cela peut être dévastateur. En ce qui concerne le deuxième personnage, Jean-Denis, il sait parfaitement ce
qui se passe, il en n’en éprouve aucune culpabilité.
Pour lui, cela fait partie de la vie, c’est une expérience comme une autre.
La description des traits de caractère de tous vos personnages est très étendue, ce qui révèle une connaissance certaine de la nature humaine. Qu’est-ce qui
vous a donné cette faculté ?
C’est une invention progressive qui s’est faite sur
trente ans. Je l’ai construit en me basant sur mes
propres souvenirs d’enfance. Même si ce livre est
une fiction, je l’ai quand même bâti sur des réalités,
comme la personnalité de Sébastien qui n’est autre
que moi adolescent, ou encore certains lieux que j’ai
connus et que l’on retrouve dans le livre. Pour l’historique, j’ai écrit deux versions qui n’ont jamais été
publiées, que j’ai laissées traîner dans un coin avant
de les jeter à la poubelle. Et puis un jour, j’ai compris
que c’était le moment de le faire de manière définitive.
Comme tout bon écrivain, dans la première partie du
livre, j’étais maître de mes écrits, de la construction
de mes personnages. En revanche, dans la seconde
partie, ce sont ces mêmes personnages qui m’ont guidé, prenant ma place et écrivant leur propre destin.
Les personnages sont-ils totalement inventés ou avezvous utilisé votre vécu, sinon votre propre vie ?
Je pense que c’est dû à ma timidité. Etrangement elle
m’a beaucoup aidé à comprendre la nature humaine.
En effet, j’ai vécu en observant énormément les gens,
Est-ce que vous avez lu Freud ?
pour combler sans doute le fait que je n’arrivais pas à
Oui, Totem et tabou et Introduction à la psychanalyse, aller à leur contact. Je me disais toujours que j’aurais
aimé être comme eux, bien dans ma peau, à l’aise…
comme tout bon élève de terminale.
Mais je n’y arrivais pas, surtout dans ma petite enVotre nouveau roman est assez efficace, réussissant à fance. Alors je les regardais toujours et j’apprenais à
décrire et forger vos personnages et leurs caractères et les connaître non pas dans ce qu’ils paraissaient être
on vous sent assez en empathie avec eux. Comment mais dans ce qu’ils étaient vraiment. Car l’avantage
avez-vous travaillé à ce roman (plan, schéma ou in- d’un grand timide qui observe les gens, c’est qu’il
peut le faire sans être vu, puisqu’il passe inaperçu.
vention progressive) ?
Sébastien ressemble à ce que j’étais à son âge, rêveur,
aimant la musique, timide, habité d’un éternel mal
être, « la malègria » comme dirait Manu Chao. Par
contre, pour Jean-Denis, c’est un personnage inventé
mais qui m’a été inspiré par un ami d’enfance.
Accepteriez-vous une adaptation au cinéma de votre
livre ?
Pourquoi pas, si elle ne trahit pas mon propos ? Je
serais ravi de voir à l’écran mes personnages.
Cela se ferait à partir du moment où mon droit de
regard serait respecter. Comme je l’ai déjà dit, Deux
garçons sans histoire est un roman auquel je tiens
énormément.
Vous êtes déjà dans l’écriture d’un nouveau roman.
Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Cela vous a-t-il pris beaucoup de temps ?
Dans l’écriture de la version finale, cela m’a pris
quatre ans.
Je suis loin de l’avoir terminé, mais je peux déjà vous
dire qu’il s’appellera sans doute Les caves de SaintLouis et qu’il aborde encore le domaine de l’enfance,
sujet pour moi d’une éternelle inspiration. Il s’agira
quand même cette fois d’un roman d’aventures. Pour
faire court, c’est l’histoire d’un jeune garçon de
douze ans, dynamique, rusé, intelligent et qui, par des
concours de circonstances, va retrouver une mallette
pleine de billets dans les caves de son collège. Pour
le reste, je travaille aussi sur un roman historique,
qui se passe pendant la révolution de 1830 en France.
Comment passe-t-on d’un ouvrage historique comme
La fin du parti royaliste à un roman bouleversant
comme Deux garçons sans histoire ?
Ce passage de l’un à l’autre reflète les facettes de mes
deux passions, l’histoire et l’enfance. Le roman, c’est
une histoire, une partie inventée qui permet de rêver
et de raconter des choses. Il permet la créativité sans
limite, alors qu’un ouvrage comme La fin du parti
royaliste est basé sur une étude des faits historiques…
On a le sentiment que Deux garçons sans histoire est
un miroir ou un mélange de vos deux autres œuvres,
Monsieur mon passé et Journal du désespoir
Ces trois livres représentent un tout. Journal du désespoir raconte ce que j’ai vécu personnellement,
alors que Monsieur mon passé est un récit de mes
années d’enfance et d’adolescence telles que je les ai
vécues, mémorisées et comprises.
Vous évoquez dans Deux garçons sans histoire le milieu bourgeois de façon assez critique ?
Oui, mais avec une ambigüité. Je critique mais j’aime.
Plus que le milieu, c’est la famille de Sébastien que
j’épingle, avec son côté secret, son manque de sentiments et d’affection ainsi que le moule dans lequel il
faut absolument entrer, le jeu des apparences. Mon
propos n’est pas de stigmatiser le milieu bourgeois en
général ni même le mien, même si c’était celui où l’on
n’aimait pas les têtes qui dépassaient. L’originalité
y est proscrite. J’ai grandi avec ces éternels dictons
tels que : « De la modération en tout », « Pour vivre
heureux, vivons cachés » « Une place pour chaque
chose, chaque chose à sa place », « Qui veut voyager
loin ménage sa monture ».
Sébastien est un jeune homme en pleine crise ?
Oui, il est en crise d’adolescence mais il vit aussi une
crise suraugmentée par le fait qu’on lui interdit de
vivre comme tous les jeunes. Une crise somme toute
normale pour un adolescent de son âge. Du fait des
interdits qui lui sont imposés, la crise va alors prendre
des proportions exagérées. Il est devant un choix terrible : soit il fait sa crise, soit il refuse de la faire
comme on le lui suggère sans le lui dire ouvertement.
Et s’il opte pour le second choix, alors inconsciemment, il sent qu’il deviendra un homme sans odeurs,
sans saveurs.
Quant à lui, Jean-Denis est plutôt bien dans sa peau ?
Au début, tout va bien : il fait du scoutisme, il aime les
jeux, la vie en groupe. C’est un garçon très sociable,
heureux, il est curieux, fouineur, moqueur, il s’intéresse à tout. C’est un jeune homme affectueux avec sa
famille mais qui cache en lui quand même une blessure ouverte. La rencontre avec Sébastien est pour
lui, en tout cas au départ, un jeu qui le valorise, qui
l’arrange. Mais par la suite, cela va devenir une provocation vis à vis de l’ordre établi, sa famille, son milieu, les convenances. Et puis c’est une expérience, lui
qui est un éternel curieux. Mais finalement et presque
inévitablement, le drame survient, la dépression avec
la perdition, et à ce moment-là, il prend conscience
que cela n’était pas un jeu, il se sent au fond responsable de ce qui est arrivé, il se rend compte avec cette
tragédie que les sentiments qu’il croyait être un amusement étaient bel et bien réels et puissants. Dans la
seconde partie du livre, on voit alors et malgré tout
un Jean-Denis rentrer dans le moule : il se marie, fait
des enfants, devient psychiatre. Puis, littéralement, «
pète les plombs » de plus en plus pour finalement repartir dans ce qu’il a vécu étant adolescent. Il s’installe donc dans l’ombre omniprésente de Sébastien.
Et finalement, c’est ce chemin obscur que prendra
Jean-Denis qui l’amènera à la découverte du second
grand dénouement de cette histoire.
Peut-on dire aujourd’hui que Sébastien est celui que
vous étiez étant jeune, Jean-Denis celui que vous auriez voulu être ?
Oui et non. Sébastien n’est finalement qu’une copie
de ma personnalité étant enfant. Bien que certains de
ses traits de caractère m’appartiennent, comme sa
timidité, sa crainte permanente de tout et surtout la
peur de perdre l’affection de sa mère, d’autres comme
son coté musicien doué ou encore la puissance de ses
sentiments envers Jean-Denis, sont forcés et ne correspondent pas à ma personnalité.
Vous êtes un passionné de musique et de littérature. Oui bien sûr, c’est une crise d’identité. Qui sont-ils ?
Vous avez besoin de transversalité dans les arts…
Où vont-ils ? La découverte de l’amour et de la sensualité... Toutes ces première fois qui, bien souvent,
Oui, la musique a été mon premier amour car elle m’a sont très dures à gérer pour un adolescent.
permis d’exprimer mes émotions sans les dévoiler, ce
qui permettait à un garçon timide comme moi d’être Vous avez vous-même traversé cette crise étant jeune
relativement à l’aise. Je dirais que dans mon milieu, ?
on n’accordait pas de crédibilité à l’artistique de manière générale, cela ne devait rester qu’un plaisir, ou Oui, j’ai connu à peu près les mêmes maux, les mêmes
une source d’intérêt au mieux. On ne voulait pas d’un douleurs...
artiste dans ma famille. Je me souviens que l’on me
disait souvent à la maison « C’est bien, tu pianotes, Pour vous, l’adolescence est-elle une période dure,
c’est très bien mais n’oublie pas que la vie n’est pas commune à tous les jeunes, ou dépend-elle de cerlà, cette voie n’est pas pour toi ».
tains contextes comme l’entourage familial ou le milieu dans lequel on évolue ?
Vous publiez le roman Deux garçons sans histoire,
une tragédie moderne. Pouvez-vous nous en présen- Je pense que c’est dur pour la plupart des jeunes.
ter le thème ?
Comme je vous le disais, à partir du moment où, dans
une famille, il y a un vrai dialogue, les choses se pasC’est l’histoire de deux garçons de quinze et treize sent beaucoup mieux. C’est l’absence de communians élevés dans un collège catholique, et qui vont se cation qui est source de problèmes. Qu’un jeune ne
prendre d’une amitié très forte qui va les conduire puisse pas parler à ses parents est la pire des choses
vers un dénouement tragique.
qui puisse arriver. Qu’un gamin de quinze ans se
cherche dans sa sexualité c’est tout à fait normal.
D’ailleurs, je pense que nous avons tous une part plus
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ou moins grande d’homosexualité enfouie en nous.
Est-ce dans les gènes, dans l’éducation ? Je ne sais
On retrouve dans ce roman un style et une ambiance pas.
qui vous sont propres. Comment les définiriez-vous ? C’est un style que j’ai voulu simple, clair, concis dans
le but d’être abordable par le plus grand nombre. Je
pense aussi avoir été, pour ce roman en tout cas, assez poétique et musical dans la recherche des mots,
des phrases. Quant à l’ambiance que je cherche dans
mes écrits, je la veux autant que je le peux intimiste
et feutrée.
Le tragique fait irruption dans la vie de tous vos héros, pourquoi leur faire subir autant ?
Je pense qu’à partir du moment où tout est étouffé,
lorsqu’on ne peut rien dire - dans le cas de mon roman la cause en est le milieu social de Sébastien -,
alors tout explose à un moment donné. Je voulais aussi montrer en allant aussi loin dans le tragique qu’un
adolescent qui n’a pas de communication avec sa famille par exemple, peut très mal réagir face aux événements ou aux sentiments que la vie vous demande
d’affronter.
La sexualité est une expérience nouvelle pour un adolescent, la plus traumatisante même, pourquoi ?
Je pense que c’est la première grande rupture qui soit
avec le monde de l’enfance, la dernière étant celle de
la mort des parents. C’est en quelque sorte l’aboutissement de l’ouverture progressive au monde et aux
autres. En plus, dans le cas de Sébastien, la tradition
judéo-chrétienne a un poids énorme. Mal comprise,
elle fait diaboliser tout ce qui a trait à la sexualité.
Dans votre livre, les tragédies surviennent à la suite
d’événements sentimentaux et sexuels. Diriez-vous
que si les deux personnages ne s’étaient pas rencontrés, rien de tout cela ne serait arrivé ?
Oui, mais dans le cas de Sébastien, de toute façon,
c’est un jeune homme qui ne pouvait que s’enfoncer
dans ce mal être.
Un point commun réunit la mère de Sébastien et celle
Dans cette œuvre, vous abordez largement le thème de Jean-Denis, c’est qu’aucune des deux n’a perçu
de la crise de l’adolescence que traverse la plupart des ou même compris ce qui se tramait chez leurs enfants
jeunes ?
Effectivement, aucune n’a compris. Pour Sébastien,
sa mère n’imagine pas un seul instant que son enfant
puisse avoir une vie sentimentale en dehors d’elle.
Par contre, pour la mère de Jean-Denis, à la base
comme il va très bien, ça ne lui effleure pas l’esprit
que ce jeune homme puisse être habité par un mal
être.
Madame d’Ecuyles est un personnage tragique aussi bien dans ce qu’elle vit que dans l’amour qu’elle
porte à Sébastien ?
Sa vie sentimentale est complètement ratée. Elle a
perdu l’amour au profit d’un mariage arrangé. Résignée, elle a accepté. Du coup, elle reporte tout sur
Sébastien. Chez son enfant, elle retrouve beaucoup
d’elle-même : le rêve, la musique…. Elle comprend
aussi que son fils a besoin de beaucoup d’attention et
d’affection et, parce qu’elle se sent elle aussi extrêmement seule, l’amour naturel entre une mère et un
enfant va, dans ce cas, exagérer.
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En sortant de ce roman, on a comme une envie d’aller
à la recherche de son passé de son enfance, des traumatismes, des douleurs, mais des joies aussi. Etait-ce
le but recherché ?
Je considère que l’enfance est la période fondatrice
de la vie. C’est là que tout se joue. Après, on passe
le reste de ses années à tenir debout, appuyé sur les
acquis de l’enfance. Je suis donc ravi qu’il incite à
une réflexion.
MARC DESAUBLIAUX - L’AUTEUR
Interview réalisé pour le magasine «Des auteurs des livres»
Comment naît chez vous l’idée d’un nouveau roman ? années d’adulte avec une certaine indifférence.
Les idées me viennent en général soit de ma propre
vie, mes souvenirs et mes expériences, soit de mes
passions et, en l’occurrence pour La fin du parti royaliste et Le messager, c’est l’histoire.
Dès que vous vous mettez à l’œuvre, toutes les phases
de l’intrigue sont-elles déjà en place dans votre esprit
ou avancez-vous à l’aveuglette ?
Avec Monsieur mon passé, vous puisez ouvertement
dans votre mémoire. Mais on a souvent aussi cette
impression que, comme dans Deux garçons sans histoire vous puisez toujours en vous, mais dans des expériences douloureuses...
Oui, car mon enfance a été assez malheureuse. Pas
sur le plan matériel ni familial, juste un contexte de
milieu social, qui ne me correspondait pas. Donc,
J’ai toujours une idée de départ, une base, pour en- c’est vrai que la douleur et la souffrance m’inspirent
suite aller vers l’inconnu sans aucun fil conducteur. énormément. La souffrance existentielle est une vielle
Je suis maître de ma plume tout en lui accordant une amie qui m’a habité très longtemps et qui m’habite
grande liberté.
toujours d’ailleurs, même si elle s’endort peu à peu.
Raturez-vous beaucoup ?
Enormément, je rature, je jette beaucoup, je m’énerve,
je traverse des moments de désespoir. Sur Deux garons sans histoire par exemple, j’ai écrit 800 pages
avant de finir avec environ 300 pages.
Aucune de mes œuvres ne s’est faite dans la facilité.
Je me donne énormément de mal dans l’écriture d’un
livre.
Vous est-il déjà arrivé de jeter un manuscrit terminé à
la corbeille ?
Oui, j’ai quatre ou cinq manuscrits finis qui sont partis à la poubelle. Ce qui ne me dérange pas plus que
ça, car je considère au final qu’ils n’étaient pas bons.
On sent que l’enfance chez vous, et les blessures de
jeunesse en particulier, sont deux de vos obsessions.
Ces thèmes sont récurrents de livres en livres (Deux
garçons sans histoire, Monsieur mon passé ou encore
Journal du désespoir). N’est-ce pas en définitive le
véritable et seul sujet de tous vos romans, jusqu’au
dernier hormis vos livres « historiques » ?
C’est le sujet unique de tous mes romans. Je considère
que l’enfance et l’adolescence sont les périodes les
plus riches de la vie et qu’après, on ne fait que survivre. Quand j’ai quitté le lycée, cela a été pour moi
une déchirure. Je comprenais que je quittais le monde
de l’adolescence pour un monde qui, aujourd’hui encore, ne me correspond pas. Depuis, je regarde mes
Ce choix de personnages seuls, perdus, à l’ombre
d’eux-mêmes comme Sébastien par exemple (Deux
garçons sans histoire) correspond-il à des obsessions
personnelles ?
Oui, je me sens aujourd’hui très seul parce que je
pense être en décalage avec cette société. En effet,
je crois qu’une véritable communication entre deux
êtres est impossible, et qu’au fond la vie est une comédie où tout le monde joue un rôle et où personne
ne veut savoir la véritable histoire de l’autre. On fait
comme ci et c’est très bien comme ça. Les gens vivent
à la surface d’eux mêmes et ont peur d’aller plus loin.
Je sais, c’est un constat un peu radical et dur que je
fais, mais je le ressens comme ça.
Les écrivains que vous lisez le plus volontiers en ce
moment ?
cela cesse. Et tout s’est arrêté soudainement, comme
si en l’espace d’un clin d’œil, une vague de réconfort
et d’apaisement s’était emparée de moi, comme si ma
prière avait été exaucée. Je me sentais bien, vraiment
très bien, alors qu’une seconde, le désespoir m’habitait. A ce moment précis, il faut le dire même si cela
parait un peu exagéré, j’ai vraiment cru entendre
dans ce réconfort, une voix, celle de Dieu.
Quel est le meilleur compliment qu’on puisse vous
Tatiana de Rosnay, Jean-Christophe Rufin, Patrick faire ?
Modiano, Frédéric Beigbeder…
Que mes livres touchent mes lecteurs. Quand ils me
Vous reconnaissez-vous des influences ?
disent qu’ils ont vraiment ressenti ce que j’ai voulu
faire passer. Pour le reste, j’aime parler des choses
Ma mère m’a beaucoup influencé, mon père d’une qui me passionnent et qu’en retour on me dise que
certaine façon aussi, et ma grand-mère maternelle j’en ai bien parlé.
que j’ai beaucoup aimée… Bien évidemment, moi qui
suis croyant et pratiquant, je trouve que Jésus était un Vous écrivez tous les jours ?
homme exceptionnel. Quant à l’Ancien Testament de
la Bible, il a cela d’extraordinaire qu’il est un résumé Oui, j’écris tous les matins de 7h30 environ à 11h30.
de l’histoire de l’humanité, les pires horreurs comme
les choses les plus merveilleuses. J’ai été influencé Que faites-vous lorsque vous n’écrivez pas ?
aussi par les Pères marianistes qui m’ont élevé et
éduqué dans les deux collèges catholiques que j’ai J’aime me balader dans les rues de Paris. Cette ville
fréquentés à Paris et qui m’ont énormément apportés. m’inspire beaucoup. La forêt aussi m’attire énorméJe pense encore souvent aujourd’hui à eux car, même ment, j’y apprécie son calme, son mystère, sa vérité.
si à l’époque je ne comprenais pas, il m’arrive à pré- Bien évidement, je lis beaucoup, j’écoute pas de musent de me dire souvent, « Finalement, ils avaient sique, je suis un peu pianiste. J’aime aussi le cinéma.
raison ». Ils ont semé en moi quelque chose qui a fini Toutes les formes d’art sont pour moi de formidables
par germer avec le temps. Pour le reste, en matière moments de détente et de découverte. Pour ce qui
d’histoire par exemple, je suis toujours attiré par ces est des gens, être avec ma famille et mes amis très
personnages ayant eu un vécu douloureux, un destin proches. Je jardine aussi un peu car je trouve cette
tragique. Pour la littérature, bien que je n’aie jamais activité très apaisante.
écris de poème, des hommes comme Baudelaire, Mallarmé et Rimbaud m’ont beaucoup influencé. Une pe- Que feriez-vous si vous n’écriviez plus ?
tite pensée aussi pour le général Leclerc, un chrétien
qui avait toujours le souci d’épargner la vie de ses Je m’ennuierais profondément. Ecrire pour moi est
hommes au combat autant qu’il le pouvait. Ce per- un besoin.
sonnage était un fonceur et un homme droit.
Comment écrivez-vous ? Sur une machine ?
Croyez-vous en Dieu ?
J’écris sur un ordinateur sur traitement de texte. Mon
Oui, je suis clairement croyant et pratiquant catho- écriture est illisible donc je m’interdis la plume.
lique. Je n’ai aucun doute sur l’existence de Dieu,
même si ma foi connaît des hauts et des bas. J’essaie A quel genre littéraire estimez-vous appartenir, et
toujours d’aller vers Dieu même si je reconnais y al- pourquoi ?
ler surtout quand ça ne va pas. Pour le côté petite
anecdote personnelle, il m’est arrivé un jour de mar- Le roman d’introspection, je pense. Bien évidement,
cher dans la montagne. J’avais besoin d’être seul, j’ai une façon de construire mes livres qui est volonj’étais mal, je me sentais désespéré, je traversais une tairement classique et populaire, sans être populiste.
de ces éternelles crises existentielles, et je me suis mis
alors à prier, à implorer le Seigneur pour que tout
Relisez-vous souvent les livres que vous avez aimés ?
Oui cela m’arrive souvent, comme, par exemple, « Le
Messager » de Leslie Hartley, « A la recherche du
temps perdu » de Proust. Mais je n’ai pas véritablement de livre de chevet. J’aime aussi beaucoup « Le
journal » de Julien Green.
raissent sereins, comme apaisés. Je suis dans cette
même recherche de beauté en ce concerne mes écrits.
Un mot, une phrase, un style que j’essaie toujours de
rendre le plus agréable possible à la lecture.
Le trait principal de votre caractère ?
Soupe au lait. Il m’arrive d’exploser la plupart du
temps pour un rien, mais cela retombe toujours aussi
vite que c’est arrivé. A part ça, bien sur ma timidité.
Selon vous qu’est-ce qu’un bon livre ?
Celui dont on n’arrive pas à sortir. On aimerait bien,
mais il nous en empêche. On veut savoir, on veut
connaitre la fin, le dénouement…
C’est celui aussi dont on aimerait qu’il ne se termine
jamais.
Si vous deviez résumer votre vie en 3 mots ?
Mon mal-être, ma femme, mes enfants.
Si vous ne deviez retenir qu’un lieu en France parmi
ceux que vous avez connus ? Lequel serait-il ?
Le collège où j’ai fait mes études à Paris. Ce lieu malheureusement n’existe plus mais comme c’est près de
chez moi, il m’arrive de temps en temps de repasser
Avez-vous une devise, une ligne de conduite ou de
devant et d’éprouver un grand pincement au cœur.
pensée ?
Essayer d’approcher le beau. Dans la musique, la
rue…J’aurais aimé être, par exemple, un photographe à la recherche du cliché. Pour moi, le beau
est le meilleur chemin qui conduit à la paix. Il y a des
vues à Paris que je trouve sublimes : par exemple,
celle offerte par le boulevard Malesherbes descendant doucement vers l’église Saint-Augustin. Cette
perspective est superbe. Comme disait Oscar Wilde,
« La beauté est dans l’œil de celui qui la regarde ».
Et le mien s’arrête souvent sur des beautés simples
de la vie, les jeux de lumière selon les heures de la
journée, les saisons. Les jeux de nuages dans le ciel,
celui de la mer, la montagne, surtout l’été, elle est
tellement belle ; la vie sur les marchés aussi, ce côté
populaire, cette convivialité, leurs bruits, leurs cris…
Les enfants qui jouent dehors, dans les parcs, et qui
me rappellent tellement de choses... Bizarrement,
une autoroute dans la campagne, sa figure souple,
sa courbe. Je suis très ému aussi par les personnes
âgées que l’on voit marcher péniblement dans la rue
et qui continuent leur chemin dans la vie. Ils me pa-
Quel est le livre que vous préférez ?
Julien Gracq En lisant en écrivant (Cortis, 1980).
Quel est le film que vous préférez ?
Un dimanche à la campagne. Mais j’apprécie aussi
beaucoup l’équipe du Splendid, Louis de Funès et
Jacqueline Maillant.
Quel est la musique que vous préférez ?
Jeux d’eau de Ravel, Le deuxième concerto pour piano de Prokofiev, les variétés des années 60, le rock.
Avez-vous besoin d’un cadre particulier pour écrire ?
Chez moi, dans une pièce que je connais par cœur et
qui est mon petit bureau. C’est le seul endroit où je
puisse écrire. De là, j’aperçois par la fenêtre certains
éléments comme le ciel, indispensables à mon inspiration.
Avez-vous aujourd’hui la vie que vous rêviez d’avoir ?
tout ce que cela implique. Pour Deux garçon sans histoire, bien qu’il s’agisse d’un roman, on y retrouvera
quand même un personnage, en l’occurrence Sébastien, qui n’est autre que mon double. Les deux autres
ouvrages sont consacrés à ma passion pour l’histoire
Oui, j’ai vraiment la vie dont je rêvais. J’ai une et plus précisément à mon attachement pour l’hisépouse merveilleuse, des enfants formidables. Pour toire du XIXème siècle qui fut à mon sens un siècle
le côté obscur, c’est vrai que la vie vous réserve par- de grands bouleversements politiques et sociaux. Sa
fois des événements douloureux : la perte de notre connaissance est indispensable pour comprendre le
premier enfant à la naissance, cela a été un moment monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
extrêmement difficile, mais ce bébé reste pour moi un
lien privilégié avec le Ciel, avec Dieu, il fait partie Il s’agit de la production d’une vie
intégrante de notre vie. Il y aussi le décès de ma mère
dû à la maladie d’Alzheimer, et celle de mon père, qui Effectivement, j’ai commencé à écrire mon premier
s’est laissé en quelque sorte mourir de chagrin. Cette à la fin des années 70, et je n’ai plus jamais arrêté
maladie marque profondément l’entourage.
depuis. Ces cinq ouvrages sont le résultat de trente
années de travail. Il faut dire que j’ai passé mon enEn France on dit que le gâteau des succès littéraires fance et mon adolescence à observer la vie et non pas
ne se partage qu’en très petit comité ? Pensez-vous à la vivre, ce qui m’a permis d’accumuler une formique c’est vrai ou qu’au contraire chacun à sa chance ? dable et inépuisable ressource qui m’a servi par la
suite dans l’écriture de ce qui compose aujourd’hui
Je pense que, malheureusement, tout le monde n’a ma collection.
pas sa chance. Beaucoup d’écrivains de talents ont
été refusés par les maisons d’éditions. Les éditeurs ne Dans La fin du parti royaliste, 1889-1890, vous parlez
prennent plus beaucoup de risque. En ce concerne les de la chute du parti royaliste. On dit que c’est un des
auteurs ayant déjà signé chez les éditeurs, je trouve seuls ouvrages en France parlant de cette période de
qu’à partir du moment où un éditeur signe un nouvel notre histoire ?
écrivain, il devrait s’investir plus et moins s’appuyer
sur les éternelles valeurs sûres et les phénomènes de A vrai dire, rares sont les ouvrages qui abordent ce
mode. Mais je comprends quand même que ce n’est sujet et ils le font à chaque d’une façon parcellaire.
pas toujours évident pour un éditeur de miser trop sur Philippe Le Villain l’a fait dans son remarquable Boutous les auteurs.
langer, fossoyeur de la monarchie, mais uniquement
par rapport à l’affaire Boulanger. Oui, on peut affirmer aujourd’hui que je suis le seul auteur en France
ayant pris le temps d’analyser de manière complète
cette épisode de notre histoire. Ce livre est régulièrement cité dans des magazines spécialisés ou encore
dans des livres d’histoire.
D’où vous est venue l’idée ?
La collection « Desaubliaux, l’œuvre d’une vie », à
paraître, comporte cinq ouvrages. Pouvez-vous nous
les présenter ?
L’étude m’a été soufflée par le duc de Castries et
par Louis Girard, professeur à la Sorbonne, grands
spécialistes de la vie politique au XIXème siècle. Ils
m’ont conseillé de travailler ce sujet car il y avait un
vide dans la connaissance de cette période. Ils se sont
rendus compte les premiers qu’il était indispensable
de combler cette lacune de notre histoire. Ce sont ces
deux spécialistes qui m’ont motivé dans l’écriture de
La fin du parti royaliste.
Mes cinq ouvrages sont à classer en deux parties :
les trois premiers, Deux Garçons sans histoire, une tragédie moderne, Monsieur mon passé et Journal du
désespoir ont comme base ma propre histoire, avec
dant longtemps, je l’ai porté en moi. Beaucoup d’endroits, de lieux et de circonstances me rappelaient la
nécessité de l’écrire, un désir incessant, du fait de
Oui, cela fait longtemps que j’avais envie d’écrire un l’endroit où j’habite depuis longtemps et que je n’ai
roman historique. Je me rendais compte de la com- jamais vraiment quitté.
plexité de ce genre d’ouvrage. C’est une écriture qui
m’a beaucoup amusée car elle réveillait en moi l’en- Qu’est-ce qui influence le plus vos choix de lecture?
fant rêveur. Je l’ai écrit en réalité comme un roman
d’aventures, de cape et d’épée, mais basé quand même Je suis très attentif aux critiques de livres dans la
sur un fait historique. Un romancier m’a beaucoup presse, à la télé ou à la radio. Je flâne beaucoup dans
inspiré dans l’écriture du Messager, c’est Jean- Fran- les libraires, je feuillette quelques pages, les 4ème de
çois Parot que j’ai rencontré une fois, lors d’une dé- couverture. Pour le reste, je m’intéresse à certains
dicace, et qui est pour moi une référence. Cet auteur auteurs plus qu’à d’autres…
m’a bluffé dans l’art de ressusciter la vie d’une ville
comme Paris à la fin du XVIIIème siècle par exemple.
Le messager, quant à lui, bien que parlant du royalisme, est plus romancé.
Les trois autres ouvrages Deux garçons sans histoire,
Monsieur mon passé et Journal du désespoir, vous
sont plus proches. Entre roman et récit, ces livres sont
inspirés de votre propre vie ?
Journal du désespoir est un roman où le personnage
principal, Charles-Henry, n’est autre que mon double.
Il correspond à une période douloureuse de ma vie.
Cet ouvrage a été écrit sans recul, dans l’immédiateté
de ma souffrance. C’est un style brut et sans réflexion.
Ce livre était pour moi comme une thérapie, la sortie
d’une période très trouble de ma vie. Monsieur mon
passé quant à lui est un récit, un ouvrage qui parle
de mon enfance et mon adolescence au sein de ma
famille, dans ce milieu bourgeois dans lequel j’ai eu
beaucoup de mal à trouver ma place. Je raconte aussi
quelques rencontres inhabituelles, comme celle avec
Olivier de Funès qui fut dans la même école que moi,
ou lorsque qu’enfant, lors d’une vente de charité, j’ai
eu l’occasion de croiser Daniel-Rops, historien du
christianisme. Je me souviens avoir été impressionné
de voir pour la première fois un écrivain en chair et
en os qui, parce qu’il était écrivain, me paraissait un
être surnaturel, un demi dieu. Pour le troisième ouvrage, Deux garçons sans histoire, il est le plus abouti. Comme Journal du désespoir, c’est un roman où,
là encore, je me suis servi d’un des deux personnages
principaux, Sébastien, pour en faire mon double,
mais romancé.
Lisez-vous parfois les blogs de lecteurs pour trouver
des idées de lecture?
Malheureusement, à part les blogs que les lecteurs ont
eu la gentillesse de me consacrer, je n’en en consulte
pas d’autres. Mais c’est une très bonne idée.
Pouvez-vous lire plus d’un livre à la fois?
Oui cela m’arrive, surtout autrefois, un peu moins aujourd’hui.
E-book ou papier?
Papier. J’ai besoin du contact avec le papier, la
couverture, j’ai besoin de sentir, de toucher. J’ai un
contact charnel avec le livre qui est pour moi indispensable.
En effet, Deux garçons sans histoire est l’un de vos Marque-page ou page cornée?
plus beaux livres et, selon votre éditeur et vous-même,
Marque page, j’ai horreur d’abîmer un livre.
le plus réussi. Pourquoi ?
Lorsqu’il m’arrive de relever un passage ou de souC’est l’œuvre pour laquelle je me suis investi le plus. ligner quelque chose dedans, je le fais au crayon à
Une œuvre qui me touche et me confond au plus près. papier. J’ai un grand respect pour le livre car pour
Beaucoup de ma personnalité est dans ce texte. Pen- moi, c’est une sorte d’être vivant. Du reste, je ne
jette jamais de livres, je préfère les donner, cela me
ferait mal au cœur de voir un livre dans une poubelle. Il m’arrive même de déposer un livre que je
ne désire plus conserver sur un banc en bas de chez
moi, en espérant qu’un badaud le ramasse. Souvent,
je vois quelqu’un s’arrêter, prendre l’ouvrage, en lire
quelques lignes et s’en aller avec.
Comment êtes-vous passé du statut de lecteur à celui
d’auteur? Ce fut progressif, inconscient, inné, ou un
déclic vous a-t-il fait basculer?
Un jour, pour une raison que j’ignore, je me suis assis
devant ma table et j’ai écrit ma première nouvelle.
Quel est votre où vos lectures en cours?
Une pulsion créative sans doute. Après plusieurs petits textes, j’ai décidé de franchir le cap et d’écrire
« Une forme de vie » d’Amélie Nothomb. Cela m’a mon premier roman, qui est d’ailleurs l’ancêtre de
l’air assez curieux pour l’instant, mais j’aime cette Deux garçons sans histoire.
idée d’échange de lettres entre elle et un soldat américain en Irak.
Depuis que vous écrivez, votre façon de lire a-t-elle
changé?
Abandonnez-vous un livre qui ne vous plaît pas ou
allez-vous jusqu’au bout de la lecture?
Oui bien sûr, maintenant je ne lis plus un livre seulement pour l’histoire ou le plaisir mais parce que
Oui, cela m’arrive, mais je ne m’en débarrasse pas j’essaie d’en comprendre la structure, d’analyser la
totalement. Je le range et j’attends, parfois plusieurs façon dont il est bâti, ses chapitres, sa construction…
années. Quand enfin, je décide de le reprendre, c’est
que je suis prêt pour le relire et l’apprécier.
Merci encore, Marc, de nous avoir reçu pour cette
interview exclusive. Une dernière question : comme
vous le savez, nous avons créé un blog réunissant tous
Savez-vous déjà quel sera votre prochaine lecture?
vos fans. Avez-vous un mot à leur dire ?
Le dernier Houellebecq. Un auteur que j’apprécie Merci infiniment, et j’espère que ce nouveau roman
particulièrement.
vous plaira ! Et juste un petit mot pour finir : je reçois
bien tous vos mels, je ne réponds pas très vite mais je
Vous considérez-vous comme un boulimique ?
réponds quand même. Et merci encore !
Je pense oui. Je lis deux à trois heures par jour.
Votre écriture influence-t-elle vos lectures? Par
exemple, si vous écrivez ou venez d’écrire un polar
sanglant et angoissant, compensez-vous par des lectures d’un genre totalement opposé, ou vous immergez-vous complètement dans un même univers?
Je m’éloigne bien volontiers des livres qui traitent
des mêmes sujets que moi, surtout quand je suis moimême en cours d’écriture.

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