Marchés publics - Canadian International Trade Tribunal

Transcription

Marchés publics - Canadian International Trade Tribunal
Tribunal canadien du
commerce extérieur
TRIBUNAL
Canadian International
Trade Tribunal
CANADIEN
D U C OM M E R C E
E XT É R I E U R
Marchés
publics
DÉCISION
ET MOTIFS
Dossier no PR-2013-019
Tideland Signal Canada Ltd.
Décision prise
le mardi 29 octobre 2013
Décision rendue
le mercredi 30 octobre 2013
Motifs rendus
le mercredi 13 novembre 2013
Tribunal canadien du commerce extérieur
PR-2013-019
EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le
Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47.
PAR
TIDELAND SIGNAL CANADA LTD.
CONTRE
LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES
GOUVERNEMENTAUX
DÉCISION
Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le
Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.
Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant
Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire
L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.
Tribunal canadien du commerce extérieur
-1-
PR-2013-019
EXPOSÉ DES MOTIFS
PLAINTE
1.
En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, tout
fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce
extérieur sur les marchés publics2, déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur
(le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui
demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir
jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le
Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.
2.
La plainte déposée par Tideland Signal Canada Ltd. (Tideland) porte sur une demande d’offre à
commandes (DOC) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux
(TPSGC) au nom de la Garde côtière canadienne (GCC), un organisme du ministère des Pêches et des
Océans (MPO), pour la fourniture de bouées côtières ou portuaires en plastique de taille moyenne qui
serviront d’aides flottantes à la navigation dans de nombreux endroits au Canada.
3.
Tideland allègue que les spécifications fonctionnelles publiées dans la DOC « comportaient
plusieurs données qui empêchaient expressément » [traduction] ses produits d’être conformes3. Elle soutient
également que l’évaluation des soumissions a été « jugée incorrectement » [traduction] et qu’une
« divergence technique mineure » [traduction] a été utilisée pour rejeter sa proposition4.
4.
À titre de mesure corrective, Tideland demande la réévaluation des soumissions et l’adjudication
d’offres à commandes aux soumissionnaires conformes, selon les procédures d’évaluation décrites dans la
DOC.
PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC
5.
Le 22 novembre 2012, avant la publication de la DOC, la GCC a envoyé par courriel un
questionnaire d’étude de marché à Tideland, et vraisemblablement à d’autres fournisseurs potentiels,
indiquant un besoin de remplacer un très grand nombre de bouées en acier par des bouées en plastique et
demandant à Tideland de fournir des renseignements concernant une de ses bouées qui pourrait remplacer
les bouées en acier. Il était également indiqué dans le courriel que seuls les fournisseurs qui répondaient au
questionnaire en pièce jointe « fer[aie]nt l’objet d’un examen » [traduction], vraisemblablement pour l’appel
d’offres subséquent5.
6.
Tideland indique avoir fourni des renseignements concernant deux modèles de bouées en réponse
au questionnaire susmentionné.
7.
La DOC a été publiée le 22 juillet 2013, et la date de clôture pour la remise des soumissions était le
3 septembre 2013. Une offre à commandes, d’une valeur estimée à 2,5 millions de dollars, a été attribuée le
4 octobre 2013.
1.
2.
3.
4.
5.
L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47 [Loi sur le TCCE].
D.O.R.S./93-602 [Règlement].
Plainte, onglet 1, « 001 Statement of Argument and Facts ».
Plainte aux sections 4D et 5A.
Plainte, onglet 3.
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8.
Le 30 juillet 2013, à la suite de la publication de la DOC, Tideland a envoyé un courriel à TPSGC
pour lui indiquer, premièrement, qu’elle avait déjà un contrat avec la GCC qui pourrait respecter les
exigences fonctionnelles de la DOC et que, deuxièmement, les spécifications contenues dans la DOC
semblaient avoir été rédigées pour exclure ses produits. Tideland a ensuite posé deux questions à TPSGC :
premièrement, elle voulait savoir si l’intention de la GCC était de l’empêcher de fournir un produit offert
dans le commerce en réponse à l’appel d’offres et, deuxièmement, la raison pour laquelle l’offre à
commandes en vigueur n’était pas utilisée.
9.
Le même jour, TPSGC a répondu à Tideland en indiquant, en ce qui concerne la première question,
que la GCC utilisait déjà ses produits et continuerait de le faire et que, en ce qui a trait à la deuxième
question, le produit de remplacement demandé était celui qui correspondait le mieux à « la bouée en acier
actuelle de 1,4 m de diamètre, comportant deux anneaux de levage et deux anneaux d’amarrage de sorte
qu’une bride puisse y être fixée »6 [traduction]. TPSGC poursuivait en indiquant également que si Tideland
pouvait modifier sa bouée pour répondre au besoin énoncé et pour respecter les autres exigences
fonctionnelles, ce produit serait pris en considération.
10.
Il ressort clairement des observations figurant dans la plainte de Tideland qu’elle a présenté une
soumission relativement à la DOC.
11.
Le 8 octobre 2013, Tideland a reçu un courriel de la GCC ayant pour objet « Compte rendu sur le
rejet de votre soumission » [traduction]. Il y était indiqué que la soumission de Tideland avait été rejetée
« puisqu’elle ne respectait pas tous les critères obligatoires et qu’elle n’était pas conforme »7 [traduction]. Le
courriel énonçait ensuite une liste d’éléments non conformes.
12.
Le 10 octobre 2013, Tideland a répondu à la GCC, indiquant qu’elle souhaitait contester le résultat
de l’évaluation. Elle affirmait dans le courriel que « l’évaluation technique comportait des erreurs et des
lacunes importantes et qu’aucun éclaircissement n’avait été demandé relativement aux éléments qui ne
constituaient pas des facteurs de rejet »8 [traduction].
13.
Le même jour, choisissant un critère obligatoire particulier, la GCC a demandé à Tideland si son
« essai d’abrasion » [traduction] avait été effectué selon la norme « ISO 9352 », qui exige que la matière
plastique résiste à 10 000 cycles9. Un bref échange de courriels s’est ensuivi du 10 au 15 octobre 2013, ce
qui a mené à la conclusion que Tideland avait effectué son essai selon la norme « ASTM D4060 », la
matière plastique étant soumise à 1 000 cycles. Tideland affirmait dans un de ces courriels que les deux
normes sont identiques et que, puisque le « rythme d’usure » [traduction] est constant, le résultat des 10 000
cycles peut être calculé par une simple multiplication. La GCC a répliqué que d’autres soumissionnaires
avaient également proposé des essais d’abrasion différents dans leur soumission et qu’ils avaient eux aussi
été rejetés10.
6.
7.
8.
9.
10.
Plainte, onglet 4.
Plainte, onglet 5 aux pp. 6, 7.
Plainte, onglet 5 à la p. 6.
Plainte, onglet 5 à la p. 5.
Plainte, onglet 5 aux pp. 1-3.
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14.
Le 21 octobre 2013, Tideland a déposé sa plainte auprès du Tribunal. Cependant, la plainte a été
jugée non conforme, puisqu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le
TCCE. Le 22 octobre 2013, le Tribunal a reçu des documents supplémentaires de la part de Tideland, à
savoir quatre modifications apportées à la DOC. Conformément au paragraphe 96(1) des Règles du
Tribunal canadien du commerce extérieur11, la plainte a donc été considérée avoir été déposée le 22 octobre
201312.
ANALYSE DU TRIBUNAL
15.
Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conformément au
paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes
sont satisfaites avant d’entamer une enquête : i) la plainte est déposée dans les délais prescrits par l’article 6
du Règlement; ii) aux termes du paragraphe 7(1) du Règlement, le plaignant est un fournisseur potentiel;
iii) aux termes du paragraphe 7(1) du Règlement, la plainte porte sur un contrat spécifique; iv) aux termes du
paragraphe 7(1) du Règlement, les renseignements fournis par le plaignant démontrent, dans une mesure
raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’Accord
de libre-échange nord-américain13, au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur14, à l’Accord sur
les marchés publics15, au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange Canada-Chili 16, au chapitre quatorze
de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou17, au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange
Canada-Colombie18 ou au chapitre seize de l’Accord de libre-échange Canada-Panama19, selon le cas.
11. D.O.R.S./91-499 [Règles].
12. Le paragraphe 96(1) des Règles prévoit ce qui suit : « La plainte est considérée avoir été déposée : a) soit à la
date où le Tribunal la reçoit; b) soit, dans le cas d’une plainte non conforme au paragraphe 30.11(2) de la
Loi, à la date à laquelle le Tribunal reçoit les renseignements relatifs aux points à corriger pour rendre la
plainte conforme à ce paragraphe » [nos italiques].
13. Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis
d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en
vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].
14. 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.aitaci.ca/index_fr/ait.htm>.
15. 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.
16. Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili,
R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en
vigueur le 5 septembre 2008.
17. Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères
et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/peruperou/chapter-chapitre-14.aspx?lang=fra> (entré en vigueur le 1er août 2009).
18. Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires
étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agracc/colombia-colombie/can-colombia-toc-tdm-can-colombie.aspx?lang=fra&view=d> (entré en vigueur le 15 août 2011).
19. Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires
étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agracc/panama/panama-toc-panama-tdm.aspx?lang=fra> (entré en vigueur le 1er avril 2013).
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16.
Dans son analyse, le Tribunal n’examinera que les questions de savoir si la plainte a été déposée
dans les délais prescrits et si elle indique, de façon raisonnable, qu’il y a eu violation des accords
commerciaux susmentionnés. Il est évident pour le Tribunal que les deux autres conditions sont remplies :
Tideland est un fournisseur potentiel, et la plainte porte sur un contrat spécifique20.
Délai
17.
L’article 6 du Règlement prévoit des délais relativement au dépôt d’une plainte concernant un
marché public.
18.
Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que « [...] le fournisseur potentiel qui dépose une plainte
auprès du Tribunal [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû
vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ».
19.
De plus, le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que « [l]e fournisseur potentiel qui a présenté à
l’institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et
à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables
suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son
opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement
découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».
20.
Par conséquent, pour savoir si le paragraphe 6(1) ou 6(2) du Règlement s’applique à une plainte, il
faut d’abord déterminer si une opposition a été présentée ou non à l’institution fédérale concernée.
21.
En ce qui concerne les faits de l’espèce, l’analyse menée aux termes de l’article 6 du Règlement
comprend nécessairement un bref examen des dispositions pertinentes des accords commerciaux. Le
paragraphe 1007(1) de l’ALÉNA prévoit que chacune des parties « [...] fera en sorte que les spécifications
techniques établies, adoptées ou appliquées par ses entités n’aient pas pour but ni pour effet de créer des
obstacles non nécessaires au commerce ». L’article 1007 indique ensuite que toute spécification technique
prescrite par ses entités doit être définie en fonction des propriétés d’emploi du produit plutôt qu’en fonction
de la conception ou de caractéristiques descriptives. Les autres accords commerciaux contiennent des
exigences semblables concernant les spécifications techniques.
20. Premièrement, le MPO est inclus dans l’annexe 1001.1a-1 du chapitre 10 de l’ALÉNA. Deuxièmement, le
paragraphe 1 de l’annexe 1001.1b-1 prévoit que le chapitre « [...] s’applique à tous les produits, sauf dans la
mesure prévue aux paragraphes 2 à 5 et à la section B ». Parmi les divisions mentionnées, les paragraphes 3, 4 et
5 de l’annexe 1001.1b-1 ne concernent pas le Canada, et la section B énumère certains produits. Cette liste ne
comprend pas les marchandises en cause dans le cadre de la présente plainte. Le paragraphe 2 de l’annexe
1001.1b-1 concerne le Canada et prévoit ce qui suit : « Pour ce qui concerne le Canada, les produits listés à la
section B qui sont achetés par le ministère de la Défense nationale et la Gendarmerie royale du Canada sont inclus
dans le champ d’application du présent chapitre, sous réserve des dispositions du paragraphe 1018(1). » Le
paragraphe 1018(1) prévoit essentiellement qu’aucune disposition du chapitre 10 ne sera interprétée comme
empêchant une partie à l’ALÉNA de prendre des mesures pour la protection de ses intérêts en matière de sécurité.
Par conséquent, le paragraphe 2 de l’annexe 1001.1b-1 comprend essentiellement les produits énumérés à la
section B inclus dans le champ d’application du chapitre 10, mais rend possible leur achat de façon restrictive si le
gouvernement du Canada décide d’invoquer le paragraphe 1018(1) pour des raisons de sécurité nationale.
Puisque les marchandises en cause dans la présente plainte ne figurent pas dans la section B, cette « exclusion »
possible pour des raisons de sécurité nationale ne s’applique pas; par conséquent, l’indication figurant au
paragraphe 1 de l’annexe 1001.1b-1 selon laquelle le chapitre 10 « s’applique à tous les produits » s’applique à
juste titre aux marchandises en cause, qui sont visées par l’ALÉNA. Troisièmement, la valeur du contrat en cause
– estimée à 2,5 millions de dollars – est supérieure au seuil indiqué pour être visé par l’ALÉNA. Enfin, Tideland,
située en Ontario, est un fournisseur potentiel.
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22.
En gardant à l’esprit la teneur du courriel du 22 novembre 2012 de la GCC et la publication
subséquente de la DOC le 22 juillet 2013, on peut conclure que le premier motif de plainte de Tideland,
selon lequel les spécifications fonctionnelles figurant dans l’appel d’offres « comportaient plusieurs données
qui empêchaient expressément »21 ses produits d’être conformes, concerne les spécifications techniques de
la DOC. De plus, à la lumière de ce même courriel, suivi par la publication de la DOC, Tideland a découvert
les faits à l’origine de sa plainte à la date de publication de la DOC, soit le 22 juillet 2013. Il est raisonnable
de conclure que le courriel de Tideland du 30 juillet 2013, envoyé six jours ouvrables après la date de
publication de la DOC, était suffisamment précis pour constituer une opposition. Toutefois, à la suite de la
réponse de la GCC le même jour, qui peut raisonnablement être interprétée comme un refus de réparation,
Tideland n’a déposé une plainte auprès du Tribunal que quelques mois plus tard, soit le 21 octobre 2013. Par
conséquent, aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement, le Tribunal conclut que le premier motif de
plainte n’a pas été déposé dans le délai prescrit.
23.
En outre, les accords commerciaux contiennent des exigences relativement à l’évaluation des
soumissions. Ainsi, par exemple, l’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit que l’adjudication des marchés
s’effectuera conformément « [...] aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation
relative à l’appel d’offres [...] ». Le deuxième motif de plainte de Tideland, selon lequel l’évaluation des
soumissions a été « jugée incorrectement » et qu’une « divergence technique mineure » a servi à rejeter sa
proposition, concerne essentiellement l’évaluation des soumissions22.
24.
Pour ce qui est de son deuxième motif de plainte, il semble que Tideland a découvert les faits à
l’origine de l’opposition qu’elle a présentée à la GCC concernant l’évaluation de sa soumission le 8 octobre
2013. Le courriel de Tideland du 10 octobre 2013, envoyé deux jours ouvrables plus tard, était
suffisamment précis pour constituer une opposition. De plus, il est raisonnable de conclure que les courriels
que la GCC lui a envoyés par la suite, qui ont mené au courriel du 15 octobre 2013, étaient suffisamment
clairs pour constituer un refus de réparation. Tideland a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 21 octobre
2013 et, étant donné la nécessité de corriger une lacune, cette plainte a été considérée avoir été déposée le
22 octobre 2013, soit cinq jours ouvrables après le dernier courriel de la GCC. Par conséquent, aux termes
du paragraphe 6(2) du Règlement, le Tribunal conclut que le deuxième motif de plainte de Tideland a été
déposé dans le délai prescrit.
Indication raisonnable d’une violation
Essai d’abrasion
25.
La section 2.3.3.4, « Résistance à l’abrasion », de l’annexe B, « Spécifications fonctionnelles », de
la DOC prévoit ce qui suit :
En général, l’enveloppe de la bouée doit pouvoir résister aux charges d’abrasion produites par la
glace en mouvement lent ou les débris dans les rivières, quelles que soient les températures de
fonctionnement. Des essais d’abrasion doivent être réalisés sur l’enveloppe de la bouée,
conformément à la spécification d’essai normalisée ISO 9532 « Abrasion Resistance of Rigid
Plastics » (essai Taber) à l’aide d’une roue CS-17 et d’une charge de 1 kg. L’enveloppe doit résister
à tout type d’usure lorsqu’elle est soumise aux conditions présentées à l’annexe A 23.
[Traduction]
21. Plainte, onglet 1, « 001 Statement of Argument and Facts ».
22. Plainte aux sections 4D et 5A.
23. Il ressort clairement de la modification no 4 de la DOC que la référence est la norme ISO 9352; la mention initiale
de la norme ISO 9532 était donc une erreur typographique.
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26.
Le chapitre 3, « Critères obligatoires », de l’annexe C, « Cadre de l’évaluation », de la DOC prévoit
ce qui suit :
Afin de prouver qu’ils ont respecté tous les critères techniques obligatoires, les soumissionnaires
doivent fournir au minimum les éléments suivants :
[...]
•
un énoncé de conformité clair avec tous les éléments obligatoires et essentiels des spécifications
fonctionnelles;
[...]
[Traduction]
27.
Par conséquent, pour ce qui est de la question d’un essai d’abrasion, la DOC établit un critère clair
et une exigence essentielle, et, de plus, il ressort clairement des documents déposés par Tideland que les
évaluateurs ont respecté ce critère dans le cadre de leur évaluation. En ce qui concerne expressément l’essai
d’abrasion, il semble donc que la plainte de Tideland, concernant le recours à une « divergence technique
mineure » pour rejeter sa soumission, consiste essentiellement en une affirmation selon laquelle les
évaluateurs ont respecté de façon trop rigoureuse le critère établi.
28.
Le Tribunal a conclu à plusieurs reprises qu’il ne substituera pas son jugement à celui des
évaluateurs. Par conséquent, dans IPSS Inc.24 par exemple, le Tribunal a indiqué ce qui suit :
Il est à noter que, selon le droit applicable, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des
évaluateurs à moins qu’il ne soit établi que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer la
proposition d’un soumissionnaire, qu’ils n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis
dans une soumission, qu’ils ont mal interprété la portée d’une exigence ou qu’ils ont fondé leur
évaluation sur des critères non divulgués.
Charge maximum pratique
29.
Dans le tableau A.2.1 de la section A.2, concernant les exigences fonctionnelles, de l’annexe B de la
DOC, qui porte sur les spécifications fonctionnelles, la section A.2.1.21, intitulée « Charge maximale
d’utilisation des anneaux de levage » [traduction], est suivie de la mention « Se reporter à la section 2.3.3.1 »
[traduction], section qui porte sur les exigences techniques de l’annexe B. Cette section, intitulée « Charge
maximum pratique » [traduction], indique que tous « [...] les accessoires et dispositifs de levage et
d’amarrage doivent présenter un coefficient de sécurité minimal de 5 pendant toute la durée de vie de la
bouée » [traduction].
30.
Dans son courriel du 8 octobre 2013 informant Tideland que sa soumission avait été rejetée
« puisqu’elle ne respectait pas tous les critères obligatoires et n’était pas conforme », la GCC a énuméré un
certain nombre d’éléments non conformes. Un de ces éléments était l’essai d’abrasion, dont il a été question
précédemment, et un autre, concernant la charge maximum pratique, était le suivant25 :
24. (1er octobre 2007), PR-2007-056 (TCCE) à la p. 1; Valcom Consulting Group Inc. (8 avril 2013), PR-2013-001
(TCCE) au para. 26.
25. Plainte, onglet 5 à la p. 7.
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A.2.1.2.3 Charge maximale d’utilisation des anneaux de levage (≥ 5) – Bien qu’un dessin indiquant
certaines des charges exigées ait été fourni, aucun calcul technique détaillé n’a été présenté26.
[Traduction]
31.
Dans sa réponse par courriel du 10 octobre 2013, Tideland a indiqué ce qui suit en ce qui a trait à la
charge maximum pratique :
A.2.1.23 Charge maximum pratique – La documentation exigée pour satisfaire aux exigences de
cette section est qualifiée de « présentation des données (PD) » : présentation des dessins techniques
ou des calculs afin de confirmer le respect de l’exigence. Il incombait aux soumissionnaires de
choisir la méthode appropriée pour démontrer le respect des exigences27.
[Traduction]
32.
Le chapitre 5 de l’annexe C, qui concerne la méthode de notation, définit la PD comme suit :
Présentation des données (PD) : présentation des dessins techniques ou des calculs afin de confirmer
le respect de l’exigence.
[Nos italiques, traduction]
33.
Par conséquent, le courriel susmentionné que Tideland a envoyé en réponse souligne un risque
d’interprétation erronée de la portée d’une exigence par les évaluateurs, en ce sens que ceux-ci semblent
avoir fondé leur évaluation sur les calculs techniques détaillés, alors que le respect de l’exigence semble être
fondée sur les dessins ou les calculs, mais pas nécessairement les deux. Après avoir reçu ce courriel en
réponse de Tideland, il semble que la GCC ait laissé tomber la question de la charge maximum pratique
pour ne se concentrer plutôt que sur la question de l’essai d’abrasion.
34.
Par conséquent, en ce qui concerne le deuxième motif de plainte de Tideland, un aspect de celui-ci
concernant l’évaluation de l’essai d’abrasion est réglé d’avance par la jurisprudence établie, selon laquelle le
Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs à moins de la présence d’un ou de plusieurs
facteurs, qui, en l’espèce, sont absents.
35.
Le deuxième aspect de la plainte, concernant l’évaluation de la charge maximum pratique, évoque
la possibilité que les évaluateurs aient mal interprété la portée d’une exigence et, par conséquent, indique, de
façon raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux.
36.
Cependant, même si le Tribunal décide d’enquêter, Tideland ne pourra devenir un soumissionnaire
retenu puisque sa non-conformité à l’exigence relative à l’essai d’abrasion, qui a été correctement
interprétée et dûment appliquée, demeurera néanmoins présente.
26. À titre informatif, il est à noter que les documents d’appel d’offres renvoient au critère de charge maximum
pratique de nombreuses manières. Dans le tableau A.2.1 de l’annexe B, il est fait référence à la section A.2.1.21,
tandis que dans le tableau A.2.2 de cette même annexe, il est fait référence à la section A.2.2.21. En outre, dans le
tableau 1 du chapitre 4 de l’annexe C, il est fait référence à la section A.2.1.23, et la même mention se répète dans
le tableau 1 du chapitre 5 de cette annexe. La GCC y fait référence dans le courriel susmentionné comme la section
A.2.1.2.3. Le point supplémentaire entre le « 2 » et le « 3 » constitue vraisemblablement une erreur typographique.
Dans sa réponse du 10 octobre 2013 au courriel de la GCC, Tideland y fait référence sans le point supplémentaire,
soit la section A.2.1.23. Il y a une certaine cohérence globale car on parle de « charge maximale d’utilisation des
anneaux de levage » ou de « charge maximum pratique ».
27. Plainte, onglet 5 à la p. 5.
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37.
Tideland demande au Tribunal d’adjuger une offre à commandes au « soumissionnaire retenu à
juste titre » [traduction]. Cependant, étant donné qu’aucun autre soumissionnaire dont la proposition
pourrait avoir fait l’objet de la même interprétation éventuellement erronée de l’exigence relative à la charge
maximum pratique n’est connu du Tribunal, il n’est pas indiqué de permettre à Tideland de maintenir une
plainte pour le compte de parties qui pourraient exister en théorie, mais qui n’ont pas déposé de plaintes.
38.
Par conséquent, bien que le Tribunal conclue que la plainte indique, de façon raisonnable, que le
marché public n’a pas été passé conformément aux accords commerciaux applicables, il n’enquêtera pas sur
la plainte puisqu’une enquête n’aurait aucun effet pratique, en ce sens qu’elle ne modifierait pas le résultat
de la procédure de la DOC. Le Tribunal appuie ce raisonnement sur la jurisprudence énoncée dans
E. H. Industries Ltd. c Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux)28, dans
laquelle la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit :
[...] pour interpréter correctement les paragraphes 7(1) et (2), il faut tenir compte du fait que les
fonctions dont le Tribunal s’acquitte sont de nature administrative. En d’autres termes, la décision de
recevoir ou non une plainte et d’enquêter sur celle-ci n’est pas une décision juridictionnelle. Elle
constitue en grande partie une décision discrétionnaire du TCCE envers laquelle il convient de faire
preuve d’une grande retenue, ainsi qu’il en ressort à l’évidence du paragraphe 7(2) qui prévoit que,
même lorsque les conditions énumérées au paragraphe (1) sont réunies, le TCCE peut quand même
décider de ne pas enquêter sur la plainte.
39.
Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte.
DÉCISION
40.
Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter
sur la plainte.
Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant
28. 2001 CAF 48 (CanLII).