PRIME OU RECLASSEMENT

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PRIME OU RECLASSEMENT
EN COUVERTURE
Par Ronan Darchen
PLAN SOCIAL
PRIME OU
RECLASSEMENT
L’IMPOSSIBLE CHOIX
La négociation des plans sociaux est un dilemme pour le CE :
obtenir la réparation du préjudice de la privation d’emploi ou
renforcer l’aide au reclassement du salarié qui sera licencié ?
Comment préparer l’avenir des salariés quand ces derniers sont
envahis par un sentiment d’injustice et focalisés sur la contestation
de la décision de l’employeur ? Mais attention, le retour à l’emploi est loin
d’être une formalité et l’aide au reclassement s’avère indispensable.
es représentants du personnel sont
partagés lors de ces débats qu’ils n’ont
pas choisis. Quand le motif économique
n’est pas évident, voire absent, le
contentieux menace et l’envie de faire
payer l’entreprise ou le groupe décisionnaire est alimentée par les salariés
ulcérés. Quand la fermeture de l’usine est inévitable, la
récompense pour bons et loyaux services prime aussi.
Solder le passé avec un chèque-valise participe au deuil
du salarié, que l’employeur l’accepte ou non, que l’entreprise se porte bien ou qu’elle soit placée en liquidation. Dans ces situations, le juste prix n’existe pas.
L
1/ LA PRIME DE DÉPART
Il est aussi des situations ou l’employeur (Air France ou
Société Générale, par exemple) « dégraisse » en ouvrant
des plans de départs volontaires assortis d’incitation
financière. Le départ volontaire bénéficie toujours
d’une meilleure acceptation sociale, car les salariés sollicitent la rupture du contrat au lieu d’être désignés par
des critères bancals. En contrepartie, l’entreprise limite
les litiges puisque la rupture, certes pour motif économique, intervient d’un commun accord. Quelle position
adopter pour les représentants du personnel pris entre
la bataille pour le maintien de l’emploi et la qualité
du reclassement d’un côté, et la colère des salariés qui
veulent faire payer l’employeur pour cette décision
brutale d’un autre côté ?
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Juillet-Août 2013 SocialCE n°65
Le cadeau empoisonné
Aussi tentante soit-elle, à long terme, la prime de départ
volontaire peut se révéler être un piège pour les salariés
qui l'acceptent sans assurance du lendemain. La différence
est grande en effet entre le salarié en fin de carrière qui
fait un « pont » avec une prochaine retraite, celui qui
réalise enfin son rêve de création d’entreprise, de reconversion professionnelle ou qui a déjà en main son futur
CDI, et ceux qui se retrouvent désarmés parmi les
millions de demandeurs d’emploi, ayant parfois même
refusé le congé de reclassement ou le contrat de sécurisation professionnelle pour maximiser le montant du
chèque sans en mesurer les incidences sur les délais de
carence, les durées et montants des allocations de Pôle
emploi.
Difficile de combattre l’illusion créée par un chèque de
plusieurs milliers d’euros pour le salarié qui ne peut
compter que sur son ancienneté dans l’entreprise pour
gagner quelques euros de plus que le Smic. Solder un
crédit, remplacer la voiture, partir enfin en vacances,
offrir le cadeau refusé si longtemps aux enfants, toutes
ces raisons ont leur légitimité, mais accélèrent le moment
où la précarité sera la réalité quotidienne de la famille. Il
leur faut alors retrouver un salaire, mais l’emploi est rare
et l’ex-salarié n’est pas préparé à affronter cette dure
quête d’un nouveau travail. « C’est notre plus grande
crainte », expliquent les élus du CE Spanghero à la sortie
d’une assemblée générale sur le PSE. « Les salariés sont
déterminés à ne pas vivre une fermeture au tarif minimum.
Les responsables doivent indemniser les salariés qui ne
sont pour rien dans cette liquidation, mais ce ne sera pas
suffisant. Ici dans l’Aude, pas un employeur de Castelnaudary (11) ne peut reprendre 240 salariés. Nous
craignons des accidents de vie. » L'Aude fait partie de la
région Languedoc-Roussillon marquée par le plus
grand taux de chômage de France. Le département
atteint déjà les 14 % de la population active recensée
parmi les demandeurs d’emploi : maintenir ou faire venir
les entreprises est la seule alternative à la mobilité pour
les salariés et à la désertification du territoire. L’effort
de revitalisation des bassins d’emploi semble rester
embryonnaire. À Carcassonne, 40 kilomètres plus loin
dans le département, la grosse centaine de salariés
de Pilpa, estimant le reclassement insuffisant, réclament
27 millions d’euros au groupe qui les lâche. Faute
d’emploi, de l’argent pour dédommager le présent et
sécuriser l’avenir ?
« Quand l’employeur paie, au moins c’est clair et certain.
Tandis qu’avec les promesses de reclassement, nombreux
sont ceux qui attendent encore les CDI promis par la cellule
emploi il y a six ans », témoigne cet élu de CE, qui après
avoir connu la liquidation de Maxi Livres fin 2006,
vient de vivre celle de Game France, l’enseigne de jeux
vidéo dont seulement quelques magasins ont été repris
par Micromania. « Nous sommes des vendeurs et notre
quali-fication vient des produits que nous proposons.
L’outplacement (reclassement externe, ndlr), les préparations d’entretiens, c’est bon pour les cadres. Notre apprentissage se fait sur le tas : avant-hier des livres, hier des
consoles et jeux vidéo, demain des tablettes et Smartphones ou de l’équipement de loisir, peu importe, je ne suis
pas feignant. Par contre, je ne pense pas que le cabinet de
reclassement transforme ma recherche d’emploi à moins
de m’apporter un poste sur un plateau. Ce dont j’ai besoin,
c’est d’une sécurité financière pour ma famille, payer mon
loyer et que mes démarches ne soient pas découragées
parce qu’elles sont trop coûteuses. Croyez-moi, chercher du
boulot ce n’est pas gratuit : écrire, appeler, s’habiller, se
déplacer. Je dépense plus au quotidien pour trouver un
travail que lorsque j’allais à la boutique. » D’autant qu’ici
l’indemnisation est mince, car en cas de liquidation le
plan social est financé par l’AGS (Assurance Garantie
des Salaires) au minimum légal et donc sans la fameuse
valise.
Un désengagement de l’employeur
Les têtes tournent facilement quand le montant dépasse
le salaire annuel. Quoi de plus normal ? Plongé dans son
quotidien, le salarié a rarement l’occasion de se projeter
aussi loin et de pouvoir essayer d’oublier ce qu’il subit.
D’un coup, il se prend à rêver quand il n’est pas seulement rassuré. Sans doute faut-il voir une différence entre
le chèque d’incitation au départ versé au salarié qui se
porte volontaire parce qu’il a un projet mûrement réfléchi et saisit l’opportunité de se substituer au collègue
menacé et la somme arrachée en compensation de la
perte d’emploi par les salariés dont le lendemain n’est
pas connu. Les professionnels de l’emploi et les experts
qui accompagnent les CE le disent tous. La situation de
l’emploi est fortement dégradée, ne s’améliore pas et les
conditions de retour au travail sont généralement plus
difficiles aujourd’hui qu’hier. Faire l’économie d’un appui
au reclassement n’est pas un bon calcul.
En outre, peut-on admettre que l’employeur se désengage
de toute responsabilité en payant ? Il est de son devoir de
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REPÈRES
trouver et de financer un soutien pertinent pour les
salariés licenciés à défaut de leur proposer un nouvel
emploi immédiatement.
Le chèque-valise revient pour l’employeur à tirer un trait
définitif sur le salarié, à payer et souvent s’exonérer de
sa responsabilité de reclassement. Tourner la page vaut
pour les deux parties, et n’est pas nécessairement
gagnant celui qu’on croit : à l’image de la valise bourrée
de billets emportée par le salarié se substitue celle de la
valise déposée à la gare par l’employeur et un travailleur
qui reste à quai sans ticket pour remonter dans le train.
Car l’obligation de reclassement suite à un licenciement
est une obligation de l’employeur uniquement lorsque la
rupture du contrat de travail est d’origine économique.
Elle s’applique donc qu’il y ait PSE (Plan de Sauvegarde
de l’Emploi) ou non et mérite, pour les licenciements
individuels ou collectifs de moins de 10 salariés, une
vigilance particulière du CE, puisque la publicité sera
probablement inexistante et qu’il n’y a pas de commission de suivi obligatoire. L’employeur ne peut soumettre
l’octroi d’une indemnité supra légale ou conventionnelle
de licenciement au renoncement au dispositif du congé
de reclassement ou du contrat de sécurisation professionnelle.
2/ LE RECLASSEMENT
Dans son rapport sur le Contrat de Sécurisation
Professionnelle (CSP) rendu en avril dernier, l’Igas
(Inspection générale des affaires sociales) montre l’importance d’une activité salariée en cours de CSP, c’est
« un tremplin pour le retour à l’emploi durable. »
Aujourd’hui, le congé de reclassement a été adapté
pour permettre le retour le plus rapide possible à l’emploi, moyen le plus sûr pour la réinsertion des salariés
licenciés. Initialement la reprise d’un travail, temporaire
ou en période d’essai, marquait la fin du congé de
reclassement et constituait donc un frein important à la
reprise d’activité quand le salaire était en retrait ou
quand la pérennité et l’intérêt de l’emploi n’étaient pas
garantis. Depuis, le mécanisme légal a été revu pour
permettre des périodes travaillées durant le congé de
reclassement et des PSE prévoient aussi conventionnellement d’allonger les périodes de congé pour multiplier les expériences. Sur le modèle du CSP, il est aussi
fréquent de négocier une incitation au retour à l’emploi
en versant le solde du congé au salarié qui s’est
reclassé, associant ainsi incitation et sécurisation.
Des performances en demi-teinte
Les cabinets de reclassement existaient avant la crise,
mais force a été de constater leur essor durant l'année
2009, alors que le Pôle Emploi, débordé et en phase
d’économies, allait également sous-traiter le suivi
d’une partie des demandeurs d’emploi à ces cabinets.
Les résultats sont contrastés et donc critiqués. Une étude
du Conseil économique, social et environnemental
(CESE) montre que la quantité et la qualité des emplois
retrouvés laissent à désirer. Mises en œuvre à partir des
années 1980, les cellules de reclassement se sont développées en raison du renforcement des obligations qui
pèsent sur les employeurs pour trouver du travail à leurs
salariés licenciés pour motif économique. Cette tendance
a été encouragée ensuite par l'instauration en 1989
d'une aide financière, aujourd’hui révolue, des pouvoirs
publics au profit des entreprises qui mettaient en place
ces antennes emploi. Selon Gérard Cherpion, député
(UMP) des Vosges et auteur d'un avis sur la question en
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Reclassement ou CSP ?
Selon l’effectif de l’entreprise ou du groupe d’une part, selon la situation économique de l’entreprise d’autre part,
le dispositif proposé au salarié diffère : congé de reclassement ou contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Taille de l’entreprise ou du groupe (au sens communautaire)
Situation économique
In bonis
(pas de dépôt de bilan)
Redressement
ou liquidation judiciaire
Moins de 1 000 salariés
Contrat de Sécurisation
Professionnelle
Plus de 1 000 salariés
Congé de Mobilité
et/ou de Reclassement
Contrat de Sécurisation
Professionnelle
2008, le nombre de cellules conventionnées était passé
L’OVE (Offre valable d’emploi) à tout prix conduit à des
de 386 à 708 entre 2008 et 2009, et 85 % des PSE en
propositions inadaptées uniquement pour remplir le
prévoyaient une. Ce recours a suscité le développement
tableau statistique présenté à la commission de suivi du
d'un marché où se côtoient des cabinets de dimension
PSE. Mais doit-on jeter aussi rapidement la pierre à ces
nationale (Algoé, Altedia, BPI, Sodie...), des réseaux
cabinets et oublier que leur intervention est calibrée
(AKSIS) et des structures locales. Mais leurs intervenpar le contrat passé avec l’entreprise qui licencie ? Une
tions ne font pas toujours l'unanimité : en 2007, le
responsabilité à partager, donc, pour le retour à l’emploi
conseil des prud'hommes de Caen a considéré qu'« un
et un devoir de surveillance pour le CE afin que les engagrand nombre (de salariés de Moulinex) ne se sont vu
gements pris soient tenus. Les responsables des cabinets
proposer aucune offre par les cellules de reclassement. »
de reclassement n’ont de cesse de répéter lors des
Pour réparer ce « préjudice », la justice a exigé que
présentations devant les comités d’entreprise qu’il faut
1000 € leur soient versés. Des performances « en demiégalement tenir compte des moyens attribués pour juger
teinte » donc pour les cellules de reclassement, selon la
leur action : « Vous ne parvenez pas aux mêmes résultats
formule du député.
si vous avez quatre, huit ou
Le suivi n'a pas la même utilité pour tous. Ainsi cette
dix-huit mois pour accomCertains cabinets,
salariée d’un groupe de vente à distance licenciée
pagner les salariés. » Et l’emobnubilés
par les
après plus de vingt-cinq ans de maison fait partie
ployeur de rebondir sur l’ardes seniors dont le retour à l’emploi est a priori plus objectifs de reclassebitrage entre la prime et le
difficile encore. Le cabinet de reclassement est alors ment, concentrent
suivi !
supposé lui apporter un soutien renforcé, mais elle leurs actions sur
Du temps et des moyens, bien
n’est pas convaincue. « Au premier entretien, j'ai
sûr, mais aussi une expérience
les salariés les plus
beaucoup parlé de moi, se souvient-elle. Quinze jours
des dispositifs, des acteurs
plus tard, pour le second, j'ai décidé de laisser davan- proches de l'emploi.
et une bonne connaissance
tage la parole à mon interlocutrice, pour qu'elle me
du bassin d’emploi et des
présente les démarches, qu'elle me conseille des offres... »
métiers exercés par les salariés sont indispensables, car
En un mois, la consultante ne lui a pas suggéré une seule
beaucoup se joue dans l’articulation des dispositifs négooffre d'emploi. Et cette ex-salariée ne garde pas un
ciés dans le PSE avec les services publics de l’emploi
meilleur souvenir des ateliers collectifs proposés par le
pour avoir un effet de levier. Dans les entreprises ayant
cabinet pour présenter le bassin d'emploi, rédiger son
conclu un accord collectif relatif à la gestion prévisionCV, préparer des entretiens... « Cela n'a pas été d'une
nelle des emplois et des compétences (GPEC), un congé
grande utilité, pour moi comme pour les anciens collègues
de mobilité peut être proposé à la place du congé de
avec qui j'en ai discuté. » Elle a retrouvé depuis un emploi
reclassement si l’accord le prévoit et permettre alors une
intérimaire, toujours dans son métier du recouvrement
intervention plus confortable du cabinet de reclassedes impayés, mais uniquement grâce à ses démarches
ment. C’est le sens de l’Espace Mobilité Emploi prévu par
personnelles, en diffusant son CV sur plusieurs sites
l’accord signé en avril 2012 à l’unanimité des organiInternet et en sollicitant des agences d'intérim.
sations syndicales représentatives chez Philips pour
anticiper les évolutions d’activité : le salarié dont l’emploi est déclaré sensible peut se porter volontaire pour
Une responsabilité partagée
construire un projet de repositionnement interne ou
Les cabinets de reclassement ne sont pas toujours armés
externe au groupe et définir le moment où il quitte
pour répondre aux appels d’offres des entreprises et
l’entreprise. Une façon plus douce de gérer les transis’avancent pour décrocher des marchés sur des engagetions, qui ne permet pas toutefois d’éviter les PSE, est
ments qu’ils ne savent pas tenir. Exemple : cet établissealors de proposer le congé de reclassement aux salariés
ment où un même salarié était parfois suivi par plusieurs
dont l’emploi est supprimé et qui n’auront pas opté en
consultants différents, au détriment de la qualité de
amont pour le congé de mobilité. L’intervention du
l'accompagnement. La politique du chiffre dicte aussi
cabinet de reclassement fait donc partie des sujets de
les comportements : certains prestataires obnubilés par
négociations avec l’employeur : organisations syndicales
les objectifs de reclassement concentrent leurs actions
et comité d’entreprise ont leur mot à dire sur le traitesur les salariés les plus proches de l'emploi et les plus
ment des suppressions d’emploi et les moyens déployés
motivés, délaissant ceux qui ont le plus besoin d’aide et
pour faciliter le retour à l’emploi.
qui feront partie des « pertes incompressibles ».
«
»
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PLAN SOCIAL
du PSE passée, l’employeur peut être tenté de n’être
concentré que sur son entreprise et moins assidu au suivi
de ceux qu’il a licenciés pour sauvegarder sa compétitivité.
Car le cabinet de reclassement est aussi un formidable
outil pour externaliser la gestion du PSE, un sas psychologique quand la décompensation guette le salarié.
Exiger du salarié licencié la performance de retrouver un
emploi en un temps record quand les indicateurs économiques sont au rouge n’ajoute-t-il pas à la pression de la
perte de son travail ? La commission de suivi doit savoir
se montrer vigilante sur la fragilisation des uns, les
besoins de soutien renforcé des autres, le financement
complémentaire utile pour l’aboutissement d’un projet,
le besoin de prolonger un accompagnement. Autrement
dit, la commission assure un suivi, mais doter la commission de réelles prérogatives décisionnaires est important
pour que les représentants du personnel pèsent sur la
mise en œuvre du PSE.
Participer au suivi du reclassement
L‘action du comité d’entreprise ne va pas se limiter au
choix du cabinet de reclassement. Certains CE vont plus
loin, comme celui de cette entreprise de Luxeuil-lesBains où les élus ont décidé de gérer en interne la cellule
pour les 50 salariés licenciés en coordination avec
Transitio, la filiale de l’AFPA et le Pôle Emploi : visite des
entreprises pour distribuer les CV et vanter les compétences des salariés, forum emploi, création d’une pièce de
théâtre pour souder le collectif et mobiliser les acteurs
régionaux, panneaux sur les bords de la voie rapide, non
plus pour dire non à la fermeture, mais oui à l’emploi…
Une implication qui n’est pas donnée à tous.
Plus rationnellement, la commission de suivi joue systématiquement un rôle essentiel pour maintenir le cap et
pousser l’entreprise et le cabinet de reclassement à tenir
les objectifs, car le relâchement ne guette pas que celui
qui perd son emploi… Une fois la tension de la procédure
FOCUS
3/ LE RÔLE DU CE
Définir le cahier des charges
Plus aucun PSE n’omet désormais la présentation d’un
cabinet de reclassement, en distinguant la phase préalable à l’avis du CE sur le PSE et celle postérieure à la
notification des licenciements. Il est classique de proposer un point d’information (les appellations EME, PIC ou
EIC pour Espace mobilité emploi, Point info conseil ou
Espace info conseil) pendant la procédure de consultation, si le CE donne son accord
en considérant qu’il n’y a pas
Les engagements
anticipation sur ses avis et la
du cabinet de
négociation des mesures sociales.
Ce temps est logiquement
reclassement et de
ouvert à tous pour prendre
l'employeur portent
connaissance des possibilités
sur la définition et
internes et externes d’emploi,
le nombre d'offres
envisager un départ volontaire,
valables d'emploi.
se renseigner en vue d’une VAE
(Validation des acquis de l’expérience) ou d’une formation.
Une fois la consultation sur le PSE achevée, le PIC
devient Antenne Emploi ou cellule de reclassement
pour accueillir les salariés licenciés. Les engagements
formels de la cellule et de l’employeur vis-à-vis des
licenciés portent alors sur la définition et le nombre
d’offres valables de reclassement (OVR) ou d’offres
valables d’emploi (OVE), les permanences, les consultants mis à disposition, les animations prévues (forum
entreprises, visites, ateliers de techniques de recherche
d’emploi pour la rédaction de CV, simulation d’entretiens, reconstitution du parcours professionnel, établissement d’un bilan de carrière, possibilité d’envisager
une certification ou un parcours de formation).
Le débat se focalise souvent sur la définition de l’OVE, car
elle correspond à la qualité et à la quantité d’emploi que
le cabinet va s’efforcer de proposer au licencié qui adhère
à la cellule. Le cabinet insistera sur sa capacité à trouver
des offres sur le marché « caché », sa connaissance des
entreprises locales pour collecter des opportunités, sa
crédibilité pour présenter les candidats et son talent
pour aider le salarié licencié à « réveiller » et étendre son
réseau personnel pour faire connaître ses candidatures.
Le CE pourra rappeler les freins liés à la mobilité, à l’ancienneté, la spécialisation ou l’absence de qualification
du personnel au niveau minimal de salaire attendu, mais
aussi les besoins de formation pour éviter les vaines promesses. Au final, l’OVE va définir la nature de l’emploi
visé, le niveau de rémunération réaliste, le périmètre
géographique de prospection et valider ce qu’est un
emploi durable et une offre réelle : simple entretien
d’embauche où les candidats se bousculent ou offre
personnalisée d’un contrat de travail ?
Si l’employeur est responsable et finance l’accompagnement du PSE dont le cabinet est une des mesures, le comité
d’entreprise est consulté sur ce choix et peut proposer
d’autres intervenants comme mesure alternative. Il est
légitime d’organiser une audition des candidats à l’accompagnement des salariés. Le CE cherchera à adapter la
prestation aux caractéristiques et besoins de la population concernée par le licenciement : permettre l’accès du
cabinet de reclassement à tous, que le CSP ou le congé de
reclassement soit accepté ou refusé, l’ouvrir au conjoint
en cas de mobilité géographique, prévoir une durée plus
importante pour les salariés les plus fragiles (âge, ancienneté, handicap, faible qualification), fixer les lieux et jours
de permanence du cabinet.
«
»
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« Des dispositifs de reclassement utiles »
Le Pôle Emploi mène des
études comparatives pour
évaluer la performance de
ses dispositifs et compare
ainsi le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) à
l’accompagnement classique.
Les données disponibles
datent d’avant la crise de
2008 et portent sur la
convention de reclassement
personnalisé (CRP) et le
contrat de transition professionnelle (CTP) qui ont été
aménagés, puis fusionnés
en septembre 2011 pour
donner naissance au CSP.
Il ressort que parmi les
salariés licenciés pour motif
économique, ceux qui
optent pour les dispositifs
de reclassement sont plus
nombreux à retrouver un
emploi « durable » de plus
de six mois (CDD ou CDI).
L’écart était de 10 à 15
points après 18 mois en
faveur de ceux qui ont choisi
le soutien au reclassement,
mais ne concernait finalement qu’un salarié sur deux
(55 à 60 % pour les CTP et
CRP et 46 % pour ceux sans
dispositif en 2008). L’étude
pointe toutefois le profil des
salariés comme un élément
important de la réinsertion
professionnelle.
Ainsi, les licenciés économiques auxquels le CTP
ou la CRP n’ont pas été proposés étaient en moyenne
moins qualifiés et occupaient
des emplois plus précaires
avant leur licenciement.
Une majorité de licenciés
économiques qui ont
retrouvé un emploi sont
globalement satisfaits de
l’emploi retrouvé, quel que
soit l’accompagnement dont
ils ont bénéficié, même si
près d’un tiers se déclarent
plutôt pas, voire pas du tout
satisfaits de leur salaire et
ont réalisé des concessions
pour obtenir un nouvel
emploi (cf. encadré).
Deux tiers des personnes
entrées en CTP ou en CRP
au second semestre 2006
étaient en emploi début
2008. Même si la qualité
de leur emploi a pu se
dégrader, il est observé que
les licenciés économiques
qui ne déclarent aucun
accompagnement renforcé
sont beaucoup moins
souvent en emploi durable
et se déclarent nettement
plus au chômage (32 %,
contre 21 % des bénéficiaires
d’un CTP et 25 % des
bénéficiaires de la CRP)
et un peu plus souvent en
formation ou inactifs.
Quelques caractéristiques
de l’emploi sont à relever :
les bénéficiaires du CTP et
de la CRP sont plus souvent
à temps plein (85 % contre
76 %), moins souvent en
emploi chez un particulier
ou un artisan (7 % contre
14 %) ou dans une entreprise
de moins de 10 salariés
(21 % contre 32 %).
Les licenciés économiques
auxquels aucun accompagnement renforcé n’a été
proposé et qui ont retrouvé
un emploi salarié sont généralement dans des situations
d’emploi moins favorables.
Ils sont plus souvent à
temps partiel (30 %) et
occupent moins souvent
des emplois qualifiés.
Tous les acteurs s’accordent
sur la nécessité du CSP dans
un contexte de chômage
durable et en progression,
puisque toutes catégories
confondues, l’indicateur
conjoncturel de durée du
chômage (ICDC) augmente,
dépassant les 13 mois
pour tous, voire au-delà
pour les plus de 50 ans.
Quel type de concession avez-vous réalisée pour reprendre un emploi ? (En % de personnes déclarant une concession)
Étude 2008 Pôle Emploi
Déménagement
Avec dispositif d’accompagnement
Sans dispositif d’accompagnement
5%
12 %
Temps de transport plus long
13 %
16 %
Baisse de salaire
45 %
39 %
Baisse de qualification
8%
8%
Horaires particuliers
8%
18 %
Durée du travail différente
13 %
13 %
Contrat temporaire
2%
8%
Changement d’activité
5%
8%
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