Le Matin Dimanche | Pierre Maudet dans 48 Heures Chrono

Transcription

Le Matin Dimanche | Pierre Maudet dans 48 Heures Chrono
1er JUILLET 2012
SUISSE
I LeMatinDimanche
EXCLUSIF Grâce au nouveau
«Ce n’est que mercredi dernier que
nous avons eu la confirmation de la tenue de ce sommet, l’un des plus importants politiquement de ces dernières
années, explique Monica Bonfanti.
Mais, heureusement, nous en avons
l’expertise. C’est vraiment une des immenses qualités de Genève.»
responsable du Département
genevois de la sécurité, «Le
Matin Dimanche» a pu pénétrer
hier au cœur du mégadispositif
policier mis sur pied, en trois
jours, pour le Sommet sur
la Syrie. Jamais un conseiller
d’Etat n’aura eu à prendre
en charge aussi vite un tel défi.
Tout près de Hillary Clinton
Texte: Elisabeth Eckert
Photos: Laurent Crottet
et Sébastien Féval
Jack Bauer, le «nettoyeur» de
«24 heures chrono», avait un jour et
une nuit pour sauver le monde. Ensuite,
il se reposait. Depuis jeudi et jusqu’à ce
soir, Pierre Maudet joue, chaque jour,
les «24 heures chrono», mais à la puissance 4. Ce n’est pas comme si, à peine
élu, le miraculé de la droite genevoise
avait eu le temps de prendre connaissance de ses dossiers. Même un peu.
L’au revoir à la famille
Samedi 30, à 7 h 30, à peine quelques
heures après son assermentation, le
tout nouveau magistrat, en charge du
Département de la sécurité, se rend à la
caserne des Vernets. Il vient saluer les
105 gendarmes romands, mobilisés par
le Groupe de maintien de l’ordre (GMO),
conduit par le commandant de la gendarmerie genevoise, Christian CudréMauroux. Le ton est donné: la mission
de ces forces d’élite est d’assurer la sécurité des délégations internationales
qui vont se rendre, d’ici quelques heures, au siège des Nations Unies, pour
tenter d’arracher une solution au drame
syrien. La plus tendue de ces missions
est de protéger la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, descendue à
l’Hôtel Intercontinental et dont «le risque, la concernant, a été jugé élevé»,
nous confie John Bovet, chef du groupe
diplomatique.
Las! Ce samedi, l’engagement de près
de 500 policiers en tout pour ce samedi à
haut risque ne s’arrête pas là. «Outre la
protection du Sommet et celles des missions américaine, russe et syrienne, explique Christian Cudré-Mauroux, nous
avons à faire face à trois manifestations
simultanées»: celle, autorisée, des opposants au régime de Bachar al-Assad
au centre-ville; une seconde, sauvage,
des antifascistes sur la plaine de
Plainpalais et, enfin, une «conférence»
d’un mouvement lié à l’extrême droite
dans un hôtel près de l’aéroport, le
Crowne Plaza. Le but, pour les forces de
l’ordre, est que ces deux derniers rassemblements ne se croisent pas…
Pierre Maudet est immédiatement
dans le bain. Il vient tout juste de prêter
serment, la veille, en tant que septième
conseiller d’Etat du canton de Genève,
après la démission de Mark Muller. La
nouvelle répartition des dicastères lui a
attribué la tête d’un Département de la
sécurité à feu et à sang depuis des mois
entrelessyndicatsdelapolicegenevoise
et leur ex-responsable Isabel Rochat.
Ce matin, à l’aube, Pierre Maudet a
amené sa famille à l’aéroport. Le magistrat devait partir avec elle pour quelques
jours de vacances. Son entrée en fonctions l’en a empêché. Isabel Rochat, à
peine les changements de département
opérés, lui a transmis ses clés…
c Vendredi 29 juin, 11 heures
Le plus jeune des magistrats que Genève ait connus prête serment. L’élu PLR jure de servir la République et canton de Genève. Promesse déjà tenue!
Pierre Maudet dans
«48 heures chrono»
c Vendredi 29 juin, 15 h 30
La veille, il ne savait pas encore qu’il allait travailler dans l’ex-bureau
de Mark Muller.
c Samedi 30 juin, 7 h 30
Le tout nouveau chef de la Sécurité salue les 105 gendarmes venus
de toute la Suisse romande pour assurer la protection des Nations Unies.
c Samedi 30 juin, 9 h 30
Mark Wood, chef de la sécurité de l’ONU, bouscule son programme,
juste avant le sommet. Pierre Maudet et Monica Bonfanti arrivent.
c Samedi 30 juin, 10 h 05
Pierre Maudet attend, avec John Bovet, la sortie de Hillary Clinton.
A l’ONU, et vite!
Samedi, 9h30, départ pour l’ONU avec
la cheffe de la police genevoise Monica
Bonfanti, très sereine, mais tout autant
concentrée, et le très précieux John Bovet. Pierre Maudet s’informe du moindre détail, salue chaque policier. Au
siège des Nations Unies, les ministres
des affaires étrangères – dont les cinq
du Conseil de sécurité – arrivent un à un
avec leur immense caravane de limousines. Dans les couloirs, on croise Kofi
Annan, l’homme à qui a été confiée la
mission d’une transition pacifique en
Syrie.
Contrôle qualité
7
c Samedi 30 juin, 11 heures
Le chef des démineurs Bernard Bersier explique toutes les subtilités du robot qui désamorce les bombes. «Tiens, un robot démineur? J’en aurai
besoin ces prochains mois», glisse, avec son humour, Pierre Maudet.
Samedi, 10 h 05, le nouveau conseiller
d’Etat peut accéder au saint des saints,
l’Hôtel Intercontinental, d’où Hillary
Clinton va partir, avec seize véhicules
pour la plupart blindés. Le directeur
général du palace, Michel Perret, murmure: «C’est bien la première fois que
je vois un magistrat venir saluer ici les
policiers.» Tireurs d’élite planqués,
dans un dispositif ultrasecret, dans
plusieurs chambres du cinq-étoiles;
démineurs, conduits par Bernard Bersier quelques mètres plus loin; brigades
du Secret Service venues directement
de Washington; rues bloquées… A
10 h 05 pile, Hillary Clinton sort, souriante, de l’hôtel. Mais sans s’attarder,
sécurité oblige.
A chaque étape de cette opération
choc, le capitaine à l’armée suisse
Pierre Maudet s’informe. Y compris
sur le fonctionnement du robot qui démine les bombes. «Je vais en avoir besoin dimanche», nous confie-t-il. Et
pour cause. Aujourd’hui, il rencontre le
directeur de la prison de Champ-Dollon, Constantin Franziskakis.
L’été sera chaud
Flashback. La veille, vendredi, dans
son nouveau bureau, dont il a découvert les contours et qui fut celui du magistrat démissionnaire Mark Muller,
un autre sujet chaud l’attendait: celui
de la prison genevoise, une véritable
pétaudière, en surpopulation quasi
permanente. «Politique pénitentiaire», s’intitule la chemise jaune que
lui a laissée sa prédécesseure Isabel
Rochat. Doux euphémisme: «Il va
faire chaud, c’est l’été, confie Pierre
Maudet au «Matin Dimanche», lorsqu’il découvre le pli de quelque 30 pages. «Tout peut porter cette situation
déjà extrême à ébullition.»
Et ce dossier-là semblait l’inquiéter
bien davantage que l’immense tension
qui règne en ville, ce samedi à Genève.
Et pour cause: la compétence impressionnante des forces de l’ordre est applaudie – et c’est peu dire – par le haut
responsable de la sécurité de l’ambassade américaine à Genève, Michael
Limpantsis. «Dans toutes les autres
villes du monde, glisse-t-il à Pierre
Maudet, non seulement les Etats-Unis
assurent seuls l’entier de la protection
de leurs hautes personnalités, mais
encore nous amenons avec nous notre
propre service de déminage. Il n’y a
qu’à Genève où nous pouvons déléguer
beaucoup de ces tâches.»
Ce n’est pas comme si l’ancien
maire de la Ville de Genève, durant
cinq ans à la tête de la Voirie, des pompiers et de la police municipale, avait
eu le temps de prendre possession de
l’un des deux dossiers genevois les
plus explosifs du moment: après le logement, l’insécurité. Jeudi 28 juin,
Pierre Maudet avait dit au revoir à ses
1200 collaborateurs de la Ville. Lors de
la fête d’adieu, il a reçu un Minitel des
services informatiques, un casque de
pompier des SIS et un téléphone rouge
analogique, dont son prédécesseur a
toujours cru qu’il allait sonner, mais
qui restait muet, car il n’était plus
branché depuis longtemps… Aujourd’hui dimanche, il va encore sauter du coq à l’âne, en empoignant le
brûlot de la politique pénitentiaire.
«Ensuite, nous confie-t-il, je m’attaquerai au trafic de drogue et de la criminalité des rues. Je me donne quelques semaines pour rencontrer mes
quelque 3500 collaborateurs, pour observer toutes les problématiques de
mon département, pour y réfléchir, et
surtout pour agir.» x