SIERRA LEONE
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SIERRA LEONE
SIERRA LEONE République de Sierra Leone Population : 5,5 millions (dont 2,7 millions de moins de 18 ans) Forces armées gouvernementales : 10 500 Age du recrutement obligatoire : pas de conscription Age du recrutement volontaire : 18 ans Majorité électorale : 18 ans Protocole facultatif : ratifié le 15 mai 2002 Autres traités ratifiés (voir glossaire): CNUDE, CPI, CG PA I et II, CADBE Aucune information n’a fait état de la présence d’enfants de moins de 18 ans au sein des forces armées. Des enfants auraient été recrutés en Sierra Leone, en juillet 2005, par les Liberians United for Reconciliation and Democracy (LURD, Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) pour participer aux hostilités au Libéria. Le procès de l’ancien président du Libéria, Charles Taylor, pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et autres violations graves du droit international commis en Sierra Leone, notamment le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats âgés de moins de 15 ans dans le cadre d’hostilités, a commencé en juin 2007 devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Le même mois, le Tribunal spécial a déclaré coupables trois anciens commandants de l’Armed Forces Revolutionary Council (AFRC, Conseil révolutionnaire des forces armées) pour recrutement et utilisation, d’enfants de moins de 15 ans dans le cadre d’hostilités ; en août, il a déclaré coupable de la même infraction un responsable du groupe pro-gouvernemental des Civil Defence Forces (CDF, Forces de défense civile). Contexte La Commission vérité et réconciliation, qui a été créée aux termes de l’Accord de paix de Lomé de 1999, a publié son rapport en octobre 2004. Le mandat de maintien de la paix de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) s’est achevé en décembre 2005. Une nouvelle mission lui a succédé, le Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone (BINUSIL), créé par la Résolution 1620 du Conseil de sécurité de l’ONU. La BINUSIL avait pour mandat d’aider la Sierra Leone à consolider la paix et le respect des droits humains dans le pays, en aidant à soutenir la capacité des institutions étatiques et à renforcer l’état de droit et le secteur de la sécurité. En août 2007, le All People’s Congress (APC, le Congrès du peuple réuni) a remporté les élections parlementaires. En septembre, le candidat de l’APC, Ernest Bai Korom, a été élu président et a remplacé Ahmad Tejan Kabbah. En janvier 2002, la fin du conflit en Sierra Leone, qui avait débuté en 1991, a été officiellement annoncée et a permis le désarmement et la démobilisation complets des groupes armés1. Les conflits au Libéria entre 1990 et 1997 et entre 2000 et 2003 ainsi que le conflit qui a éclaté en Côte d’Ivoire en 2002 étaient étroitement liés, du fait en particulier d’incursions transfrontalières, notamment en Guinée qui est frontalière de ces 1 trois pays, ainsi que du système complexe de gouvernements et de groupes armés qui ont apporté leur soutien aux factions opérant dans les pays voisins2. Pour des milliers de jeunes combattants, dont des enfants soldats, qui ont traversé les frontières entre le Libéria, la Guinée, la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire, passant d’un pays à l’autre, la violence armée a été perçue comme un moyen de s’enrichir. Un grand nombre d’entre eux avaient d’abord été recrutés de force lors d’un de ces conflits lorsqu’ils étaient enfants, et ils ont ensuite volontairement traversé les frontières pour prendre les armes dans le cadre d’un autre conflit, souvent au sein d’un groupe armé différent. En 2005, une étude effectuée par Human Rights Watch a conclu que la plupart de ces jeunes gens avaient été motivés par des promesses de gains financiers et que beaucoup étaient incapables de formuler l’objectif politique du groupe pour lequel ils luttaient. Le risque de réenrôlement a été exacerbé par le taux élevé de chômage des jeunes ainsi que par la corruption et les déficiences qui ont marqué la mise en œuvre du programme de désarmement, démobilisation et de réinsertion (DDR)3. Un rapport publié en août 2005 par le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest a signalé que le taux élevé de chômage, notamment parmi les jeunes, dans toute l’Afrique de l’Ouest, représentait un danger pour la stabilité de la région. Ce facteur a, de nouveau, été souligné dans un rapport publié en 2007 par le Secrétaire général de l’ONU qui a également mis en lumière à quel point il était important de réformer le secteur de la sécurité dans les pays de la région pour mettre un terme à l’instabilité4. En mai 2007, le Secrétaire général a estimé que la situation en Sierra Leone était stable mais fragile. Il a cependant souligné que cette stabilité pouvait être menacée par le taux élevé de chômage parmi les jeunes, le fait que les autorités n’aient pas eu à rendre compte de leurs actes, la faiblesse du système judiciaire et la stagnation du niveau de vie de la population en général5. En juin 2007, un rapport de l’ONU sur les conditions dans les prisons a souligné que l’absence de protection des droits des prisonniers pouvait également menacer la stabilité du pays6. L'Index de développement humain 2007–2008 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a classé la Sierra Leone comme le pays le moins développé du monde en se fondant sur des statistiques de 20057. La Child Rights Act (Loi relative aux droits des enfants), adoptée en juin 2007, a introduit la définition internationale de l’enfant dans la législation nationale, ce terme s'entendant de tout être humain âgé de moins de 18 ans. Cette loi a également incorporé d’autres dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant8. L’article 28 de cette loi incluait l’interdiction d’utiliser des mines terrestres et d’autres armes identifiées par les normes internationales comme représentant un danger pour les enfants. 2 Gouvernement Législation nationale et pratiques relatives au recrutement Dans son deuxième rapport au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, présenté en 2006, le gouvernement de la Sierra Leone a affirmé que, comme il l’avait précisé dans la déclaration faite lors de sa ratification du Protocole facultatif, l’âge d’enrôlement dans les forces armées avait été relevé de 17 ans et six mois à 18 ans. Cette mesure a été intégrée dans la législation nationale avec l’adoption en 2007 de la Loi relative aux droits de l’enfant. Cette loi prévoyait que l’âge minimum de recrutement au sein des forces armées était fixé à 18 ans (article 28) et amendait en ce sens la Loi relative aux forces armées de la Sierre Leone de 1961. Dans sa déclaration faite au moment de la ratification du Protocole facultatif, la Sierra Leone a affirmé que le recrutement dans les forces armées nationales n’était pas obligatoire et que l’engagement se faisait sur une base strictement volontaire9. Groupes armés Informations sur le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les pays voisins Des informations ont indiqué qu’en 2005 des enfants ont été recrutés en Sierra Leone pour participer aux combats au Libéria. En juillet, près de Kaliahun, à l’est de la Sierra Leone, des hommes venus du Libéria ont cherché à recruter des enfants pour le compte des Liberians United for Reconciliation and Democracy (LURD, Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) et, en août, des sympathisants libériens des LURD cherchaient à recruter des enfants pour, prétendaient-ils, les faire travailler dans des mines de diamant, mais il ne s’agissait que d’une couverture pour justifier leur stratégie de recrutement10. En août 2005, deux garçons ont affirmé s’être échappés d’un camp de recrutement au Libéria11. En septembre 2005, des informations ont fait état de cas d’enfants, dans le district de Kaliahun, qui étaient allés vendre des marchandises au Libéria et qui n’étaient jamais revenus12. Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) L’Accord de paix de Lomé prévoyait de manière explicite que les besoins spécifiques des enfants devaient être pris en compte dans le cadre du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Aux termes du rapport final de la Commission vérité et réconciliation, il n’y avait pas de statistiques précises quant au nombre d’enfants qui ont été associés à des forces combattantes au cours du conflit. Les estimations de diverses organisations, y compris l’UNICEF et la MINUSIL ainsi que d’agences locales, variaient entre 5 000 et 10 000 enfants en fonction des critères utilisés13. L’organisme national chargé du programme de DDR, le National Committee for Demobilisation, Disarmament and Reintegration (NCDRR, Comité national de désarmement, démobilisation et réinsertion) a confirmé à la Commission vérité et réconciliation que plus de 6 774 enfants avaient intégré le programme de DDR. Parmi ceux-ci, 3 710 3 avaient servi au sein du Revolutionary United Front (RUF, Front révolutionnaire uni), 2 026 au sein de forces pro-gouvernementales, les Civil Defence Forces (CDF, Forces de défense civile), 471 dans les rangs de l’armée gouvernementale sierra léonaise, 427 au sein de l’Armed Forces Revolutionary Council (AFRC, Conseil révolutionnaire des forces armées) et 144 dans les rangs d’autres factions ou groupes non affiliés14. Alors qu’on estimait à environ 30 pour cent la proportion de jeunes filles parmi les enfants soldats ayant été impliqués dans le conflit, elles ne représentaient que 8 pour cent des anciens enfants soldats ayant participé au programme de DDR (soit 513 enfants). La Commission vérité et réconciliation a souligné que ce manque de prise en compte des besoins des jeunes filles soldats était la carence la plus grave du programme de DDR et constituait une violation de la résolution 1314 sur les enfants et les conflits armés adoptée en août 2000 par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce texte exigeait qu’une attention particulière soit accordée aux besoins des jeunes filles au sortir des conflits, en particulier dans le cadre des programmes de DDR. Lors de la préparation du programme de DDR, on n’a accordé que très peu d’attention aux questions relatives au genre et ce programme n’a pas pris en compte les rôles spécifiquement liés au genre qui ont été remplis par les jeunes filles dans le conflit, ainsi que la complexité de leur situation. De fait, la faible participation des jeunes filles au programme de DDR s’explique en partie par le fait que la plupart d’entre elles ont été considérées comme des « camp followers » (personnes accompagnantes) et non comme des combattants de plein droit. Pourtant, ces jeunes filles ont rempli de nombreux rôles pendant le conflit, que ce soit en tant que porteuses, combattantes ou « épouses de brousse » réduites à l’esclavage sexuel par leurs ravisseurs. Certains commandants, auxquels des jeunes filles avaient été attribuées en tant qu’« épouses de brousse », ont refusé de les autoriser à participer au programme de DDR. D’autres jeunes filles ont préféré ne pas participer à ce programme par crainte d’être stigmatisées15. L’UNICEF a mis en place un projet destiné aux « Jeunes filles laissées pour compte » qui visait à fournir une assistance à ces jeunes filles. Dans les districts de Kono, de Bombali et de Port Loko où ce projet a été mis en œuvre par des ONG partenaires de l’UNICEF, on a estimé à 1 000 le nombre de jeunes filles qui auraient dû prendre part au processus de DDR et 714 d’entre elles avaient pu bénéficier d’une assistance lorsque les activités de ce projet ont cessé en février 2005. Des projets similaires ont été mis en place par des ONG16. Une ONG locale a continué à travailler avec des jeunes filles en prenant en compte non seulement celles qui avaient été associées à des forces combattantes, mais en s’occupant également d’autres jeunes filles affectées par le conflit, en particulier les jeunes filles qui ont fait commerce de leur corps17. Des enfants démobilisés âgés de moins de 15 ans ont été envoyés dans des centres de soins temporaires gérés par l’UNICEF et d’autres agences de protection de l’enfance. Ils ont ensuite été réunis à leur famille ou ont été envoyés dans des familles d’accueil. Ils ont également pu avoir accès à des projets éducatifs. Les enfants âgés entre 15 et 17 ans avaient la possibilité de participer à des programmes d’éducation et de formation professionnelle proposés par la NCDRR, d’une durée maximale de neuf mois. À l’issue de ces programmes, ces enfants se sont vus attribuer un kit de réinsertion. Cependant, 4 dans de nombreux cas, ces enfants n’ont pas pu réellement mettre en pratique les acquis de leur formation, en raison de la faiblesse de l’économie. De plus, les kits de réinsertion n’étaient pas suffisants pour démarrer une activité économique viable. Le programme de DDR n’a en effet pas pris en compte les réalités économiques et n’a pas accordé suffisamment d’attention à la réinsertion des enfants sur le long terme18. Selon certaines informations, les difficultés économiques ont contribué en partie à pousser certains anciens combattants sierra léonais, y compris d’anciens enfants soldats, à retourner combattre au Libéria et en Côte d’Ivoire19. Autre informations L’exploitation économique des enfants, notamment dans les mines de diamants, a été particulièrement importante au cours du conflit. Le nombre de cas d’exploitation du travail des enfants enregistrés par l’UNICEF a augmenté entre 2003 et 200520. Dans son second rapport périodique soumis au Comité des droits de l’enfant, le gouvernement a indiqué que l’absence de contrôle approprié et efficace ainsi que le manque de moyens et de personnel du Ministère de la protection sociale pouvaient avoir indirectement contribué à l’augmentation du travail des enfants. La Loi relative aux droits de l’enfant de 2007 a érigé en infraction pénale l’utilisation d’enfants, et notamment de jeunes enfants, pour des travaux dangereux et d’autres formes d’exploitation économique et sexuelle. Par ailleurs, l’Anti-Human Trafficking Act de 2005 (Loi contre le trafic des êtres humains) contenait des dispositions pour la prévention du travail et du trafic des enfants21. Lors d’une rencontre ministérielle à Paris en février 2007, la Sierra Leone et 58 autres États ont adopté les Engagements de Paris destinés à protéger les enfants contre l’utilisation et le recrutement illégaux par des forces ou des groupes armés, ainsi que les Principes et lignes directrices de Paris sur les enfants associés à des forces ou des groupes armés. Ces documents ont réaffirmé les normes et principes opérationnels internationaux en matière de protection et d’assistance des enfants soldats et sont l’aboutissement d’une large consultation mondiale organisée par le gouvernement français et l’UNICEF. Commission vérité et réconciliation La Commission vérité et réconciliation a publié son rapport final en octobre 2004. Elle a reçu pour mandat d’accorder une attention particulière aux expériences vécues par les enfants qui, au début du conflit en 1991, représentaient la moitié de la population. Cette commission a pris des mesures pour permettre aux enfants de participer à ce processus et faire en sorte que leurs voix soient entendues et elle a publié une version de son rapport adaptée aux enfants. Un chapitre de son rapport final a porté sur la question des enfants et a examiné les répercussions que continue d’avoir le conflit sur les enfants. Toutes les parties au conflit ont recruté des enfants, qui ont été les principales victimes des recrutements forcés. En 1998, environ 25 pour cent des forces combattantes étaient composées d’enfants âgés de moins de 18 ans. Le fait que ces recrutements aient ciblé de manière disproportionnée des enfants âgés entre 10 et 14 ans a conduit la commission à conclure que les groupes armés cherchaient délibérément à les enrôler. Plus de 50 pour 5 cent des victimes de recrutements forcés avaient 15 ans ou moins lorsqu’elles ont été enlevées et plus de 28 pour cent étaient âgées de 12 ans ou moins. Le RUF a été le premier groupe armé à enrôler des enfants et il était responsable du plus grand nombre de cas connus de recrutements d’enfants. Le gouvernement a commencé à recruter des enfants en 1991 et 1992 sous la présidence de Joseph Momoh qui a encouragé les chefs et les dirigeants des communautés à enrôler la population civile au sein de groupes d’autodéfense locaux, pour augmenter les forces de l’armée sierra léonaise. C’est sous le gouvernement du National Provisional Ruling Council (NPRC, Conseil national provisoire de gouvernement) que le plus grand nombre d’enfants ont été recrutés au sein de l’armée, en l’absence de procédure adéquate de recrutement du fait de la situation d’urgence et de la nécessité d’accroître le nombre de soldats. Certains enfants ont été recrutés de manière illégale et se sont vus attribuer le numéro d’identification de soldats qui avaient été tués car des officiers et des fonctionnaires cherchaient à détourner à leur compte les salaires et avantages qui auraient dû revenir à ces soldats. Pour ces différents agents, le conflit était donc devenu une entreprise lucrative. La commission a souligné l’identité double des enfants soldats qui étaient à la fois victimes et auteurs d’exactions. L’extrême violence du conflit a engourdi leurs sens, alors que leur perception était déjà altérée par l’abus de drogues. La pression de leurs pairs et leur désir d’appartenance les a conduits à obéir aux ordres et ils ont souvent été contraints de faire preuve de cruauté afin de pouvoir survivre. Des actes de violence sexuels ont été perpétrés de manière systématique mais la commission vérité et réconciliation n’a pas pu établir de statistiques concluantes. La plupart des jeunes filles enlevées par le RUF et l’AFRC ont été contraintes de se mettre sexuellement au service de leurs ravisseurs, ce qui a abouti au phénomène des « épouses de brousse », réduites à l’esclavage sexuel. Le groupe de jeunes filles ciblées pour être réduites à l’état d’esclaves sexuelles était composé de jeunes filles et de femmes âgées entre 10 et 25 ans ; 50 pour cent d’entre elles avaient 15 ans ou moins et 25 pour cent avaient 12 ans ou moins. Parmi les victimes de viol, 25 pour cent avaient 13 ans ou moins. Un grand nombre d’enfants ont été mutilés et le nom du groupe armé qui les a capturés a été marqué au fer rouge ou gravé sur leurs corps afin de les empêcher de s’enfuir. Ces cicatrices ont accru leur crainte d’être victimes de stigmatisation après le conflit. L’UNICEF a mis en place un projet visant à fournir des soins de chirurgie plastique à un certain nombre d’enfants afin que ces cicatrices soient effacées ou dissimulées. De nombreux enfants n’ont pas été réunis à leur famille après le conflit. Certains étaient si jeunes lorsqu’ils avaient été enlevés qu’ils ne se souvenaient plus de leurs familles. D’autres ont été rejetés par leurs proches ou ont refusé de retourner au sein de leur communauté par peur d’être stigmatisés ou rejetés. Les jeunes filles ont été particulièrement victimes de stigmatisation et de rejet parce qu’elles avaient été réduites à l’état d’« épouses de brousse » ou d’esclaves sexuelles. Lorsqu’elles ont eu des enfants, ces derniers ont souvent également été victimes de rejet. 6 L’ensemble des factions armées ont adopté la pratique consistant à administrer de force des drogues aux enfants afin de leur faire perdre leurs inhibitions, de façon à les inciter à la violence. Le nombre de jeunes gens toxicomanes, souffrant de problèmes de santé, psychiatriques et autres, liés à leur addiction, a été très important durant les années qui ont suivi la fin du conflit. Après le conflit, ces facteurs, cumulés aux carences du programme de DDR, notamment le fait que celui-ci n’a pas pris en compte les jeunes filles et les jeunes femmes, ont conduit à une augmentation extrêmement importante du nombre d’enfants des rues ainsi qu’à une croissance du nombre de jeunes filles contraintes de se prostituer pour survivre22. Tribunal spécial pour la Sierra Leone Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, créé par le gouvernement et l’ONU en janvier 2002, a reçu pour mandat de traduire en justice les personnes « portant la responsabilité la plus lourde » des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autre violations graves du droit international durant le conflit en Sierra Leone. En 2002, il a été confirmé que les enfants soldats ne seraient pas inculpés par ce Tribunal23. Les procureurs du tribunal ont considéré que tous les enfants étaient à la fois victimes et auteurs d’exactions et a donc estimé qu’aucun de ces enfants ne pouvait être considéré comme portant la responsabilité la plus lourde des crimes commis durant le conflit24. En juin 2007, huit personnes étaient en instance de jugement par le Tribunal spécial à Freetown pour des crimes qui incluaient le recrutement et l’utilisation d’enfants âgés de moins de 15 ans. Parmi eux figuraient trois anciens responsables de l’AFRC, deux anciens responsables des CDF et trois anciens responsables du RUF. Deux autres personnes ont été inculpées par ce Tribunal: le dirigeant du RUF, Foday Sankoh, qui est mort en détention en 2003 et le dirigeant des CDF, Hinga Norman, qui est décédé en février 200725. En mars 2006, les autorités nigérianes ont arrêté Charles Taylor, l’ancien président du Libéria, qui a été remis au Tribunal spécial pour la Sierra Leone lequel l’a inculpé pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations graves du droit international humanitaire, y compris l’utilisation d’enfants soldats au cours de son implication présumée dans le conflit de la Sierra Leone, par le soutien qu’il aurait apporté au RUF26. En juin, afin de préserver la stabilité du Libéria et de la sous-région, qui risquait d’être menacée si Charles Taylor était traduit en justice en Afrique de l’Ouest, celui-ci a été transféré à La Haye pour y être jugé par une chambre de première instance du Tribunal spécial27. Il a comparu pour la première fois devant le Tribunal spécial à la Haye le 4 juin 2007. Son procès a été ajourné jusqu’en janvier 2008 afin de permettre à ses avocats de se préparer pour le procès28. Le Tribunal spécial a prononcé son premier verdict le 20 juin 2007 dans l’affaire Alex Tamba Brima, Brima Bazzy Kamara et Santigie Borbor Kanu. Ces trois anciens commandants de l’AFRC ont été déclarés coupables de 11 des 14 chefs d’inculpation pesant sur eux, y compris le recrutement d’enfants âgés de moins de 15 ans et leur 7 utilisation active dans le cadre d’hostilités29. C’était la première fois qu’un tribunal pénal international déclarait des personnes coupables de recrutement et d’utilisation d’enfants soldats. Ces condamnations ont été saluées par les ONG de défense des droits humains comme un précédent historique qui démontrait que le recrutement d’enfants soldats était considéré comme l’un des crimes les plus graves et que ceux qui étaient impliqués dans ces actes pouvaient et allaient être traduits en justice30. Ces trois personnes ont été condamnées à des peines allant de 45 à 50 ans d’emprisonnement, ce qui couvrait toutes les infractions dont ils ont été reconnus coupables31. Le 2 août 2007, ce Tribunal a prononcé son verdict dans le cas de deux responsables des CDF. Moinina Fofana a été reconnu coupable de quatre des huit chefs d’inculpation qui pesaient sur lui, mais il n’a pas été reconnu coupable de conscription ou d’enrôlement d’enfants âgés de moins de 15 ans au sein de forces ou de groupes armés ou d’utilisation d’enfants afin de les faire participer activement à des hostilités. Allieu Kondewa a été déclaré coupable sur la base de ce chef d’inculpation, ainsi que de quatre autres. Il a été condamné le 9 octobre 2007 à sept ans d’emprisonnement pour cette inculpation spécifique. Le Tribunal a conclu qu’il avait introduit des enfants âgés d’à peine 11 ans au sein de l’« Avondo Society », un groupe de Kamajors (« chasseurs », membres des CDF). Toutes peines confondues, Moinina Fofana allait purger un total de six ans d’emprisonnement et Allieu Kondewa allait purger huit ans32. 1 Amnesty International, Rapport annuel 2003. Voir dans le présent Rapport mondial les entrées relatives à la Côte d’Ivoire, à la Guinée et au Libéria. 3 Voir Human Rights Watch (HRW), Youth, Poverty and Blood: The Lethal Legacy of West Africa’s Regional Warriors, mars 2005; Rapport du Secrétaire général sur les moyens de combattre les problèmes sous-régionaux et transfrontaliers en Afrique de l’Ouest, Doc. ONU S/2004/200, 12 mars 2004; Rapport du Secrétaire général sur la coopération entre la Mission des Nations Unies en Sierra Leone, la Mission des Nations Unies au Libéria et l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire et la possibilité pour ces missions de mener des opérations transfrontalières, Doc. ONU S/2005/135, 2 mars 2005. 4 Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), Chômage des jeunes et insécurité régionale en Afrique de l’Ouest, 2ème édition, août 2006, www.un.org/unowa; Rapport du Secrétaire général sur les questions transfrontières en Afrique de l’Ouest, Doc. ONU. S/2007/143, 13 mars 2007. 5 Quatrième rapport du Secrétaire général sur le Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone, Doc ONU S/2007/257, 7 mai 2007. 6 “Sierra Leone prisons threaten peace”, BBC News, 22 juin 2007. Voir également Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone (BINUSIL), “Presentation of a report ‘Behind the walls - an inventory and assessment of prisons in Sierra Leone’ – statement by the ERSG Victor Angelo on 21 June 2007”, communiqué de presse, UNIOSIL/PIO PR 50, www.uniosil.org. 7 Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Classement de l’Index du développement humain 2007/2008, http://hdr.undp.org. 8 UNICEF, “Sierra Leone approves the National Child Rights Bill”, communiqué de presse, 7 juin 2007. 9 Déclaration au moment de l’adhésion au Protocole facultatif, www2.ohchr.org/. 10 Entretien de la Coalition avec des sources confidentielles, Freetown, novembre 2005, cité in Coalition contre les enfants soldats, Les enfants soldats et le désarmement, la démobilisation, la réhabilitation et la réinsertion en Afrique de l’Ouest, novembre 2006. 11 Rapport soumis à l’UNICEF par une agence de protection de l’enfance en Sierra Leone, 18 août 2005, cité in Coalition contre les enfants soldats, voir plus haut note 10. 12 Entretien de la Coalition avec une agence de la protection de l’enfance, Freetown, octobre 2005, cité in Coalition contre les enfants soldats, voir plus haut note 10. 13 Amnesty International a estimé, en 2000, qu’à cette époque plus de 10 000 enfants étaient associés à des forces combattantes – voir Sierra Leone. Une enfance perdue (Index AI : AFR 51/69/00), 31 août 2000. 14 “Children and the armed conflict in Sierra Leone”, Chapitre 4 du Rapport final de la Commission vérité et réconciliation de la Sierra Leone, Volume 3b, octobre 2004. 2 8 15 Ibid. Voir aussi Susan McKay et Dyan Mazurana, Where are the Girls? Girls in Fighting Forces in Northern Uganda, Sierra Leone and Mozambique: Their Lives During and After War, International Center for Human Rights and Democratic Development, 2004, www.ichrdd.ca. 16 John Williamson, Reintegration of Child Soldiers in Sierra Leone, USAID report, 2005, http://pdf.usaid.gov/. 17 Entretien de la Coalition avec un responsable de Caritas Makeni, Makeni, décembre 2005. 18 Commission vérité et réconciliation de la Sierra Leone, voir plus haut note 14. 19 HRW, voir plus haut note 3. 20 UNICEF, State of the World’s Children 2005 et 2007. Le rapport de 2005, fondé sur des statistiques allant jusqu’à 2003, a indiqué que le taux de travail des enfants âgés de 5 à 14 ans s’élevait à 57 pour cent; le rapport de 2007 établi sur la base de statistiques allant jusqu’à 2005, a indiqué que le taux de travail des enfants s’élevait à 59 pour cent. 21 Deuxième rapport périodique présenté par la Sierra Leone au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, Doc. ONU CRC/C/SLE/2, 8 septembre 2006. 22 Commission vérité et réconciliation de la Sierra Leone, voir plus haut 14. 23 Tribunal spécial pour la Sierra Leone, “Special Court prosecutor says he will not prosecute children”, communiqué de presse, 2 novembre 2002, www.sc-sl.org. 24 Entretien de la Coalition avec le chef des poursuites au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Freetown, décembre 2006. 25 Tribunal spécial pour la Sierra Leone, www.sc-sl.org. 26 Onzième rapport périodique du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies au Libéria, Doc. ONU S/2006/376, 9 juin 2006; Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Summary of charges against Charles Taylor, www.scsl.org/. 27 Douzième rapport périodique du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies au Libéria, Doc. ONU. S/2006/743, 12 septembre 2006; Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés,Doc. ONU A/61/529-S/2006/826, 26 octobre 2006. 28 “Taylor trial delayed until 2008”, BBC News, 20 août 2007. 29 Brima, Kamara and Kanu, Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Jugement de la Chambre de première instance II, 20 juin 2007. 30 Coalition contre les enfants soldats, “Child Soldiers Coalition welcomes verdicts against child recruiters in Sierra Leone”, communiqué de presse, 20 juin 2007. 31 Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Jugement relatif à la sentence, SCSL-04-16-T, 19 juillet 2007. 32 Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Jugement relatif à la sentence, SCSL-04-14-T, 9 octobre 2007. 9