Les cartes de fidélité : un concept

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Les cartes de fidélité : un concept
CARBOUE Jérôme
CHAMBON Laure
MASSEMASSE-PARADIS Marielle
NOIRET Guillaume
Les cartes de fidélité : un concept-clé pour
la Grande Distribution
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Introduction
Depuis une vingtaine d'années, grâce notamment, à l’émergence des grandes surfaces,
aux technologies de l'information et de la communication, au développement des services,
l'idée d'un lien direct avec le client a émergé. Les nouvelles enseignes se tournent alors
davantage vers leurs clients.
Le client et sa conservation deviennent alors une préoccupation marketing et un objectif
stratégique sur lesquels un bon nombre d’enseignes de l’agroalimentaire s’interroge
aujourd’hui. Il apparaît en effet moins coûteux pour une entreprise de conserver un client
existant que d’en acquérir un nouveau. Ainsi, dans la grande distribution, le rapport du coût
de prospection sur celui de la fidélisation est évalué à 5. Les clients fidèles ont en effet
tendance à augmenter leurs achats du fait d’une meilleure connaissance de l’enseigne. De
plus, ils se révèlent être de véritables agents actifs de promotion auprès de leur entourage.
En somme, la croissance et la rentabilité d’une entreprise dépendent non seulement de sa
capacité à conquérir de nouveaux clients mais plus encore de son aptitude à conserver et
développer le capital client de son portefeuille. Quelque soit son secteur d’activité,
alimentaire ou non, la fidélisation du consommateur est à ce jour une problématique
incontournable à toute réflexion stratégique. Elle est assurément identifiée comme un
différenciateur concurrentiel. C’est pourquoi aujourd’hui, un bon nombre de GMS développe
des programmes de fidélisation avec des éléments constitutifs (carte de fidélité, parrainage,
club…).
Dans une première partie, nous définirons le concept de fidélité et la portée des
programmes de fidélisation au sein de la stratégie de rétention des clients en grande
distribution. Puis, nous présenteros dans une deuxième partie l’intérêt stratégique des cartes
de fidélité dans ces enseignes alimentaires avant de nous interroger sur leurs limites et leurs
probables évolutions.
1 La portée de la carte de fidélité dans le programme de fidélisation d’une
enseigne de grande distribution alimentaire
Une vaste étude sur la fidélisation réalisée par Client Research révèle que 30 millions de
cartes de fidélité sont actuellement en circulation dans le secteur de la grande distribution
(source). La proportion de détenteurs est de 20% dans l’univers hyper-super-grands magasins
mais ce taux cache en fait une grande hétérogénéité puisque certaines enseignes peuvent
atteindre 40%. Dans cette grande distribution alimentaire, les deux tiers des porteurs ne
possèdent qu’une carte ce qui amène les responsables d’étude à conclure que la carte de
fidélité ne fait que renforcer dans la durée une relation déjà existante entre le consommateur et
le distributeur.
1.1 Favorise le dialogue avec le client
La carte de fidélité matérialise, rend palpable et tangible la relation avec le client créant ainsi
une conviction dans l'esprit de son possesseur. Par la personnalisation des informations, une
enseigne dialogue véritablement avec sa clientèle (identification) et prouve qu’elle la connaît
et l’écoute (valorisation).
1.1.1 L’écoute du client
La carte de fidélité est un instrument idéal pour recueillir les problèmes et les souhaits
directement liés aux produits, à leur référencement ou à leur présentation. Cette attention
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particulière pour le consommateur permet à l’enseigne de comprendre et d’anticiper son
comportement. Au-delà du simple principe de la boîte à idées et de la remontée des
réclamations, cet outil facilite le contact avec le client ce qui peut engendrer un impact
considérable à moindre coût. Certaines enseignes (exemple) se dotent aujourd’hui de chargés
de relations avec la clientèle qui accueillent de temps en temps des porteurs de cartes. Ainsi,
l’entreprise est assurée de répondre à un besoin réel de certains clients, mais si de surcroît tout
est intelligemment mis en œuvre pour expliquer que c’est la proposition du client X qui a
permis d’améliorer tel ou tel service, le résultat est double. L’ensemble des clients prend en
effet conscience de l’écoute portée à la clientèle, mais en plus le client initiateur, ainsi
valorisé, devient un support favorable. Ces conséquences ont été constatées dans certaines
enseignes telle que E.Leclerc de St Isidore qui a vu son nombre de cartes de fidélité multiplié
par 2,5 en 1 an et demi avec une augmentation du ticket de caisse de 20%.
1.1.2 Accompagnement de la carte par de l’information personnalisée
Outre l’écoute du client, les programmes de fidélisation alliant les cartes de fidélité offrent
également de formidables opportunités de faire de la communication individualisée. Ainsi,
des magazines sont distribués offrant aux clients porteurs des informations générales
pratiques, des conseils mais aussi des informations spécifiques à la carte et aux produits en
promotion. Des mailings personnalisés ou des newsletters sont envoyés informant
généralement les clients fidèles sur les offres spéciales, les nouveaux produits de l’enseigne
ou souhaitant simplement l’anniversaire des membres. Internet a également ouvert des
opportunités importantes. La quasi-totalité des enseignes de la grande distribution disposent
aujourd'hui de leur propre site. En effet, les coûts de gestion sont considérablement plus bas et
la quasi-instantanéité de la circulation de l'information contribue à faciliter la publicité et les
achats. Toutefois, les informations recueillies ne contribuent pas en soit à l’augmentation du
chiffre d’affaires que par une cohérence de la carte avec le positionnement de l’enseigne.
1.2 Agit sur le Chiffre d’Affaires (Annexes 8 et 9)
Le plus important pour s’assurer du succès d’une carte de fidélité est de vérifier que tous les
éléments mis en œuvre sont en cohérence avec le positionnement de l’enseigne. Ainsi,
Auchan avec sa carte Accord offre essentiellement des services (crédits, facilité de services,
assistances) pour être en parfaite adéquation avec sa communication. De même, Atac envoie
son magazine à tous ses porteurs en affirmant que ces derniers peuvent faire des économies.
L’enseigne reste alors fidèle à son image discount. L’utilisation potentielle de la carte offerte
au client permet donc aux enseignes de se positionner mais également de se différencier d’où
l’impact sur le Chiffre d’affaire.
Une étude Eurostaf, réalisé par Cofinoga en 1994 et rassemblant quarante-quatre enseignes et
2,5 millions d’adhérents, montre que le programme Points ciel aurait engendré une
augmentation du Chiffre d’Affaires de 6 à 13% selon les enseignes. De même, le responsable
de marketing de l’offre de Système U affirme que les porteurs actifs ont en moyenne un
panier supérieur de 20% à celui des autres clients et représentent 60% du Chiffre d’affaires.
Ceci, s’explique par:
1. Un effet individuel probable d’accroissement de la fréquentation et de diminution de la
sensibilité des prix d’où un impact certain sur le CA, le taux de marge et la fréquentation.
2. Le rôle essentiel de la carte, dans la majorité des cas, sur les durées de réachat.
La détention d'une carte est susceptible aussi de diminuer la sensibilité au prix. En fréquentant
plus souvent et plus régulièrement un point de vente, le consommateur s'expose moins aux
prix des concurrents et, ne pouvant comparer, il y devient naturellement moins sensible. De ce
fait, le client peut être amené à payer plus cher les biens qu'il achète habituellement, ce qui se
traduira par un choix de produits de meilleure qualité, de marques plus réputées et plus chères.
Ensuite, étant moins sensible au prix, il achète en plus grande quantité des biens de même
qualité. Ces effets prix, directs et indirects ont pour conséquence naturelle d'accroître le
montant du panier moyen et, par conséquent, le chiffre d'affaires.
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Toutefois, l’avantage d’une carte réside surtout dans le fait qu’elle joue à plein un rôle de
sélection des clients. En effet, les clients prennent la carte de fidélité parce qu’ils consomment
plus d’où la nécessité de segmenter.
1.3 Segmente et sélectionne les potentiels détenteurs
Le panier moyen des porteurs de cartes est deux fois supérieure à celui des autres clients,
mais ce n’est pas pour autant qu’une carte de fidélité les fait davantage consommer. En fait,
cet outil permet de sélectionner les meilleurs et les plus gros consommateurs (Annexe 10) car
ce sont ces derniers qui la prennent le plus souvent. Elle permet donc de les identifier et
d’agir sur eux afin de les conserver. Elle joue en somme le rôle d’un instrument défensif
pour résister à la pression concurrentielle. La carte de fidélité se révèle alors être un
excellent outil facilitant la gestion du portefeuille clients. Couplée à un questionnaire, les
données acquises seront collectées, ordonnées et analysées de telle sorte à accroître la valeur
du client. Suite à ces informations recueillies, il est alors possible pour l’entreprise de
segmenter, voire micro segmenter le marché, dans l’ultime but d’optimiser les résultats tout
en maîtrisant les coûts. Dans la mesure où l'on peut personnaliser les services et les produits,
il devient alors possible de pratiquer à grande échelle la discrimination par les prix en attirant
un grand nombre de consommateurs et en leur faisant payer le prix le plus élevé possible sans
perdre trop de marge. Dans ce contexte, il faut offrir des prix variables et laisser les gens
s'auto-sélectionner grâce à des coûts de transaction. D’où l'enjeu des cartes de fidélité qui
permettent de segmenter les clients en différents groupes:
- Les clients à fidélité passive qui s’appuient sur des arguments rationnels « je fais mes
courses parce que c’est pour moi le choix le plus économique en terme de temps,
d’argent et de risque ». Dans ce cas le client sera susceptible de partir dès que le
concurrent lui proposera des avantages tous aussi intéressants voire plus.
- Les clients à fidélité active ou avec lesquels l’enseigne joue sur le registre émotionnel
et leurs propose un « plaisir de transaction » qu’ils retrouveront difficilement ailleurs
(accueil personnalisé, théâtralisation du rayon…).
1.4 Contribue à l’évolution permanente de l’offre (Annexe 14)
1.4.1 Offre diverse et adaptée au client
L’évolution et la diversité de l’offre sont les principaux critères contribuant à la
rétention du client, ce qui explique le succès de la « loyalty card » de l’Irlandais Superquinn.
Cette dernière se caractérise en effet par l’étendue des avantages qu’elle propose puisque la
liste des cadeaux est à la fois très variée et particulièrement fournie. Là où Champion et
Système U proposaient en 2001 à elles deux environ 130 articles, le catalogue Superclub de
Superquinn n'en proposait pas moins de 500.
Aujourd’hui les enseignes ont bien compris l’importance d’une offre diverse et
adaptée au client. Ainsi, Auchan a conçu fin 2002 une carte de fidélité allant dans ce sens. Le
double effet de la carte Waaoh se traduit par un premier volet qui revient à accumuler des
réductions sur le ticket de caisse. Les primes ne sont qu’un appât destiné à donner plus de
puissance au second volet du dispositif, celui du couponning ciblé. Cette carte de fidélité
novatrice dans son concept permet à la fois d’appliquer un marketing « One To One » par le
cumul d’euros sur le compte du client et un marketing de masse sur mesure avec l’acquisition
de coupons de réduction au moment du passage en caisses du client en fonction des produits
qu’il a acheté. Il s’agit d’une opération qui fidélise à la fois à l’enseigne mais aussi à la
marque puisque les MDD sont à cette occasion présentées. La carte de fidélité s’inscrit ainsi
dans un véritable programme de fidélisation constituant un authentique instrument
d’innovation et de promotion.
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1.4.2 Outil d’innovation et de cobranding sans diluer l’effet de la marque
Actuellement, la carte de fidélité n’est plus l’apanage d’une seule enseigne, mais
devient l’outil d’une « coalition marketing ». Autrement dit, plusieurs réseaux non
concurrents fusionnent leurs programmes afin d’en mutualiser le coût de fonctionnement.
L’objectif vise à favoriser la circulation des consommateurs entre les enseignes. Tout repose
sur la constitution d’une base de données clients commune, permettant à chaque réseau de
lancer des campagnes marketing vers des consommateurs qui ne sont pas directement clients.
Ce type de co-branding entre plusieurs distributeurs est un concept à la mode en Angleterre
comme peut en témoigner le programme Nectar initié par Sainsbury’s, le grand magasin
Debenhams, le pétrolier BP et la banque Barclays (Annexe 13). Même Tesco s’intéresse à ce
type d’alliance pour animer son dispositif de fidélisation avec le lancement de la carte
Organic Club, destinée aux gens à la recherche de produits issus de l’agriculture raisonnée. Ce
type de programme de fidélisation est d’autant plus intéressante pour le groupe Auchan qui en
dehors de son enseigne de grande distribution en présente d’autres tels que Boulanger,
Norauto, Décathlon, Leroy Merlin…A travers ce type de partenariat, l’offre est sans cesse
renouvelée auprès du consommateur en minimisant les coûts
1.4.3 Un instrument de promotion
Comme nous l’avons vu précédemment, les points de fidélité peuvent contribuer à
faire découvrir des MDD. La carte dans ce contexte constitue alors un véritable instrument de
promotion tout en favorisant une fidélité croissante à l’enseigne et à ses produits. La carte
n’agit alors pas tant comme un instrument de fidélisation mais comme un instrument de
promotion.
Les cartes de fidélité se montre également un moyen efficace de réaliser des marchés
tests et de proposer aux fournisseurs de tester leurs promotions sur un échantillon de porteurs
de carte. Ce fut le cas de l’opération Aquafresh lancé en septembre 2001 sur 5 752 porteurs de
la carte Leclerc Privilège (source). Ce test a permis non seulement de déterminer la politique
la plus pertinente avant de passer au lancement national du produit mais aussi de montrer un
meilleur retour sur investissement par l’offre Ticket Leclerc. De plus, selon la stratégie de
l’enseigne, la carte peut véritablement évoluée en carte de récompense par un couplage avec
des promotions, ce qui permet de cibler les promotions et d’en faire bénéficier les meilleurs
clients. Comme le ciblage est réalisé en fonction du comportement réel d’achat, toute
déperdition est supprimée et tout euro est optimisé tout en favorisant par conséquent la notion
de privilèges.
1.5 Peut évoluer technologiquement
Un avantage certain de la carte de fidélité réside aussi dans sa capacité évolutive.
Aujourd’hui, toutes les cartes n’offrent pas toutes les mêmes capacités de stockage et de
traitement de l’information selon qu’elles sont à code barre, à piste ou à puce. La carte à
microprocesseur est très intéressante car elle autorise une utilisation nomade de l’information
et une traçabilité totale sur les avantages, primes ou privilèges. Toutefois, aujourd’hui, les
cartes sont trop souvent un simple bout de plastique se différenciant par l'embossage ou
l'impression du nom de leur possesseur.
1.6 Ficelle le client (Annexe 17)
De nombreuses cartes de fidélité (Carrefour, Auchan) sont associées à des cartes de
paiement. Outre les informations personnelles recueillies, ces cartes émises par des
organismes financiers spécialisés dans le crédit à la consommation contribuent à rentabiliser
le programme de fidélisation de l’enseigne et à fidéliser « en force » le consommateur. Elles
fonctionnent sur le principe du crédit revolving. Si les facilités de paiement en 2 ou 3 fois sans
frais sont prises en charge par l’enseigne, les formules de crédit classique relèvent du
consommateur avec des taux d’intérêt exorbitants. De plus, ces remboursements mensuels ne
précisent pas que la durée totale des acquittements atteint en général 2 ans avec une
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majoration de 17 à 20% selon les taux pratiqués, par rapport au prix affiché en magasin. 80%
des ménages surendettés sont ainsi titulaires d’au moins un crédit revolving.
En somme, les cartes de fidélité, qu’elles soient de paiement ou non, ne sont qu’un
élément du mix-marketing et non une fin en soi. Si elles sont bien exploitées, l’enseigne
peut fidéliser, maximiser ses marges, son taux de trafic client et augmenter son CA.
Cependant, il est nécessaire de les gérer, les faire vivre en magasin et les faire évoluer
sinon elles risquent rapidement de présenter des limites et de représenter un danger réel pour
l’ensemble de la stratégie de fidélisation.
2 Les limites de la carte de fidélité et son évolution probable.
2.1 Contraintes techniques de la carte de fidélité
2.1.1 Coûteuse et pas toujours simple d’usage
Dans la grande distribution en Europe, les coûts associés à la gestion des cartes de
fidélité étaient estimés en 1999 à 2,5 milliards de dollars pour 350 millions de cartes émises
(source). Pour ces raisons, certaines enseignes de distribution (Safeway et Asda en Angleterre
et Nob Hill Foods aux Etats-Unis) ont décidé d'abandonner leurs programmes de fidélisation.
Le coût de gestion d’une carte de fidélité est en somme très élevé d’autant plus quand il s’agit
d’une carte à puce (la majorité des cas aujourd’hui).En effet, cette dernière a un coût en
moyenne dix fois plus élevé que la carte à code barre et suppose un équipement ad hoc de
tous les points de vente/d’utilisation. Mais elle est plus fiable et le sentiment d’appartenance
de la part du client est plus important.
D’autre part, les faiblesses des programmes de fidélisation résident aussi dans la
complexité des programmes de fidélisation. Plus l'utilisation du programme devient simple,
c'est-à-dire un geste banal, plus il aura des chances de réussir. Un exemple simple est d'offrir
des porte-clés, comme le fait l'enseigne Champion et Auchan. Les magasins E. Leclerc
proposent un « porte-monnaie électronique », qui donne l'avantage de pouvoir constituer une
épargne destinée aux courses futures, mais qui facilite également les courses des clients.
2.1.2 Des programmes souvent imités
Un des principaux problèmes des programmes de fidélité est leur similarité. En effet, il
est difficile aujourd’hui de percevoir de réelles différences entre les offres de deux enseignes
concurrentes (Annexe 18). Elles se composent toutes de récompenses purement financières et
tangibles (« hard benefits»), comme des réductions, des coupons, les cadeaux..., et d’autres de
nature affectives et intangibles (« soft benefits»), comme la reconnaissance, les services, les
privilèges, les soldes privées… Mais, leurs offres sont peu différenciées sans réelle valeur
ajoutée. Ainsi, une réduction de prix est facilement copiable par la concurrence alors qu’une
récompense non-monétaire à prix égal possède plus de valeur aux yeux des consommateurs.
2.2 La carte de fidélité : profite-t-elle vraiment au consommateur ?
Un des grands principes du marketing lorsqu’on commercialise un produit sont les
bénéfices accordés au client. Lorsqu'un consommateur adhère à un programme il considère
les coûts de son engagement (les frais d'adhésion, les données personnelles offertes à
l'entreprise, les obligations d'achat etc.) contre les gains (les bénéfices, les avantages
financières, les privilèges, l'image etc.). Il va devenir membre et une relation pourra se
construire seulement si les gains sont supérieurs aux coûts. La plupart du temps, le montant
des primes proposées est faible, voire ridicule. Ainsi, chez Champion, il faudra 7 000 points
(10 500 Є) et 45,73 Є de sa poche pour avoir droit à un VTT. Tout cela biensûr si les points
n’ont pas expiré puisque la majorité des programmes est affectée d’une date de validité.
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2.3 La carte de fidélité est efficace…
Dans la deuxième partie nous avons vu que la carte de fidélité peut agir sur le Chiffre
d’Affaires. Toutefois, cette affirmation n’est valide que si certaines conditions sont vérifiées.
Les cartes ne sont efficaces que s’il y a sélection et identification des clients afin de mieux
allouer et ajuster les ressources d’un programme de fidélisation. La réalisation d’un tel
objectif passe par une distribution sélective de la carte et par l’animation du
programme.
2.3.1 …Si on l’accompagne d’un programme d’animation.
Avoir une politique offensive associée à un programme de fidélisation s’inscrit dans une
démarche de fidélisation active et limite les risques de perte de clients. Ainsi, par
l’intermédiaire des cartes de fidélité et des campagnes de promotion qui les accompagnent,
l’enseigne peut ainsi étonner le client et aller à sa rencontre sur un terrain où il ne l’attend pas
(ex. des comptes rémunérés). L’exemple emblématique de l’Irlandais Superquinn prouve
également que l’animation dans le magasin est non négligeable. En plus d’avoir une carte de
fidélité attractive, ce distributeur d’Outre-Manche sait la faire vivre avec des astuces
désarmantes de simplicité et d’efficacité. A titre d’exemple, l’enseigne offre 100 points à tout
client débusquant un produit périmé ou à toute mère de famille ne trouvant pas de harnais de
sécurité pour attacher leurs enfants aux chariots. Par ces petites attentions, l’enseigne se
garantit de l’implication du porteur dans son programme, de la relation de confiance qui la lie
au client mais aussi d’un moyen de communication qui prouve à ce dernier qu’il est
privilégié. En fidélisant ceux que l’on peut fidéliser et en animant son programme, le jeu de la
concurrence et de l’imitation est limité restaurant par conséquent les marges. Cette sélection
encourage également le développement des bases de données clients ainsi que leur
exploitation statistique. Mais la gestion en est d’autant plus compliquée.
2.4 Limites dans la gestion d’une carte de fidélité
Dans un programme de fidélisation, l’exploitation d’une carte peut se révéler
rapidement ingérable non seulement à cause de la multitude d’informations qu’elle procure
mais également à cause des outils ou des autres enseignes qu’elle y associe.
2.4.1 le co-branding à l’origine du flou des programmes
Le co-branding a des limites puisqu’il favorise la multi-fidélité à plusieurs
entreprises. Bien que contrôlé, il peut rendre flou le niveau de la fidélité. Le multi-partenariat
engendre également les problèmes organisationnels. C’est pourquoi, Casino filialise l'activité
de gestion des cartes de fidélité. Ceci reflète à la fois l'importance accordée au programme,
mais aussi la complexité de leur gestion, notamment dans les groupes multi-enseignes.
3 Les rapports concurrentiels entre les diverses enseignes
Compte tenu du nombre de distributeurs alimentaires, les programmes de fidélisation
avec carte de fidélité évoluent dans un contexte très concurrentiel. Ces enseignes jouent
actuellement sur de nombreux aspects afin d’attirer les potentiels porteurs de cartes. Quels
sont véritablement leurs arguments et les enjeux dans cet univers ?
3.1 La gratuité ou non de la carte de fidélité :
Les cartes de fidélité à adhésion gratuite (Waaoh de Auchan, Intermarché…) en
comparaison à celles payantes (Carrefour par exemple) sont un véritable atout dans l’univers
concurrentiel de la distribution alimentaire. Elles offrent en effet un potentiel de vente plus
performant puisque les détenteurs de ces cartes sont des volontaires. De ce fait, ils adoptent
une démarche davantage participative face aux offres de l’enseigne. Tout ce qu’ils gagnent est
perçu comme du bonus, du sur-plus.
Toutefois, un élément important risque de changer cette donne. En effet, Auchan
s’apprête à mettre sur le marché une carte visa Internationale destinée à concurrencer les
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cartes bancaires traditionnelles. A chaque utilisation, quelque soit le lieu de l’achat (Carrefour
par exemple…), un montant fixe en euros sera crédité sur le compte du porteur de carte. Ce
dernier ne pourra alors utiliser sa cagnotte que chez Auchan. L’intérêt d’une telle carte est
surtout de connaître directement les habitudes d’achat du consommateur. Auchan pourra
savoir où le client achète et pour quelle valeur. Dans ces circonstances, ce groupe met en
place un instrument absolu de mesure de la fidélité. Elle peut aussi éventuellement inciter
au crédit. L’enseigne évolue vers le système bancaire...
3.2 Les prestations de services :
Un élément différenciateur au sein des programmes de fidélisation avec cartes de
fidélité est l’offre de prestations de services. Celle-ci est biensûr dépendante de la structure
de l’enseigne. Ainsi, la carte de Géant (groupe Casino) se sert de son réseau (Cofinoga) pour
proposer à ses détenteurs de cartes une assistance en cas de coups durs (problèmes de santé,
de voiture) ou dans le cadre de leurs voyages. A l’inverse, les centres Leclerc ou Intermarché
qui sont des indépendants ne peuvent mettre en place de tels privilèges car il est difficile pour
eux de s’organiser sans l’aide des groupes bancaires (Sofinco par exemple pour Intermarché).
3.3 La zone d’acceptabilité de la carte :
Selon les enseignes, la carte de fidélité n’a pas la même zone d’acceptabilité. Ainsi,
les cartes Intermarché ne permettent de bénéficier des avantages que dans le magasin qui les a
délivrées tandis que celles de Carrefour et de Casino sont valables quelque soit le magasin. Il
s’agit véritablement d’un argument concurrentiel avec lequel l’enseigne choisi de fidéliser au
magasin ou à tout le groupe (fidélisation multi-enseignes). Casino applique ainsi une politique
de prix et d’assortiments à l’échelle nationale. Avantagé par une gamme de formats portant le
même nom (supérettes, supermarchés, hypermarchés Casino) et un réseau important, ils ont
de ce fait intérêt à maximiser la zone d’acceptabilité.
3.4 Le type de distribution des offres :
Bons d’achat, points de fidélité, réductions, cadeaux sont autant de privilèges qui font
qu’un consommateur s’oriente davantage vers une enseigne plutôt qu’une autre. Ainsi, les
centres E.Leclerc, système U ou Intermarché, du fait de leur structure faite de commerces
indépendants, privilégient les ristournes et les bons d’achat. Les autres tels que Casino axent
essentiellement leur stratégie de distribution des offres sur les cadeaux. Ces derniers sont
répertoriés dans un catalogue de lots appartenant au programme de fidélisation multienseignes. L’avantage de ce système de points est double. Il permet d’une part de mieux
contrôler les apports de chaque partenaire mais surtout de maîtriser le cours du point.
L’enseigne, en offrant des points de fidélité, décide seule de la valeur de ses points. La notion
d’argent n’existe plus contrairement aux euros cumulés dans d’autres programmes de
fidélisation (Auchan, Intermarché…). Avec le catalogue de cadeaux, Casino évite la
comparaison de prix qui est déterminant pour une vente. De plus, il permet des offres
exclusives favorisant l’aspect privilégié du consommateur. Casino attribue donc à ses S’Miles
une valeur exclusive qu’elle sait maîtriser. L’enseigne peut octroyer par exemple une valeur
éthique à ses points. Elle s’engage ainsi, de manière remarquable, à verser au nom du
détenteur de carte le double de la valeur en euros correspondant aux points que le
consommateur souhaite offrir à l’association de son choix.
3.5 Masquer sa politique de prix :
Auchan par le développement et la diffusion massive de sa carte de fidélité Waaoh
s’inscrit dans une stratégie de fidélisation qui lui permettra de sortir de la comparaison des
prix au sein de la grande distribution. En effet, en offrant de nombreux avantages
personnalisés, cette enseigne multiplie les privilèges pour les porteurs suffisamment
représentatifs. Elle s’affranchit ainsi de la transparence des prix et rend de cette manière
aveugle la concurrence qui ne connaît pas sa politique de prix et d’assortiments (théorie de la
concurrence biaisée).
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3.6 Prendre le contre pied complet :
Un argument futur amenant les consommateurs à privilégier une enseigne plutôt
qu’une autre pourrait être le contre pied complet à tout programme de fidélisation. On
constate aujourd’hui les prémices de cette stratégie dans la distribution de l’essence. En effet,
on voit émerger actuellement les stations Elf bleu/jaune où le prix de l’essence est garanti à
son minimum. En contre partie, elles sont dépouillées de tous privilèges marketing tels que les
points de fidélité Elf…Il se peut qu’à terme les enseignes (pas uniquement du hard-discount)
axent leur communication sur ce thème. Le discours sera alors de cet ordre : « ici, il n’y a pas
de programme de fidélisation mais tout cet argent lié au marketing est intégralement reversé
pour garantir des prix minimaux ».
Conclusion
Au terme de cette étude, il apparaît que la carte de fidélité s’inscrit dans un programme
de fidélisation à vocation stratégique aussi bien défensive qu’offensive. Ces programmes
de fidélisation avec cartes de fidélité reposent sur la gestion de l'hétérogénéité des clients,
faisant référence à la différenciation et à la discrimination par les prix. Mais ils cherchent
aussi à gérer la relation avec la clientèle, en maintenant et en domestiquant des groupes de
clients dans le but de les isoler des pressions concurrentielles. Le degré de différenciation
des produits, l'hétérogénéité des consommateurs, l'intensité de la compétition, le degré
d'implication pour les produits, la fréquence d'achat sont autant de facteurs agissant sur
l’intérêt d’un programme de fidélité.
La carte de fidélité présente des limites d’ordre essentiellement techniques et
gestionnaires. Le programme de fidélisation avec carte de fidélité est coûteux puisqu’il
requiert une gestion opérationnelle et il doit être difficilement imitable. Cependant, cet
instrument de fidélisation répond réellement au besoin actuel des entreprises de se réorienter
davantage vers les clients. Il constitue un véritable instrument évolutif permettant de
reconstruire la proximité entre client et distributeur par l’émergence d’un dialogue
personnalisé. Il permet d’individualiser l’offre et la relation distributeur-client, et
contribue à l’évolution permanente de l’offre en favorisant sa diversification, sa
promotion et les innovations.
Bibliographie
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