Le Monde - entree
Transcription
Le Monde - entree
UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES SUPPLÉMENT Jeudi 11 février 2016 72e année No 22106 2,40 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry Directeur : Jérôme Fenoglio Les transports en commun parisiens au bord de la rupture ▶ Il faudrait, indique la ▶ Elle estime dans son rap ▶ L’entretien du réseau est ▶ La Cour estime par ailleurs Cour des comptes, investir « une cinquantaine de mil liards d’euros » dans les transports d’IledeFrance, totalement saturés port, rendu mercredi, que la situation va continuer à se dégrader jusqu’en 2020, en raison des sousinves tissements actuels pour la Cour « une priorité absolue », quitte à reporter l’ouverture de nouvelles lignes et à augmenter les tarifs pour les usagers que les prévisions de recet tes du gouvernement sont surévaluées et acte l’échec des contrats de génération → LIR E P. 1 0 - 1 1 E T L’ É DITOR IA L P. 2 2 Bernie Sanders , la « révolution » en marche L’ inscription dans la Cons titution de la déchéance de nationalité a été adop tée, mardi 9 février dans la nuit, à une faible majorité, par 162 voix contre 148. 119 députés socialistes ont voté pour, 92 contre, 10 se sont abstenus. Chez Les Républi cains, 32 ont voté pour, 30 contre. La majorité des trois cinquièmes, nécessaire à la révision, semble ainsi hors de portée, d’autant que le Sénat a prévenu qu’il entendait « réécrire » le texte. Manuel Valls a insisté à l’Assem blée sur le « serment » qu’avait pu bliquement fait le président de la République. L’échec programmé de la révision pèse ainsi directe ment sur François Hollande. → LIR E ▶ Le candidat l’a emporté, mardi, lors de la primaire démocrate du New Hampshire ▶ Il se confirme comme le principal challenger d’Hillary Clinton ▶ Donald Trump l’emporte largement chez les républicains → LI R E DÉCHÉANCE VOTE AMER POUR HOLLANDE P. 8 E T DÉ B ATS P. 1 3 ENVIRONNEMENT LA COUR SUPRÊME DÉSAVOUE OBAMA SUR LE CLIMAT → LIR E PAGE 6 SANTÉ LE GOUVERNEMENT TENTE D’AMADOUER LES MÉDECINS PAG E 2 → LIR E PAGE 9 CULTURE LES MUSÉES FRANÇAIS À L’HEURE CHINOISE A Manchester, dans le New Hampshire, le 9 février. DARCY PADILLA / VU POUR « LE MONDE » → LIR E LES RÉFUGIÉS D’ALEP BLOQUÉS À LA « PORTE DE LA PAIX » par benjamin barthe kilis (turquie) - envoyé spécial L es Syriens l’appellent Bab AlSalamah, la « porte de la paix ». C’est un point de passage avec la Turquie, au nord d’Alep. Un sas de sortie de l’en fer pour tous les habitants de cette région, soumis au feu roulant des chasseurs bombardiers russes. Mais Bab AlSalamah ne veut pas s’ouvrir. Dix jours après le début de l’offensive des forces loyalistes sur la pro vince d’Alep, et alors que des dizaines de milliers de Syriens s’entassent dans des camps de fortune aux alentours, le postefrontière reste fermé. En dépit des promesses du président turc, Recep Tayyip Erdogan, les autorités locales ne semblent pas pressées de rece voir une nouvelle vague de réfugiés qui s’ajouteraient aux 2,5 millions de Syriens déjà présents. « Notre objectif pour l’instant est de maintenir autant que possible cette vague de migrants au-delà des frontières de la Turquie, et de leur fournir à cet endroit les services nécessaires », a admis, lundi, le vicepremier ministre, Numan Kurtulmus. LE REGARD DE PLANTU → LIR E L A S U IT E PAGE 3 Cuvée record pour les vins et spiritueux français ÉCONOMIE Avec un solde commercial positif de 10,4 milliards d’euros, les vins et spiritueux affichent une per formance inédite en 2015, dépas sant le précédent record de 2012. Le secteur redevient le deuxième exportateur français, derrière l’aéronautique, mais devant les parfums et cosmétiques. Le champagne et le cognac ont été les deux moteurs de ce dyna misme. Le taux de change favora ble de l’euro par rapport au dol lar, au yen ou à la livre sterling a contribué à ces bons résultats. © www.pollenstudio.fr REPORTAGE PAGE 1 6 CONCOURS COMMUNS 2016 ENTREZ EN 1re ANNÉE SAM. 28 MAI 2016 Inscriptions du 4 fév. au 21 avr. 2016 ENTREZ EN 2e ANNÉE SAM. 19 MARS 2016 Inscriptions du 7 jan. au 25 fév. 2016 Renseignements et inscriptions www.sciencespo-concourscommuns.fr → LIR E LE C A HIE R É CO PAGE 5 Algérie 200 DA, Allemagne 2,80 €, Andorre 2,60 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,40 €, Cameroun 2 000 F CFA, Canada 4,75 $, Côte d'Ivoire 2 000 F CFA, Danemark 32 KRD, Espagne 2,70 €, Espagne Canaries 2,90 €, Finlande 4,00 €, Gabon 2 000 F CFA, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,60 €, Guyane 3,00 €, Hongrie 990 HUF, Irlande 2,70 €, Italie 2,70 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,40 €, Malte 2,70 €, Maroc 15 DH, Pays-Bas 2,80 €, Portugal cont. 2,70 €, La Réunion 2,60 €, Sénégal 2 000 F CFA, Slovénie 2,70 €, Saint-Martin 3,00 €, Suisse 3,60 CHF, TOM Avion 480 XPF, Tunisie 2,80 DT, Turquie 11,50 TL, Afrique CFA autres 2 000 F CFA 2 | international 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Le candidat à la primaire républicaine Donald Trump après l’annonce de sa victoire dans le New Hampshire, mardi 9 février, à Manchester. MIKE SEGAR/REUTERS Trump au-dessus de la mêlée républicaine Largement en tête dans le New Hampshire, le magnat new-yorkais domine un parti en pleine confusion washington - correspondant S i certains en doutaient en core, le New Hampshire a dissipé toutes les illusions mardi 9 février : la popula rité de Donald Trump est bien convertible en bulletins de vote. Mais le camp républicain n’est pas le seul à être déstabilisé par un outsider de 69 ans. En couronnant un sénateur septuagénaire indépendant qui plaide vigoureusement pour une « révolution politique », les électeurs démocrates de cet Etat de la Nouvelle-Angleterre ont également infligé à la favorite, Hillary Clinton, un camouflet. Mais les effets perturbateurs de la campagne du milliardaire, qui multiplie depuis huit mois injures et propositions extrêmes, risquent d’être d’autant plus dévastateurs qu’une compétition désordonnée devrait continuer de régner au sein du Grand Old Party. La domination du milliardaire est totale si on se fie aux résultats d’un sondage de sortie des urnes publié par le New York Times. M. Trump s’impose dans toutes les familles républicaines (« très conservateurs », « conservateurs », « modérés ») et dans toutes les classes d’âge. Les thèmes qu’il a martelés pendant la campagne (immigration, place de l’islam) figurent également en tête des préoccupations des électeurs républicains. Parmi tous les candidats républicains, il a été choisi le plus en amont par ceux qui ont voté pour lui. Trois qualités principales sont enfin avancées pour justifier ce vote en sa faveur : « Il dit les choses comme elles sont », « il peut apporter le changement » et « il peut l’emporter en novembre ». Cette position de force confirme l’évolution de l’opinion des électeurs républicains à son sujet. En novembre, ils n’étaient que 39 % à estimer que le magnat de l’immobilier serait probablement le nominé républicain selon le baromètre ABCWashington Post. En janvier, selon la même source, ils étaient désormais 64 % à le penser. Au soir du vote de l’Iowa, le bon score obtenu par le jeune sénateur de Floride Marco Rubio, 44 ans, avait alimenté l’espoir, pour la direction républicaine, d’un rapide regroupement des forces autour de sa personne. Ce rassemblement passait par une nouvelle performance dans le New Hampshire, un Etat en théorie plus favorable que celui du Midwest, et par de nouvelles déroutes pour les autres candidats modérés, les gouverneurs John Kasich et Chris Christie, et l’ancien gouverneur Jeb Bush, tous laminés dans l’Iowa. Le succès de John Kasich Rien de tout cela ne s’est produit. Handicapé par une contre-performance lors du débat télévisé du 6 février au cours duquel il n’avait cessé de rabâcher mécaniquement le même paragraphe du discours qu’il délivre ordinairement lors de ses réunions électorales, M. Rubio n’est arrivé qu’en cinquième position dans le New Hampshire. M. Kasich, gouverneur de l’Ohio, qui avait tout misé dans cet Etat dans lequel il avait tenu plus d’une centaine de town hall, des séances de questions-réponses avec les électeurs, a obtenu au contraire la deuxième place. Son discours de remerciements aux électeurs a été l’occasion pour lui d’exprimer un « conservatisme compassionnel » jusque-là étouffé par M. Trump. Enterrée précocement à la suite de médiocres performances lors des premiers débats, la campagne de Jeb Bush, fils et frère de président, semble également amorcer un redressement. Il s’est traduit dans le New Hampshire par une quatrième place qui écarte durablement le spectre d’un abandon. Il en va autrement pour le gouverneur du New Jersey. M. Christie, qui avait poussé M. Rubio dans ses retranchements samedi, mais qui n’a pas obtenu le score à deux chiffres qui lui aurait permis d’espérer. Dernière mauvaise nouvelle pour l’establishment républicain, le très conservateur sénateur du Texas Ted Cruz, arrivé en tête dans l’Iowa, est parvenu à limiter ses pertes dans le New Hampshire avec une troisième place. Il s’agit pourtant d’un Etat dont la sociologie, et notamment le poids plus faible des conservateurs religieux, ne lui est pas favorable. Il en ira tout autrement dans les Etats sudistes, nombreux à se prononcer dans les semaines à venir. M. Trump, qui ne cesse de se féliciter bruyamment de la bonne te- Handicapé par une contreperformance lors du débat télévisé, le modéré Marco Rubio n’est arrivé que cinquième nue de ses intentions de vote lors de ses réunions politiques, peut d’autant plus se réjouir que les prochaines étapes de la course républicaine s’annoncent plutôt bien pour lui. Le site Realclearpolitics, qui compile les différentes enquêtes d’opinion, lui accorde ainsi une marge d’avance de dix points en Caroline du Sud tout comme dans le Nevada. Ces deux Etats se prononceront le 20 février pour un total de 80 délégués, au lieu des 53 en jeu dans l’Iowa et le New Hampshire réunis. Parmi les Etats importants du Super Tuesday, le 1er mars, M. Trump est pour l’instant en tête en Géorgie (76 délégués) et talonne M. Cruz dans le Texas (155 délégués). Il domine également en Floride (99 délégués), où les électeurs se prononceront le 15 mars. Bernie Sanders mobilise La situation dans le camp démocrate est par comparaison beaucoup plus simple puisqu’il ne reste déjà plus que deux candidats en lice. Elle promet cependant une course aussi longue et éprouvante compte tenu des capacités de mobilisation de Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont l’emporte dans la majorité des catégories d’âge, mis à part les plus de 65 ans, toujours selon le même sondage du New York Times. Il devance également Mme Clinton auprès de l’électorat féminin et creuse un écart significatif au sein de l’électorat masculin avec 66 % contre 32 % pour sa rivale. Cette dernière domine parmi les plus fortunés, de quoi alimenter les accusations d’appartenance à l’establishment. Le regard des électeurs démocrates sur les deux candidats est cependant plus équilibré que dans le camp républicain. M. Sanders est plébiscité lorsqu’on les interroge sur son honnêteté ou son écoute des gens. Il en va de même pour Mme Clinton lorsqu’il est question d’expérience et de la capacité à être élu(e) en novembre. Ces deux thèmes déjà développés longuement par Mme Clinton lors de ses duels télévisés devraient être martelés au cours des semaines à venir. Pour l’instant, cette dernière devance largement M. Sanders dans les deux prochains Etats, la Caroline du Sud et le Nevada. p gilles paris Bernie Sanders solidement installé dans la course démocrate la victoire de bernie sanders dans le New Hampshire avait été anticipée par sa rivale Hillary Clinton. Elle n’en constitue pas moins une mauvaise nouvelle pour l’équipe de campagne de l’ancienne secrétaire d’Etat. Le sénateur du Vermont, porté par deux bons résultats, veut moins que jamais se contenter d’une candidature de témoignage. S’exprimant vendredi 5 février au cours d’un petit-déjeuner organisé par le Saint Anselm College et le New Hampshire Institute of Politics, M. Sanders a dévoilé un chiffre qui donne la mesure de la mobilisation de ses supporteurs. Ces derniers sont en effet à l’origine de 3,5 millions de dons pour financer sa campagne, avec une moyenne de 27 dollars (24 euros) par don. Ce chiffre historique, qui enfonce les records enregistrés par M. Obama au cours de ses deux campagnes présidentielles, a été dopé par le résultat de l’Iowa, où il avait fait jeu égal avec Mme Clinton. Au lendemain de son match nul avec Mme Clinton, M. Sanders a ainsi collecté 3 millions de dollars supplémentaires. « Un système corrompu » Fort d’un trésor de guerre respectable, le sénateur du Vermont peut livrer bataille en toute quiétude dans de nombreux Etats. Son message dénonçant le poids du lobby bancaire, des grandes entreprises, y compris celles qui possèdent les grands médias américains, est rodé. Il lui permet depuis le mois d’août de drainer des foules considérables partout où il s’exprime. La « révolution politique » qu’il défend n’a pour lui rien d’un slogan. « Même si j’étais élu à la Maison Blanche, je ne pourrais changer les choses, à commencer par un système de financement politique corrompu, sans le soutien d’un large mouvement », répète à l’envi M. Sanders avant de plaider inlassablement en faveur de la gratuité des études supérieures, d’une augmentation massive du salaire minimum et d’une couverture santé universelle. Un observateur attentif suit de près le parcours de Bernie Sanders. Il s’agit du président démocrate Barack Obama qui a fait part de sa « surprise » face aux bons résultats du sénateur, mardi, avant les résultats du New Hampshire, au cours d’un entretien diffusé par la chaîne CBS, tout en estimant qu’il était encore « prématuré » d’en tirer des conclusions. M. Obama affiche pour l’instant sa neutralité, mais il a égratigné M. Sanders dans un autre entretien publié par Politico, avant l’Iowa, en expliquant que le titulaire de la fonction présidentielle ne pouvait « se payer le luxe de se concentrer sur un seul sujet ». Bernie Sanders a obtenu deux bons scores dans deux Etats homogènes, dont la population est blanche à plus de 90 %. Il va en aller différemment pour lui dans les Etats du Sud où le vote afro-américain se porte pour l’instant majoritairement sur sa rivale. p g. p. international | 3 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 A la « porte de la paix », les réfugiés d’Alep fuient l’enfer Des milliers de Syriens se pressent à la frontière turque suite de la première page Un nouveau camp de tentes, le neuvième, a donc surgi durant le week-end aux abords de Bab Al-Salamah. Selon le vice-président du Croissant rouge turc, Kerem Kinik, 65 000 Syriens s’agglutinent désormais aux abords du poste-frontière, dont 15 000 arrivés depuis l’intensification des bombardements russes, lundi. « Les camps sont saturés, raconte Ahmed Al-Mohamed, un employé de Médecins sans frontières qui revient juste de Syrie. Les premiers jours, certaines personnes dormaient dans la rue ou dans les champs d’oliviers. J’ai même vu des familles qui dorment dans leur voiture, dans le no man’s land entre les deux bouts de la frontière. » Selon un expert onusien, 10 000 autres déplacés se sont arrêtés à Azaz, la première ville syrienne, Kilis TURQUIE Bab Al-Salamah Azaz Afrin Tal Rifaat SYRIE Alep 10 km cinq kilomètres au sud du terminal. Plutôt que de tabler sur une hypothétique ouverture de la frontière, certains habitants de la province d’Alep ont préféré se réfugier dans sa partie ouest, épargnée pour l’instant par les frappes russes. Près de 6 000 personnes ont également été autorisées par les forces kurdes à s’installer dans le district d’Afrin, au nord-ouest d’Alep, qui est sous leur contrôle. En tout, selon un décompte préliminaire de l’ONU, le nombre de déplacés de la semaine passée avoisine les 45 000. « Un volcan en éruption » Les seuls Syriens autorisés à entrer en Turquie sont les blessés. La plupart sont dirigés vers le petit hôpital de Kilis, la ville qui borde le terminal. Au deuxième étage, Mohamed Abu Jamil, un père de famille de 45 ans, émerge d’une opération aux jambes. Lundi, il se trouvait dans sa maison, à Tell Rifaat, à une vingtaine de kilomètres de la frontière, lorsqu’une explosion a retenti, faisant voler en éclats les fenêtres. « C’était comme un volcan en éruption, avec de la fumée orange, explique-il, allongé sur son lit. On s’est mis à courir. J’ai été fauché par la deuxième roquette. » Son fils Ibrahim, autorisé à l’accompagner, raconte le calvaire enduré par la bourgade depuis la fin de la semaine dernière. « Les avions russes attaquent dix à quinze fois par jour. Ils larguent parfois des ro- Un enfant réfugié à Bab-Al-Salamah, près d’Azaz, dans le nord de la Syrie, à la frontière avec la Turquie, le 10 février. BULENT KILIC/AFP « Les Syriens sont-ils tous des terroristes bons à massacrer ? » ABOU AHMED médecin quettes longues de plusieurs mètres, qui descendent en parachute et dévastent tout autour d’elles. » L’usage sur le terrain syrien de ce type de projectiles a été authentifié par de nombreuses vidéos, sans qu’il soit possible d’identifier formellement leur nature. Sur le lit d’à côté, un jeune homme se remet d’une plaie au cou, causée par des éclats d’obus. Il se présente comme un civil, blessé alors qu’il se trouvait sur le perron de son domicile. Mais son air emprunté et son refus d’en dire davantage laissent supposer qu’il a été blessé dans des combats, comme de nombreux autres patients de l’hôpital, moins timorés, qui n’hésitent pas à se dire membres de l’Armée syrienne libre (ASL), la branche modérée de l’insurrection. Dans la chambre qui se remplit de visiteurs, la présence d’un journaliste occidental allume un débat orageux. « Les gouvernements occidentaux savent tout ce qu’il se passe en Syrie et pourtant aucun ne bouge, s’exclame l’un d’eux, un docteur surnommé Abou Ahmed, installé à Kilis depuis quatre ans. Les Syriens sontils tous des terroristes bons à massacrer ? » « Il nous faut des missiles sol-air, 100 missiles sol-air, vous comprenez ! Avec ça, ces poltrons de Russes déguerpiront aussi vite qu’ils sont venus », lance un autre. « Non, objecte un troisième. Nous n’avons besoin ni de nourriture, ni d’argent, ni d’armes. Il faut juste décréter une zone d’interdiction aérienne sur le nord d’Alep, pour nous permettre de rentrer dans nos maisons. » Mais il est trop tard. Les EtatsUnis ont toujours été hostiles à cette idée, suggérée par la Turquie. Et à supposer qu’ils changent d’avis, ce qui est improbable, la percée des forces gouvernementales, avec le soutien de l’aviation russe, rend une telle mesure désormais impossible à mettre en œuvre. Les pro-Assad ne sont plus qu’à une poignée de kilomètres de Tell Rifaat. Ils peuvent espérer atteindre la frontière et reprendre le contrôle de Bab Al-Salamah dans les prochaines semaines. Devant le terminal, côté turc, un journaliste syrien pianote sur son portable. Il communique par WhatsApp, une application de messagerie instantanée, avec un résident de Tell Rifaat, chargé du transfert des blessés vers Kilis. L’homme vient d’envoyer un message sonore. « Nous venons de recevoir cinq nouveaux morts. Il y a des avions partout au-dessus de nos têtes. » Et d’une voix au bord des larmes, il ajoute : « Nous ne pouvons pas nous battre contre le ciel. » p benjamin barthe Doutes autour du soutien de l’OTAN L’idée d’une demande d’appui matériel à l’OTAN pour le contrôle des flux de migrants dans le sud de l’Europe, lancée lundi 8 février par Angela Merkel et le premier ministre truc, Ahmet Davutoglu, suscite beaucoup de scepticisme au sein de l’Alliance atlantique. La question devrait être évoquée au cours de la réunion des ministres de la défense, les 10 et 11 février. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a promis un examen « très sérieux ». L’ambassadeur américain Douglas Lute s’est montré plus évasif. D’autres diplomates, sous le couvert de l’anonymat, ne cachaient pas leurs doutes. Israël cible les ONG financées par des gouvernements étrangers Sous couvert de « transparence », une loi oblige les organisations à mentionner leurs donateurs dans leurs rapports Michel Fau Louis Garrel ges sur la réalité de l’occupation et des guerres menées dans la bande de Gaza. En Israël, s’en prendre à l’armée relève du plus grave blasphème civique. Attaquée constamment, l’ONG a même dû faire face, explique sa directrice, Yuli Novak, à une infiltration. Deux taupes ont été découvertes. Depuis près d’un an et demi, ces hommes mandatés par une organisation d’extrême droite travaillaient comme volontaires, après s’être présentés comme de simples soldats ayant un témoignage à apporter. Le 5 février, plusieurs dizaines d’ONG ont organisé un rassemblement festif dans le port de Tel- Benoit Magimel le César 2016 du Meilleur Acteur dans un Second Rôle Aviv, pour présenter un front commun face à ce qu’elles estiment être un assaut contre la société civile. « Cela fait des années que ce gouvernement et les précédents travaillent pour délégitimer les organisations de défense des droits de l’homme, en les caricaturant comme des défenseurs de l’ennemi, expliquait Hagai El-Ad, directeur de B’Tselem, qui documente les violations des droits des Palestiniens par l’armée et les colons. Pour le gouvernement, la démocratie est le règne de la majorité. Or, ce ne peut être juste cela. Il y a des valeurs et des droits qui ne dépendent pas d’un vote. » p piotr smolar © Paul Arnaud _ Why Not Productions Tir de barrage Seule concession faite par Benyamin Nétanyahou par rapport au projet de loi initial : le premier ministre a demandé l’abandon du port d’un badge spécifique pour les membres de ces organisations lors de leurs visites à la Knesset. Cette modification sym- bolique a été motivée par les critiques aux Etats-Unis et en Europe contre ce texte jugé discriminant. Les ONG proches des colons, qui bénéficient de financements abondants de fondations aux Etats-Unis, ne sont pas concernées par le projet de loi. En ciblant les financements étatiques, le texte atteint exclusivement les organisations étiquetées de gauche, qui veillent au respect des droits de l’homme et observent les violences et les abus commis contre les Palestiniens. Celle qui affronte un véritable tir de barrage est Rompre le Silence. Regroupant des vétérans de l’armée, elle recueille des témoigna- ©DR © Larry Horricks nommés pour site la liste de nos donateurs. » Yesh Din touche « plus de 90 % » de ses financements de membres de l’Union européenne, expliquet-il. Un argument idéal pour la droite, qui estime que cela discrédite une telle organisation comme acteur loyal de la société civile israélienne. ©DR J ournalistes étrangers, députés arabes, organisations non gouvernementales, institutions culturelles déloyales envers l’Etat : depuis deux mois, le Parlement israélien ouvre de multiples fronts contre les représentants d’une supposée « cinquième colonne ». Dernier épisode marquant : par 50 voix pour et 43 contre (sur 120 députés), la Knesset a adopté en première lecture, lundi 8 février, un projet de loi sur la « transparence » des ONG. En parallèle à la préparation de ce texte, une campagne de diffamation et d’attaques a été lancée depuis deux mois par l’extrême droite et les colons contre ces organisations, accusées d’être des « taupes » de l’étranger et des complices des terroristes palestiniens. Porté par la ministre de la justice, Ayelet Shaked, le projet de loi stipule que les ONG recevant plus de la moitié de leur financement d’autres gouvernements devront mentionner leurs donateurs dans leurs rapports et présentations publiques. « Ce texte n’a rien à voir avec la transparence, car celle-ci existe déjà, explique Gilad Grossman, porte-parole de Yesh Din (Volontaires pour les droits de l’homme). Nous publions chaque trimestre sur notre © Luc_Roux jérusalem - correspondant André Marcon Vincent Rottiers L’Académie des César vous propose de voir ou de revoir en salle les ilms pour lesquels ils ont été nommés dans une programmation Programme sur www.academie-cinema.org spéciale César dans les cinémas parisiens Le Balzac et Les 3 Luxembourg. 4 | international 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 OTAN : Washington envoie des moyens à l’Est L’Alliance a examiné le plan de réassurance américain en Europe orientale face à la Russie Escalade d’exercices militaires à la frontière OTAN-Russie SUÈDE FINLANDE NORVÈGE Mer Baltique ESTONIE bruxelles - bureau européen Q uatre fois plus de moyens pour dissuader la Russie d’être agressive aux frontières orientales de l’OTAN : en présentant cette offre à ses alliés réunis à Bruxelles les 10 et 11 février, le secrétaire américain à la défense, Ashton Carter, veut convaincre que « l’initiative de réassurance européenne » lancée en 2014 après l’annexion de la Crimée par la Russie se traduit dans les faits. Une offre sérieuse contre une demande ferme : M. Carter entend mobiliser les Européens pour partager les efforts militaires américains menés contre l’organisation Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie – les représentants de 65 pays se réuniront jeudi à Bruxelles. Le 2 février, il avait vertement critiqué une « prétendue coalition » internationale. Les ministres de la défense de l’OTAN devaient donc examiner, mercredi 10 février, le projet d’investir 3,4 milliards de dollars (3 milliards d’euros) – contre 789 millions jusque-là – pour renforcer la présence américaine en Europe, avec un prépositionnement de forces en Pologne et dans les Etats baltes. « Il permettra d’investir dans des aérodromes, des polygones de tir, des centres de formation », a illustré mardi Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance. Le stationnement permanent de troupes de l’OTAN n’est pas en discussion, mais il s’agit bien de présences aérienne, maritime et terrestre « continues », ainsi que d’une activité « significative » selon un principe de rotation. L’idée est de passer de 200 blindés lourds aujourd’hui à 500. Mais ces équipements, utilisables en cas de crise dans le cadre de la nouvelle force de réaction rapide de l’Alliance, seront pour l’essentiel cantonnés à l’Ouest, en Allemagne notamment : Washington Selon le directeur du renseignement américain, l’attitude de la Russie pourrait conduire « à une spirale semblable à la guerre froide » met en avant le fait qu’on y trouve de meilleures capacités logistiques. Côté troupes, les effectifs passeraient de 4 000 à 12 000 soldats américains, en rotation – pour ne pas contrevenir aux accords avec la Russie. Le volume reste loin des 300 000 hommes stationnés en permanence pendant la guerre froide. « Tester la mobilité » Il permettra néanmoins de poursuivre la politique d’exercices multinationaux tous azimuts relancée par l’OTAN en 2014. Ces manœuvres militaires sont devenues l’indicateur le plus tangible du regain de tension entre l’Alliance et la Russie. A la veille de la réunion de Bruxelles, l’armée russe s’est ainsi une nouvelle fois mise en mouvement aux frontières de l’Ukraine. Avec 900 blindés, 200 avions de chasse, 50 bateaux et 8 500 soldats, l’exercice lancé lundi 7 février par le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, doit permettre de « tester la mobilité » des troupes. La défense russe se voit reprocher de multiplier les snap exercices, les exercices surprises non notifiés à la communauté internationale. Dans le même temps, Moscou bloque toute révision des documents de Vienne qui, dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), prévoient depuis la guerre froide des mesures de transpa- rence réciproque. Menés à large échelle, les snap exercises ont formé une part savamment dosée des 4 000 manœuvres conventionnelles d’entraînement annoncées par Moscou en 2015. Pour sa part, l’OTAN répète que sa capacité dissuasive et sa crédibilité militaire ont été renforcées en 2015 grâce à la réalisation de 300 entraînements majeurs interalliés, contre 162 l’année précédente. « Trident Juncture » fut, en octobre 2015, « le plus important exercice depuis la fin de la guerre froide » avec 36 000 soldats. Face à une Russie dont « l’activité a augmenté de 70 % aux frontières de l’OTAN », selon l’organisation, la moitié des entraînements seront destinés à rassurer les alliés de l’Est. Le nouveau plan américain doit être décidé en juin, et devenir une mesure phare du sommet de l’Alliance prévu en juillet à Varsovie. Il s’ajoute aux nouvelles mesures sur la défense antimissile – des SM3 positionnés en Roumanie fin 2015, d’autres prévus en Pologne en 2018 – mais aussi aux projets d’élargissement de l’OTAN : adhésion programmée du Monténégro, partenariats nourris avec la Finlande et la Suède. Mardi, le directeur du renseignement américain, James Clapper, a estimé que l’attitude de la Russie pourrait conduire « à une spirale semblable à la guerre froide », jugeant les Russes « fondamentalement paranoïaques vis-à-vis de l’OTAN ». La dernière étude de la RAND, un groupe d’experts proche du Pentagone, est venue nourrir le débat : des scénarios d’invasion des pays baltes ont démontré qu’« il faudrait aux forces russes soixante heures au plus pour atteindre les environs des capitales estonienne Tallinn ou lettonne Riga », assurent David Shlapak et Michael Johnson, estimant à 2,7 milliards de dollars l’effort militaire pour éviter ce résultat. Mais les discussions entre les 28 membres de Kaliningrad (RUS.) RUSSIE LETTONIE LITUANIE BIÉLORUSSIE POLOGNE ALLEMAGNE UKRAINE SLOVAQUIE HONGRIE SLOVÉNIE CROATIE Crimée ROUMANIE ITALIE BULGARIE GRÈCE Mer Noire GÉORGIE TURQUIE Mer Méditerranée L’ALLIANCE ATLANTIQUE LA PUISSANCE RUSSE Pays membre de l’OTAN Russie Pays membre de l’OTAN doté d’unités de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF), capables de se déployer sur un très court préavis Territoire annexé par Moscou en mars 2014 UNE DÉMONSTRATION DE FORCE Principaux exercices militaires réalisés en 2014 et 2015 par l’OTAN par des pays membres de l’OTAN, à l’extérieur du cadre de l’alliance par la Russie Nombre de troupes déployées moins de 5 000 entre 5 000 et 50 000 plus de 50 000 SOURCE : CENTER FOR SECURITY STUDIES, ETH ZURICH l’OTAN ne seront pas aussi simples qu’il y paraît. Mises en garde La difficulté est toujours de trouver un compromis entre les revendications des pays d’Europe orientale et centrale et la disponibilité de leurs alliés occidentaux à déployer des moyens. « Non à l’escalade, non à la provocation, le projet doit être raisonnable au plan des ressources et soutenable militairement », juge un diplomate partisan d’une ligne « souple » à l’égard de Moscou. « Pour réussir le sommet de Varsovie, il faudra de la cohésion, et il conviendra de concilier la fermeté et le dialogue avec Moscou », insiste un autre. Le nouveau pouvoir conservateur polonais fait l’objet de discrètes mises en garde. « Un pays qui a adhéré à l’OTAN s’engage à respecter ses valeurs et l’Etat de droit », rappelle l’ambassadeur américain auprès de l’Alliance. La France souligne que tous les projets en cours ne sont « pas dirigés contre la Russie et pas conçus dans ce but ». Paris table sur une reprise du Conseil OTAN-Russie, qui réunit les ambassadeurs des deux camps, d’ici quelques semaines. p jean-pierre stroobants et nathalie guibert (àparis) Les talibans menacent de nouveau Kunduz La ville la plus importante du nord-est de l’Afghanistan est en « état de siège » L NOUVELLE COLLECTION PYTHON 332 RUE SAINT-HONORÉ PARIS +33 1 42 96 47 20 a scène résonne comme un aveu. Mardi 9 février, pour son dernier jour en tant que gouverneur par intérim de la province de Kunduz, dont la capitale du même nom a été contrôlée par les talibans pendant quinze jours à partir du 28 septembre avant d’être reconquise, Hamdullah Daneshi a livré un tableau inquiétant de la situation locale. En guise d’adieu aux responsables de cette ville de 300 000 habitants, la plus importante du nord-est du pays, il s’est plaint du silence de Kaboul et a confirmé que Kunduz était, de fait, en « état de siège ». Selon lui, les talibans encerclent la ville dans un rayon d’« un à cinq kilomètres du centreville ». Insérés dans la population locale ou issus de celle-ci, ils évoluent même librement, la nuit venue, dans l’ensemble de la ville en dépit des forces de l’ordre qui y patrouillent. « Je n’ai cessé, a assuré M. Daneshi, de demander qu’une opération militaire de grande envergure soit lancée dans tous les districts qui entourent la ville. Mais personne n’a prêté attention à mes appels. Les insurgés sont devenus encore plus puissants. » De la même manière, a-t-il ajouté, de- puis le mois d’octobre 2015, date où il a remplacé le gouverneur en titre, Mohammad Omar Safi, prié de quitter ses fonctions après la chute surprise de Kunduz, « les autorités gouvernementales ont refusé de coopérer avec [lui] ». M. Daneshi a prévenu que la ville devait se préparer à des violences « bien plus importantes » que celles de la fin 2015. Seules les frappes aériennes de forces spéciales américaines avaient permis de sauver des forces afghanes en déroute. Grand vide Cependant, le président afghan, Ashraf Ghani, a annoncé mardi à Kaboul que des forces spéciales afghanes avaient été envoyées dans la province de Baghlan, voisine de celle de Kunduz, « pour défaire le siège de Kunduz ». Rien ne semble donc avoir progressé sur le terrain sécuritaire en Afghanistan, en dépit des messages rassurants de Kaboul et de l’OTAN sur le contrôle effectif du territoire. Le départ des troupes régulières de l’OTAN, fin 2014, a laissé un grand vide. L’avancée des talibans et leur emprise montrent que les forces afghanes sont dans l’incapacité d’assurer ellesmêmes leur sécurité. Malgré la répétition des signaux d’alerte, le gouvernement afghan semble, de plus, sans réaction. Le gouverneur Safi, nommé le 2 décembre 2014, avait déjà dû répondre, fin avril 2015, à une première tentative de prise de Kunduz par les talibans. En mai, des renforts de l’armée étaient arrivés pour desserrer l’emprise insurgée sur les districts entourant la cité. Seuls des barrages furent installés aux entrées, et les talibans continuèrent de grignoter la ville district par district, d’abord par l’ouest et le sud-est avant d’attaquer, de nouveau, le 28 septembre. Dans le sud du pays, la situation n’est guère plus réjouissante. Dans la province du Helmand, fief « Personne n’a prêté attention à mes appels. Les insurgés sont devenus encore plus puissants » HAMDULLAH DANESHI gouverneur par intérim de la province de Kunduz historique des talibans, l’armée américaine a reconnu, mardi, qu’elle allait envoyer des renforts d’ici à la fin du mois de février pour soutenir les forces afghanes. L’OTAN, à Kaboul, assure qu’« il ne s’agit pas de troupes de combats », mais de « forces d’encadrement », conformément à la mission qui lui a été confiée depuis fin 2014. Néanmoins, selon un cadre de l’ONU, joint mardi à Kaboul, « sans la présence des soldats américains, ce ne sont pas quelques districts qui seraient sous contrôle taliban, mais toute la province ». Un béret vert américain a d’ailleurs été tué, en janvier, dans des combats dans cette zone. Le président américain, Barack Obama, a ralenti, en octobre, le rythme du retrait américain. Il ne devait rester que 5 500 soldats à partir du 1er janvier 2016, il en reste 9 800. Au 1er janvier 2017, seule une force résiduelle de 1 000 soldats devait être maintenue à Kaboul, mais elle sera de 5 500. Le Pentagone tente aujourd’hui d’obtenir de la Maison Blanche une réévaluation à la hausse de ces forces. En toute fin de mandat, M. Obama semble peu pressé d’y répondre. p jacques follorou international | 5 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 En Birmanie, Aung San Suu Kyi négocie avec l’armée Un accord permettrait de suspendre un article de la Constitution empêchant la « Lady » de devenir chef de l’Etat bangkok correspondant en Asie du Sud-Est A ung San Suu Kyi pourrait-elle finalement devenir présidente de la Birmanie ? La capitale, Naypyidaw, bruisse de rumeurs quant à un possible accord entre la chef de l’opposition et l’armée. Un « deal » qui permettrait d’en finir avec un article de la Constitution empêchant Daw Suu (« Mme Suu ») d’accéder à la magistrature suprême. A ce jour, ce poste est occupé par Thein Sein, un ancien général. Même les ténors de la Ligue nationale de la démocratie (NLD), le parti de la Prix Nobel de la paix qui a remporté une écrasante victoire aux législatives du 8 novembre 2015, ont laissé entrevoir récemment que des pourparlers seraient en cours afin de laisser la possibilité à Aung San Suu Kyi de devenir chef de l’Etat. « Notre priorité est d’amender des lois qui sont obsolètes et ne sont plus en accord avec la situation actuelle », a déclaré la semaine dernière aux journalistes Tun Tun Hein, membre du comité central de la NLD. « Le peuple veut qu’Aung San Suu Kyi soit présidente, et elle mérite de l’être », a observé Tin Oo, cofondateur du parti et ancien président de la NLD. Depuis novembre, Aung San Suu Kyi a déjà par deux fois rencontré le patron de l’armée, le gé- « Le peuple veut qu’Aung San Suu Kyi soit présidente, et elle mérite de l’être » TIN OO cofondateur de la Ligue nationale de la démocratie néral Min Aung Hlaing, alimentant les rumeurs. Sans compter une entrevue surprise et encore impensable il y a quelques mois avec l’ancien dictateur Than Shwe, l’homme qui voulait sa mort et la força durant quinze ans à rester confinée chez elle à Rangoun en résidence surveillée. Certains diplomates et observateurs estiment ainsi que l’armée serait éventuellement prête à lâcher du lest en échange de la promesse que ses intérêts économiques ne soient pas touchés si la « Lady » montait sur le trône. L’armée gère en effet, par le biais du ministère de la défense, deux importants conglomérats, les Myanma Economic Holdings et Myanma Economic Corporation. Dimanche 7 février, une annonce conjointe faite par deux chaînes de télévision gouvernementales a fourni encore un peu plus de substance aux spéculations : les négociations en cours entre le chef de l’armée et l’icône L’HISTOIRE DU JOUR Thaïlande : brutale fin de partie pour des joueurs de bridge L ’anecdote ne va pas contribuer à améliorer l’image du régime militaire sous la férule duquel se trouve la Thaïlande depuis le coup d’Etat de 2014 : la descente effectuée, le 4 février, par policiers et soldats dans un club de bridge de la station balnéaire de Pattaya vient de provoquer une crise d’hilarité – et de consternation – dans le royaume. Conséquence de ce raid des forces de sécurité dans la ville dont la réputation de « capitale du vice » n’est plus à faire : trente-deux retraités étrangers, dont beaucoup de Britanniques, qui s’adonnaient en toute légalité à leur jeu favori, ont été arrêtés et retenus au poste de police pendant une douzaine d’heures. Le fait qu’on ait pu s’en prendre à de paisibles seniors, résidents d’une station balnéaire, par ailleurs surtout connue pour ses prostituées, ses go-go bars de filles nues, ses dealers de drogue, ses parties fines et les activités souterraines de la mafia russe, prête évidemment aux commentaires les plus acerbes. Surtout que les joueurs ne se cachaient pas : ils se réunissent trois fois par semaine au Jomtien and Pattaya Bridge Club, dont les activités sont aussi légales que transparentes. Cela n’a pas empêché les forces de « CE RAID POLICIER l’ordre, prévenues par un dévoué déFAIT DE LA THAÏLANDE nonciateur, de justifier l’arrestation des retraités sous le prétexte que le UN PAYS DONT groupe de bridgeurs jouait pour de l’arON SE MOQUE DANS gent. C’était faux : il a été finalement prouvé qu’aucun pari d’argent n’était LE MONDE ENTIER » l’enjeu. Autre accusation, les joueurs avaient « BANGKOK POST » en leur possession 120 cartes de bridge non visées par le département des impôts. Les bridgeurs auraient ainsi violé une loi passée en 1943 par le régime collaborateur au temps de l’occupation de la Thaïlande par les Japonais ! Les « contrevenants » ont finalement été libérés après avoir dû payer une amende de 5 000 bahts (125 euros). Le lendemain, la presse a trouvé du grain à moudre. Comme le quotidien anglophone Bangkok Post qui, en dépit de la censure imposée par la junte, n’hésite souvent pas à se gausser du régime. « Ce raid de la police a fait de la Thaïlande un pays dont on se moque dans le monde entier », lisait-on dans un éditorial cinglant. « Absurde, risible, stupéfiant », a continué l’article, ajoutant que cette maladroite descente de la maréchaussée et de l’armée « risque d’avoir des conséquences sur le tourisme ». En réalité, sans doute pas : rien qu’en décembre 2015, trois millions de touristes sont venus en Thaïlande, et l’arrestation de bridgeurs risque fort peu de décourager les adeptes de plages et de tourisme sexuel à Pattaya. Mais le président de la fédération thaïlandaise de bridge a tout de même remarqué qu’environ 10 000 bridgeurs venaient chaque année à Pattaya et qu’ils risquaient à l’avenir d’annuler leurs séjours. Réflexion de la responsable des pages éditoriales du Bangkok Post, Ploenpote Atthakor : « On serait curieux de savoir pourquoi la police ne s’occupe pas des réalités qui ont fait de Pattaya une ville à la mauvaise réputation. » p b. p. (bangkok, correspondant en asie du sud-est) de la démocratie birmane pourraient bientôt produire des « résultats positifs », ont affirmé les présentateurs durant les informations du soir. Un député militaire vient cependant de laisser entendre que les spéculations d’un accord entre la patronne de la NLD et l’armée risquaient fort peu de se concrétiser. Dans une interview au Myanmar Times, le brigadier général Tint San Naing a déclaré qu’aucun amendement ne peut se produire « car ce n’est pas en accord avec la Constitution ». La négociation est intense dans la mesure où l’armée, avec 25 % de sièges réservés dans les deux chambres du Parlement, dispose de prérogatives en dépit de la démocratisation du pays. Notamment le droit de nommer les ministres des portefeuilles clés de la défense, de l’intérieur et des frontières. Cette même armée avait, au temps de son règne, inclus dans la Constitution promulguée en 2008 un article taillé sur mesure pour empêcher Aung San Suu Kyi de briguer la présidence : l’article 59 (f) stipule que toute personne ayant été mariée et/ou ayant des enfants avec un étranger ne peut devenir chef de l’Etat. C’est le cas d’Aung San Suu Kyi, qui est la veuve de Michael Aris, un tibétologue britannique mort d’un cancer en 1999 à l’âge de 53 ans. Deux enfants, Alexander et Kim, sont nés de leur union et ont été plus tard dépouillés de leur nationalité birmane par la junte. « Au-dessus du président » En dépit de son impressionnante victoire qui a assuré à la Ligue nationale de la démocratie la majorité dans les deux chambres du Parlement, le parti vainqueur ne peut faire passer un amendement constitutionnel : il ne peut normalement espérer obtenir les 75 % de voix que requiert une telle réforme. A moins que, bien sûr, les militaires votent en faveur de l’amendement en question. Certains responsables de la NLD estiment qu’il y aurait un autre moyen de « suspendre » la clause 59 (f), en « faisant passer une législation destinée à abroger cet article », avance Nyan Win, avocat et membre du comité central du parti. La manœuvre n’est cependant pas sans danger : « Suspendre le 59 ( f) c’est, à court terme, créer une crise constitutionnelle », juge le Français Renaud Egreteau, spécialiste de la Birmanie et actuellement chercheur au Wilson Center de Washington. En revanche, ajoute ce chercheur, si Aung San Suu Kyi reste en retrait, choisissant « un ou une président(e) fantoche, c’est au contraire lui permettre de s’installer dans une zone grise, non définie, qui lui laisserait une plus grande marge de manœuvre, et de nombreuses possibilités d’improvisation ». Ce qui, en cette délicate période de transition vers la démocratie, reste crucial pour l’ambitieuse et néanmoins pragmatique « Lady ». Celle-ci jouirait de toute façon d’un pouvoir de facto : avant les élections, Aung San Suu Kyi avait laissé entendre qu’en cas de victoire de son parti, elle serait, en temps que chef de la NLD, « au-dessus du président » et qu’elle choisirait un candidat « aux ordres ». Le chef de l’Etat est élu en Birmanie dans le cadre d’un vote complexe : un collège électoral composé des députés des deux chambres ainsi que des parlementaires représentant l’armée élisent tout d’abord trois viceprésidents. Ils se réunissent ensuite de nouveau pour choisir parmi ces derniers celui qui deviendra le chef de l’Etat. Le fait que le vote aura lieu seulement le 17 mars, comme il vient d’être annoncé lundi, suggère que les négociations en cours vont prendre du temps. p bruno philip 6 | planète 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Brutal coup d’arrêt au plan d’Obama pour le climat La Cour suprême américaine a suspendu le programme qui vise à limiter les émissions de CO2 des centrales LES CHIFFRES washington - correspondant L e coup est rude pour le président américain, Barack Obama. La Cour suprême a suspendu, mardi 9 février, le plan américain pour une énergie propre (America’s Clean Power Plan) que le chef de l’Etat avait présenté le 3 août dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat (COP21). Ce plan vise à réduire de 32 % d’ici à 2030 les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité, sur la base de celles enregistrées en 2005. Mesure rare, les cinq juges conservateurs de la Cour, contre l’avis des quatre progressistes, ont estimé que ce programme ne pouvait être appliqué avant la fin d’une procédure de justice intentée par vingt-sept Etats majoritairement républicains et par des industriels qui demandent l’arrêt du plan. Une Cour fédérale doit se prononcer sur cette procédure à partir du mois de juin. « Guerre d’Obama » Cette guérilla est conduite notamment par le procureur général de la Virginie-Occidentale et par un sénateur du Kentucky, deux des trois Etats « charbonniers », avec le Wyoming, où une part écrasante de l’électricité consommée est produite par des centrales à charbon. Ce sénateur, Mitch McConnell, également chef de la majorité républicaine du Sénat, dénonce « la guerre d’Obama » contre le charbon. Il estime que l’agence fédérale chargée de veiller à l’application du plan, l’Environmental Protection Agency (EPA), outrepasse ses droits dans ce qu’il considère comme des affaires relevant de la seule responsabilité des Etats, et que le plan va à l’encontre des intérêts de ces derniers. Signe de l’extrême politisation du dossier, – 26 % À – 28 % Tel est l’objectif de réduction des émissions totales de gaz à effet de serre d’ici à 2025, par rapport à 2005, fixé par les Etats-Unis lors d’un accord avec la Chine en novembre 2014. Ce chiffre représente la contribution américaine à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique déposée pour la COP21. – 32 % Il s’agit de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur électrique d’ici à 2030, sur la base de 2005Les centrales thermiques représentent 40 % des émissions américaines de CO2. C’est cette mesure, prévue par le Clean Power Plan, que la Cour suprême a suspendue mardi. 5,8 MILLIARDS Transport de charbon vers la centrale électrique Jim Bridger Power Plant, dans le Wyoming. JIM URQUHART/REUTERS dix-huit Etats dirigés par des démocrates se sont également lancés dans la bataille pour soutenir le projet de M. Obama. « Nous sommes en désaccord avec la décision de la Cour suprême », a réagi la Maison Blanche dans un communiqué, tout en affirmant sa conviction que son plan repose sur des bases « techniques et légales solides » et qu’« il donne aux Etats le temps et la flexibilité » nécessaires pour parvenir aux objectifs affichés. L’administration compte notamment sub- - CESSATIONS DE GARANTIE LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL B H M 37 rue Alexandre Legry 02370 VAILLY SUR AISNE RCS: 437 993 405 depuis le 1er Janvier 2004 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Établissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL B H M LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : CABINET ICA GESTION SARL 1 Rue Molière 13001 MARSEILLE RCS: 331 703 967 depuis le 01 Janvier 2015 pour ses activités de : GESTION IMMOBILIERE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL CABINET ICA GESTION LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL AIMARGUES IMMOBILIER 25, avenue des Anciens Combattants 30470 AIMARGUES RCS: 499 043 818 depuis le 1er Janvier 2010 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE depuis le 1er janvier 2010 pour ses activités de : GESTION IMMOBILIERE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Établissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL AIMARGUES IMMOBILIER LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que, la garantie financière dont bénéficiait la : SARL EMBRUNS 1 B rue des Corsaires Résidence CAPAO 34300 CAP D’AGDE RCS: 448 062 232 depuis le 1er Janvier 2004 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Établissement garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL EMBRUNS. ventionner les sources d’énergie renouvelable pour accompagner les Etats dans de délicates transitions. En effet, les centrales thermiques au charbon, dont la prééminence n’a cessé d’être remise en cause par la montée du gaz de schiste, comptent encore pour plus de la moitié de la production d’électricité dans quatorze Etats et pour un tiers dans vingt-cinq. Elles représentent 40 % des émissions américaines de CO2. Au contraire, les adversaires du plan, comme le speaker républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, qui a salué une « victoire pour la population et l’économie américaines », se sont bruyamment réjouis mardi soir de la décision des juges. Le chef de la majorité républicaine de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, s’est quant à lui félicité du coup d’arrêt porté à des Vingt-sept Etats majoritairement républicains ont demandé l’arrêt du programme mesures qu’il estime fondées sur un « abus de pouvoir illégitime ». « Les règlements de l’administration [Obama] détruiraient des emplois, augmenteraient les coûts et entameraient la fiabilité de notre approvisionnement en énergie », a-t-il assuré. « C’est un signal fort qui donne à penser que finalement, ce plan sera invalidé », a jugé Jeff Holmstead, un avocat de groupes énergétiques cité par le New York Times. C’est faute de disposer d’une majorité au Congrès sur ces ques- tions environnementales que l’administration Obama s’est tournée vers la voie réglementaire et l’EPA. Elle s’estimait protégée par un arrêt rendu par la même Cour suprême en 2007. Cet arrêt a disposé que le dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre, est un polluant, et que l’agence est donc fondée, en vertu du Clean Air Act adopté quatre décennies plus tôt, à lutter contre ses émissions. Le plan de M. Obama doit entrer en vigueur en 2022, mais il suppose que les Etats préparent en amont leur programme de réductions sous peine de s’en voir imposer un par l’EPA. Le revers infligé par la Cour suprême est un coup porté au crédit de M. Obama, qui n’a cessé de mettre en avant ses initiatives sur le climat au niveau international. Il menace également l’ensemble de sa politique en la matière. L’ac- C’est, en tonnes, le montant des émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis en 2012 . Ces rejets représentent 13 % des émissions mondiales. tuel locataire de la Maison Blanche avait ainsi pu conclure un accord historique de réduction des émissions des gaz à effet de serre avec la Chine, en novembre 2014, sur la base de ce plan visant les centrales américaines. Il est également au centre de la contribution américaine à l’effort international contre le réchauffement climatique adopté lors de la COP21 à Paris. Si la Cour suprême est in fine appelée à se prononcer sur le différend, sa décision de mardi donne un aperçu de ce que pourrait être son arbitrage. Le temps est d’autant plus compté pour M. Obama qu’il quittera la Maison Blanche le 20 janvier 2017, et que l’étiquette politique de son successeur ne sera pas connue avant le 8 novembre, date de l’élection présidentielle. p gilles paris Les grands panneaux publicitaires interdits dans les petites villes françaises Seul sera autorisé l’affichage aux abords des stades accueillant plus de 15 000 spectateurs L a réforme de l’affichage publicitaire autorisant les grands panneaux (de 4 mètres sur 3 mètres, ou « quatre par trois ») à l’entrée des petites communes a été abandonnée par le gouvernement. Les ministres de l’écologie et de l’économie, Ségolène Royal et Emmanuel Macron, ont indiqué, mardi 9 février, à l’occasion d’une conférence de presse commune, que les règles ne seraient pas assouplies. « Nous allons en revenir au texte initial qui ouvre la possibilité d’affichage pour les grands stades à l’occasion de la Coupe d’Europe de football de juin et juillet », a indiqué Mme Royal. Le texte se limite donc à l’autorisation de panneaux, ne pouvant excéder 50 m² et ne pouvant s’élever à plus de 10 mètres au-dessus du sol, « sur l’emprise des équipements sportifs » d’une capacité d’au moins 15 000 places assises – soit une cinquantaine de stades concernés. Ce dispositif avait été voté dans le cadre de la loi Macron de juillet 2015 sur l’activité et la crois- sance. Il visait à fournir aux collectivités des recettes supplémentaires afin de rénover les grands stades à l’occasion d’événements sportifs majeurs, en particulier l’Euro de football. C’est lors de la rédaction du décret d’application de cette mesure qu’avait été introduite une nouveauté : la possibilité, pour les règlements locaux de publicité intercommunaux, d’autoriser des panneaux sur pied de 12 m2 dans toutes les petites villes faisant partie d’une unité urbaine de plus de 10 000 habitants – contre 100 000 actuellement. « Pollution visuelle » Mardi matin, Ségolène Royal a précisé que la consultation organisée par son ministère sur ce projet de libéralisation de l’affichage avait connu un large succès, avec plus de 60 000 réponses entre le 15 janvier et le 9 février. « 99 % des contributions sont défavorables à la diffusion des panneaux publicitaires dans tous les paysages français. (…) C’est très positif, cela montre l’atta- chement des élus locaux, qui auraient pu être tentés par un rendement financier à court terme, et des habitants à leurs paysages », at-elle déclaré, rappelant au passage qu’elle était ministre de l’environnement lors de l’adoption de la loi sur la protection et la mise en valeur des paysages, en janvier 1993. Emmanuel Macron a donc rejoint la position de Mme Royal qui affirmait, vendredi 5 février, qu’elle « ne signera[it] pas le décret en l’état ». « A court terme, nous sommes parfaitement d’accord pour abandonner une mesure qui n’était pas consensuelle », a déclaré le ministre de l’économie. Cette marche arrière du gouvernement réjouit les associations de défense des paysages. « Ces panneaux publicitaires, qui constituent une pollution visuelle majeure, étaient interdits dans les petites communes depuis les années 1980 », rappelle Pierre-Jean Delahousse, président de l’association Paysages de France. Les organisations non gouvernementales regrettent néanmoins que la me- sure concernant les stades n’ait pas, elle aussi, été retirée. « A part faire un cadeau à Decaux [l’une des plus grosses sociétés d’affichage urbain], le maintien de cette mesure n’est pas compréhensible, d’autant que les deux tiers des stades se situent en ville », relève Benoît Hartmann de France nature environnement. Pour les ONG, cette autorisation pour les stades apporte un nouveau coup de canif à la loi Grenelle 2 de 2010, qui avait pour objet de renforcer la protection du paysage et non d’augmenter les possibilités d’implantation des panneaux. « Sous la pression des publicitaires, cette loi avait déjà introduit une dérogation, en autorisant l’installation de panneaux géants, lumineux et animés, dans les gares et les aéroports », relève Michel Blain, d’Agir pour les paysages. Pour Benoît Hartmann, « il y a pourtant de multiples autres voies de faire de la publicité qu’en dégradant la qualité de vie des Français ». p rémi barroux et laetitia van eeckhout (.%) '0 /*A;2$7%)2*A4% B 3%0=%<%;2 )-+6 / 5&, +$$ "& :; * 2:0?:043 0; ':02%6 ,+ ) * '/)%"$"* & ) # - $-& (% , ((&!!+#" !8.*:%*24:8.#2 308972#1*2 8(' /(+!-1/ #! 75/ 1C@>57/ "()* & '$# )%% ! $ !& " #'%# ( POUR VOTRE SANTÉ, ÉVITEZ DE GRIGNOTER ENTRE LES REPAS. WWW.MANGERBOUGER.FR Année 2016. Photo non contractuelle. LIDL RCS Strasbourg 343 262 622. /04 '0 9*A; *0, )D4D*=%3 :0 %; 2*42% <:;2*";*4'% 8 8 | france 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 La révision constitutionnelle si proche, si loin Le vote très serré, mardi soir, de la déchéance de nationalité augure mal de la tenue du Congrès LE TEXTE DE LOI ARTICLE 1er L’état d’urgence est décrété en conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. Pendant toute la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit. L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le gouvernement. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée, qui ne peut excéder quatre mois. Cette prorogation peut être renouvelée dans les mêmes conditions. ARTICLE 2 Le premier ministre, Manuel Valls, et le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, à l’Assemblée nationale, mardi 9 février. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE » D epuis sa présentation en conseil des ministres, le 23 décembre 2015, le projet de loi constitutionnelle semblait chaque jour rencontrer de nouvelles difficultés. Mercredi 10 février, à l’issue de trois jours d’examen à l’Assemblée, les députés devraient approuver ce texte qui constitutionnalise l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. Mais le détail de leur vote, s’il est à l’image du débat, ne devrait qu’assombrir encore plus l’avenir de la révision constitutionnelle. Alors que l’article 1er du projet de loi, qui inscrit l’état d’urgence dans la Constitution, avait été adopté lundi à une large majorité (103 voix pour, 26 voix contre et 7 abstentions), le second, sur la déchéance de nationalité est passé d’une courte tête dans l’Hémicycle, mardi, à 162 voix contre 148 (22 abstentions). Malgré l’effort du gouvernement pour ôter toute mention explicite à la binationalité dans le texte – « la loi fixe les règles concernant la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu’elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la nation » dit la rédaction finale de l’article –, l’inscription dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les terroristes reste une ligne rouge pour un tiers du groupe socialiste. Mais combien parmi les 92 socialistes qui ont voté contre cet article 2 (dont les anciens ministres Aurélie Filippetti, Benoît Hamon, Delphine Batho et François Lamy) iront jusqu’à voter contre l’ensemble du texte mercredi et le referont au Congrès ? Le premier ministre a bien expliqué, lors de la réunion de groupe PS, mardi, que « voter contre, c’est mettre en difficulté le gouvernement et mettre en minorité le président ». « Serment » Au cours des débats, il ne s’est pas montré plus souple, estimant que « tout amendement qui réécrit l’article 2 remet en cause l’engagement du président devant le peuple français à Versailles ». Ce « serment », fait le 16 novembre devant le Parlement réuni en Congrès lie, selon Manuel Valls, tous les députés qui se sont levés ce jour-là pour applaudir le président. Dans son discours d’alors, François Hollande avait consacré trois phrases à la déchéance de nationalité, sans dire clairement qu’elle devait être dans la Constitution tout en s’opposant à l’apatridie. Ce qui n’est pas le cas dans le projet de loi qui constitutionnalise la déchéance et ouvre la porte à une application de cette mesure aux mononationaux. « Si l’on s’en tient à la lettre, la fidélité à ce serment inviterait au contraire à voter contre cet article », a du coup fait valoir Benoît Hamon, provoquant un échange tendu avec le premier ministre. Agacé, ce dernier a répliqué que « la parole du président de la République ne se divise pas » et que « c’est le rôle du chef du gouvernement que de dire que l’on ne peut jouer avec la parole présidentielle ». Pas question non plus pour Manuel Valls d’accepter l’amendement du député socialiste Olivier Faure visant à remplacer la déchéance par une forme de dégradation civique : si Etat d’urgence : le Sénat vote la prolongation Le Sénat a voté, mardi 9 février, une nouvelle prolongation de trois mois de l’état d’urgence ; 316 sénateurs ont voté pour, 28 sénateurs ont voté contre (l’ensemble du groupe Communiste, républicain et citoyen, 6 écologistes et 2 membres du groupe Rassemblement démocratique et social européen). Le texte voté au Sénat prévoit la prorogation de l’état d’urgence pour une durée de trois mois, à compter du 26 février. Il doit être examiné par l’Assemblée nationale le 16 février. une majorité des députés a repoussé cette proposition, le groupe PS s’est fortement divisé sur la question (87 pour, 106 contre). Face à ces dissensions à gauche, la droite est restée relativement peu présente durant les débats, préférant, selon les mots d’un cadre du groupe Les Républicains (LR), rester en retrait pour « laisser le PS face à ses divisions ». Malgré une majorité récalcitrante, le premier ministre a réussi à faire voter l’article 2 et a même, comme le règlement l’autorise, fait revoter l’article 1, pour se débarrasser d’un amendement socialiste interdisant la dissolution de l’Assemblée durant l’état d’urgence. Adopté la veille contre l’avis du gouvernement, il avait provoqué la colère de la droite qui avait alors menacé de ne plus voter le texte. Au-delà de la recherche de consensus avec l’opposition, nécessaire pour atteindre la majorité des trois cinquièmes des parle- Tant que les deux Chambres n’arrivent pas à se mettre d’accord, le Congrès ne peut être convoqué mentaires lors du vote définitif du texte en Congrès, c’est aussi, et surtout, avec le Sénat que le gouvernement va devoir composer. Gérard Larcher (LR), président de l’institution, et Bruno Retailleau (LR), président du groupe majoritaire, ont déjà prévenu : ils comptent « réécrire » le texte. Non pas pour le dénaturer, assurent-ils, mais au contraire « pour revenir aux engagements du président de la République » présentés le 23 décembre en conseil des ministres. Soit une nouvelle interprétation du « serment » qui prévoit cette fois de revenir, entre autres, sur les binationaux et l’extension de la déchéance de nationalité aux délits terroristes. Scindé en deux En reprenant le texte à son tour, à la fin du mois de mars, on voit mal comment l’Assemblée nationale pourrait accepter ces revirements après les avoir combattus. Or, tant que les deux chambres n’arrivent pas à se mettre d’accord exactement sur les mêmes termes, le Congrès ne peut être convoqué. Dès mardi soir, de nombreux députés estimaient déjà, comme cet élu de gauche : « Obtenir les trois cinquièmes à Versailles ? C’est fini tout ça, il n’y aura pas d’accord avec le Sénat, pas de Congrès, rien ! » Alors que la représentation nationale devait, selon le souhait de l’exécutif, se « rassembler » sur ce texte, elle n’a au final jamais été La loi fixe les règles concernant la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu’elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la nation. aussi divisée depuis 2012. La droite, qui s’est scindée en deux lors du vote sur la déchéance (32 pour, 30 contre), s’oppose à une majorité également très partagée qui elle-même s’oppose parfois au gouvernement. A part dans le groupe des élus du Front de gauche, où tous devraient voter contre le texte mercredi, aucun parti n’est unanime. Les centristes penchent majoritairement pour le oui mais certains hésitent encore. Les radicaux de gauche sont plus partagés entre le oui, le non et l’abstention, tandis que les écolos basculent plus vers l’opposition, mis à part François de Rugy, seul de son groupe à voter la déchéance de nationalité. Le tout sur fond de guerre larvée entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et de compétition entre les prétendants de tous bords pour la primaire à droite et l’élection présidentielle. p hélène bekmezian A l’Assemblée, la droite se divise sur fond de rivalité Sarkozy-Fillon c’est désormais une certitude : la droite est aussi divisée que la gauche sur le sujet de la déchéance de nationalité. Mardi 9 février, à la veille du vote de la révision constitutionnelle, les députés Les Républicains (LR) se sont répartis de manière quasi égale entre partisans de cette mesure controversée et opposants à celle-ci. Mardi soir, 32 ont voté pour alors que 30 ont voté contre et que 6 se sont abstenus, lors du vote à une courte majorité (162 voix contre 148) de l’article 2 qui inscrit la déchéance de nationalité dans la Constitution pour les auteurs de crimes et délits terroristes. « La contestation a grandi, le rejet n’est plus loin ! », s’est félicitée, après le vote, Nathalie Kosciusko-Morizet (LR, Essonne), farouche opposante à la déchéance. Dès mardi midi, le chef de file des députés de droite, Christian Jacob, avait dû se rendre à l’évidence : le groupe se montrait trop divisé sur la question de la déchéance pour faire émerger une position unanime sur le vote du projet du gouvernement. « Les avis sont partagés sur ce sujet », a-t-il observé, à l’issue d’une longue réunion de son groupe, où Nicolas Sarkozy a de nouveau plaidé pour le oui. Alors que le non n’a cessé de gagner du terrain chez les élus de droite ces derniers jours, le président du parti a appelé ses élus à voter la déchéance et plus globalement l’ensemble du projet de loi. « M. Hollande nous propose d’inscrire la déchéance dans la Constitution. Le Conseil d’Etat a dit que c’est nécessaire. Je souhaite que vous votiez oui », a déclaré M. Sarkozy. Dans son esprit, il serait risqué de la part de son camp de rejeter un texte visant à renforcer la sécurité des Français face au risque terroriste. « A tous, on demandera des comptes » en cas de nouvel attentat, a-t-il mis en garde. « Tactique » En se faisant une nouvelle fois l’avocat du « oui », l’ancien chef de l’Etat cherchait à couper court à l’offensive des opposants au texte du gouvernement menée par François Fillon. Alors que le chef de file des « frondeurs de droite » a appelé dimanche les parlementaires « à dire non » à l’ensemble du projet, M. Sarkozy lui a reproché d’avoir manœuvré en coulisses. « François, j’aurais préféré qu’on en débatte au bureau politique », lui a-t-il lancé, en référence à la réunion des ténors de LR, le 6 janvier, à laquelle M. Fillon n’avait pas participé et où le oui avait recueilli 51 votes (sur 58). Pour discréditer son rival, le président de LR l’a aussi accusé d’avoir tenté un coup tactique en vue de la primaire pour la présidentielle : « Il ne faut pas être dans des préoccupations politiciennes. » « Je respecte les opinions de chacun mais je veux qu’on respecte les miennes », a rétorqué M. Fillon, en assurant que sa position n’avait rien à voir avec de la « tactique » mais découlait d’une position de fond. Après réflexion, il en a « conclu, en son âme et conscience, que la révision constitutionnelle n’était ni nécessaire ni utile ». L’épisode témoigne d’un regain de tension entre M. Sarkozy et M. Fillon dans l’optique de la primaire. Leurs troupes se sont fait face mardi soir. Alors que les partisans de l’ex-chef de l’Etat (Eric Ciotti, Eric Woerth ou Guillaume Larrivé) se sont prononcés pour l’article sur la déchéance, les soutiens de l’ex-premier ministre (Patrick Devedjian, Pierre Lellouche, Bernard Debré ou Jean-François Lamour) ont voté non. En l’absence de M. Fillon, qui n’a finalement pas pris part au vote mardi soir. p alexandre lemarié france | 9 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Valls veut se réconcilier avec les médecins La « conférence de santé » qui doit se tenir jeudi devrait être l’occasion de quelques mesures consensuelles N i réformes d’ampleur, ni décisions qui fâchent. A quatorze mois de l’élection présidentielle, la « grande conférence de santé » qui doit se tenir jeudi 11 février à Paris ne sera pas le grand soir du système de santé français. Face à des professionnels de santé libéraux échaudés par l’adoption en décembre de la loi santé et de sa mesure phare, le tiers payant généralisé, le premier ministre, Manuel Valls, devrait au contraire annoncer des mesures consensuelles destinées à répondre – à peu de frais pour les finances publiques – à diverses revendications syndicales en matière de formation ou d’amélioration des conditions d’exercice. Qu’il s’agisse de l’amélioration de la protection sociale des médecins installés en secteur 1 (soit la majorité des généralistes) ou d’une modulation régionale du numerus clausus pour mieux réduire les disparités d’implantation des médecins, ces petites « douceurs » pourraient se montrer insuffisantes pour répondre à la colère de médecins libéraux qui avaient été brutalement contraints d’interrompre leur mouvement de protestation contre le tiers payant après les attaques terroristes du 13 novembre. Même si la censure partielle du dispositif par le Conseil constitutionnel le 21 janvier a en partie répondu à leurs inquiétudes, le malaise de la profession est profond. Annoncée en mars 2015 après la manifestation qui avait réuni entre 19 000 et 40 000 professionnels de santé dans les rues de la capitale, la conférence de santé va réunir plus de 300 représentants de médecins hospitaliers, d’organisations étudiantes, d’infirmiers, de paramédicaux ou de pharmaciens dans les locaux du Conseil « Même si ce ne sera jamais l’amour fou entre Marisol Touraine et les médecins, un début de confiance peut revenir » CLAUDE PIGEMENT ex-responsable santé au PS économique social et environnemental (CESE), à Paris. Les cinq principaux syndicats de médecins libéraux boycotteront, eux, la réunion et tiendront parallèlement leurs propres « assises de la médecine libérale » à l’issue desquelles ils présenteront « une plate-forme de propositions communes ». Quant à Marisol Touraine, qui a plusieurs fois fait connaître sa « disponibilité » pour un autre poste au gouvernement, dont le remaniement est prévu prochainement, nul ne sait si elle ne vivra pas jeudi ses dernières heures en tant que ministre de la santé, poste qu’elle occupe depuis mai 2012. « Saturé de belles promesses » « Mais si elle reste, elle sera là encore quatorze mois, et même si ce ne sera jamais l’amour fou entre elle et les médecins, un début de confiance peut revenir », veut croire Claude Pigement, l’ex-responsable santé au PS. « C’est évident que le gouvernement va lâcher du lest aux médecins, personne ne peut aller à la présidentielle dans ces conditions », confirme un des seize membres du comité de pilotage de la « grande conférence ». Le syndicat MG France, majoritaire chez les généralistes, a d’ailleurs annoncé La ministre de la santé, Marisol Touraine, à l’Elysée, le 3 février. STEPHANE DE SAKUTIN/AFP lundi qu’il enverrait un observateur à la conférence en signe de « satisfaction » après avoir obtenu un début de renforcement de la filière universitaire de médecine générale en la reconnaissant comme une « vraie » discipline au sein du Conseil national des universités (CNU). « On attend maintenant de voir si Manuel Valls a compris l’urgence », explique Claude Leicher, le président de MG France, qui dit avoir été « saturé de belles promesses, venues de la droite comme de la gauche, dont on n’a pas vu les conséquences pour les généralistes ». L’« autodéfense intellectuelle » contre les théories du complot au lycée L’initiative d’une enseignante de Saint-Ouen a été saluée mardi lors d’une journée d’études organisée par l’éducation nationale S es cours d’« autodéfense intellectuelle » n’ont pas encore commencé cette année – le coup d’envoi sera donné après les vacances de février –, mais les affiches à placarder dans les couloirs du lycée sont prêtes. « La laïcité est-elle, comme le pot-au-feu, une spécialité française ? », « Mon supermarché peut-il savoir, avant mes parents, que je suis enceinte ? ». Depuis cinq ans qu’elle a lancé ses ateliers contre le complotisme, Sophie Mazet, enseignante d’anglais, mise sur l’humour et la provocation pour faire venir à elle, chaque semaine, une petite trentaine de lycéens volontaires. « Une goutte d’eau », confie, modeste, cette normalienne et agrégée d’anglais, affectée depuis neuf ans dans un établissement de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) qu’elle n’a aucune envie de « lâcher ». L’initiative pédagogique a été remarquée : elle compte parmi celles mises en avant, mardi 9 février, par le ministère de l’éducation nationale qui organisait, au Muséum national d’histoire naturelle à Paris, une journée d’études sur les réponses à apporter face aux théories du complot. Au lendemain des attentats de janvier 2015, la ministre de l’éducation, Najat VallaudBelkacem, avait avancé un chiffre : un jeune sur cinq adhérerait à ce type de théories, des Illuminati au « complot judéo-maçonnique » en passant par celui qui rend l’administration Bush responsable de l’attaque du 11 septembre 2001. Sophie Mazet ne doute pas qu’un défi majeur se pose à l’école, et même à la société tout entière. « Face à la complexité du monde, face à ses difficultés, notre jeunesse est en quête de réponses. Et quoi de plus tentant qu’un discours manichéen qui vous donne, de surcroît, le sentiment d’être le plus malin ? » Pas de « baguette magique » L’enseignante, qui, plus jeune, se destinait davantage au journalisme qu’à exercer en zone d’éducation prioritaire (ZEP) – « C’était avant de découvrir Shakespeare », glisse-t-elle –, n’a pas attendu la fusillade contre Charlie Hebdo pour miser sur l’esprit critique. Son « déclic » s’est produit en deux temps. D’abord lors d’un voyage scolaire au Rwanda : Sophie Mazet est ressortie du mémorial de Gisozi, à Kigali, sûre de l’urgence à élaborer une « boîte à outils » contre la manipulation, « que ce soit par une rhétorique haineuse comme celle de la radio des Mille Collines lors du génocide rwandais… ou par une publicité mensongère ». Deuxième déclic, cette phrase du linguiste Noam Chomsky : « Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle. » Chiche ! En 2010, les ateliers hebdomadaires sont lancés. Deux heures à peine, en fin de journée, dans des emplois du temps déjà chargés, durant lesquelles on débat de tout : racisme, antisémitisme, homophobie, genre, laïcité… Des sujets graves mais traités avec une pointe de légèreté : c’est aussi ce ton qui frappe à la lecture du Manuel d’autodéfense intellectuelle (Robert Laffont, 270 p., 18 euros) que Sophie Mazet vient de publier. Politologues et intellectuels n’hésitent pas à venir jusqu’au lycée de Saint-Ouen pour rencontrer des lycéens : la journaliste Caroline Fourest, mais aussi l’historien des idées Tzvetan Todorov, l’écrivain Abdelwahab Meddeb, la philosophe Catherine Kintzler… Le politologue Gilles Kepel est attendu, ainsi que Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch. « Je n’ai pas de baguette magique, conclut, prudente, Sophie Mazet. Ne nous voilons pas la face : je touche essentiellement des gamins de terminale qui visent Sciences Po. » Pas les plus en échec, en somme. Elle ne se « hasarderait pas », ditelle, à défendre la généralisation du dispositif : « Ce serait totalement contre-productif. » Les élèves, eux, semblent en tirer plus qu’un enseignement : un soulagement. « En début d’année, c’est vrai qu’on est peu nombreux, témoigne Irène, en terminale ES. Mais à la fin, tout le monde en sort satisfait. » Avec le sentiment d’avoir eu « un espace pour parler de l’actualité alors que ce n’est pas toujours une priorité en classe », ajoute la jeune fille. Et l’occasion, entre élèves en désaccord, parfois sur les terrains les plus sensibles, de « crever l’abcès ». p mattea battaglia A moins de deux semaines de l’ouverture des négociations conventionnelles avec l’Assurancemaladie visant à revaloriser les tarifs de la consultation, les autres syndicats de médecins libéraux assurent ne rien attendre de la « grande conférence ». « Avec trois mesurettes sur la formation, c’est une montagne qui va accoucher d’une souris », prédit Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF, syndicat majoritaire chez les médecins libéraux, pour qui cette grandmesse « vient trop tard ». Jean-Paul Hamon, le président de la FMF, dé- J UST IC E Le Conseil d’Etat suspend une assignation à résidence Pour la deuxième fois depuis la proclamation de l’état d’urgence, le Conseil d’Etat a suspendu, mardi 9 février, une assignation à résidence, estimant que l’administration n’avait pas apporté d’éléments « suffisamment probants ». Le ministère de l’intérieur avait décidé cette mesure aux motifs que Youssef Z. avait des liens multiples avec des personnes liées au djihadisme et qu’il avait chez lui divers documents ou dessins faisant référence à l’organisation Etat islamique (EI). Le Conseil d’Etat a souligné que le procès-verbal de perquisition ne « mentionne nullement » les documents faisant référence à l’EI. Le procès de Jérôme Cahuzac renvoyé au 5 septembre Le tribunal a jugé recevable, mercredi 10 février, la question prioritaire de constitutionnalité déposée par les avocats de Jérôme Cahuzac, contestant le cumul des poursuites pénales et fiscales. Le procès a été suspendu et renvoyé au 5 septembre. Attentat de la rue des Rosiers : la Jordanie rejette l’extradition de deux suspects La justice jordanienne a rejeté l’extradition vers la France de deux suspects, dont le cerveau présumé, de l’attentat antisémite contre un restaurant juif de la rue des Rosiers, à Paris, qui avait fait six morts en 1982, selon des sources judiciaires. nonce lui une « mascarade médiatique ». « Après presque quatre ans de ce gouvernement, s’ils avaient eu des choses à annoncer, ils l’auraient déjà fait depuis longtemps. » Plusieurs points contenus dans le livre blanc présenté le 10 janvier par l’Ordre national des médecins à l’issue d’une grande consultation menée auprès de 35 000 médecins ces derniers mois devraient être annoncés jeudi par le premier ministre. Selon nos informations, il devrait par exemple annoncer la systématisation de la modulation régionale du numerus clausus. Une « recertification » des professionnels de santé tous les six ans à partir d’un cahier des charges élaboré par la Haute autorité de santé devrait également être mise en place. Menée par l’Ordre, cette validation des acquis ne serait obligatoire que pour les nouveaux arrivants et resterait optionnelle pour les autres. Manuel Valls devrait enfin garantir la mise en place d’une offre publique de formation chez les paramédicaux dans les filières où seule une formation privée est proposée. p françois béguin L’HISTOIRE DU JOUR Les histoires d’amour débutent peu sur le Web, en général I ls promettent l’amour à grands coups de campagnes publicitaires et mettent en avant un nombre d’utilisateurs vertigineux… au point que la croyance se répand que les sites de rencontres amoureuses sont devenus un moyen privilégié de trouver l’âme sœur. Une enquête de l’Institut national d’études démographiques (INED), publiée mercredi 10 février, fournit de premières statistiques fiables et ramène le phénomène à ses justes proportions. Quelque 7 800 personnes âgées de 26 à 65 ans, représentatives de la population française, ont été interrogées sur leur vie affective en 2013 et en 2014. Parmi elles, 14 % s’étaient déjà inscrites sur un site de rencontre. Le chiffre grimpe entre 16 % et 18 % en incluant l’usage des 18-25 ans. Ce qui est loin d’être négligeable. Mais si la fréquentation de ces sites est importante, les utilisateurs y nouent surtout des relations éphémères. Parmi les personnes ayant connu leur conjoint actuel entre 2005 et 2013, moins de 9 % l’ont fait par l’intermédiaire d’un site. « C’est une minorité significative, mais ce n’est pas devenu un mode de rencontre durable dominant », commente la socioENTRE 2005 ET 2013, logue Marie Bergström, auteure de Pour trouver un conjoint, les sites 10 % DES SECONDES l’étude. arrivent en cinquième position derrière UNIONS PROVIENNENT le lieu de travail, les soirées entre amis, les lieux publics et l’espace domestique DE RENCONTRES (chez soi ou chez d’autres). Parmi les personnes interrogées, 7 % EN LIGNE disent avoir connu des relations « moins importantes » par ce biais. La rencontre numérique serait-elle par nature superficielle ? C’est plutôt que les protagonistes y sont plus clairs sur leurs intentions. « Il n’y a pas d’ambiguïté sur pourquoi on est là, ce qui facilite les rencontres amoureuses et sexuelles », explicite la sociologue. L’enquête révèle des usages très variables selon le profil des utilisateurs. Les jeunes y ont davantage recours (29 % des 26-30 ans se sont déjà inscrits), contre 12 % à 14 % des 40-50 ans. Mais c’est paradoxalement pour cette population plus âgée, composée de personnes séparées ou divorcées, que les sites jouent un rôle de plus en plus important. Entre 2005 et 2013, 10 % des secondes unions proviennent de rencontres en ligne, contre 5 % des premières unions. « Les jeunes sont aussi là pour flirter et mesurer leur attractivité, explique Marie Bergström. En revanche, le cercle relationnel des personnes séparées comporte souvent des individus déjà en couple. Ils ont moins d’opportunités et sont donc plus volontaristes dans leur usage de ces sites. » p gaëlle dupont 10 | france 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 FINANCES PUBLIQUES La Cour des comptes inquiète pour la réduction du déficit public Selon le rapport annuel de l’institution, publié mercredi, les prévisions de recettes du gouvernement sont surévaluées U ne nouvelle fois, la Cour des comptes, dans son rapport public annuel publié mercredi 10 février, se montre dubitative sur la capacité du gouvernement à tenir son objectif de réduction du déficit public de 0,5 point en 2016. « Sa réalisation est incertaine car il repose sur une prévision de croissance des recettes qui pourrait être surévaluée de 0,1 à 0,2 point de PIB et sur un objectif d’évolution des dépenses en valeur qui pourrait se révéler difficile à atteindre », estiment les magistrats financiers, qui énumèrent les multiples aléas qui pèsent sur ces prévisions. Après un déficit public de 3,8 % en 2015, le gouvernement prévoit de le ramener à 3,3 % en 2016. Une prévision qui repose sur une amélioration modeste du déficit des administrations centrales, un quasi-équilibre des collectivités territoriales et un léger excédent des administrations de Sécurité sociale. Toutefois, relève la Cour, « si elle n’est pas hors d’atteinte, la prévision de déficit pour 2016 repose sur une estimation de recettes, en matière d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, qui peut être considérée comme un peu élevée ». Croissance révisée à la baisse Le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances retient en effet des hypothèses de croissance de 1,5 % en volume, de + 1 % pour l’inflation et de + 2,4 % pour la masse salariale. Il est d’ores et déjà établi que cette prévision de hausse des prix à la La Cour pointe les dépassements récurrents pour certaines missions, comme les opérations extérieures des forces armées consommation va devoir être révisée à la baisse : elle pourrait être diminuée de moitié. Certes, cela aura des effets contradictoires : pénalisants pour les recettes de TVA et pour les économies attendues sur les dépenses, bénéfiques en ce qui concerne la charge des intérêts de la dette. Mais ceux-ci ne s’équilibreront pas nécessairement. De même, les prélèvements sociaux assis sur les salaires « risquent d’être plus faibles qu’attendu par le gouvernement ». Au total, « la perte de recettes correspondantes pourrait s’élever à 0,1 point de PIB », estime le rapport. La Cour des comptes persiste en outre à penser que la prévision d’élasticité des prélèvements obligatoires, et notamment de l’impôt sur le revenu, est « surestimée ». Côté dépenses, le rapport souligne « des risques réels de dépassement des prévisions », tant en ce qui concerne les dépenses de l’Etat que pour celles des administrations de Sécurité sociale ou des collectivités territoriales. Le gouvernement a annoncé 500 millions d’euros d’économies résul- tant de la revue des dépenses : seuls 225 millions sont documentés. « Les autres économies annoncées sont censées correspondre à des efforts de rationalisation qui sont peu détaillés », poursuit le rapport. Or ces économies sont censées financer des dépenses supplémentaires telles que les 600 millions d’euros octroyés à la défense ou les 150 millions d’euros destinés à accélérer le développement du service civique décidés en 2015 pour 2016. Déferlement de mises en garde Par ailleurs, comme à l’habitude, la Cour pointe les dépassements récurrents pour certaines missions comme les opérations extérieures des forces armées ou les dépenses sociales inscrites au budget de l’Etat. C’est le cas, par exemple, de l’allocation adulte handicapé, budgétisée à 8,5 milliards d’euros en loi de finances pour 2016 alors que son montant a été relevé à 8,8 milliards en 2015. Le succès de la prime d’activité, déjà versée à 1,5 million de ménages, ce qui représente 2 millions de personnes, risque de faire exploser la ligne budgétaire prévue à 4 milliards d’euros pour 2 millions de bénéficiaires. Ce chiffre pourrait être rapidement dépassé, les bénéficiaires potentiels ayant jusqu’au 31 mars pour effectuer les démarches nécessaires et la percevoir avec effet rétroactif au 1er janvier. S’y ajoute le plan pour l’emploi et la formation, dont le coût est évalué à au moins 1 milliard d’euros. Autre souci relevé par la Cour : l’objectif de croissance de la masse salariale des agents de l’Etat programmée pour 20152017 sera dépassé dès 2016 du fait du renforcement des effectifs de défense et de sécurité. Par ailleurs, note-t-elle, la loi de finances « ne tient pas compte d’une éventuelle revalorisation du point de la fonction publique qui pourrait résulter de la négociation salariale annoncée pour février 2016 ». Du côté des administrations sociales, le gouvernement table sur 1 milliard d’euros d’économies au titre de l’accord conclu en octobre 2015 sur les retraites complémentaires et 800 millions grâce à la renégociation de la convention d’assurance-chômage. En réalité, l’impact de l’accord sur les retraites complémentaires devrait être de 800 millions d’euros et les négociations sur la convention d’assurance-chômage n’étant pas encore engagées, elle ne devrait pas entrer en vigueur avant le mois de juin. Les économies devraient donc être moindres qu’attendu, « de plusieurs centaines de millions d’euros ». Enfin, en ce qui concerne les collectivités territoriales, la Cour n’exclut pas que, face à la baisse Contrats de génération L’échec d’une Sciences Po Les reproches persistent mesure phare du candidat Hollande malgré les réformes engagées L a Cour des comptes manie la litote pour tirer le bilan du contrat de génération, l’une des mesures emblématiques en matière de politique de l’emploi, qu’avait proposée le candidat François Hollande en 2012 : c’est un « insuccès », écrit-elle dans son rapport annuel, rendu public mercredi 10 février. Une façon aussi polie que cruelle de souligner que ce dispositif n’a pas atteint les objectifs quantitatifs fixés initialement. En juillet 2015, un peu plus de 40 000 contrats de ce type avaient été signés, « alors que plus de 220 000 étaient espérés à cette date pour parvenir à un total de 500 000 (…) à l’échéance 2017 ». On est très loin du compte. Pourtant, reconnaît la haute juridiction, il s’agit là d’un « instrument spécifique et original [sans] équivalent ailleurs en Europe ». Il prévoit une aide de 4 000 euros par an pour les entreprises qui embauchent en CDI un jeune de moins de 26 ans, tout en maintenant dans l’emploi un senior de plus de 57 ans. L’accent est mis aussi sur la transmission des compétences entre les deux salariés. « En termes d’impact sur le coût du travail, le contrat de génération est un dispositif intéressant pour les employeurs », souligne le rapport. Mais peu nombreux sont ceux qui ont mordu à l’hameçon. Dans les entreprises d’au moins cinquante personnes, le contrat de génération devait être instauré par des accords collectifs. Or, les négociations se sont révélées « incomplètes et peu ambitieuses », aux yeux de la Cour, ce qui atteste « l’absence de mobilisation des partenaires sociaux ». Certains principes essentiels ont été négligés : par exemple, celui d’un « binôme effectif », souvent abandonné pour « un appariement purement statistique entre des jeunes et des seniors sans liens professionnels » ! « Un impact marginal » Le gouvernement a pourtant ajusté le dispositif afin de le rendre plus attractif (allongement des délais pour négocier, majoration des aides dans certains cas…). Sans grand effet, pour les magistrats de la Rue Cambon, qui déplorent que le contrat de génération profite « prioritairement à des jeunes relativement qualifiés et déjà présents dans les entreprises » : près des deux tiers de ceux ayant été recrutés en CDI grâce au dispositif occupaient déjà un poste, d’après la Cour. Conclusion : « Le contrat de génération n’a qu’un impact marginal sur le taux de chômage. » Plusieurs raisons expliquent cet échec. De nombreux patrons ont vu dans cette mesure une « contrainte » supplémentaire, car elle fixe des obligations de négociation « sous peine de pénalités ». Les critères d’éligibilité à l’aide sont, par ailleurs, jugés inadaptés (notamment parce qu’ils excluent les entreprises membres d’un groupe d’au moins trois cents personnes). Enfin, la faiblesse de la croissance économique a pesé sur les décisions d’embauche. Dans sa réponse au rapport, la ministre du travail, Myriam El Khomri, indique, sans surprise, ne pas partager l’analyse de la Cour des comptes. « Le contrat de génération s’est imposé (…) comme un dispositif structurant qui permet de donner un nouvel élan au dialogue social », assure-t-elle, en précisant que 8,8 millions de salariés étaient couverts par un accord ou un plan d’action, en septembre 2015. L’administration contrôle le contenu de ces textes afin de veiller à ce qu’ils ne soient pas « purement formels ». Enfin, la ministre réfute l’idée d’un effet d’aubaine en faveur de jeunes déjà en emploi, car le but du dispositif est de les intégrer le plus tôt possible dans une entreprise, grâce à un CDI. p bertrand bissuel L es dissensions entre la Cour des comptes et Sciences Po Paris persistent. Trois ans après le rapport qui avait sévèrement soldé les années Descoings, la Cour des comptes fait le point sur les suites qui lui ont été données. Certes, beaucoup a été fait, reconnaît-elle. Mais elle s’inquiète toujours du mode de gouvernance de l’école, de son avenir financier et du salaire du nouveau directeur, Frédéric Mion. Sur le plan des avancées, les rapporteurs se félicitent que « la remise en ordre [soit] bien engagée » en ce qui concerne la gestion des enseignants, les logements de fonction ou les procédures d’achat. Ils saluent la réforme des statuts et reconnaissent que les rémunérations sont « désormais mieux encadrées, même si cet encadrement est pour partie inabouti ». « Une source de confusion » Frédéric Mion gagne certes moins que Richard Descoings : 200 000 euros brut par an contre 537 000 euros en 2010. Mais, interroge la Cour, qu’est-ce qui justifie la différence entre ce salaire et celui d’un président d’université, soit environ 100 000 euros ? Quant à l’organisation duale de Sciences Po Paris – une fondation La Cour estime que l’avenir financier de l’établissement est loin d’être garanti privée, la FNSP, gère un établissement public, l’Institut d’études politiques (IEP) –, la Cour considère toujours qu’elle est « source de confusions ». Exemple : c’est l’administrateur de la FNSP qui paie les personnels, mais c’est le directeur de l’IEP qui a autorité sur eux. M. Mion cumule les deux fonctions, mais « la possibilité d’une divergence d’appréciation non résolue entre le conseil d’administration de la FNSP et le conseil de l’IEP subsiste ». L’avenir financier de Sciences Po Paris est en outre loin d’être garanti, estime-t-elle. Les fonds publics (45 % des ressources en 2014) stagnants, l’école devra trouver ailleurs les moyens de son développement. La direction mise sur la formation continue et le mécénat. Mais les progressions envisagées (+ 90 % pour la première et + 160 % pour le second entre 2014 et 2018) apparaissent « volontaristes » à la Cour, autrement dit illusoires. Dans ce contexte, elle estime que le projet d’achat de l’hôtel de l’Artillerie, de prestigieux bâtiments au cœur des quartiers bourgeois de Paris, va encore fragiliser l’école. Frédéric Mion a peu goûté ces commentaires. Dans un courrier, il a sèchement répondu que les remontrances de la Cour sont « excessives ». Il s’étonne des discordances entre le rapport annuel et le relevé d’observations provisoires établi en juillet 2015 par la même Cour des comptes : un « satisfecit », dit-il, qui « constatait que 18 des 19 recommandations de 2012 avaient été mises en œuvre ». Sur son salaire, M. Mion estime qu’il est légitimé par le fait qu’il cumule deux fonctions : celle d’administrateur et celle de directeur. En ce qui concerne la gouvernance, dit-il, Sciences Po Paris a tenu compte de toutes les demandes qui lui ont été faites. Quant à la situation financière, elle est « particulièrement saine et ses perspectives parfaitement sous contrôle ». Rejetant le « jugement lapidaire » de la Cour sur l’Artillerie, M. Mion se félicite au contraire de la « robustesse » du projet. p benoît floc'h france | 11 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Théâtres Une situation « fragile et déséquilibrée » A des dotations de l’Etat, certaines fassent le choix d’un recours accru à l’endettement pour amortir l’impact sur les dépenses d’investissement. Face à ce déferlement de mises en garde, le gouvernement rappelle que l’exécution du solde budgétaire de l’Etat en 2015 a été meilleure que la prévision fixée en loi de finances initiale (LFI) : – 70,5 milliards d’euros fin 2015, contre – 85,6 milliards fin 2014, alors que la LFI prévoyait – 74,4 milliards d’euros, et que les objectifs de maîtrise de la dépense ont été strictement respectés. « Le gouvernement mettra en œuvre les mesures nécessaires pour respecter les objectifs de dépenses en 2016, comme il l’a fait en 2015 alors que l’ambition n’était pas moindre, assure le ministère des finances. Toute mesure supplémentaire susceptible d’intervenir en cours de gestion sera financée par des redéploiements. » Il considère en outre que ses prévisions de recettes « ont été fixées à un niveau prudent ». Bref, pour le gouvernement, les inquiétudes de la Cour des comptes ne sont pas fondées. p bsence d’orientations claires et d’objectifs précis de la part d’une tutelle « largement absente », « défaillances » dans la gestion des postes de direction, situation financière « fragile et déséquilibrée »… Les théâtres nationaux (ComédieFrançaise, Théâtre national de l’Odéon, Théâtre national de la Colline, Théâtre national de Strasbourg et Théâtre national de Chaillot), dont les comptes ont été passés à la loupe sur la période 2006-2014, affichent un état de santé préoccupant. Placés sous la tutelle de la direction générale de la création artistique du ministère de la culture, ils bénéficient d’un financement public exclusivement étatique. Néanmoins, leurs statuts ne relèvent pas d’un cadre juridique commun et leur fonctionnement est peu encadré. Autrement dit, l’implication du ministère de la culture « n’est pas à la hauteur des financements consentis ». Ce flou est « d’autant plus problématique », souligne le rapport, « que l’économie de ces établissements est fragile : malgré des taux de fréquentation élevés, les charges de structure sont en augmentation [de 16 % sur la période observée] et l’activité très majoritairement déficitaire ». Lettres de mission inexistantes, absence de documents contractuels… « Tout semble se passer comme si le talent et les intuitions du directeur suffisaient, aux yeux de la tutelle, à garantir la performance artistique et la gestion de son établissement. » Le mode de nomination des directeurs, par décret du président de la République, est jugé problématique par les auteurs du rapport : « Le processus discrétionnaire auquel obéissent les nominations peut être à l’origine de situations malencontreuses », écriventils, rappelant notamment le départ chaotique de Julie Brochen du Théâtre national de Strasbourg, en 2014. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, le 12 janvier. VERNIER/JBV NEWS patrick roger La politique de création, si elle conduit à une programmation jugée « riche », s’avère « structurellement déficitaire », pointe également le rapport qui souligne que « les recettes de billetterie et les éventuels apports de coproduction ne permettent presque jamais de couvrir les dépenses directes de montage et d’exploitation des spectacles ». Sur les 356 spectacles présentés sur la période étudiée, « seuls sept ont pu être autofinancés », indiquent les rapporteurs. Et de s’étonner, par exemple, de la faible rotation des spectacles, limités à une poignée de représentations seulement alors que des tournées en région ou les captations audiovisuelles permettraient d’équilibrer les coûts. D’autant que, à l’exception du TNS, les frais de structure sont en hausse croissante, « nettement plus forte que l’inflation ». « Règles obsolètes » Cet équilibre économique fragile « n’a pu perdurer que grâce à un subventionnement massif et continu de l’Etat », insiste la Cour qui, dans le contexte actuel de baisse des dépenses publiques, invite les théâtres nationaux à rationaliser leurs dépenses, par exemple en mutualisant leurs fonctions administratives et de production, en révisant à la hausse leur politique tarifaire, en optimisant l’utilisation des décors et costumes etc. Quant à la tutelle, elle est priée de reprendre la main notamment en fixant des objectifs « clairs et mesurables » à chacun de ces établissements. Et, plus délicat, en engageant la renégociation des dispositifs conventionnels (primes, durée du travail, convention collective et accords additionnels), « dont de nombreuses règles obsolètes ou caduques au regard du code du travail placent les établissements dans un climat d’insécurité juridique pouvant s’avérer coûteux en cas de contentieux ». p sylvie kerviel LES CHIFFRES Transports en Ile-de-France Un réseau proche de la « rupture » 55 % L de logements sociaux dans les quartiers prioritaires après rénovation C’est dix points de moins qu’avant le lancement du premier plan de rénovation urbaine en 2004, d’après le bilan établi par la Cour des comptes des politiques de renouvellement urbain. De plus, 60 % des HLM démolis sont reconstruits dans les secteurs les plus en carence. La Cour souligne que « le rééquilibrage géographique de l’offre de logement social se réalise lentement ». Une litote pour souligner que l’objectif de mixité sociale, affiché par Jean-Louis Borloo puis par les ministres de la ville qui lui ont succédé, est loin d’être atteint. 123 920 logements ont été détruits en dix ans L’objectif est d’éviter une trop grande concentration dans les quartiers rénovés. Seuls 99 840 logements ont été reconstruits au lieu des 140 980 prévus. e mal des transports en commun – bondés ou en retard – subi chaque jour par des millions de passagers s’aggrave en Ile-de-France, en dépit des renforts de lignes de tramway, de métro et de nouvelles rames de RER. La Cour des comptes, dans son rapport sur les transports ferroviaires de la région rendu public mercredi 10 février, souligne que la satisfaction des usagers est en baisse alors que les objectifs de ponctualité et de fréquence des RER et de la plupart des trains du réseau transilien sont de moins en moins respectés. Indice de cette détérioration : les pénalités de retard versées par la SNCF au Syndicat des transports d’Ile-deFrance (STIF) ont crû de 6,3 millions d’euros en 2010 à 19,5 millions en 2014. La Cour attribue une grande partie des dysfonctionnements aux « sous-investissements des gouvernements, de la SNCF et de RFF » depuis trente ans sur le réseau francilien, liés aux efforts engagés pour le développement des TGV dans la même période. Consciente de son retard, la SNCF a plus que doublé ses crédits pour l’entretien du réseau depuis 2011. Le 5 février, le secrétaire d’Etat chargé des transports, Alain Vidalies, a annoncé que l’enveloppe de l’opérateur passerait de 1,1 milliard d’euros en 2015 à 1,3 milliard en 2016. « La maintenance ne se voit pas, la maintenance ne s’inaugure pas, mais la maintenance, c’est la sécurité et la fiabilité au quotidien », a-t-il insisté. La Cour doute toutefois d’un rattrapage « en quelques années » des « carences accumulées ». L’état du réseau va « continuer à se dégrader jusqu’en 2020 pour retrouver en 2025 le niveau d’aujourd’hui, déjà loin d’être optimal », prédit le rapport. Face à « à une situation à la limite de la rupture » dans les transports en commun, « priorité absolue » doit être donnée, selon les magistrats financiers, à la rénovation des installations exis- Un réseau vétuste EN ÎLE-DE-FRANCE... tantes, quitte à différer la création de nouvelles lignes prévue dans le cadre du « plan de transports du Grand Paris ». Ce plan prévoit d’ici à 2030 un métro automatique de 205 kilomètres jalonné de 69 gares, baptisé Grand Paris Express, pour un coût de 30 milliards d’euros. Il inclut d’autres grands chantiers tel que le prolongement du RER E « Eole » jusqu’à Mantes-la-Jolie (Yvelines) d’ici à 2022. Evaluée à 5 milliards d’euros, l’extension d’Eole à l’ouest n’aurait pu être lancée sans que l’Etat abonde de 500 millions d’euros sa participation initiale et que Paris, les Hauts- de-Seine et les Yvelines acceptent de remettre au pot 500 millions d’euros. C’est à ce prix que le chantier va pouvoir démarrer. Explosion des coûts Au total, l’entretien du réseau, l’achat de nouvelles rames, la réalisation de toutes les nouvelles lignes promises depuis 2010 nécessiteraient « une cinquantaine de milliards d’euros » entre 2015 et 2020, évalue la Cour des comptes. Impossible de tout mener de front sans déborder sur le calendrier et entraîner une explosion des coûts. Elle invite l’Etat à « une sélection rigoureuse » entre les Des lignes saturées Une ponctualité défaillante 50 milliards à financer L’ÎLE-DE-FRANCE C’EST... EN 2014... RÉPARTITION 2010-2014 DU FINANCEMENT 40 % 10 % des voies ont plus de 30 ans. Ce matériel atteint sa limite d’âge à 25 ans du réseau ferré national 40 % 9 lignes du trafic voyageur français SNCF franciliennes sur 11 n’ont pas atteint leur objectif de régularitéponctualité 30 % usagers 50 milliards d’euros 50 % entreprises* de dépenses prévues d’ici à 2020 20 % concours public SOURCE : COUR DES COMPTES * « Versement transport » + remboursement Navigo projets du Grand Paris et les autres opérations « coûteuses » prévues en France. Le « double défi » de la régénération du réseau et des investissements dans de nouvelles lignes exige que les voyageurs « contribuent davantage au financement des transports », estime la juridiction financière, qui relève que les Franciliens paient moins cher leur ticket de transport que les Berlinois ou les Londoniens. La mise en œuvre du Passe Navigo à tarif unique, le 1er septembre 2015, qui supprime le surcoût pour les longs trajets en Ile-de-France, entraînera une baisse de recettes pour le STIF estimée à près de 500 millions d’euros dès 2016, rappelle-t-elle. « Cette mesure de progrès » sera « financée » en 2016 et au-delà, s’est engagé le premier ministre. Cependant, dans une lettre du 5 février adressée à Valérie Pécresse, qui détaille les modalités du financement du Pass Navigo unique, Manuel Valls suggère à la présidente (LR) de la région et patronne du STIF de recourir au « levier tarifaire ». Dans sa réponse annexée au rapport de la Cour des comptes, Mme Pécresse exclut cette piste à court terme : « Une augmentation des tarifs ne sera envisageable que si elle est accompagnée d’une amélioration sensible de la qualité de service », écrit-elle. p béatrice jérôme *% ( $)% ' ('% % % """ ! " ! ($ ( #( ' """ -! * - %! -- %'% - ," #) # ! ," *&* + ,$ # *% $+ , # 444(/%'')() & +-+ ( #'* ,0 )2 " %#3#/!%# 5& ++ 5 5 !/)! ,, )2 " %#3#/!%# 5& 5 $ 51 &5 !# '" )2 " %#3#/!%# 5& +& $ $ %!"!) *!# & )2 / )"* 5& + 5, ,& )**!# "!% &0 )2 / )"* 5& +$ $ & 2"* 2/!) &+ )2 / )"* 5& + 51 & " ! ! ! " && ## && # ## ! ' %$% PARIS 9 E ACHATS L’IMMOBILIER 100% ENTRE PARTICULIERS Acheteurs Français et Européens Recherch. tous types de biens entre particuliers. LMO 0 800 141 160 Service & appel gratuits VENTES APPARTEMENTS PARIS 6E * CH.MIDI - DUROC * 4P. 88M2 5°asc. balc., travx Plein soleil - 960.000€ - ST VINCENT DE PAUL Très bel appt ancien, rénové 2/3 chbres - Plein soleil Jolies vues - 1.150.000€ - TRINITÉ Très beau loft ouvert sur terrasse de 20m2 - Belles prestations - 1.410.000€ - LA ROCHEFOUCAULD Dernier étage Terrasse 3 chambres - Calme Poss. parking - 1.520.000€ - TRINITÉ Bel ancien - 2°étage - 7P. 5 chambres - Possib. parking - 1.575.000€ FEAU 9EME 01.55.31.94.70 www.feau-immobilier.fr MAISONS PARIS 14E * LAENNEC-VANEAU * Duplex 80,81m2 - 2/3° asc. s/jolie cour pavée, soleil séjour cathédrale, charme * VAVIN - BREA * Superbe 5°asc., terrasses 135m2, jolie vue s/jardins 1.890.000€ (box possible) * LITTRE S/JARDIN * Superbe 185m2 - 2°asc. récept. dble expo, 4 chbres 01.45.44.44.45 DÉCORATION RENOV’DÉCO 1961 SARL Nos compétences, notre expérience et notre goût du travail soigné Tél : 01.40.09.79.26 06.21.40.02.81 www.renovdeco1961.fr MUSIQUE ACH. POUR COLLECTION 33 TOURS ANNÉES 50 (MUSIQUE CLASSIQUE) Tél. : 06.11.57.62.81 Création & transformation réparations. Achats ventes. Echanges sélectionné par le guide PARIS PAS CHER -------------OPÉRA : angle bd des Italiens 4, rue de la Chaussée d’Antin Tél : 01 47 70 83 61 Tél : 01 45 01 67 88 Ouverts du mardi au samedi ANTIQUITÉS Disquaire sérieux achète ACHAT AU DESSUS DE VOS ESTIMATIONS ET EXPERTISES « ART D’ASIE » : CHINE, JAPON ET MOYEN-ORIENT 06.07.55.42.30 P. MORCOS EXPERT CNE ✶ Porcelaines et Bronzes ✶ Cristal de Roche ✶ Corail et Ivoires Anc. ✶ Jade blanc et couleurs ✶ Cornes et Laques ✶ Peintures et Tissus anc. ✶ Manuscrits et Estampes DEPLACEMENT PARIS – PROVINCE DISQUES VINYLES 33 T ET 45 T. [email protected] Pop/rock/jazz/Classique… Grande quantité, service de presse, successions… 06 89 68 71 43 CHARLES HEITZMANN ACHÈTE CHER LIVRES LIBRAIRE ACHÈTE LIVRES 20e Illustrés Modernes, Beaux Arts, Sciences Humaines, Littérature, Voyages, Photos, Pléiade, etc. GOLEN : 06.30.49.93.94 LIBRAIRE ACHÈTE 06.80.43.82.70 * UNIQUE * AU COEUR DU 14EME LIBRAIRIE VIGNES Très belle maison ancienne inondée de soleil & lumière avec jardin clos, superbes réceptions, grande cuisine, 5 chbres en étages, 3 bains s.sol : lingerie, s.de jeux Très bon état, charme fou 2 parkings recherche livres rares, éditions originales dédicacées et numérotées, reliures mosaïquées, autographes et archives littéraires. Déplacement gratuit et paiement comptant. 57, rue Saint-Jacques, Paris 5e 01 45 44 44 45 [email protected] Spécialiste du viager PERRONO-BIJOUX -------------- ÉTOILE : 37, avenue Victor Hugo livres anciens, modernes, pléiades, services de presse, successions, bibliothèques depuis 1963 BIJOUX Brillants. Pierres précieuses. *Devis gratuit *Délai respecté (ACHAT - VENTE - EXPERTISES) LEGASSE VIAGER, (,,) ) $$, *!" " , ( , ( #%# ' " * *" Anciens. Occasions argenteries. A VOTRE SERVICE ! PEINTURE, PAPIER-PEINT, PARQUET, ELECTRICITE, CARRELAGE, PLOMBERIE, MACONNERIE, MENUISERIE. Tél : 01 43 25 32 59 ,,) $$ !* +' , , ,) , #%# **' !'*' Mobiliers anciens Tous Pianos Manteaux de fourrures Bagagerie de luxe Services de table Toutes argenteries Vases Gallé, Daum Objets asiatique Tapis & tapisseries Tableaux & cadres Lustres et miroirs Toutes horlogeries Bronzes & ivoires Trophées de chasse Armes anciennes Objets de vitrines Livres anciens Pièces ( 5F, 10F, 50F...) Vins (mêmes imbuvables) 01.40.89.01.77 Suite à mes prestations télévisées sur le marché de l’art, je vous propose ! """ %%%" ##" "#" ! # $ % % % # $ % % %" % " & # $" & # % % ! # % # # # % %" UN RENDEZ-VOUS POUR VOS DEMANDES D’ESTIMATIONS, Spécialisé successions J’ACHETE Meubles Tableaux Pendules Objets d’art & curiosités Argenterie Livres anciens Violons & Archets anciens Art d’Afrique et d’Asie Art décoratif du XXe s Art d’Islam et d’Orient Photos anciennes et d’artistes Sérieux et discrétion assurés, déplacements Paris et Province. 0123 Bonnes Adresses Pour communiquer dans cette rubrique, appelez le : PATRICK MORCOS EXPERT Affilié à la Compagnie Nationale des Experts DÉPLACEMENT ET ESTIMATION GRATUITS SUR TOUTE LA FRANCE 06.07.55.42.30 [email protected] [email protected] 01.57.28.38.52 Envoyer votre texte par e-mail : [email protected] Bruno et Nicolas Legasse vous proposent Une étude et un suivi gratuit et discret La solution Viager : augmenter sa retraite en restant chez soi 47, avenue Bosquet 75007 Paris. Tél. : 01 45 55 86 18 Fax : 01 45 55 50 18 Site internet : www.viager.fr débats | 13 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Laissons tomber le principe de nationalité ! Trafic d’enfants | par serguei Il est fâcheux de constater, à gauche comme à droite, le recul graduel de la notion contractuelle de la nation au profit d’une conception ethnicisée de ses citoyens par jean-loup amselle D La primaire à gauche est un leurre Loin de réenchanter la politique, l’appel des progressistes pour tenter de gagner l’élection présidentielle grâce à une procédure de désignation qui a fait ses preuves en 2012 risque de personnaliser le débat au détriment des idées par rémi lefebvre L e projet de primaire en dit long sur l’impasse de la gauche, son désarroi et sa désorientation stratégique. Le texte d’appel paru dans Libération le 11 janvier prend acte de la situation de blocage dans laquelle s’est enferrée la gauche. Fragmentée à outrance, défaite idéologiquement, démobilisée politiquement, celle-ci risque de se fracasser sur le premier tour de l’élection présidentielle en 2017. Les défaites cuisantes aux élections intermédiaires depuis 2012 n’ont en rien contrarié une droitisation de l’exécutif de plus en plus assumée. Pire, la candidature de François Hollande, pourtant largement disqualifiée dans l’opinion, apparaît de plus en plus incontournable pour 2017. Les appels au « vote utile » face au double péril extrémiste et terroriste se font déjà entendre. Le levier de la primaire apparaît comme une réponse à cette impuissance systémique. Atomisée, la gauche en vient à se raccrocher à une procédure qui, sous couvert de déverrouiller la situation, ne peut que renforcer à terme les maux qu’elle dénonce et la présidentialisation mortifère du jeu politique. Les termes du débat sur la primaire ont changé depuis 2009, lorsque Libération, Terra Nova et Arnaud Montebourg avaient lancé l’offensive pour une primaire socialiste. On lui prêtait alors des pouvoirs magiques, celui de réenchanter la politique, de renouveler le personnel politique ou de dépasser les partis. Le succès démocratique de la procédure de 2011 au PS et la victoire de François Hollande ont en quelque sorte validé l’efficacité électorale de ce processus, à tel point que même la droite, qui lui était pourtant hostile, s’y est ralliée. Depuis 2012, l’image de la primaire a pourtant changé. La clôture autistique du jeu politique est plus forte que jamais. Le président de la République, adoubé par trois millions de sympathisants lors de ce scrutin, s’est révélé au pouvoir émancipé de toute tutelle partisane et parlementaire et impose au « peuple de gauche » et à ses partis une politique dans laquelle ils ne se retrouvent pas et qui n’obtient aucun résultat. La plupart des commentateurs conviennent CETTE STRATÉGIE APPARAÎT COMME LA SEULE POSSIBLE ET POURTANT COMME TRÈS IMPROBABLE que ce processus exacerbe encore la personnalisation de la politique et l’hystérie présidentialiste du débat public, renforcées par le quinquennat et l’inversion du calendrier présidentiel. La primaire n’est qu’une manière de réguler la concurrence des ambitions personnelles qu’elle légitime et banalise, ce faisant. Le dernier appel de Libération prend en compte ces limites, mais pèche par quelques naïvetés. Selon les signataires, la primaire pourrait faire prévaloir la logique des idées et des projets alternatifs. Elle a certes tranché des débats idéologiques en 2011. Mais cet arbitrage constitue-t-il une garantie dans le régime présidentialiste ? Rien n’est moins sûr. Le processus a un peu plus encore affranchi de son parti le président en exercice. La ligne sociale-libérale de Manuel Valls, largement désavouée par les sympathisants (5 % des suffrages), est devenue la colonne vertébrale de la politique gouvernementale. Comment croire à une primaire qui débouche sur « une coalition de projet et un contrat de gouvernement » et qui soit « un temps de débat et d’intelligence collective » ? UNE SITUATION CRUELLE Le scrutin relève de la démocratie représentative, pas de la démocratie participative. Sa vocation est bien de désigner un homme ou une femme pour être candidat et le consacrer comme tel. Pour neutraliser a priori ces effets, les partisans de la primaire auraient pu imposer aux candidats de s’engager, si l’un d’entre eux était élu, à remettre en cause les institutions. Mais il n’y a pas de consensus à gauche sur cette question, jugée peu prioritaire, voire accessoire. Une primaire désignant un « candidat collectif », au crédit personnel démonétisé, paraît quant à elle peu vraisemblable. Pour la gauche, la situation est d’autant plus cruelle que la stratégie de la primaire apparaît à la fois comme la seule possible à court terme, compte tenu des règles institutionnelles, et pourtant comme une perspective très improbable. La primaire de 2011 a été le résultat d’un débat particulièrement âpre au PS (la plupart des dirigeants socialistes y étaient au départ hostiles). Le projet pour 2016 est beaucoup plus ambitieux encore puisque, dans le contexte de la montée de l’extrême droite, il s’agit de convaincre l’ensemble des partis de gauche de désigner un candidat commun, alors que l’élection présidentielle constitue une vitrine médiatique essentielle pour chacun d’entre eux. Les signataires de l’appel du 11 janvier cherchent à court-circuiter les partis, mais ces derniers restent les maîtres du jeu. Les prises de position sur la primaire sont surdéterminées par arrière-pensées tactiques, mauvaise foi et coups de bluff qui ne trompent personne mais plombent la démarche. Le projet de la primaire rassemble essentiellement les adversaires de François Hollande. Jean-Christophe Cambadélis, dont la mission depuis 2014 est de sécuriser la candidature du chef de l’Etat, pose comme condition la participation de Jean-Luc Mélenchon et cherche à temporiser avec les contrefeux de « l’alliance populaire » ou des « cahiers de la présidentielle ». Il prévient aussi : ce serait « déchoir » que d’exposer le monarque républicain à la procédure de la primaire à laquelle l’exprésident Nicolas Sarkozy a pourtant finalement accepté de participer à droite. Le calendrier joue pour le patron du PS : si la primaire n’est pas rapidement décidée, elle est de fait vouée à l’échec, puisqu’elle demande une logistique importante. Jean-Luc Mélenchon, autoproclamé « sauveur » irremplaçable de la gauche, se refuse à une procédure qui pourrait l’« abîmer » et dont il récuse les règles du jeu. Il a peut-être pourtant plus de chance de battre François Hollande lors d’une primaire qu’à l’issue du premier tour de la présidentielle. Les « frondeurs » du PS, plutôt réticents sur la primaire en 2009, s’y sont ralliés par pragmatisme, s’appuyant sur ce dernier levier statutaire pour contester la légitimité du président et imposer un « inventaire ». Cécile Duflot, qui se prépare depuis des mois à une candidature, y voit une manière de se réinscrire dans la course, alors que son parti est en charpie… Pour que les appareils cèdent, les partisans de la primaire jouent « le peuple de gauche » contre les partis. Mais quelle est au juste la demande sociale d’une primaire dans l’opinion en pleine crise sociale sans précédent ? La cause de cette procédure complexe, encore nouvelle et centrée sur le jeu politique ne peut mobiliser que des franges politisées de la société. C’est ainsi la partie la plus diplômée de l’électorat de gauche qui a participé au scrutin de 2011. Thomas Piketty peut objecter que le nombre de signataires de l’appel (plus de 70 000 à ce jour) avoisine à peu près le nombre de militants socialistes, c’est encore bien peu. On fait en définitive jouer un rôle à la primaire qu’elle peut difficilement assumer. Pour être viable, la procédure suppose le partage d’un socle idéologique minimal. Lui seul garantit que les perdants ne se renient pas en se ralliant au gagnant. Avec la droitisation du PS, la polarisation idéologique de la gauche s’est tellement renforcée qu’un périmètre de la primaire de « Macron à Mélenchon » est la meilleure manière de compromettre la démarche. A ce stade, l’hypothèse la plus probable est une primaire des partis à la gauche du PS, mais la question du leadership au sein de cet espace politique ne se posera pas avec moins d’acuité. Alors, que faire ? Le rebond de la gauche ne pourra venir que d’une recomposition de ses frontières partisanes, d’une clarification idéologique et d’une repolitisation de la société. Cet agenda dépasse la prochaine échéance présidentielle. p ans la conception moderne, notamment dans le cadre de la Révolution française, la nation est composée de l’ensemble des citoyens, que ces derniers soient natifs ou étrangers. De ce point de vue, la levée en masse, telle qu’elle a pu se produire en 1792 à l’occasion de la bataille de Valmy, symbolise parfaitement l’idée moderne de nation telle qu’elle pouvait prévaloir au XVIIIe siècle, en accord avec la philosophie politique et sa théorie du « contrat social ». Mais cette idée de la « communauté des citoyens » n’a pas résisté à la montée des thèses racistes qui ont vu le jour à la fin du XIXe siècle dans le cadre de l’anthropologie physique et du social-darwinisme. Ces thèses racistes ont eu comme conséquence de promouvoir dans le champ politique une conception de la nation fondée sur la terre, le sang et les morts, c’est-à-dire de faire reposer l’appartenance à la communauté nationale sur un principe de filiation remontant aux origines. On retrouve cette vision d’une stabilité du peuplement de la France depuis les époques les plus reculées. Unité ou bipartition, conception contractualiste ou ethnique du peuplement national, telles sont les options qui sont présentes sur le marché des idées et offertes aujourd’hui aux acteurs sociaux et politiques. Sur le long terme, force est de constater le déclin des idées contractualistes et de la conception de la République qui lui est liée. A travers l’affaire Dreyfus, les années 1930, le régime de Vichy et la lente progression du Front national, c’est bien la conception raciale de la nation qui a dominé et continue de dominer le champ intellectuel et politique, comme en témoigne l’utilisation non contrôlée de la notion de « Français de souche », à laquelle sont liées d’autres expressions comme celle d’« insécurité culturelle ». Or, cette racialisation de la population hexagonale a également des effets en retour à l’autre extrémité du champ intellectuel et politique : celle représentée par les organisations postcoloniales qui entendent précisément LA CONCEPTION lutter contre le racisme. Devenant des « entrepreneurs RACIALE DE LA d’ethnicité », ces organisations NATION CONTINUE (Conseil représentatif des associations noires de France, le CRAN, DE DOMINER Indigènes de la République, etc.) mobilisent en effet de façon syméLE CHAMP trique et inverse à la droite raciste, sur la base d’identités certes discriINTELLECTUEL minées, mais également essentialiET POLITIQUE sées en contribuant ainsi à figer un peu plus la bipartition raciale du peuplement national entre « autochtones » et « allochtones », ou prétendument tels. Or, force est de constater que les conflits internes à la population de la France ne font pas s’affronter prioritairement deux groupes dont l’un serait composé de « purs » Français et l’autre d’étrangers radicalement inassimilables. On assiste au contraire, dans bien des cas, à des hostilités opposant les « derniers arrivants » aux « avant-derniers arrivés », comme en témoignent les heurts qui ont eu lieu à Marseille en 2012 entre familles d’origine maghrébine et Roms. La race ne saurait donc être un principe ordonnateur du champ politique puisque les oppositions qu’elle incarne sont toujours relatives et qu’elles ont pour effet de masquer des rapports de force entre des effectifs humains qui sont toujours mélangés dès l’origine. Mais, paradoxalement, la mondialisation actuelle a pour effet de faire disparaître ces rapports de force politiques au profit d’un repli national ou régionaliste sur des patries de plus ou moins grande ampleur, les régions, laissant libre cours à l’expression d’identités figées. La montée du FN, la résurgence des identités régionales (Bonnets rouges en Bretagne, nationalisme corse, etc.) ainsi que l’essor des revendications postcoloniales expriment bien la nature de ce phénomène. Ce n’est pas la déchéance de nationalité pour quelque catégorie de Français que ce soit qu’il faudrait introduire dans la Constitution, mais bel et bien envisager la suppression d’un principe de nationalité à plus ou moins longue échéance et quel que soit le pays concerné. p ¶ Rémi Lefebvre est professeur de science politique et chercheur au CNRS. Auteur des Primaires socialistes, la fin du parti militant (Raisons d’agir, 2011), il est conseiller municipal (PS) à Hellemmes (Nord) ¶ Jean-Loup Amselle, anthropologue, a publié Les Nouveaux Rouges-Bruns. Le racisme qui vient (éditions Lignes, 2014) 14 | enquête 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 adéa guillot athènes - correspondance L a musique a une force consolatrice stupéfiante. Les yeux fermés, les bras levés en croix et un drôle de sourire mi-doux mi-douloureux sur le visage, une petite dizaine de jeunes garçons afghans âgés de 10 à 17 ans dansent. Lentement, en tournant sur eux-mêmes. Et, soudain, les quatre murs de tôle du conteneur qui les abrite semblent disparaître. La chanson Negarane Mani, du roi de la pop iranienne Morteza Pashaei, emplit tout, fait oublier un instant les barbelés, la porte cadenassée, la promiscuité forcée. « Là ça dit : “Il n’est pas trop tard. personne d’autre que toimême ne peut écrire ton destin”, explique Eman, 16 ans [les noms des migrants mineurs ont été changés pour des raisons de sécurité]. Moi, j’essaie d’écrire mon destin, mais les difficultés sont plus fortes que moi. Je pensais que mon destin serait moins cruel. » Ce jour de janvier, ils sont 35 migrants mineurs non accompagnés à cohabiter dans le camp de premier accueil (Kepy) de Moria – qui leur est réservé – sur l’île grecque de Lesbos : 25 Afghans, 5 Syriens et 5 Somaliens. En Europe, ces mineurs sont définis selon l’article 1er de la résolution du Conseil de l’Europe du 26 juin 1997 comme étant « tous les nationaux de pays tiers de moins de 18 ans qui entrent dans le territoire des Etats membres sans être accompagnés d’un adulte qui soit responsable d’eux par effet de la loi ou de la coutume, ou ceux qui ont été laissés seuls après être entrés sur le territoire des Etats membres ». En France, on les appelle « mineurs isolés étrangers » (MIE). En Grèce, depuis 2012, le Centre national de solidarité sociale (EKKA) centralise la gestion de ces mineurs. « Lorsqu’un MIE a été identifié, alors, nous lui devons protection. Dans un premier temps, il faut le séparer des majeurs et l’héberger », explique Christos Dimopoulos, l’un des quatre coordinateurs de l’EKKA. A Lesbos, si le désordre caractérise la partie du camp de Moria où les réfugiés majeurs et les familles unies attendent leur enregistrement par la police, celle du Kepy réservée aux MIE tranche par son atmosphère sérieuse. Et son calme. « Nous avons totalement rénové cette aile de conteneurs qui peut abriter jusqu’à 160 personnes », explique Spyros Kourtis, le directeur du Kepy. En effet, les chambres sont spartiates, mais propres et bien tenues. Il existe un espace de prière et une salle consacrée aux activités récréatives. Il y a surtout désormais des ONG travaillant à l’intérieur du camp. Des médecins, des éducateurs spécialisés, des traducteurs. Une organisation basée sur les standards européens d’accueil. C’est un personnel civil qui s’occupe des jeunes hébergés là pour une durée moyenne de dix jours. « COMMENCER MA VIE D’ENFANT » Pourtant, malgré toute l’attention que Spyros Kourtis et ses équipes portent à ces enfants, le Kepy reste un camp fermé, cerné de barbelés. Pour entrer, il faut franchir une large porte cadenassée, dont seule la police a la clé. Les jeunes Afghans qui jouent au foot dans la cour, derrière la grille, pensent tous être en prison. Aucun n’a vraiment compris qu’ils étaient là dans un souci de protection. Eman et ses copains sont arrivés quelques jours plus tôt à Lesbos en provenance de Turquie, située à seulement quelques milles marins. « Moi, en tout, j’ai payé près de 3 500 euros à des passeurs pour venir jusqu’ici, raconte l’adolescent âgé de 16 ans. Je suis passé par les villes iraniennes de Tabriz et Maku avant de prendre un bus entre le village turc de Dogubayazit et Istanbul, et puis le Zodiac jusqu’à Lesbos. » Eman a voyagé seul, envoyé en éclaireur par sa famille dans l’espoir de pouvoir faire venir ensuite légalement sa mère et sa sœur une fois l’asile obtenu en Europe, au nom du rapprochement familial. Des dizaines de milliers de jeunes Afghans, principalement des garçons, sont ainsi jetés sur la route par des familles pressantes qui les somment d’aller gagner leur vie en Europe. D’autres ont fui devant les talibans qui reprennent des régions entières depuis le désengagement américain en Afghanistan. Aucun ne soupçonnait, avant de partir, la brutalité du voyage qui les attendait. « Le plus dur, confie à voix basse Eman, pelotonné dans un coin de son lit superposé, c’est de protéger son corps des passeurs. » Silence et regard interloqué de l’interprète, qui demande des précisions. « Tu sais, ils nous emmènent dans les bois pour nous dépouiller, et puis nous… violenter. Tu vois ce que je veux dire… » Malheureusement oui, l’interprète, un Afghan lui aussi arrivé en Grèce, il y a longtemps déjà, voit très bien de quoi il parle. Les témoignages de viols sur les jeunes garçons afghans sont monnaie courante. Eman se lance alors dans une vive discussion avec ses camarades sur la notion de liberté. « Pour moi, il s’agit de pouvoir aller à l’école sans craindre d’être enlevé », dit Parvan, 17 ans. « Moi, c’est de pouvoir faire de la musique et épouser la fille que j’aime qui est en Alle- Jeunesse volée Des milliers de mineurs originaires d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak ou de Somalie prennent chaque année, seuls, la route de l’exil. Comme Eman, Chadab ou Fatima, accueillis dans le camp de Lesbos, ces mineurs isolés racontent leur soif de liberté et leur enfance sacrifiée « CES MINEURS VOYAGEANT SEULS SONT UNE CIBLE IDÉALE POUR LES RÉSEAUX D’EXPLOITATION SEXUELLE » HERACLES MOSKOFF rapporteur pour la lutte contre la traite humaine magne », lance un autre adolescent. « La liberté, pour moi, c’est quand la porte de la cage s’ouvre et que tu peux déployer tes ailes. L’Afghanistan, c’est une cage aujourd’hui », intervient alors un tout jeune garçon de 12 ans aux yeux d’un vert pur et transparent et aux traits si délicats qu’on dirait presque une fille. Une délicatesse que renforce encore le ton doux et posé avec lequel l’enfant se raconte. Il souhaite que nous l’appelions Chadab, « Celui qui est joyeux » en farsi. La mort de son père, quatre mois avant sa naissance, a laissé sa famille dans le dénuement. « A 6 ans, j’ai commencé à travailler comme berger. » L’école, Chadab en rêve, mais il n’y a jamais mis les pieds. En septembre 2015, avec 17 autres jeunes de son village, il prend la route. « Nous avons entendu Angela Merkel déclarer qu’elle accueillerait 800 000 réfugiés, alors nous avons aussitôt commencé le voyage », dit-il. Quinze jours de marche dans les montagnes d’Afghanistan et du Pakistan avant d’arriver en Iran. « Les passeurs nous disaient de nous reposer le jour dans des maisons qu’ils contrôlaient, et on marchait la nuit. » Chadab va passer deux mois en Iran à travailler dans une carrière de marbre. « Je travaillais de 7 heures du matin à 19 heures. Cela m’a permis de gagner de quoi continuer. » Un reportage de la chaîne américaine CBS, diffusé le 22 septembre, a récemment mis en lumière le travail forcé de très jeunes enfants syriens dans les ateliers textiles d’Istanbul en Turquie. Des petites mains pas chères, et que les familles démunies mettent au travail pour gagner l’argent du passage vers la Grèce, qui coûte encore, malgré le froid et l’hiver, entre 800 et 1 000 euros par personne. Aujourd’hui, Chadab veut rejoindre au plus vite la Suède où, affirme-t-il, l’attend quelqu’un de son village. « Ce que je veux, c’est commencer ma vie d’enfant. J’ai assez bossé. » La Suède est d’ailleurs la principale destination de ces mineurs. « En 2015, nous avons enregistré 35 369 demandes d’asiles de mineurs étrangers non accompagnés, contre 7 049 en 2014, souligne Olaf Zobel, de l’Agence suédoise pour la migration. Et parmi eux, 23 480 Afghans. » En dehors du Kepy, Lesbos a aussi un autre centre d’accueil réservé aux MIE. Une belle maison néoclassique située en plein centre de Mytilène, la capitale de l’île, et gérée par l’organisation non gouvernementale Metadrassi. Un lieu ouvert celui-là. Douze lits en tout et la volonté de créer une atmosphère chaleureuse, presque familiale. « Notre boulot est de les ramener, pendant le temps qu’ils passent avec nous, vers cette enfance qu’ils ont perdue en route », souligne la coordinatrice du lieu Christina Dimakou. Dans la vaste salle commune se côtoient des enfants de toutes les nationalités. Il y a Mohammed, 16 ans, originaire de Casablanca. Diplômé en arts graphiques, il aimerait devenir psychiatre. « J’ai un talent pour comprendre les gens et les apaiser », lâche-t-il en souriant avant de raconter son périple : « J’ai tenté trois fois la traversée pour la Grèce. La première fois, le boudin du Zodiac a explosé à 200 mètres de la côte turque. On a dû tous rentrer à la nage en tenant les bébés au-dessus de nos têtes. Sur la plage, je tentais de calmer les mamans. La seconde fois, les gardes-côtes turcs nous ont refoulés, et puis la troisième, ç’a été la bonne. » Un peu plus loin, recroquevillée dans un coin du canapé, Fatima, une Somalienne de 16 ans, demande dans un souffle presque inaudible : « Comment c’est l’école en Europe ? » Elle a quitté la Somalie pour Dubaï et a ensuite pris un vol pour Istanbul avant de s’embarquer sur l’habituel Zodiac pour la Grèce. enquête | 15 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 « J’AIME L’ÉCOLE ET J’AIMERAIS ÉTUDIER, MAIS J’AI 18 ANS. ILS NE VONT PAS POUVOIR ME GARDER TRÈS LONGTEMPS ICI. OÙ VAIS-JE ALLER ? » MOHAMMED Marocain de 18 ans Un jeune réfugié afghan dans le camp de premier accueil (Kepy) de Moria, sur l’île de Lesbos, porte un masque qu’il a fabriqué lors d’une activité avec des travailleurs sociaux. Il est parti seul et rêve d’émigrer en Allemagne. MYRTO PAPADOPOULOS POUR « LE MONDE » Autour d’elle, beaucoup de douceur du personnel féminin. Il ne faut pas la brusquer. Avec l’espoir de réussir à créer un lien de confiance et de l’amener à s’ouvrir. A raconter ce que tous soupçonnent. Ce qu’elle ne verbalise pas, mais que son repli de la vie collective, son regard triste, son mutisme disent pour elle. « Je suis à 90 % sûre qu’elle est victime d’un trafic humain et qu’elle a déjà subi des horreurs, affirme la psychologue du refuge. Deux hommes étranges la recherchent sur l’île. Il va falloir redoubler de vigilance avec elle ; et de patience. Rien ne sert d’ouvrir des blessures que l’on ne pourra pas soigner ici… » La traite humaine, le principal danger des mineurs non accompagnés sur la route. Dimanche 31 janvier, l’agence de coordination policière Europol annonçait la disparition d’au moins 10 000 d’entre eux sur le sol européen en dix-huit mois. Après avoir été enregistrés à différents points d’entrée, en Italie, en Grèce, ils n’ont plus donné signe de vie. Personne ne sait où ils sont, ce qu’ils font ni avec qui. Europol redoute qu’une partie d’entre eux ne soit tombée entre les mains de groupes criminels actifs dans la traite d’êtres humains. « MAFIAS BALKANIQUES » « Je crains que cette crise migratoire ne se transforme en crise de la traite humaine à très court terme », se désole Heracles Moskoff, le rapporteur national grec pour la lutte contre la traite humaine. Pour lui, « ces mineurs voyageant seuls sont une cible idéale pour les réseaux d’exploitation sexuelle, de travail au noir, ou de mendicité forcée ». Il essaie vaille que vaille, depuis plus de deux ans, de faire collaborer tous les acteurs grecs (police, justice, ONG, société civile) impliqués dans la lutte contre ces trafics. « Nous tentons, dans les centres d’enregistrement de migrants, de sensibiliser le personnel à l’identification des victimes de traite humaine », explique-t-il. Pour l’instant, cepen- dant, aucune notification n’est remontée dans le système national d’orientation créé par le service de M. Moskoff. « Ici, à Moria, c’est le personnel de l’Agence européenne de gestion des frontières extérieures [Frontex] qui mène les opérations d’identification de migrants. Et ils sont d’abord préoccupés par la sécurité, en se concentrant notamment sur l’établissement de la nationalité des migrants, pas tellement sur la recherche de populations vulnérables comme les victimes de traite humaine ou les mineurs non accompagnés », regrette un policier grec du camp de Lesbos. « Nous demandons aux travailleurs sociaux du Kepy ou des ONG de remplir des formulaires d’évaluation psychologique de chaque MIE identifié, souligne Christos Dimopoulos de puis son bureau athénien de l’EKKA. Moi je ne vois que ces formulaires, mais je sais détecter derrière ces données les possibles victimes de trafic humain. Les jeunes filles africaines, par exemple, ont souvent été violées sur la route. Si une gamine reste longtemps en Turquie, on peut soupçonner qu’elle y a été exploitée sexuellement. A l’inverse, une qui arrive très, très vite, en ayant pris l’avion, je me dis qu’elle est peut-être otage d’un réseau de prostitution. Bref, ce formulaire aide à poser des alarmes. » Et lorsque l’EKKA transfère ces enfants des refuges transitoires des îles vers les refu ges du continent, ajoutetil, « alors, nous signalons ces alarmes aux travailleurs sociaux pour qu’ils puissent accompagner les enfants. Nous savons aussi par exemple qu’énormément de jeunes hommes afghans que nous voyons passer sont ensuite exploités sexuellement dans les pays de destination. Nous essayons donc de les convaincre de rester en Grèce et de demander l’asile ici ». Car, après le camp transitoire d’accueil au point d’entrée, les mineurs non accompagnés sont escortés jusque dans l’un des 17 refuges (432 lits) répartis à travers tout le pays, de la Crète à Thessalonique. « Que le mineur soit recueilli par un Kepy [il en existe deux en Grèce, à Lesbos et à Orestiada, près de la frontière ter restre avec la Turquie] ou par une ONG, les responsables doivent nous envoyer une demande d’hébergement pour que nous organisions, en collaboration avec les procureurs désignés comme les tuteurs légaux, son transfert vers le continent », explique M. Dimopoulos. En 2014, sur les 77 000 migrants arrivés en Grèce, l’EKKA a reçu 2 390 demandes d’hébergement. En 2015, alors que le flux global a bondi à plus de 800 000 personnes, le nombre de demandes est resté stable (2 248). « Nous en attendions au minimum quatre fois plus, précise le responsable. Cela veut dire que, au plus fort de la crise, entre juin et novembre 2015, l’identification de cette population particulièrement vulnérable par les forces de police chargées de l’enregistrement des migrants n’a pas eu lieu. » Selon Sofia Kouvelaki, de la Fondation Bodossaki qui vient de créer un fonds pour soutenir les MIE, sur la même période, « l’ancienne république yougoslave de Macédoine annonçait avoir enregistré au moins 18 000 mineurs non accompagnés ». La situation semble cependant avoir dramatiquement évolué en janvier. « Nous avons déjà reçu 395 demandes, contre 75 à la même période en 2015. Tous les refuges sont pleins, et j’ai désormais une liste d’attente de plus de 51 personnes. Alors, je donne la priorité aux enfants de 10 à 12 ans, et suis obligé de laisser ceux de plus de 17 ans en transit », se désole M. Dimopoulos. Le transfert vers le continent se fait sous escorte, avec des travailleurs sociaux et des interprètes de Metadrassi. « Eman, Chabad, préparez vos affaires, vous partez ce soir ! », annonce Spyros Kourtis, le responsable du Kepy, aux deux jeunes garçons. En tout, ils seront douze enfants à voyager par le ferry du soir, dont six Afghans, un Pakistanais, deux Marocains et trois Syriens. Les attendent douze heures de traversée à bord d’un navire bondé de réfugiés. « Les transferts, c’est un moment de grande tension pour nos volontaires, explique Laura Pappas, la présidente de Metadrassi. Car ils doivent surveiller les mômes comme le lait sur le feu. On en a déjà eu qui s’ouvraient les veines ou voulaient sauter du bateau. » Ce soir-là, la responsable du transfert est une jeune femme de 28 ans, Evdokia Bakalou. Elle commence par confisquer les téléphones portables, puis installe tout son monde à des tables le plus à l’écart possible de la foule. « Nous devons les protéger des passeurs qui circulent à bord du bateau à la recherche de clients », précise cette avocate de formation. « Rends-moi mon téléphone, t’es pas ma mère, s’énerve un des ados. On a fait la route tout seuls jusqu’ici, tu peux pas nous lâcher, là ? » Justement non. Evdokia ne peut pas les lâcher. Au moins jus qu’à la porte du refuge où ils ont été affectés. Mais ensuite ? « Environ 80 % des mineurs s’enfuient dans les 48 heures après être arrivés sur le continent, regrette Laura Pappas. Ils subissent une pression très forte, soit des familles en amont, soit des passeurs, soit des réseaux dont ils sont victimes pour quitter les refuges et repartir le plus vite possible. » C’est d’ailleurs ce que fera Mohammed, l’aspirant psychiatre. Après une nuit dans son re fuge athénien, il montera dans un bus. Direc tion Idomeni, à la frontière grécomacédo nienne. Quelques jours plus tard, c’est par la messagerie électronique WhatsApp qu’il ra conte la suite de son périple : « J’ai essayé de passer trois fois dans les montagnes, et deux fois la police macédonienne m’a refoulé. » De puis le mois de décembre 2015, en effet, la Ma cédoine n’accepte plus que les réfugiés sy riens, irakiens et afghans en refusant les res sortissants d’autres pays, et notamment les Marocains, considérés comme de « simples » migrants économiques. « Finalement, j’ai réussi à rejoindre la Serbie, mais là ça fait maintenant une semaine que je suis bloqué dans la ville de Sid. Impossible de passer la frontière avec la Croatie, car la police croate surveille tout. Et je ne peux pas payer le passeur qui demande 1 500 euros pour aller en Autriche », explique Mohammed qui, faute d’héberge ment, vit en ce moment même dans la rue de cette petite ville du nord de la Serbie, où il fait – 5°C. « Il y a plein de mômes comme moi, et même des plus jeunes, décritil. C’est beaucoup plus dur que ce que je pensais. Peut-être aurais-je dû rester à Athènes, mais je dois avancer et rembourser les 3 000 euros que j’ai empruntés pour ce voyage. » Rester au refuge, essayer de se fixer en Grèce ou tenter d’organiser une procédure de rap prochement familial avec un membre de la famille déjà arrivé en Europe… Dans le SMA, un refuge de 17 places situé en plein cœur d’Athènes et géré par la Société de soins aux mineurs, la plupart des pensionnaires ont fait le choix de ne pas tenter de repartir illico. « C’est un combat de chaque jour pour gagner leur confiance et les convaincre qu’ils seront plus en sécurité ici qu’à se jeter dans les bras des mafias balkaniques, reconnaît Dimitra Ada madidou, coordinatrice du SMA. Le problème, c’est que le rapprochement familial prend entre sept et neuf mois selon les pays, c’est beau- coup trop long pour tout le monde. Il faudrait que l’Europe mette en place un système harmonisé et rapide pour tous les mineurs pouvant en bénéficier. » Hussam, un Kurde irakien qui vient tout juste de fêter ses 18 ans, habite au SMA depuis plus d’un an. Parti de Messine sur un bateau avec 800 personnes pour l’Italie, avec à bord cinq jours de nourriture, il a dérivé pendant douze jours avant d’être secouru par les gardes-côtes grecs au large de la Crète. Identifié comme mineur non accompagné, il est d’abord transféré dans des camps de réten tion, avec des majeurs, où il restera plus de six mois. « C’était très dur la vie en prison. Beaucoup de bagarres, pas assez à manger. Et puis ils m’ont mis dans ce centre ici et m’ont envoyé à l’école », dit-il. Tous les enfants du SMA sont en effet scolarisés dans l’une des quatre écoles multiculturelles de la capitale grecque. « C’est l’un des outils pour les fixer ici, précise Dimitra. L’école leur redonne un sentiment de normalité, alors qu’ils sont tous déscolarisés depuis des mois. Les règles leur font du bien, les aident à se restructurer et à gagner en autonomie. » En un an à peine, Hussam maîtrise déjà assez bien le grec. Il aime le foot, et a une petite amie d’origine géorgienne qu’il emmène se promener le long du front de mer, faute d’argent pour sortir dans les cafés. « Je suis resté ici, parce que j’avais un oncle en Angleterre, et ils m’ont dit qu’ils pouvaient nous réunir », explique le jeune homme. Ce qu’il a com pris entre les lignes, mais que le personnel social ne lui a jamais totalement confirmé, c’est que son oncle a refusé d’entreprendre les démarches de rapprochement familial. Maintenant il a plus de 18 ans, ne peut plus bénéficier de cette procédure, et a donc de mandé l’asile ici, en Grèce. « J’aime l’école, et j’aimerais étudier, mais j’ai 18 ans. Ils ne vont pas pouvoir me garder très longtemps ici. Où vais-je aller ? Je vais devoir quitter l’école pour gagner ma vie, payer un loyer et la bouffe, alors que c’est la crise ici. Je me sens coincé. » La Grèce a effectivement peu à offrir aux majeurs demandeurs d’asile. Il n’y a que 1 100 places d’accueil, pas d’aides au logement, à l’apprentissage de la langue ou à la recherche d’emploi. Pour échapper à ces angoisses sur cet avenir qui s’annonce compliqué, Hussam se réfugie dans la musique. « Je joue du sazi, un instrument traditionnel de mon pays. Dès que je rentre de l’école, je m’entraîne, et je pense à ma mère qui adorait me voir jouer. » Assis sur son lit, le jeune homme se lance dans un air kurde lorsque soudain entre en trombe un Syrien de 12 ans. En deux minutes, l’atmosphère tranquille vire à l’orage, et les insultes en arabe pleuvent. « Lui, c’est Naïm, les gens de Daech l’ont rendu complètement timbré », souffle Hussam. VIOLENCE À FLEUR DE PEAU Naïm, c’est un cas spécial pour tout le monde, et surtout pour les psychologues du centre. Originaire de Rakka, en Syrie, il est passé par les camps d’entraînement de l’organisation Etat islamique (EI). Il en a gardé un regard som bre et une violence à fleur de peau. « Daech [acronyme arabe de l’EI] a fermé notre école primaire, et après ils voulaient faire de nous des soldats, raconte-t-il en aparté. L’entraînement militaire, ce sont des heures de course et d’exercices où l’on nous frappe aux jambes et au ventre pour nous endurcir. Et où l’on nous prive d’eau pour apprendre à ne pas en avoir besoin. » Naïm dit aussi que les recrues vivent séparées de leurs familles pendant des mois à regarder des vidéos de décapitations et à apprendre le Coran. « Il y avait un Irakien qui vivait aussi en Suède. Lui, je l’aimais. Il était gentil avec moi. C’est lui qui m’a appris le petit djihad, écouter et respecter ses parents, et puis le grand djihad, qui consiste à punir les infidèles. Moi, je n’ai pas peur de mourir. L’important, c’est d’aller au paradis », récite-t-il. C’est sa grand-mère, alarmée de l’endoctri nement subi par son petitfils, qui monnaie son départ avec l’EI. C’est du moins ce que Naïm a expliqué aux travailleurs sociaux du SMA. « On a entrepris un travail avec les psys pour renverser le lavage de cerveau dont il a été victime. C’est long, mais il va déjà mieux. On a réussi à ce qu’il ne se jette plus sur un couteau ou une fourchette pour attaquer les autres enfants lorsqu’il s’engueule avec eux. Naïm doit partir rejoindre son père installé aux Etats-Unis. Nous allons profiter des sept mois que prend la procédure pour le raccrocher au monde réel », assure Dimitra. Quelle innocence restetil derrière cette en fance martyrisée ? « Tu aimes les chiens, toi ? », demandetil d’un coup, dans un sourire aussi furtif qu’éblouissant, avant de reprendre : « Moi beaucoup. Ils ne font jamais de mal. » Naïm, Fatima, Eman, Hussam, Mohammed ou Chadab… Qu’ils en aient été témoin ou vic time, aucun de ces enfants n’a échappé à la violence sur la route. Un naufrage collectif total pour une Europe qui a longtemps mis les droits de l’enfant au cœur de ses valeurs et de ses aspirations. p Sur le Web : voir le grand format 16 | culture 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 ART CHINOIS Les musées français s’éveillent à la Chine Les établissements consacrent de grosses expositions aux artistes asiatiques, mais tissent aussi des partenariats d’un nouveau genre avec des collectionneurs argentés venus de l’empire du Milieu ENQUÊTE A i Weiwei suspend des mobiles au Bon Marché, des stars venues de Shanghaï et de Pékin installent leurs sculptures colossales à la Fondation Vuitton, le Franco-Chinois Huang Yong Ping est annoncé en mai pour Monumenta au Grand Palais… La Chine a le vent en poupe sur la scène artistique parisienne. On n’avait pas vu cela depuis sa première irruption, en 2003, au Centre Pompidou, avec l’exposition « Alors, la Chine ? ». Depuis, l’empire du Milieu s’était fait plutôt discret à Paris, bien que ses plasticiens phares aient accédé aux premiers rangs des ventes aux enchères internationales, détrônant les habitués américains ou allemands. Ces quelques expositions ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Soft power made in China ? Voilà quelques années que de puissants collectionneurs chinois se sont lancés dans une redoutable entreprise de séduction de nos musées. A commencer par deux d’entre eux, et pas des moindres : le Centre Pompidou et le Palais de Tokyo. En juin 2015, le Musée national d’art moderne annonçait, assez discrètement, une importante donation de cinq œuvres, qui venait enrichir un ensemble d’une centaine de pièces chinoises : une installation de Xu Zhen et des peintures de Ding Yi, Zhang Enli et Zhao Yang. Cinq milliardaires étaient à l’origine du cadeau : Budi Tek, David Chau, William Zhao, Andrew Xue et, surtout, Adrian Cheng. Car ce dernier, tycoon héritier du New World Group (hôtellerie, routes, joaillerie…), scellait par la même occasion un partenariat d’un nouveau type : il proposait à Pompidou de créer un poste de conservateur dévolu à l’art chinois, entièrement à la charge (salaire et voyages compris) de sa fon- « IL EST IMPORTANT POUR UNE INSTITUTION DE RESPECTER DES DOSAGES, DE NE PAS TROP S’ENGAGER SUR UN PAYS EN PARTICULIER » FABRICE HERGOTT, directeur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris Jean-François Zygel Les Concerts Enigma Boris Vian L’ÉCUME DES JOURS Le 20 février 2016 Rés : 01 40 28 28 40 | chatelet-theatre.com dation artistique, K11, pendant trois ans. Une première dans un pays qui, longtemps, s’est méfié de l’ingérence des collectionneurs privés dans les musées publics. « Ah ça, c’est une première ! soupire un des conservateurs du centre. Mais que voulez-vous ? Parfois on en est à payer sur nos fonds personnels le taxi ou l’hôtel des artistes que nous invitons, alors on ne peut pas lutter. » Le nom du curateur chinois, agréé par les deux parties, devrait être divulgué bientôt. Mission de l’heureux élu ? Prospecter de Guangzhou à Chongqing et identifier les artistes intéressants, bref, faire profiter le Centre Pompidou de son savoir et de ses réseaux. « Nous avons choisi le meilleur d’entre tous », promet Bernard Blistène, directeur du musée. C’est aussi l’occasion, pour l’institution, d’asseoir son engagement vis-à-vis d’un pays où elle compte installer une de ses annexes provisoires, comme elle vient de le faire à Malaga, en Espagne. Dans la ligne de mire, Shanghaï, malgré l’échec d’une première tentative lancée en 2007. Le projet devrait voir le jour d’ici à la fin 2017 (ainsi qu’un autre, en Corée). Mais qu’un privé supporte ainsi les frais d’un salarié du musée national, cela ne risque-t-il pas de fausser la mise ? L’Afrique ou l’Amérique latine ne mériteraient-elles pas tout autant d’attention ? « Aucune puissance privée ne saurait interférer sur nos choix, pas question de favoriser la reconnaissance d’un artiste qui arrangerait notre mécène, tentet-on de rassurer à Pompidou. Il s’agit simplement de construire la collection de demain. » Et vu la cote exubérante des artistes en question, aucun musée ne peut en effet plus se les offrir. « ÉCOSYSTÈME INTERNATIONAL » Au Palais de Tokyo, également engagé avec Adrian Cheng, collectionneur féru de jeunes artistes chinois mais aussi français, comme Tatiana Trouvé ou Neil Beloufa, on se défend tout autant d’une quelconque ingérence. Ici, c’est le poste de Khairuddin Hori, directeur artistique adjoint, pas moins, qui se voit financé sur trois ans : à mi-temps par K11, et à mi-temps par l’entreprise Total. Un chargé de production bénéficie également de cette manne. Quel intérêt pour Cheng ? « Je souhaite participer à la création d’un écosystème international, une plate-forme où les jeunes artistes chinois puissent avoir leur place, résume celui que Forbes identifie comme l’un des plus jeunes milliardaires de la planète. Le Palais représente le global, moi la Chine. » Comme à l’ICA de Londres ou au Metropoli- tan de New York, dont il est également mécène, il leur laisse toute liberté, promet-il. « Il n’est pas question de promouvoir ma propre collection, je n’ai pas d’ambitions de curateur. Mais si certains m’accusent de brouiller les limites entre public et privé, il faut comprendre que le rôle d’un collectionneur a beaucoup changé : aujourd’hui, c’est aussi un producteur, un promoteur. Perturber les lignes ne me dérange pas, et tant mieux si j’ai l’audace d’être le premier Chinois à faire cela. » « Audacieux », ainsi pourrait-on, si l’on reste poli, qualifier le travail de Chen Tianzhuo, premier Chinois à avoir fait l’objet d’une exposition personnelle au Palais de Tokyo, en été 2015, dans le cadre de l’accord avec K11. Nains boxeurs, monstres bigarrés, vidéos kitchissimes… Ce chaos connecté a déconcerté (on reste poli) les plus fidèles défenseurs de Jean de Loisy, directeur du lieu. D’autant plus qu’il succédait à une exposition collective mêlant Français et Chinois, elle aussi suscitée par K11, et pour le moins ratée. « C’était moyen, reconnaissons-le, mais ce n’est pas Cheng qui est stupide, en l’occurrence c’est moi, concède Jean de Loisy. Quant à Tianzhuo, je ne goûte guère son ironie, mais il nous faut montrer toutes les chapelles. » De là à promouvoir la Chine comme seul et unique continent de l’avenir ? « Cheng nous permet simplement de financer un curateur qui se balade et produit de la connaissance sur cette contrée où le plus ancien animisme rencontre les technologies les plus contemporaines, et plus largement sur l’Asie du Sud-Est, zone qui me semble intéressante car on y rencontre des artistes “bio”, si je puis me permettre. A savoir qu’ils ne savent même pas ce qu’est un curateur », rétorque Jean de Loisy. Et d’ajouter qu’en ces temps de vaches maigres, alors que le Palais vient de perdre deux importants mécènes (Pierre Bergé – actionnaire à titre personnel du Monde – et Japan Tobacco International), il faut bien combler le manque à gagner de 700 000 euros. Sans vendre son âme au diable, jure-t-il. « Tous les jours, je reçois des emails de Russes ou d’Ouzbeks qui offrent 300 000 euros pour montrer leur collection : nous refusons bien sûr ces compromissions. Mais Cheng n’a rien à voir avec cela, son soutien pour les jeunes artistes est sincère, et sa fondation est un véritable incubateur. » Que se passera-t-il dans trois ans, à l’issue du partenariat ? Promis, le Palais mettra cap sur l’Afrique. Car « il est important pour une institution de respecter des dosages, de ne pas trop s’engager sur un pays en particulier », remarque en voisin Fabrice Hergott, directeur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Lui aussi connaît la problématique : en 2013, il aurait eu bien du mal à présenter le peintre Zeng Fanzhi sans le soutien de Budi Tek, milliardaire sino-indonésien féru d’art. « Mais ce n’est pas lui qui a suscité l’exposition, il a été très correct, tient à préciser Fabrice Hergott. Il a juste facilité les choses, prêté une pièce de sa collection et apporté un soutien financier, pour répondre à une promesse qu’il avait faite à l’artiste, il y a longtemps. » « LE REGARD A CHANGÉ » L’exposition aurait-elle existé sans son apport ? « Cela aurait été plus difficile, mais nous l’aurions faite quand même, répond-il. Je voulais absolument réaliser la monographie d’un artiste chinois, montrer qu’on pouvait enfin les regarder comme tout autre artiste, ce qui n’était pas le cas il y a trois ans. On cherchait alors encore un particularisme chinois. Aujourd’hui, le regard a changé. » Et les milliardaires savent accompagner le mouvement : Budi Tek vient d’offrir 0&#'*+6(# 2/'+/.)+# 61 4*,61#,, 5%3616,+.)+6/1 $5"-! )."-*%""&"'-%*'%&-*"!-!.!%$'(+ -*#(,)."-*%""&"'-%*'%&-*"!-!.!%$'(+ culture | 17 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 A Versailles et au Louvre, suivez le guide… en mandarin Encouragé par une politique d’expositions croisées et par des actions marketing ciblées, le tourisme chinois explose dans les musées et les châteaux S 500 000 euros au Musée de l’Elysée de Lausanne, pour la valorisation de ses collections photographiques. Au-delà du bénéfice moral que retire, imagine-t-on, tout philanthrope, quelles sont les ambitions de ces protagonistes désormais incontournables du monde de l’art ? Tous l’assurent, il s’agit de faire profiter en retour leur pays de ce savoir nouveau. DEAL GAGNANT-GAGNANT « Budi Tek se sent une vraie responsabilité de transmettre là-bas ce qu’il voit ici, raconte Suzanne Pagé, qui vient d’effectuer plusieurs voyages en Chine afin de réaliser l’exposition « Bentu », en cours à la Fondation Vuitton qu’elle dirige. Il est venu trois fois chez nous visiter l’exposition précédente, “Les Clefs d’une passion”. Et quand il achète, il a conscience de jouer un vrai rôle social, car il sait ce que peut représenter le capital culturel pour la Chine d’aujourd’hui. » Même ambition chez Cheng, qui a notamment créé un village d’artistes en Chine. « Il m’importe de développer la culture dans mon propre pays. C’est pourquoi j’ai créé le concept de centre commercial-musée, où les gens peuvent découvrir l’art contemporain en faisant leurs achats. Dans la même perspective, j’ai organisé une exposition Dali à Shanghaï, car je pense que son imaginaire peut être une source d’inspiration très puissante pour les jeunes artistes chinois. Ma façon de contribuer à l’évolution de la société dans laquelle je vis, c’est d’y injecter de l’art. » Ai Weiwei compte-t-il exporter en Europe la mode de l’exposition en centre commercial ? Il investit en tout cas cet hiver le Bon Marché de Saint-Germain-des-Prés avec des cerfs-volants aussi jolis qu’inoffensifs. Drôle d’idée pour un dissident. L’entreprise Vuitton, propriétaire du luxueux grand magasin, a dû le convaincre du bien-fondé de l’entreprise. Le plus célèbre des Chinois est d’ailleurs également en majesté dans l’exposition « Bentu », hébergée par la fondation du dit groupe. Alors, ce dialogue France-Chine, un deal gagnant-gagnant, comme l’assurent les plus pragmatiques ? Certains chiffres sont en tout cas imparables : le pays aux 600 milliardaires représenterait pour les marques de luxe plus de 20 % de leur marché ; quant aux touristes chinois, leur croissance est exponentielle dans les musées parisiens, fragilisés par les répercussions des attentats. Alors, la Chine : désormais, le point d’interrogation a disparu. p emmanuelle lequeux « Le Heleo », d’Ai Weiwei exposé au Bon marché, à Paris. GABRIEL DE LA CHAPELLE ur les 7,4 millions de visiteurs reçus au château de Versailles en 2015, 781 000 étaient chinois. Soit un bond de 50 % en un an. Pour la première fois, les citoyens de l’empire du Milieu sont au coude-à-coude avec les Américains, encore en tête des visiteurs étrangers – lesquels représentent 80 % des entrées chez Louis XIV. Ainsi, 13 % des visiteurs sont chinois, juste derrière les Français (20 %), et prêts à les dépasser tant l’engouement est fort. Dans les salons aux lambris d’or, il faut se faufiler entre les groupes serrés au pas. Entre Versailles et la Chine, les échanges ont repris en 2004, avec l’exposition « Kangxi, 16621722, empereur de Chine », le contemporain de Louis XIV, avec de précieux prêts de Pékin. En 2005, une centaine d’objets partait à Shanghaï pour illustrer « Louis XIV, le Roi-Soleil : trésors du château de Versailles ». En 2014, ce fut « La Chine à Versailles, art et diplomatie au XVIIIe siècle ». Pour 2016-2017, Catherine Pégard, la présidente du domaine, annonce une exposition à Suzhou (Est), célèbre pour ses jardins classiques. Au château, tout est fait pour séduire ce public : des plans-guides sont édités en chinois, avec un tel succès que, plusieurs fois par jour, les présentoirs doivent être réapprovisionnés. L’agenda des expositions, concerts, visites prévus sur le site est en ligne sur WeChat, le réseau social chinois. Même les boutiques ont adapté leur offre à la clientèle : « les Chinois n’aiment pas trouver à Versailles des tasses made in China, expliquait Jean-Paul Cluzel, l’ancien président de la Réunion des musées nationaux, au Monde en 2015. C’est bien normal, mais cela demande d’énormes efforts pour dénicher des fabricants en France. » « Un potentiel gigantesque » Même constat au Louvre, à Paris, où, sur les 8,7 millions d’entrées en 2015, le nombre de visiteurs chinois a fait un bond de 73 % en un an – passant de 470 000, en 2014, à 820 000, en 2015. Ils n’étaient que 160 000 en 2009. L’établissement public communique, lui aussi, sur les réseaux sociaux Weibo et WeChat. 761 000 plans-infos en chinois ont été distribués depuis le 1er janvier 2015, contre 598 000 en français. Un engouement soutenu par le site du Louvre. fr, accessible en mandarin depuis 2009. L’exposition « Cité interdite, empereurs de Chine et rois de France », en 2011-2012, au Louvre, y est aussi pour beaucoup. Cent trente œuvres étaient arrivées de Pékin. En 2013-2014, ce sont les collections de la Méditerranée antique qui ont été vues dans la capitale chinoise. Pour les voyageurs individuels, déjà nombreux, « un Audioguide en mandarin sera disponible fin 2016, au musée », an- nonce son président, Jean-Luc Martinez, qui se dit déterminé à « renforcer encore le travail avec la Chine, avec l’organisation d’expositions par le Louvre ». Les châteaux-musées privés surfent aussi sur cette vague. Le château de Vaux-le-Vicomte a déjà son Audioguide en chinois. Le palais de Nicolas Fouquet, surintendant de Louis XIV, a reçu 2 500 Chinois en 2015, « un chiffre en progression de 90 %, souligne Jean-Charles de Vogüé, directeur commercial du domaine familial. C’est un marché au potentiel gigantesque que l’on travaille depuis trois ans, mais il faut faire attention à ne pas être saturé. Versailles est surpeuplé. Nous, on sera très vigilants ». Vaux-le-Vicomte s’en tient au haut de gamme, en organisant des événements, des dîners, des mariages à destination de petits groupes. Chez François Ier, à Chambord, Jean d’Haussonville, le directeur général du domaine national, privilégie les jumelages. En 2015, il a reçu 25 000 Chinois sur un total de 780 000 entrées, et vise le triple pour 2020. En septem- Cette dynamique a été orchestrée par Laurent Fabius, dès 2014, avec la délivrance, en 48 heures, d’un visa pour les voyageurs chinois bre 2015, l’ancien conseiller culturel à Berlin, fin connaisseur des arcanes de la diplomatie, recevait une délégation de hauts responsables du Palais d’été de Pékin – le site reçoit quinze millions de visiteurs par an. Une conventioncadre a alors été signée entre Chambord et le Palais d’été. « Prêts prestigieux » Classés l’un et l’autre au Patrimoine mondial de l’Unesco, les deux palais célèbrent ce jumelage par deux expositions. Chambord, fin 2015, exposait l’art calligraphique de Baixu, artiste contemporain. Dans la foulée, le Palais d’été reçoit une exposition de photos et un séminaire sur l’art des jardins. Un premier jumelage avait déjà été noué avec l’Ancien Palais d’été, en 2014, à l’occasion des 50 ans des relations diplomatiques francochinoises. Pour Sophie Makariou, présidente du Musée national des arts asiatiques Guimet, « il y a des choses que les fenêtres diplomatiques permettent. En 2014, pour l’année France-Chine, des prêts prestigieux sont venus de Pékin, enrichissant l’exposition “Splendeur des Han, essor de l’Empire céleste”. Cela a eu un effet considérable sur les relations culturelles. Le musée a renoué avec la Chine, sur le plan humain aussi. J’y vais en terrain ami, c’est fondamental. Il y a un appétit de faire des choses ensemble ». Cette dynamique est orchestrée par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du tourisme, qui décidait, en janvier 2014, de la délivrance d’un visa, en 48 heures, pour les voyageurs individuels chinois. En octobre 2015, le ministre visait un objectif de cinq millions de visiteurs chinois supplémentaires d’ici à 2020 en France. p NOVA RECORDS PRÉSENTE =& ?&D@@&27 (2 C7+>( ;D- 46-'/2>&5 +3+ 5*/% 5%.% =<0&5D)A E2)A % ,%5! :51%7% 9&. 6&75<> 1+?& 8@( ;D53+A& % "!),!/ .,2/( 1D(&3 "5A&?&)!& % 5%/:$2* .,%,! /!& $@<.> ;!4!/%7 !7!9,/:9. '2D@3 ', /!& 6&<:@& ! 1!77 42&5< ! #0 &<#8 (%#)!$&"' 820 000 Nombre de visiteurs chinois au Louvre en 2015 Les touristes venus de Chine ont augmenté de 73 % en un an, puisqu’ils n’étaient que 470 000 en 2014. Ils représentent presque 10 % des 8,7 millions de visiteurs du Musée du Louvre. florence evin #IBG (D5:<>D*@& www.novaplanet.com 18 | culture 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 A Clermont-Ferrand, la société française en court et en large Le festival de cinéma fait émerger de jeunes réalisateurs soucieux de s’affranchir des recettes de scénario CINÉMA clermont-ferrand L e sans-papiers n’est pas un ange. Et le jeune de banlieue va rater son audition au Conservatoire de théâtre. Tant pis pour le happy end, et tant pis pour le politiquement correct qui se voit chassé de l’écran… On y voit mieux, après coup : c’est l’effet réjouissant que produisent certains films de la 38e édition du Festival international du courtmétrage de Clermont-Ferrand (du 5 au 13 février). Une nouvelle génération de cinéastes français s’exprime, à travers les 57 films de la compétition nationale, sélec tionnés sur un total de 1 700 – le festival propose par ailleurs une compétition internationale, un « Labo » avec des films expéri mentaux, un marché du film, etc. Leur mot d’ordre ? Renvoyer dos à dos l’angélisme et le conserva tisme ambiants. Leur point com mun ? Mettre en scène des tandems de comédiens, chacun traversant une épreuve sous le regard de l’autre. Bien sûr, chaque œuvre est différente, mais ces jeunes cinéastes partagent la même envie : ils veulent s’affranchir des « recettes » de scénarios, afin de privilégier une « liberté d’écriture ». Surtout, ils bannissent le pathos. « On ne rajoute pas du su- cre au sucre », résume Sylvain Robineau, auteur de Sabine (14 minutes), une fantaisie sur le thème du dépit amoureux, traversée par une folie douce. Certains sont autodidactes. C’est le cas d’Uriel Jaouen Zrehen, 29 ans, né d’une mère algérienne et d’un père breton. Dans son film Du plomb dans l’aile (28 minutes), Jacky, le sans-papiers burkinabé, est aussi un voleur. Handicapé, avec ses béquilles, il ne trouve pas de travail. Mais il ruse et démarre un chantier dans une maison où vit une femme seule. Elle se montre hospitalière, Jacky lui vole ses bijoux… « Je n’ai pas envie de montrer le sans-papiers gentil. Les gens sont traversés par des tensions, il y a la nécessité de survie. Je préfère le dire, et creuser les raisons du malaise », résume le réalisateur. Regard grinçant Uriel a démarré comme stagiaire dans la production chez Fidélité Films, croisant des stars du cinéma. Puis il a découvert le mouvement « kino », un collectif de cinéastes qui réalisent des « courts » dans un esprit d’entraide. C’est dans ce cadre, au Burkina Faso, qu’il a rencontré Lucien Yerbanga, le « Jacky » du film. Du plomb dans l’aile se situe à la croisée de toutes ces expériences, du cinéma classique aux projets alternatifs. Ces réalisateurs partagent la même envie : privilégier une liberté d’écriture et bannir le pathos Est-ce parce qu’il a travaillé six ans dans un centre social à Lille, entre 18 et 26 ans, qu’Antoine Giorgini porte un regard grinçant sur l’accès à la culture et la diversité ? Dans Réplique (19 minutes), Tony, un jeune de banlieue, est convoqué pour son audition au conservatoire de Tours. Mais le copain qui devait lui donner la réplique ne vient pas. Tony perd les pédales et se retrouve au commissariat, devant un policier incrédule. Lui, il voulait réciter Shakespeare ? C’est une blague… « Mon jeune, je ne voulais pas le poser en victime. Tony est à la fois un mec qui nous énerve et nous touche », résume le cinéaste. Loïc Espuche, lui, a voulu travailler sur les clichés hommesfemmes. Ou « comment les garçons sont enfermés dans leur cuirasse », explique le réalisateur de 26 ans, qui sort de La Poudrière, l’école du film d’animation à Valence. Tombés du nid (4 minutes) a reçu le prix du Public pour les films d’école européens, au festival Premiers plans à Angers (du 22 au 31 janvier). Soit deux copains dont l’un, Dimitri, veut conquérir Linda. Fabio aperçoit une cane et ses canetons. On va filmer la scène, lui dit-il, les filles adorent ça… Ou bien est-ce lui qui est attendri ? La salle, pas dupe, est pliée en quatre. En parlant de filles, justement, elles sont bien là, à Clermont, où la programmation s’affiche paritaire. Dans son premier « court », Des millions de larmes (23 minutes), Natalie Beder a voulu déjouer le genre… cinématographique. Au volant de sa voiture, un homme plutôt âgé – André Wilms, qui tenait le rôle principal dans Le Havre (2011), de Kaurismäki – va faire un bout de chemin avec une jeune fille en errance, jouée par la réalisatrice, qui est aussi comédienne. Le titre cache bien son jeu : jamais on ne pleure, on est trop intrigué. Est-ce un thriller, un drame social ? Natalie Beder signe plutôt un road-movie entêtant, atmosphérique. Cecilia de Arce, 22 ans, sans doute la plus jeune des cinéastes du festival, a mis aussi la barre haut. Une sur trois (19 minutes) est une comédie sur l’avortement, avec deux formidables actrices, Florence Fauquet et Marie Petiot. Elles sont étudiantes, Simone est enceinte et ne souhaite pas garder l’enfant. Sa copine, bien que maladroite, va la soutenir dans cette épreuve. L’air de rien, ce film girly tient un discours politique, le temps d’une conversation entre Simone et sa mère qui la rassure. On n’en saura pas plus. D’où le compliment inattendu venu d’une militante de la Manif pour tous. Interpellant la jeune cinéaste, elle remarque : « Votre film est formidable. Car, à la fin, on peut aussi imaginer qu’elle garde le bébé. » p clarisse fabre Lire le portrait du réalisateur Sylvain Robineau sur Lemonde. fr Les écrans mélancoliques de Sharunas Bartas Une rétrospective, une exposition et un livre saluent l’œuvre du cinéaste lituanien radical A lors que son nouveau film, Peace to Us in Our Dreams, sort en salles mercredi 10 février, Sharunas Bartas, réalisateur lituanien mélancolique et pointu, est sous les feux d’une actualité groupée. Projection de son œuvre au Centre Pompidou, exposition de ses photographies au passage de Retz, parution d’un ouvrage à lui consacré, sous la direction de Robert Bonamy. On se représente peut-être mal qui est Bartas, et ce qui lui vaut conséquemment ces honneurs. Allons au plus simple : à 51 ans, dont trente de « carrière » cinématographique si ce mot avait le moindre sens le concernant, ce Lituanien fait partie de la fraction ultraradicale de la cinéphilie mondiale. Sous le signe de la puissance plastique et du débridé narratif, il donne la main au Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, au Philippin Lav Diaz, au Portugais Pedro Costa, à l’Argentin Lisandro Alonso, au Hongrois Bela Tarr, au Russe Alexandre Sokourov, pour ne citer que les plus réputés. Katerina Goloubeva, son égérie Parmi cet aréopage qui ne se distingue pas particulièrement par sa joie de vivre, la note Bartas est, sans doute, la plus sombre, la plus farouche, la plus intimement douloureuse. Sa reconnaissance n’en fut pas moins immédiate, portée par une frange déterminée de la critique et par certains pairs, tels que Claire Denis ou Leos Carax, qui le feront d’ailleurs tourner comme acteur (la première dans Les Salauds, le second dans Pierre ou les Ambiguïtés). Formé à l’école cinématographique russe, ses premiers films datent du mitan des années 1980. La chute de l’URSS précipite l’épure de son cinéma, avec la construction de son propre studio dans les bois proches de Vilnius, et l’organisation d’une autonomie créatrice qui, quand bien même elle s’accommoderait d’un producteur (ce fut quelque temps le cas avec Paulo Branco), lui permet de filmer comme écri- CORRESPONDANCE Une lettre de Guy Cogeval l'histoire de nos 30 oeuvres indispensables nos 30 révélations pour demain numéro collector cette semaine en kiosque A la suite de l’article « Au Musée d’Orsay, un bilan en “trompe-l’œil” » paru dans Le Monde du 2 février, nous avons reçu de Guy Cogeval, président du Musée, la lettre suivante : « Si vous faites état des succès du Musée d’Orsay, de “bons chiffres”, d’“expositions prometteuses”, d’“expositions qui ont massivement attiré les visiteurs”, si vous annoncez des “dons exceptionnels” qui enrichissent de manière significative les collections, il n’y aurait cependant “plus de pilote dans l’avion” et ce pilote absent, ce serait moi, évidemment. La contradiction est piquante : il est difficile d’imaginer que ce musée à la dérive puisse rencontrer tant de succès artistiques et commerciaux, si plus personne ne préside à ses destinées. De même, présenté comme impotent tout en étant qualifié de “génie”, vous n’expliquez pas comment je ferais pour présider et être commissaire d’exposition dans cet état d’affaiblissement généralisé. Ce qui semble troublant, c’est que les éléments utilisés pour qualifier mon bilan de “trompe-l’œil” seraient des dysfonctionnements datant de 2013 et des déclarations énervées et acrimonieuses de “chefs de service” et de “conservateurs” cachées derrière le confort de l’anonymat, qui, en cette période propice, auraient décidé, évidemment par intérêt pour le Musée d’Orsay qui pourtant se porte bien, de donner libre cours à leur volonté de dénonciation. Je souhaite rétablir les faits : le rapport remis en mars 2013 par l’inspection générale a rendu des conclusions positives s’agissant de ma gestion du Musée d’Orsay et de ses collaborateurs ; je regrette que vous ne le disiez pas. De même, mon accident vasculaire cérébral date de juillet 2014 et j’en suis remis. Rien ne justifie des attaques sans réserve sur mon prétendu état de santé. Enfin, en cette période de renouvellement, qui explique mon silence à la suite de vos demandes (je suis candidat à ma succession et je n’entendais pas m’exprimer pendant cette période), vous apportez du crédit et faites de la publicité à des déclarations anonymes de personnes non identifiées, qui pourraient être soit des candidats, soit des soutiens des candidats dévoilés ou non, de ces “nombreux noms” qui circuleraient, prêts à prendre ma succession… Je conteste et regrette les allégations contenues dans votre article. » rait un poète, opération non sans beauté (liberté) et non sans risque (solipsisme). A ce jour, huit longs-métrages sont nés de ce principe. Les trois premiers – Trois jours (1991), Corridor (1994) et Few of Us (1995), tournés entre Kaliningrad, Vilnius et chez les Tofolars de Sibérie – sont des chocs esthétiques inoubliables. Chroniques silencieuses d’un univers qui s’effondre, portraits de personnages murés en eux-mêmes, projections mélancoliques de l’âme dans la matière même du monde, dispensateurs d’une beauté inattendue et foudroyante, ils sont synchrones des bouleversements historiques de leur temps. Ils révèlent aussi une des plus impérieuses et mystérieuses icônes féminines du cinéma mondial en la personne de Katerina Goloubeva, ex-femme et égérie de Bartas, dont la vie et la mort documentent son cinéma. Goloubeva partie, et le premier choc esthétique sans doute un peu évaporé chez le spectateur, vient l’époque de la variation sur le même thème. Asthénie muette des personnages, éclairs de violence brute, hiératisme des clairsobscurs, quatre murs et un ciel viennent entoiler cette dialectique à l’arrêt. Depuis The House (1997) jusqu’au récent Peace to Us in Our Dreams, on aurait voulu, sur la foi de séquences montrant qu’il peut magnifiquement le faire, que Bartas brise son propre carcan et sorte de lui-même, sans nécessairement avoir à se trahir. Indigènes d’Eurasie (2010), faux polar langoureux et bien frappé, aura donné un avant-goût de ce possible, dont rien ne légitime, il est vrai, qu’on le rêve à sa place. p jacques mandelbaum « Bartas », Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris 4e. Jusqu’au 6 mars 2016. « Sharunas Bartas – Few of Them – photographies », Passage de Retz, 9, rue Charlot, Paris 3e. « Sharunas Bartas ou les Hautes Solitudes », ouvrage collectif (De l’incidence Editeur/Centre Pompidou, 190 p., 18 €). T HÉÂT R E Jean-Luc Choplin quitte le Théâtre du Châtelet à la fin de la saison A la tête du Châtelet depuis 2004, Jean-Luc Choplin quittera son poste de directeur à la fin de la saison 2016-2017, à l’occasion de la fermeture du théâtre pour de lourds travaux de rénovation, d’avril 2017 à début 2019. Il souhaite « se consacrer à de nouveaux projets ». Un appel international à candidatures sera lancé avant l’été, précise la Ville de Paris. – (AFP.) ARTS La Ville de Paris aura une fresque de street-art par arrondissement Un tirage au sort a désigné, mardi 9 février à l’Hôtel de Ville de Paris, dix artistes (Hopare, 2shy, Shaka, Marko93, Da Cruz, Psyckoze, Alex, Zenoy, Astro et Lazoo) pour réaliser des fresques dans dix arrondissements de la capitale. L’initiative découle d’un projet voté par les Parisiens, « Les œuvres d’art investissent la rue », financé grâce au budget participatif 2014. Le tirage au sort pour les autres arrondissements aura lieu quand la mairie aura trouvé les murs pour les accueillir. – (AFP.) télévisions | 19 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Beatles et Rolling Stones, confraternels VOTRE SOIRÉE TÉLÉ Le mythe de deux groupes rivaux déconstruit par Michaël Prazan et Christiane Ratiney FRANCE 5 JEUDI 11 – 22 H 15 DOCUMENTAIRE C ela aurait pu être une belle histoire. Mais contrairement à ce que dit la légende, la rivalité entre les Rolling Stones et les Beatles, instrumentalisée par leurs managers et alimentée par la presse, n’a jamais existé. C’est ce que nous racontent, à l’aide de nombreuses archives (photos, films, concerts, interviews télé) et d’entretiens avec quelques témoins de l’époque, les deux réalisateurs Michaël Prazan et Christiane Ratiney dans leur documentaire diffusé jeudi dans le cadre de la collection « Duels », sur France 5. Tout commence à Liverpool, au début des années 1960, dans cette ville ouvrière totalement défigurée par les bombardements allemands et où l’on s’ennuie ferme. Heureusement, il y a la musique et quelques clubs où les jeunes découvrent le rock’n’roll de Chuck Berry et Elvis Presley. Constatant l’enthousiasme autour de cette nouvelle musique, Brian Epstein, jeune vendeur qui travaille dans le magasin de disques de ses parents, J E UD I 1 1 F É VR IE R John Lennon et Mick Jagger en 1968. comprend tout de suite l’importance de cette nouvelle culture. Dans cette Angleterre encore ultraconservatrice d’après-guerre, la révolte couve, et il devine qu’elle passera par le rock’n’roll. MIKE RANDOLPH/ CAMERAPRESS/ GAMMA France 2 20.55 Envoyé spécial Magazine présenté par Guilaine Chenu et Françoise Joly. 22.40 Complément d’enquête « Procès Cahuzac : la fin des riches qui trichent ? » Présenté par Nicolas Poincaré. Contrechamp C’est au Cavern Club, où se produisent de très nombreux groupes amateurs, que Brian Epstein découvre un soir de novembre 1961, quatre jeunes garçons de 20 ans, les Beatles, qui chantent du rock avec un style très différent de ce qu’on pouvait entendre jusqu’alors. Il devient vite leur manager et les façonne à sa façon : les blousons de cuir de prolos sont remplacés par des costumes cravate, et la coupe de cheveux sera des plus classiques. Un look de gendre idéal qui séduit les filles et les maisons de disques. EMI, l’une des deux majors britanniques de l’époque, les signe. Le succès est immédiat. Love Me Do et Please Please Me s’écoulent à 75 000 exemplaires en quelques jours et, grâce à la télévision, les « quatre garçons dans le vent » deviennent des vedettes qui vont conquérir le monde. A quelques kilomètres de Liver- pool, en avril 1963, la même histoire se répète dans la banlieue de Londres où un autre jeune homme ambitieux, Andrew Oldham, découvre les Rolling Stones dans un club. Leur musique plus agressive et leur allure de bad boys rebelles est l’exact contrechamp des Beatles. Oldham voit tout de suite ce qu’il pourra tirer de cette rivalité. Face aux gentils Beatles en pleine gloire, il parie sur le scandale, le charisme de Mick Jagger et l’outrance des Rolling Stones, à l’image du guitariste Brian Jones, qui se noiera dans sa piscine, complètement drogué, le 3 juillet 1969 à l’âge de 27 ans. Des scandales qui n’empêcheront pas les Rolling Stones de devenir le plus grand groupe de rock’n’roll du monde. « Bien sûr que les Stones et les Beatles étaient amis, explique Chris Welch, journaliste spécialiste du rock. A l’époque, c’était le Swinging London, la scène musicale existait vraiment. C’était une sorte de confrérie qui fréquentait les mêmes milieux, les mêmes clubs et, au sein de ce réseau social, ils se ren- contraient, discutaient de leurs projets, échangeaient sur leur musique. » Pour preuve, les deux réalisateurs nous montrent la complicité musicale et amicale entre Mick Jagger et Paul McCartney, et comment les deux groupes s’aidaient pour finir certaines de leurs chansons. p daniel psenny The Beatles vs the Rolling Stones, it’s NOT only rock’n’roll de Christiane Ratiney et Michaël Prazan (Fr., 2015, 52 min). L’adaptation par Roman Polanski du roman de Charles Dickens D ans l’histoire de la littérature britannique, la figure de Fagin est un écho à la fois lointain et proche de celle de Shylock. Comme le receleur londonien des débuts du règne de la reine Victoria, l’usurier juif vénitien que Shakespeare met en scène dans Le Marchand de Venise est à la fois une magnifique création et le reflet de l’antisémitisme de son époque. Dickens décrit ainsi Fagin lors de sa première apparition dans les pages d’Oliver Twist, qu’il écrivit en 1838 : « Un très vieux juif ratatiné, dont le visage répugnant à l’aspect dépravé était couvert par quantité de touffes de poils roux. » En 1864, le romancier devait faire amende honorable en prenant à rebours les stéréotypes antisémites pour élaborer le personnage de Riah dans l’ultime roman qu’il devait terminer, L’Ami commun. Quand il a décidé d’adapter Oliver Twist, Roman Polanski, rescapé du ghetto de Cracovie, a confié le personnage de Fagin à Sir Ben Kingsley. Celui-ci prenait ainsi la suite d’un autre acteur anobli, Sir Alec Guinness, qui tint le rôle dans l’adaptation que David Lean avait réalisée en 1948. Un onguent « de ses pères » Sir Alec arborait un long nez crochu qui faisait tant ressembler Fagin aux caricatures de la presse nazie que le film dut être remonté à la demande d’organisations juives américaines avant sa sortie en 1951. De cet héritage, Sir Ben dit tout ignorer. « Pour moi, le personnage n’existe pas avant que je re- France 3 20.55 Erreur de la banque en votre faveur Comédie de Gérard Bitton et Michel Munz. Avec Gérard Lanvin, JeanPierre Darroussin (Fr., 2009, 95 min). 23.10 Versailles, rois, princesses et présidents Documentaire de Frédéric Biamonti (Fr., 2015, 95 min). Canal+ 21.00 Homeland Série. Avec Claire Danes, Mandy Patinkin, Sebastian Koch (EU, S5, ép. 3 et 4/12). 22.25 The Affair Série. Avec Dominic West, Ruth Wilson (EU, S1, ép. 1 et 2/10). France 5 20.45 La Grande Librairie Magazine animé par François Busnel. Invités : Emmanuel Carrère, BernardHenri Lévy. 22.15 Duels « The Beatles - The Rolling Stones, it’s not only rock’n’roll ». Documentaire de Michaël Prazan et Christian Ratiney (Fr., 2015, 55 min). Et Ben Kingsley créa Fagin CHÉRIE 25 JEUDI 11 – 20 H 55 FILM TF1 20.55 Section de recherches Série. Avec Xavier Deluc, Chrystelle Labaude, Franck Sémonin (Fr., saison 10, ép. 4 et 2/13 ; S9, ép. 7/12 ; S7, ép. 10/16). çoive le scénario. Mon travail était de créer Fagin en sachant que tous les personnages du roman incarnent des traits de la personnalité d’Oliver Twist. » Pour l’acteur, Fagin « est venu d’Europe continentale, sans doute de Pologne, avec ses grands-parents, qui ne parlaient pas anglais. Il s’est retrouvé dans la rue et s’est dit : “Je serai le plus fort des enfants des rues.” Arrivé à l’âge adulte, il s’entoure d’enfants parce qu’il n’a jamais eu de parents ». Mais, lorsque le receleur doit soigner Oliver, blessé, il prend un onguent qui lui vient « de ses pères ». Ben Kingsley voit là l’une des clés du personnage : « Il ne se souvient pas de la provenance du médicament. Il y a là un fil culturel et religieux qui a été brisé, et de ces notions, il ne reste que des traces terriblement déformées. » L’acteur a su qu’il avait rempli les attentes de son réalisateur lorsqu’un jour celui-ci lui a dit : « J’ai connu quelqu’un comme ça, à Cracovie. » p thomas sotinel Oliver Twist, de Roman Polanski. Avec Barney Clark, Ben Kingsley (GB - Fr. - Rép. tch., 2005, 1 h 50). Arte 20.55 Trepalium Série. Avec Léonie Simaga, Pierre Deladonchamps (Fr., S1, ép. 1 à 3/6) 23.30 Hanna K Drame de Costa-Gavras. Avec Jill Clayburgh, Jean Yanne (Fr. - Isr., 1983, 105 min). M6 20.55 Once Upon a Time Série créée par Edward Kitsis et Adam Horowitz. Avec Jennifer Morrison, Ginnifer Goodwin et Elizabeth Mitchell (EU, S4, ép. 17 et 18/23, S4, ép. 19 et 20/23). 0123 est édité par la Société éditrice HORIZONTALEMENT 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 I II III IV V VI VII VIII IX X SOLUTION DE LA GRILLE N° 16 - 034 HORIZONTALEMENT I. Permissivité. II. Oxo. Nautiles. III. Uhlan. Recels. IV. Salière. Tôla. V. Suons. Léon. VI. Este. Peur. Té. VII. Ct. Elevé. Air. VIII. Aeu (eau). Ire. Alfa. IX. Fuselèrent. X. Eradications. VERTICALEMENT 1. Pousse-café. 2. Exhausteur. 3. Rollot. Usa. 4. Aînée. Ed. 5. Innés. Lili. 6. Sa. Perec. 7. Surélèvera. 8. Ite. Eue. Et. 9. Victor. Ani. 10. Iléon. Alto. 11. Tell. Tif. 12. Essaierais. I. Posera plus de problèmes aux esprits qu’aux laboratoires. II. Rend sensible et nerveux. Dieu à tête de faucon. III. Accord chez Vladimir. Mise à l’écart. Possessif. IV. Evénement imprévu quand le sort s’en mêle. Endroit de poursuite. V. Une fois de plus. Dans la banlieue d’Helsinki. Espar sur le bâtiment. VI. Auxiliaire. A beaucoup de mal à quitter la ville. VII. Personnel. Fournisseuse d’huile. VIII. Sensibles myriapodes. Mesure de l’information. Cours du Nord. IX. Fit le premier pas. Savants découpages pour bien tourner. X. Occupent une grosse pomme. VERTICALEMENT 1. Travail en profondeur. 2. Dame du parc. 3. Refus à London. Trébuche et sonne dans la poche du Suédois. Est passé de la banque à la banqueroute. 4. Se jette dans l’Eure. Larve de crustacé. 5. Profonde inspiration. Pompes américaines. 6. Porteuses d’iris. En crise. 7. Mauvais fond. Belle libanaise prospère au temps des Antonins. 8. Dans les pattes. Mit bas à l’écurie. 9. Ses coups sont imprévisibles. Pris mes repas à la source. 10. Madame et sa ille sont montées sur les planches. Fin mars. 11. Précieux et un peu mou. Le même au labo. Fait tache sur l’œil. 12. Laissais de côté. La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 0123 Les Unes du Monde RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ CELLE DE VOTRE CHOIX ENCADRÉE Encyclopéd ie Universalis www.lemond e.fr 65 e Année - N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine L’investiture de Barack Nouvelle édition Tome 2-Histoire --- Jeudi 22 janvier Uniquement 2009 Fondateur Premières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension : Hubert Beuve-Méry En plus du « en France - Directeur Monde » métropolitaine : Eric Fottorino Obama des audiences à Guantanam o Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne de Barack Obama ; ambitions d’un presque modeste.un sur le moment s’est arrêtée a Feuille force d’invoquer en 2008, la première rassembleur qu’elle était pendant les A vivre : décision de ; n’est jamaisde route. « La grandeur Abraham en train de festivités de et de nouveau administration: Martin Luther l’accession la nouvelle Lincoln, un l’investiture, au poste du 18 au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement les rencontres jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée. D Education UK price £ 1,40 GRILLE N° 16 - 035 PAR PHILIPPE DUPUIS du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 3289 (Service 0,30 e/min + prix appel) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ; Par courrier électronique : [email protected] Médiateur : [email protected] Internet : site d’information : www.lemonde.fr ; Finances : http://inance.lemonde.fr ; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier : http://immo.lemonde.fr Documentation : http ://archives.lemonde.fr Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Monde sur microilms : 03-88-04-28-60 SUDOKU N°16-035 L’avenir de Xavier Darcos Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévastée « Mission terminée »: le ministre de REPORTAGE ne cache pas l’éducation considérera qu’il se GAZA bientôt en ENVOYÉ SPÉCIAL disponibilité pour ans les rues tâches. L’historien d’autres de Jabaliya, les enfants ont de l’éducation trouvé veau divertissement.un nouClaude Lelièvre explique lectionnent les éclats d’obusIls colmissiles. Ils comment la et de déterrent du rupture s’est sable des morceaux d’une faite entre les enseignants qui s’enflamment fibre compacte et Xavier Darcos. immédiatement au contact de Page 10 l’air Bonus Les banquiers ont cédé Enquête page Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu françaises qu’ilsdes banques renoncent à la « part variable de leur rémunération ». En contrepartie, les banques pourront bénéficier d’une D et qu’ils tentent aide difficilement de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. équivalent à Surles mursde » celle accordée cetterue,des fin 2008. Page cesnoirâtres tra- boutique. 14 sont bes ont projeté visibles.Les bom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa incendié une pas. « Dites fabrique de bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est petite des nations occidentales la mière foisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation trentemorts pour semaines, rien. l’Américain israélienne », Qu’ici, il n’y a jamais s’exclame Mohammed eu de tirs de Chrysler roquettes. Que Abed négocie l’entrée bo. Dans son c’est costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. un magasin, une bombe mains, de cette bonne se réjouit il tient une Entre ses mort en 1980, le 10 janvier. Ils étaient venus enflamme feuille de le s’approvisionner papier avec tous cercle de ses pour l’économienouvelle pendant noms des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés,les Le demi-frère disciples. Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère ainsi que leur son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, l’écrivain, qui de à accès à une comme pour plusieurs en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. se persua- la publication, der qu’ils sont plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le de l’ancien Algérie 80 DA, métallique de éditeur de Barthes, Allemagne 2,00 Lire la suite ¤, Antilles-Guyane la 2,00 ¤, Autriche page 19 27000profs partirontcha quean àlaretraite,d ’icià2012. née Automobile Fiat : objectif Chrysler Edition Barthes, la polémique et Débats page 5 17 François Wahl. L elivre-en q u êtein co n to u rn ab lep o u ralim en terled su rl’aven éb at ird el’éco le. 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 Norvège 25 KRN, Pays-Bas F CFA, Canada 3,95 $, Côte 2,00 ¤, Portugal d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, u né 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 d ite u rd ¤, Sénégal 1 e rriè 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 rel’é c ra ¤, Finlande n>w 2,20 ¤, Suède 2,50 ¤, Gabon w w 28 KRS, Suisse .a rte b o 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne u tiq u e .c 1,9 DT, Turquie o m 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Page 20 RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique Présidente : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 L’Imprimerie, 79 rue de Roissy, 93290 Tremblay-en-France Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 20 | styles 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 L’« Office » et ses appareils ménagers, à l’entrée de l’exposition « Zones de confort », à Nancy. MICHEL GIESBRECHT aux confins du confort Cafetière, sofa, luminaires... A Nancy, une exposition interroge notre rapport intime aux objets du quotidien DESIGN nancy S ignes d’une époque consumériste, nos intérieurs n’ont jamais été aussi chargés d’objets censés améliorer notre bien-être. Mais que cache ou révèle la notion de confort, aujourd’hui dans les pays industrialisés ? Telle est l’intelligente question que soulève l’exposition « Zones de confort » à la galerie Poirel, à Nancy, jusqu’au 17 avril. La réponse prend la forme d’un petit théâtre des vanités où les objets-acteurs de notre bien-être – une centaine de pièces puisées dans les collections du Centre national des arts plastiques (CNAP) – paradent au milieu des salles, mis en scène par Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard, alias GGSV. Le public est invité à entrer par l’« Office », où trônent de rutilants appareils ménagers. Cafetière, machine à laver, fer à repasser ou Cocotte-Minute… sont disposés sur une grande roue aux lumières clinquantes, façon présentoir de grand magasin. Ces assistants domestiques d’aujourd’hui, symboles du « confort moderne », doivent, historiquement, beaucoup au design. « Il a fallu habiller moteurs, résistances, turbines, et définir les interfaces de commande de ces machines domestiques aux opérations parfois complexes », souligne Stéphane Villard, co-commissaire de l’exposition. Le design s’est posé en garant de la compréhension et de la manipulation, facilitant l’usage et l’entretien. » Le réalisateur Jacques Tati, dans Mon oncle (1958), appelle à se méfier de ces machines qui risquent d’asservir l’humain. Cependant, de 1950 à 1970, les foyers français s’équipent à tour de bras, grâce à la production industrielle des appareils ménagers qui les rend accessibles. Bonne nouvelle : les corvées domestiques (traditionnellement attribuées à la « ménagère ») s’allègent considérablement, en temps passé comme en pénibilité. « La femme a gagné quatre semaines de congés supplémentaires » (par rapport à la lessive à la main), clame une publicité pour une machine à laver Brandt, en 1963. Con- Tabouret W.W. créé par Philippe Starck pour Wim Wenders (1991, édition Vitra). CNAP trepartie : une horloge – présentée dans l’exposition – invite à observer, en temps réel, les consommations d’eau, de gaz, d’électricité… qui accompagnent chaque nouvel équipement. La zone suivante, baptisée « Réception », donne à voir ce qui contribue au repos dans les salons bourgeois. Du fauteuil-trône en chêne dur revêtu d’une fourrure, par Jean Royère (1948), au célèbre canapé Togo (1973), assise molle posée à même le sol, créé par Michel Ducaroy pour Ligne Roset : en deux décennies, se vautrer est le nouvel art de vivre. Le corps tout entier se décontracte. Les conventions sociales, jusqu’alors garantes de la « bonne tenue », autorisent même de faire son nid dans le pouf Sacco (1968), ce sac de billes qui se modèle aux contours de l’utilisateur, ou dans ce siège Pratone (1966), une pelouse synthétique gag dont on plie telle ou telle herbe pour s’y blottir. Le fauteuil à peluches Le public est lui-même invité à lâcher prise : en s’asseyant dans le sofa Ploum des frères Bouroullec, moelleux croissant apte à accueillir toute une nichée – l’image mentale du confort ergonomique et psychologique réunis –, ou en se jetant dans cette pieuvre géante, un « dispositif de repos collectif à positions multiples » inventé par l’artiste et designer Florence LE DESIGN OPTIMISTE DES ANNÉES 1990 LAISSE LA PLACE À DES CRÉATIONS POST-11-SEPTEMBRE PLUS AMBIVALENTES. ÉTRANGES, VOIRE INQUIÉTANTES Doléac, en 2008, pour « réveiller l’enfant qui sommeille en nous » (soit, des boules de Pilates entre deux moquettes). On pourrait croire que la suite de l’exposition va encore « réconforter » le visiteur. Il n’en est rien. Après une série d’objets « amicaux » ou ludiques, tels que le fauteuil recouvert de peluches des frères Campana ou ce téléviseur Zéo, dit « culbuto », s’inclinant à droite ou à gauche pour être regardé en position allongée, c’est la douche froide. Le design optimiste des années 1990, bouleversant les codes formels avec poésie ou espièglerie, laisse la place à des créations post-11-Septembre plus ambivalentes. « Etranges, voire inquiétants, les objets se font l’écho d’une société précaire, tourmentée par l’imaginaire de la catastrophe », analyse Juliette Pollet, responsable de la collection design au CNAP et co-commissaire de l’exposition. Le public est invité à la table d’un banquet funèbre, dans la dernière pièce dite « Antichambre » (annonciatrice du futur). Ici trônent la banquette BDC de Robert Stadler, dématérialisée au point de se résu mer à deux bouts de canapé, la chaise Homme à la figure acéphale de Ruth Francken ou le tabouret W. W. en forme d’épines de Starck. « Lentement, tout ce dont nous n’avons plus besoin disparaît », peut-on lire sur l’aspirateur de Jurgen Bey qui fait naître un fauteuil fantomatique du sac qui se remplit de poussière. Tabouret en tôle froissée comme une carrosserie emboutie (François Azambourg), chaise Cloning, grotesque quoique empruntant aux caractéristiques physiques de son propriétaire (5-5 Designers), chien robotisé (Sony), ou carafe en verre prise dans une mâchoire d’os (Formafantasma) : il est question de clonage, de robotisation, de Memento mori. La carafe filtrante d’Alberto Meda, le purificateur d’air de Mathieu Lehanneur, qui met la nature sous cloche, ou la lampe-détecteur de CO2 de Pierre Charrié, qui frémit à chaque seuil dépassé, trahissent « une relation angoissée face à des éléments naturels – l’eau, l’air –, rendus menaçants par notre propre activité », analysent les commissaires de l’exposition. Finalement, au moment où l’on pourrait croire le bien-être du corps et de l’esprit acquis, il s’échappe encore, restant à conquérir. « Le confort est une notion omniprésente qui ne cesse pourtant d’être fuyante », résume Juliette Pollet, heureuse d’avoir réussi à faire sortir le visiteur de sa « zone de confort ». p véronique lorelle « Cette idée de bien-être est apparue à la cour de Louis XIV » ENTRETIEN Juliette Pollet est conservatrice du patrimoine et responsable de la collection design du Centre national des arts plastiques. Après l’exposition à Nancy, elle publie, au printemps, avec Tony Côme, l’an thologie L’Idée de confort. A quand remonte la notion de confort qui nous semble aujourd’hui si naturelle ? On pourrait longtemps débattre de ce qui constituent les premières stratégies élaborées par les hommes pour améliorer leur bienêtre : le feu ? Les peaux à l’entrée de la caverne ? De manière moins hasardeuse, la conception du confort telle que nous la partageons encore aujourd’hui naît au XVIIIe. Selon l’Américain Edgar Kaufmann Jr, auteur de Comfort, What Is a Modern Interior Design ?, paru en 1953, l’idée du confort est apparue à la cour de Louis XIV, où l’aristocratie oisive aurait développé une attitude sans gêne – des ma- nières courtoises, mais simples et sans contraintes –, à mesure que le Roi-Soleil vieillissait. Plus récemment, John E. Crowley, auteur en 2003 de The Invention of Comfort, observe à cette époque l’émergence d’une nouvelle définition de l’intime avec de nouvelles typologies d’objets laissant plus de place au bien-être, de la méridienne au service à chocolat. Les appartements se font plus petits et mieux distribués, les assises s’adaptent manifestement au corps, les accessoires liés à la toilette et aux loisirs se multiplient… (jusqu’au 17 avril), un certain nombre d’objets « ouverts », qui échappent aux conventions, sont rassemblés sur ce que nous avons baptisé L’Aire de jeux. Loin d’un confort qui serait uniquement pratique ou ergonomique, ces objets ludiques déjouent les attentes et nourrissent les rêves. C’est le cas de cette chaîne stéréo modulable aux allures de galets Rock’n’Rock, de cette rallonge électrique façon boa de fourrure ou de ce mobilier modulaire BabyLonia, qui s’apparente à un jeu de cubes. Le design joue-t-il aussi un rôle pour satisfaire nos esprits ? Cette question en amène une autre : la satisfaction de nos esprits conduit-elle fatalement à leur assoupissement, voire leur aliénation ? C’est en tout cas ce que pointe un certain nombre de penseurs critiques, qui lient prolifération des objets et discipline capitaliste. Inversement, dans l’exposition « Zones de confort » à Nancy Le confort, dites-vous, est toujours fuyant… Est-ce pour cela que vous préparez une anthologie ? Parallèlement à l’exposition de la galerie Poirel, avec Tony Côme, professeur aux BeauxArts de Ren nes, nous avons mené un travail de collecte et d’organisation de textes pour une anthologie, en tra duisant notamment des textes d’auteurs peu connus en France, comme l’anthropologue et archi tecte d’origine autrichienne Chris topher Alexander, le psychana lyste allemand Alexander Mits cherlich ou le peintre et designer argentin Tomás Maldonado. Nous avons rassemblé des essais critiques, des témoignages de designers et de la littérature médicale ou des planches issues d’un traité de menuiserie. On y verra les schémas de pionniers de l’ergonomie, tel le Français Alain Wisner, qui, en voulant modéliser le corps humain, le réduit à une mécanique régie par les lois de la physique. C’est dire si le confort, ce terme banal, ouvre sur des questionnements fondamentaux dans le champ du design, liés à l’économie, la politique, et partant, la philosophie. p propos recueillis par v. l. « L’Idée de confort », par Juliette Pollet et Tony Côme, édité par le Centre national des arts plastiques et B42, sortie prévue au printemps 2016. disparitions & carnet | 21 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Monique Nemer Editrice On nous prie d’annoncer le décès le 5 février 2016, de Ng Ectpgv Xqu itcpfu fixfipgogpvu Pckuucpegu. dcrv‒ogu. hkcp›cknngu. octkcigu Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu. oguugu. eqpfqnficpegu Eqnnqswgu. eqphfitgpegu. rqtvgu/qwxgtvgu. ukipcvwtgu Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu. JFT Gzrqukvkqpu. xgtpkuucigu Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 ectpgvBorwdnkekvg0ht AU CARNET DU «MONDE» Décès Paris. Pierrefort (Cantal). M. Jean-Pierre Biron, son ils, Les familles Biron, Duverger, Cachin, Lafortune, Chassignet Et ses amis et alliés, ont la tristesse de faire part du décès, dans sa cent troizième année, de Mme Edmond BIRON, Le 23 janvier 2016. née Anne-Marie DUVERGER, DR survenu à son domicile, le 7 février 2016. E ditrice, biographe de l’écrivain Raymond Radiguet et professeure de littérature comparée, Monique Nemer est morte subitement d’une crise cardiaque, lundi 8 février, à Oléron, où elle était installée depuis juin 2015. Elle était âgée de 77 ans. Femme de cœur et de tête, mais aussi femme de l’ombre, ayant un réseau amical et professionnel dans l’intelligentsia parisienne, elle aura marqué beaucoup d’étudiants, de collaborateurs, d’hommes politiques ou de femmes de lettres, par sa personnalité et son érudition. Sa carrière commence à l’université. Elle est reçue première à l’agrégation de lettres modernes en 1968 et démarre un parcours universitaire à Caen, où ses cours de littérature comparée sont très courus par les étudiants. Celui sur « la représentation romanesque de la jalousie » est resté célèbre. Mieux, on les enregistre, car la rumeur, tenace, veut que les thèmes et les auteurs traités par Monique Nemer tombent en fin d’année universitaire comme sujets à l’agrégation. L’amour de la littérature et celui de sa transmission auront été le fil rouge de la vie de Monique Nemer qui est notamment l’auteure d’une biographie remarquée de Raymond Radiguet (Fayard, 2002) et d’un essai sur André Gide, Corydon citoyen (Gallimard, 2006). Le Diable au corps, Le Bal du comte d’Orgel et surtout Corydon, le petit livre par lequel Gide a assumé sa pédérastie, ont été disséqués avec subtilité par cette érudite à la prose claire. Conseillère de l’ombre Née le 18 juin 1938, à Paris, dans un milieu modeste, même si sa mère, née dans les îles, est une lointaine cousine de Joséphine de Beauharnais, Monique Nemer a connu une enfance difficile. Son père, monteur téléphonique, est mobilisé un an après sa naissance. Sa mère, employée de bureau à la mairie du 20e arrondissement, frappée par la tuberculose, la laissera orpheline, à l’âge de 12 ans. Elle-même sera rattrapée par cette maladie. Quand son père et sa belle-mère s’installent en province, elle décide de rester seule à Paris. Pauvre, âgée de 16 ans, elle passe le bac, devient institutrice et se marie. Au début des années 1980, la carrière de Monique Nemer prend une autre tournure. Par l’entremise de Josyane Savigneau, elle devient collaboratrice du « Monde des livres ». Dans la foulée, elle rencontre Françoise Verny. La « papesse de l’édition » la 18 JUIN 1938 Naissance à Paris 1968 Reçue première à l’agrégation de lettres modernes 1986 Entre chez Flammarion 1991 Devient directrice éditoriale de Stock 2002 Publie « Raymond Radiguet » (Fayard) 2006 Publie « Corydon citoyen » (Gallimard) 8 FÉVRIER 2016 Mort à Oléron convainc de passer de l’autre côté et de travailler avec elle. Ce qu’elle fait à partir de 1986, chez Flammarion, où leurs bureaux étaient limitrophes, rue Racine, dans le 6e arrondissement de Paris. Mais, en 1991, Monique Nemer s’émancipe. Claude Durand, PDG de Fayard, qui l’avait repérée, lui confie la direction éditoriale de Stock, maison qu’il avait en tutelle. L’aventure dure jusqu’à une brouille mémorable en 1997 avec cet éditeur brillant et autocrate. Directeur littéraire de Stock, JeanMarc Roberts prend les rênes de la maison d’édition, tandis que Monique Nemer devient conseillère de Jean-Louis Lisimachio, PDG d’Hachette Livre, premier groupe d’édition français, maison mère de Fayard et Stock. A ce poste d’observation, Monique Nemer peut faire profiter les principaux responsables d’Hachette et du groupe Lagardère de son carnet d’adresses. Jean-Luc Lagardère appréciait les avis de cette conseillère de l’ombre. Au fil de sa carrière, universitaire puis éditoriale, cette fumeuse invétérée de gitanes avait en effet tissé un réseau étroit de fidèles, éclectique, même si sa sensibilité et son parcours la faisaient appartenir à la famille de la gauche intellectuelle. Ainsi, depuis la publication en 1991 de L’Invention du possible, de Lionel Jospin, alors ministre de l’éducation nationale, elle s’était liée avec le futur premier ministre, candidat du Parti socialiste aux élections présidentielles de 1995 et 2002. Elle fut d’ailleurs coordinatrice de son comité de soutien en 2002. « Un engagement à gauche, c’est toujours une volonté de réparer », disait-elle. Monique Nemer fut également une proche de Bertrand Delanoë, maire de Paris de 2001 à 2014. A partir de 2008, elle s’était retirée sur la pointe des pieds. Elle avait créé avec sa fille une petite société de conseil et d’événements. En 2015, elle avait écrit une biographie d’Emile, patriarche des Servan-Schreiber (Eyrolles), en sympathie avec Jean-Louis Servan-Schreiber, qui comptait parmi ses amis. p alain beuve-méry La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 11 février, à 10 heures, en l’église Saint-François-Xavier, Paris 7e. Cet avis tient lieu de faire-part. 26, boulevard des Invalides, 75007 Paris. Mme Chantal Costa, son épouse, Marie-Pierre Costa, Anne Sattonnet, Olivier Costa, ses enfants, Ses petits-enfants, Les familles Aimetti, Helly et Galante, font part du décès de M. Pierre COSTA, préfet honoraire, président d’honneur de la Fondation Lenval, oficier de la Légion d’honneur, survenu à Nice, le 6 février 2016. Les obsèques religieuses seront célébrées le jeudi 11 février, à 10 h 30, en l’église du monastère de Cimiez, à Nice. PF. Robaut Prestations. Tél. : 04 92 00 41 41. Bertrand Deloche de Noyelle, son mari, son amour de cinquante-sept ans, son ami, Cédric Deloche de Noyelle, son ils, Camille Deloche de Noyelle, sa ille, Nihne Deloche de Noyelle, sa petite-ille, Julie Aguttes, sa belle-ille Ainsi que Sacha et Solal Ordonneau, Daniel et Danielle Douxami, Thierry et Sylvie Douxami, Françoise et Robert Meahl, Matthieu et Danielle Douxami, Gérard et Marie-Odile Deloche de Noyelle, Alain Deloche de Noyelle, Patrick et Cécile Deloche de Noyelle, ses frères, sœurs, beaux-frères et bellessœurs et leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, ont la tristesse d’annoncer la mort de Sylvie DELOCHE de NOYELLE, née Sylvie DOUXAMI, survenue le 1er février 2016, à l’âge de soixante et onze ans. L’inhumation de l’urne a eu lieu le 9 février dans l’intimité familiale et amicale au cimetière du Montparnasse, Paris 14e, dans le caveau de famille. Un culte d’action de grâce sera célébré le 13 février, à 15 heures, au temple de l’Eglise protestante unie de l’Annonciation, 19, rue Cortambert, Paris 16e. Ni fleurs ni couronnes. Des dons peuvent être adressés à la CIMADE. « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la rendra-t-on ? » Evangile selon Matthieu, 5-13. Cet avis tient lieu de faire-part. 78, boulevard Saint-Germain, 75005 Paris. Mme Jean CRÉMIEUX, née Annette WEILL, dans sa quatre-vingt-dix-septième année. De la part de Mme Denise Gerbert, sa sœur, Mme Mylaine Weill, sa belle-sœur, Ses neveux et ses nièces et leurs enfants. Annette avait choisi de faire don de son corps à la science. Mme E. Gerbert, 7, square Claude Debussy, 75017 Paris. Odette LATREILLE a quitté ce monde le 7 février 2016. Elle venait de fêter ses quatre-vingttrois ans. Madeleine, Noëlle, Marie-Andrée, ses sœurs, Henri, Paul et François, ses frères et leurs conjoints, leurs enfants et leurs petits-enfants Et aussi tous ses amis de toutes époques et de tous les pays qu’elle a habités et aimés, Tunisie, Maroc, Madagascar, Ses collègues enseignants, Ses élèves devenus amis, Ceux qu’elle a connus dans son engagement à la prison Saint-Paul ou dans d’autres lieux, font part de leur tristesse. Heureux de l’avoir eue comme sœur, tante ou cousine, ou comme amie, collègue ou voisine. Nous l’accompagnerons le samedi 13 février, à 9 h 30, en l’église de Neuvillesur-Saône (Rhône). Familles Latreille, Ruplinger, Rumelhard, Rostagnat, Guyon, Bourgerie, Rousselot. 4, chemin de Parenty, 69250 Neuville-sur-Saône. Rennes. Toulouse. Nantes. Paris. Quédillac. Françoise Legavre et Xavier Leprince, Paul Legavre, Anne Legavre, Jean-Baptiste Legavre et Béatrice Jérôme, ses enfants, Matthieu et Agnès, Chloé et Mathieu, Camille, Ulysse, Virgile, Phileas, ses petits-enfants, Adèle, Elise, Ismaël, ses arrière-petits-enfants Et toute leur famille, ont la grande tristesse de faire part du décès de Mme Marie LEGAVRE, née BUSNEL, épouse de M. Pierre LEGAVRE (†), survenu le 6 février 2016, à l’âge de quatre-vingt-onze ans. Elle repose à la chambre funéraire du CHU de Pontchaillou. La célébration eucharistique aura lieu le jeudi 11 février 2016, à 14 heures, en l’église Saint-Etienne de Rennes (bas des Lices). Elle sera inhumée au cimetière de Quédillac (Ille-et-Vilaine). Ni fleurs ni couronnes, pas de condoléances. Des prières, des dons à l’ACAT et au Service Jésuite des Réfugiés. PF. Legrand, Rennes Tél. : 02 99 30 62 91. Jean-François Pinton, président de l’ENS de Lyon, Ses collègues Et l’Association des Élèves et anciens Élèves des ENS de Lyon, Fontenay-aux-Roses et Saint-Cloud, ont le regret d’annoncer la disparition de Gaston MIALARET, ancien inspecteur de l’ENS de Saint-Cloud (1946), créateur du laboratoire de psychopédagogie de l’ENS de Saint-Cloud (1948), le 30 janvier 2016. 15, parvis René Descartes, 69007 Lyon. (Le Monde du 10 janvier.) Toute sa famille Et ses proches, ont la douleur de faire part du décès de Jean-François MANDROU, professeur d’Histoire bienveillant, bricoleur passionné, jardinier amoureux des plantes, cuisinier d’exception et grand amateur de bonne chère, père, mari et grand-père aimant... et tant d’autres choses encore. Étienne Nemer, son mari, Pascale et François Nemer, ses enfants, Julie Nemer, sa petite-ille, Annie Nemer, sa belle-sœur, Josyane Savigneau Et ses amis, ont la tristesse de faire part de la mort de Monique NEMER, universitaire et éditrice, le lundi 8 février 2016, d’une crise cardiaque, à Saint-Pierre-d’Oléron, à l’age de soixante-dix-sept ans. 34 B, rue des Garnaudières La Cotinière, 17310 Saint-Pierre-d’Oléron. Line O’SIONNEAU-QB, artiste peintre, poète et humaniste, aujourd’hui à la « Croisée des Mondes », le 1er février 2016, à Saint-Cyr-sur-Loire. Bordeaux. Biarritz. Jacqueline Lamour, sa mère, Alban, Alexandre, Minh et Paul, Sa famille, Ses amis, ont la profonde tristesse de faire part du décès de Virginie SUMPF, née LAMOUR, survenu le 4 février 2016, à l’âge de soixante-trois ans. Les obsèques se dérouleront le jeudi 11 février, à 16 heures, au crématorium du Val de Bièvre, à Arcueil. Danielle Tartakowsky, présidente de l’université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis Et l’ensemble de la communauté universitaire, ont la tristesse de faire part du décès de Virginie SUMPF, survenu le 4 février 2016. Nous exprimons notre peine et notre sympathie à sa famille et à ses proches. Marseille. Toulon. Villeurbanne. Pélussin. Mme Jeanne Vincent, née Voyer, Brigitte, Rémy, Denis et leurs conjoints, Ses sept petits-enfants, Ses quatre-arrière-petits-enfants, Les familles Prémilleux, Vincent, Castellan, Olivieri, Allègre, Blanc, Aude, Daury, Parents et amis, ont la douleur de faire part du décès de Bertrand Perret et sa compagne, Catherine Louradour, Dominique Perret, ses enfants, Fleur, Charlotte et Martin, Paul, Mathilde, Maxime, ses petits-enfants, Jacques, Victor, ses arrière-petits-enfants, Les familles Perret, Garaud et Texte, ont la tristesse de faire part du décès de Mme Marie Françoise PERRET, née GARAUD, survenu le 8 février 2016, à Biarritz, dans sa quatre-vingt-douzième année. Ses obsèques seront célébrées ce mercredi 10 février, à 16 heures, en l’église de Bidache, suivie de l’inhumation dans le caveau familial, à Bidache (Pyrénées-Atlantiques). La Conférence des présidents d’université (CPU) s’associe à la peine et la douleur qui touchent la famille, les proches et l’université que présidait le professeur Pierre SINEUX, décédé brutalement le 4 février 2016. Président de l’université de Caen, il était un membre précieux et unanimement apprécié de notre conférence. Ingrid, son épouse, Thomas et Claudia, Arnaud et Laurence, Alexandre, Luc, Marlène, ses petits-enfants Et ses amis, font part du décès de Bernard SOUCHE, M. Charles VINCENT, survenu dans sa quatre-vingt-dixième année. L’inhumation aura lieu au cimetière de Toulon « Principal », le jeudi 11 février, à 14 heures. Cet avis tient lieu de faire-part. [email protected] Genève. Paris. Old Greenwich (USA). Marjolaine et Jean-Dominique Vassalli, Laurence et Freddy Filippi, ses enfants, Eric et Yulia Vassalli, Nicolas et Taruna Vassalli, Camille-Alexandre Filippi, Pascal Filippi, ses petits-enfants, Julie, Emilie, Krish et Alya, ses arrière-petits-enfants, Raïssa Bambara et sa famille à Ouagadougou, ont la grande tristesse de faire part du décès de M. René-Jean WILHELM, ancien directeur adjoint au Comité international de la Croix-Rouge, survenu le 3 février 2016, à Genève, à l’âge de cent ans. Le service funèbre aura lieu le jeudi 11 février, à 14 h 45, en la chapelle du Centre funéraire de Saint-Georges, PetitLancy, Canton de Genève. Cet avis tient lieu de faire-part. Anniversaire de décès Il y a un an déjà architecte DPLG. honoraire, survenu le 7 février 2016, à l’âge de soixante-dix-huit ans. Les obsèques auront lieu le vendredi 12 février, à 13 heures, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue des Rondeaux, Paris 20e. Jean nous quittait. Nous pensons à lui tous les jours. Anne Marie Presburger, Ses enfants Et ses petits-enfants. # # $ !# $ # #$ $# &. + *2.+ #$ $ #$ $ $# $ # *'$ %&# & #$ # . *&%%* # $ !# ! #! *%& + &/& #$ %# # # " $ #$ ! #! # %&!- &(). % * ** %%#&%. * % # %* # * .* # # ** &.*-& + # % *&% 2#/ .$%% *%. (*$%- * # $ $ %%- &- # (( &.* # 3"&0+" # $# *%" &%%+ # .** % * +- % ++&# #$ $ $ %# $ $ ##+ /% &- #$ $ %# $ $ .# % *&&.*#$ % !# # #! %%- * # % &.1 #$ #!#$ * + (-&&*&. # &#+ $%3 * 3 #$ *%" &. # $ $ -* %  # # * +- % ! !$ % ** * (*+ %- +- % *% & / (*+ %- 22 | 0123 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 EUROPE | CHRONIQUE par ar naud l e par m e nt ie r Larmes à gauche C e fut le cri du cœur. « La gauche, c’est moi ! En quoi sont-ils plus à gauche que moi ? », a demandé, dimanche 7 février, la ministre de la santé, Marisol Touraine. Ce « ils », ce sont les frondeurs Taubira-MontebourgDuflot-Hamon et la gauche radicale qui ne cessent d’instruire le procès en mauvaise gauche de l’équipe Valls-Hollande. Même plaidoyer, une semaine plus tôt, toujours au « Grand Rendez-Vous » Europe 1, Le Monde et iTélé, de la part de Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture : « Nous sommes la gauche. » Et de défendre le bilan de l’équipe gouvernementale : « Est-ce qu’on a remis en cause le modèle social ? Est-ce qu’on a pris, comme dans d’autres pays, des décisions d’austérité ? Est-ce que, face au terrorisme, on cède sur l’Etat de droit ? » On peut débattre sur la dérive sécuritaire du gouvernement, mais sur l’économie, franchement, Le Foll et Touraine ont raison. Comment contester que le gouvernement mène une politique de gauche : dépenses publiques au plus haut, avantages familiaux sabrés pour les plus riches, taxation du capital au même taux que le travail, compte pénibilité, réformettes du marché du travail. « On ne peut pas dire que ce gouvernement est de droite et considérer que les mesures les plus importantes qu’il a adoptées sont manifestement de gauche », a protesté Marisol Touraine. Et encore, les Français ont échappé à plus de gauche, grâce à la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe à 75 %, de la CSG progressive et du tiers payant généralisé. Le contraste est saisissant avec l’hymne à la modernité chanté par le premier ministre Manuel Valls dans son excellent entretien accordé à L’Obs, en octobre 2014 : « Si la gauche ne se réinvente pas, oui, elle peut mourir. » « Junior partner » A l’heure des comptes et à un an de l’élection présidentielle, on réalise que l’équipe Valls-Hollande a tenu un discours moderniste, notamment grâce au leurre Macron, mais pratiqué une politique digne de la vieille gauche. Logiquement, elle a perdu sur les deux tableaux : le peuple de gauche les lâche, tandis que les résultats ne sont pas au rendez-vous : en atteste l’envolée du chômage supérieure à celle subie sous Sarkozy, pour cause de recettes dépassées. Sans doute eût-il fallu faire l’inverse : un discours qui parle à la gauche, notamment sur l’égalité – elle ne se porte pas si mal en France –, mais des réformes plus audacieuses. Concédons-le, cela n’aurait pas été un gage de victoire électorale, comme en témoigne l’étiolement, quoi qu’elle fasse, de la gauche sociale-démocrate dans toute l’Europe. « Avec la crise économique et la mondialisation, on est arrivé à un moment où la social-démocratie a perdu son équilibre. Elle n’arrive plus à réaliser un échange entre mesures de gauche et défense de l’économie de marché. Résultat, elle hésite sur sa vocation gouvernementale », estime le politologue spécialiste du socialisme Gérard Grunberg. Ceux qui se sont frottés au pou- « LE PS COMMENCE À RESSENTIR LA FATIGUE DU POUVOIR » LES FRONDEURS NE CESSENT D’INSTRUIRE LE PROCÈS EN MAUVAISE GAUCHE DU GOUVERNEMENT voir dans les années de crise et ont réformé énergiquement ont été réduits au rôle de junior partner. C’est le cas du Parti social-démocrate allemand (SPD), cloué à 25 % des suffrages depuis les réformes Schröder et devenu l’alibi social d’Angela Merkel : il porte les réformes sociales devenues indispensables – le salaire minimum – pour corriger la violence réformiste du schröderisme. Au fond, le SPD permet à Merkel de faire du Schäuble à visage humain. « Nouvelles désillusions » Y a-t-il une alternative plus à gauche ? La gauche radicale n’émerge pas en France, l’extrême droite de Marine Le Pen ayant siphonné l’électorat populaire. « Il ne leur reste que les petits-bourgeois révolutionnaires », persifle le centriste Jean-Louis Bourlanges. Elle n’apparaît pas non plus en Allemagne, la triple alliance des Verts et du SPD avec Die Linke, alliage d’excommunistes et de gauchistes incarné par le couple Sahra Wagenknecht-Oskar Lafontaine, étant inenvisageable. Elle a bien eu lieu en Grèce. L’espace d’un printemps. Alexis Tsipras fut de gauche radicale jusqu’à ce qu’il capitule à l’été 2015 en rase campagne face à ses partenaires européens, à l’issue d’un référendum-trahison. « Tsipras a donné la démonstration que la gauche radicale ne peut pas gouverner en Europe. C’est un cas magistral qu’on enseignera dans les écoles », poursuit Grunberg. Les amis de Jean-Luc Mélenchon ont reporté leurs espoirs sur Podemos, le parti issu du mouvement des « indignés », qui a talonné le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) aux élections de décembre. Ce dernier s’efforce de former un gouvernement. Car si de nouvelles élections avaient lieu, Podemos pourrait dépasser les socialistes et les marginaliser. Certes, quelle politique la gauche radicale espagnole mèneraitelle ? « Podemos va forcément se “normaliser” », indiquait, dès septembre 2015, Pablo Iglesias, chef de file du parti anti-austérité. On a compris la tactique : la gauche radicale capitalise sur la critique véhémente des sociaux-démocrates, pour in fine appliquer la même politique qu’eux. La manœuvre ne peut conduire qu’à de nouvelles désillusions, comme en témoigne la sécession en Grèce de l’ancien ministre des finances Yanis Varoufakis et la lente usure de Tsipras à l’épreuve du pouvoir. Le parti conservateur grec Nouvelle Démocratie, doté d’un nouveau leader, Kyriakos Mitsotakis, devance désormais Syriza dans les intentions de vote. Alors pourquoi ne pas faire comme les travaillistes britanniques, qui ont perdu les élections parce que le leader Ed Miliband était trop rouge. Choisir un leader encore plus à gauche et s’installer avec Jeremy Corbyn dans l’opposition. Dans l’impasse. « C’est la fatigue du pouvoir. Le PS commence à la ressentir, analyse Grunberg. Quand on n’arrive plus à gérer ses contradictions, survient la tentation de l’opposition, car on préfère faire semblant que la gauche existe. » p GÉRARD GRUNBERG politologue [email protected] Tirage du Monde daté mercredi 10 février : 245 756 exemplaires TRANSPORTS : QUE LES FRANCILIENS PATIENTENT A ux millions de Franciliens qui empruntent les transports en commun, la Cour des comptes recommande une vertu qu’ils connaissent au quotidien : la patience. Dans son dernier rapport, publié mercredi 10 février, la juridiction financière constate la dégradation du réseau en Ile-de-France et estime surtout que la situation devrait empirer dans les années à venir. Rarement, un service public – les fameux services publics français – aura autant méprisé… le public ! Les lignes de RER et de trains de banlieue, déjà saturées, devraient voir leur fréquentation augmenter, encore et encore. Avec, pour l’usager, des conséquences qu’il ne connaît que trop bien : pannes à répétition, retards en cascade, entassements inhu- mains, stress, fatigue. Et l’obligation de partir toujours plus tôt de chez lui et de rentrer toujours plus tard : un habitant d’Ile-de-France passe en moyenne 68 minutes chaque jour dans les transports. La cause de ce naufrage, selon la Cour des comptes ? Des « sous-investissements persistants ». Depuis trente ans, la maintenance du matériel et des voies a été insuffisante. On a laissé le réseau vieillir. La RATP, Réseau ferré de France (qui gère les voies) et la SNCF sont tous montrés du doigt par la Cour. Avec mention spéciale à la SNCF, qui a privilégié le TGV au détriment des lignes de proximité. Pourtant, la seule banlieue parisienne compte pour 40 % du trafic total de l’entreprise ferroviaire. Bien sûr, de nouvelles lignes de métro, de RER, de tramway ont été ouvertes, de nouvelles rames mises en service, avec flonflons et rubans. De nouvelles gares ont été créées, comme la station Rosa-Parks, inaugurée par Manuel Valls le 6 février. Le premier ministre a promis de nouveaux investissements dans la ligne E (Eole) qui permettrait de désengorger le RER A, le plus fréquenté (1,2 million de voyageurs par jour). Ils seront insuffisants, assure la Cour, qui chiffre le besoin à 50 milliards d’euros. C’est à un véritable volontarisme politique qu’elle appelle, au « grand coup de neuf » que promettait Valérie Pécresse, nouvelle présidente de l’Ile-de-France, lors de la récente campagne des régionales. Il faut un engagement digne de celui qui avait prévalu dans les années 1960, quand fut décidée la création du RER. Mis en service à partir des années 1970, il avait alors amélioré la vie quotidienne des Franciliens, rapproché les salariés de leur travail, avant de devenir aujourd’hui leur hantise quotidienne. Les sceptiques avanceront le coût faramineux d’un tel chantier. Il convient de le comparer avec ce qui est investi dans les infrastructures routières et de mettre en regard les gains économiques qu’apporterait un réseau de transport efficace. Ou trouver l’argent ? Faut-il emprunter ? Peut-être. La Cour des comptes propose une solution plus audacieuse : faire payer plus cher les transports à l’usager, en échange d’un meilleur service. Cela va à l’encontre de la politique actuelle. Reste que la RATP et la SNCF ne peuvent pas tout. Le réseau de transport supporte les conséquences de la hausse des prix de l’immobilier et d’un urbanisme débridé, qui poussent les habitants toujours plus loin vers la périphérie. Le projet de Grand Paris entend repenser l’aménagement de l’agglomération et offrir de nouveaux transports. Mais le chantier ne cesse d’être retardé, notamment pour des querelles de clocher. La première ligne ne commencera à fonctionner, au mieux, qu’en 2022. L’usager patientera. p La pénurie de logements s’invite au Parlement Vers un site Web unique d’information publique ? ▶ Alors que le prix des ▶ Parmi les pistes de ▶ Dans le coût global d’une ▶ Daniel Goldberg (PS), terrains à bâtir a bondi de 71 % entre 2006 et 2014, un rapport parlementaire préconise une meilleure régulation du marché réformes envisagées figurent une révision de la fiscalité et un référencement plus encadré des parcelles constructibles maison, l’achat du terrain pèse pour 45 % en Ile-deFrance et en ProvenceAlpes-Côte d’Azur, contre 19 % dans le Limousin rapporteur du groupe, estime que l’enjeu « devrait être au centre de la campagne présidentielle de 2017 » →LIR E PAGE 3 Le champagne fait pétiller les exportations françaises ▶ Les exportations de vins et spiritueux ont atteint 11,7 milliards d’euros en 2015, un niveau historique ▶ Le secteur redevient le deuxième excédent commercial français, devant les parfums ▶ Les ventes de cognac repartent et le champagne bat des records → LIR E → LIR E PAGE 8 6 PAGE 5 Livraison de champagne dans un supermarché, au Royaume-Uni, en novembre 2015. MILLIONS D’EUROS C’EST LE BUDGET PROVISIONNÉ EN 2016 POUR LA FUTURE CHAÎNE PUBLIQUE D’INFO EN CONTINU SOLENT NEWS/SIPA GOUVERNANCE LA PARITÉ PROGRESSE (TROP) DOUCEMENT DANS LES ÉTATS-MAJORS → LIR E PAGE 4 IDÉES L’APPEL DE 80 ÉCONOMISTES POUR UNE AUTRE POLITIQUE EN FRANCE → LIR E D ans le bouillonnement des réflexions qui accompagnent le projet de chaîne d’information en continu du service public émerge l’hypothèse d’unifier l’offre sur le Web. Si aucune décision n’est prise à ce stade, certains caressent l’idée de faire converger le site Internet de France Info, Franceinfo.fr, et celui de France Télévisions, Francetvinfo.fr, pour aboutir à une seule offre d’information publique en ligne. « Ce serait une erreur industrielle majeure et grave » de ne pas l’envisager, justifie un proche du dossier, interrogé par Le Monde à propos d’un tel scénario. Cette vision a une histoire. De Bercy à la Rue de Valois, certains plaident de longue date pour que l’audiovisuel public rassemble ses forces sur le numérique. François Hollande lui-même y avait fait allusion lors d’un discours prononcé à la Maison de la radio en décembre 2013. Si l’idée de rationaliser l’offre publique d’information est séduisante sur le papier, les difficultés de mise en œuvre sont importantes. Les dirigeants de l’audiovisuel public sont partagés entre la tentation de saisir un moment propice aux avancées et la volonté de ne pas compliquer un projet de chaîne d’information au calendrier déjà serré. p PAGE 7 j CAC 40 | 4 028 PTS + 0,78% J DOW JONES | 16 014 PTS – 0,08% j EURO-DOLLAR | 1,1295 J PÉTROLE | 31,07 $ LE BARIL K TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,60 % VALEURS AU 10/02 - 9 H 30 PERTES & PROFITS | DISNEY-VIACOM-VIVENDI La télévision payante ne fait plus recette L uke Skywalker n’est pas content. Lui qui s’est démené, avec ses amis de Star Wars, pour propulser les résultats financiers de Disney vers des sommets historiques, il n’a reçu en retour qu’un accueil glacial des investisseurs qui ont fait chuter le cours de la société de plus de 3 % ce mardi 9 février. Ils ont à peine remarqué que la firme avait battu les prévisions des analystes avec un bénéfice net de presque 3 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) sur le dernier trimestre et se sont focalisés sur le seul point faible du numéro un mondial des médias : sa télévision payante ESPN. Il faut dire que ce bouquet de chaînes sportives est traditionnellement, avec sa cousine ABC, le principal contributeur aux profits de Disney. En trois ans, plus de 7 millions de téléspectateurs ont quitté la chaîne (pour 91 millions d’abonnés en janvier). Or, l’audience conditionne les tarifs publicitaires indispensables pour financer des droits de diffusion, notamment sportifs, toujours plus onéreux. Des coûts de contenu qui explosent, des abonnés qui désertent, l’effet de ciseaux touche tous les acteurs du câble aux Etats-Unis. Et la première victime n’est pas Disney, mais son concurrent Viacom, propriétaires des chaînes MTV ou Nickelodeon. Paralysé par la succession compliquée de son fondateur, Sumner Redstone, 92 ans, le groupe a vu son chiffre d’affaires reculer sur son activité télévision au dernier trimestre… et son cours de Bourse s’effondrer de plus de 20 % ce mardi 9 février. Cahier du « Monde » No 22106 daté Jeudi 11 février 2016 - Ne peut être vendu séparément HORS-SÉRIE UNe vie, UNe ŒUvRe Les médias américains ont déjà donné un nom à ce phénomène, qui a pris de l’ampleur en 2015 : « couper le cordon », ou cord cutting . En masse, les populations les plus jeunes se désabonnent des télévisions du câble au profit des chaînes sur Internet. La bascule s’est accélérée avec le développement d’offres spécifiques sur le Web, comme Netflix ou Amazon Prime, qui proposent des vidéos et des séries à volonté pour moins de 10 dollars par mois contre près de 40 pour les chaînes du câble. Endiguer la fuite des téléspectateurs Ces dernières ont réagi. HBO, la chaîne de Game of Thrones, a lancé un service Internet à 10 dollars, et Disney avec Sling TV. Ce bouquet offre ESPN et des chaînes jeunesse pour 20 dollars et a permis au dernier trimestre d’endiguer la fuite des téléspectateurs. Cette histoire résonne de ce côté-ci de l’Atlantique pour les mêmes raisons. Le britannique Sky, propriété de Rupert Murdoch, a revu son offre et sa technologie pour conquérir des téléspectateurs plus versatiles et dont Internet est le point de passage obligé. Canal +, qui n’arrive toujours pas à enrayer l’hémorragie de ses abonnés, doit revoir son offre, toujours figée à 40 euros par mois face à Netflix ou beIN Sports. La riposte se dessine, comme le montrent les rumeurs de rapprochement de la chaîne cryptée avec beIN Sports. La réponse devra être vigoureuse, car Vivendi ne pourra pas compter sur Skywalker pour sauver le soldat Canal+. p philippe escande François Mitterrand Le pouvoir et la séduction ÉdItIOn 2016 Le centenaire de la naissance de l’ancien président FRANÇOIS MITTERRAND LE POUVOIR ET LA SÉDUCTION Un hors-série du « Monde » 124 pages - 8,50 € Chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique 2 | plein cadre 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Au centre François-Jacob, à Paris, spécialisé dans la recherche sur les maladies émergentes, le Pasteur Tech Lab a organisé ses espaces de travail en plusieurs modules. JOSEPH MELIN « POUR LE MONDE » V isiter le campus de l’Institut Pasteur, à Paris, est une invitation à voyager dans le temps et dans l’histoire de la science. Construit dans le quartier Vaugirard, au milieu de terrains vagues et de jardins maraîchers, le premier bâtiment a été inauguré en 1888, grâce à une souscription publique. Derrière son imposante façade de style Louis XIII sont conservés les trésors du chercheur : sa collection de cristaux, les fioles contenant ses premiers vaccins, le microscope avec lequel il traquait les microbes, et, surtout, les récits manuscrits de ses expérimentations. De l’autre côté de la rue, le bâtiment François-Jacob – l’un des dix scientifiques « maison » à avoir reçu un prix Nobel – est le miroir contemporain de cet âge d’or. Derrière son élégante façade de verre, 400 chercheurs sont en première ligne dans la recherche sur les menaces émergentes comme Ebola ou Zika. L’équipement des scientifiques d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec les instruments de leurs ancêtres. « La biologie se fait de moins en moins sur la paillasse et de plus en plus derrière un ordinateur », souligne Elodie Brient-Litzler, une biochimiste recrutée il y a un an avec pour mission de créer la future « boîte à outils » de l’Institut : des instruments ultrasophistiqués qui seront rassemblés dans un même lieu et partagés par l’ensemble des chercheurs. L’imagerie et la génétique sont au cœur de cette révolution. Observer des cellules vivantes en 3D, séquencer en quelques heures un génome entier ou modifier un gène grâce à des ciseaux moléculaires – appelés « CRISPR » –, voilà le quotidien du chercheur au XXIe siècle. « Les progrès sont extrêmement rapides, et les technologies très vite obsolètes. Nous devons sans cesse investir pour rester dans la course et attirer les meilleurs talents », indique Elodie Brient-Litzler. Un défi d’abord financier : ici, le moindre microscope ou instrument de séquençage génétique vaut plusieurs centaines de milliers d’euros. Et pour s’offrir le Titan, le microscope le plus puissant du monde, l’Institut Pasteur devra réunir 5 millions d’euros. Une somme colossale à l’aune de son budget de 300 millions d’euros. Fondation privée à but non lucratif, ses revenus proviennent pour moitié des contrats de recherche et des redevances versées par les industriels qui exploitent ses brevets. Le reste est fourni par les dons (30 %) et les subventions publiques (20 %). Ce business model trouve aujourd’hui ses limites, dans un contexte international très compétitif. « Nous devons nous donner les moyens de recréer un espace scientifique attractif, pour attirer des chercheurs d’exception et répondre Pasteur, les habits neufs de la recherche dus », dont bon nombre ont été sauvés grâce au vaccin contre la rage, mis au point par Pasteur en 1885. Aujourd’hui, on vient y discuter business plan. « En échange d’une petite part au capital de leur start-up, nous offrons aux chercheurs la possibilité d’exploiter leurs brevets. L’idée n’est pas d’en faire des businessmen, mais de les encourager à se lancer », détaille Isabelle Buckle. COURSE AUX TALENTS La science a un coût, et celui-ci ne fait que grimper. Les dirigeants du célèbre institut sont en quête de fonds et d’une nouvelle alchimie pour leur business model aux nouveaux enjeux de santé publique », indique Christian Bréchot, le directeur général. En visite à Boston, sur la côte est américaine, il devait rencontrer, jeudi 11 février, des industriels et des fondations. Objectif : les convaincre de parier sur « l’esprit » Pasteur et d’investir dans les projets de l’Institut. « Nous devons être plus visibles et nous montrer davantage ouverts aux partenariats », déclare cet ancien de l’Inserm et de l’Institut Mérieux, à la tête de l’institution depuis 2013. APPRENTISSAGE DE LA MODESTIE Business as usual pour les organismes de recherche aux Etats-Unis, ces opérations de collecte de fonds bousculent la culture maison. « C’est un apprentissage de la modestie : les Anglo-Saxons sont imbattables lorsqu’il s’agit de convaincre des organisations comme le Wellcome Trust, la Fondation Bill et Melinda Gates ou le National Institutes of Health américain, très impliqués dans le financement de la recherche. Nous avons dû adapter notre discours », souligne Pierre Legrain, qui a rejoint Pasteur il y a un an et demi pour aider les chercheurs à trouver des fonds pour leurs projets. Fondateur d’Hybrigenics, l’une des premières biotechs créées en France, il connaît le sujet par cœur. « L’idée est de “matcher” nos projets avec leurs centres d’intérêt », explique-t-il avec pragmatisme. Cette approche pourrait bientôt payer : l’Institut est en discussion avec la Fondation Bill et Melinda Gates pour un partenariat de long terme. Pasteur compte aussi sur ses propres fondations aux Etats-Unis, en Suisse et en Asie, pour convaincre de riches donateurs. Un philanthrope américain vient ainsi de lui accorder un don de 1 million de dollars (884 096 euros) pour financer un nouveau centre de recherche dévolu à la bio-informatique. Un nouveau bâtiment sera construit « LA BIOLOGIE SE FAIT DE MOINS EN MOINS SUR LA PAILLASSE ET DE PLUS EN PLUS DERRIÈRE UN ORDINATEUR » ÉLODIE BRIENT-LITZLER biochimiste à l’Institut Pasteur pour l’occasion, qui devrait ouvrir ses portes dans un an. Ce Pasteur Global Health Genomics Center a vocation à devenir une plateforme utilisée par les différentes équipes de recherche du réseau Pasteur, soit trentetrois instituts dans le monde. Une équipe de quarante scientifiques travaille déjà sur le projet, et quarante autres les rejoindront. « Nous développons de nouveaux algorithmes, de nouvelles méthodes. Je suis tellement heureux de vivre cette époque », s’enthousiasme Magnus Fontes, un mathématicien suédois arrivé à Pasteur il y a un an et demi. Il travaille déjà sur un premier programme. « Pour mieux comprendre le virus Zika, nous avons d’urgence besoin de regrouper des images, des séquences génétiques… et de les analyser. » Ce n’est qu’une première pierre. « Les ressources nécessaires pour conduire ces recherches sont colossales », ajoute le chercheur qui estime ses besoins de financement à au moins 100 millions d’euros. Pour répondre à ce défi, l’Institut compte en partie sur une meilleure valorisation de ses découvertes. Aujourd’hui, une bonne partie de ses 2 400 brevets ne lui rapporte pas un centime, bien qu’il y soit fréquemment fait référence. « Nous sensibilisons nos chercheurs à la nécessité de déclarer leurs inventions, et nous les y incitons financièrement », explique Isabelle Buckle, dont la mission est d’identifier des applications possibles et de négocier avec les industriels intéressés. Mis en place en 2015, ce programme cartonne avec plus de soixante inventions publiées, soit 25 % de plus qu’un an auparavant. « Tout ne pourra pas être breveté, car cela coûte cher », nuance cependant la scientifique. « Nous y consacrons 2,8 millions d’euros par an, et il faut bien réfléchir à ce que nous allons en faire », résume-t-elle. Son bureau est installé dans l’hôpital où étaient autrefois accueillis les patients « mor- Parmi les start-up incubées à l’Institut, Axenis, fondée en 2010, fabrique, pour les besoins de la recherche, des souris humanisées, en s’appuyant sur les travaux de James Di Santo, un « pasteurien » de renommée mondiale, spécialisé en immunologie. « Nous supprimons le système immunitaire de la souris, et nous réinjectons un système immunitaire humain », explique Erwan Corcuff. Ses modèles permettent d’étudier de façon beaucoup plus précise des virus comme le VIH, qui affectent différemment l’homme et l’animal. Axenis, qui a produit environ deux cents souris en 2015, a réalisé 500 000 euros de chiffre d’affaires. Elle devrait prochainement déménager à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), près de sa future usine. « J’ai failli renoncer à plusieurs reprises, mais j’ai été très soutenu ici », raconte Erwan Corcuff, qui a notamment bénéficié d’une formation à HEC. « La notoriété de l’Institut est aussi un avantage important. Cela facilite les discussions avec d’éventuels partenaires, et nous aide dans notre recherche de financements. » En contrepartie, Pasteur détient 20 % du capital. A la clé, peut-être le jackpot : Cellectis, une autre start-up couvée par Pasteur et spécialisée dans l’ingénierie du génome, est aujourd’hui valorisée près de 600 millions d’euros en Bourse. Ce business model inédit l’aidera à tenir tête aux grandes organisations anglosaxonnes dans la course aux talents. « Pasteur est en mesure d’offrir des packages très compétitifs aux jeunes chercheurs », insiste Thomas Bourgeron, qui mène des recherches sur les gènes impliqués dans l’autisme. Ce n’est pas seulement une question d’argent. « Nous disposons ici d’une liberté rare. J’ai été chassé par des universités étrangères comme Oxford, mais l’interdisciplinarité que j’ai trouvée ici est précieuse », témoigne le généticien. « Je peux discuter autour d’un café avec des virologues, des bactériologues : cela fait naître des idées », abonde l’immunologue Gérard Eberl. Il participe ainsi à un programme baptisé « Microbe et cerveau », qui implique plusieurs équipes du campus. « Harvard, c’est fantastique… mais c’est gigantesque ! » Fort de ses 2 500 « pasteuriens », l’Institut s’invente un avenir à visage humain. p chloé hecketsweiler économie & entreprise | 3 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Le logement en mal de terrains Pour pallier la pénurie de foncier, un rapport parlementaire propose de mieux encadrer un marché jugé opaque D ès qu’il s’agit de construire des logements, a fortiori sociaux, beaucoup d’élus invoquent « le manque de foncier » pour justifier leur réticence. Une pénurie pourtant toute relative puisque, lorsqu’il s’agit de créer des centres commerciaux ou des bureaux, les terrains, soudain, abondent. Autour de Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis, un groupe de quatre parlementaires a planché sur la pénurie foncière et présentera, le mardi 16 février, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, un rapport d’information sur « la mobilisation du foncier privé en faveur du logement ». « Nous souhaitons faire des propositions équilibrées entre droit de propriété et intérêt général pour casser la spirale infernale du renchérissement du prix des logements et des terrains, source d’inégalités entre générations et de ghettoïsation entre riches et pauvres », annonce le rapporteur, pour qui « l’enjeu devrait être au centre de la campagne présidentielle de 2017 ». Un portail de l’urbanisme Depuis l’an 2000, le prix du foncier a, il est vrai, beaucoup augmenté : trois fois plus vite que celui du logement, selon une enquête de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) de septembre 2015 : « Le prix moyen d’un mètre carré de terrain s’est accru de 71 % entre 2006 et 2014, passant de 46 à 79 euros, quand, dans le même temps, le prix du mètre carré bâti n’augmentait “que” de 26 %, passant de 1 031 à 1 306 euros. » Les différences sont, bien sûr, abyssales d’une région à l’autre. Un mètre carré de terrain peut ne coûter que 47 euros en zone rurale mais grimpe à 310 euros en Ile-de-France (chiffres 2014). Dans le coût global d’une maison, l’achat du terrain pèse donc pour 45 % en Ile-de-France et ProvenceAlpes-Côte d’Azur, mais pour 19 % dans le Limousin. Certains spécialistes, tel l’économiste Jacques Comby, évoquent même une bulle foncière, dans un marché de l’espace qui ne fonctionne pas selon le jeu de l’offre et de la demande mais est commandé par l’usage futur des parcelles et la constructibilité qu’elles permet- Dans le coût global d’une maison, l’achat du terrain pèse pour 45 % en Ilede-France et en Provence-AlpesCôte d’Azur, 19 % dans le Limousin tent. La logique qui prévaut est donc celle du compte à rebours : le promoteur escompte un prix de vente dont il déduit le coût de construction pour arriver au prix du terrain qu’il peut proposer. Pour réguler ces prix, les auteurs du rapport proposent d’abord de faire la clarté sur un marché qu’ils jugent opaque et éparpillé. L’urbanisation se développe en effet, pour les deux tiers, sur une myriade de parcelles diffuses et pour seulement un tiers dans de grandes opérations concertées. Ils suggèrent un repérage systématique des terrains constructibles par des observatoires régionaux ou des établissements publics fonciers, et la mise en ligne des données. Il existe déjà treize établissements publics fonciers d’Etat (EPF), à vocation régionale ou départementale, et vingt-trois établissements fonciers locaux, dont les compétences se superposent parfois : le rapport demande donc leur généralisation et leur rationalisation. C’est fait, depuis le 1er janvier, en région capitale, avec la fusion des quatre établissements existants en un seul Grand EPF d’Ile-de-France. Pour que l’information soit complète, les servitudes et la constructibilité de chaque parcelle devraient, d’ici à 2020, être accessibles sur un site baptisé Géoportail de l’urbanisme, alimenté par les collectivités locales que la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR, de mars 2014) oblige à communiquer. L’autre levier sur lequel les parlementaires entendent agir est la fiscalité des terrains non bâtis. Ils se montrent d’abord très critiques sur le système actuel : si la taxe foncière impose faiblement leur détention, les droits de mutation, et surtout l’impôt sur la plusvalue, dissuadent une cession ra- Le poids du foncier varie du simple au double selon les régions PART DU FONCIER DANS LE COÛT TOTAL D’UNE ACQUISITION IMMOBILIÈRE EN 2014, EN % 19 à 25 25 à 30 30 à 35 35 à 40 13 000 MILLIARDS 40 à 45 C’est, en euros, le patrimoine national des Français, estimé fin 2014. Il était composé à 83 % de biens immobiliers, dont 4 100 milliards d’euros en logements et 4 800 milliards d’euros en terrains. NORDPAS-DE-CALAIS 30 HAUTENORMANDIE PICARDIE 30 50 % 30 BASSENORMANDIE ÎLE-DE-FRANCE 26 CHAMPAGNEARDENNE 45 LORRAINE C’est en pourcentage ce que le patrimoine foncier global de la France représentait dans le produit intérieur brut, en 1997. En 2013, il représentait 255 % du PIB. 27 ALSACE 26 29 BRETAGNE 26 CENTREVAL DE LOIRE PAYS DE LA LOIRE 28 BOURGOGNE 29 POITOUCHARENTES 26 FRANCHECOMTÉ 24 26 LIMOUSIN 19 RHÔNE-ALPES AUVERGNE 37 24 AQUITAINE 34 LANGUEDOCROUSSILLON MIDI-PYRÉNÉES 39 32 PROVENCE-ALPESCÔTE D'AZUR 45 CORSE 33 SOURCES : MEEDDM/SOES/ENQUÊTE EPTB pide. « Garder un terrain ne coûte rien parce que les taxes foncières sur les propriétés non bâties reposent sur des assiettes dépassées, explique Daniel Goldberg. Quand à l’actuel impôt sur les plus-values, plus la vente est tardive, plus il s’allège, puisqu’il est dégressif jusqu’à devenir nul au bout de trente ans. Il faut casser cette logique », soutient-il. « Instabilité paralysante » Les auteurs jugent, en outre, inefficaces les mécanismes temporaires d’abattement sur cet impôt, mis en place en 2014 et 2015 par le gouvernement, pour, disait-il, « créer un choc foncier » qui n’a pas eu lieu. « Ces mesures à trop court terme n’ont pas le temps de s’installer dans les esprits et créent une LES CHIFFRES Le rapport préconise d’exonérer de plus-value les ventes de terrain, à condition d’y construire des logements instabilité finalement paralysante », selon M. Goldberg. La solution passe donc par un système pérenne qui exonère de plus-value les ventes de terrain, à condition d’y construire des logements. Les recours incessants contre les permis de construire qui ralentis- sent les procédures sont aussi dans le collimateur. Une pratique, très développée vers la Côte d’Azur, consiste même à attaquer un permis pour monnayer le retrait du recours auprès de promoteurs souvent enclins à céder, pour gagner du temps. L’ordonnance du 18 juillet 2013 a tenté de freiner ce fléau, en restreignant le droit au recours et en le sanctionnant s’il est abusif. Si les magistrats constatent bien que le nombre de procédures en annulation de permis a, entre 2012 et 2014, baissé de 25 % dans le ressort de la cour d’appel de Versailles et de 16 % devant le Conseil d’Etat, ce n’est pas le ressenti des professionnels. « En moins d’un an, le nombre des logements bloqués par des recours a bondi de 25 000 à 33 000 », rappelait Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers, lors de journées d’études professionnelles, le 3 février. « Il faut donner au juge le pouvoir d’imposer des délais pour que les parties présentent leurs arguments », propose le rapport Goldberg. Les parlementaires pointent enfin la responsabilité des maires, qui, sous la pression de leurs administrés, ne se montrent pas toujours très entreprenants. Peutêtre parce que les élections municipales de mars 2014 ont vérifié une fois de plus l’adage « maire bâtisseur, maire battu ». Le rapport propose donc des innovations, par exemple que les plans locaux d’urbanisme (PLU), au lieu de n’édicter que des interdictions, contraignent les maires à instaurer dans les zones urbaines un seuil minimal de mètres carrés constructibles par parcelle. « Les documents d’urbanisme ne peuvent pas se contenter de déclarations d’intentions et doivent être opérationnels, dire comment et où réaliser les objectifs inscrits, par exemple, dans le programme local de l’habitat », insiste M. Goldberg. Le rapport se conclut sur une mesure de portée symbolique : l’inscription dans la Constitution du droit à un logement digne, comme un aveu d’échec de la politique du logement. p isabelle rey-lefebvre Le bulletin de santé de l’industrie française s’améliore La production manufacturière a augmenté au dernier trimestre de 2015, portant la hausse à 1,7 % sur un an C’ est une nouvelle encourageante pour l’industrie française. La production manufacturière – c’est-àdire hors électricité – a augmenté de 0,4 % au dernier trimestre 2015 par rapport au troisième trimestre, et même de 1,7 % sur un an, selon les chiffres publiés mercredi 10 février par l’Insee. Sur le seul mois de décembre 2015, la production manufacturière (qui représente 80 % de l’industrie tricolore) a reculé de 0,8 %, « mais les variations au mois le mois ne sont pas nécessairement 2% significatives », relativise Dorian Roucher, chef de la division synthèse conjoncturelle à l’Insee. « Ce deuxième trimestre consécutif de hausse indique une reprise nette de l’activité manufacturière, en ligne avec les enquêtes de conjoncture [moral des patrons] qui restent supérieures à leur moyenne de long terme », se réjouit M. Roucher. Au total, la production manufacturière a crû de 0,9 % en 2015 en France. Symbole de la reprise, la production automobile, secteur très sensible à la conjoncture, C’est la hausse des investissements consentis par l’ensemble des entreprises non financières françaises en 2015, selon l’Institut national de la statistique et ses études économiques (Insee). La progression est la même qu’en 2014. Pour cette année, l’Insee prévoit une accélération de ces investissements. L’institut table notamment sur une progression de + 2,6 % d’ici à la mi-2016. a bondi de 5 %, portée par la reprise dans les pays du sud de l’Europe, ses principaux débouchés. Attention toutefois : l’industrie tricolore est encore loin d’avoir retrouvé son étiage d’avant-crise. « Nous sommes revenus au niveau de fin 2012, mais sommes encore 12 % en dessous du niveau de production de l’été 2008 », indique M. Roucher. Une baisse du pétrole profitable L’optimisme semble pourtant de mise. Les chefs d’entreprises du secteur manufacturier interrogés par l’Insee prévoient une hausse de… 7 % de leurs investissements en 2016, a-t-on appris mardi ! Une embellie nettement plus marquée que lors de la dernière enquête d’octobre, où les répondants prévoyaient une augmentation de 3 % cette année. Au moment où le ralentissement chinois et le recul du pétrole font craindre un affaissement de la croissance mondiale, et où le spectre d’une nouvelle crise financière fait tanguer les marchés mondiaux, il semble difficile de croire que ces clignotants puissent rester au vert. D’autant que ces données, basées sur le ressenti des patrons, sont sujettes à caution. Ainsi, les chefs d’entreprise interrogés ont finalement constaté un recul de 2 % de l’investissement l’an dernier, alors qu’ils anticipaient une hausse de 3 % début 2015… « De manière générale, lorsque les prévisions des chefs d’entreprise se situent au-dessus de 5 % en début d’année, c’est qu’on se trouve dans un cycle de croissance dynamique de l’investissement », estime tout de même Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques. Une orientation largement due à une bonne conjoncture macroéconomique. « La demande se raffermit en raison de la chute du pétrole, les marges des entreprises se sont fortement améliorées [sous l’effet du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt compétitivité Le secteur manufacturier prévoit une progression de 7 % de ses investissements en 2016 emploi] et le coût du capital est particulièrement attrayant en raison des taux bas », détaille M. Plane. Selon les dernières prévisions de l’Insee, le taux de marge des entreprises devrait atteindre 31,8 % à la mi-2016, son plus haut niveau depuis fin 2008, même s’il n’a pas encore retrouvé ses niveaux d’avant-crise (33,5 % en moyenne sur l’année 2007). La baisse de l’euro a également profité aux entreprises exportatrices en 2015, nettement plus présentes dans l’industrie que dans les services. La mesure fis- cale de « suramortissement », annoncée au printemps 2015 et destinée à doper l’investissement en machines, crée également un climat favorable. Seul clignotant à ne pas être encore passé au vert : le taux d’utilisation des capacités de production, qui laisse entendre que les entreprises ont encore de la marge de manœuvre avant d’investir ou d’embaucher. Cet indicateur est ressorti à 80,7 % en janvier, contre une moyenne de long terme de 84,5 % et un niveau de plus de 82 % sur les trois trimestres précédents… Faut-il y voir la concrétisation de craintes sur la conjoncture mondiale ? « Si la crise bancaire conduisait à un arrêt du financement des entreprises, elle pourrait avoir un effet fort et rapide sur la reprise. De même, un “choc d’incertitude” serait très néfaste à l’investissement. Mais pour l’heure, nous ne voyons dans nos enquêtes ni l’un ni l’autre », rassure M. Roucher. p audrey tonnelier 4 | économie & entreprise 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Le luxe accessible a son fonds d’investissement Fréderic Biousse lance Experienced Capital Partners, qui financera les jeunes pousses de la mode à fort potentiel L e trio, qui a permis à Sandro Maje et Claudie Pierlot (SMCP) de s’imposer comme un acteur incontournable de la mode haut de gamme, lance son propre fonds d’investissement. Installé depuis peu devant la Comédie-Française à Paris, Experienced Capital Partners (ECP) n’est pas seulement une structure financière. « Nous nous définissons comme des accélérateurs de marques à fort potentiel », explique Frédéric Biousse, président de cette nouvelle société. Avec son associé de la première heure, Elie Kouby, spécialiste des réseaux de boutiques, et rejoint par le financier Emmanuel Pradère, tous trois ont porté SMCP vers des sommets financiers. Ces trois griffes commercialisées dans un millier de points de vente, valorisées 650 millions d’euros en avril 2013, au moment de leur prise de contrôle par le fonds KKR, devraient facilement trouver un nouveau repreneur pour plus d’un milliard d’euros. Cette ascension dans le difficile secteur de la mode fera école puisque Frédéric Biousse et Elie Kouby étaient entrés dans le capital de ces marques du Sentier en 2007, à l’époque où elles n’étaient que de toutes petites pépites. Le dogme de cette équipe très courtisée depuis son départ de SMCP – elle garde toutefois une part très minoritaire dans le capital – semble pourtant assez simple : « Il faut toujours diriger à plu- « On regarde dans le monde entier, aussi bien les entreprises scandinaves que chinoises » FRÉDÉRIC BIOUSSE président du fonds ECP sieurs. Personne n’est omniscient », affirme M. Biousse. Il faut « savoir dire non et être proactif ». Il a la dent assez dure envers les fonds d’investissement : « Ce ne sont généralement que des financiers, entourés de consultants déconnectés du business. » Le trio les connaît par cœur puisqu’ils ont fait entrer successivement L Capital et Florac, puis KKR dans le capital de Sandro Maje et Claudie Pierlot. Cette injection d’argent frais avait alors permis d’implanter ces griffes dans trente-quatre pays. « Des marques pas trop lisses » Experienced Capital Partners veut financer de jeunes pousses (de 2 à 20 millions d’euros de chiffre d’affaires) mais aussi effectuer, parfois avec d’autres partenaires, des investissements dans des entreprises plus importantes (de 20 à 300 millions d’euros de chiffre d’affaires). Les trois entrepreneurs ont ainsi déjà levé 37 millions d’euros, notamment auprès du cofondateur de Vente-privée. Une nouvelle usine pour Longchamp Le maroquinier français Longchamp a enregistré, en 2015, un chiffre d’affaires de 566 millions d’euros, en hausse de 10 % à taux de change constant (+14 % en tenant compte de l’effet positif des changes), selon des données publiées mardi 9 février. Positionnée sur le haut de gamme, l’entreprise familiale n’a pas souffert de la conjoncture difficile en Chine continentale où ses ventes ont grimpé de 30 %. Pour faire face à la demande dans ses 300 boutiques dans le monde, le groupe va construire un nouvel atelier à Pouzauges (Vendée). « Une centaine d’artisans y travailleront en 2018 », dit Jean Cassegrain, directeur général. Cinq sites sont déjà exploités dans l’ouest de la France où le groupe effectue 50 % de sa production. L’autre moitié de ses propres sites en Tunisie, à l’île Maurice ou avec des partenaires au Maroc, en Roumanie... ECP a choisi la marque française de prêt-à-porter masculin Balibaris pour sa première prise de participation. GÉRALDINE BRUNEEL/VIEWS AI com, Michaël Benabou, de Leopold Meyer (directeur général de Florac), ou des actionnaires du holding luxembourgeois Artal, qui contrôle Weight Watchers, Children Worldwide Fashion ou le fabricant de biscuits Poult. Leur idée est d’investir, mais aussi de conseiller. Ce qui n’existe pas encore sur le marché. Experienced Capital Partners va ainsi constituer une équipe opérationnelle, avec des professionnels chargés de mission dans le développement international, la mise en œuvre cohérente des collections, le fonctionnement des boutiques, leur rentabilité, les relations avec les grands magasins, la valorisation des marques, la protection de leur créateur… Un autre sera chargé de la production, un deuxième du numérique, un troisième des finances et du contrôle de gestion. « Ce sera une boîte à outils qui permettra aux marques de se développer sereinement », assure Frédéric Biousse. « Nous cherchons des marques dans tous les secteurs du luxe abordable – mode, accessoires, enfant, alimentation, design, cosmétiques, technologie, voyage… – qui ont une image lisible, répondent à un joli concept, raffiné et chaleureux. Il faut qu’elles aient déjà testé avec succès au moins un magasin, qu’il soit en dur ou en ligne », explique M. Biousse. « On regarde dans le monde entier, aussi bien les entreprises scandinaves que chinoises », ajoute-t-il. Des marques qui ont « un coefficient affectif fort mais ne sont pas trop lisses. Il faut des aspé- Parité dans les entreprises: malgré deux lois, le plafond de verre persiste Plus présentes dans les conseils d’administration, les femmes en obtiennent rarement la tête P lus de 30 % de femmes dans les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises du CAC 40. La France, meilleure élève de l’Union européenne (UE) pour la parité dans les groupes les plus capitalisés… Le rapport remis, mercredi 10 février, par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) à Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à Pascale Boistard, la secrétaire d’Etat aux droits des femmes, pourrait donner envie de crier cocorico. Mais la réalité est tout autre pour les sociétés non cotées. Ou encore pour celles du secteur public, pointe le document, qui fait un rapport d’étape sur les lois Copé-Zimmerman (27 janvier 2011) et Sauvadet (12 mars 2012). Ces lois cherchent à atteindre la parité dans les conseils d’administration ou de surveillance, des instances où les femmes étaient alors quasiment inexistantes. Elles ont fixé un objectif de 40 % pour la part de femmes, ou d’hommes, au sein des conseils de plus de huit membres, prenant ainsi en compte les cas, rarissimes, où un conseil serait essentiellement féminin : l’entreprise concernée serait tenue de respecter la parité. Après un palier d’étape fixé à 20 % en 2014, l’objectif de 40 % doit être atteint en 2017. Pour les conseils de huit membres ou moins, l’objectif est de parvenir à un écart maximum de deux entre le nombre de femmes et d’hommes au sein des conseils. Des sociétés hors radars Mais les entreprises ont encore du chemin à parcourir. Le HCEFH estime que 1 265 mandats d’administrateurs devront s’ouvrir à des femmes dans les groupes privés d’ici à 2017. Les deux lois s’appliquent aux entreprises cotées, à celles de plus de 500 salariés et de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, aux sociétés publiques, aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics administratifs. En ce qui concerne les groupes cotés, les conseils sont en bonne voie d’atteindre la parité, avec 27,8 % de femmes dans leur conseil d’administration ou de surveillance. La part augmente dans les entreprises du CAC 40. Avec un pourcentage de 34,1 % en 2015 pour 10,7 % en 2009, la présence des femmes dans ces sphères de pouvoir a été multipliée par trois en six ans. Un taux qui place la France en tête des pays de l’UE, devant la Lettonie et la Suède (32 %). L’évolution est similaire pour les entreprises cotées sur l’indice au SBF 120 (Société des Bourses françaises) : les femmes occupaient 32 % des sièges des conseils en 2015, contre 9,3 % en 2009. Le rapport fait toutefois remarquer que les femmes détiennent seulement entre 5 % et 6 % des postes de présidence des conseils et de direction générale. En 2015, il n’y avait ainsi que trois entreprises parmi celles présentes sur le SBF 120 à avoir un conseil présidé par une femme : Publicis, Vallourec et Virbac. La « performance » des entreprises non cotées est par contre bien plus faible, avec 14,2 % de femmes dans les conseils. Cinq ans après la promulgation de la loi Copé-Zimmermann, elles ne remplissent même pas l’objectif intermédiaire de 20 % en 2014. Les chiffres sont, en outre, particulièrement difficiles à obtenir. Les sociétés non cotées « sortent complètement des radars », prévient le HCEFH, pour qui ce « manque crucial (…) [de données] risque de constituer un frein réel à la mise en œuvre des sanctions prévues par la loi ». Pour le secteur public, le rapport ne rassemble que des données parcellaires et datées, faute d’informations suffisantes. En 2013, les femmes représentaient 25 % des conseils des établissements publics à caractère industriel et commercial et des établissements publics administratifs. Pour assurer que les objectifs fixés par lois Copé-Zimmermann et Sauvadet seront atteints en 2017, le HCEFH et le CSEP ont dressé une liste de treize recommandations, à commencer par le rappel des obligations légales aux entreprises, la mesure et le contrôle de la parité, notamment avec la création d’un indicateur, l’accompagnement de la recherche des administrateurs et des administratrices, et la professionnalisation du mandat. p marine forestier rités ». L’idée est d’aborder ces marchés saturés non pas de façon frontale mais de biais. Le premier investissement a déjà été signé : une participation de 40 % – pour un montant non communiqué – dans le capital d’une jeune PME de prêt-à-porter pour hommes, Balibaris. Son fondateur, Paul Szczerba, s’est jeté dans l’aventure à sa sortie d’HEC en 2010, à 24 ans. « Je n’avais pas envie de faire du conseil, de la finance, je me suis lancé dans ce qui me plaisait », dit-il. Une mode sage, chic, non ostentatoire. Les tissus proviennent d’Italie, la façon est sous-traitée au Portugal ou en Roumanie. La collection n’est pas donnée non plus puisque la chemise en oxford est vendue 125 euros, le pantalon 195 euros et le costume moins de 600 euros. Pour l’heure, la marque est commercialisée dans cinq boutiques à Paris, chacune revendiquant son caractère propre et donc un petit côté artisanal. Paul Szczerba fait d’ailleurs lui-même les essayages et n’a aucune intention d’embaucher un styliste. Tout comme Frédéric Biousse fuit comme la peste les études de marché. Ce qui ne les empêche pas de mettre au point une machine de guerre : avant la fin de l’année, Balibaris comptera 25 points de vente, grâce à une forte implantation dans les grands magasins. Un développement sur le marché européen est déjà prévu en 2017. Premier test donc pour cet accélérateur d’affaires. p nicole vulser 8% C’est l’objectif, à moyen terme, de progression du chiffre d’affaires à taux de change constant fixé par Hermès pour 2016. Mais le groupe de luxe a prévenu, mercredi 10 février, qu’« en raison des incertitudes économiques, géopolitiques et monétaires, la croissance des ventes pourrait être inférieure ». En 2015, elles ont atteint 4,84 milliards d’euros (+ 8,1 % à taux de change constant) et le sellier devrait publier, le 23 mars, une rentabilité opérationnelle en 2015 d’environ 31,5 %, meilleure que prévu. AU TOMOBI LE La Google Car reçoit un coup de pouce des régulateurs Les autorités américaines de sécurité routière ont estimé que le système d’intelligence artificielle pilotant la voiture autonome de Google peut, selon la législation fédérale, être considéré comme un conducteur, ce qui pourrait accélérer l’approbation de ce type de véhicules. La National Highway Traffic Safety Administration a notifié sa décision dans une lettre, datant du 4 février, et publiée sur son site Internet mardi 9 février. – (Reuters.) AGR OALI MEN TAI R E Coca-Cola se désengage de ses activités d’embouteillages Engagé dans un plan de réduction des coûts visant à économiser 3 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros), le groupe américain CocaCola a annoncé, mardi 9 février, qu’il allait donner leur indépendance à ses activités d’embouteillages en Amérique du Nord et en Chine. – (AFP.) MOD E Pharrell Williams investit dans les jeans G-Star Raw Le chanteur américain Pharrell Williams a annoncé, mardi 9 février, qu’il devenait, par l’intermédiaire de sa société Bionic Yarn, l’un des copropriétaires de la marque de jeans G-Star Raw. Il apportera son regard sur les collections et les campagnes publicitaires. Jos Van Tilburg, le fondateur de cette marque créée en 1989, gardera la haute main sur la stratégie d’une entreprise qui revendique quelque 380 magasins en franchise dans le monde. économie & entreprise | 5 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Champagne pour les exportations d’alcool ! Les Etats-Unis et la Chine ont tiré les ventes de vins et spiritueux français en 2015 C ognac et champagne plus forts que Chanel N°5 et Miss Dior… En 2015, les vins et spiritueux ont grillé la politesse aux parfums et cosmétiques dans la balance commerciale française. En effet, les exportations d’alcool « made in France » ont représenté un chiffre d’affaires de 11,7 milliards d’euros, selon les chiffres publiés mercredi 10 février par la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS). La progression affichée de 8,7 % lui permet de décrocher ce record historique. Avec un solde commercial positif de 10,4 milliards d’euros, les vins et spiritueux retrouvent ainsi leur rang de deuxième excédent commercial français derrière l’aé- ronautique, mais devant les parfums et cosmétiques (9,2 milliards). Une position perdue un an plus tôt, alors que les ventes d’alcool français subissaient une certaine baisse de régime. Un résultat dont se félicite Christophe Navarre, président de la FEVS. « Cela représente l’équivalent de la vente de 126 Airbus, ce n’est pas neutre, estime-t-il, tout en relativisant la performance. Les exportations ont été dopées par les taux de change. La dépréciation de l’euro face au dollar, au yen et à la livre sterling a contribué à l’attrait des bouteilles françaises. Hors effet de change, la progression est tout de même de 5,3 % par rapport à 2014. Ce record est à mettre au crédit des deux locomotives, le champagne et le cognac, et de deux mar- chés clés, les Etats-Unis et la Chine. En 2015, après deux années de baisse, les exportations vers la Chine, quatrième pays de destination pour les alcools français, renouent avec la croissance. Elles progressent de 22,6 %, à 830 millions d’euros, et retrouvent leur niveau de 2013. Le rebond bénéficie aussi aux pays de transit vers la Chine comme Hongkong, où les ventes sont en hausse de 17 %. « Rebond technique » M. Navarre reste toutefois prudent : « En Chine, on observe un rebond technique avec une base de comparaison favorable. On est arrivé globalement à la fin de la période de déstockage de la distribution. Mais on ne reviendra pas aux niveaux précédents », affirme-t-il. Les groupes français ont adapté leurs offres, troquant les flacons de cognac XO contre des bouteilles plus accessibles aux jeunes consommateurs. Il faut dire que la brusque volteface du marché chinois avait quelque peu secoué la filière française. La volonté de Pékin de lutter contre la corruption et l’ostentation avait porté un coup à la pratique des cadeaux et des banquets et fait plonger les ventes de cognac et de vins fins. Un décrochage sensible à partir de mi-2013, qui a pris à contre-pied les grands noms de l’eau de vie charentaise. LVMH avec Hennessy, Pernod-Ricard avec Martell, et Rémy Cointreau avec Rémy Martin, qui semblaient écouler sans limite leurs flacons les plus précieux, XO et éditions spéciales, ont soudain vu la source chinoise se tarir. Les grands crus bordelais ont souffert de même de ce changement brutal de règles . Mais le premier marché pour les alcools français reste, et de loin, les Etats-Unis. Vins et spiritueux y ont encore gagné des parts de marché, portés par les effets de change. Avec une augmentation de 28 %, les ventes atteignent un record de 2,6 milliards d’euros. Soit deux fois plus que celles réalisées au Royaume-Uni, deuxième Pour la première fois depuis 2013, les exportations de cognac renouent avec la croissance destination des alcools français. « Le cognac bénéficie de l’engouement des consommateurs américains pour les alcools bruns », explique M. Navarre. Résultat, pour la première fois depuis deux ans, le cognac renoue avec la croissance avec une hausse des exportations de 19,6 %, à 2,6 milliards d’euros. L’eau-de-vie domine largement la catégorie des spiritueux, qui pèse au total de 3,74 milliards d’euros, en termes de dynamisme. A noter également, la progression de 8 % des ventes de liqueurs, à 313 millions d’euros. La vodka, deuxième spiritueux français, engrange 399 millions d’euros mais la hausse est limitée à 1,2 %. A l’inverse, le calvados et l’armagnac souffrent. Le champagne décroche, lui, la palme de l’exportation avec un bond de son chiffre d’affaires de 12,1 %, à 2,69 milliards d’euros. Au global, champagne et vins tranquilles pèsent lourds dans la balance commerciale, frôlant la barre des 8 milliards d’euros, en hausse de 6,7 %. Dont près de la moitié engrangée grâce aux bouteilles d’appellation d’origine contrôlée (AOC). Dans cette catégorie, après la période de dégrisement chinoise, les vins de Bordeaux repartent de l’avant, ceux de Bourgogne continuent à se valoriser tandis que les flacons de Beaujolais font grise mine. Dans ce contexte florissant qui tranche avec l’actualité agricole souvent sombre, la FEVS veut à tout prix mettre des bémols. Elle milite en effet pour une augmentation des volumes de vin en France estimant que l’Hexagone perd des parts de marché face à ses concurrents. Or, les règles du jeu ont justement changé en Europe au 1er janvier 2016. Près de 8 000 hectares de vigne vont pouvoir être plantées en France, dont des vignobles sans appellation géographique. Nul ne connaît encore les effets de cette libéralisation poussée à Bruxelles par les négociants. Mais on voit aujourd’hui les conséquences de la fin des quotas laitiers pour les éleveurs français… p laurence girard Heineken mise sur les bières artisanales Le néerlandais va créer des marques locales et inonder le marché français de Mort subite L’ image a le mérite d’être limpide. Pour se relancer en France et faire la nique à ses concurrents, le néerlandais Heineken a décidé de commercialiser à grande échelle la bière artisanale belge… Mort subite. De même, il compte imposer la marque californienne Lagunitas et développer des mousses « locales » qui viendront s’ajouter à ses quatre principaux labels, Heineken, Pelforth, Desperados et Affligem. Manière de répondre au succès des microbrasseries et des bières artisanales, cette offensive du numéro trois mondial du secteur a été dévoilée mercredi 10 février, lors de la publication des résultats annuels du groupe. En 2015, il a vu son chiffre d’affaires progresser de 6,5 %, à 20,5 milliards d’euros, tandis que son bénéfice net a bondi de 25 %, à 1,9 milliard. En France, Heineken affiche un chiffre d’affaires de 968 millions d’euros (+ 2,5 %). « Avec Mort subite, nous répondons à une forme de concurrence qui se développe », reconnaît Pascal Sabrié, directeur général d’Heineken France. De fait, les bières artisanales ne sont pas un phénomène nouveau. La Coreff, la « cervoise bretonne », a fêté ses 30 ans. Mais le phénomène prend de l’ampleur. « Près de 120 nouvelles microbrasseries se sont créées en 2015, portant leur nombre à plus de 800 », estime M. Sabrié. Même si elle n’a pas encore le même poids qu’aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, où la craft beer pèse 10 % à 11 % du marché en volume, la bière artisanale est plébiscitée en France. « Elle représente entre 4 % et 5 % du marché hexagonal », selon M. Sabrié. Ce succès a contribué au dynamisme des ventes de blondes en France, en hausse de 2 % à 4 % en 2015. La météo favorable pour les brasseurs, qui raffolent des poussées de mercure, a fait le reste. Résultat : même s’ils sont lancés dans une course à la taille, à l’image de l’OPA géante du belgobrésilien AB InBev, numéro un mondial, sur son rival britannique SABMiller pour 110 milliards d’euros, les géants de la bière ont également les brasseries artisanales en ligne de mire. AB InBev s’est ainsi emparé d’un brasseur de Seattle, Elysian Brewing. SABMiller a jeté son dé- « La bière artisanale représente entre 4 % et 5 % du marché hexagonal » LA MATINALE DU MONDE LE MEILLEUR DE L’INFO 7 JOURS SUR 7 PASCAL SABRIÉ DG d’Heineken France volu sur la bière artisanale londonienne Meantime. Quant à Heineken, il a annoncé, en octobre, l’acquisition de 50 % du capital de Lagunitas qui produit la très prisée India Pale Ale. Le néerlandais s’apprête à la proposer aux consommateurs parisiens. Nature et authenticité Heineken a aussi déterré, parmi les labels récupérés lors de différents rachats, la marque artisanale Mort subite, entrée dans son giron lors de l’acquisition de Scottish & Newcastle en 2008. Cette pépite, une bière de fermentation spontanée de type lambic, est brassée à Kobbegem, près de Bruxelles. Le néerlandais souhaite aussi enrichir son portefeuille de marques régionales. Il a décidé que chacune des trois brasseries industrielles qu’il possède en France produirait sa propre bière. En Alsace, où il détient Fischer, il va créer une nouvelle version à la mirabelle, baptisée « Fischer la Belle Mira ». L’usine de Schiltigheim (Bas-Rhin) produira aussi la bière Pélican, sortie des oubliettes. A Mons-en-Barœul (Nord), ce sera l’Ancre, et à Marseille la Phénicienne. Ces bières seront distribuées dans les cafés et les restaurants. Au coude-à-coude avec Kronenbourg, filiale de Carlsberg, pour la domination du marché français, Heineken espère prendre le large par ses innovations. Le lancement réussi d’Edelweiss, en 2015, l’a conforté dans ce choix. Présentée comme une bière de montagne, prenant sa source dans les Alpes – même si elle est produite dans les usines d’Heineken en France –, elle séduit le consommateur avec des arguments marketing de nature et d’authenticité. Les mêmes qui font le succès des microbrasseurs. p l. gi. SWIPEZ, SÉLECTIONNEZ, LISEZ L’application La Matinale du Monde est téléchargeable gratuitement dans vos stores. A retrouver en intégralité pour 4,99 € par mois sans engagement avec le premier mois offert. Les abonnés du Monde ont accès à l’intégralité des contenus. 6 | économie & entreprise 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 «Repousser les limites du corps avec la technologie » Le Forum Netexplo distingue des innovations qui cherchent à stimuler le vivant ou à y intégrer du numérique ENTRETIEN DIX LAURÉATS L e 9e forum Netexplo se tient, mercredi 10 et jeudi 11 février, à l’université Paris-Dauphine. Cette manifestation, organisée en partenariat avec HEC, le Sénat, le secrétariat d’Etat chargé du numérique et l’Unesco, permet de prendre chaque année le pouls de la révolution technologique et de distinguer des projets à la pointe de l’innovation. Julien Levy, professeur affilié à HEC, où il dirige le Centre digital, est l’auteur de l’étude annuelle « Netexplo Trend » qui a passé au crible plus de 2 000 innovations numériques à travers le monde. Il évoque les ultimes avancées et les réflexions qu’elles suscitent. IKO Creative Prosthetic System, le Grand Prix 2016 Netexplo, est une prothèse robot, réalisée avec une imprimante 3D. Que dit cette innovation de nos prochains usages ? Ce projet s’inscrit dans une tendance mondiale : la volonté de plus en plus forte de repousser les limites du corps en s’appuyant sur la technologie. Aujourd’hui, sur tous les continents, des laboratoires et des start-up cherchent à simuler le vivant ou à y intégrer du numérique. L’idée de la fusion entre l’homme et la machine n’est pas nouvelle, mais cette quête s’accélère avec le progrès des technologies et l’utilisation du big data. Grâce, aussi, aux coûts de plus en plus faibles du séquençage de l’ADN. L’homme « augmenté » est-il pour bientôt ? Disons que la frontière entre le naturel et l’artificiel est de plus en plus ténue. En Suède, l’Institut Karolinska travaille, par exemple, sur des neurones artificiels. En Suisse, le Blue Brain Project reproduit le fonctionnement du cerveau sur un ordinateur. Dans une autre expérimentation helvétique, DNA Data Storage, des morceaux d’ADN sont utilisés pour stocker de l’information codée, que l’on peut ex- Amino Kit de fabrication de matière organique (Canada). AscTec Firefly Drone « intelligent » qui s’autopilote (Allemagne). Aweza Application de traduction mobile (Afrique du Sud). BitLand Cadastre virtuel (Ghana). Colu Service rendant l’identité numérique infalsifiable (Israël). IKO Creative Prosthetic System Prothèse personnalisable avec des Lego (Colombie). Micro-Swimmer Robot Nanorobots chirurgiens (Etats-Unis). Self-teaching 3D-printed robots Robot qui s’autoperfectionne (Norvège). Todai Robot Project Robot qui veut rentrer à l’université (Japon). Wonolo Application permettant à un employeur de trouver directement un employé (Etats-Unis). Dario, un jeune Colombien, collabore depuis deux ans à un projet de prothèse conçue notamment avec des Lego. IKO ploiter après coup, ce qui ouvre la voie à l’ordinateur biologique. Il devient aujourd’hui très difficile de distinguer ce qui est de l’ordre de la biologie de ce qui relève de la technique, donc de la volonté humaine. Certaines innovations s’orientent en effet vers le transhumanisme, un homme fruit de la volonté de l’homme. Ce qui relevait de la spéculation devient une réalité avant même que la réflexion sur les enjeux ait abouti. « Blockchainisation », nouvelle rupture ? « Et si, pour les entreprises, la prochaine innovation de rupture était la “blockchainisation” ? », cette technologie qui permet de réaliser des transactions certifiées par un réseau et non par une autorité centrale. C’est par ces mots que Thierry Happe, cofondateur du Forum Netexplo, devait accueillir, à l’université Paris-Dauphine, mercredi 10 février, le millier de cadres et de dirigeants venus à la 9e édition de cette manifestation pour s’informer sur les usages qui bousculeront notre quotidien. Pour prendre le pouls de la planète numérique, Netexplo a examiné 2 175 projets innovants. Parmi les dix lauréats distingués, deux utilisent la « blockchain ». « Son application va dépasser le domaine financier, dit M. Happe. A l’instar de la plate-forme prototype Ujo, lancée fin 2015 à Londres, sur laquelle un artiste peut décider seul des conditions de commercialisation de sa musique et récupère directement ses droits et rémunérations. » Un de vos dix lauréats, Amino, propose même un kit pour manipuler le vivant à domicile… C’est la boîte du petit chimiste à l’âge des manipulations génétiques. Et ce projet n’est pas le seul. Un autre, l’Open Source Insulin Project, qui a vu le jour grâce au financement participatif, s’essaie à manipuler des bactéries afin de produire de l’insuline à domicile. Ces innovations sont bien entendu émergentes, mais elles posent clairement de nouvelles questions sociétales. La recherche sur le vivant a toujours été à la fois très encadrée et très coûteuse, ce qui en limitait le champ d’application. Si ces techniques sortent des laboratoires et se démocratisent, le système de régulation devient inadapté. Après le hacking numérique, le piratage des systèmes pour en détourner l’usage, voici l’émergence du bio-hacking. La Google Car, qui roule déjà en Californie, est aux prémices de notre histoire avec les robots ? Les robots ménagers ou industriels sont déjà très présents dans nos vies. On ajoute désormais à même. Des questions, qui se posaient aux auteurs de science-fiction il y a trente ans, se présentent désormais devant nous. « L’idée de la fusion entre l’homme et la machine n’est pas nouvelle, mais cette quête s’accélère avec l’utilisation du big data » leur performance mécanique de l’intelligence artificielle, avec la volonté claire d’aller vers une autonomisation de ces machines. Certaines innovations sont troublantes. Tel le Self-Teaching 3DPrinted Robots, imaginé en Norvège. Ces robots, dotés d’intelligence artificielle, évaluent leurs points faibles, puis donnent des instructions d’amélioration pour produire de nouvelles générations aux meilleures performances. On voit là encore la volonté de repousser la limite : d’outil, le robot devient acteur, et acteur de lui- Netexplo met en lumière de nouvelles plates-formes numériques. Qu’est-ce que cela annonce ? Certains lauréats, en effet, proposent de trouver du travail en direct par smartphone (Wonolo aux Etats-Unis), d’enregistrer une propriété sans notaire (Bitland au Ghana) ou de sécuriser notre identité en ligne sans recours à une autorité (Colu en Israël). Pour Ronald Coase et Oliver Eaton Williamson, deux Prix Nobel américains d’économie, l’existence d’une grande entreprise ne peut se justifier que si ses coûts internes (salaires, organisation…) sont inférieurs au coût de transaction sur le marché. La société californienne Uber et toutes ces nouvelles plates-formes sélectionnent les partenaires, organisent l’interaction, réduisent les risques par un système de notation, ce qui fait chuter les coûts de transaction. Elles deviennent ainsi des modèles Grand Prix 2016 Netexplo, une main robot en Lego pour se faire des copains une prothèse de bras articulée sur laquelle peuvent se greffer une multitude de briques Lego, compagnon de jeu modulable à l’infini. Le projet IKO Creative Prosthetic System, qui a reçu, mercredi 10 février, le Grand Prix Netexplo 2016, a été pensé pour aider les enfants à dédramatiser leur handicap et rompre leur isolement. Son concepteur, le jeune designer d’origine colombienne, Carlos Arturo Torres Tovar, l’a imaginé en à peine vingt semaines alors qu’au départ, il ne connaissait « rien à la robotique », reconnaît-il. L’aventure d’IKO démarre en 2014. Carlos Arturo, alors élève de la prestigieuse école suédoise de design Umea, effectue un stage au « Lego Future Lab », le centre de recherche et de développement ultra-secret de l’entreprise de jouets danoise. « Sur place, j’ai mesuré le pouvoir social universel de ces briques de couleurs qui permettent de se faire des amis partout », se souvient-il. Alors à la recherche d’un projet de fin d’étude pour son master d’« Advanced Product Design », il pense aux enfants colombiens victimes de blessures par arme. « L’idée d’IKO a surgi à ce moment-là, précise Carlos Arturo. J’ai imaginé une prothèse qui puisse, grâce aux Lego, être tout autant fonctionnelle que folle, permettant à un enfant d’exprimer sa créativité et de rentrer en lien avec les autres. » Soren Holm, le directeur du centre, est emballé. Lego accepte de financer une imprimante 3D pour réaliser les prototypes et règle les billets d’avion aller-retour entre la Colombie et l’Europe. Reste à réaliser, en moins de six mois – la durée du stage –, un premier prototype. Carlos Aturo doit notamment trouver un enfant avec lequel collaborer. « La difficulté était de ne pas projeter un besoin qui n’existe pas, se souvient le créateur. A quoi rêve-t-on quand on n’a pas de bras ? Seule une personne concernée le sait. » C’est par l’intermédiaire de la Fondation Cirec, une ONG colombienne travaillant depuis cinquante ans à la réinsertion des personnes handicapées, qu’il rencontre Dario, 9 ans, handicapé de naissance. « Dès notre première entrevue, ce jeune garçon m’a montré des dessins de robots un peu fous avec des bras laser, se souvient-il. C’était magique, mon idée était validée. » Depuis plus d’un an, c’est donc avec Dario que le projet se construit. « Voulez-vous prêter vos Lego ? » Son master en poche, Carlos Arturo a quitté la Suède pour Chicago (Illinois), où il travaille pour IDEO, un cabinet de conseil en design. Mais il n’a pas abandonné IKO, un projet sur lequel il multiplie les collaborations internationales. Un partenariat a ainsi été noué avec l’« Escuela Colombiana de Ingenería » (Ecole colombienne d’ingénierie) pour l’aider sur le plan robotique ; un coup de pouce de la prestigieuse agence de design danoise Index lui a permis d’être coaché par un cabinet de conseil international, afin de valider son « business plan ». Enfin, avec l’aide d’une agence de communication colombienne, filiale de Publicis, il a pu présenter IKO dans différentes écoles à la rentrée scolaire 2015. « Nous avons pu mesurer l’acceptation sociale du projet, constate-t-il. A la question “voulez-vous prêter vos Lego ?”, la majorité des écoliers répondent invariablement non. En revanche, si on leur demande s’ils les prêteraient à un enfant pour construire son bras, ils sont tous partants. » Une semaine avant l’annonce du prix, Carlos Arturo expliquait qu’il ne manquait plus « que des fonds supplémentaires pour que le projet industriel se concrétise ». Mercredi, le créateur a profité de sa présence à Netexplo pour présenter la nouvelle version de son prototype, fruit des dernières séances de jeu organisées avec Dario. p l. be. économiques alternatifs crédibles aux grands groupes, dont les structures souvent lourdes et lentes doivent être repensées. Ces usages posent un autre défi aux grandes structures : les jeunes talents, adeptes de ces nouveaux modes de collaboration, ont-ils envie du lien de subordination qui définit le salariat ? La technologie « blockchain », utilisée par les lauréats ghanéen ou israélien, va même plus loin en court-circuitant les autorités centrales. Quelles peuvent en être les conséquences ? Jusqu’à présent, ce sont les institutions qui garantissent un titre de propriété : une banque centrale pour la valeur de la monnaie papier, les notaires pour les titres de propriété, les banques pour les transactions, etc. Avec la blockchain, c’est un réseau de serveurs et un protocole technologique qui remplacent l’institution. Sans entrer dans le détail technique, la conséquence est double. D’une part, certaines institutions peuvent devenir obsolètes ; d’autre part, les coûts associés à la transaction chutent, ce qui ouvre la voie à de nouveaux usages. Le projet ghanéen Bitland permet effectivement de se passer d’un notaire pour enregistrer une terre. Mais il fait surtout accéder au droit une masse de gens qui en étaient jusqu’à présent exclus, en faisant reconnaître une propriété là où ce n’était pas possible, en raison de la déficience des services étatiques et de la corruption. C’est une manière de transformer ce que l’économiste péruvien Hernando de Soto Polar appelle le « capital mort ». C’est-à-dire un capital qui n’est pas dans les statistiques et qui ne permet pas d’avoir accès au crédit ou de faire de l’escompte, faute de titre de propriété. L’enjeu est planétaire. C’est aussi un moyen, même si ce n’est pas suffisant, de donner la sécurité juridique à des millions de gens alors que les systèmes antérieurs étaient coûteux et peu performants. p propos recueillis par laure belot idées | 7 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Un plan pour sortir de l’impasse économique Quatre-vingts économistes d’instituts d’études et de recherche publics et privés signent un appel à changer de politique pour lutter contre le chômage collectif I l est possible de réenchanter l’avenir y compris en matière économique. Tel est le sens de cet appel. La gravité de la situation l’exige : nous tenons aujourd’hui à souligner ensemble en tant qu’économistes – pardelà nos sensibilités très diverses – que des alternatives crédibles existent pour sortir de l’impasse. Le chômage, la précarité, la difficulté à boucler ses fins de mois, marquent la vie de millions de nos concitoyens. Aux souffrances de la vie matérielle s’ajoutent la perte d’espérance, le sentiment que l’avenir est bouché pour notre pays et nos enfants. Les élections régionales ont, après bien d’autres, sonné l’alarme. Les causes de la désespérance sociale ne sont pas qu’économiques, mais nul espoir ne renaîtra si la donne ne change pas en la matière. Que faire ? Les partisans du libéralisme économique plaident pour réduire plus drastiquement encore la dépense publique, démanteler le droit du travail, remettre en cause la pourtant si indispensable réduction du temps de travail et diminuer le coût du travail par la compression des salaires et des prestations sociales. Cette thérapie de choc a été appliquée en Europe du Sud (Grèce, Portugal, Espagne…). Elle y a entraîné un effondrement de l’activité, une explosion du chômage et de la pauvreté. La dette publique elle-même s’est fortement accrue, la réduction du produit intérieur brut (PIB) entraînant spontanément une contraction des recettes et une hausse du rapport dette sur PIB. Les pays européens sont ainsi engagés dans une course mortifère à la compétitivité par l’austérité dont l’objectif se résume à prendre des parts de marché et des emplois aux pays voisins. Il est temps d’abandonner cette politique qui conduit à l’enlisement sans fin dans la crise. Pour répondre à l’urgence économique et sociale, redonner espoir aux classes populaires, nous proposons à nos concitoyens, aux mouvements associatifs, syndicaux et politiques, d’ouvrir un débat sur la mise en œuvre d’un plan de sortie de crise autour de trois volets. Un nouveau pacte productif à la fois écologique et social Les besoins ne manquent pas : investissements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (rénovation thermique des bâtiments, transports collectifs, énergies renouvelables…) ; construction de logements ; programmes urbains afin de mettre fin aux ghettos, de refaire mixité et égalité ; nouveau pacte social en faveur de l’éducation, de l’hôpital, de la culture, de la sécurité et de la justice ; aide aux personnes en perte d’autonomie et accueil de la petite enfance. Non délocalisables, ces activités permettraient de créer des centaines de milliers d’emplois. Autour d’elles, il est possible de retrouver le chemin d’un nouveau type de plein-emploi avec des emplois de qualité, sans discrimination selon le sexe ou l’origine. La reconstruction sur de nouvelles bases de notre économie suppose de sortir de la logique du mépris généralisé. Des chômeurs soupçonnés d’être responsables de leur situation, alors que c’est l’organisation défaillante de l’économie qui est fautive. Des pauvres suspectés d’être un fardeau social, alors que la société ne leur alloue que de faibles ressources. Des fonctionnaires accusés de n’être pas productifs, alors qu’ils contribuent au PIB IL EST TEMPS DE REMETTRE EN CAUSE CES RÈGLES NÉOLIBÉRALES QUI FONT QUE L’UNION EUROPÉENNE EST DEVENUE LE GRAND MALADE DE L’ÉCONOMIE MONDIALE et que leur production, les services publics, permet de réduire massivement les inégalités. Des travailleurs du privé accusés d’être des nantis indûment protégés par le droit du travail, alors que les conditions de travail sont de plus en plus difficiles. Cette reconstruction exige la mobilisation de l’ensemble de la société. Les services publics qui demandent à être pleinement réhabilités afin que les fonctionnaires assument mieux leurs missions d’intérêt général, de façon moins bureaucratique, en associant les usagers. L’économie sociale et solidaire, indispensable pour le développement de biens communs, pour que l’économie collaborative et du partage qui se développe ne soit pas synonyme d’« ubérisation », de précarité aggravée. Les entreprises, où les collectifs de travail, avec des salariés d’autant plus impliqués qu’ils sont respectés et reconnus, doivent être reconstruits contre les logiques financières et spéculatives qui dominent aujourd’hui la plupart des grands groupes et écrasent les soustraitants. Les cadres dirigeants, les chefs d’entreprise, souvent étranglés par les exigences des banques et des actionnaires, doivent se dissocier de la stratégie agressive du Medef pour s’inscrire pleinement dans la transition écologique et sociale. Un programme de soutien à l’activité et à l’emploi Les enquêtes auprès des entreprises le montrent, ce sont avant tout les carnets de commandes dégarnis qui bloquent l’activité, l’emploi et l’investissement. Les besoins ne manquent pourtant pas, nous venons de le voir. Afin de les satisfaire nous proposons un programme de soutien de 40 milliards d’euros par an, financé pour une part par le redéploiement de sommes consacrées au pacte de responsabilité, dont l’échec en matière d’emploi et d’investissement est patent, pour une autre part, par un recours à l’endettement, à l’instar de ce que n’ont pas hésité à faire les Etats-Unis. Les règles européennes ne permettent pas ces politiques de relance C’est le dernier volet : il est temps de remettre en cause ces règles néolibérales qui font que l’Union est devenue le grand malade de l’économie mondiale. L’excédent commercial de la zone euro s’élève à 3 % de son PIB, ce qui témoigne d’une demande interne clairement insuffisante. Cela justifie une hausse des salaires et des prestations sociales, en particulier de l’ordre ¶ de 10 % pour les bas revenus. Cette hausse devrait être plus importante dans les pays qui accumulent des excédents commerciaux excessifs (8 % du PIB en Allemagne, deux fois plus qu’en Chine). L’introduction de l’euro dans des économies hétérogènes et sans mécanismes correcteurs a conduit à des déséquilibres majeurs. L’euro est de facto sous-évalué pour l’Allemagne, surévalué pour les pays d’Europe du Sud dont la France. Les règles néolibérales actuelles demandent à ces derniers de regagner en compétitivité par la déflation interne (baisse des salaires et des dépenses publiques), ce qui alimente leur récession, et partant, limite leurs investissements et donc leurs possibilités de redressement. C’est l’inverse qu’il convient à présent de promouvoir : la hausse des dépenses dans les pays excédentaires permettrait de réduire par le haut les déséquilibres commerciaux et de juguler les pressions déflationnistes que la Banque centrale européenne ne peut contrecarrer seule. Au-delà du plan Juncker, qui n’est quasiment pas financé, un véritable plan d’investissement européen, centré sur la transition écologique et déployé de façon plus ample dans les pays en difficulté, doit enfin voir le jour. La France doit proposer cette réorientation à ses partenaires européens et notamment à l’Allemagne (laquelle vient déjà d’engager plus de 10 milliards d’euros afin d’accueillir les réfugiés). En cas de blocage, elle devra proposer aux pays qui le souhaitent (le Portugal, la Grèce mais aussi d’autres, dont l’Italie et l’Espagne, ces quatre pays représentant, avec la France, plus de 50 % du PIB de la zone euro) de s’inscrire dans un pacte de reconstruction faisant primer l’urgence économique et sociale sur les règles néolibérales. Accompagnée de mesures visant à réorganiser drastiquement les banques, à rompre avec la finance libéralisée et le dumping fiscal et social, y compris au sein même de l’Union, cette stratégie est la seule à même de refaire l’Europe. La France meurtrie a besoin d’un nouvel horizon. La sortie du sombre tunnel politique dans lequel elle est engagée ne passe pas uniquement par l’économie. Mais elle restera hors de portée si l’on s’acharne à poursuivre des politiques néolibérales qui creusent les inégalités, alimentent le désastre social. Il est temps de mettre en œuvre une politique économique alternative. p Michel Aglietta, Bruno Amable, Philippe Askenazy, Michael Assous, Philippe Batifoulier, Mathieu Beraud, Eric Berr, Fréderic Boccara, Mireille Bruyère, Gunther Capelle-Blancard, David Cayla, Virgile Chassagnon, Gabriel Colletis, Laurent Cordonnier, Benjamin Coriat, Jézabel Couppey-Soubeyran, Nathalie Coutinet, Thomas Dallery, Hervé Defalvard, Jean-Paul Domin, Ali Douai, Gérard Duménil, Cédric Durand, Anne Eydoux, Olivier Favereau, David Flacher, Anne Fretel, Jean Gadrey, Jérôme Gautié, Jérôme Gleizes, Mathilde Guergoat-Larivière, Jean-Marie Harribey, Eric Heyer, Liêm Hoang-Ngoc, Michel Husson, Sophie Jallais, Florence Jany-Catrice, Esther Jeffers, Thierry Kirat, Agnès Labrousse, Thomas Lamarche, Dany Lang, Edwin Le Héron, Philippe Légé, Jonathan Marie, Catherine Mathieu, Jérôme Maucourant, Matthieu Montalban François Morin, Léonard Moulin, Stefano Palombarini, Corinne Perraudin, Héloïse Petit, Mathieu Plane, Dominique Plihon, Jean-François Ponsot, Thomas Porcher, Nicolas Postel, Muriel Pucci, Philippe Quirion, Christophe Ramaux, Gilles Raveaud, Antoine Rebérioux, Sandra Rigot, Sandrine Rousseau, Laurence Scialom, Francisco Serranito, Richard Sobel, Henri Sterdyniak, Yamina Tadjeddine, Nadine Thevenot, Xavier Timbeau, Bruno Tinel, Hélène Tordjman, Aurélie Trouvé, Julie Valentin, Daniel Vasseur, Sébastien Villemot, Olivier Weinstein, Michaël Zemmour sont tous économistes VU D’AILLEURS | CHRONIQUE par j im al- khal il i Les pays musulmans doivent redevenir une terre de sciences L es gouvernements musulmans ont conscience du fait que la croissance économique, la puissance militaire et la sécurité nationale dépendent des avancées technologiques. Nombre d’entre eux ont considérablement accru les financements en matière de sciences et d’éducation ces dernières années. Malgré tout, aux yeux de nombreux observateurs – notamment occidentaux –, le monde musulman semble préférer se tenir à l’écart des sciences modernes. Ils n’ont pas totalement tort : les pays à majorité musulmane investissent en moyenne moins de 0,5 % de leur PIB dans la recherche et le développement (R&D), cinq fois moins que les économies développées. Ils comptent en moyenne moins de 10 scientifiques, ingénieurs et techniciens pour 1 000 habitants, contre 40 dans le monde et 140 dans les pays développés. Pire encore, si, au sein de l’Occident dit « des Lumières », un nombre fâcheusement croissant de citoyens aborde les sciences avec suspicion, voire crainte, la science se trouve confrontée à un défi unique dans certaines régions du monde musulman : elle y est considérée comme une construction occidentale laïciste, voire athéiste. Trop de musulmans ont oublié – ou n’ont jamais étudié – les brillantes contributions scientifiques apportées par les savants islamiques il y a un millier d’années. Certains auteurs islamiques de renom sont même allés jusqu’à considérer que les disciplines scientifiques telles que la cosmologie mettaient à mal le système de croyance de l’islam. D’après le philosophe musulman Osman Bakar, si la science se trouve attaquée, c’est parce qu’elle « cherche à expliquer des phénomènes naturels sans faire intervenir aucune cause spirituelle ou métaphysique, mais uniquement des causes observables ou matérielles ». Il a bien sûr raison : chercher à expliquer les phénomènes naturels sans recourir à la métaphysique, tel est précisément l’objectif de la science ! Mais il est difficile d’imaginer une meilleure définition des sciences que celle qui a été exprimée il y a presque mille ans par le savant perse et musulman du XIe siècle Abou Rehan Al-Biruni : « Il s’agit au sens général de la connaissance, qui est poursuivie uniquement par l’homme, et qui l’est pour le bien de la connaissance elle-même, car son acquisition est véritablement délicieuse et diffère des plaisirs auxquels l’homme aspire dans ses autres quêtes. Car le bien ne peut être suscité, et le mal ne peut être évité, excepté par la connaissance. » UN ÂGE D’OR À RÉINSCRIRE Fort heureusement, de plus en plus de musulmans seraient aujourd’hui d’accord avec cette définition. Beaucoup s’indignent lorsqu’on les accuse d’être culturellement et intellectuellement mal équipés sur le chemin de la compétitivité scientifique et technologique. Certains gouvernements augmentent substantiellement leur budget de R&D. Mais le simple fait d’investir de l’argent ne résoudra pas tout le problème. La compétitivité à l’échelle mondiale exige bien plus que des équipements flambant neufs. Elle exige – et c’est beaucoup plus important – de nourrir la liberté intellectuelle, le scepticisme et le courage de soulever des questions peu orthodoxes dont dépendent les progrès scientifiques. Si le monde musulman doit un jour redevenir le centre d’innovation qu’il était autrefois, il serait utile de réinscrire dans la mémoire cet « âge d’or » musulman qui s’étendit du VIIIe jusqu’à une bonne partie du XVe siècle. L’année 2021 marquera le millénaire de la publication du Traité d’optique d’Ibn Al-Haytham, l’un des textes majeurs de l’histoire des sciences. Rédigé plus de six cents ans avant la naissance d’Isaac Newton, cet ouvrage est reconnu comme l’une des plus anciennes illustrations de la méthode scientifique moderne. Parmi les plus célèbres épicentres de cette période figure la « maison de la sagesse » de Bagdad, à l’époque la plus grande bibliothèque au monde. Certes, les historiens se disputent autour de sa véritable fonction, mais ce débat est moins important que la puissance symbolique qu’exerce encore aujourd’hui cette demeure légendaire sur le monde musulman. Lorsque les chefs d’Etat du Golfe évoquent leur volonté de bâtir une nouvelle « maison de la sagesse » pour plusieurs milliards de dollars, ils ne se préoccupent pas du fait que l’édifice originel n’ait été qu’une modeste bibliothèque léguée par un vieil homme à son fils calife. Ils souhaitent simplement faire renaître l’esprit d’une libre quête de connaissance, esprit devenu absent de la culture islamique, et qu’il est urgent de ranimer. Il est important de reconnaître combien les pays musulmans pourraient contribuer à l’humanité en nourrissant à nouveau cet esprit de curiosité qui caractérise la quête scientifique – aussi bien dans le but de s’émerveiller devant une création divine que de tout simplement chercher à comprendre pourquoi les choses sont ce qu’elles sont. p Traduit de l’anglais par Martin Morel © Project Syndicate, 2016. Project-syndicate. org ¶ Jim Al-Khalili est professeur de physique théorique et dirige l’Initiative de sensibilisation du public aux sciences à l’université de Surrey (Royaume-Uni) 8 | MÉDIAS&PIXELS 0123 JEUDI 11 FÉVRIER 2016 Réflexions autour d’un site unique d’info publique Une convergence entre Franceinfo.fr et Francetvinfo.fr est envisagée Y aura-t-il prochainement une seule offre d’information publique en ligne, au lieu de la pluralité actuelle entre Francetvinfo.fr, édité par France Télévisions, et Franceinfo.fr, par Radio France ? Selon nos informations, l’hypothèse est clairement évoquée, à mesure qu’avancent les discussions relatives au projet de chaîne d’information en continu du service public. Aucune décision n’est toutefois prise à ce stade, précisent plusieurs sources. Le site de France Info a été créé en 1996 dans le prolongement de la radio d’information en continu. Il a longtemps vécu dans l’ombre de l’antenne, sans s’imposer comme une plate-forme de ré- férence. Plus récemment, il s’est repositionné comme un canal de distribution de l’antenne, notamment en vidéo. De son côté, Francetvinfo.fr est une création ex-nihilo datant de 2011, lancée pour doter France Télévisions d’un site d’information puissant. Le site s’est installé dans le peloton de tête des plates-formes d’information, avec, en 2015, plus de 7 millions de visiteurs uniques en moyenne mensuelle selon Médiamétrie. Entre les deux sites existe une sourde rivalité. France Info a mal vécu la création de Francetvinfo.fr, qui semblait lui emprunter une part de sa marque. La première revendique une légitimité historique sur l’information LCI : premier feu vert pour le gratuit « Les requérants n’étaient pas dans une situation d’urgence qui justifierait que la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel [CSA] soit suspendue. » C’est ainsi que le Conseil d’Etat a justifié, mardi 9 février, son rejet du recours en référé déposé par BFM-TV contre le passage en gratuit de la chaîne d’information LCI (groupe TF1). Celui-ci a été décidé le 17 décembre 2015, mais doit devenir effectif d’ici au 5 avril. « La concurrence de LCI ne met pas en cause l’équilibre économique de BFM-TV de façon suffisamment grave et immédiate », selon le Conseil d’Etat. De plus, le passage de LCI en gratuit « n’est pas irréversible », a-t-il souligné. En effet, BFM-TV a également déposé un recours « au fond », qui devrait être tranché au plus tard à l’automne. en continu, quand la seconde peut mettre en avant son essor rapide et son potentiel sur la vidéo. Un élément nouveau pourrait venir redistribuer les cartes : l’arrivée prochaine de la chaîne d’information du service public, annoncée pour septembre. Opérée par France Télévisions, celle-ci rassemblera des contenus issus des différents médias publics, dont France Info. Outre un probable canal TNT, la chaîne sera diffusée, de façon linéaire et délinéarisée, sur le site Francetvinfo.fr. Un pas supplémentaire Le site de France Télévisions diffusera donc pour partie des contenus estampillés France Info. Les deux sites seront naturellement conduits à collaborer davantage : Francetvinfo.fr pourrait ainsi renvoyer du trafic à FranceInfo.fr, comme aux autres partenaires du projet (France 24, l’INA…) Dès lors, pourquoi ne pas franchir un pas supplémentaire et envisager une convergence de ces deux offres en ligne qui prétendent incarner l’information de service public ? « Ce serait une erreur industrielle majeure et grave » de ne pas l’envisager, justifie un proche du dossier. La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, était al- L’arrivée, prévue pour septembre, de la chaîne publique d’information en continu pourrait redistribuer les cartes lée en ce sens lors de son passage au « Club de l’économie » du Monde, le 20 janvier. « Si on n’avait pas créé cette chaîne d’information, Radio France aurait fait des développements sur le numérique, et France Télévisions aurait fait de même, expliquait-elle. Là, on va le faire ensemble. Ce qui m’importe, c’est que l’on soit concrètement plus efficaces, donc plus forts ensemble mais aussi plus économes de l’argent public. » Cette vision a une histoire. De Bercy à la Rue de Valois, certains plaident de longue date pour que l’audiovisuel public rassemble ses forces sur le numérique, où la convergence des formats gomme les frontières entre médias (Francetvinfo.fr produit des textes, Franceinfo.fr de la vidéo…). François Hollande lui-même y avait fait allusion lors d’un discours prononcé à la Maison de la radio, en décembre 2013. Parmi les avocats d’une telle convergence figure par exemple Louis-Cyrille Trébuchet, un polytechnicien passé par Radio France et dont le cabinet de conseil, LCT, collabore avec France Télévisions sur le volet technique du projet de chaîne d’information. Pour le compte de Terra Nova, un think tank proche du Parti socialiste, M. Trébuchet a corédigé en 2015 un rapport qui qualifiait le numérique public d’« offre fragmentée, cloisonnée, parfois redondante et confuse », identifiant « des services qui se concurrencent, des infrastructures techniques complexes et hétérogènes ». Les auteurs de la note appelaient à développer une vision « intégrée et ambitieuse » de l’offre numérique grâce à « la coordination des actions et à la mutualisation des ressources ». Pour certains, le projet de chaîne d’information doit être un catalyseur de cette évolution. Les dirigeants de l’audiovisuel public sont invités à travailler ensemble et échangent désormais au sein d’un comité stratégique créé en octobre 2015 sous l’égide du ministère de la culture. Reste que si l’idée de rationaliser l’offre publique d’information est Un rapport de 2015 pour Terra Nova qualifiait le numérique public d’ offre « parfois redondante et confuse » séduisante, les difficultés concrètes sont importantes, de l’architecture technique à l’organisation, en passant par la compréhension par le public. Les dirigeants de l’audiovisuel public semblent partagés entre la tentation de saisir un moment propice aux avancées et la volonté de ne pas compliquer un projet de chaîne d’information au calendrier déjà serré. Un élément sera déterminant : la marque de la nouvelle chaîne d’information, actuellement très discutée. Deux options semblent aujourd’hui sur la table : décliner la marque France Info, ou créer une marque entièrement nouvelle. Selon ce choix, l’urgence à modifier la structuration actuelle sur le Web sera plus ou moins grande. p alexis delcambre Facebook tancé par les régulateurs français D I VERT I SS EMEN T MÉD I AS Le bénéfice de Viacom s’érode nettement La CNIL et la DGCCRF mettent le réseau social en demeure de modifier certaines de ses pratiques Le marché français du jeu vidéo croît à nouveau Le marché français du jeu vidéo est en croissance pour la deuxième année consécutive. Son chiffre d’affaires s’élèverait à 2,87 milliards d’euros en 2015, soit 5,5 % de plus qu’en 2014, selon l’étude publiée mardi 9 février par le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL). Après un pic en 2008, le marché en France avait atteint un plus bas à 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013. M auvais karma pour Facebook. Après une énorme déconvenue en Inde, où il va être obligé d’arrêter son offre d’accès Internet low cost, appelée Free Basics, le réseau social américain vient coup sur coup d’être épinglé en France par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la DGCCRF, chargée de la répression des fraudes. Après plusieurs mois d’enquêtes, la CNIL, qui avait lancé en 2015 une action conjointe avec quatre autres autorités en Europe, dont les Pays-Bas et la Belgique, a donné trois mois au réseau social pour se conformer aux lois françaises sur la protection des données personnelles. A l’issue de cette période, elle pourrait prononcer jusqu’à 150 000 euros d’amende. Une sanction légère en termes de montant, mais très dommageable pour la réputation de l’entreprise. Cette amende pourrait être d’ailleurs revue à la hausse en fonction du moment où elle serait décidée. En effet, la loi pour une « république numérique », qui sera discutée au printemps au Sénat, s’apprête à renforcer l’arsenal des sanctions dont dispose la CNIL, en portant leur montant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires total de l’entreprise concernée. La CNIL a adressé de nombreux reproches à Facebook. Le réseau social est accusé de suivre les internautes à leur insu, même lorsqu’ils ne sont pas inscrits sur le site, dès lors qu’ils naviguent sur des pages contenant le bouton « J’aime » ou « Se connecter ». Sans s’exprimer officiellement, Facebook considère qu’il s’agit là de pratiques généralisées sur Internet, l’ensemble des sites Web utilisant des cookies, ces programmes informatiques qui tracent l’internaute, pour collecter de l’information. Autre grief : Facebook rassemble « des informations relatives aux opinions politiques et religieuses des internautes, ainsi qu’à leur orientation sexuelle ». Là aussi, le site de Mark Zuckerberg estime qu’il s’agit seulement d’options. Enfin, la CNIL reproche au réseau social de combiner un tas d’informations personnelles collectées sur le réseau ou ailleurs sur le Web, sans permettre à l’internaute de s’y opposer. De son côté, Facebook pense informer correctement l’internaute sur ses pratiques. Plus étonnant, la CNIL réprouve aussi l’utilisation par Facebook du Safe Harbor, cet accord transatlantique de transfert de données personnelles aux Etats-Unis, qui avait été dénoncé le 6 octobre 2015 par la Cour européenne de justice. Or, la CNIL s’était jusque-là montrée clémente envers les entreprises recourant à ce régime juridique, en leur accordant un délai, le temps que soit négocié un nouvel accord. Les Etats-Unis et l’Europe se sont ainsi entendus sur une nouvelle mouture du texte le 2 février, et se sont donné trois mois pour en peaufiner les contours. Facebook, qui assure avoir trouvé des alternatives au Safe Harbor, est donc la première société en Europe à être mise en demeure sur le sujet. A la CNIL, on indique que d’autres plaintes relatives au Safe Harbor sont en cours d’instruction. Facebook se sent irlandais Face à ce réquisitoire, Facebook s’est contenté de dire qu’il « respectait la vie privée » et qu’il prendrait « contact avec la CNIL pour discuter de l’ensemble de ces points ». En réalité, le réseau social pense dépendre des autorités de régulation irlandaise, où il a installé son siège social. En parallèle, la DGCCRF a elle aussi émis son lot de griefs. Les services anti-fraude avaient lancé une enquête sur Facebook, à la suite de la publication d’un rapport sur les réseaux sociaux par la Commission des clauses abusives, une entité sous la tutelle de Bercy. Selon la DGCCRF, le site s’arroge indûment le pouvoir de retirer des contenus des internautes de manière « discrétionnaire ». Il peut aussi modifier unilatéralement ses conditions d’utilisation, et résilier ou modifier son système de paiement sans en informer l’utilisateur. Facebook a deux mois pour se conformer aux injonctions de la DGCCRF. Après cette date, les services de Bercy pourront lui infliger une amende de 15 000 euros, mais surtout saisir un juge qui pourra lui imposer des astreintes. Facebook s’est dit « déçu que la DGCCRF ait choisi de faire cette annonce. Nous étions engagés dans un dialo- gue avec ses représentants pour répondre aux points soulevés. Nous espérons pouvoir poursuivre ces discussions », dit une porte-parole. A Bercy, on assure avoir envoyé une pré-injonction à Facebook et lui avoir laissé le temps de modifier ses pratiques, ce que le réseau n’a pas fait. p sandrine cassini Au premier trimestre de l’exercice entamé début octobre, le bénéfice net du groupe américain de médias Viacom, dont le patriarche Sumner Redstone vient de passer la main, a chuté de 10,2 %, à 449 millions de dollars (398 millions d’euros), et son chiffre d’affaires a reculé de 5,6 %, à 3,15 milliards de dollars. Des résultats mal accueillis en Bourse, où l’action Viacom dévissait de 21,48 % mardi 9 février à New York. 'DC N ",+&&BC (' CIBC )' FB# G'BC "B# G'E!'CCE' (' GEMD'EA'E ",'JA#EIJJ'!'JC5 <,+#""'BED. #" GE#A#"M%#' "'D !+EFB'D FB# )I!!BJ#FB'JC DBE "'BE 'J%+%'!'JC MC$#FB'5 >$E#DCIG$' G'JD' FB,KCE' )EM+C#&. ),'DC +BDD# (IJJ'E (B D'JD N D+ )IJDI!!+C#IJ5 1# AIBD G'JD'= )I!!' "B#. AIBD &+#C'D G+EC#' ('D -H !#""#IJD (' >E'+C#A' 8'+('ED 'J :E+J)'5 >473420;7;601︱@0090/<;1︱>461477@0946 Les Creative Leaders redéinissent l’inluence <M)IBAE'=?"'D DBE >E'+C#A'8'+('ED573B*"#)#C'5&E universités &grandes écoles ILLUSTRATIONS ALE + ALE Les formations courtes recherchées par les entreprises Pour les bac +2 et bac +3, le marché de l’emploi est rassurant. Avec des possibilités d’évolution en interne D es voix s’élèvent pour souligner la pression sociale qui s’exerce en faveur des études longues, au détriment des formations courtes. Il faudrait donc atteindre un niveau bac +5 pour réussir honorablement sa vie professionnelle… Résultat : une majorité des diplômés des formations courtes – brevets de technicien supérieur (BTS), diplômes universitaires de technologie (DUT) en deux ans, licences professionnelles ou bachelors en trois ou en quatre ans – prolongent leurs études. Est-ce que les formations courtes mènent difficilement vers un emploi ? Non. D’après la plus récente enquête du ministère de l’enseignement supérieur, 92 % des titulaires d’une licence professionnelle travaillent trente mois après l’avoir décrochée. Pour les DUT, ce taux est de 88 %. Avec même le plein-emploi qui leur est garanti dans les secteurs de la santé et du social. Au total, selon l’Insee, seulement 5,6 % des professions intermédiaires (de technicien à assimilé cadre) sont au chômage. Les spécialistes notent même une importante demande, voire des pénuries, dans les métiers techniques, ainsi que dans la banque et dans les assurances, à ce niveau de formation. Horizon souriant Les emplois difficilement pourvus expliquent en partie l’essor des licences professionnelles, quasiment gratuites à l’université, et des bachelors dans les écoles de commerce privées, au coût de 4 000 à 8 000 euros par an. Les écoles d’ingénieurs se sont mises, elles aussi, à proposer des ba- chelors, à l’instar de l’Ecole des arts et métiers ou, bientôt, de Polytechnique. Les spécialisations sont conçues en liens avec les entreprises en fonction de leurs attentes, et garantissent donc des débouchés. De leur côté, les responsables des DUT ou des BTS s’efforcent, eux aussi, de répondre au plus près aux besoins des entreprises de leur région. Les professions intermédiaires sont donc recherchées. Certes, à l’embauche, les salaires sont moins élevés que pour un bac +5. Mais, selon la dernière enquête de l’IFOP pour Cadremploi, 48 % des cadres actuels (dont un tiers de femmes) le sont devenus par promotion interne ou à l’occasion d’un changement d’entreprise. Pour les formations courtes, l’horizon est donc, en général, souriant. Qu’on se le dise ! p martine jacot des perspectives d’emploi à bac +2 et à bac +3 Les DUT, les BTS et les bachelors affichent de très bonnes performances sur le plan de l’insertion professionnelle. PA G E 2 la licence pro, un pari gagnant De la conception des programmes au placement des stagiaires, ce cursus universitaire tisse des liens étroits avec le tissu économique local. PA G E 8 "( !+,)( *'(,) $,( -$%'( )#!(,&#+, "Nos étudiants veulent comprendre le monde pour s'engager et le changer" Antoine SFEIR - Président de L'ILERI UN PARCOURS D’EXCELLENCE À L’ INTERNATIONAL • Bachelor en Relations internationales (en 3 ans) • Master en Relations internationales (en 2 ans), Semestre optionnel dans une université partenaire à l’étranger - M2 mention Études internationales et européennes, spécialité sécurité internationale et défense. C O D N E C > v RN > j OU en I eu R dr ÈR di S ed E s1 D i1 S 7 m ’E 5 a PO ar NT vril se R t 2 ÉE 6m 2 ai 01 6 En partenariat avec l’Université Pierre Mendès France - Grenoble II, diplôme d’État www.ileri.fr 7 - 11 Avenue des Chasseurs 75017 Paris - FRANCE +33 (0)1 40 53 00 44 - M2 en Intelligence Économique, spécialité management de l’information stratégique. En partenariat avec l’IAE de Poitiers, diplôme d’État • Cours du soir et école d’été : séminaires de formation d’adultes (professionnels, étudiants, seniors) afin de mieux comprendre l’actualité géopolitique UNE FORMATION UNIQUE, DES DÉBOUCHÉS MULTIPLES Organisations internationales, ministères, diplomatie, institutions européennes, ONG, entreprises internationales, secteur de la défense, cabinets conseil, journalisme, collectivités locales et territoriales… ILERI Paris, l'école référente des relations internationales depuis 1948 Cahier du « Monde » No 22106 daté Jeudi 11 février 2016 - Ne peut être vendu séparément 2| UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES | Formations courtes Bac +2, bac +3 L’autre chemin vers la réussite BTS, DUT, licences pro, bachelor… Certaines formations courtes affichent de très bons taux d’insertion professionnelle. Et l’ouverture internationale de ces cursus constitue un atout supplémentaire Bachelor et BBA Admission post-Bac, Bac+2, Bac+3 4 rue Bisson, Nantes Tél : 02.40.44.42.30 [email protected] www.ecoleatlantique.com 0123 Jeudi 11 février 2016 L es formations de niveau master, à l’université comme dans les grandes écoles, occupent depuis longtemps le devant de la scène. Pour nombre d’étudiants, décrocher un diplôme à bac +5 constitue le but ultime, le couronnement d’un parcours réussi et le sésame pour accéder à l’emploi. Mais l’hégémonie des filières longues semble se fissurer. Des formations dites « courtes » peuvent, elles aussi, offrir une bonne insertion. Le succès des licences pro et l’irruption récente du bachelor montrent que les choses évoluent. Deux facteurs, notamment, peuvent jouer. D’abord, la crise : la montée du chômage pousse les étudiants à se préoccuper davantage des débouchés à l’issue de leur cursus. Et à se tourner vers les filières qui assurent un emploi. Or, dans ce domaine, certaines formations courtes affichent des performances très honorables. Selon la dernière enquête du ministère de l’éducation, 92 % des titulaires d’une licence pro ont un emploi trente mois après leur diplôme. Pour les diplômes universitaires de technologie (DUT), le taux est de 88 %. « Les entreprises ont toujours eu d’importants besoins de compétences à bac +2 et à bac +3. Certains métiers sont en pénurie, observe Sophie LengrandJacoulet, directrice de l’IUT d’Aix-Marseille, l’un des plus importants de France, avec ses 5 600 étudiants répartis dans 23 départements. Pour nos licences pro, dans le tertiaire comme dans l’industrie, le taux d’insertion oscille entre 85 % et 90 % dès la sortie. Ce sont des profils très appréciés des recruteurs. » Même constat pour Frédéric Toumazet, vice-président à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée : « Notre offre très large de licences pro répond bien aux attentes des employeurs. Nos diplômés sont très demandés par les entreprises. » La crise incite aussi les familles à se poser la question du coût des études. Et à arbitrer en faveur de filières courtes, moins onéreuses. Un choix qui permet de gagner aussi sur un autre tableau : le jeune est rémunéré une ou deux années (voire trois) plus tôt qu’avec un master. Au final, la différence est loin d’être négligeable. Autre facteur d’évolution, l’ouverture internationale. Nombre d’étudiants observent la façon dont s’organisent les études à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons. Ils constatent que beaucoup de jeunes y entrent dans la vie active avec un bachelor (l’équivalent d’une licence, mais avec un contenu plus « pratique » qu’en France), quitte à reprendre ensuite leurs études. Ce modèle fait son chemin dans l’Hexagone. Car la perspective, après le bac, de s’engager dans un cursus de cinq ou six ans, sans accès assuré à un emploi, décourage nombre de jeunes, même brillants. « Beaucoup préfèrent se fixer un objectif moins lointain, quitte à prolonger après une première étape à bac +3 », note Denis Boissin, directeur des bachelors de Skema Business School. Bien sûr, certains voient dans ces formations courtes un moyen de contourner les classes préparatoires. Les deux stratégies ne sont pas incompatibles. En conséquence, nombre de responsables académiques réfléchissent au développement de formations courtes. La Conférence des grandes écoles a monté un groupe de travail sur la question. « Les entreprises manquent de cadres de niveau in- termédiaire, constate Arnaud Poitou, directeur de Centrale-Nantes et responsable de ce groupe. Comment répondre à ce besoin ? Faut-il former, par exemple, des assistants ingénieurs ? Et comment positionner nos écoles sur un marché international de l’enseignement supérieur en forte croissance ? Le bachelor doit-il être la première étape d’une formation d’excellence ? A nous de proposer aux étudiants, partout dans le monde, des cursus qu’ils comprennent. En Afrique anglophone, par exemple, le modèle prépa-grande école est incompréhensible. » C’est dans cette optique que les Arts et métiers ParisTech ont lancé récemment, avec plusieurs IUT, un bachelor destiné à des profils techniques (bacheliers STI2D). Quant aux écoles de commerce, leur offre de bachelors ne cesse de s’étoffer. Les universités travaillent, elles aussi, sur les filières courtes. Elles sont conscientes que les entreprises ne trouvent pas assez de candidats titulaires d’un DUT, la plupart d’entre eux préférant prolonger leurs études. « Même dans les licences générales, nous devons aider nos étudiants à acquérir des compétences professionnelles, indique Achille Braquelaire, vice-président formation et vie universitaire à l’université de Bordeaux. Et nous essayons de les convaincre que le bac +5 n’est pas la seule voie de réussite. » Chargé d’études au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), Boris Ménard tempère cependant le diagnostic : « Pour l’heure, la primauté du bac +5 n’est guère remise en cause. Certes, il existe des emplois de niveau intermédiaire, mais les perspectives de carrière y sont limitées. Un La perspective de s’engager dans un cursus de cinq ou six ans, sans accès assuré à un emploi, décourage nombre de jeunes, même brillants titulaire d’un BTS a peu de chances d’accéder à un poste de cadre. Le plus souvent, les employeurs préfèrent miser sur les profils les plus qualifiés. » En outre, l’insertion ne dépend pas seulement de la durée des études et du niveau de sortie, mais aussi de la spécialité de formation. « Aux niveaux bac +2 ou bac +3, la filière santé et social tire toujours son épingle du jeu avec seulement 2 % de chômeurs trois ans après le diplôme », relève une note récente du Cereq. Et, surtout, les stages et la proximité avec les entreprises durant le cursus restent un facteur majeur d’accès à l’emploi. Certaines tendances de fond pourraient pourtant améliorer encore le penchant pour les formations courtes : le fort développement des emplois de services, la hausse des niveaux de compétences dans les technologies de l’information et l’industrie en général, l’essor de l’autoentrepreneuriat… Mais tout cela ne donne guère d’indications sur les choix les plus judicieux en matière de formation initiale. « Ce qui est certain, c’est que les entreprises n’ont pas besoin de cadres supérieurs partout », souligne Sophie Lengrand-Jacoulet. De son côté, Arnaud Poitou pose la question clé : « Est-il vraiment nécessaire d’allonger sans cesse la durée des études ? » p jean-claude lewandowski Formations courtes | 0123 Jeudi 11 février 2016 UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES |3 Jusqu’à 90 % de jeunes issus des filières pro ont un emploi TAUX D’INSERTION PROFESSIONNELLE DIX-HUIT MOIS APRÈS L’OBTENTION DU DIPLÔME EN 2012 DUT 82 Droit, économie, gestion Entre Lens et Nîmes, les conseillers d’orientation constatent des besoins différents, mais une même attirance des lycéens pour les BTS ou les DUT 80 Sciences humaines et sociales 83 Sciences, technologie, santé Licence professionnelle 90 Droit, économie, gestion 79 Lettres, langues, arts 82 Sciences humaines et sociales 89 Sciences, technologie, santé BTS* 58 Dont mines, carrières, génie civil, topographie 72 Dont génie civil, construction, bois 66 Dont transformations chimiques 65 Dont santé Dont finance, banque, assurance Dont spécialités sanitaires et sociales 80 71 69 *Taux d’insertion en 2014 des jeunes diplômés au cours de l’année scolaire 2012-2013 SOURCES : MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE, ONISEP « Des pénuries dans les métiers techniques » | Les jeunes issus de formations courtes sont aussi très recherchés dans la banque ou dans les assurances, comme le note un spécialiste du recrutement A Y a-t-il un regain d’intérêt des recruteurs pour les bac +2 ou bac +3 ? Un certain nombre d’entreprises préfèrent recruter des diplômés à bac +2 ou bac +3 qu’elles pourront former et faire évoluer, plutôt que des titulaires de master qui auront de fortes exigences de salaire, de poste et d’évolution. Mais ce mouvement est loin d’être général. Traditionnellement, en France, les bac +2 ou bac +3 sont moins valorisés – en particulier lorsqu’il s’agit de formations techniques. Beaucoup de jeunes sont dirigés vers des programmes courts par défaut, parce qu’ils n’ont pas le niveau pour aller jusqu’au master. En outre, il existe une volonté politique d’orienter le plus d’étudiants possible vers des filières générales. C’est un problème culturel. On observe un double mouvement. D’un côté, les entreprises ont tendance à accroître leurs attentes en termes de niveau de compétences. Mais dans le même temps, soucieuses de limiter leur masse salariale, elles se tournent vers des profils moins diplômés. Dans quels secteurs constate-t-on le plus de besoins ? Il existe d’importants besoins dans la plupart des métiers techniques, dans la production ou la maintenance, notamment. L’industrie peine à y recruter. Il y a peu de candidats, en raison d’un manque de vocations. La banque et les assurances recrutent aussi beaucoup à bac +2 et +3. Va-t-on vers des pénuries de compétences à ce degré de formation ? C’est déjà le cas. D’autant que beaucoup d’entreprises, du fait de leur pyramide des âges, vont être confrontées à de nombreux départs en retraite. Dans « Se créer son marché » Cependant, pour Patrick Méjean, il n’est pas toujours bon d’élaborer des stratégies uniquement en fonction d’un recrutement supposé : « Chaque année, on apprend que tel BTS ou tel DUT va beaucoup recruter. Les jeunes s’y précipitent et cela crée un taux de pression tel qu’il devient plus difficile d’y entrer et que des places se libèrent dans d’autres formations sélectives. » Dans l’orientation entre aussi en jeu la mobilité des lycéens, faible dans le bassin minier, plus importante à Nîmes. La culture régionale influe aussi. Jean-Pierre Renard regrette qu’à Lens les lycéens soient marqués par les fermetures d’usines très médiatisées. Résultat, « les formations industrielles sont délaissées, constate-t-il, alors que nous avons des PME et PMI prêtes à recruter des chaudronniers ou des DUT en génie mécanique, ou encore en mesures physiques ». De son côté, Patrick Méjean déplore le manque d’ambition de certains lycéens dans le secteur, en difficulté, de son CIO, une des zones à urbaniser en priorité (ZUP) de Nîmes. Parfois, il parvient à faire émerger un projet de BTS en informatique à partir d’une passion pour les jeux vidéo. Bien sûr, ceux qui ont une véritable idée de ce qu’ils veulent faire ont de meilleures chances de réussir. Et pour les cursus qui pourraient paraître trop ambitieux (BTS en arts appliqués, formation en design industriel, image ou son, par exemple), il conseille de « se créer le marché soi-même ». Il prend l’exemple d’une étudiante en arts appliqués devenue ferronnière d’art. Enfin, certaines formations gagnent à être complétées, estime-t-il, quitte à prolonger ses études par une spécialisation. p pauline sauthier D2F ;8="8*AA$ (37G?$77 ) A*?&"$A$?6 /4+ entretien ntoine Lecoq est directeur exécutif de Page Personnel, cabinet de recrutement et d’intérim. Pour choisir leur voie, les lycéens semblent assez bien informés sur les secteurs qui recrutent. A Lens, par exemple, « les BTS “gestion des entreprises et administrations” et les DUT en commerce sont en vogue », explique Jean-Pierre Renard, directeur du CIO. Les formations portant sur les services à la personne, le social ou le paramédical (BTS esthétique-cosmétique, DUT génie biologique), très demandées, sont peu nombreuses dans l’ancien bassin minier. Mais ceux qui y entrent ont des chances de trouver un emploi. A Nîmes, les futurs étudiants sont attirés par les mêmes formations, mais d’autres secteurs comme le BTP, le tourisme ou l’agriculture emploient aussi des diplômés de BTS ou de DUT. certains secteurs, il y a donc un problème de transmission des connaissances. Quels profils les entreprises recherchent-elles aujourd’hui ? Elles recherchent des candidats qui seront opérationnels rapidement. Elles apprécient les jeunes diplômés qui ont déjà mis un pied dans l’entreprise, par le biais des stages ou celui de l’alternance. Et elles sont prêtes à investir sur leur formation. Mais si les entreprises veulent des diplômés à bac +2 ou bac +3, pourquoi ne les rémunèrent-elles pas mieux ? Il existe, en effet, un net écart de salaire entre diplômés à bac +3 et titulaires d’un master. Il est lié au niveau du poste. C’est un problème, car cela dissuade beaucoup de jeunes de choisir les formations courtes, ce qui entretient la pénurie de compétences. De plus, leur évolution professionnelle est souvent plus lente que celle des bac +5. Dans les métiers techniques, il n’y a pas toujours de passerelle vers des postes plus qualifiés. Alors que les commerciaux, eux, ont souvent accès à des progressions de carrière basées sur leurs résultats. Mais la sortie à bac +3 offre aussi des avantages : on gagne sa vie plus tôt, on a moins d’années d’études à financer. Existe-t-il un « plafond de verre » entre le niveau bac +3 et bac +5 ? A bac +3, il peut être difficile et long d’accéder à un poste d’encadrement. La France attache encore beaucoup d’importance au diplôme initial. Sur ce point, les mentalités n’évoluent guère… Faut-il alors prolonger ses études ? Il faut le faire à bon escient, en s’attachant à son objectif professionnel. S’il n’est pas bien identifié, mieux vaut entrer dans la vie active et décider ensuite s’il faut vraiment reprendre ses études. p propos recueillis par j.-c. l. 62 /.0".)33# 7220()2+ #2 &!$ )2,- $1 %*.,*, /0,,7'4#,5 ;=38 %=??$8 %$ B'*1$?G8 H 1=68$ *1$?G8: D2F:<&@! 0E! -95># ,9.52:C 8+91 0.#) 6# 534$#1 Filière services 59 Q ue ce soit à Lens (Pasde-Calais) ou à Nîmes, les conseillers d’orientation-psychologues (COP) rencontrent de nombreux lycéens qui envisagent des formations courtes en vue d’un BTS, d’un DUT ou d’une licence professionnelle. Un des grands changements observés ces dernières années par Patrick Méjean, directeur du centre d’information et d’orientation (CIO) de Nîmes-Ouest, est justement l’importance prise par la licence professionnelle : « On parle de moins en moins aux lycéens de bac +2 et de plus en plus de bac +2 +1, pour ne pas les effrayer en disant bac +3 », explique-t-il. Pour lui, la licence professionnelle est une bonne voie pour ceux qui veulent avoir un profil plus généraliste qu’après un BTS, très spécialisé, ou un DUT. « Cela vaut pour de futurs managers mais aussi pour le jeune qui découvre une innovation technique et va devoir, pour la valoriser, en parler avec d’autres personnes occupant d’autres fonctions dans l’entreprise », souligne-t-il. A ses yeux, choisir une licence professionnelle, c’est aussi s’adapter aux conventions collectives des entreprises, de plus en plus calquées sur la réforme licencemaster-doctorat (LMD). 7 Filière production Des différences régionales $0")! # /%"-+01. # ()((+ # (,%& # '%&2$+(()+" # &0&2+! # !2"0!/%1"* # 2%1(%1!+ '''12*#1$+!(/ % &/)20 , -+.#+)//&%(/"2*#1$+ <-('6:..#5#4- $%#4.#:!4#5#4- .,2?/:#,/ 2/:*?1 "#--# ?&36# #.- 5#5'/# $# 4| UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES | Formations courtes 0123 Jeudi 11 février 2016 Bachelor Les raisons d’un succès Des labels pour mieux choisir On compte plus d’une centaine de ces formations à bac +3 dans les écoles. Chez les étudiants comme du côté des recruteurs, elles suscitent un engouement croissant Passage en revue des critères qui garantissent la qualité d’un bachelor L a plupart des écoles de commerce et de gestion l’ont adopté, plusieurs écoles d’ingénieurs s’y mettent, d’autres filières s’y intéressent aussi. En quelques années, le bachelor a conquis une place de choix dans l’enseignement supérieur français. On dénombre aujourd’hui plusieurs centaines de ces bachelors. Et ce n’est sans doute qu’un début. Les raisons ne manquent pas, qui expliquent cette ascension fulgurante. Pour les étudiants, le bachelor vient pallier les lacunes de l’offre traditionnelle des écoles. Jusqu’à une date récente, en effet, celles-ci n’offraient pas de sortie vers l’emploi à bac +3 ou à bac +4. C’est chose faite avec le bachelor. De plus, à la sortie de ce cursus, les diplômés ont le choix. Ils peuvent entrer dans la vie active – quitte à reprendre leurs études plus tard, par exemple en mastère spécialisé ou en MBA – ou, cas le plus fréquent après un bac +3, enchaîner sur un cycle « grande école », voire un master universitaire. « Le bachelor offre une troisième voie à ceux qui ne sont attirés ni par la fac ni par le cursus prépa-grande école. Il leur permet de construire leur parcours par étapes », indique Claire Souvigné, directrice des bachelors à l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) de Paris. Les élèves y bénéficient des points forts traditionnels d’une grande école : travail en petits groupes, suivi personnalisé, proximité avec les entreprises – mais avec un enseignement très concret et des possibilités d’entrée rapide dans la vie professionnelle. Le bachelor bénéficie en outre d’une grande souplesse : cursus en trois ou en quatre ans, en français ou en anglais, parcours à la carte, modalités variées – en alternance à Sup de Co Montpellier, à l’Inseec ou à l’Institut supérieur des scien- A la sortie de ce cursus, les diplômés ont le choix : entrer dans la vie active ou enchaîner sur un cycle « grande école », voire un master universitaire ces, techniques et économie commerciales (Istec) de Paris, en validation des acquis de l’expérience à Grenoble Ecole de management, etc. –, niveaux d’entrée divers (après le bac, à bac +1 ou bac +2). Il existe même des bachelors spécialisés (en entrepreneuriat à l’Institut de formation aux affaires et à la gestion (IFAG) de Paris, en design ou en tourisme à l’ESC Troyes, ou en management du commerce de détail à Neoma Business School). Les recruteurs ont aussi de bonnes raisons d’apprécier le bachelor. Il répond à leurs deux attentes prioritaires : trouver des candidats rapidement opérationnels gc, erce in e o l r o r m eL e com r alle h c a Le b coles d ous pou des é hes de v proc direct après le Bac ! ance n Fr tout e par l’État r s a u p p cam nal onnu c o 9 i e t 2 r a • tern 3 ans n i ’ n l e à s nce e cursu i r n é U p • ne ex u t n ois ive m v 6 s % e • 100 ans l d i o l emp n més e ô l p % i 3 •9 000 d 1 2 e eau d s é r • Un c.fr g e r elo h c a .b www sur : tions a m r d’info plus B ur AP n iptio Inscr s ectes r i d s et ouverts sur l’international. L’enseignement met en effet l’accent sur la pratique et la vie réelle de l’entreprise, avec une large place accordée aux stages – souvent d’une durée d’environ douze mois en tout. Quant à la dimension internationale, elle est très présente dans tous les bachelors : cours en anglais, apprentissage d’une troisième langue, échanges avec des universités étrangères (avec souvent un double diplôme à la clé), parcours sur trois continents, par exemple. Cette ouverture sur le monde est encore plus prononcée pour les cursus en quatre ans, dits « bachelors internationaux », comme ceux de Skema Business School, de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec, Cergy-Pontoise) ou de l’Edhec Business School de Roubaix. « Nos diplômés ont une vraie compétence, et ils font preuve d’humilité. Résultat, ils sont souvent recrutés sur des postes à responsabilités », assure Denis Boissin, directeur des bachelors de Skema. « Et l’écart de salaire est souvent limité avec le niveau master, car les entreprises ont tendance à freiner sur les bac +5 », ajoute Claire Souvigné. Les écoles trouvent leur compte dans cette expansion du bachelor. Confrontées à une baisse drastique de leurs revenus, beaucoup voient dans ce programme un moyen de toucher un nouveau public – celui des bacheliers et celui des étudiants étrangers – et d’accéder ainsi à de nouvelles ressources. « Le bachelor n’est pas la poule aux œufs d’or que certains imaginent, tempère M. Boissin. C’est un cursus qui réclame un accompagnement de haut niveau, même si des économies d’échelle sont possibles. » Autant d’éléments qui plaident en faveur d’une poursuite de la croissance du bachelor. Plusieurs écoles de commerce prévoient d’élargir leur gamme de « Ba » et d’augmenter leurs effectifs. Quelquesunes, encore absentes de ce marché, n’excluent pas de se lancer. Des écoles d’ingénieurs proposent, elles aussi, des bachelors. A la suite des Arts et métiers ParisTech, qui ont lancé leur bachelor en 2014, Centrale Nantes testera, à la rentrée, un « Ba d’ingénierie » à l’île Maurice, par exemple. Ailleurs, Sciences Po et plusieurs écoles de design pourraient aussi ouvrir le leur. Reste que le niveau est très inégal entre les différents bachelors, qui sont peu contrôlés. Seuls quelques-uns possèdent le visa du ministère de l’éducation. Si le contenu et l’architecture du programme sont des critères importants, la réputation de l’école est aussi un élément à prendre en compte. Tout comme le prix… p Visa de l’Etat A travers ce visa, le ministère de l’enseignement supérieur valide le contenu de la formation, son corps professoral et l’insertion professionnelle. « Toutes les conditions sont alors réunies pour que la formation se passe bien », affirme Jean-François Fiorina, directeur-adjoint de Grenoble Ecole de management. Cette validation n’est accessible qu’aux écoles reconnues par l’Etat. Mais certaines jouent sur les mots : elles peuvent être reconnues, mais ne pas avoir obtenu de visa pour le bachelor… Pourquoi ce label est-il crucial ? « Avec un bachelor agréé par l’Etat, on peut envisager un master et obtenir des équivalences avec d’autres diplômes, français ou étrangers », explique Charlotte Fradet, responsable du concours Ecricome Bachelor. Appartenance à la CGE Si l’école fait partie de la Conférence des grandes écoles (CGE), c’est qu’elle a été reconnue par l’Etat et respecte un certain niveau d’exigences, dans la pédagogie et l’accompagnement des étudiants notamment. Autre avantage, la formation offrira les atouts des grandes écoles, comme le note Mme Fradet : « Les élèves bénéficieront du réseau d’entreprises, des professeurs et du rayonnement de l’école. » RNCP Le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) est une autre forme de reconnaissance par l’Etat. « Mais ce n’est pas le même niveau de reconnaissance que le visa », avertit M. Fiorina. Il garantit le degré de qualification d’un diplôme à finalité professionnelle, mais pas sa teneur académique. Donc pour les titulaires d’un bachelor sans visa de l’Etat, il ne garantit pas le droit de continuer en master, ni les équivalences. Equis, AACSB, AMBA Les labels internationaux permettent aux écoles d’afficher un certain niveau de qualité, d’accroître leur notoriété et de grimper dans les classements. On en compte trois principaux : l’européen Equis (European Quality Improvement System), l’américain AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) et l’AMBA (Association of Masters of Business Administration) d’origine britannique et axé sur les MBA. Une dizaine d’écoles en France ont décroché ces trois labels. Le label EPAS (pour EFMD Programme Accreditation System) valide une formation. « Pour les étudiants, ces labels offrent l’assurance que l’école est internationale et qu’ils peuvent poursuivre leur parcours à l’étranger ; les échanges à l’international sont facilités », indique Mme Fradet. p jean-claude lewandowski diane galbaud Trois ou quatre ans ? La première formule est plus répandue, la seconde plus internationale C ursus en trois ou en quatre ans ? Si les deux formats de bachelor coexistent, c’est le premier qui domine assez largement. Avec parfois des effectifs conséquents : celui de Toulouse Business School (TBS), le plus important en France, compte plus de 1 450 inscrits. Les deux modèles ont des vocations différentes – bien que proches. Le « Ba » en trois ans est un cursus à la fois professionnalisant et ouvert sur l’international. Celui d’EM Normandie prévoit ainsi deux semestres hors de l’Hexagone, et permet de suivre sa troisième année en anglais. A TBS, les élèves peuvent effectuer leur scolarité à Barcelone ou choisir de rester dans la Ville rose. « Notre bachelor est une formation à double vocation : professionnelle et interculturelle », souligne Victor Gervasoni, le directeur du programme. De son côté, le Ba en quatre ans – souvent appelé « bachelor international » ou « global bachelor » – accroît cette ouverture sur le monde, et en fait l’axe de son programme. A l’Essec, les élèves du Global BBA peuvent opter pour les campus de Singapour ou de Rabat (Maroc), et passent au moins un an dans une université étrangère. Asie ou Amérique latine Ceux de l’Edhec se voient proposer plusieurs parcours, dont un Global Business Bachelor sur trois continents (avec UCLA aux EtatsUnis et Nanyang University en Chine), et un autre avec une dernière année en Asie ou en Amérique latine. Le Ba d’EM Lyon inclut entre deux semestres et deux ans à l’étranger ; celui de Kedge, deux années hors de France. Ce cursus en quatre ans permet d’obtenir un diplôme de niveau master 1. Plusieurs écoles proposent les deux formats. C’est le cas de l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec), qui vient de relancer son cursus en quatre ans. Le groupe ESC Troyes offre également les deux options, avec en prime deux Ba spécialisés, en tourisme et en design. L’ESC La Rochelle propose aussi une gamme étendue de bachelors, tout comme Neoma, avec un cycle international et deux autres en trois ans. Certains Ba en trois ans misent sur l’international. Celui de l’ESC Dijon, sur le campus de Lyon, est dispensé en anglais, tout comme le Bachelor in International Business (BIB) de Grenoble EM. Quant au Ba de Sup de Co Montpellier, il permet de valider une année dans une université étrangère, voire de passer deux ans en Chine. p j.-c. l. Formations courtes | 0123 Jeudi 11 février 2016 UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES Tous les concours pour accéder aux écoles de commerce Pour intégrer un bachelor, il faut généralement passer un concours. Seuls quelques établissements recrutent sur dossier. Comment se repérer parmi les différentes voies d’accès ? B eaucoup d’écoles de commerce organisent leur propre concours, telles que les écoles supérieures de commerce (ESC) d’Amiens, de Clermont-Ferrand, de Rennes ou de Pau, ou encore l’Esiame, à Cholet, et l’Ecole supérieure de commerce et de management (Escem), à Poitiers et à Tours. Si ces cursus sont accessibles sur APB, ce n’est toutefois pas le cas pour la majorité d’entre eux. Les candidats doivent alors se renseigner auprès des écoles qu’ils visent pour connaître leurs modalités précises de recrutement. Intégrer un bachelor est aussi possible en se présentant à des concours communs qui regroupent plusieurs écoles. Ils permettent au candidat de postuler à toutes les écoles participantes en passant un seul concours. Ce dispositif accroît les chances de sélection, d’autant que les coefficients diffèrent selon les établissements. Ainsi, une épreuve mal réussie peut-elle s’avérer rédhibitoire pour une école, mais ne le sera pas forcément pour les autres. Ces concours, également appelés banques d’épreuves, sont au nombre de trois. Atout +3 Atout +3 réunit huit écoles de commerce, membres de la Conférence des grandes écoles (CGE) : l’Ecole atlantique de commerce du groupe Audencia à Nantes, l’Ecole de management (EM) de Normandie, l’EM Strasbourg, l’ESC Dijon-Bourgogne, Grenoble Ecole de management, Sup de Co La Rochelle, Novancia Business School Paris et Télécom Ecole de management d’Evry. Le dispositif des banques d’épreuves accroît les chances de sélection : une épreuve mal réussie peut être rédhibitoire pour une école, mais ne le sera pas forcément pour les autres L’inscription se fait sur APB et ne compte que pour un seul vœu. Le concours comporte quatre épreuves écrites : « raisonnement logique et ouverture au monde », synthèse, QCM d’anglais et QCM d’une seconde langue vivante. Les épreuves orales consistent en un entretien individuel et en une épreuve d’anglais. Atout +3 offre plus de 1 200 places. Des journées de présentation et de préparation sont organisées dans plusieurs villes afin d’aider les candidats. Des annales sont également disponibles sur le site Internet de ce concours. Bachelor EGC Le concours EGC, qui regroupe un réseau d’écoles de gestion et de commerce (EGC), offre 900 places sur 20 campus différents, partout en France. L’inscription se fait sur APB, et l’étudiant choisit le nombre d’écoles pour lesquelles il veut concourir. L’écrit comporte deux épreuves : un QCM d’anglais et une épreuve de français d’analyse, de synthèse et de rédaction. Le candidat passe en outre un entretien de motivation dans chaque EGC choisie. A noter : certaines proposent une seconde épreuve de langue à l’oral. Le site du concours propose des annales des trois dernières années. Ecricome Ce concours permet de postuler à trois écoles, sur dix campus différents : ICN Business School (Nancy et Metz), Kedge Business School (Avignon, Bastia, Bayonne, Bordeaux, Marseille et Toulon) et Neoma Business School (Reims et Rouen). L’inscription se fait par la plate-forme APB, sur laquelle l’élève doit préciser s’il s’inscrit aux épreuves pour une, deux ou trois écoles. Chacune vaut un vœu. Ecricome offre 830 places et tous les étudiants passent les épreuves écrites et orales. Si le candidat se présente aux trois écoles, il passera les écrits dans un seul campus, mais l’oral sur trois campus. Les épreuves écrites sont le test d’aptitude à la gestion des entreprises (TAGE) postbac (QCM qui teste les aptitudes verbales et le raisonnement logique) et un QCM d’anglais. L’oral consiste en un entretien de découverte (discussion avec un jury) et une épreuve d’anglais. Ecricome propose des journées de préparation et des annales sur son site Internet. Il est possible d’intégrer un bachelor à bac +1 ou bac +2. Les trois concours communs sont en effet ouverts aux étudiants à bac +1. En outre, certaines écoles de commerce ouvrent leur deuxième ou leur troisième année de bachelor aux admissions parallèles. Enfin, quelques établissements (comme l’Inseec ou Skema Business School, à Nice, par exemple) proposent d’intégrer un bachelor en « deuxième rentrée » ou en « rentrée décalée », en janvier ou en février. Il s’agit de permettre à ceux qui souhaitent se réorienter à l’issue du premier semestre de ne pas perdre un an. p erwin canard Quatre pistes de financement Qui dit études « courtes » dit aussi, dans le cas d’un bachelor, études « chères ». Mais il existe des moyens pour diminuer la facture I l faut généralement compter entre 4 000 et 8 000 euros par an pour un bachelor. Mais il existe des moyens d’alléger ce coût. Passage en revue. Prêts étudiants De nombreuses écoles qui proposent des bachelors ont noué des partenariats avec des banques pour faciliter les prêts étudiants. Pour ces emprunts, qui ne sont remboursés qu’après la fin des études, les taux d’intérêt, toujours présentés comme « préférentiels », descendent rarement en dessous de 1 %. Mais ils peuvent dépasser les 4 % si l’étudiant frappe seul à la porte d’une banque. Des sites spécialisés comme Financetesetudes.com permettent de faire jouer la concurrence. Se pose alors la question de la caution solidaire pour obtenir ce prêt. Certaines écoles, comme Sup de Co La Rochelle, proposent à quelques élèves de se porter garantes. Ailleurs, les étudiants qui n’ont pas une caution familiale peuvent demander à bénéficier du dispositif de « prêt étudiant garanti par l’Etat » d’un maximum de 15 000 euros. Cinq banques y sont ouvertes : le Crédit mutuel, la Banque populaire, le CIC, la Caisse d’Epargne et la Société générale. Bourses Si, dans certaines écoles, comme par exemple à l’Ecole des hautes études commerciales du nord (Edhec) ou à la Montpellier Business School, des prêts d’honneur sans intérêt peuvent être proposés, de nombreuses formations proposent aussi des bourses. Dans les établissements ayant obtenu un visa du ministère de l’enseignement supérieur, une bourse d’Etat du Crous est possible. Mais les écoles peuvent aussi proposer des bourses en interne. C’est le cas au sein du groupe Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) où un « fonds de solidarité » bénéficie à « 1 % à 2 % des élèves », précise Marion Guigue, responsable du développement des bachelors dans cette école. Ces bourses, qui varient « entre 200 euros et 1 000 euros par an », sont octroyées sur critères sociaux et académiques (assiduité, mérite, etc.). Petits boulots « La plupart des étudiants n’ont pas cours les vendredis. Certains mettent donc à profit cette journée pour travailler à l’extérieur », commente Marion Guigue. Les petits boulots sont de plus en plus favorisés par les écoles. Dans certaines, la démarche est d’ailleurs intimement liée au fonctionnement de l’école. A l’Institut supérieur du commerce (ISC) de Paris, « 20 % des étudiants en bachelor ont un job », explique Corinne Rougeau-Mauger, la directrice du programme bachelor. Le planning des cours, concentrés sur les matinées de la semaine, le facilite. Originalité : l’ISC Network, entreprise étudiante, est une « agence d’intérim qui a pour mission de trouver des jobs aux étudiants de l’ISC », indique encore Corinne Rougeau-Mauger. Son chiffre d’affaires est en moyenne de 450 000 euros par an. Alternance Enfin, si les stages rémunérés peuvent constituer un appoint bienvenu pour les étudiants, l’alternance reste sans aucun doute la formule la plus rentable. Car c’est l’entreprise d’accueil qui prend en charge la scolarité de l’étudiant, auquel elle verse également un salaire mensuel. De nombreuses écoles proposent des formules d’alternance en bachelor, mais souvent à partir de la troisième année, lorsqu’il est moins compliqué de trouver une entreprise et lorsque les stages à l’étranger sont terminés. Avec un avantage supplémentaire : l’étudiant peut espérer une embauche à l’issue de son alternance. p séverin graveleau > 4 spécialisations _ Commerce International _ Communication et Marketing Digital _ Management des Ressources Humaines _ Gestion - Administration > Admissions en 1re, 2e et 3e années www.bachelor.esce.fr 10 rue Sextius Michel - 75015 Paris - Tél. 01 84 14 02 22 [email protected] Etablissement d’enseignement supérieur technique privé. |5 6| UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES | Formations courtes 0123 Jeudi 11 février 2016 Des écoles d’ingénieurs se lancent dans les bachelors Ces établissements, dont Polytechnique, poursuivent deux objectifs : former des assistants ingénieurs et des managers intermédiaires, que réclament les entreprises, et attirer davantage d’étudiants étrangers A près s’être déployé avec succès dans les écoles de commerce, le bachelor fait son entrée chez les ingénieurs. L’école des Arts et Métiers ParisTech en a fait un diplôme professionnalisant en trois ans qui cible les bacheliers en sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D). Les frais de scolarité n’y sont que de 184 euros par an. L’école a ouvert des filières sur ses campus de Bordeaux-Talence (Gironde) et de Châlons-en-Champagne en 2014 et les proposera en septembre à Angers et à Cluny (Saône-et-Loire), ainsi qu’en partenariat avec l’Ecole supérieure des technologies industrielles avancées (Estia) de Bidart (Pyrénées-Atlantiques). « Cette formation technologique généraliste répond à un besoin des entreprises industrielles qui recherchent des assistants ingénieurs et des managers intermédiaires, aptes à encadrer de petites équipes », explique Laurent Champaney, directeur général adjoint des Arts et Métiers ParisTech. Au bout de trois ans d’études, les étudiants pourront s’insérer dans le monde professionnel ou continuer les Arts et Métiers jusqu’au diplôme d’ingénieur, via un concours spécifique. L’école mise sur l’insertion d’une partie des effectifs. « Si les étudiants optent à 100 % pour la poursuite d’études, notre objectif initial ne sera pas atteint. Comme ils doivent suivre un stage chaque année, ce sera l’occasion pour les entreprises de leur proposer des postes », ajoute M. Champaney. Pour sa part, l’Ecole supérieure d’électronique de l’Ouest (ESEO) proposera à la rentrée un bachelor « solutions numériques connectées », sur ses campus de Paris et d’Angers ; les frais de scolarité « Le système des classes préparatoires n’est pas très connu hors de l’Hexagone. Ce nouveau cursus pourra toucher des bacheliers français qui s’inscrivent dans de grandes universités étrangères » Frank Pacard directeur de l’enseignement et de la recherche de l’Ecole polytechnique seront respectivement de 18 000 et de 15 000 euros pour trois ans. « Les besoins explosent dans le domaine du logiciel et des objets connectés, et toutes les tâches ne relèvent pas uniquement de postes d’ingénieurs », indique Olivier Paillet, directeur général de l’école. Il voit un autre avantage au bachelor : « Il sécurise le parcours des élèves qui rentrent dans les écoles post-bac comme la nôtre. Nous nous inscrivons ainsi dans un cursus par étapes, trois ans puis deux ans, comme cela se fait dans beaucoup de pays. » Tout comme les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs souhaitent attirer des étudiants étrangers en ouvrant des bachelors. Tel est l’objectif de l’Ecole polytechnique qui prévoit d’en créer un d’ici à 2018. « Nous souhaitons attirer des élèves internationaux de très bon niveau, qui intègrent les bachelors d’universités réputées dans le monde après le bac. Le système des classes préparatoires n’est pas très connu hors de l’Hexagone. Le bachelor pourra toucher aussi des bacheliers français qui s’inscrivent dans de grandes universités étrangères, une tendance qui ne se dessinait pas il y a encore une dizaine d’années », observe Frank Pacard, directeur de l’enseignement et de la recherche. L’X conçoit son futur bachelor non comme un diplôme de sortie, mais comme un tremplin vers des formations supérieures. « Il n’aura pas vocation à être une classe préparatoire pour Polytechnique, même ses diplômés pourront candidater au cursus », ajoute M. Pacard. La première promotion comptera une quarantaine d’étudiants, puis la capacité d’accueil progressera jusqu’à 160 places. L’enseignement sera dispensé en anglais, avec une sélection tôt dans l’année, pour correspondre au calendrier international. Ces nouveaux bachelors posent la question de leur reconnaissance dans un système français très normé. Polytechnique va déposer une demande pour que son bachelor confère le grade de licence. Le bachelor des Arts et Métiers est, lui, inscrit dans Admission postbac (APB) sous l’appellation « diplôme d’études supérieures en technologie ». « De nombreuses écoles d’ingénieurs délivrent déjà un diplôme d’établissement qu’elles intitulent “bachelor” à l’issue de la première année du parcours ingénieur. Cela donne une lisibilité du niveau de leurs étudiants à l’étranger, et permet leur admission dans des échanges internationaux. Mais il faudra consulter l’Etat pour déterminer les grades correspondants », souligne Frédéric Fotiadu, président de la commission développement et partenariats de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi). Le bachelor est une nouvelle source de revenus pour les établissements. « L’enseignement supérieur est un marché qui connaît une croissance colossale dans le monde. Dans de nombreux pays, les élites ont un bachelor de niveau bac +4 », souligne Arnaud Poitou, directeur de L’Ecole centrale de Nantes, qui pilote un groupe de travail à la Conférence des grandes écoles (CGE) sur le sujet. Centrale Nantes propose ainsi sur son campus de l’île Maurice un cycle payant, destiné aux étudiants étrangers, incluant un bachelor en quatre ans et un master ingénieur en deux ans. Une voie en deux temps qui pourrait inciter d’autres écoles à s’y lancer. p coralie donas témoignage «Nous mettons directement en pratique tout ce que nous apprenons» Wandrille Würz, 19 ans, est en deuxième année du bachelor de technologie de l’Ecole des arts et métiers, après un DUT « génie électrique en informatique industrielle » BTS Services Informatiques aux Organisations Systèmes Numériques Bachelors Responsable de la Sécurité des Systèmes d’Information et des Réseaux Développeur/euse en Génie Logiciel Web & Mobilité Ville Numérique & Développement Durable Formation initiale et alternance www.ecetech.fr 10 rue Sextius Michel 75015 Paris - 01 84 14 03 04 - [email protected] Etablissement d’enseignement supérieur technique privé reconnu par l’Etat. « CE BACHELOR, c’est ma mère qui en a entendu parler à la radio. Je me suis alors renseigné sur le site de l’Ecole des arts et métiers et j’ai regardé une vidéo explicative. C’était justement la période des choix d’orientation sur DR Admission postbac (APB). J’étais en filière « sciences et technologies de l’industrie et du développement durable », STI2D, au lycée à Monaco. J’hésitais entre une classe préparatoire « technologie et sciences industrielles » et un DUT « génie électrique et informatique industrielle », en vue d’entrer ensuite dans une école d’ingénieurs. Effectif idéal Le bachelor des Arts et Métiers a l’avantage de proposer un stage chaque année et de nous permettre de totaliser près d’un an d’expérience professionnelle à la fin du cursus. J’ai donc opté pour cette voie. L’environnement m’a aussi plu. La prépa se fait au lycée, le DUT à l’université ; ici nous sommes directement dans une école d’ingénieurs. La sélection s’opère sur dossier et sur entretien. Une partie de l’échange se déroule en anglais. Nous sommes une promotion de 24 étudiants, ce qui est un effectif idéal pour bénéficier d’un suivi individualisé. Je ne me serais pas imaginé dans un amphithéâtre bondé où ma présence et mon absence n’auraient pas été relevées. Trois fois par semaine, un mentorat est assuré par des étudiants de l’école d’ingénieurs. Cela nous permet de combler des lacunes dans certaines matières et également d’acquérir des méthodes de travail très utiles. L’anglais tient une place très importante dans les cours et même dans certains des projets que nous devons réaliser. C’est vraiment un atout, car cela nous permettra de faire des stages à l’étranger et éventuellement d’envisager de travailler plus tard à l’international. Le côté très appliqué de la formation me convient parfaitement et m’aide à me projeter plus clairement dans mon avenir professionnel. Je ne peux pas suivre des études sans avoir une idée d’où je vais, j’ai besoin d’objectifs à atteindre. Dans la filière STI2D, j’avais choisi la spécialité « énergies et environnement », ce qui ne m’avait pas donné l’occasion d’aborder souvent les procédés de fabrication. Ici, nous mettons directement en pratique tout ce que nous apprenons. A partir du dessin d’une pièce, nous devons déterminer les cotations, concevoir le modèle, couler la pièce, l’usiner, en vérifier la conformité. Toutes les matières sont reliées entre elles dans l’enseignement : les mathématiques vont par exemple être réutilisées en mécanique ou en électricité. J’ai suivi en 2015 mon premier stage dans une entreprise de mécanique de précision. Je voulais découvrir ce domaine, mais je me suis rendu compte que le travail ne correspondait pas vraiment à ce que j’imaginais. J’ai donc pu orienter mon stage de deuxième année dans un domaine tout à fait différent puisqu’il se fera dans une entreprise qui conçoit des engrenages de très grande taille. A l’issue de mon cursus, je souhaiterais intégrer l’école d’ingénieurs. Les stages m’aideront à déterminer si je suis plutôt fait pour continuer en alternance, ou par la voie classique. » p propos recueillis par c. do. Formations courtes | 0123 Jeudi 11 février 2016 UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES |7 Quatre nouveaux venus dans des secteurs prometteurs De l’hôtellerie aux jeux vidéo en passant par le luxe, des bachelors originaux voient le jour dans des domaines en pleine expansion. Ils mettent l’accent sur le management intermédiaire, l’international et l’évolution du marché D es bachelors tout neufs – ils ont été mis en place à la rentrée 2015 ou bien ouvriront leurs portes en septembre –, dans des secteurs qui ont le vent en poupe. Istec « Même pour les postes de management intermédiaire, la dimension internationale est très demandée par les entreprises », estime Alain Fronteau, directeur du développement de l’Institut supérieur des sciences, techniques et économie commerciales (Istec, Paris). Forte de ce constat, cette école de commerce propose depuis la rentrée 2015 un bachelor international, au coût de 8 300 euros par an. Les cours – vente, géopolitique, négociation, droit international des affaires, fiscalité internationale, management interculturel, etc. – sont entièrement dispensés en anglais. En troisième année, les trente étudiants de cette première promotion pourront, au choix, aller passer un semestre en Irlande, sur un campus de Dublin, ou choisir de s’expatrier en Chine pour approfondir leur connaissance de ce marché. Quels métiers peuvent viser ces diplômés ? « Commercial, ingénieur d’affaires, chargé des achats, chef de produit export, courtier international », parfaitement au fait des codes et de l’évolution du marché chinois, pour ceux qui auront choisi de se spécialiser sur ce pays. en poursuivant en master au sein de cet établissement. Ecole Ferrières Cette école, installée dans un prestigieux écrin, le château de Ferrières-en-Brie (Seine-et-Marne), une ancienne propriété du baron de Rothschild, a pour ambition de former des jeunes à « l’excellence à la française » dans le domaine de l’hôtellerierestauration de luxe. « En tant que professionnel de ce secteur, j’ai fait le constat que nous manquions de cadres, au point que nous allions chercher des diplômés d’écoles suisses pour perpétrer le savoir-faire à la française, un comble ! », souligne Khalil Khater, le directeur du groupe Accelis, qui gère l’établissement. Le bachelor de cette école se compose donc d’un tronc commun d’enseignement, suivi d’une spécialisation (hôtellerie, gastronomie ou luxe) en dernière année. Les cours sont assurés par de nombreux meilleurs ouvriers de France, et les stages peuvent se faire dans des palaces. Cette excellence a un prix – 18 000 euros l’année, mais l’école peut attribuer des bourses sur dossier. Les titulaires de ce bachelor sont formés au management intermédiaire. Ils peuvent ainsi devenir responsable de salle, chef de réception ou second de cuisine. Ils pourront également choisir d’approfondir encore leur formation e-artsup A la rentrée, e-artsup, l’école supérieure de la création numérique, ouvrira trois nouveaux bachelors, à la croisée du design et du numérique, en partenariat avec l’école d’informatique Epitech. Les bachelors « Game & Creative Coding », « animation & 3D », et « Digital Media » (cours dispensés en français, en dépit des intitulés) seront lancés sur les gramme : maîtrise des logiciels de création graphique, codage, mais surtout fabrication d’objets connectés et d’applications. « L’apprentissage se fera par la pratique, autour de projets concrets, pour former des diplômés immédiatement opérationnels », insiste M. Becqueret. Avec un coût annuel de 5 310 euros. « Nous voulons former des gens capables d’utiliser le code et le design pour inventer des expressions numériques innovantes » Nicolas Becqueret directeur général d’e-artsup sept campus d’e-artsup – Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes et Toulouse. « Nous voulons former des gens capables d’utiliser le code et le design pour inventer des expressions numériques innovantes dans ces domaines », explique Nicolas Becqueret, directeur général d’e-artsup. Ces formations s’adressent aux bacheliers passionnés de jeux vidéo, d’objets connectés et d’animation. Au pro- Sup de luxe L’Institut supérieur de marketing du luxe formait depuis presque trente ans des professionnels du secteur par le biais de MBA, mais ne proposait pas de programme post-bac. C’est chose faite depuis la rentrée 2015 : l’école de Courbevoie (Hauts-de-Seine) a ainsi lancé un bachelor pour les futurs commerciaux dans l’industrie du luxe. « Nous répondons ainsi à la sollicitation de nombreuses grandes marques qui nous demandaient de créer une formation pour donner envie aux jeunes d’aller vers les métiers du commerce, fondamentaux dans le domaine », indique Thibaut de La Rivière, directeur de l’établissement. L’enseignement allie cours sur le secteur du luxe (marketing, économie), culture artistique, cours d’étiquette et stages auprès de grandes marques. Ce bachelor, pour lequel les étudiants doivent débourser 8 500 euros par an, forme aux métiers d’acheteur, de commercial, de vendeur, de responsable de magasin ou de responsable export. p françoise marmouyet Aux Etats-Unis, la magie du « bachelor degree » M ichelle Obama en a fait un rap : « Go to college ! » Midécembre 2015, alors que s’approchait la date limite des inscriptions dans les universités, la First Lady a diffusé un clip où elle danse à la Maison Blanche, avec le comédien Jay Pharoah. « Si tu veux aller loin et toucher des chèques, tu devrais aller à la fac [college, en anglais] », scande-t-elle. Objectif : encourager les jeunes de milieux défavorisés à entreprendre des études supérieures. L’université est devenue un passage obligé. Il y a encore une quinzaine d’années, le diplôme de fin d’études secondaires permettait d’accéder à des emplois solides qui ouvraient la voie vers la classe moyenne. Aujourd’hui, c’est plutôt un pas vers la précarité. Sur trente emplois à croissance rapide, plus de la moitié nécessitent au moins le bachelor degree ou « baccalauréat universitaire », un diplôme qui s’obtient généralement au bout de quatre ans d’université. Les étudiants les plus pressés peuvent l’obtenir en trois ans s’ils prennent des cours pendant l’été. En 2014, 88 % des jeunes âgés de 20 à 24 ans, titulaires d’un titre universitaire avaient un emploi, contre 63 % pour les diplômés du secondaire. Meilleurs salaires Le bachelor degree garantit un salaire deux fois plus élevé que celui qui attend les simples diplômés du secondaire (26 000 dollars soit 23 800 euros de plus par an, a calculé l’université de Berkeley). « L’éducation supérieure est maintenant la voie la plus directe pour accéder à la classe moyenne », souligne la Maison Blanche. Malheureusement, regrette-t-elle, les Etats-Unis ont été dépassés par leurs concurrents. En 1990, ils étaient au premier rang mondial pour la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur parmi les 25-34 ans. Aujourd’hui, le pays est à la 12e place. Seule la moitié des élèves issus de milieux défavorisés s’inscrit à l’université (d’où le clip de Michelle Obama). Un quart seulement obtient un diplôme (la moyenne nationale sur l’ensemble des étudiants est de 44 %). Le bachelor degree est un véritable sésame pour l’entrée dans la vie active. Il peut être délivré dans la catégorie « arts » (BA) ou « sciences » (BS). Les deux premières années sont des études plutôt générales. Les deux dernières, plus axées vers une spécialisation. Les étudiants choisissent un major (santé publique, arts plastiques, biologie, langues étrangères, sciences de l’ingénieur, informatique..) ou un double major, pour les meilleurs, avec deux matières principales. Pour recevoir le diplôme, il leur faudra accumuler un certain nombre d’unités de valeur (credits) dans des matières obligatoires et des options. Selon les données de la Maison Blanche, le coût moyen des frais de scolarité est de 17 000 dollars par an. En 2014, 1,8 million d’étudiants ont obtenu un bachelor degree. Le rituel de la cérémonie de graduation (remise des diplômes) est bien connu. Discours de commencement (celui de la vraie vie), lancer de chapeaux vers le ciel, familles réjouies. Mais derrière « la pompe et les circonstances » (du nom de la marche d’Edward Elgar jouée pendant la cérémonie), se profilent les réalités. Les diplômés qui ont dû emprunter pour payer leurs études sortent de l’université avec 26 000 dollars de dettes en moyenne. p corine lesnes (san francisco, correspondante) ÉCOLE DES MÉTIERS DE L’ENVIRONNEMENT Bachelor - Ingénieur - Master of Science - Mastère Spécialisé BACHELOR EN 3 ANS POUR DEVENIR NNEMENT COORDINATEUR EN ENVIRO PORTE OUVERTE )$"&-/($% -++*!!(,'* -#"0! .% ,-++-'-."1-/ • Management et gestion de projets • Travail collaboratif • Techniques de protection de l’environnement • Outils du développement durable • Ouverture internationale LE 27 FÉVRIER 2016 Réalisation RÉVÉLATIONS : 02 99 83 88 11 Il y a quinze ans, le diplôme de fin d’études secondaires permettait d’accéder à un emploi. Aujourd’hui, il faut quatre ans d’université Campus de Ker Lann - RENNES Tel. : +33 (0)2 99 05 88 00 www.ecole-eme.fr / [email protected] 8| | Formations courtes UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES 0123 Jeudi 11 février 2016 Licences professionnelles Un développement ciblé Montées avec l’appui des entreprises, les licences pro attirent les diplômés d’un BTS ou d’un DUT. Ils y affinent leurs compétences et se constituent un réseau qui leur permettra d’évoluer plus vite A nthony Thivolle avait prévu d’arrêter ses études en 2014, une fois obtenu son BTS « négociation et relation client ». Mais, lorsqu’il a découvert l’existence de la licence professionnelle « métiers de la vente », proposée à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Lyon, il s’est dit que cette année de formation supplémentaire donnerait un meilleur élan à son début de carrière. Pari gagné. En alternant les cours de l’IAE avec un contrat de chargé de relations avec les entreprises auprès de l’IUT Lumière-Lyon-II, il a élargi ses horizons. « C’est le réseau de la licence qui m’a aidé à décrocher cette mission », précise-t-il. Outre un gros travail pour cerner les besoins des professionnels et promouvoir l’IUT, il est aussi intervenu dans le coaching et la sélection des candidats. Cette expérience a attiré l’attention d’un grand cabinet de recrutement, qui lui a offert, en septembre 2015, un CDI de consultant. « Je n’aurais pas pu accéder à ce poste à la sortie du BTS », estime le jeune homme. A l’instar de ce diplômé lyonnais, nombreux sont les jeunes gens qui peuvent se féliciter de leur passage en licence professionnelle, ou « licence pro ». Créés en 1999, ces cursus d’un an, alliant théorie et missions de terrain, affichent 92 % d’insertion au bout de trente mois, d’après la dernière enquête ministérielle, portant sur les diplômés de 2012. Aussi se sont-ils multipliés dans des domaines variés, de la production agricole aux services à la personne, en passant par les transports ou le commerce. Ils accueillent aujourd’hui plus de 50 000 étudiants, contre 34 000 environ en 2005. Leur force : des partenariats étroits avec les entreprises, de la conception des programmes au placement des stagiaires ou des apprentis. « Si nous avons ouvert une licence de technicien des opérations bancaires à la rentrée 2015, c’est à la demande de la profession, indique Corinne Montoya, responsable de l’apprentissage à l’IAE de Lyon. Les entreprises participent au comité de pilotage qui nous aide à organiser le cursus et interviennent dans 40 % à 50 % des cours. » Pour se développer, les licences pro misent beaucoup sur le tissu économique local. « Leur ancrage territorial permet de décliner une vaste gamme de programmes, des plus généralistes, en production mécanique par exemple, aux plus spécialisés, comme la licence consacrée au son et à l’image dans le spectacle vivant à Nantes », observe Rodolphe Dalle, directeur de l’IUT de Nantes et porte-parole du réseau des IUT. Pour monter cette formation culturelle très pointue, son établissement a pu compter sur le pôle d’industries culturelles créatives (ICC) des Pays de la Loire. « On vérifie régulièrement que les besoins sont présents et on fait évoluer les programmes », ajoute M. Dalle. L’université de Bretagne-Sud, à Vannes, s’est aussi adaptée aux besoins du marché. Alors qu’elle formait plutôt des chefs de projet dans les années 2000, capables de superviser la réalisation de sites Internet, sa licence « e-commerce et marketing numérique » se concentre désormais sur l’animation Web visant à attirer les internautes et à convertir leurs visites en ventes. « L’enjeu actuel, pour les entreprises, ce n’est plus tant d’être présentes sur la Toile que d’y être rentables », assure la responsable, Leïla Damak. Pour les étudiants ayant suivi deux années en licence, ces cursus très professionnels sont un sésame pour la vie active. Mais la majorité des effectifs des licences pro sont des détenteurs de BTS ou de DUT qui souhaitent commencer leur carrière dans de meilleures conditions. « Les deux tiers de nos promotions sont issues d’un BTS hôtelier, les autres venant de cursus en langues étrangères, en géographie ou de BTS tourisme, constate Régine Davroux, responsable de la licence « direction des services d’hébergement en hôtellerie internationale » à l’université « Le secteur industriel nous réclame à cor et à cri des cadres intermédiaires formés en licence pro. On pourrait ouvrir davantage de places » Rodolphe Dalle porte-parole du réseau des IUT de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Durant l’année d’apprentissage, ils se confrontent peu à peu aux questions de management, de sorte qu’ils peuvent devenir chefs de brigade une fois diplômés. » Et Corinne Montoya d’ajouter : « On ne prépare pas seulement les étudiants à un métier, on les aide aussi à prendre de la hauteur sur leur expérience, à travers notamment leur mémoire de fin d’études. » Ceux qui, dans le cadre de leur cursus, partent étudier à l’étranger progresseraient plus vite encore dans leur carrière. « Efficacité et culture générale : ce cocktail séduit beaucoup les PME », observe Mme Damak. « A l’heure actuelle, on parle beaucoup du besoin d’ingénieurs, mais le secteur industriel nous réclame aussi à cor et à cri ces cadres intermédiaires formés en licence pro. On pourrait ouvrir davantage de places dans les parcours en logistique et en mécanique », ajoute M. Dalle. Un certain nombre de diplômés vise ensuite un master, souvent en alternance : c’est le cas de 32 % des détenteurs d’une licence pro, d’après la dernière enquête du ministère. p aurélie djavadi Bachelor ou licence pro, comment trancher ? Parce qu’il favorise les liens avec l’entreprise et la dimension internationale, le bachelor est apprécié. Mais la licence pro garde des atouts forts : c’est un diplôme reconnu, dont le coût est modéré. Le point sur ces deux formations D epuis la réforme licencemaster-doctorat (LMD) engagée en 2002, de plus en plus d’étudiants choisissent de continuer leurs études après un bac +2. Et les licences professionnelles, longtemps seules sur le créneau du bac +3 professionnalisant, doivent aujourd’hui faire avec la concurrence, féroce et croissante, des bachelors. Si la licence pro, délivrée par les universités et les instituts universitaires de technologie (IUT), est accessible uniquement après un bac +2 pour une formation en un an, le bachelor, proposé dans les écoles privées ou consulaires, peut se commencer dès après le bac, en trois ou en quatre ans. Nombre de bachelors sont toutefois accessibles à bac +1 ou bac +2. De là, une autre différence, non moins importante pour qui hésiterait entre le bachelor et la licence pro : celle de la spécialisation. Un bachelor sur plusieurs années permet souvent de couvrir un spectre plus large de connaissances et de compétences professionnelles, la spécialisation métier n’ayant lieu qu’en dernière année. Les possibles débouchés professionnels s’en trouvent élargis. Alors qu’une formation accessible seulement après un bac +2 – licence professionnelle mais aussi bachelor en un an – se concentrera sur la spécialisation métier. 2 000 spécialités Point commun de ces deux formations : la prise directe avec le monde de l’entreprise, qui garantit à chacune de bons taux d’insertion professionnelle. Ces deux cursus sont toujours en adéquation avec le marché du travail car co-imaginés, et souvent co-enseignés, avec les professionnels d’un secteur. Ce lien fort avec le monde professionnel se traduit aussi par l’accent mis dans les deux cas sur les stages en entreprise et par le nombre de spécialisations – plus de 2 000 en licence professionnelle. Pour ceux qui hésitent encore, la dimension internationale est également à prendre en compte. Bien que présente en licence pro, elle demeure la véritable marque de fabrique des bachelors. Ils proposent parfois, dès la première année, des enseignements en langues étrangères. Sans oublier les stages à l’étranger qui, fidèles à la culture des écoles privées, font souvent partie intégrante du cursus. Mais si le concept de bachelor est familier à l’étranger – surtout dans les pays anglo-saxons –, en France, ce diplôme n’est pas reconnu par le ministère de l’enseignement supérieur, contrairement à la licence pro. Le jeune intéressé par un bachelor devra donc être attentif aux visas, labels et autres reconnaissances internationales des formations visées. Dernière différence, mais de taille : les frais de scolarité. Il faut compter entre 4 000 euros et 8 000 euros par an en moyenne pour un bachelor… contre environ 300 euros de frais d’inscription pour la plupart des licences professionnelles. p séverin graveleau Formations courtes | 0123 Jeudi 11 février 2016 IUT et STS Les deux voies de la démocratisation du supérieur Le ministère veut faire progresser la part des bacheliers « pros » en STS et des « technos » en IUT. Quitte à mettre en place un système de quotas P our élever le niveau de formation des jeunes, il faut améliorer la réussite dans le supérieur des bacheliers professionnels et, dans une moindre mesure, technologiques. Fort de cette conviction, le ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur a lancé une politique volontariste pour orienter davantage les premiers vers les sections de technicien supérieur (STS) des lycées et les seconds vers les instituts universitaires de technologie (IUT). Et les recteurs ont été appelés à faire respecter des quotas. Tout est parti d’un constat : les bacheliers professionnels constituent aujourd’hui près de 30 % du total des bacheliers. Si la France veut atteindre les 50 % d’une classe d’âge diplômée du supérieur, comme son gouvernement le souhaite, ce sont ces jeunes-là qu’elle doit pousser vers le supérieur. Les ba- cheliers « pros » demandent à 80 % des STS où ils réussissent le mieux. Mais souvent, ils se voient refuser des places au profit de bacheliers technologiques. Ils se replient alors sur l’université où ils échouent massivement. Pour le ministère, il faut donc remettre de l’ordre dans un système brouillé : offrir davantage de places aux « pros » dans les STS, présentées comme leur filière de réussite par excellence, et inciter les « technos » à préférer les IUT, leur débouché naturel. Les STS et les IUT restent ainsi des voies privilégiées de démocratisation du supérieur, avec une évolution récente : dans les IUT, la grande majorité poursuit désormais après le diplôme universitaire de technologie (DUT), rejoignant en priorité des licences professionnelles. La loi du 22 juillet 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche a introduit des quotas – des « pourcentages minimaux » fixés par les recteurs – pour vain- cre certaines réticences. Les STS, implantées dans les lycées généraux et technologiques, aiment garder leurs bons élèves des séries technologiques. Les IUT, eux, n’ont pas envie de renoncer à leurs bacheliers généraux au profit de « technos » qui réussissent moins bien. Le ministère se félicite de certains progrès au sein des STS. A la rentrée 2015, les bacheliers professionnels représentaient 38,9 % des nouveaux entrants (une hausse de 1,4 % par rapport à 2014), aux côtés de 43,5 % de bacheliers technologiques et de 17,6 % de généraux. « C’est la preuve que cette politique fonctionne, commente un spécialiste du dossier au ministère, mais il faudrait gagner encore 4 ou 5 points. » Pour certains proviseurs, ce système a des limites. « Il ne suffit pas de demander d’adapter la pédagogie des BTS aux bacheliers professionnels pour les faire mieux réussir, estime Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDENUNSA, le syndicat majoritaire des chefs d’établissement. A un moment, il faudra se poser la question de l’adéquation des lycéens professionnels au supérieur et revoir leur cursus. » Les résultats dans les IUT sont, eux, jugés décevants avec un léger tassement en 2015 de l’admission de bacheliers technologiques. « Ils représentent à peine 31 % des primo-entrants, contre 67 % de bacheliers généraux et 2 % de professionnels, constate-t-on au ministère. Or si l’on arrivait à un rapport de 60 % - 40 %, le modèle des IUT ne s’effondrerait pas. » Certains directeurs traîneraient les pieds. Mauvais procès, répliquent les intéressés. « Nous sommes tous convaincus de la nécessité d’accueillir davantage de bacheliers technologiques, assure Laurent Gadessaud, vice-président de l’Association des directeurs d’IUT (Adiut) et directeur de l’IUT de Créteil-Evry. La preuve en «On ne valorise pas assez l’insertion à court terme» Alors que 80 % des titulaires d’un DUT choisissent de continuer leurs études, le rôle des IUT est-il toujours le même ? En cinquante ans, le public de l’enseignement supérieur a changé, les écoles et formations à bac +5 ont diversifié leur recrutement, en y intégrant de plus en plus d’étudiants d’IUT. Si nous proposons de renforcer certaines compétences pour leur permettre de continuer leurs études, notre objectif premier reste de leur donner les compétences nécessaires à leur insertion rapide sur le marché du travail. Une certaine pression sociale poussant aux études longues fait qu’on ne valorise pas assez l’insertion à court terme aujourd’hui. Les DUT sont un tremplin, une première marche dans l’enseignement supérieur, pour des élèves issus de classes socioprofessionnelles inférieures et moyennes souhaitant sécuriser leur parcours. S’ils entrent en IUT, c’est d’abord parce que nous proposons une insertion rapide. Puis ils découvrent qu’ils peuvent être plus ambitieux et continuer. Les IUT ont donc vocation à être toujours en phase avec le marché du travail. Comment s’y adaptent-ils ? Les programmes pédagogiques nationaux de nos différentes spécialités évoluent régulièrement. La dernière réforme a eu lieu en 2013, avec deux objectifs : s’adapter aux nouveaux publics et décliner l’ensemble de nos programmes sous forme de compétences, pour renforcer le lien avec les secteurs économiques correspondants. Ces programmes sont élaborés au sein de commissions pédagogiques nationales composées, entre autres, Quelles sont les perspectives pour le management intermédiaire ? Lors de son université d’été de 2015, le Medef a signé une convention et un appel à projets pour développer des formations menant à des emplois de niveau intermédiaire. La pression sociale qui pousse aux études longues, et on a aujourd’hui dans l’entreprise des salariés avec des compétences de niveau bac +5 et, d’autre part, des salariés avec des compétences d’exécution. Le niveau intermédiaire a été délaissé. Il est difficile de trouver des gens capables de faire le lien entre approche théorique – celle des bac +5 – et niveau pratique. C’est le rôle du management intermédiaire. Les diplômés d’IUT ont les compétences adéquates pour cela, grâce aux 40 % d’enseignements pratiques qu’ils ont reçus. A bac +2 et bac +3 – les IUT sont porteurs d’environ deux tiers des licences pro –, le niveau de qualification que nous proposons reste recherché. p propos recueillis par s. gr. est que, dès 2013, nous avons réformé nos programmes pour correspondre aux filières technologiques rénovées du lycée. Et nous sommes passés ces dernières années de 26 % à 30 % de bacheliers technos ». Il attribue le tassement à « une série de microexplications ». D’abord, explique-t-il, la concurrence est de plus en plus forte pour attirer les bacheliers technologiques. Ces derniers sont par ailleurs moins de 25 % à demander un IUT en premier vœu sur le portail admission post-bac (APB). Enfin, certains professeurs de lycées technologiques décourageraient leurs élèves en leur parlant de la forte sélectivité des IUT. « Dès 2013, nous avons réformé nos programmes pour correspondre aux filières technologiques du lycée. Nous sommes passés de 26 % à 30 % de bacheliers technos » Laurent Gadessaud vice-président de l’Adiut et directeur de l’IUT de Créteil-Evry L’Adiut est par ailleurs hostile aux quotas – « des mesures de coercition contreproductives », juge M. Gadessaud. « Ce qui marche, poursuit-il, c’est lorsque nous dialoguons avec les recteurs et que nous fixons les chiffres des bacheliers généraux et technos que nous voulons recruter dans chacun de nos départements. » A cet égard, les filières sont très inégales : s’il est facile de trouver des « technos » en « techniques de commercialisation », on manque de candidats pour « mesures physiques ». A l’approche de la fin du quinquennat, le ministère ne fait plus dans la nuance et réclame des résultats. p véronique soulé 2$;?D>*@$8 $7 &*) 59% )N*JL*%(= ELGJ( A-*%("LJ (M 4 -MI @ 9MGN&J(= FM( 'LJ!-G$LM *LFJG(. -BN( IFJ "P$MG(JM-G$LM-" (G LFE(JG( IFJ "P(MGJ(KJ$I( + 0> )=>)=4;8 )=??4> KLFJ H &J-M)(I O*L"(I )( >L!!(J*( C;*74D7 KLFJ "(I ,LFJI$(JI ...5+"%9)%)72:>)5)7: $ #3?'>12 6!7172 < (;%->2 #!%,>%3%& #+:>;;% 8+:*3%)4& />:79 =0>;;%:>95 B de représentants du patronat et des salariés du secteur d’activité. Elles évaluent ensuite chaque département et chaque IUT à partir d’indicateurs chiffrés sur le recrutement ou l’insertion professionnelle, et grâce à des visites. Ces mêmes professionnels – recruteurs potentiels – assurent 20 % à 25 % des cours. Les enseignements collent donc à la réalité du terrain. Ces programmes nationaux constituent 80 % des programmes pédagogiques finaux. Les 20 % restants sont adaptés au tissu économique local. A Saint-Nazaire par exemple, la formation « génie civil et construction durable » comprend des modules sur les ouvrages marins. Enfin, l’alternance concerne 15 % à 20 % de nos étudiants. Nous avons ainsi un retour permanent des entreprises sur nos formations et nos étudiants. Tous ces éléments nous permettent d’être très réactifs. |9 "=>)=4;8 (7=4751 .D3$- @F$/<G;D$>)$ &*)!$@=; e n t r e t i e n | Le président de l’Assemblée des directeurs d’IUT expose les enjeux de ces établissements ernard Lickel est directeur de l’institut universitaire de technologie (IUT) Robert-Schuman à Strasbourg et président de l’Assemblée des directeurs d’IUT (Adiut) depuis mai 2015. UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES ;C> 6-MG(I ? CF)(M*$- :JLFK :JLFK( ;1> <$#LM ? ALFJ&L&M( ;7 6LJ!-M)$( :JLFK( 1FK )( >L 8- 2L*%(""( ;7 1GJ-I,LFJ& 6LE-M*$- AFI$M(II 1*%LL" 3-J$I :J(ML,"( ;7 0N"N*L! O*L"( )( 7-M-&(!(MG A>8);D<7D=>8 84; (:& '4 +6 B*>3D$; *4 +6 ?*;8 +69, E<;$43$8 G);D7$8 9, *3;D@ +69, /LFI J(MI($&M(J. ELFI KJNK-J(J DDD5)=>)=4;8#*7=47<@4815*L! 10 | UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES | Formations courtes 0123 Jeudi 11 février 2016 Des postes à pourvoir et de belles carrières en perspective Webmestre, cuisinier, conducteur de travaux: autant de métiers qui peinent à recruter. Une carte à jouer pour les titulaires de DUT ou de BTS C ertains secteurs économiques manquent particulièrement de bac + 2. De ce fait, les perspectives d’insertion y sont rapides pour les jeunes diplômés. Numérique En pleine expansion, le numérique est très friand d’ingénieurs, mais les titulaires d’un BTS ou d’un DUT ont aussi une carte à y jouer : de 5 000 à 10 000 étudiants à bac +2 ou bac +3 seraient recrutés chaque année, selon une estimation de l’association Munci (l’association professionnelle des informaticiens). Ils peuvent briguer des postes de technicien de maintenance, d’administrateur de réseau, d’analyste d’exploitation, de webmestre ou de développeur. « Le manque de développeurs est le plus criant, car les langages de programmation évoluent très vite et il y a de plus en plus d’applications », observe Marie Prat, consultante en enseignement numérique et présidente d’honneur du Cinov-IT, chambre professionnelle des TPE et PME du numérique. Globalement, l’insertion est rapide : les trois quarts des titulaires de BTS et de DUT en informatique sont en poste un an après leur diplôme, selon l’association Munci. En termes de salaire, les bac +2 peuvent espérer à leurs débuts 22 000 à 28 000 euros en moyenne par an (30 000 euros ou plus avec une licence pro). « Ce sont des profils bien formés techniquement et adaptés au pragmatisme des entreprises. S’ils sont talentueux, on peut très vite les faire travailler sur des projets de haute technologie », précise Philippe Hedde, directeur général de NextiraOne France et vice-président du syndicat professionnel Syntec Numérique. Après cinq ans d’expérience environ, les étudiants à bac +2 ou bac +3 peuvent décrocher un poste de chef de projet informatique. Dans les petites entreprises, l’évolution peut être très rapide, comme le souligne Marie Prat : « Le travail y est moins cloisonné. Les BTS et DUT peuvent assumer plus de responsabilités et accéder à davantage de projets. » Dans ce champ en mutation permanente, l’autoformation aide à acquérir de nouvelles spécialités. « Il existe beaucoup de passerelles entre les métiers : un architecte de réseaux peut par exemple évoluer vers les métiers d’architecte des systèmes d’information ou d’expert en cybersécurité », indique encore Mme Prat. Les activités qui ont le vent en poupe relèvent de technologies émergentes (manageur ou analyste de données, expert du cloud computing, des systèmes embarqués, des objets connectés, etc.), ou d’évolutions de marché (développeur Web et mobile, Web designer, community manager, expert en cybersécurité). Tous les secteurs sont concernés, comme le résume Philippe Hedde : « Aujourd’hui, il n’y a pas de productivité ni d’innovation sans numérique. » Hôtellerie-restauration D’après un rapport de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), 375 000 postes seraient à pourvoir dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration pour la période 2012-2022. Le secteur peine pourtant à recruter et les diplômés des BTS hôtellerie-restauration – environ 2 800 inscrits chaque année, dans les deux options, « gestion hôtelière » et « art culinaire » – sont prisés : « Ils trouvent un emploi dès l’obtention de leur diplôme », estime Michel Lugnier, inspecteur général de l’éducation nationale pour le secteur. Si 60 % des diplômés de ces BTS sont issus d’un bac technique ou professionnel, 40 % ont rejoint ces formations avec un bac général, mais après une « mise à niveau » obligatoire d’un an. Pour quels métiers ? Réceptionniste, serveur, chef de partie, cuisinier, avant d’accéder à des postes d’encadrement comme chef de cuisine ou responsable de personnel. L’hôtellerie-restauration fait face à un problème de fidélisation de ces nouvelles recrues : au bout de quelques années d’activité, nombre de jeunes voguent vers d’autres horizons. A cela, plusieurs raisons : « Les contraintes de ces métiers, et les conditions de travail très dures dans certaines entreprises », avance Cyrille Jeannes, président de l’Association française des lycées d’hôtellerie et de tourisme (Aflyht). « C’est un secteur où l’on apprend par la pratique, où il faut accepter de passer quelques années au bas de l’échelle avant de monter en grade, même si l’on est qualifié ; certains se lassent », ajoute Stéphane Pille, qui dirige un cabinet de recrutement spécialisé. Les titulaires d’un BTS peuvent, selon lui, espérer débuter avec un salaire net de 1 500 euros, et ont toutes les chances de gravir les échelons par la suite. Bâtiment et travaux publics (BTP) Dans ce secteur, les bac + 2 sont particulièrement prisés par les entreprises. « Il y a un besoin croissant de recrutements sur ces niveaux-là », constate Véronique Chauvin, responsable de l’Observatoire des métiers du BTP. Au total, une dizaine de BTS préparent aux métiers du BTP, parmi lesquels le BTS « bâtiment », le BTS « travaux publics » ou encore le BTS « constructions métalliques ». Les DUT dont quant à eux au nombre de deux : le DUT « génie civil-construction durable » et le DUT « génie thermique et énergie ». L’insertion professionnelle se révèle relativement rapide : sept mois après la fin de leurs études, 65 % Web Designer Game Designer Maquettiste Graphiste BAC PRO GRAPHISME GRAPHISM Infographiste BAC STD2A Illustrateur Concepteur Multimedia BTS DESIGN GRAPHIQUE www.edta-sornas.com 108, rue Saint-Honoré 75001 PARIS Tél. 01 42 36 49 09 [email protected] Établis Étab liss issse emen eme men men ntt pr privé ivé é d’enseig d’e seigneme d’ em mentt techn tec echniique e sse seconda co da aire & su up péri pér é eur ur « Un chef de chantier peut démarrer à 28 000 euros par an, mais en deux ou trois ans, on passe à 31 000 euros, puis au bout de dix ans à 35 500 euros » Véronique Chauvin responsable de l’Observatoire des métiers du BTP Tendance forte, les postes d’encadrement (chef de chantier ou conducteur de travaux) continuent à se développer dans le BTP, au bénéfice des jeunes diplômés (de bac +2 à bac +5). Véronique Chauvin précise : « Nombre d’entreprises ont plus besoin d’encadrement que de production, qu’elles sous-traitent. Les chefs de chantier doivent être capables de gérer plusieurs chantiers et des soustraitants. En parallèle, les évolutions technologiques et réglementaires nécessitent des connaissances techniques plus poussées. » Parmi les nouveautés, figure notamment le BIM (building information modeling, ou « modélisation des données du bâtiment »), qui utilise des maquettes en 3D interactives pour concevoir un projet de construction ou de rénovation. Cette technologie a fait naître une profession, BIM manager, qui nécessite des compétences numériques très spécifiques. Autre mutation, la mise aux normes liée à la transition énergétique implique de nouveaux procédés (isolation des bâtiments et économie d’énergie ou gestion des déchets). Des évolutions qui s’appuient sur une élévation générale des compétences. p diane galbaud et françoise marmouyet DUT et BTS, deux diplômes aux caractéristiques distinctes LES MÉTIERS du GRAPHISME & du MULTIMÉDIA Directeur Artistique des diplômés de BTS relevant du BTP et 74 % des DUT (génie civil) sont en poste, selon les enquêtes d’insertion de 2013 du ministère de l’éducation. Sur le chantier, ils peuvent être recrutés comme assistant chef de chantier, voire au poste de chef de chantier ou de chef d’équipe. Pour quels salaires ? « En moyenne, à un poste de chef de chantier, on peut démarrer à 28 000 euros par an, mais ensuite la progression est rapide : en deux ou trois ans, on passe à 31 000 euros par an, puis au bout de dix ans à 35 500 euros », indique Véronique Chauvin. Après quelques années d’expérience, les bac +2 peuvent rivaliser directement avec les diplômés d’écoles d’ingénieurs, par exemple sur des postes de conducteur de travaux. Autre voie possible après un DUT ou un BTS : intégrer des bureaux d’études, notamment comme métreur, technicien méthodes, dessinateur-projeteur en bâtiment ou géomètre-topographe. Contenu pédagogique, modalités d’évaluation, degré de spécialisation… les différences entre le BTS et le DUT sont réelles. A bien évaluer, selon l’évolution professionnelle souhaitée L es diplômes universitaires de technologie (DUT) sont plus généralistes que les brevets de technicien supérieur (BTS) : au total, ils comptent une vingtaine de spécialités, contre plus d’une centaine pour les BTS. « Chaque DUT vise globalement un champ d’activité plus étendu », explique Bernard Lickel, président de l’Association des directeurs d’IUT (Adiut). Ces compétences élargies ouvrent les perspectives de poursuites d’études. Elles peuvent aussi faciliter l’évolution professionnelle ultérieure. Le BTS, lui, propose des spécialités plus pointues. « Sur le plan technique, l’étudiant est davantage opérationnel », souligne Armand Huet, professeur en BTS et président de l’Association nationale des enseignants des techniques touristiques (Anett). Ce diplôme vise une insertion directe sur le marché du travail. Le DUT, « plus théorique » Néanmoins, aujourd’hui, la majorité des titulaires de BTS comme de DUT poursuivent leurs études, notamment en licence professionnelle. « Ils sont formés pour travailler dans plu- sieurs secteurs. Avec la licence professionnelle, ils ajoutent une couche de spécialisation », estime Armand Huet. En matière pédagogique, DUT et BTS mêlent tous deux cours théoriques et pratiques (TP, TD, projets tutorés), accompagnés de plusieurs stages (de dix à quinze semaines au total). « Il y a parfois des cours magistraux en DUT, mais pas en BTS, précise Bernard Lickel. Globalement, la formation en DUT est un peu plus théorique. » L’IUT relève de l’université et en offre les avantages (bibliothèques, laboratoires de recherche…), tout en dispensant un enseignement très encadré par rapport à la fac. Les cours sont assurés par des équipes mixtes : enseignants du supérieur, du second degré, vacataires, dont des professionnels issus d’entreprises. La section de technicien supérieur (STS, section qui prépare au BTS) se situe, elle, dans un lycée, public ou privé. Les promotions restent relativement réduites (une trentaine d’élèves) et l’enseignement est essentiellement assuré par des professeurs de lycée. A terme, un examen clôt les études de BTS, alors que le DUT, lui, privilégie le contrôle continu. p di. g. Formations courtes | 0123 Jeudi 11 février 2016 UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES | 11 Partir à l’étranger pendant son cursus En STS ou en IUT, les stages peuvent être une bonne occasion de s’ouvrir à l’international. Mais d’autres possibilités existent S i les formations longues permettent plus facilement de partir à l’étranger en cours de cursus, un séjour hors de France est également possible lorsque l’on est étudiant en IUT ou que l’on prépare un BTS. « Partir, être contraint à sortir de sa zone de confort, c’est très bénéfique », assure Guillaume Bordry, directeur de l’IUT Paris-Descartes. « Les étudiants français sont souvent très pressés d’avancer et ne veulent pas passer un an à l’étranger. Or, c’est très enrichissant », renchérit Laurent Simonin, du service relations internationales de l’IUT Lyon-I. Tour d’horizon des possibilités d’expatriation. Stage « Pour partir, le plus simple est le stage », souligne-t-il encore. En IUT, le stage de première année offre peu de possibilités (sa courte durée – quatre semaines – limite l’intérêt et n’ouvre pas droit à une bourse). En revanche, en deuxième année, le stage, de huit à dix semaines, permet de partir plus facilement, notamment pour les étudiants des filières à vocation internationale et commerciale. En BTS, un stage à l’étranger est obligatoire ou fortement conseillé pour les étudiants en première année d’une filière « à référentiel commun européen » : commerce international, assistant gestion PME-PMI, responsable d’hébergement, industries plastiques, transport, etc. En outre, depuis 2007, le programme Erasmus est ouvert aux stages, ce qui élargit le choix. Echange universitaire La France étant un des seuls pays où existent des formations en bac +2, les échanges sont rares pour les étudiants de STS ou d’IUT. Toutefois, « certains IUT ont un partenariat pour permettre un semestre ou deux dans une autre université, gé- néralement en deuxième année », explique Guillaume Bordry. De nombreuses régions proposent des aides à la mobilité pour les stages et pour les échanges. Dueti Le diplôme universitaire d’études technologiques internationales (Dueti), créé par les IUT français, permet aux étudiants, après leur DUT, de passer une année à l’étranger en niveau bac +3. « Il n’offre pas le diplôme licence mais équivaut à une licence, et ouvre la plupart du temps la porte au master », précise M. Bordry. « Il est assez bien reconnu, en particulier dans les formations commerce », ajoute M. Simonin. Les étudiants peuvent là aussi profiter d’Erasmus. Séjour linguistique en BTS Depuis 2008, la région Ile-de-France propose le Passeport langues vivantes pour les BTS, destiné aux étudiants de première année. « Il s’agit d’un séjour linguistique en Espagne ou en Grande-Bretagne – tous frais pris en charge – pendant les vacances de printemps, avec vingt cours sur deux semaines », indique Agnès Evren, vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France en charge de l’éducation et de la culture. Le choix des participants (650 chaque année) se fait sur critères sociaux. Volontariat et césure D’autres possibilités existent : le volontariat international en entreprise (VIE), l’année de césure, ou la poursuite d’études dans une filière qui permet de partir à l’étranger. Dans tous les cas, il y a, conseille M. Simonin, « deux questions essentielles à se poser avant de partir : est-ce que je peux le faire financièrement et est-ce que ce que je vais y faire – études ou stage – est reconnu en France ? ». p erwin canard Une prépa sur mesure pour les plus industrieux Méconnues, les prépas ATS permettent à des titulaires de BTS ou de DUT industriels d’accéder à des écoles d’ingénieurs prestigieuses A l’heure où une majorité d’étudiants de DUT envisagent un bac +5, et où les écoles multiplient les passerelles à leur intention, certains établissements restent cependant hors de leur portée. C’est le cas de Centrale Lille, Marseille, Nantes ou Lyon, qui ne participent pas à la banque d’épreuves DUT/BTS montée par une quinzaine d’écoles d’ingénieurs. Les diplômés des instituts universitaires de technologie (IUT) ne doivent pas renoncer à ces prestigieux horizons. La solution : passer par une classe prépa « adaptation technicien supérieur » ou ATS. Implantées dans les lycées, comme les prépas scientifiques accessibles après le bac, elles permettent à des titulaires de BTS ou de DUT industriels de renforcer leurs connaissances en maths et en physique pour se présenter à une quarantaine d’écoles, dont le réseau Polytech, les Mines ParisTech, Télécom Nancy ou les Mines de Douai. En plus de ce concours sur mesure, ils peuvent aussi tenter des admissions sur titre à bac +2, avec plus de chances de réussite. « Il est dommage que témoignage cette filière sélective soit méconnue car elle transforme vraiment l’avenir des étudiants », juge Annie Leuridan, coordinatrice de la classe ATS du lycée EugèneLivet, à Nantes. Elle cite l’exemple d’un bachelier professionnel, passé par un BTS en productique textile, et qui a rejoint les Arts et Métiers en 2015. Vu son parcours très spécialisé, sans la prépa ATS, il n’aurait pas pu accéder à une école généraliste de ce rang. Une telle réussite requiert un fort investissement personnel pendant un an. « Le rythme est très soutenu, avec des interrogations écrites et orales chaque semaine. Nous n’accueillons pas seulement des têtes de classe. Mais il faut, dans tous les cas, faire preuve d’une grande motivation », indique Annie Leuridan. Sur 120 dossiers de candidature, son lycée retient 30 à 40 profils, qui « décrochent tous une école, même si certains préfèrent finalement s’inscrire à l’université ». Outre cette trentaine de classes orientées vers l’ingénierie industrielle, il existe treize prépas ATS bio, menant aux écoles d’agronomie ou de vétérinaires. p aurélie djavadi témoignage «Mon DUT m’a donné le goût du terrain» «Le BTS m’a permis d’intégrer une école de commerce» Alexandre Laflaquière, 23ans, a rejoint l’Ensta Bretagne après un DUT de génie industriel Laura Chiche, 22 ans, a intégré l’Inseec de Paris en 2013, après un BTS international « J’AI CHOISI LE DUT “génie industriel et maintenance” pour avoir une formation complète et surtout pratique. On y aborde tous les aspects de ces domaines : réparer ou maintenir en état des systèmes mécaniques, électroniques ou DR informatiques. Pour apprendre, j’ai besoin de savoir à quoi sert un objet, comment on l’utilise. J’envisageais dès le départ de faire une école d’ingénieurs après mon DUT, mais une classe prépa aurait été trop théorique pour moi. Pour être pris à l’Ecole nationale supérieure de techniques avancées [Ensta] Bretagne, dont la spécialité “mécanique et électronique” en alternance m’intéressait, j’ai misé sur de bons résultats en DUT (un peu plus de 15 de moyenne sur les deux ans). J’ai aussi passé le TOEIC – un test d’anglais nécessaire à l’obtention du diplôme d’ingénieur. Ma candidature a été retenue sur dossier, puis j’ai passé deux entretiens, l’un avec des professeurs et l’autre avec des industriels partenaires de l’école. J’ai vite trouvé une entreprise pour me former en alternance : DCNS, un constructeur de navires de guerre et de sous-marins. Depuis près de trois ans, je suis chargé d’études du système d’exploitation sur le site de Cherbourg. Il y a du travail sur des automates, de l’informatique, du code : c’est exactement ce que je voulais faire. Les deux premières années, j’alternais tous les deux mois entre l’école et mon entreprise ; pour ma dernière année, c’est six mois à l’école, six mois à DCNS. Mon DUT étant assez généraliste, je n’ai pas eu de difficultés à l’Ensta : je connaissais les matières, ce qui m’a mis en confiance. En entreprise aussi, mon DUT constitue un atout. Il m’a donné le goût du terrain et j’ai appris à me débrouiller avec les moyens du bord. » p propos recueillis par f. ma. « APRÈS AVOIR OBTENU mon bac ES en 2011 puis échoué aux concours de commerce, j’ai choisi de faire un BTS international : je voulais me former en marketing, et c’était le cursus le plus complet, et il me permettait aussi de voyager. Avec le recul, je DR dirais que mon BTS a été la voie idéale pour intégrer une école de commerce et faire ce que j’aime – du e-marketing –, car c’est une formation moins théorique qu’une première année d’école de commerce, qui donne de solides bases. En première année, je me suis confrontée au monde de l’entreprise deux mois de stage à Londres pour un showroom de mode, ce qui m’a permis d’améliorer mon anglais. L’année suivante, je suis partie en mission exportation en Turquie pour une marque de bijoux. Je n’aurais pas eu la possibilité de faire tout cela en intégrant une école directement après le bac ou en faisant une prépa. Mais pour être plus spécialisée, j’ai voulu compléter ma formation en école de commerce. J’ai présenté le concours de l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) en 2013. Je m’y suis sérieusement préparée : j’ai travaillé à partir des annales, surtout pour l’épreuve de logique. J’ai aussi misé sur l’anglais. Et je l’ai eu ! En première année, j’avais des lacunes en comptabilité, car je n’en avais pas fait en BTS. En revanche, le marketing n’était pas nouveau pour moi. En deuxième année, j’ai choisi une spécialisation e-marketing, et j’ai fait un stage dans une agence à Tel-Aviv en Israël, pays à la pointe dans ce domaine. J’y faisais du « community management ». Aujourd’hui, je suis en année de césure, en stage dans le groupe Dim. Pour ma dernière année qui s’achèvera par l’obtention d’un master, je voudrais faire un échange avec un établissement espagnol, partenaire de l’Inseec. » p propos recueillis par f. ma. 12 | UNIVERSITÉS & GRANDES ÉCOLES | Formations courtes 0123 Jeudi 11 février 2016 Deux jeunes gens dans le vent | Passionnés de musique, Jérôme Wiss et Laura Weiss ont suivi une formation en alternance à l’Itemm, au Mans. Ils y ont appris à réparer ou à concevoir des instruments. Un parcours sans fausse note portraits D ans deux semaines, Jérôme Wiss, 31 ans, ouvrira son atelier, un peu plus d’an après avoir décroché son diplôme des métiers d’arts (DMA) : il fabriquera des pièces pour instruments à vent, plus précisément des embouchures pour saxhorns. Il a déjà des commandes. « Je fais un métier fabuleux, je ne pouvais pas rêver mieux », dit ce passionné de musique. A 21 ans, Laura Weiss est, quant à elle, élève de l’Institut technologique européen des métiers de la musique (Itemm) du Mans, où Jérôme a préparé son DMA. Elle est en première année de brevet des métiers d’arts (BMA), un diplôme équivalant à un niveau bac, dans la même spécialité que lui – « facture instrumentale, option instruments à vent ». Avec le BMA, Laura deviendra réparatrice, alors que le DMA forme, en plus, à la conception d’instruments. « Je crois que je m’arrêterai là, confie-t-elle. J’aime réparer : ça change tous les jours, on rencontre de nouvelles situations auxquelles il faut s’adapter. Et puis, pour le DMA, il faut un projet solide en innovation ou en conception, ce que je n’ai pas. » Laura évoque avec admiration Jérôme, qui pendant ses deux années de DMA, a recréé un instrument tombé en désuétude – l’ophicléide, cousin du saxophone. Ces formations sont réservées à des passionnés qui, plutôt que de s’embarquer dans de longues études, ont envie d’acquérir un savoir-faire. Laura, qui étudie en alternance – deux semaines à l’Itemm du Mans et trois semaines dans l’entreprise Buffet-Crampon à Mantes-la-Ville (Yvelines) –, évoque son maître d’apprentissage : « Il a trentecinq ans de maison, il est passé par tous les secteurs et peut répondre à toutes les questions. » Pour s’engager dans ces métiers, il faut une vraie motivation, mais aussi un mélange de fibre artistique et de goût pour le travail manuel. Laura et Jérôme pratiquent la musique depuis « Ce sont des études que je conseille à ceux qui veulent faire bouger le monde de la musique, mais attention, il faut être autonome scolairement » Jérôme Wiss titulaire du DMA « facture instrumentale, option instruments à vent » l’enfance – pour elle, la flûte traversière ; pour lui, l’euphonium, un petit tuba. Tous deux originaires d’Alsace, ils ont joué dans des orchestres d’harmonie, populaires dans la région. Petite, Laura aidait son père dans son atelier. Jérôme rêvait, lui, de devenir mécanicien auto. Ces formations réunissent souvent des jeunes aux parcours singuliers. Très tôt, Jérôme, pourtant un bon élève à qui on avait fait sauter une classe, avait décidé qu’il ne ferait pas d’études générales. Il obtient de ses parents de passer un CAP de cuisine, puis un autre de boulangerie. Il travaille ensuite pendant quatre ans. « Mais à force de porter des sacs de 50 kg de farine, je me suis abîmé le dos », explique-t-il. Il doit alors chercher une reconversion : « J’ai pensé à mes deux autres passions, la musique et la mécanique. » Le voilà parti pour un CAP en facture instrumentale, indispensable pour préparer ensuite le BMA. Puis il enchaîne avec le DMA, toujours en alternance. « Ce sont des études que je conseille à ceux qui veulent faire bouger le monde de la musique, dit-il, mais attention, il faut être autonome scolairement. » Laura, elle, a décroché le bac, dans la filière S. Mais elle ne se voyait pas suivre des études longues. En cherchant sur Internet ce qu’elle pourrait bien faire, elle est tombée sur l’Itemm. Elle se rend aux portes ouvertes avec ses parents. Tous sont conquis. Puis elle visite l’entreprise qui accepte de la prendre en apprentissage. Elle trouve les ateliers « magnifiques », avec « tous ces gens qui travaillaient de leurs mains ». Elle ajoute : « Je me suis tout de suite sentie bien. » Entre l’école et l’entreprise, le rythme est soutenu, mais Laura trouve encore le temps d’aller à des concerts à l’opéra. Jérôme, lui, travaille même le weekend. Mais le dimanche soir, pour se détendre, il fait de la brioche, souvenir de son ancien métier. p L’École Française du Journalisme devient l’École du Nouveau Journalisme véronique soulé Vingt-deux spécialités dans les métiers d’arts Le diplôme des métiers d’arts (DMA) se prépare en deux ans après le bac, en formation initiale ou en apprentissage. Il compte vingt-deux spécialités, certaines n’étant proposées que dans une seule école – horlogerie, lutherie, marionnette, art du bijou et du joyau, arts graphiques option gravure ou option reliure et dorure, décor architectural option métal, cinéma d’animation, etc. Il permet de travailler dans l’artisanat d’art, dans des ateliers de restauration, des agences de création… On y est admis avec un bac sciences et technologies du design et des arts appliqués (STD2A), après un brevet des métiers d’arts (BMA) ou un brevet de technicien (BT) des arts appliqués. Les bacheliers généraux passent par une classe de mise à niveau en arts appliqués. Outre des contenus professionnels, le DMA compte des enseignements généraux – français, économie, gestion, etc. – et, selon les spécialités, de l’histoire de l’art ou de la restauration muséale, ainsi que quatre à huit semaines en entreprise. ENQUÊTER, INFORMER, CONNECTER ADMISSION POST-BAC | ADMISSIONS PARALLÈLES | MBA SPÉCIALISÉS DEVENEZ JOURNÉES PORTES OUVERTES (13h-17h) › Journaliste enquêteur (terrain) › Journaliste éditeur (newsroom) › Journaliste producteur (studio) Paris Samedi 13 février 2016 Mercredi 23 mars 2016 Bordeaux Samedi 5 mars 2016 Mercredi 11 mai 2016 CONCOURS D’ENTRÉE Samedi 12 mars 2016 samedi 2 avril 2016 EFJ Paris 114 rue Marius Aufan 92300 LEVALLOIS 01 53 76 88 22 EFJ Bordeaux 8 parvis des Chartrons, 33074 BORDEAUX 05 56 44 56 22 efj.fr Titre certifié par l’État, RNCP niv II EJF New York 16W 61st Street NY 10023 - USA +1 212 261 1708