Le Monde - entree

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Le Monde - entree
UNIVERSITÉS
& GRANDES
ÉCOLES
SUPPLÉMENT
Jeudi 11 février 2016 ­ 72e année ­ No 22106 ­ 2,40 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ―
Fondateur : Hubert Beuve­Méry ­ Directeur : Jérôme Fenoglio
Les transports en commun
parisiens au bord de la rupture
▶ Il faudrait, indique la
▶ Elle estime dans son rap­
▶ L’entretien du réseau est
▶ La Cour estime par ailleurs
Cour des comptes, investir
« une cinquantaine de mil­
liards d’euros » dans les
transports d’Ile­de­France,
totalement saturés
port, rendu mercredi, que
la situation va continuer à
se dégrader jusqu’en 2020,
en raison des sous­inves­
tissements actuels
pour la Cour « une priorité
absolue », quitte à reporter
l’ouverture de nouvelles
lignes et à augmenter les
tarifs pour les usagers
que les prévisions de recet­
tes du gouvernement sont
surévaluées et acte l’échec
des contrats de génération
→ LIR E
P. 1 0 - 1 1 E T L’ É DITOR IA L P. 2 2
Bernie Sanders ,
la « révolution »
en marche
L’
inscription dans la Cons­
titution de la déchéance
de nationalité a été adop­
tée, mardi 9 février dans la nuit, à
une faible majorité, par 162 voix
contre 148. 119 députés socialistes
ont voté pour, 92 contre, 10 se
sont abstenus. Chez Les Républi­
cains, 32 ont voté pour, 30 contre.
La majorité des trois cinquièmes,
nécessaire à la révision, semble
ainsi hors de portée, d’autant que
le Sénat a prévenu qu’il entendait
« réécrire » le texte.
Manuel Valls a insisté à l’Assem­
blée sur le « serment » qu’avait pu­
bliquement fait le président de la
République. L’échec programmé
de la révision pèse ainsi directe­
ment sur François Hollande.
→ LIR E
▶ Le candidat l’a emporté,
mardi, lors de la primaire
démocrate du New
Hampshire
▶ Il se confirme comme
le principal challenger
d’Hillary Clinton
▶ Donald Trump
l’emporte largement
chez les républicains
→ LI R E
DÉCHÉANCE
VOTE AMER
POUR
HOLLANDE
P. 8 E T DÉ B ATS P. 1 3
ENVIRONNEMENT
LA COUR SUPRÊME
DÉSAVOUE OBAMA
SUR LE CLIMAT
→ LIR E
PAGE 6
SANTÉ
LE GOUVERNEMENT
TENTE D’AMADOUER
LES MÉDECINS
PAG E 2
→ LIR E
PAGE 9
CULTURE
LES MUSÉES
FRANÇAIS À L’HEURE
CHINOISE
A Manchester, dans le New
Hampshire, le 9 février.
DARCY PADILLA / VU POUR « LE MONDE »
→ LIR E
LES RÉFUGIÉS
D’ALEP BLOQUÉS
À LA « PORTE
DE LA PAIX »
par benjamin barthe
kilis (turquie) - envoyé spécial
L
es Syriens l’appellent Bab Al­Salamah, la « porte
de la paix ». C’est un point de passage avec la
Turquie, au nord d’Alep. Un sas de sortie de l’en­
fer pour tous les habitants de cette région, soumis au
feu roulant des chasseurs bombardiers russes. Mais
Bab Al­Salamah ne veut pas s’ouvrir. Dix jours après le
début de l’offensive des forces loyalistes sur la pro­
vince d’Alep, et alors que des dizaines de milliers de
Syriens s’entassent dans des camps de fortune aux
alentours, le poste­frontière reste fermé. En dépit des
promesses du président turc, Recep Tayyip Erdogan,
les autorités locales ne semblent pas pressées de rece­
voir une nouvelle vague de réfugiés qui s’ajouteraient
aux 2,5 millions de Syriens déjà présents. « Notre objectif pour l’instant est de maintenir autant que possible cette vague de migrants au-delà des frontières de la
Turquie, et de leur fournir à cet endroit les services nécessaires », a admis, lundi, le vice­premier ministre,
Numan Kurtulmus.
LE REGARD DE PLANTU
→
LIR E L A S U IT E PAGE 3
Cuvée record
pour les vins
et spiritueux
français
ÉCONOMIE
Avec un solde commercial positif
de 10,4 milliards d’euros, les vins
et spiritueux affichent une per­
formance inédite en 2015, dépas­
sant le précédent record de 2012.
Le secteur redevient le deuxième
exportateur français, derrière
l’aéronautique, mais devant les
parfums et cosmétiques. Le
champagne et le cognac ont été
les deux moteurs de ce dyna­
misme. Le taux de change favora­
ble de l’euro par rapport au dol­
lar, au yen ou à la livre sterling a
contribué à ces bons résultats.
© www.pollenstudio.fr
REPORTAGE
PAGE 1 6
CONCOURS
COMMUNS
2016
ENTREZ EN 1re ANNÉE SAM. 28 MAI 2016
Inscriptions du 4 fév. au 21 avr. 2016
ENTREZ EN 2e ANNÉE SAM. 19 MARS 2016
Inscriptions du 7 jan. au 25 fév. 2016
Renseignements et inscriptions www.sciencespo-concourscommuns.fr
→ LIR E LE C A HIE R É CO PAGE 5
Algérie 200 DA, Allemagne 2,80 €, Andorre 2,60 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,40 €, Cameroun 2 000 F CFA, Canada 4,75 $, Côte d'Ivoire 2 000 F CFA, Danemark 32 KRD, Espagne 2,70 €, Espagne Canaries 2,90 €, Finlande 4,00 €, Gabon 2 000 F CFA, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,60 €, Guyane 3,00 €, Hongrie 990 HUF,
Irlande 2,70 €, Italie 2,70 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,40 €, Malte 2,70 €, Maroc 15 DH, Pays-Bas 2,80 €, Portugal cont. 2,70 €, La Réunion 2,60 €, Sénégal 2 000 F CFA, Slovénie 2,70 €, Saint-Martin 3,00 €, Suisse 3,60 CHF, TOM Avion 480 XPF, Tunisie 2,80 DT, Turquie 11,50 TL, Afrique CFA autres 2 000 F CFA
2 | international
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Le candidat à la primaire républicaine Donald Trump après l’annonce de sa victoire dans le New Hampshire, mardi 9 février, à Manchester. MIKE SEGAR/REUTERS
Trump au-dessus de la mêlée républicaine
Largement en tête dans le New Hampshire, le magnat new-yorkais domine un parti en pleine confusion
washington - correspondant
S
i certains en doutaient en­
core, le New Hampshire a
dissipé toutes les illusions
mardi 9 février : la popula­
rité de Donald Trump est bien
convertible en bulletins de vote.
Mais le camp républicain n’est pas
le seul à être déstabilisé par un
outsider de 69 ans. En couronnant
un sénateur septuagénaire indépendant qui plaide vigoureusement pour une « révolution politique », les électeurs démocrates de
cet Etat de la Nouvelle-Angleterre
ont également infligé à la favorite,
Hillary Clinton, un camouflet.
Mais les effets perturbateurs de la
campagne du milliardaire, qui
multiplie depuis huit mois injures
et propositions extrêmes, risquent d’être d’autant plus dévastateurs qu’une compétition désordonnée devrait continuer de
régner au sein du Grand Old Party.
La domination du milliardaire
est totale si on se fie aux résultats
d’un sondage de sortie des urnes
publié par le New York Times.
M. Trump s’impose dans toutes
les familles républicaines (« très
conservateurs », « conservateurs »,
« modérés ») et dans toutes les classes d’âge. Les thèmes qu’il a martelés pendant la campagne (immigration, place de l’islam) figurent
également en tête des préoccupations des électeurs républicains.
Parmi tous les candidats républicains, il a été choisi le plus en
amont par ceux qui ont voté pour
lui. Trois qualités principales sont
enfin avancées pour justifier ce
vote en sa faveur : « Il dit les choses
comme elles sont », « il peut apporter le changement » et « il peut l’emporter en novembre ». Cette position de force confirme l’évolution
de l’opinion des électeurs républicains à son sujet. En novembre, ils
n’étaient que 39 % à estimer que le
magnat de l’immobilier serait
probablement le nominé républicain selon le baromètre ABCWashington Post. En janvier, selon
la même source, ils étaient désormais 64 % à le penser.
Au soir du vote de l’Iowa, le bon
score obtenu par le jeune sénateur de Floride Marco Rubio,
44 ans, avait alimenté l’espoir,
pour la direction républicaine,
d’un rapide regroupement des
forces autour de sa personne. Ce
rassemblement passait par une
nouvelle performance dans le
New Hampshire, un Etat en théorie plus favorable que celui du
Midwest, et par de nouvelles déroutes pour les autres candidats
modérés, les gouverneurs John
Kasich et Chris Christie, et l’ancien gouverneur Jeb Bush, tous laminés dans l’Iowa.
Le succès de John Kasich
Rien de tout cela ne s’est produit.
Handicapé par une contre-performance lors du débat télévisé du
6 février au cours duquel il n’avait
cessé de rabâcher mécaniquement le même paragraphe du discours qu’il délivre ordinairement
lors de ses réunions électorales,
M. Rubio n’est arrivé qu’en cinquième position dans le New
Hampshire. M. Kasich, gouverneur de l’Ohio, qui avait tout misé
dans cet Etat dans lequel il avait
tenu plus d’une centaine de town
hall, des séances de questions-réponses avec les électeurs, a obtenu au contraire la deuxième
place. Son discours de remerciements aux électeurs a été l’occasion pour lui d’exprimer un « conservatisme compassionnel » jusque-là étouffé par M. Trump.
Enterrée précocement à la suite
de médiocres performances lors
des premiers débats, la campagne
de Jeb Bush, fils et frère de président, semble également amorcer
un redressement. Il s’est traduit
dans le New Hampshire par une
quatrième place qui écarte durablement le spectre d’un abandon.
Il en va autrement pour le gouverneur du New Jersey. M. Christie,
qui avait poussé M. Rubio dans ses
retranchements samedi, mais qui
n’a pas obtenu le score à deux chiffres qui lui aurait permis d’espérer.
Dernière mauvaise nouvelle
pour l’establishment républicain,
le très conservateur sénateur du
Texas Ted Cruz, arrivé en tête dans
l’Iowa, est parvenu à limiter ses
pertes dans le New Hampshire
avec une troisième place. Il s’agit
pourtant d’un Etat dont la sociologie, et notamment le poids plus
faible des conservateurs religieux, ne lui est pas favorable. Il
en ira tout autrement dans les
Etats sudistes, nombreux à se prononcer dans les semaines à venir.
M. Trump, qui ne cesse de se féliciter bruyamment de la bonne te-
Handicapé
par une contreperformance lors
du débat télévisé,
le modéré Marco
Rubio n’est arrivé
que cinquième
nue de ses intentions de vote lors
de ses réunions politiques, peut
d’autant plus se réjouir que les
prochaines étapes de la course républicaine s’annoncent plutôt
bien pour lui. Le site Realclearpolitics, qui compile les différentes
enquêtes d’opinion, lui accorde
ainsi une marge d’avance de dix
points en Caroline du Sud tout
comme dans le Nevada. Ces deux
Etats se prononceront le 20 février pour un total de 80 délégués,
au lieu des 53 en jeu dans l’Iowa et
le New Hampshire réunis. Parmi
les Etats importants du Super
Tuesday, le 1er mars, M. Trump est
pour l’instant en tête en Géorgie
(76 délégués) et talonne M. Cruz
dans le Texas (155 délégués). Il domine également en Floride (99
délégués), où les électeurs se prononceront le 15 mars.
Bernie Sanders mobilise
La situation dans le camp démocrate est par comparaison beaucoup plus simple puisqu’il ne reste
déjà plus que deux candidats en
lice. Elle promet cependant une
course aussi longue et éprouvante
compte tenu des capacités de mobilisation de Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont l’emporte
dans la majorité des catégories
d’âge, mis à part les plus de 65 ans,
toujours selon le même sondage
du New York Times. Il devance également Mme Clinton auprès de
l’électorat féminin et creuse un
écart significatif au sein de l’électorat masculin avec 66 % contre
32 % pour sa rivale. Cette dernière
domine parmi les plus fortunés,
de quoi alimenter les accusations
d’appartenance à l’establishment.
Le regard des électeurs démocrates sur les deux candidats est cependant plus équilibré que dans le
camp républicain. M. Sanders est
plébiscité lorsqu’on les interroge
sur son honnêteté ou son écoute
des gens. Il en va de même pour
Mme Clinton lorsqu’il est question
d’expérience et de la capacité à
être élu(e) en novembre. Ces deux
thèmes déjà développés longuement par Mme Clinton lors de ses
duels télévisés devraient être martelés au cours des semaines à venir. Pour l’instant, cette dernière
devance largement M. Sanders
dans les deux prochains Etats, la
Caroline du Sud et le Nevada. p
gilles paris
Bernie Sanders solidement installé dans la course démocrate
la victoire de bernie sanders dans le
New Hampshire avait été anticipée par sa
rivale Hillary Clinton. Elle n’en constitue
pas moins une mauvaise nouvelle pour
l’équipe de campagne de l’ancienne secrétaire d’Etat. Le sénateur du Vermont, porté
par deux bons résultats, veut moins que jamais se contenter d’une candidature de témoignage.
S’exprimant vendredi 5 février au cours
d’un petit-déjeuner organisé par le Saint
Anselm College et le New Hampshire Institute of Politics, M. Sanders a dévoilé un
chiffre qui donne la mesure de la mobilisation de ses supporteurs. Ces derniers sont
en effet à l’origine de 3,5 millions de dons
pour financer sa campagne, avec une
moyenne de 27 dollars (24 euros) par don.
Ce chiffre historique, qui enfonce les records enregistrés par M. Obama au cours
de ses deux campagnes présidentielles, a
été dopé par le résultat de l’Iowa, où il avait
fait jeu égal avec Mme Clinton. Au lendemain de son match nul avec Mme Clinton,
M. Sanders a ainsi collecté 3 millions de
dollars supplémentaires.
« Un système corrompu »
Fort d’un trésor de guerre respectable, le
sénateur du Vermont peut livrer bataille
en toute quiétude dans de nombreux
Etats. Son message dénonçant le poids du
lobby bancaire, des grandes entreprises, y
compris celles qui possèdent les grands
médias américains, est rodé. Il lui permet
depuis le mois d’août de drainer des foules
considérables partout où il s’exprime. La
« révolution politique » qu’il défend n’a
pour lui rien d’un slogan. « Même si j’étais
élu à la Maison Blanche, je ne pourrais
changer les choses, à commencer par un
système de financement politique corrompu, sans le soutien d’un large mouvement », répète à l’envi M. Sanders avant de
plaider inlassablement en faveur de la gratuité des études supérieures, d’une augmentation massive du salaire minimum et
d’une couverture santé universelle.
Un observateur attentif suit de près le
parcours de Bernie Sanders. Il s’agit du
président démocrate Barack Obama qui a
fait part de sa « surprise » face aux bons
résultats du sénateur, mardi, avant les résultats du New Hampshire, au cours d’un
entretien diffusé par la chaîne CBS, tout
en estimant qu’il était encore « prématuré » d’en tirer des conclusions.
M. Obama affiche pour l’instant sa neutralité, mais il a égratigné M. Sanders
dans un autre entretien publié par Politico, avant l’Iowa, en expliquant que le titulaire de la fonction présidentielle ne
pouvait « se payer le luxe de se concentrer
sur un seul sujet ».
Bernie Sanders a obtenu deux bons scores dans deux Etats homogènes, dont la
population est blanche à plus de 90 %. Il
va en aller différemment pour lui dans les
Etats du Sud où le vote afro-américain se
porte pour l’instant majoritairement sur
sa rivale. p
g. p.
international | 3
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
A la « porte
de la paix », les
réfugiés d’Alep
fuient l’enfer
Des milliers de Syriens
se pressent à la frontière turque
suite de la première page
Un nouveau camp de tentes, le
neuvième, a donc surgi durant le
week-end aux abords de Bab Al-Salamah. Selon le vice-président du
Croissant rouge turc, Kerem Kinik,
65 000 Syriens s’agglutinent désormais aux abords du poste-frontière, dont 15 000 arrivés depuis
l’intensification des bombardements russes, lundi. « Les camps
sont saturés, raconte Ahmed
Al-Mohamed, un employé de
Médecins sans frontières qui revient juste de Syrie. Les premiers
jours, certaines personnes dormaient dans la rue ou dans les
champs d’oliviers. J’ai même vu des
familles qui dorment dans leur voiture, dans le no man’s land entre les
deux bouts de la frontière. »
Selon un expert onusien, 10 000
autres déplacés se sont arrêtés à
Azaz, la première ville syrienne,
Kilis
TURQUIE
Bab Al-Salamah
Azaz
Afrin
Tal Rifaat
SYRIE
Alep
10 km
cinq kilomètres au sud du terminal. Plutôt que de tabler sur une
hypothétique ouverture de la
frontière, certains habitants de la
province d’Alep ont préféré se
réfugier dans sa partie ouest,
épargnée pour l’instant par les
frappes russes.
Près de 6 000 personnes ont
également été autorisées par les
forces kurdes à s’installer dans le
district d’Afrin, au nord-ouest
d’Alep, qui est sous leur contrôle.
En tout, selon un décompte préliminaire de l’ONU, le nombre de
déplacés de la semaine passée
avoisine les 45 000.
« Un volcan en éruption »
Les seuls Syriens autorisés à entrer en Turquie sont les blessés.
La plupart sont dirigés vers le
petit hôpital de Kilis, la ville qui
borde le terminal. Au deuxième
étage, Mohamed Abu Jamil, un
père de famille de 45 ans, émerge
d’une opération aux jambes.
Lundi, il se trouvait dans sa maison, à Tell Rifaat, à une vingtaine
de kilomètres de la frontière,
lorsqu’une explosion a retenti,
faisant voler en éclats les fenêtres. « C’était comme un volcan en
éruption, avec de la fumée orange,
explique-il, allongé sur son lit. On
s’est mis à courir. J’ai été fauché
par la deuxième roquette. »
Son fils Ibrahim, autorisé à l’accompagner, raconte le calvaire enduré par la bourgade depuis la fin
de la semaine dernière. « Les avions
russes attaquent dix à quinze fois
par jour. Ils larguent parfois des ro-
Un enfant réfugié à Bab-Al-Salamah, près d’Azaz, dans le nord de la Syrie, à la frontière avec la Turquie, le 10 février. BULENT KILIC/AFP
« Les Syriens
sont-ils tous
des terroristes
bons
à massacrer ? »
ABOU AHMED
médecin
quettes longues de plusieurs mètres, qui descendent en parachute et
dévastent tout autour d’elles. »
L’usage sur le terrain syrien de ce
type de projectiles a été authentifié
par de nombreuses vidéos, sans
qu’il soit possible d’identifier formellement leur nature.
Sur le lit d’à côté, un jeune
homme se remet d’une plaie au
cou, causée par des éclats d’obus.
Il se présente comme un civil,
blessé alors qu’il se trouvait sur le
perron de son domicile. Mais son
air emprunté et son refus d’en
dire davantage laissent supposer
qu’il a été blessé dans des
combats, comme de nombreux
autres patients de l’hôpital,
moins timorés, qui n’hésitent
pas à se dire membres de l’Armée
syrienne libre (ASL), la branche
modérée de l’insurrection.
Dans la chambre qui se remplit
de visiteurs, la présence d’un
journaliste occidental allume un
débat orageux. « Les gouvernements occidentaux savent tout ce
qu’il se passe en Syrie et pourtant
aucun ne bouge, s’exclame l’un
d’eux, un docteur surnommé
Abou Ahmed, installé à Kilis depuis quatre ans. Les Syriens sontils tous des terroristes bons à massacrer ? » « Il nous faut des missiles
sol-air, 100 missiles sol-air, vous
comprenez ! Avec ça, ces poltrons
de Russes déguerpiront aussi vite
qu’ils sont venus », lance un autre.
« Non, objecte un troisième. Nous
n’avons besoin ni de nourriture, ni
d’argent, ni d’armes. Il faut juste
décréter une zone d’interdiction
aérienne sur le nord d’Alep, pour
nous permettre de rentrer dans
nos maisons. »
Mais il est trop tard. Les EtatsUnis ont toujours été hostiles à
cette idée, suggérée par la Turquie.
Et à supposer qu’ils changent
d’avis, ce qui est improbable, la percée des forces gouvernementales,
avec le soutien de l’aviation russe,
rend une telle mesure désormais
impossible à mettre en œuvre. Les
pro-Assad ne sont plus qu’à une
poignée de kilomètres de Tell
Rifaat. Ils peuvent espérer atteindre la frontière et reprendre le contrôle de Bab Al-Salamah dans les
prochaines semaines.
Devant le terminal, côté turc, un
journaliste syrien pianote sur son
portable. Il communique par
WhatsApp, une application de
messagerie instantanée, avec un
résident de Tell Rifaat, chargé du
transfert des blessés vers Kilis.
L’homme vient d’envoyer un message sonore. « Nous venons de recevoir cinq nouveaux morts. Il y a des
avions partout au-dessus de nos têtes. » Et d’une voix au bord des larmes, il ajoute : « Nous ne pouvons
pas nous battre contre le ciel. » p
benjamin barthe
Doutes autour du soutien de l’OTAN
L’idée d’une demande d’appui matériel à l’OTAN pour le contrôle des flux de migrants dans le sud de l’Europe, lancée lundi
8 février par Angela Merkel et le premier ministre truc, Ahmet
Davutoglu, suscite beaucoup de scepticisme au sein de
l’Alliance atlantique. La question devrait être évoquée au cours
de la réunion des ministres de la défense, les 10 et 11 février. Le
secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a promis un examen « très sérieux ». L’ambassadeur américain Douglas Lute s’est
montré plus évasif. D’autres diplomates, sous le couvert de
l’anonymat, ne cachaient pas leurs doutes.
Israël cible les ONG financées par des gouvernements étrangers
Sous couvert de « transparence », une loi oblige les organisations à mentionner leurs donateurs dans leurs rapports
Michel Fau
Louis Garrel
ges sur la réalité de l’occupation et
des guerres menées dans la bande
de Gaza. En Israël, s’en prendre à
l’armée relève du plus grave blasphème civique. Attaquée constamment, l’ONG a même dû faire
face, explique sa directrice, Yuli
Novak, à une infiltration. Deux
taupes ont été découvertes. Depuis près d’un an et demi, ces
hommes mandatés par une organisation d’extrême droite travaillaient comme volontaires,
après s’être présentés comme de
simples soldats ayant un témoignage à apporter.
Le 5 février, plusieurs dizaines
d’ONG ont organisé un rassemblement festif dans le port de Tel-
Benoit Magimel
le César 2016 du Meilleur Acteur dans un Second Rôle
Aviv, pour présenter un front
commun face à ce qu’elles estiment être un assaut contre la société civile. « Cela fait des années
que ce gouvernement et les précédents travaillent pour délégitimer
les organisations de défense des
droits de l’homme, en les caricaturant comme des défenseurs de l’ennemi, expliquait Hagai El-Ad,
directeur de B’Tselem, qui documente les violations des droits
des Palestiniens par l’armée et les
colons. Pour le gouvernement, la
démocratie est le règne de la majorité. Or, ce ne peut être juste cela. Il
y a des valeurs et des droits qui ne
dépendent pas d’un vote. » p
piotr smolar
© Paul Arnaud _ Why Not Productions
Tir de barrage
Seule concession faite par
Benyamin Nétanyahou par rapport au projet de loi initial : le premier ministre a demandé l’abandon du port d’un badge spécifique
pour les membres de ces organisations lors de leurs visites à la
Knesset. Cette modification sym-
bolique a été motivée par les critiques aux Etats-Unis et en Europe
contre ce texte jugé discriminant.
Les ONG proches des colons, qui
bénéficient de financements
abondants de fondations aux
Etats-Unis, ne sont pas concernées par le projet de loi. En ciblant
les financements étatiques, le
texte atteint exclusivement les organisations étiquetées de gauche,
qui veillent au respect des droits
de l’homme et observent les violences et les abus commis contre
les Palestiniens.
Celle qui affronte un véritable tir
de barrage est Rompre le Silence.
Regroupant des vétérans de l’armée, elle recueille des témoigna-
©DR
© Larry Horricks
nommés pour
site la liste de nos donateurs. »
Yesh Din touche « plus de 90 % »
de ses financements de membres
de l’Union européenne, expliquet-il. Un argument idéal pour la
droite, qui estime que cela discrédite une telle organisation
comme acteur loyal de la société
civile israélienne.
©DR
J
ournalistes étrangers, députés arabes, organisations non
gouvernementales, institutions culturelles déloyales envers l’Etat : depuis deux mois, le
Parlement israélien ouvre de multiples fronts contre les représentants d’une supposée « cinquième
colonne ». Dernier épisode marquant : par 50 voix pour et 43 contre (sur 120 députés), la Knesset a
adopté en première lecture, lundi
8 février, un projet de loi sur la
« transparence » des ONG. En parallèle à la préparation de ce texte,
une campagne de diffamation et
d’attaques a été lancée depuis
deux mois par l’extrême droite et
les colons contre ces organisations, accusées d’être des « taupes » de l’étranger et des complices des terroristes palestiniens.
Porté par la ministre de la
justice, Ayelet Shaked, le projet de
loi stipule que les ONG recevant
plus de la moitié de leur financement d’autres gouvernements
devront mentionner leurs donateurs dans leurs rapports et présentations publiques. « Ce texte
n’a rien à voir avec la transparence,
car celle-ci existe déjà, explique
Gilad Grossman, porte-parole de
Yesh Din (Volontaires pour les
droits de l’homme). Nous publions chaque trimestre sur notre
© Luc_Roux
jérusalem - correspondant
André Marcon
Vincent Rottiers
L’Académie des César vous propose de voir ou de revoir en salle les ilms pour lesquels ils ont été nommés dans une programmation
Programme sur www.academie-cinema.org
spéciale César dans les cinémas parisiens Le Balzac et Les 3 Luxembourg.
4 | international
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
OTAN : Washington
envoie des moyens à l’Est
L’Alliance a examiné le plan de réassurance
américain en Europe orientale face à la Russie
Escalade d’exercices militaires à la frontière OTAN-Russie
SUÈDE
FINLANDE
NORVÈGE
Mer
Baltique
ESTONIE
bruxelles - bureau européen
Q
uatre fois plus de
moyens pour dissuader la Russie d’être
agressive aux frontières orientales de
l’OTAN : en présentant cette offre à
ses alliés réunis à Bruxelles les 10
et 11 février, le secrétaire américain
à la défense, Ashton Carter, veut
convaincre que « l’initiative de
réassurance européenne » lancée
en 2014 après l’annexion de la Crimée par la Russie se traduit dans
les faits. Une offre sérieuse contre
une demande ferme : M. Carter
entend mobiliser les Européens
pour partager les efforts militaires
américains menés contre l’organisation Etat islamique (EI) en Irak et
en Syrie – les représentants de 65
pays se réuniront jeudi à Bruxelles. Le 2 février, il avait vertement
critiqué une « prétendue coalition » internationale.
Les ministres de la défense de
l’OTAN devaient donc examiner,
mercredi 10 février, le projet d’investir 3,4 milliards de dollars
(3 milliards d’euros) – contre
789 millions jusque-là – pour renforcer la présence américaine en
Europe, avec un prépositionnement de forces en Pologne et dans
les Etats baltes. « Il permettra d’investir dans des aérodromes, des polygones de tir, des centres de formation », a illustré mardi Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance.
Le
stationnement
permanent de troupes de l’OTAN
n’est pas en discussion, mais il
s’agit bien de présences aérienne,
maritime et terrestre « continues »,
ainsi que d’une activité « significative » selon un principe de rotation.
L’idée est de passer de 200 blindés lourds aujourd’hui à 500.
Mais ces équipements, utilisables
en cas de crise dans le cadre de la
nouvelle force de réaction rapide
de l’Alliance, seront pour l’essentiel cantonnés à l’Ouest, en Allemagne notamment : Washington
Selon le directeur
du renseignement
américain,
l’attitude de la
Russie pourrait
conduire « à une
spirale semblable
à la guerre froide »
met en avant le fait qu’on y trouve
de meilleures capacités logistiques. Côté troupes, les effectifs
passeraient de 4 000 à 12 000 soldats américains, en rotation –
pour ne pas contrevenir aux accords avec la Russie. Le volume
reste loin des 300 000 hommes
stationnés en permanence pendant la guerre froide.
« Tester la mobilité »
Il permettra néanmoins de poursuivre la politique d’exercices multinationaux tous azimuts relancée
par l’OTAN en 2014. Ces
manœuvres militaires sont devenues l’indicateur le plus tangible
du regain de tension entre l’Alliance et la Russie. A la veille de la
réunion de Bruxelles, l’armée
russe s’est ainsi une nouvelle fois
mise en mouvement aux frontières de l’Ukraine.
Avec 900 blindés, 200 avions de
chasse, 50 bateaux et 8 500 soldats,
l’exercice lancé lundi 7 février par
le ministre de la défense, Sergueï
Choïgou, doit permettre de « tester
la mobilité » des troupes.
La défense russe se voit reprocher de multiplier les snap exercices, les exercices surprises non notifiés à la communauté internationale. Dans le même temps, Moscou bloque toute révision des
documents de Vienne qui, dans le
cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
(OSCE), prévoient depuis la guerre
froide des mesures de transpa-
rence réciproque. Menés à large
échelle, les snap exercises ont
formé une part savamment dosée
des 4 000 manœuvres conventionnelles d’entraînement annoncées par Moscou en 2015.
Pour sa part, l’OTAN répète que
sa capacité dissuasive et sa crédibilité militaire ont été renforcées
en 2015 grâce à la réalisation de
300 entraînements majeurs interalliés, contre 162 l’année précédente. « Trident Juncture » fut, en
octobre 2015, « le plus important
exercice depuis la fin de la guerre
froide » avec 36 000 soldats.
Face à une Russie dont « l’activité
a augmenté de 70 % aux frontières
de l’OTAN », selon l’organisation, la
moitié des entraînements seront
destinés à rassurer les alliés de
l’Est. Le nouveau plan américain
doit être décidé en juin, et devenir
une mesure phare du sommet de
l’Alliance prévu en juillet à Varsovie. Il s’ajoute aux nouvelles mesures sur la défense antimissile –
des SM3 positionnés en Roumanie fin 2015, d’autres prévus en Pologne en 2018 – mais aussi aux
projets
d’élargissement
de
l’OTAN : adhésion programmée du
Monténégro, partenariats nourris
avec la Finlande et la Suède.
Mardi, le directeur du renseignement américain, James Clapper, a
estimé que l’attitude de la Russie
pourrait conduire « à une spirale
semblable à la guerre froide », jugeant les Russes « fondamentalement paranoïaques vis-à-vis de
l’OTAN ». La dernière étude de la
RAND, un groupe d’experts proche
du Pentagone, est venue nourrir le
débat : des scénarios d’invasion
des pays baltes ont démontré
qu’« il faudrait aux forces russes
soixante heures au plus pour atteindre les environs des capitales estonienne Tallinn ou lettonne Riga »,
assurent David Shlapak et Michael
Johnson, estimant à 2,7 milliards
de dollars l’effort militaire pour
éviter ce résultat. Mais les discussions entre les 28 membres de
Kaliningrad
(RUS.)
RUSSIE
LETTONIE
LITUANIE
BIÉLORUSSIE
POLOGNE
ALLEMAGNE
UKRAINE
SLOVAQUIE
HONGRIE
SLOVÉNIE
CROATIE
Crimée
ROUMANIE
ITALIE
BULGARIE
GRÈCE
Mer Noire
GÉORGIE
TURQUIE
Mer Méditerranée
L’ALLIANCE ATLANTIQUE
LA PUISSANCE RUSSE
Pays membre de l’OTAN
Russie
Pays membre de l’OTAN doté
d’unités de la Force
opérationnelle interarmées
à très haut niveau de
préparation (VJTF), capables
de se déployer sur un très
court préavis
Territoire annexé par Moscou
en mars 2014
UNE DÉMONSTRATION DE FORCE
Principaux exercices militaires
réalisés en 2014 et 2015
par l’OTAN
par des pays membres de
l’OTAN, à l’extérieur du cadre
de l’alliance
par la Russie
Nombre de troupes déployées
moins de 5 000
entre 5 000 et 50 000
plus de 50 000
SOURCE : CENTER FOR SECURITY STUDIES, ETH ZURICH
l’OTAN ne seront pas aussi simples
qu’il y paraît.
Mises en garde
La difficulté est toujours de trouver un compromis entre les revendications des pays d’Europe
orientale et centrale et la disponibilité de leurs alliés occidentaux à
déployer des moyens. « Non à l’escalade, non à la provocation, le
projet doit être raisonnable au
plan des ressources et soutenable
militairement », juge un diplomate partisan d’une ligne « souple » à l’égard de Moscou. « Pour
réussir le sommet de Varsovie, il
faudra de la cohésion, et il conviendra de concilier la fermeté et le dialogue avec Moscou », insiste un
autre. Le nouveau pouvoir conservateur polonais fait l’objet de discrètes mises en garde. « Un pays
qui a adhéré à l’OTAN s’engage à
respecter ses valeurs et l’Etat de
droit », rappelle l’ambassadeur
américain auprès de l’Alliance.
La France souligne que tous les
projets en cours ne sont « pas dirigés contre la Russie et pas conçus
dans ce but ». Paris table sur une reprise du Conseil OTAN-Russie, qui
réunit les ambassadeurs des deux
camps, d’ici quelques semaines. p
jean-pierre stroobants
et nathalie guibert (àparis)
Les talibans menacent de nouveau Kunduz
La ville la plus importante du nord-est de l’Afghanistan est en « état de siège »
L
NOUVELLE COLLECTION PYTHON
332 RUE SAINT-HONORÉ PARIS +33 1 42 96 47 20
a scène résonne comme un
aveu. Mardi 9 février, pour
son dernier jour en tant que
gouverneur par intérim de la province de Kunduz, dont la capitale
du même nom a été contrôlée par
les talibans pendant quinze jours
à partir du 28 septembre avant
d’être reconquise, Hamdullah
Daneshi a livré un tableau inquiétant de la situation locale.
En guise d’adieu aux responsables de cette ville de 300 000 habitants, la plus importante du
nord-est du pays, il s’est plaint du
silence de Kaboul et a confirmé
que Kunduz était, de fait, en « état
de siège ». Selon lui, les talibans
encerclent la ville dans un rayon
d’« un à cinq kilomètres du centreville ». Insérés dans la population
locale ou issus de celle-ci, ils évoluent même librement, la nuit venue, dans l’ensemble de la ville en
dépit des forces de l’ordre qui y
patrouillent.
« Je n’ai cessé, a assuré
M. Daneshi, de demander qu’une
opération militaire de grande envergure soit lancée dans tous les
districts qui entourent la ville.
Mais personne n’a prêté attention
à mes appels. Les insurgés sont devenus encore plus puissants. » De
la même manière, a-t-il ajouté, de-
puis le mois d’octobre 2015, date
où il a remplacé le gouverneur en
titre, Mohammad Omar Safi, prié
de quitter ses fonctions après la
chute surprise de Kunduz, « les
autorités gouvernementales ont
refusé de coopérer avec [lui] ».
M. Daneshi a prévenu que la ville
devait se préparer à des violences
« bien plus importantes » que celles de la fin 2015. Seules les frappes
aériennes de forces spéciales américaines avaient permis de sauver
des forces afghanes en déroute.
Grand vide
Cependant, le président afghan,
Ashraf Ghani, a annoncé mardi à
Kaboul que des forces spéciales
afghanes avaient été envoyées
dans la province de Baghlan, voisine de celle de Kunduz, « pour défaire le siège de Kunduz ».
Rien ne semble donc avoir progressé sur le terrain sécuritaire en
Afghanistan, en dépit des messages rassurants de Kaboul et de
l’OTAN sur le contrôle effectif du
territoire. Le départ des troupes
régulières de l’OTAN, fin 2014, a
laissé un grand vide. L’avancée
des talibans et leur emprise montrent que les forces afghanes sont
dans l’incapacité d’assurer ellesmêmes leur sécurité.
Malgré la répétition des signaux
d’alerte, le gouvernement afghan
semble, de plus, sans réaction. Le
gouverneur Safi, nommé le 2 décembre 2014, avait déjà dû répondre, fin avril 2015, à une première
tentative de prise de Kunduz par
les talibans. En mai, des renforts
de l’armée étaient arrivés pour
desserrer l’emprise insurgée sur
les districts entourant la cité. Seuls
des barrages furent installés aux
entrées, et les talibans continuèrent de grignoter la ville district
par district, d’abord par l’ouest et
le sud-est avant d’attaquer, de
nouveau, le 28 septembre.
Dans le sud du pays, la situation
n’est guère plus réjouissante.
Dans la province du Helmand, fief
« Personne n’a
prêté attention
à mes appels.
Les insurgés sont
devenus encore
plus puissants »
HAMDULLAH DANESHI
gouverneur par intérim
de la province de Kunduz
historique des talibans, l’armée
américaine a reconnu, mardi,
qu’elle allait envoyer des renforts
d’ici à la fin du mois de février
pour soutenir les forces afghanes.
L’OTAN, à Kaboul, assure qu’« il ne
s’agit pas de troupes de combats »,
mais de « forces d’encadrement »,
conformément à la mission qui
lui a été confiée depuis fin 2014.
Néanmoins, selon un cadre de
l’ONU, joint mardi à Kaboul, « sans
la présence des soldats américains,
ce ne sont pas quelques districts
qui seraient sous contrôle taliban,
mais toute la province ». Un béret
vert américain a d’ailleurs été tué,
en janvier, dans des combats dans
cette zone.
Le président américain, Barack
Obama, a ralenti, en octobre, le
rythme du retrait américain. Il ne
devait rester que 5 500 soldats à
partir du 1er janvier 2016, il en
reste 9 800. Au 1er janvier 2017,
seule une force résiduelle de 1 000
soldats devait être maintenue à
Kaboul, mais elle sera de 5 500. Le
Pentagone tente aujourd’hui
d’obtenir de la Maison Blanche
une réévaluation à la hausse de
ces forces. En toute fin de mandat,
M. Obama semble peu pressé d’y
répondre. p
jacques follorou
international | 5
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
En Birmanie, Aung San Suu Kyi négocie avec l’armée
Un accord permettrait de suspendre un article de la Constitution empêchant la « Lady » de devenir chef de l’Etat
bangkok correspondant en Asie du Sud-Est
A
ung San Suu Kyi pourrait-elle finalement
devenir présidente de
la Birmanie ? La capitale, Naypyidaw, bruisse de rumeurs quant à un possible accord
entre la chef de l’opposition et
l’armée. Un « deal » qui permettrait d’en finir avec un article de la
Constitution empêchant Daw
Suu (« Mme Suu ») d’accéder à la
magistrature suprême. A ce jour,
ce poste est occupé par Thein
Sein, un ancien général.
Même les ténors de la Ligue nationale de la démocratie (NLD), le
parti de la Prix Nobel de la paix qui
a remporté une écrasante victoire
aux législatives du 8 novembre
2015, ont laissé entrevoir récemment que des pourparlers seraient
en cours afin de laisser la possibilité à Aung San Suu Kyi de devenir
chef de l’Etat.
« Notre priorité est d’amender des
lois qui sont obsolètes et ne sont
plus en accord avec la situation
actuelle », a déclaré la semaine dernière aux journalistes Tun Tun
Hein, membre du comité central
de la NLD. « Le peuple veut qu’Aung
San Suu Kyi soit présidente, et elle
mérite de l’être », a observé Tin Oo,
cofondateur du parti et ancien
président de la NLD.
Depuis novembre, Aung San
Suu Kyi a déjà par deux fois rencontré le patron de l’armée, le gé-
« Le peuple
veut qu’Aung San
Suu Kyi soit
présidente, et elle
mérite de l’être »
TIN OO
cofondateur de la Ligue
nationale de la démocratie
néral Min Aung Hlaing, alimentant les rumeurs. Sans compter
une entrevue surprise et encore
impensable il y a quelques mois
avec l’ancien dictateur Than
Shwe, l’homme qui voulait sa
mort et la força durant quinze ans
à rester confinée chez elle à Rangoun en résidence surveillée.
Certains diplomates et observateurs estiment ainsi que l’armée
serait éventuellement prête à lâcher du lest en échange de la promesse que ses intérêts économiques ne soient pas touchés si la
« Lady » montait sur le trône. L’armée gère en effet, par le biais du
ministère de la défense, deux importants conglomérats, les
Myanma Economic Holdings et
Myanma Economic Corporation.
Dimanche 7 février, une annonce conjointe faite par deux
chaînes de télévision gouvernementales a fourni encore un peu
plus de substance aux spéculations : les négociations en cours
entre le chef de l’armée et l’icône
L’HISTOIRE DU JOUR
Thaïlande : brutale fin de partie
pour des joueurs de bridge
L
’anecdote ne va pas contribuer à améliorer l’image du régime militaire sous la férule duquel se trouve la
Thaïlande depuis le coup d’Etat de 2014 : la descente effectuée, le 4 février, par policiers et soldats dans un club de bridge
de la station balnéaire de Pattaya vient de provoquer une crise
d’hilarité – et de consternation – dans le royaume.
Conséquence de ce raid des forces de sécurité dans la ville
dont la réputation de « capitale du vice » n’est plus à faire :
trente-deux retraités étrangers, dont beaucoup de Britanniques, qui s’adonnaient en toute légalité à leur jeu favori, ont été
arrêtés et retenus au poste de police pendant une douzaine
d’heures. Le fait qu’on ait pu s’en prendre à de paisibles seniors,
résidents d’une station balnéaire, par ailleurs surtout connue
pour ses prostituées, ses go-go bars de filles nues, ses dealers de
drogue, ses parties fines et les activités souterraines de la mafia
russe, prête évidemment aux commentaires les plus acerbes.
Surtout que les joueurs ne se cachaient pas : ils se réunissent
trois fois par semaine au Jomtien and Pattaya Bridge Club, dont
les activités sont aussi légales que
transparentes.
Cela n’a pas empêché les forces de
« CE RAID POLICIER
l’ordre, prévenues par un dévoué déFAIT DE LA THAÏLANDE nonciateur, de justifier l’arrestation
des retraités sous le prétexte que le
UN PAYS DONT
groupe de bridgeurs jouait pour de l’arON SE MOQUE DANS gent. C’était faux : il a été finalement
prouvé qu’aucun pari d’argent n’était
LE MONDE ENTIER » l’enjeu.
Autre accusation, les joueurs avaient
« BANGKOK POST »
en leur possession 120 cartes de
bridge non visées par le département
des impôts. Les bridgeurs auraient ainsi violé une loi passée
en 1943 par le régime collaborateur au temps de l’occupation
de la Thaïlande par les Japonais !
Les « contrevenants » ont finalement été libérés après avoir dû
payer une amende de 5 000 bahts (125 euros). Le lendemain, la
presse a trouvé du grain à moudre. Comme le quotidien anglophone Bangkok Post qui, en dépit de la censure imposée par la
junte, n’hésite souvent pas à se gausser du régime. « Ce raid de la
police a fait de la Thaïlande un pays dont on se moque dans le
monde entier », lisait-on dans un éditorial cinglant. « Absurde,
risible, stupéfiant », a continué l’article, ajoutant que cette maladroite descente de la maréchaussée et de l’armée « risque d’avoir
des conséquences sur le tourisme ».
En réalité, sans doute pas : rien qu’en décembre 2015, trois millions de touristes sont venus en Thaïlande, et l’arrestation de
bridgeurs risque fort peu de décourager les adeptes de plages et
de tourisme sexuel à Pattaya. Mais le président de la fédération
thaïlandaise de bridge a tout de même remarqué qu’environ
10 000 bridgeurs venaient chaque année à Pattaya et qu’ils risquaient à l’avenir d’annuler leurs séjours.
Réflexion de la responsable des pages éditoriales du Bangkok
Post, Ploenpote Atthakor : « On serait curieux de savoir pourquoi
la police ne s’occupe pas des réalités qui ont fait de Pattaya une
ville à la mauvaise réputation. » p
b. p. (bangkok, correspondant en asie du sud-est)
de la démocratie birmane pourraient bientôt produire des « résultats positifs », ont affirmé les
présentateurs durant les informations du soir.
Un député militaire vient
cependant de laisser entendre
que les spéculations d’un accord
entre la patronne de la NLD et l’armée risquaient fort peu de se concrétiser. Dans une interview au
Myanmar Times, le brigadier
général Tint San Naing a déclaré
qu’aucun amendement ne peut
se produire « car ce n’est pas en accord avec la Constitution ».
La négociation est intense dans
la mesure où l’armée, avec 25 %
de sièges réservés dans les deux
chambres du Parlement, dispose
de prérogatives en dépit de la démocratisation du pays. Notamment le droit de nommer les ministres des portefeuilles clés de
la défense, de l’intérieur et des
frontières.
Cette même armée avait, au
temps de son règne, inclus dans la
Constitution promulguée en 2008
un article taillé sur mesure pour
empêcher Aung San Suu Kyi de
briguer la présidence : l’article 59 (f) stipule que toute personne ayant été mariée et/ou
ayant des enfants avec un étranger
ne peut devenir chef de l’Etat. C’est
le cas d’Aung San Suu Kyi, qui est la
veuve de Michael Aris, un tibétologue britannique mort d’un cancer
en 1999 à l’âge de 53 ans. Deux enfants, Alexander et Kim, sont nés
de leur union et ont été plus tard
dépouillés de leur nationalité birmane par la junte.
« Au-dessus du président »
En dépit de son impressionnante
victoire qui a assuré à la Ligue nationale de la démocratie la majorité dans les deux chambres du
Parlement, le parti vainqueur ne
peut faire passer un amendement
constitutionnel : il ne peut normalement espérer obtenir les
75 % de voix que requiert une telle
réforme. A moins que, bien sûr,
les militaires votent en faveur de
l’amendement en question.
Certains responsables de la NLD
estiment qu’il y aurait un autre
moyen de « suspendre » la clause
59 (f), en « faisant passer une législation destinée à abroger cet article », avance Nyan Win, avocat et
membre du comité central du
parti. La manœuvre n’est cependant pas sans danger : « Suspendre
le 59 ( f) c’est, à court terme, créer
une crise constitutionnelle », juge
le Français Renaud Egreteau, spécialiste de la Birmanie et actuellement chercheur au Wilson Center
de Washington.
En revanche, ajoute ce chercheur, si Aung San Suu Kyi reste
en retrait, choisissant « un ou une
président(e) fantoche, c’est au
contraire lui permettre de s’installer dans une zone grise, non définie, qui lui laisserait une plus
grande marge de manœuvre, et de
nombreuses possibilités d’improvisation ». Ce qui, en cette délicate
période de transition vers la
démocratie, reste crucial pour
l’ambitieuse et néanmoins pragmatique « Lady ».
Celle-ci jouirait de toute façon
d’un pouvoir de facto : avant les
élections, Aung San Suu Kyi avait
laissé entendre qu’en cas de victoire de son parti, elle serait, en
temps que chef de la NLD, « au-dessus du président » et qu’elle choisirait un candidat « aux ordres ».
Le chef de l’Etat est élu en Birmanie dans le cadre d’un vote
complexe : un collège électoral
composé des députés des deux
chambres ainsi que des parlementaires représentant l’armée
élisent tout d’abord trois viceprésidents. Ils se réunissent ensuite de nouveau pour choisir
parmi ces derniers celui qui deviendra le chef de l’Etat.
Le fait que le vote aura lieu seulement le 17 mars, comme il vient
d’être annoncé lundi, suggère que
les négociations en cours vont
prendre du temps. p
bruno philip
6 | planète
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Brutal coup d’arrêt au plan d’Obama pour le climat
La Cour suprême américaine a suspendu le programme qui vise à limiter les émissions de CO2 des centrales
LES CHIFFRES
washington - correspondant
L
e coup est rude pour le
président
américain,
Barack Obama. La Cour
suprême a suspendu,
mardi 9 février, le plan américain
pour une énergie propre (America’s Clean Power Plan) que le chef
de l’Etat avait présenté le 3 août
dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat
(COP21). Ce plan vise à réduire de
32 % d’ici à 2030 les émissions de
gaz à effet de serre liées à la production d’électricité, sur la base de
celles enregistrées en 2005.
Mesure rare, les cinq juges
conservateurs de la Cour, contre
l’avis des quatre progressistes, ont
estimé que ce programme ne
pouvait être appliqué avant la fin
d’une procédure de justice intentée par vingt-sept Etats majoritairement républicains et par des industriels qui demandent l’arrêt
du plan. Une Cour fédérale doit se
prononcer sur cette procédure à
partir du mois de juin.
« Guerre d’Obama »
Cette guérilla est conduite notamment par le procureur général de
la Virginie-Occidentale et par un
sénateur du Kentucky, deux des
trois Etats « charbonniers », avec
le Wyoming, où une part écrasante de l’électricité consommée
est produite par des centrales à
charbon. Ce sénateur, Mitch
McConnell, également chef de la
majorité républicaine du Sénat,
dénonce « la guerre d’Obama »
contre le charbon. Il estime que
l’agence fédérale chargée de
veiller à l’application du plan,
l’Environmental
Protection
Agency (EPA), outrepasse ses
droits dans ce qu’il considère
comme des affaires relevant de la
seule responsabilité des Etats, et
que le plan va à l’encontre des intérêts de ces derniers. Signe de
l’extrême politisation du dossier,
– 26 % À – 28 %
Tel est l’objectif de réduction des
émissions totales de gaz à effet
de serre d’ici à 2025, par rapport
à 2005, fixé par les Etats-Unis
lors d’un accord avec la Chine en
novembre 2014. Ce chiffre représente la contribution américaine
à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique déposée
pour la COP21.
– 32 %
Il s’agit de l’objectif de réduction
des émissions de gaz à effet de
serre dans le secteur électrique
d’ici à 2030, sur la base de
2005Les centrales thermiques
représentent 40 % des émissions
américaines de CO2. C’est cette
mesure, prévue par le Clean
Power Plan, que la Cour suprême a suspendue mardi.
5,8 MILLIARDS
Transport de charbon vers la centrale électrique Jim Bridger Power Plant, dans le Wyoming. JIM URQUHART/REUTERS
dix-huit Etats dirigés par des démocrates se sont également lancés dans la bataille pour soutenir
le projet de M. Obama.
« Nous sommes en désaccord
avec la décision de la Cour suprême », a réagi la Maison Blanche
dans un communiqué, tout en affirmant sa conviction que son
plan repose sur des bases « techniques et légales solides » et qu’« il
donne aux Etats le temps et la flexibilité » nécessaires pour parvenir
aux objectifs affichés. L’administration compte notamment sub-
- CESSATIONS DE GARANTIE
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour
A – 110 esplanade du Général de Gaulle
– 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS
NANTERRE 414 108 708), succursale
de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que, la garantie financière dont
bénéficiait la :
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37 rue Alexandre Legry
02370 VAILLY SUR AISNE
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depuis le 1er Janvier 2004 pour ses activités
de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Établissement garant sis Cœur Défense – Tour
A – 110 esplanade du Général de Gaulle
– 92931 LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et
que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
SARL B H M
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que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
SARL CABINET ICA GESTION
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de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
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le 1er janvier 2010 pour ses activités de :
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du présent avis. Les créances éventuelles
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s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement
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ne peut en aucune façon mettre en cause
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AIMARGUES IMMOBILIER
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
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JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour
A – 110 esplanade du Général de Gaulle
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NANTERRE 414 108 708), succursale
de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,
fait savoir que, la garantie financière dont
bénéficiait la :
SARL EMBRUNS
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Résidence CAPAO
34300 CAP D’AGDE
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depuis le 1er Janvier 2004 pour ses activités
de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE cessera
de porter effet trois jours francs après
publication du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Établissement garant sis Cœur Défense – Tour
A – 110 esplanade du Général de Gaulle
– 92931 LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et
que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de la
SARL EMBRUNS.
ventionner les sources d’énergie
renouvelable pour accompagner
les Etats dans de délicates transitions. En effet, les centrales thermiques au charbon, dont la prééminence n’a cessé d’être remise
en cause par la montée du gaz de
schiste, comptent encore pour
plus de la moitié de la production
d’électricité dans quatorze Etats et
pour un tiers dans vingt-cinq. Elles représentent 40 % des émissions américaines de CO2.
Au contraire, les adversaires du
plan, comme le speaker républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, qui a salué une
« victoire pour la population et
l’économie américaines », se sont
bruyamment réjouis mardi soir
de la décision des juges. Le chef de
la majorité républicaine de la
Chambre des représentants,
Kevin McCarthy, s’est quant à lui
félicité du coup d’arrêt porté à des
Vingt-sept Etats
majoritairement
républicains ont
demandé l’arrêt
du programme
mesures qu’il estime fondées sur
un « abus de pouvoir illégitime ».
« Les règlements de l’administration [Obama] détruiraient des emplois, augmenteraient les coûts et
entameraient la fiabilité de notre
approvisionnement en énergie »,
a-t-il assuré. « C’est un signal fort
qui donne à penser que finalement, ce plan sera invalidé », a jugé
Jeff Holmstead, un avocat de
groupes énergétiques cité par le
New York Times.
C’est faute de disposer d’une
majorité au Congrès sur ces ques-
tions environnementales que
l’administration Obama s’est
tournée vers la voie réglementaire et l’EPA. Elle s’estimait protégée par un arrêt rendu par la
même Cour suprême en 2007. Cet
arrêt a disposé que le dioxyde de
carbone, principal gaz à effet de
serre, est un polluant, et que
l’agence est donc fondée, en vertu
du Clean Air Act adopté quatre décennies plus tôt, à lutter contre ses
émissions. Le plan de M. Obama
doit entrer en vigueur en 2022,
mais il suppose que les Etats préparent en amont leur programme
de réductions sous peine de s’en
voir imposer un par l’EPA.
Le revers infligé par la Cour suprême est un coup porté au crédit
de M. Obama, qui n’a cessé de
mettre en avant ses initiatives sur
le climat au niveau international.
Il menace également l’ensemble
de sa politique en la matière. L’ac-
C’est, en tonnes, le montant des
émissions de gaz à effet de serre
des Etats-Unis en 2012 .
Ces rejets représentent
13 % des émissions mondiales.
tuel locataire de la Maison Blanche avait ainsi pu conclure un accord historique de réduction des
émissions des gaz à effet de serre
avec la Chine, en novembre 2014,
sur la base de ce plan visant les
centrales américaines. Il est également au centre de la contribution américaine à l’effort international contre le réchauffement
climatique adopté lors de la
COP21 à Paris.
Si la Cour suprême est in fine appelée à se prononcer sur le différend, sa décision de mardi donne
un aperçu de ce que pourrait être
son arbitrage. Le temps est
d’autant plus compté pour
M. Obama qu’il quittera la Maison Blanche le 20 janvier 2017, et
que l’étiquette politique de son
successeur ne sera pas connue
avant le 8 novembre, date de
l’élection présidentielle. p
gilles paris
Les grands panneaux publicitaires interdits
dans les petites villes françaises
Seul sera autorisé l’affichage aux abords des stades accueillant plus de 15 000 spectateurs
L
a réforme de l’affichage publicitaire autorisant les
grands panneaux (de 4 mètres sur 3 mètres, ou « quatre par
trois ») à l’entrée des petites communes a été abandonnée par le
gouvernement. Les ministres de
l’écologie et de l’économie, Ségolène Royal et Emmanuel Macron,
ont indiqué, mardi 9 février, à l’occasion d’une conférence de presse
commune, que les règles ne seraient pas assouplies.
« Nous allons en revenir au texte
initial qui ouvre la possibilité d’affichage pour les grands stades à l’occasion de la Coupe d’Europe de
football de juin et juillet », a indiqué
Mme Royal. Le texte se limite donc à
l’autorisation de panneaux, ne
pouvant excéder 50 m² et ne pouvant s’élever à plus de 10 mètres
au-dessus du sol, « sur l’emprise
des équipements sportifs » d’une
capacité d’au moins 15 000 places
assises – soit une cinquantaine de
stades concernés.
Ce dispositif avait été voté dans le
cadre de la loi Macron de
juillet 2015 sur l’activité et la crois-
sance. Il visait à fournir aux collectivités des recettes supplémentaires afin de rénover les grands stades à l’occasion d’événements
sportifs majeurs, en particulier
l’Euro de football.
C’est lors de la rédaction du décret d’application de cette mesure
qu’avait été introduite une nouveauté : la possibilité, pour les règlements locaux de publicité intercommunaux, d’autoriser des
panneaux sur pied de 12 m2 dans
toutes les petites villes faisant
partie d’une unité urbaine de plus
de 10 000 habitants – contre
100 000 actuellement.
« Pollution visuelle »
Mardi matin, Ségolène Royal a précisé que la consultation organisée
par son ministère sur ce projet de
libéralisation de l’affichage avait
connu un large succès, avec plus de
60 000 réponses entre le 15 janvier
et le 9 février. « 99 % des contributions sont défavorables à la diffusion des panneaux publicitaires
dans tous les paysages français. (…)
C’est très positif, cela montre l’atta-
chement des élus locaux, qui
auraient pu être tentés par un rendement financier à court terme, et
des habitants à leurs paysages », at-elle déclaré, rappelant au passage
qu’elle était ministre de l’environnement lors de l’adoption de la loi
sur la protection et la mise en valeur des paysages, en janvier 1993.
Emmanuel Macron a donc rejoint la position de Mme Royal qui
affirmait, vendredi 5 février,
qu’elle « ne signera[it] pas le décret
en l’état ». « A court terme, nous
sommes parfaitement d’accord
pour abandonner une mesure qui
n’était pas consensuelle », a déclaré
le ministre de l’économie.
Cette marche arrière du gouvernement réjouit les associations
de défense des paysages. « Ces
panneaux publicitaires, qui constituent une pollution visuelle majeure, étaient interdits dans les petites communes depuis les années
1980 », rappelle Pierre-Jean Delahousse, président de l’association
Paysages de France. Les organisations non gouvernementales regrettent néanmoins que la me-
sure concernant les stades n’ait
pas, elle aussi, été retirée. « A part
faire un cadeau à Decaux [l’une
des plus grosses sociétés d’affichage urbain], le maintien de cette
mesure n’est pas compréhensible,
d’autant que les deux tiers des stades se situent en ville », relève
Benoît Hartmann de France nature environnement.
Pour les ONG, cette autorisation
pour les stades apporte un nouveau coup de canif à la loi Grenelle
2 de 2010, qui avait pour objet de
renforcer la protection du paysage
et non d’augmenter les possibilités d’implantation des panneaux.
« Sous la pression des publicitaires,
cette loi avait déjà introduit une dérogation, en autorisant l’installation de panneaux géants, lumineux
et animés, dans les gares et les aéroports », relève Michel Blain, d’Agir
pour les paysages. Pour Benoît
Hartmann, « il y a pourtant de multiples autres voies de faire de la publicité qu’en dégradant la qualité de
vie des Français ». p
rémi barroux
et laetitia van eeckhout
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8 | france
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
La révision constitutionnelle si proche, si loin
Le vote très serré, mardi soir, de la déchéance de nationalité augure mal de la tenue du Congrès
LE TEXTE DE LOI
ARTICLE 1er
L’état d’urgence est décrété en
conseil des ministres, sur tout
ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril
imminent résultant d’atteintes
graves à l’ordre public, soit en
cas d’événements présentant,
par leur nature et leur gravité, le
caractère de calamité publique.
Pendant toute la durée de l’état
d’urgence, le Parlement se réunit
de plein droit. L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés
sans délai des mesures prises
par le gouvernement. Ils peuvent
requérir toute information
complémentaire dans le cadre
du contrôle et de l’évaluation
de ces mesures.
La prorogation de l’état
d’urgence au-delà de douze
jours ne peut être autorisée
que par la loi. Celle-ci en fixe
la durée, qui ne peut excéder
quatre mois. Cette prorogation
peut être renouvelée dans
les mêmes conditions.
ARTICLE 2
Le premier ministre, Manuel Valls, et le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, à l’Assemblée nationale, mardi 9 février. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
D
epuis sa présentation
en conseil des ministres, le 23 décembre
2015, le projet de loi
constitutionnelle semblait chaque jour rencontrer de nouvelles
difficultés. Mercredi 10 février, à
l’issue de trois jours d’examen à
l’Assemblée, les députés devraient
approuver ce texte qui constitutionnalise l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. Mais le détail de leur vote, s’il est à l’image
du débat, ne devrait qu’assombrir
encore plus l’avenir de la révision
constitutionnelle.
Alors que l’article 1er du projet de
loi, qui inscrit l’état d’urgence
dans la Constitution, avait été
adopté lundi à une large majorité
(103 voix pour, 26 voix contre et
7 abstentions), le second, sur la
déchéance de nationalité est
passé d’une courte tête dans l’Hémicycle, mardi, à 162 voix contre
148 (22 abstentions).
Malgré l’effort du gouvernement pour ôter toute mention explicite à la binationalité dans le
texte – « la loi fixe les règles concernant la nationalité, y compris les
conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu’elle est condamnée pour un crime ou un délit
constituant une atteinte grave à la
vie de la nation » dit la rédaction
finale de l’article –, l’inscription
dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les
terroristes reste une ligne rouge
pour un tiers du groupe socialiste.
Mais combien parmi les 92 socialistes qui ont voté contre cet
article 2 (dont les anciens ministres Aurélie Filippetti, Benoît Hamon, Delphine Batho et François
Lamy) iront jusqu’à voter contre
l’ensemble du texte mercredi et le
referont au Congrès ? Le premier
ministre a bien expliqué, lors de la
réunion de groupe PS, mardi, que
« voter contre, c’est mettre en difficulté le gouvernement et mettre en
minorité le président ».
« Serment »
Au cours des débats, il ne s’est pas
montré plus souple, estimant que
« tout amendement qui réécrit
l’article 2 remet en cause l’engagement du président devant le peuple français à Versailles ». Ce « serment », fait le 16 novembre devant
le Parlement réuni en Congrès lie,
selon Manuel Valls, tous les députés qui se sont levés ce jour-là
pour applaudir le président.
Dans son discours d’alors, François Hollande avait consacré trois
phrases à la déchéance de nationalité, sans dire clairement qu’elle
devait être dans la Constitution
tout en s’opposant à l’apatridie.
Ce qui n’est pas le cas dans le projet de loi qui constitutionnalise la
déchéance et ouvre la porte à une
application de cette mesure aux
mononationaux. « Si l’on s’en tient
à la lettre, la fidélité à ce serment
inviterait au contraire à voter contre cet article », a du coup fait valoir Benoît Hamon, provoquant
un échange tendu avec le premier
ministre.
Agacé, ce dernier a répliqué que
« la parole du président de la République ne se divise pas » et que
« c’est le rôle du chef du gouvernement que de dire que l’on ne peut
jouer avec la parole présidentielle ». Pas question non plus
pour Manuel Valls d’accepter
l’amendement du député socialiste Olivier Faure visant à remplacer la déchéance par une
forme de dégradation civique : si
Etat d’urgence : le Sénat vote la prolongation
Le Sénat a voté, mardi 9 février, une nouvelle prolongation
de trois mois de l’état d’urgence ; 316 sénateurs ont voté pour,
28 sénateurs ont voté contre (l’ensemble du groupe Communiste, républicain et citoyen, 6 écologistes et 2 membres du
groupe Rassemblement démocratique et social européen).
Le texte voté au Sénat prévoit la prorogation de l’état d’urgence
pour une durée de trois mois, à compter du 26 février. Il doit être
examiné par l’Assemblée nationale le 16 février.
une majorité des députés a repoussé cette proposition, le
groupe PS s’est fortement divisé
sur la question (87 pour, 106 contre). Face à ces dissensions à gauche, la droite est restée relativement peu présente durant les débats, préférant, selon les mots
d’un cadre du groupe Les Républicains (LR), rester en retrait pour
« laisser le PS face à ses divisions ».
Malgré une majorité récalcitrante, le premier ministre a
réussi à faire voter l’article 2 et a
même, comme le règlement
l’autorise, fait revoter l’article 1,
pour se débarrasser d’un amendement socialiste interdisant la
dissolution de l’Assemblée durant
l’état d’urgence. Adopté la veille
contre l’avis du gouvernement, il
avait provoqué la colère de la
droite qui avait alors menacé de
ne plus voter le texte.
Au-delà de la recherche de consensus avec l’opposition, nécessaire pour atteindre la majorité
des trois cinquièmes des parle-
Tant que les deux
Chambres
n’arrivent pas
à se mettre
d’accord,
le Congrès
ne peut être
convoqué
mentaires lors du vote définitif
du texte en Congrès, c’est aussi, et
surtout, avec le Sénat que le gouvernement va devoir composer.
Gérard Larcher (LR), président de
l’institution, et Bruno Retailleau
(LR), président du groupe majoritaire, ont déjà prévenu : ils comptent « réécrire » le texte. Non pas
pour le dénaturer, assurent-ils,
mais au contraire « pour revenir
aux engagements du président de
la République » présentés le 23 décembre en conseil des ministres.
Soit une nouvelle interprétation
du « serment » qui prévoit cette
fois de revenir, entre autres, sur
les binationaux et l’extension de
la déchéance de nationalité aux
délits terroristes.
Scindé en deux
En reprenant le texte à son tour, à
la fin du mois de mars, on voit
mal comment l’Assemblée nationale pourrait accepter ces revirements après les avoir combattus.
Or, tant que les deux chambres
n’arrivent pas à se mettre d’accord exactement sur les mêmes
termes, le Congrès ne peut être
convoqué. Dès mardi soir, de
nombreux députés estimaient
déjà, comme cet élu de gauche :
« Obtenir les trois cinquièmes à
Versailles ? C’est fini tout ça, il n’y
aura pas d’accord avec le Sénat,
pas de Congrès, rien ! »
Alors que la représentation nationale devait, selon le souhait de
l’exécutif, se « rassembler » sur ce
texte, elle n’a au final jamais été
La loi fixe les règles concernant
la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits
attachés à celle-ci lorsqu’elle est
condamnée pour un crime ou
un délit constituant une atteinte
grave à la vie de la nation.
aussi divisée depuis 2012. La
droite, qui s’est scindée en deux
lors du vote sur la déchéance (32
pour, 30 contre), s’oppose à une
majorité également très partagée
qui elle-même s’oppose parfois au
gouvernement.
A part dans le groupe des élus du
Front de gauche, où tous devraient voter contre le texte mercredi, aucun parti n’est unanime.
Les centristes penchent majoritairement pour le oui mais certains hésitent encore. Les radicaux de gauche sont plus partagés entre le oui, le non et l’abstention, tandis que les écolos
basculent plus vers l’opposition,
mis à part François de Rugy, seul
de son groupe à voter la déchéance de nationalité. Le tout
sur fond de guerre larvée entre
l’Assemblée nationale et le Sénat,
et de compétition entre les prétendants de tous bords pour la
primaire à droite et l’élection présidentielle. p
hélène bekmezian
A l’Assemblée, la droite se divise sur fond de rivalité Sarkozy-Fillon
c’est désormais une certitude : la droite
est aussi divisée que la gauche sur le sujet
de la déchéance de nationalité. Mardi 9 février, à la veille du vote de la révision constitutionnelle, les députés Les Républicains
(LR) se sont répartis de manière quasi égale
entre partisans de cette mesure controversée et opposants à celle-ci. Mardi soir,
32 ont voté pour alors que 30 ont voté contre et que 6 se sont abstenus, lors du vote à
une courte majorité (162 voix contre 148)
de l’article 2 qui inscrit la déchéance de nationalité dans la Constitution pour les
auteurs de crimes et délits terroristes. « La
contestation a grandi, le rejet n’est plus
loin ! », s’est félicitée, après le vote, Nathalie
Kosciusko-Morizet (LR, Essonne), farouche
opposante à la déchéance.
Dès mardi midi, le chef de file des députés de droite, Christian Jacob, avait dû se
rendre à l’évidence : le groupe se montrait
trop divisé sur la question de la déchéance
pour faire émerger une position unanime
sur le vote du projet du gouvernement.
« Les avis sont partagés sur ce sujet », a-t-il
observé, à l’issue d’une longue réunion de
son groupe, où Nicolas Sarkozy a de nouveau plaidé pour le oui.
Alors que le non n’a cessé de gagner du
terrain chez les élus de droite ces derniers
jours, le président du parti a appelé ses élus
à voter la déchéance et plus globalement
l’ensemble du projet de loi. « M. Hollande
nous propose d’inscrire la déchéance dans
la Constitution. Le Conseil d’Etat a dit que
c’est nécessaire. Je souhaite que vous votiez
oui », a déclaré M. Sarkozy. Dans son esprit,
il serait risqué de la part de son camp de rejeter un texte visant à renforcer la sécurité
des Français face au risque terroriste. « A
tous, on demandera des comptes » en cas de
nouvel attentat, a-t-il mis en garde.
« Tactique »
En se faisant une nouvelle fois l’avocat du
« oui », l’ancien chef de l’Etat cherchait à
couper court à l’offensive des opposants au
texte du gouvernement menée par François Fillon. Alors que le chef de file des
« frondeurs de droite » a appelé dimanche
les parlementaires « à dire non » à l’ensemble du projet, M. Sarkozy lui a reproché
d’avoir manœuvré en coulisses. « François,
j’aurais préféré qu’on en débatte au bureau
politique », lui a-t-il lancé, en référence à la
réunion des ténors de LR, le 6 janvier, à
laquelle M. Fillon n’avait pas participé et
où le oui avait recueilli 51 votes (sur 58).
Pour discréditer son rival, le président de
LR l’a aussi accusé d’avoir tenté un coup
tactique en vue de la primaire pour la présidentielle : « Il ne faut pas être dans des
préoccupations politiciennes. » « Je respecte
les opinions de chacun mais je veux qu’on
respecte les miennes », a rétorqué M. Fillon,
en assurant que sa position n’avait rien à
voir avec de la « tactique » mais découlait
d’une position de fond. Après réflexion, il
en a « conclu, en son âme et conscience, que
la révision constitutionnelle n’était ni nécessaire ni utile ».
L’épisode témoigne d’un regain de tension entre M. Sarkozy et M. Fillon dans l’optique de la primaire. Leurs troupes se sont
fait face mardi soir. Alors que les partisans
de l’ex-chef de l’Etat (Eric Ciotti, Eric
Woerth ou Guillaume Larrivé) se sont prononcés pour l’article sur la déchéance, les
soutiens de l’ex-premier ministre (Patrick
Devedjian, Pierre Lellouche, Bernard Debré
ou Jean-François Lamour) ont voté non. En
l’absence de M. Fillon, qui n’a finalement
pas pris part au vote mardi soir. p
alexandre lemarié
france | 9
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Valls veut se réconcilier avec les médecins
La « conférence de santé » qui doit se tenir jeudi devrait être l’occasion de quelques mesures consensuelles
N
i réformes d’ampleur,
ni décisions qui fâchent. A quatorze
mois de l’élection présidentielle, la « grande conférence
de santé » qui doit se tenir jeudi
11 février à Paris ne sera pas le
grand soir du système de santé
français. Face à des professionnels
de santé libéraux échaudés par
l’adoption en décembre de la loi
santé et de sa mesure phare, le tiers
payant généralisé, le premier ministre, Manuel Valls, devrait au
contraire annoncer des mesures
consensuelles destinées à répondre – à peu de frais pour les finances publiques – à diverses revendications syndicales en matière de
formation ou d’amélioration des
conditions d’exercice.
Qu’il s’agisse de l’amélioration
de la protection sociale des médecins installés en secteur 1 (soit la
majorité des généralistes) ou
d’une modulation régionale du
numerus clausus pour mieux réduire les disparités d’implantation
des médecins, ces petites « douceurs » pourraient se montrer insuffisantes pour répondre à la colère de médecins libéraux qui
avaient été brutalement contraints d’interrompre leur mouvement de protestation contre le
tiers payant après les attaques terroristes du 13 novembre. Même si
la censure partielle du dispositif
par le Conseil constitutionnel le
21 janvier a en partie répondu à
leurs inquiétudes, le malaise de la
profession est profond.
Annoncée en mars 2015 après la
manifestation qui avait réuni entre 19 000 et 40 000 professionnels de santé dans les rues de la capitale, la conférence de santé va
réunir plus de 300 représentants
de médecins hospitaliers, d’organisations étudiantes, d’infirmiers,
de paramédicaux ou de pharmaciens dans les locaux du Conseil
« Même si
ce ne sera jamais
l’amour fou entre
Marisol Touraine
et les médecins,
un début
de confiance
peut revenir »
CLAUDE PIGEMENT
ex-responsable santé au PS
économique social et environnemental (CESE), à Paris. Les cinq
principaux syndicats de médecins
libéraux boycotteront, eux, la réunion et tiendront parallèlement
leurs propres « assises de la médecine libérale » à l’issue desquelles
ils présenteront « une plate-forme
de propositions communes ».
Quant à Marisol Touraine, qui a
plusieurs fois fait connaître sa
« disponibilité » pour un autre
poste au gouvernement, dont le
remaniement est prévu prochainement, nul ne sait si elle ne vivra
pas jeudi ses dernières heures en
tant que ministre de la santé, poste
qu’elle occupe depuis mai 2012.
« Saturé de belles promesses »
« Mais si elle reste, elle sera là encore
quatorze mois, et même si ce ne
sera jamais l’amour fou entre elle et
les médecins, un début de confiance
peut revenir », veut croire Claude
Pigement, l’ex-responsable santé
au PS. « C’est évident que le gouvernement va lâcher du lest aux médecins, personne ne peut aller à la présidentielle dans ces conditions »,
confirme un des seize membres
du comité de pilotage de la
« grande conférence ». Le syndicat
MG France, majoritaire chez les généralistes, a d’ailleurs annoncé
La ministre de la santé,
Marisol Touraine,
à l’Elysée, le 3 février.
STEPHANE DE SAKUTIN/AFP
lundi qu’il enverrait un observateur à la conférence en signe de
« satisfaction » après avoir obtenu
un début de renforcement de la filière universitaire de médecine générale en la reconnaissant comme
une « vraie » discipline au sein du
Conseil national des universités
(CNU). « On attend maintenant de
voir si Manuel Valls a compris l’urgence », explique Claude Leicher,
le président de MG France, qui dit
avoir été « saturé de belles promesses, venues de la droite comme de la
gauche, dont on n’a pas vu les conséquences pour les généralistes ».
L’« autodéfense intellectuelle » contre
les théories du complot au lycée
L’initiative d’une enseignante de Saint-Ouen a été saluée mardi
lors d’une journée d’études organisée par l’éducation nationale
S
es cours d’« autodéfense intellectuelle » n’ont pas encore commencé cette année
– le coup d’envoi sera donné après
les vacances de février –, mais les
affiches à placarder dans les couloirs du lycée sont prêtes. « La laïcité est-elle, comme le pot-au-feu,
une spécialité française ? », « Mon
supermarché peut-il savoir, avant
mes parents, que je suis enceinte ? ».
Depuis cinq ans qu’elle a lancé
ses ateliers contre le complotisme,
Sophie Mazet, enseignante d’anglais, mise sur l’humour et la provocation pour faire venir à elle,
chaque semaine, une petite trentaine de lycéens volontaires. « Une
goutte d’eau », confie, modeste,
cette normalienne et agrégée d’anglais, affectée depuis neuf ans dans
un établissement de Saint-Ouen
(Seine-Saint-Denis) qu’elle n’a
aucune envie de « lâcher ».
L’initiative pédagogique a été remarquée : elle compte parmi celles
mises en avant, mardi 9 février, par
le ministère de l’éducation nationale qui organisait, au Muséum
national d’histoire naturelle à Paris, une journée d’études sur les réponses à apporter face aux théories du complot. Au lendemain des
attentats de janvier 2015, la ministre de l’éducation, Najat VallaudBelkacem, avait avancé un chiffre :
un jeune sur cinq adhérerait à ce
type de théories, des Illuminati au
« complot judéo-maçonnique » en
passant par celui qui rend l’administration Bush responsable de
l’attaque du 11 septembre 2001.
Sophie Mazet ne doute pas qu’un
défi majeur se pose à l’école, et
même à la société tout entière.
« Face à la complexité du monde,
face à ses difficultés, notre jeunesse
est en quête de réponses. Et quoi de
plus tentant qu’un discours manichéen qui vous donne, de surcroît, le
sentiment d’être le plus malin ? »
Pas de « baguette magique »
L’enseignante, qui, plus jeune, se
destinait davantage au journalisme qu’à exercer en zone d’éducation prioritaire (ZEP) – « C’était
avant de découvrir Shakespeare »,
glisse-t-elle –, n’a pas attendu la fusillade contre Charlie Hebdo pour
miser sur l’esprit critique. Son « déclic » s’est produit en deux temps.
D’abord lors d’un voyage scolaire
au Rwanda : Sophie Mazet est ressortie du mémorial de Gisozi, à Kigali, sûre de l’urgence à élaborer
une « boîte à outils » contre la manipulation, « que ce soit par une
rhétorique haineuse comme celle
de la radio des Mille Collines lors du
génocide rwandais… ou par une publicité mensongère ». Deuxième
déclic, cette phrase du linguiste
Noam Chomsky : « Si nous avions
un vrai système d’éducation, on y
donnerait des cours d’autodéfense
intellectuelle. » Chiche !
En 2010, les ateliers hebdomadaires sont lancés. Deux heures à
peine, en fin de journée, dans des
emplois du temps déjà chargés,
durant lesquelles on débat de
tout : racisme, antisémitisme,
homophobie, genre, laïcité… Des
sujets graves mais traités avec une
pointe de légèreté : c’est aussi ce
ton qui frappe à la lecture du
Manuel d’autodéfense intellectuelle
(Robert Laffont, 270 p., 18 euros)
que Sophie Mazet vient de publier.
Politologues et intellectuels
n’hésitent pas à venir jusqu’au lycée de Saint-Ouen pour rencontrer
des lycéens : la journaliste Caroline
Fourest, mais aussi l’historien des
idées Tzvetan Todorov, l’écrivain
Abdelwahab Meddeb, la philosophe Catherine Kintzler… Le politologue Gilles Kepel est attendu,
ainsi que Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch.
« Je n’ai pas de baguette magique,
conclut, prudente, Sophie Mazet.
Ne nous voilons pas la face : je touche essentiellement des gamins de
terminale qui visent Sciences Po. »
Pas les plus en échec, en somme.
Elle ne se « hasarderait pas », ditelle, à défendre la généralisation
du dispositif : « Ce serait totalement contre-productif. »
Les élèves, eux, semblent en tirer
plus qu’un enseignement : un soulagement. « En début d’année, c’est
vrai qu’on est peu nombreux,
témoigne Irène, en terminale ES.
Mais à la fin, tout le monde en sort
satisfait. » Avec le sentiment
d’avoir eu « un espace pour parler
de l’actualité alors que ce n’est pas
toujours une priorité en classe »,
ajoute la jeune fille. Et l’occasion,
entre élèves en désaccord, parfois
sur les terrains les plus sensibles,
de « crever l’abcès ». p
mattea battaglia
A moins de deux semaines de
l’ouverture des négociations conventionnelles avec l’Assurancemaladie visant à revaloriser les tarifs de la consultation, les autres
syndicats de médecins libéraux assurent ne rien attendre de la
« grande conférence ». « Avec trois
mesurettes sur la formation, c’est
une montagne qui va accoucher
d’une souris », prédit Jean-Paul
Ortiz, le président de la CSMF, syndicat majoritaire chez les médecins libéraux, pour qui cette grandmesse « vient trop tard ». Jean-Paul
Hamon, le président de la FMF, dé-
J UST IC E
Le Conseil d’Etat
suspend une assignation
à résidence
Pour la deuxième fois depuis
la proclamation de l’état d’urgence, le Conseil d’Etat a suspendu, mardi 9 février, une
assignation à résidence, estimant que l’administration
n’avait pas apporté d’éléments « suffisamment probants ». Le ministère de
l’intérieur avait décidé cette
mesure aux motifs que Youssef Z. avait des liens multiples
avec des personnes liées au
djihadisme et qu’il avait chez
lui divers documents ou dessins faisant référence à l’organisation Etat islamique (EI).
Le Conseil d’Etat a souligné
que le procès-verbal de perquisition ne « mentionne nullement » les documents faisant référence à l’EI.
Le procès de Jérôme
Cahuzac renvoyé
au 5 septembre
Le tribunal a jugé recevable,
mercredi 10 février, la question prioritaire de constitutionnalité déposée par les avocats de Jérôme Cahuzac,
contestant le cumul des poursuites pénales et fiscales. Le
procès a été suspendu et renvoyé au 5 septembre.
Attentat de la rue des
Rosiers : la Jordanie
rejette l’extradition
de deux suspects
La justice jordanienne a rejeté
l’extradition vers la France
de deux suspects, dont le cerveau présumé, de l’attentat
antisémite contre un restaurant juif de la rue des Rosiers,
à Paris, qui avait fait six
morts en 1982, selon des
sources judiciaires.
nonce lui une « mascarade médiatique ». « Après presque quatre ans
de ce gouvernement, s’ils avaient eu
des choses à annoncer, ils l’auraient
déjà fait depuis longtemps. »
Plusieurs points contenus dans
le livre blanc présenté le 10 janvier
par l’Ordre national des médecins
à l’issue d’une grande consultation
menée auprès de 35 000 médecins
ces derniers mois devraient être
annoncés jeudi par le premier ministre. Selon nos informations, il
devrait par exemple annoncer la
systématisation de la modulation
régionale du numerus clausus.
Une « recertification » des professionnels de santé tous les
six ans à partir d’un cahier des
charges élaboré par la Haute autorité de santé devrait également
être mise en place. Menée par l’Ordre, cette validation des acquis ne
serait obligatoire que pour les nouveaux arrivants et resterait optionnelle pour les autres. Manuel Valls
devrait enfin garantir la mise en
place d’une offre publique de formation chez les paramédicaux
dans les filières où seule une formation privée est proposée. p
françois béguin
L’HISTOIRE DU JOUR
Les histoires d’amour débutent
peu sur le Web, en général
I
ls promettent l’amour à grands coups de campagnes publicitaires et mettent en avant un nombre d’utilisateurs vertigineux… au point que la croyance se répand que les sites de
rencontres amoureuses sont devenus un moyen privilégié de
trouver l’âme sœur. Une enquête de l’Institut national d’études
démographiques (INED), publiée mercredi 10 février, fournit de
premières statistiques fiables et ramène le phénomène à ses justes proportions. Quelque 7 800 personnes âgées de 26 à 65 ans,
représentatives de la population française, ont été interrogées
sur leur vie affective en 2013 et en 2014. Parmi elles, 14 % s’étaient
déjà inscrites sur un site de rencontre. Le chiffre grimpe entre
16 % et 18 % en incluant l’usage des 18-25 ans. Ce qui est loin d’être
négligeable. Mais si la fréquentation de ces sites est importante,
les utilisateurs y nouent surtout des relations éphémères. Parmi
les personnes ayant connu leur conjoint actuel entre 2005 et
2013, moins de 9 % l’ont fait par l’intermédiaire d’un site.
« C’est une minorité significative, mais
ce n’est pas devenu un mode de rencontre
durable dominant », commente la socioENTRE 2005 ET 2013, logue Marie Bergström, auteure de
Pour trouver un conjoint, les sites
10 % DES SECONDES l’étude.
arrivent en cinquième position derrière
UNIONS PROVIENNENT le lieu de travail, les soirées entre amis,
les lieux publics et l’espace domestique
DE RENCONTRES
(chez soi ou chez d’autres).
Parmi les personnes interrogées, 7 %
EN LIGNE
disent avoir connu des relations « moins
importantes » par ce biais. La rencontre
numérique serait-elle par nature superficielle ? C’est plutôt que
les protagonistes y sont plus clairs sur leurs intentions. « Il n’y a
pas d’ambiguïté sur pourquoi on est là, ce qui facilite les rencontres amoureuses et sexuelles », explicite la sociologue.
L’enquête révèle des usages très variables selon le profil des
utilisateurs. Les jeunes y ont davantage recours (29 % des
26-30 ans se sont déjà inscrits), contre 12 % à 14 % des 40-50 ans.
Mais c’est paradoxalement pour cette population plus âgée,
composée de personnes séparées ou divorcées, que les sites
jouent un rôle de plus en plus important. Entre 2005 et 2013,
10 % des secondes unions proviennent de rencontres en ligne,
contre 5 % des premières unions. « Les jeunes sont aussi là pour
flirter et mesurer leur attractivité, explique Marie Bergström. En
revanche, le cercle relationnel des personnes séparées comporte
souvent des individus déjà en couple. Ils ont moins d’opportunités et sont donc plus volontaristes dans leur usage de ces sites. » p
gaëlle dupont
10 | france
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
FINANCES PUBLIQUES
La Cour des comptes
inquiète pour la réduction
du déficit public
Selon le rapport annuel de l’institution, publié mercredi,
les prévisions de recettes du gouvernement sont surévaluées
U
ne nouvelle fois, la
Cour des comptes,
dans son rapport public annuel publié
mercredi 10 février, se montre dubitative sur la capacité du gouvernement à tenir son objectif de réduction du déficit public de
0,5 point en 2016. « Sa réalisation
est incertaine car il repose sur une
prévision de croissance des recettes qui pourrait être surévaluée de
0,1 à 0,2 point de PIB et sur un objectif d’évolution des dépenses en
valeur qui pourrait se révéler difficile à atteindre », estiment les magistrats financiers, qui énumèrent les multiples aléas qui pèsent
sur ces prévisions.
Après un déficit public de 3,8 %
en 2015, le gouvernement prévoit
de le ramener à 3,3 % en 2016. Une
prévision qui repose sur une amélioration modeste du déficit des
administrations centrales, un
quasi-équilibre des collectivités
territoriales et un léger excédent
des administrations de Sécurité
sociale. Toutefois, relève la Cour,
« si elle n’est pas hors d’atteinte, la
prévision de déficit pour 2016 repose sur une estimation de recettes, en matière d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux,
qui peut être considérée comme un
peu élevée ».
Croissance révisée à la baisse
Le rapport économique, social et
financier annexé à la loi de finances retient en effet des hypothèses de croissance de 1,5 % en volume, de + 1 % pour l’inflation et
de + 2,4 % pour la masse salariale.
Il est d’ores et déjà établi que cette
prévision de hausse des prix à la
La Cour pointe
les dépassements
récurrents
pour certaines
missions, comme
les opérations
extérieures des
forces armées
consommation va devoir être révisée à la baisse : elle pourrait être
diminuée de moitié. Certes, cela
aura des effets contradictoires :
pénalisants pour les recettes de
TVA et pour les économies attendues sur les dépenses, bénéfiques
en ce qui concerne la charge des
intérêts de la dette. Mais ceux-ci
ne s’équilibreront pas nécessairement. De même, les prélèvements sociaux assis sur les salaires « risquent d’être plus faibles
qu’attendu par le gouvernement ».
Au total, « la perte de recettes correspondantes pourrait s’élever à
0,1 point de PIB », estime le rapport. La Cour des comptes persiste en outre à penser que la prévision d’élasticité des prélèvements obligatoires, et notamment de l’impôt sur le revenu, est
« surestimée ».
Côté dépenses, le rapport souligne « des risques réels de dépassement des prévisions », tant en ce
qui concerne les dépenses de
l’Etat que pour celles des administrations de Sécurité sociale ou des
collectivités territoriales. Le gouvernement a annoncé 500 millions d’euros d’économies résul-
tant de la revue des dépenses :
seuls 225 millions sont documentés. « Les autres économies annoncées sont censées correspondre à
des efforts de rationalisation qui
sont peu détaillés », poursuit le
rapport. Or ces économies sont
censées financer des dépenses
supplémentaires telles que les
600 millions d’euros octroyés à la
défense ou les 150 millions
d’euros destinés à accélérer le développement du service civique
décidés en 2015 pour 2016.
Déferlement de mises en garde
Par ailleurs, comme à l’habitude,
la Cour pointe les dépassements
récurrents pour certaines missions comme les opérations extérieures des forces armées ou les
dépenses sociales inscrites au
budget de l’Etat. C’est le cas, par
exemple, de l’allocation adulte
handicapé, budgétisée à 8,5 milliards d’euros en loi de finances
pour 2016 alors que son montant
a été relevé à 8,8 milliards en 2015.
Le succès de la prime d’activité,
déjà versée à 1,5 million de ménages, ce qui représente 2 millions
de personnes, risque de faire exploser la ligne budgétaire prévue
à 4 milliards d’euros pour 2 millions de bénéficiaires. Ce chiffre
pourrait être rapidement dépassé, les bénéficiaires potentiels
ayant jusqu’au 31 mars pour effectuer les démarches nécessaires et
la percevoir avec effet rétroactif
au 1er janvier. S’y ajoute le plan
pour l’emploi et la formation,
dont le coût est évalué à au moins
1 milliard d’euros.
Autre souci relevé par la Cour :
l’objectif de croissance de la
masse salariale des agents de
l’Etat programmée pour 20152017 sera dépassé dès 2016 du fait
du renforcement des effectifs de
défense et de sécurité. Par ailleurs,
note-t-elle, la loi de finances « ne
tient pas compte d’une éventuelle
revalorisation du point de la fonction publique qui pourrait résulter
de la négociation salariale annoncée pour février 2016 ».
Du côté des administrations sociales, le gouvernement table sur
1 milliard d’euros d’économies au
titre de l’accord conclu en octobre 2015 sur les retraites complémentaires et 800 millions grâce à
la renégociation de la convention
d’assurance-chômage. En réalité,
l’impact de l’accord sur les retraites complémentaires devrait être
de 800 millions d’euros et les
négociations sur la convention
d’assurance-chômage n’étant pas
encore engagées, elle ne devrait
pas entrer en vigueur avant le
mois de juin. Les économies devraient donc être moindres qu’attendu, « de plusieurs centaines de
millions d’euros ».
Enfin, en ce qui concerne les
collectivités territoriales, la Cour
n’exclut pas que, face à la baisse
Contrats de génération L’échec d’une Sciences Po Les reproches persistent
mesure phare du candidat Hollande malgré les réformes engagées
L
a Cour des comptes manie
la litote pour tirer le bilan du
contrat de génération, l’une
des mesures emblématiques en
matière de politique de l’emploi,
qu’avait proposée le candidat
François Hollande en 2012 : c’est
un « insuccès », écrit-elle dans son
rapport annuel, rendu public mercredi 10 février. Une façon aussi
polie que cruelle de souligner que
ce dispositif n’a pas atteint les objectifs quantitatifs fixés initialement. En juillet 2015, un peu plus
de 40 000 contrats de ce type
avaient été signés, « alors que plus
de 220 000 étaient espérés à cette
date pour parvenir à un total de
500 000 (…) à l’échéance 2017 ». On
est très loin du compte.
Pourtant, reconnaît la haute juridiction, il s’agit là d’un « instrument spécifique et original [sans]
équivalent ailleurs en Europe ». Il
prévoit une aide de 4 000 euros
par an pour les entreprises qui embauchent en CDI un jeune de
moins de 26 ans, tout en maintenant dans l’emploi un senior de
plus de 57 ans. L’accent est mis
aussi sur la transmission des compétences entre les deux salariés.
« En termes d’impact sur le coût du
travail, le contrat de génération est
un dispositif intéressant pour les
employeurs », souligne le rapport.
Mais peu nombreux sont ceux qui
ont mordu à l’hameçon.
Dans les entreprises d’au moins
cinquante personnes, le contrat de
génération devait être instauré par
des accords collectifs. Or, les négociations se sont révélées « incomplètes et peu ambitieuses », aux
yeux de la Cour, ce qui atteste
« l’absence de mobilisation des partenaires sociaux ». Certains principes essentiels ont été négligés : par
exemple, celui d’un « binôme effectif », souvent abandonné pour « un
appariement purement statistique
entre des jeunes et des seniors sans
liens professionnels » !
« Un impact marginal »
Le gouvernement a pourtant
ajusté le dispositif afin de le rendre
plus attractif (allongement des délais pour négocier, majoration des
aides dans certains cas…). Sans
grand effet, pour les magistrats de
la Rue Cambon, qui déplorent que
le contrat de génération profite
« prioritairement à des jeunes relativement qualifiés et déjà présents
dans les entreprises » : près des
deux tiers de ceux ayant été recrutés en CDI grâce au dispositif occupaient déjà un poste, d’après la
Cour. Conclusion : « Le contrat de
génération n’a qu’un impact marginal sur le taux de chômage. »
Plusieurs raisons expliquent cet
échec. De nombreux patrons ont
vu dans cette mesure une « contrainte » supplémentaire, car elle
fixe des obligations de négociation « sous peine de pénalités ». Les
critères d’éligibilité à l’aide sont,
par ailleurs, jugés inadaptés (notamment parce qu’ils excluent les
entreprises membres d’un groupe
d’au moins trois cents personnes).
Enfin, la faiblesse de la croissance
économique a pesé sur les décisions d’embauche.
Dans sa réponse au rapport, la
ministre du travail, Myriam El
Khomri, indique, sans surprise, ne
pas partager l’analyse de la Cour
des comptes. « Le contrat de génération s’est imposé (…) comme un
dispositif structurant qui permet de
donner un nouvel élan au dialogue
social », assure-t-elle, en précisant
que 8,8 millions de salariés étaient
couverts par un accord ou un plan
d’action, en septembre 2015. L’administration contrôle le contenu
de ces textes afin de veiller à ce
qu’ils ne soient pas « purement formels ». Enfin, la ministre réfute
l’idée d’un effet d’aubaine en faveur de jeunes déjà en emploi, car
le but du dispositif est de les intégrer le plus tôt possible dans une
entreprise, grâce à un CDI. p
bertrand bissuel
L
es dissensions entre la Cour
des comptes et Sciences Po
Paris persistent. Trois ans
après le rapport qui avait sévèrement soldé les années Descoings,
la Cour des comptes fait le point
sur les suites qui lui ont été données. Certes, beaucoup a été fait,
reconnaît-elle. Mais elle s’inquiète
toujours du mode de gouvernance
de l’école, de son avenir financier
et du salaire du nouveau directeur,
Frédéric Mion.
Sur le plan des avancées, les rapporteurs se félicitent que « la remise en ordre [soit] bien engagée »
en ce qui concerne la gestion des
enseignants, les logements de
fonction ou les procédures
d’achat. Ils saluent la réforme des
statuts et reconnaissent que les rémunérations sont « désormais
mieux encadrées, même si cet encadrement est pour partie inabouti ».
« Une source de confusion »
Frédéric Mion gagne certes
moins que Richard Descoings :
200 000 euros brut par an contre
537 000 euros en 2010. Mais, interroge la Cour, qu’est-ce qui justifie la
différence entre ce salaire et celui
d’un président d’université, soit
environ 100 000 euros ?
Quant à l’organisation duale de
Sciences Po Paris – une fondation
La Cour estime
que l’avenir
financier de
l’établissement
est loin
d’être garanti
privée, la FNSP, gère un établissement public, l’Institut d’études politiques (IEP) –, la Cour considère
toujours qu’elle est « source de confusions ». Exemple : c’est l’administrateur de la FNSP qui paie les personnels, mais c’est le directeur de
l’IEP qui a autorité sur eux.
M. Mion cumule les deux fonctions, mais « la possibilité d’une divergence d’appréciation non résolue entre le conseil d’administration de la FNSP et le conseil de l’IEP
subsiste ».
L’avenir financier de Sciences Po
Paris est en outre loin d’être garanti, estime-t-elle. Les fonds publics (45 % des ressources en 2014)
stagnants, l’école devra trouver
ailleurs les moyens de son développement. La direction mise sur
la formation continue et le mécénat. Mais les progressions envisagées (+ 90 % pour la première et +
160 % pour le second entre 2014 et
2018) apparaissent « volontaristes » à la Cour, autrement dit illusoires. Dans ce contexte, elle
estime que le projet d’achat de
l’hôtel de l’Artillerie, de prestigieux
bâtiments au cœur des quartiers
bourgeois de Paris, va encore fragiliser l’école.
Frédéric Mion a peu goûté ces
commentaires. Dans un courrier,
il a sèchement répondu que les remontrances de la Cour sont « excessives ». Il s’étonne des discordances entre le rapport annuel et
le relevé d’observations provisoires établi en juillet 2015 par la
même Cour des comptes : un « satisfecit », dit-il, qui « constatait que
18 des 19 recommandations de 2012
avaient été mises en œuvre ».
Sur son salaire, M. Mion estime
qu’il est légitimé par le fait qu’il cumule deux fonctions : celle d’administrateur et celle de directeur.
En ce qui concerne la gouvernance, dit-il, Sciences Po Paris a
tenu compte de toutes les demandes qui lui ont été faites. Quant à la
situation financière, elle est « particulièrement saine et ses perspectives parfaitement sous contrôle ».
Rejetant le « jugement lapidaire »
de la Cour sur l’Artillerie, M. Mion
se félicite au contraire de la « robustesse » du projet. p
benoît floc'h
france | 11
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Théâtres Une situation
« fragile et déséquilibrée »
A
des dotations de l’Etat, certaines
fassent le choix d’un recours accru à l’endettement pour amortir
l’impact sur les dépenses d’investissement.
Face à ce déferlement de mises
en garde, le gouvernement rappelle que l’exécution du solde budgétaire de l’Etat en 2015 a été
meilleure que la prévision fixée en
loi de finances initiale (LFI) :
– 70,5 milliards d’euros fin 2015,
contre – 85,6 milliards fin 2014,
alors que la LFI prévoyait
– 74,4 milliards d’euros, et que les
objectifs de maîtrise de la dépense
ont été strictement respectés. « Le
gouvernement mettra en œuvre les
mesures nécessaires pour respecter
les objectifs de dépenses en 2016,
comme il l’a fait en 2015 alors que
l’ambition n’était pas moindre,
assure le ministère des finances.
Toute mesure supplémentaire susceptible d’intervenir en cours de
gestion sera financée par des redéploiements. » Il considère en outre
que ses prévisions de recettes « ont
été fixées à un niveau prudent ».
Bref, pour le gouvernement, les inquiétudes de la Cour des comptes
ne sont pas fondées. p
bsence d’orientations
claires et d’objectifs précis de la part d’une tutelle
« largement absente », « défaillances » dans la gestion des postes de
direction, situation financière
« fragile et déséquilibrée »… Les
théâtres nationaux (ComédieFrançaise, Théâtre national de
l’Odéon, Théâtre national de la
Colline, Théâtre national de Strasbourg et Théâtre national de
Chaillot), dont les comptes ont été
passés à la loupe sur la période
2006-2014, affichent un état de
santé préoccupant.
Placés sous la tutelle de la direction générale de la création artistique du ministère de la culture,
ils bénéficient d’un financement
public exclusivement étatique.
Néanmoins, leurs statuts ne relèvent pas d’un cadre juridique
commun et leur fonctionnement
est peu encadré. Autrement dit,
l’implication du ministère de la
culture « n’est pas à la hauteur des
financements consentis ».
Ce flou est « d’autant plus problématique », souligne le rapport,
« que l’économie de ces établissements est fragile : malgré des taux
de fréquentation élevés, les charges de structure sont en augmentation [de 16 % sur la période observée] et l’activité très majoritairement déficitaire ». Lettres de
mission inexistantes, absence de
documents contractuels… « Tout
semble se passer comme si le talent
et les intuitions du directeur suffisaient, aux yeux de la tutelle, à garantir la performance artistique et
la gestion de son établissement. »
Le mode de nomination des directeurs, par décret du président
de la République, est jugé problématique par les auteurs du rapport : « Le processus discrétionnaire auquel obéissent les nominations peut être à l’origine de situations malencontreuses », écriventils, rappelant notamment le
départ chaotique de Julie Brochen
du Théâtre national de Strasbourg, en 2014.
Didier Migaud,
premier
président
de la Cour
des comptes,
le 12 janvier.
VERNIER/JBV NEWS
patrick roger
La politique de création, si elle
conduit à une programmation jugée « riche », s’avère « structurellement déficitaire », pointe également le rapport qui souligne que
« les recettes de billetterie et les
éventuels apports de coproduction
ne permettent presque jamais de
couvrir les dépenses directes de
montage et d’exploitation des
spectacles ».
Sur les 356 spectacles présentés
sur la période étudiée, « seuls sept
ont pu être autofinancés », indiquent les rapporteurs. Et de s’étonner, par exemple, de la faible rotation des spectacles, limités à une
poignée de représentations seulement alors que des tournées en région ou les captations audiovisuelles permettraient d’équilibrer
les coûts. D’autant que, à l’exception du TNS, les frais de structure
sont en hausse croissante, « nettement plus forte que l’inflation ».
« Règles obsolètes »
Cet équilibre économique fragile
« n’a pu perdurer que grâce à un
subventionnement massif et continu de l’Etat », insiste la Cour qui,
dans le contexte actuel de baisse
des dépenses publiques, invite les
théâtres nationaux à rationaliser
leurs dépenses, par exemple en
mutualisant leurs fonctions administratives et de production, en
révisant à la hausse leur politique
tarifaire, en optimisant l’utilisation des décors et costumes etc.
Quant à la tutelle, elle est priée
de reprendre la main notamment
en fixant des objectifs « clairs et
mesurables » à chacun de ces établissements. Et, plus délicat, en
engageant la renégociation des
dispositifs conventionnels (primes, durée du travail, convention
collective et accords additionnels), « dont de nombreuses règles
obsolètes ou caduques au regard
du code du travail placent les établissements dans un climat d’insécurité juridique pouvant s’avérer
coûteux en cas de contentieux ». p
sylvie kerviel
LES CHIFFRES
Transports en Ile-de-France Un réseau proche de la « rupture »
55 %
L
de logements sociaux
dans les quartiers prioritaires après rénovation
C’est dix points de moins
qu’avant le lancement du
premier plan de rénovation
urbaine en 2004, d’après le
bilan établi par la Cour des
comptes des politiques de
renouvellement urbain.
De plus, 60 % des HLM
démolis sont reconstruits
dans les secteurs les plus
en carence. La Cour souligne que « le rééquilibrage
géographique de l’offre de
logement social se réalise
lentement ». Une litote pour
souligner que l’objectif de
mixité sociale, affiché par
Jean-Louis Borloo puis par
les ministres de la ville qui
lui ont succédé, est loin
d’être atteint.
123 920
logements ont été
détruits en dix ans
L’objectif est d’éviter une
trop grande concentration
dans les quartiers rénovés.
Seuls 99 840 logements ont
été reconstruits au lieu des
140 980 prévus.
e mal des transports en
commun – bondés ou en retard – subi chaque jour par
des millions de passagers s’aggrave en Ile-de-France, en dépit
des renforts de lignes de tramway,
de métro et de nouvelles rames de
RER. La Cour des comptes, dans
son rapport sur les transports ferroviaires de la région rendu public
mercredi 10 février, souligne que
la satisfaction des usagers est en
baisse alors que les objectifs de
ponctualité et de fréquence des
RER et de la plupart des trains du
réseau transilien sont de moins
en moins respectés. Indice de
cette détérioration : les pénalités
de retard versées par la SNCF au
Syndicat des transports d’Ile-deFrance (STIF) ont crû de 6,3 millions d’euros en 2010 à 19,5 millions en 2014.
La Cour attribue une grande partie des dysfonctionnements aux
« sous-investissements des gouvernements, de la SNCF et de RFF » depuis trente ans sur le réseau francilien, liés aux efforts engagés
pour le développement des TGV
dans la même période. Consciente de son retard, la SNCF a plus
que doublé ses crédits pour l’entretien du réseau depuis 2011. Le
5 février, le secrétaire d’Etat chargé
des transports, Alain Vidalies, a
annoncé que l’enveloppe de l’opérateur passerait de 1,1 milliard
d’euros en 2015 à 1,3 milliard
en 2016. « La maintenance ne se
voit pas, la maintenance ne s’inaugure pas, mais la maintenance,
c’est la sécurité et la fiabilité au
quotidien », a-t-il insisté.
La Cour doute toutefois d’un rattrapage « en quelques années » des
« carences accumulées ». L’état du
réseau va « continuer à se dégrader
jusqu’en 2020 pour retrouver
en 2025 le niveau d’aujourd’hui,
déjà loin d’être optimal », prédit le
rapport. Face à « à une situation à
la limite de la rupture » dans les
transports en commun, « priorité
absolue » doit être donnée, selon
les magistrats financiers, à la rénovation des installations exis-
Un réseau
vétuste
EN ÎLE-DE-FRANCE...
tantes, quitte à différer la création
de nouvelles lignes prévue dans le
cadre du « plan de transports du
Grand Paris ».
Ce plan prévoit d’ici à 2030 un
métro automatique de 205 kilomètres jalonné de 69 gares, baptisé Grand Paris Express, pour un
coût de 30 milliards d’euros. Il inclut d’autres grands chantiers tel
que le prolongement du RER E
« Eole » jusqu’à Mantes-la-Jolie
(Yvelines) d’ici à 2022. Evaluée à
5 milliards d’euros, l’extension
d’Eole à l’ouest n’aurait pu être
lancée sans que l’Etat abonde de
500 millions d’euros sa participation initiale et que Paris, les Hauts-
de-Seine et les Yvelines acceptent
de remettre au pot 500 millions
d’euros. C’est à ce prix que le chantier va pouvoir démarrer.
Explosion des coûts
Au total, l’entretien du réseau,
l’achat de nouvelles rames, la réalisation de toutes les nouvelles lignes promises depuis 2010 nécessiteraient « une cinquantaine de
milliards d’euros » entre 2015 et
2020, évalue la Cour des comptes.
Impossible de tout mener de
front sans déborder sur le calendrier et entraîner une explosion
des coûts. Elle invite l’Etat à « une
sélection rigoureuse » entre les
Des lignes
saturées
Une ponctualité
défaillante
50 milliards
à financer
L’ÎLE-DE-FRANCE C’EST...
EN 2014...
RÉPARTITION 2010-2014
DU FINANCEMENT
40 %
10 %
des voies
ont plus
de 30 ans.
Ce matériel
atteint
sa limite
d’âge
à 25 ans
du réseau
ferré
national
40 %
9 lignes
du trafic
voyageur
français
SNCF
franciliennes
sur 11
n’ont pas
atteint leur
objectif de
régularitéponctualité
30 %
usagers
50
milliards
d’euros
50 %
entreprises*
de
dépenses
prévues
d’ici à
2020
20 %
concours
public
SOURCE : COUR DES COMPTES
* « Versement transport » + remboursement Navigo
projets du Grand Paris et les
autres opérations « coûteuses »
prévues en France.
Le « double défi » de la régénération du réseau et des investissements dans de nouvelles lignes
exige que les voyageurs « contribuent davantage au financement
des transports », estime la juridiction financière, qui relève que les
Franciliens paient moins cher leur
ticket de transport que les Berlinois ou les Londoniens. La mise en
œuvre du Passe Navigo à tarif unique, le 1er septembre 2015, qui supprime le surcoût pour les longs
trajets en Ile-de-France, entraînera
une baisse de recettes pour le STIF
estimée à près de 500 millions
d’euros dès 2016, rappelle-t-elle.
« Cette mesure de progrès » sera
« financée » en 2016 et au-delà, s’est
engagé le premier ministre.
Cependant, dans une lettre du 5 février adressée à Valérie Pécresse,
qui détaille les modalités du financement du Pass Navigo unique,
Manuel Valls suggère à la présidente (LR) de la région et patronne
du STIF de recourir au « levier tarifaire ». Dans sa réponse annexée
au rapport de la Cour des comptes,
Mme Pécresse exclut cette piste à
court terme : « Une augmentation
des tarifs ne sera envisageable que
si elle est accompagnée d’une amélioration sensible de la qualité de
service », écrit-elle. p
béatrice jérôme
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débats | 13
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JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Laissons tomber
le principe
de nationalité !
Trafic d’enfants | par serguei
Il est fâcheux de constater, à gauche
comme à droite, le recul graduel de la
notion contractuelle de la nation au profit
d’une conception ethnicisée de ses citoyens
par jean-loup amselle
D
La primaire à gauche est un leurre
Loin de réenchanter la politique, l’appel des progressistes
pour tenter de gagner l’élection présidentielle grâce
à une procédure de désignation qui a fait ses preuves en 2012
risque de personnaliser le débat au détriment des idées
par rémi lefebvre
L
e projet de primaire en dit long sur l’impasse de la gauche, son désarroi et sa désorientation stratégique. Le texte d’appel
paru dans Libération le 11 janvier prend acte de
la situation de blocage dans laquelle s’est enferrée la gauche. Fragmentée à outrance, défaite
idéologiquement, démobilisée politiquement,
celle-ci risque de se fracasser sur le premier
tour de l’élection présidentielle en 2017.
Les défaites cuisantes aux élections intermédiaires depuis 2012 n’ont en rien contrarié une
droitisation de l’exécutif de plus en plus assumée. Pire, la candidature de François Hollande,
pourtant largement disqualifiée dans l’opinion, apparaît de plus en plus incontournable
pour 2017. Les appels au « vote utile » face au
double péril extrémiste et terroriste se font
déjà entendre. Le levier de la primaire apparaît
comme une réponse à cette impuissance systémique. Atomisée, la gauche en vient à se raccrocher à une procédure qui, sous couvert de
déverrouiller la situation, ne peut que renforcer à terme les maux qu’elle dénonce et la présidentialisation mortifère du jeu politique.
Les termes du débat sur la primaire ont
changé depuis 2009, lorsque Libération, Terra
Nova et Arnaud Montebourg avaient lancé
l’offensive pour une primaire socialiste. On lui
prêtait alors des pouvoirs magiques, celui de
réenchanter la politique, de renouveler le personnel politique ou de dépasser les partis. Le
succès démocratique de la procédure de 2011
au PS et la victoire de François Hollande ont en
quelque sorte validé l’efficacité électorale de ce
processus, à tel point que même la droite, qui
lui était pourtant hostile, s’y est ralliée.
Depuis 2012, l’image de la primaire a pourtant
changé. La clôture autistique du jeu politique
est plus forte que jamais. Le président de la République, adoubé par trois millions de sympathisants lors de ce scrutin, s’est révélé au pouvoir émancipé de toute tutelle partisane et parlementaire et impose au « peuple de gauche » et
à ses partis une politique dans laquelle ils ne se
retrouvent pas et qui n’obtient aucun résultat.
La plupart des commentateurs conviennent
CETTE STRATÉGIE
APPARAÎT COMME
LA SEULE POSSIBLE
ET POURTANT
COMME TRÈS
IMPROBABLE
que ce processus exacerbe encore la personnalisation de la politique et l’hystérie présidentialiste du débat public, renforcées par le quinquennat et l’inversion du calendrier présidentiel. La primaire n’est qu’une manière de réguler la concurrence des ambitions personnelles
qu’elle légitime et banalise, ce faisant.
Le dernier appel de Libération prend en
compte ces limites, mais pèche par quelques
naïvetés. Selon les signataires, la primaire
pourrait faire prévaloir la logique des idées et
des projets alternatifs. Elle a certes tranché des
débats idéologiques en 2011. Mais cet arbitrage
constitue-t-il une garantie dans le régime présidentialiste ? Rien n’est moins sûr. Le processus
a un peu plus encore affranchi de son parti le
président en exercice. La ligne sociale-libérale
de Manuel Valls, largement désavouée par les
sympathisants (5 % des suffrages), est devenue
la colonne vertébrale de la politique gouvernementale. Comment croire à une primaire qui
débouche sur « une coalition de projet et un
contrat de gouvernement » et qui soit « un
temps de débat et d’intelligence collective » ?
UNE SITUATION CRUELLE
Le scrutin relève de la démocratie représentative, pas de la démocratie participative. Sa vocation est bien de désigner un homme ou une
femme pour être candidat et le consacrer
comme tel. Pour neutraliser a priori ces effets,
les partisans de la primaire auraient pu imposer aux candidats de s’engager, si l’un d’entre
eux était élu, à remettre en cause les institutions. Mais il n’y a pas de consensus à gauche
sur cette question, jugée peu prioritaire, voire
accessoire. Une primaire désignant un « candidat collectif », au crédit personnel démonétisé,
paraît quant à elle peu vraisemblable.
Pour la gauche, la situation est d’autant plus
cruelle que la stratégie de la primaire apparaît à
la fois comme la seule possible à court terme,
compte tenu des règles institutionnelles, et
pourtant comme une perspective très improbable. La primaire de 2011 a été le résultat d’un
débat particulièrement âpre au PS (la plupart
des dirigeants socialistes y étaient au départ
hostiles). Le projet pour 2016 est beaucoup plus
ambitieux encore puisque, dans le contexte de
la montée de l’extrême droite, il s’agit de convaincre l’ensemble des partis de gauche de désigner un candidat commun, alors que l’élection présidentielle constitue une vitrine médiatique essentielle pour chacun d’entre eux.
Les signataires de l’appel du 11 janvier cherchent à court-circuiter les partis, mais ces derniers restent les maîtres du jeu. Les prises de
position sur la primaire sont surdéterminées
par arrière-pensées tactiques, mauvaise foi et
coups de bluff qui ne trompent personne mais
plombent la démarche. Le projet de la primaire
rassemble essentiellement les adversaires de
François Hollande. Jean-Christophe Cambadélis, dont la mission depuis 2014 est de sécuriser
la candidature du chef de l’Etat, pose comme
condition la participation de Jean-Luc Mélenchon et cherche à temporiser avec les contrefeux de « l’alliance populaire » ou des « cahiers
de la présidentielle ». Il prévient aussi : ce serait
« déchoir » que d’exposer le monarque républicain à la procédure de la primaire à laquelle l’exprésident Nicolas Sarkozy a pourtant finalement accepté de participer à droite.
Le calendrier joue pour le patron du PS : si la
primaire n’est pas rapidement décidée, elle est
de fait vouée à l’échec, puisqu’elle demande
une logistique importante. Jean-Luc Mélenchon, autoproclamé « sauveur » irremplaçable
de la gauche, se refuse à une procédure qui
pourrait l’« abîmer » et dont il récuse les règles
du jeu. Il a peut-être pourtant plus de chance de
battre François Hollande lors d’une primaire
qu’à l’issue du premier tour de la présidentielle. Les « frondeurs » du PS, plutôt réticents
sur la primaire en 2009, s’y sont ralliés par
pragmatisme, s’appuyant sur ce dernier levier
statutaire pour contester la légitimité du président et imposer un « inventaire ». Cécile Duflot,
qui se prépare depuis des mois à une candidature, y voit une manière de se réinscrire dans la
course, alors que son parti est en charpie…
Pour que les appareils cèdent, les partisans de
la primaire jouent « le peuple de gauche » contre les partis. Mais quelle est au juste la demande sociale d’une primaire dans l’opinion
en pleine crise sociale sans précédent ? La
cause de cette procédure complexe, encore
nouvelle et centrée sur le jeu politique ne peut
mobiliser que des franges politisées de la société. C’est ainsi la partie la plus diplômée de
l’électorat de gauche qui a participé au scrutin
de 2011. Thomas Piketty peut objecter que le
nombre de signataires de l’appel (plus de
70 000 à ce jour) avoisine à peu près le nombre
de militants socialistes, c’est encore bien peu.
On fait en définitive jouer un rôle à la primaire qu’elle peut difficilement assumer. Pour
être viable, la procédure suppose le partage
d’un socle idéologique minimal. Lui seul garantit que les perdants ne se renient pas en se ralliant au gagnant. Avec la droitisation du PS, la
polarisation idéologique de la gauche s’est tellement renforcée qu’un périmètre de la primaire
de « Macron à Mélenchon » est la meilleure manière de compromettre la démarche. A ce stade,
l’hypothèse la plus probable est une primaire
des partis à la gauche du PS, mais la question du
leadership au sein de cet espace politique ne se
posera pas avec moins d’acuité. Alors, que
faire ? Le rebond de la gauche ne pourra venir
que d’une recomposition de ses frontières partisanes, d’une clarification idéologique et d’une
repolitisation de la société. Cet agenda dépasse
la prochaine échéance présidentielle. p
ans la conception moderne, notamment
dans le cadre de la Révolution française,
la nation est composée de l’ensemble des
citoyens, que ces derniers soient natifs ou étrangers. De ce point de vue, la levée en masse, telle
qu’elle a pu se produire en 1792 à l’occasion de la
bataille de Valmy, symbolise parfaitement l’idée
moderne de nation telle qu’elle pouvait prévaloir
au XVIIIe siècle, en accord avec la philosophie politique et sa théorie du « contrat social ».
Mais cette idée de la « communauté des
citoyens » n’a pas résisté à la montée des thèses
racistes qui ont vu le jour à la fin du XIXe siècle
dans le cadre de l’anthropologie physique et du
social-darwinisme. Ces thèses racistes ont eu
comme conséquence de promouvoir dans le
champ politique une conception de la nation fondée sur la terre, le sang et les morts, c’est-à-dire de
faire reposer l’appartenance à la communauté
nationale sur un principe de filiation remontant
aux origines. On retrouve cette vision d’une stabilité du peuplement de la France depuis les époques les plus reculées.
Unité ou bipartition, conception contractualiste
ou ethnique du peuplement national, telles sont
les options qui sont présentes sur le marché des
idées et offertes aujourd’hui aux acteurs sociaux
et politiques. Sur le long terme, force est de constater le déclin des idées contractualistes et de la
conception de la République qui lui est liée. A travers l’affaire Dreyfus, les années 1930, le régime
de Vichy et la lente progression du Front national,
c’est bien la conception raciale de la nation qui a
dominé et continue de dominer le champ intellectuel et politique, comme en témoigne l’utilisation non contrôlée de la notion de « Français de
souche », à laquelle sont liées d’autres expressions comme celle d’« insécurité culturelle ». Or,
cette racialisation de la population hexagonale a
également des effets en retour à l’autre extrémité
du champ intellectuel et politique : celle représentée par les organisations postcoloniales qui entendent précisément
LA CONCEPTION lutter contre le racisme.
Devenant des « entrepreneurs
RACIALE DE LA
d’ethnicité », ces organisations
NATION CONTINUE (Conseil représentatif des associations noires de France, le CRAN,
DE DOMINER
Indigènes de la République, etc.)
mobilisent en effet de façon syméLE CHAMP
trique et inverse à la droite raciste,
sur la base d’identités certes discriINTELLECTUEL
minées, mais également essentialiET POLITIQUE
sées en contribuant ainsi à figer un
peu plus la bipartition raciale du
peuplement national entre « autochtones » et
« allochtones », ou prétendument tels. Or, force
est de constater que les conflits internes à la population de la France ne font pas s’affronter prioritairement deux groupes dont l’un serait composé de « purs » Français et l’autre d’étrangers
radicalement inassimilables. On assiste au contraire, dans bien des cas, à des hostilités opposant
les « derniers arrivants » aux « avant-derniers arrivés », comme en témoignent les heurts qui ont eu
lieu à Marseille en 2012 entre familles d’origine
maghrébine et Roms.
La race ne saurait donc être un principe ordonnateur du champ politique puisque les oppositions qu’elle incarne sont toujours relatives et
qu’elles ont pour effet de masquer des rapports
de force entre des effectifs humains qui sont toujours mélangés dès l’origine. Mais, paradoxalement, la mondialisation actuelle a pour effet de
faire disparaître ces rapports de force politiques
au profit d’un repli national ou régionaliste sur
des patries de plus ou moins grande ampleur, les
régions, laissant libre cours à l’expression d’identités figées. La montée du FN, la résurgence des
identités régionales (Bonnets rouges en Bretagne,
nationalisme corse, etc.) ainsi que l’essor des
revendications postcoloniales expriment bien la
nature de ce phénomène.
Ce n’est pas la déchéance de nationalité pour
quelque catégorie de Français que ce soit qu’il faudrait introduire dans la Constitution, mais bel et
bien envisager la suppression d’un principe de
nationalité à plus ou moins longue échéance et
quel que soit le pays concerné. p
¶
Rémi Lefebvre est professeur de science
politique et chercheur au CNRS. Auteur des
Primaires socialistes, la fin du parti militant (Raisons d’agir, 2011), il est conseiller
municipal (PS) à Hellemmes (Nord)
¶
Jean-Loup Amselle, anthropologue,
a publié Les Nouveaux Rouges-Bruns.
Le racisme qui vient (éditions Lignes, 2014)
14 | enquête
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
adéa guillot
athènes - correspondance
L
a musique a une force consolatrice
stupéfiante. Les yeux fermés, les
bras levés en croix et un drôle de
sourire mi-doux mi-douloureux
sur le visage, une petite dizaine de
jeunes garçons afghans âgés de 10
à 17 ans dansent. Lentement, en tournant sur
eux-mêmes. Et, soudain, les quatre murs de
tôle du conteneur qui les abrite semblent disparaître. La chanson Negarane Mani, du roi de
la pop iranienne Morteza Pashaei, emplit tout,
fait oublier un instant les barbelés, la porte cadenassée, la promiscuité forcée. « Là ça dit : “Il
n’est pas trop tard. personne d’autre que toimême ne peut écrire ton destin”, explique
Eman, 16 ans [les noms des migrants mineurs
ont été changés pour des raisons de sécurité].
Moi, j’essaie d’écrire mon destin, mais les difficultés sont plus fortes que moi. Je pensais que
mon destin serait moins cruel. »
Ce jour de janvier, ils sont 35 migrants mineurs non accompagnés à cohabiter dans le
camp de premier accueil (Kepy) de Moria – qui
leur est réservé – sur l’île grecque de Lesbos :
25 Afghans, 5 Syriens et 5 Somaliens. En
Europe, ces mineurs sont définis selon l’article 1er de la résolution du Conseil de l’Europe
du 26 juin 1997 comme étant « tous les nationaux de pays tiers de moins de 18 ans qui
entrent dans le territoire des Etats membres
sans être accompagnés d’un adulte qui soit
responsable d’eux par effet de la loi ou de la
coutume, ou ceux qui ont été laissés seuls
après être entrés sur le territoire des Etats
membres ». En France, on les appelle
« mineurs isolés étrangers » (MIE).
En Grèce, depuis 2012, le Centre national de
solidarité sociale (EKKA) centralise la gestion
de ces mineurs. « Lorsqu’un MIE a été identifié,
alors, nous lui devons protection. Dans un premier temps, il faut le séparer des majeurs et l’héberger », explique Christos Dimopoulos, l’un
des quatre coordinateurs de l’EKKA. A Lesbos,
si le désordre caractérise la partie du camp de
Moria où les réfugiés majeurs et les familles
unies attendent leur enregistrement par la police, celle du Kepy réservée aux MIE tranche
par son atmosphère sérieuse. Et son calme.
« Nous avons totalement rénové cette aile de
conteneurs qui peut abriter jusqu’à 160 personnes », explique Spyros Kourtis, le directeur du
Kepy. En effet, les chambres sont spartiates,
mais propres et bien tenues. Il existe un
espace de prière et une salle consacrée aux
activités récréatives. Il y a surtout désormais
des ONG travaillant à l’intérieur du camp. Des
médecins, des éducateurs spécialisés, des traducteurs. Une organisation basée sur les standards européens d’accueil. C’est un personnel
civil qui s’occupe des jeunes hébergés là pour
une durée moyenne de dix jours.
« COMMENCER MA VIE D’ENFANT »
Pourtant, malgré toute l’attention que Spyros
Kourtis et ses équipes portent à ces enfants, le
Kepy reste un camp fermé, cerné de barbelés.
Pour entrer, il faut franchir une large porte cadenassée, dont seule la police a la clé. Les jeunes Afghans qui jouent au foot dans la cour,
derrière la grille, pensent tous être en prison.
Aucun n’a vraiment compris qu’ils étaient là
dans un souci de protection. Eman et ses
copains sont arrivés quelques jours plus tôt à
Lesbos en provenance de Turquie, située à
seulement quelques milles marins. « Moi, en
tout, j’ai payé près de 3 500 euros à des passeurs
pour venir jusqu’ici, raconte l’adolescent âgé de
16 ans. Je suis passé par les villes iraniennes de
Tabriz et Maku avant de prendre un bus entre le
village turc de Dogubayazit et Istanbul, et puis
le Zodiac jusqu’à Lesbos. »
Eman a voyagé seul, envoyé en éclaireur par
sa famille dans l’espoir de pouvoir faire venir
ensuite légalement sa mère et sa sœur une fois
l’asile obtenu en Europe, au nom du rapprochement familial. Des dizaines de milliers de
jeunes Afghans, principalement des garçons,
sont ainsi jetés sur la route par des familles
pressantes qui les somment d’aller gagner
leur vie en Europe. D’autres ont fui devant les
talibans qui reprennent des régions entières
depuis le désengagement américain en Afghanistan. Aucun ne soupçonnait, avant de partir,
la brutalité du voyage qui les attendait.
« Le plus dur, confie à voix basse Eman, pelotonné dans un coin de son lit superposé, c’est
de protéger son corps des passeurs. » Silence et
regard interloqué de l’interprète, qui demande
des précisions. « Tu sais, ils nous emmènent
dans les bois pour nous dépouiller, et puis
nous… violenter. Tu vois ce que je veux dire… »
Malheureusement oui, l’interprète, un
Afghan lui aussi arrivé en Grèce, il y a longtemps déjà, voit très bien de quoi il parle. Les
témoignages de viols sur les jeunes garçons
afghans sont monnaie courante.
Eman se lance alors dans une vive discussion avec ses camarades sur la notion de
liberté. « Pour moi, il s’agit de pouvoir aller à
l’école sans craindre d’être enlevé », dit Parvan,
17 ans. « Moi, c’est de pouvoir faire de la musique et épouser la fille que j’aime qui est en Alle-
Jeunesse volée
Des milliers de mineurs originaires d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak
ou de Somalie prennent chaque année, seuls, la route de l’exil.
Comme Eman, Chadab ou Fatima, accueillis dans le camp de Lesbos,
ces mineurs isolés racontent leur soif de liberté et leur enfance sacrifiée
« CES MINEURS
VOYAGEANT SEULS
SONT UNE CIBLE
IDÉALE POUR
LES RÉSEAUX
D’EXPLOITATION
SEXUELLE »
HERACLES MOSKOFF
rapporteur pour la lutte
contre la traite humaine
magne », lance un autre adolescent. « La liberté, pour moi, c’est quand la porte de la cage
s’ouvre et que tu peux déployer tes ailes.
L’Afghanistan, c’est une cage aujourd’hui »,
intervient alors un tout jeune garçon de 12 ans
aux yeux d’un vert pur et transparent et aux
traits si délicats qu’on dirait presque une fille.
Une délicatesse que renforce encore le ton
doux et posé avec lequel l’enfant se raconte.
Il souhaite que nous l’appelions Chadab,
« Celui qui est joyeux » en farsi. La mort de son
père, quatre mois avant sa naissance, a laissé
sa famille dans le dénuement. « A 6 ans, j’ai
commencé à travailler comme berger. » L’école,
Chadab en rêve, mais il n’y a jamais mis les
pieds. En septembre 2015, avec 17 autres jeunes
de son village, il prend la route. « Nous avons
entendu Angela Merkel déclarer qu’elle
accueillerait 800 000 réfugiés, alors nous
avons aussitôt commencé le voyage », dit-il.
Quinze jours de marche dans les montagnes
d’Afghanistan et du Pakistan avant d’arriver
en Iran. « Les passeurs nous disaient de nous reposer le jour dans des maisons qu’ils contrôlaient, et on marchait la nuit. » Chadab va passer deux mois en Iran à travailler dans une carrière de marbre. « Je travaillais de 7 heures du
matin à 19 heures. Cela m’a permis de gagner de
quoi continuer. » Un reportage de la chaîne
américaine CBS, diffusé le 22 septembre, a récemment mis en lumière le travail forcé de
très jeunes enfants syriens dans les ateliers
textiles d’Istanbul en Turquie. Des petites
mains pas chères, et que les familles démunies mettent au travail pour gagner l’argent
du passage vers la Grèce, qui coûte encore,
malgré le froid et l’hiver, entre 800 et
1 000 euros par personne.
Aujourd’hui, Chadab veut rejoindre au plus
vite la Suède où, affirme-t-il, l’attend quelqu’un de son village. « Ce que je veux, c’est commencer ma vie d’enfant. J’ai assez bossé. » La
Suède est d’ailleurs la principale destination
de ces mineurs. « En 2015, nous avons enregistré 35 369 demandes d’asiles de mineurs étrangers non accompagnés, contre 7 049 en 2014,
souligne Olaf Zobel, de l’Agence suédoise pour
la migration. Et parmi eux, 23 480 Afghans. »
En dehors du Kepy, Lesbos a aussi un autre
centre d’accueil réservé aux MIE. Une belle
maison néoclassique située en plein centre de
Mytilène, la capitale de l’île, et gérée par l’organisation non gouvernementale Metadrassi.
Un lieu ouvert celui-là. Douze lits en tout et la
volonté de créer une atmosphère chaleureuse,
presque familiale. « Notre boulot est de les ramener, pendant le temps qu’ils passent avec
nous, vers cette enfance qu’ils ont perdue en
route », souligne la coordinatrice du lieu Christina Dimakou.
Dans la vaste salle commune se côtoient des
enfants de toutes les nationalités. Il y a
Mohammed, 16 ans, originaire de Casablanca.
Diplômé en arts graphiques, il aimerait devenir psychiatre. « J’ai un talent pour comprendre
les gens et les apaiser », lâche-t-il en souriant
avant de raconter son périple : « J’ai tenté trois
fois la traversée pour la Grèce. La première fois,
le boudin du Zodiac a explosé à 200 mètres de
la côte turque. On a dû tous rentrer à la nage en
tenant les bébés au-dessus de nos têtes. Sur la
plage, je tentais de calmer les mamans. La seconde fois, les gardes-côtes turcs nous ont refoulés, et puis la troisième, ç’a été la bonne. »
Un peu plus loin, recroquevillée dans un
coin du canapé, Fatima, une Somalienne de
16 ans, demande dans un souffle presque
inaudible : « Comment c’est l’école en Europe ? »
Elle a quitté la Somalie pour Dubaï et a ensuite
pris un vol pour Istanbul avant de s’embarquer sur l’habituel Zodiac pour la Grèce.
enquête | 15
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
« J’AIME L’ÉCOLE
ET J’AIMERAIS
ÉTUDIER, MAIS
J’AI 18 ANS.
ILS NE VONT
PAS POUVOIR
ME GARDER TRÈS
LONGTEMPS ICI.
OÙ VAIS-JE
ALLER ? »
MOHAMMED
Marocain de 18 ans
Un jeune réfugié afghan dans le camp de premier accueil (Kepy) de Moria, sur l’île
de Lesbos, porte un masque qu’il a fabriqué lors d’une activité avec des travailleurs
sociaux. Il est parti seul et rêve d’émigrer en Allemagne. MYRTO PAPADOPOULOS POUR « LE MONDE »
Autour d’elle, beaucoup de douceur du personnel féminin. Il ne faut pas la brusquer. Avec
l’espoir de réussir à créer un lien de confiance
et de l’amener à s’ouvrir. A raconter ce que
tous soupçonnent. Ce qu’elle ne verbalise pas,
mais que son repli de la vie collective, son regard triste, son mutisme disent pour elle. « Je
suis à 90 % sûre qu’elle est victime d’un trafic
humain et qu’elle a déjà subi des horreurs,
affirme la psychologue du refuge. Deux hommes étranges la recherchent sur l’île. Il va falloir
redoubler de vigilance avec elle ; et de patience.
Rien ne sert d’ouvrir des blessures que l’on ne
pourra pas soigner ici… »
La traite humaine, le principal danger des
mineurs non accompagnés sur la route.
Dimanche 31 janvier, l’agence de coordination policière Europol annonçait la disparition d’au moins 10 000 d’entre eux sur le sol
européen en dix-huit mois. Après avoir été
enregistrés à différents points d’entrée, en
Italie, en Grèce, ils n’ont plus donné signe
de vie. Personne ne sait où ils sont, ce qu’ils
font ni avec qui. Europol redoute qu’une
partie d’entre eux ne soit tombée entre les
mains de groupes criminels actifs dans la
traite d’êtres humains.
« MAFIAS BALKANIQUES »
« Je crains que cette crise migratoire ne se transforme en crise de la traite humaine à très court
terme », se désole Heracles Moskoff, le rapporteur national grec pour la lutte contre la traite
humaine. Pour lui, « ces mineurs voyageant
seuls sont une cible idéale pour les réseaux d’exploitation sexuelle, de travail au noir, ou de
mendicité forcée ». Il essaie vaille que vaille, depuis plus de deux ans, de faire collaborer tous
les acteurs grecs (police, justice, ONG, société
civile) impliqués dans la lutte contre ces trafics. « Nous tentons, dans les centres d’enregistrement de migrants, de sensibiliser le personnel à l’identification des victimes de traite humaine », explique-t-il. Pour l’instant, cepen-
dant, aucune notification n’est remontée dans
le système national d’orientation créé par le
service de M. Moskoff.
« Ici, à Moria, c’est le personnel de l’Agence
européenne de gestion des frontières extérieures [Frontex] qui mène les opérations
d’identification de migrants. Et ils sont
d’abord préoccupés par la sécurité, en se concentrant notamment sur l’établissement de la
nationalité des migrants, pas tellement sur la
recherche de populations vulnérables comme
les victimes de traite humaine ou les mineurs
non accompagnés », regrette un policier grec
du camp de Lesbos.
« Nous demandons aux travailleurs sociaux
du Kepy ou des ONG de remplir des formulaires d’évaluation psychologique de chaque MIE
identifié, souligne Christos Dimopoulos de­
puis son bureau athénien de l’EKKA. Moi je ne
vois que ces formulaires, mais je sais détecter
derrière ces données les possibles victimes de
trafic humain. Les jeunes filles africaines, par
exemple, ont souvent été violées sur la route. Si
une gamine reste longtemps en Turquie, on
peut soupçonner qu’elle y a été exploitée
sexuellement. A l’inverse, une qui arrive très,
très vite, en ayant pris l’avion, je me dis qu’elle
est peut-être otage d’un réseau de prostitution. Bref, ce formulaire aide à poser des alarmes. » Et lorsque l’EKKA transfère ces enfants
des refuges transitoires des îles vers les refu­
ges du continent, ajoute­t­il, « alors, nous signalons ces alarmes aux travailleurs sociaux
pour qu’ils puissent accompagner les enfants.
Nous savons aussi par exemple qu’énormément de jeunes hommes afghans que nous
voyons passer sont ensuite exploités sexuellement dans les pays de destination. Nous essayons donc de les convaincre de rester en
Grèce et de demander l’asile ici ».
Car, après le camp transitoire d’accueil au
point d’entrée, les mineurs non accompagnés
sont escortés jusque dans l’un des 17 refuges
(432 lits) répartis à travers tout le pays, de la
Crète à Thessalonique. « Que le mineur soit recueilli par un Kepy [il en existe deux en Grèce, à
Lesbos et à Orestiada, près de la frontière ter­
restre avec la Turquie] ou par une ONG, les responsables doivent nous envoyer une demande
d’hébergement pour que nous organisions, en
collaboration avec les procureurs désignés
comme les tuteurs légaux, son transfert vers le
continent », explique M. Dimopoulos.
En 2014, sur les 77 000 migrants arrivés en
Grèce, l’EKKA a reçu 2 390 demandes d’hébergement. En 2015, alors que le flux global a
bondi à plus de 800 000 personnes, le nombre de demandes est resté stable (2 248). « Nous
en attendions au minimum quatre fois plus,
précise le responsable. Cela veut dire que, au
plus fort de la crise, entre juin et novembre 2015,
l’identification de cette population particulièrement vulnérable par les forces de police chargées de l’enregistrement des migrants n’a pas
eu lieu. » Selon Sofia Kouvelaki, de la Fondation Bodossaki qui vient de créer un fonds
pour soutenir les MIE, sur la même période,
« l’ancienne république yougoslave de Macédoine annonçait avoir enregistré au moins
18 000 mineurs non accompagnés ».
La situation semble cependant avoir dramatiquement évolué en janvier. « Nous avons
déjà reçu 395 demandes, contre 75 à la même
période en 2015. Tous les refuges sont pleins, et
j’ai désormais une liste d’attente de plus de
51 personnes. Alors, je donne la priorité aux
enfants de 10 à 12 ans, et suis obligé de laisser
ceux de plus de 17 ans en transit », se désole
M. Dimopoulos.
Le transfert vers le continent se fait sous
escorte, avec des travailleurs sociaux et des
interprètes de Metadrassi. « Eman, Chabad,
préparez vos affaires, vous partez ce soir ! »,
annonce Spyros Kourtis, le responsable du
Kepy, aux deux jeunes garçons. En tout, ils
seront douze enfants à voyager par le ferry du
soir, dont six Afghans, un Pakistanais, deux
Marocains et trois Syriens. Les attendent douze
heures de traversée à bord d’un navire bondé
de réfugiés. « Les transferts, c’est un moment de
grande tension pour nos volontaires, explique
Laura Pappas, la présidente de Metadrassi. Car
ils doivent surveiller les mômes comme le lait
sur le feu. On en a déjà eu qui s’ouvraient les veines ou voulaient sauter du bateau. »
Ce soir-là, la responsable du transfert est une
jeune femme de 28 ans, Evdokia Bakalou. Elle
commence par confisquer les téléphones portables, puis installe tout son monde à des tables le plus à l’écart possible de la foule. « Nous
devons les protéger des passeurs qui circulent à
bord du bateau à la recherche de clients », précise cette avocate de formation. « Rends-moi
mon téléphone, t’es pas ma mère, s’énerve un
des ados. On a fait la route tout seuls jusqu’ici,
tu peux pas nous lâcher, là ? » Justement non.
Evdokia ne peut pas les lâcher. Au moins jus­
qu’à la porte du refuge où ils ont été affectés.
Mais ensuite ? « Environ 80 % des mineurs
s’enfuient dans les 48 heures après être arrivés
sur le continent, regrette Laura Pappas. Ils subissent une pression très forte, soit des familles
en amont, soit des passeurs, soit des réseaux
dont ils sont victimes pour quitter les refuges et
repartir le plus vite possible. »
C’est d’ailleurs ce que fera Mohammed, l’aspirant psychiatre. Après une nuit dans son re­
fuge athénien, il montera dans un bus. Direc­
tion Idomeni, à la frontière gréco­macédo­
nienne. Quelques jours plus tard, c’est par la
messagerie électronique WhatsApp qu’il ra­
conte la suite de son périple : « J’ai essayé de
passer trois fois dans les montagnes, et deux
fois la police macédonienne m’a refoulé. » De­
puis le mois de décembre 2015, en effet, la Ma­
cédoine n’accepte plus que les réfugiés sy­
riens, irakiens et afghans en refusant les res­
sortissants d’autres pays, et notamment les
Marocains, considérés comme de « simples »
migrants économiques. « Finalement, j’ai
réussi à rejoindre la Serbie, mais là ça fait maintenant une semaine que je suis bloqué dans la
ville de Sid. Impossible de passer la frontière
avec la Croatie, car la police croate surveille
tout. Et je ne peux pas payer le passeur qui demande 1 500 euros pour aller en Autriche »,
explique Mohammed qui, faute d’héberge­
ment, vit en ce moment même dans la rue de
cette petite ville du nord de la Serbie, où il fait
– 5°C. « Il y a plein de mômes comme moi, et
même des plus jeunes, décrit­il. C’est beaucoup
plus dur que ce que je pensais. Peut-être
aurais-je dû rester à Athènes, mais je dois avancer et rembourser les 3 000 euros que j’ai empruntés pour ce voyage. »
Rester au refuge, essayer de se fixer en Grèce
ou tenter d’organiser une procédure de rap­
prochement familial avec un membre de la
famille déjà arrivé en Europe… Dans le SMA,
un refuge de 17 places situé en plein cœur
d’Athènes et géré par la Société de soins aux
mineurs, la plupart des pensionnaires ont fait
le choix de ne pas tenter de repartir illico.
« C’est un combat de chaque jour pour gagner
leur confiance et les convaincre qu’ils seront
plus en sécurité ici qu’à se jeter dans les bras des
mafias balkaniques, reconnaît Dimitra Ada­
madidou, coordinatrice du SMA. Le problème,
c’est que le rapprochement familial prend entre sept et neuf mois selon les pays, c’est beau-
coup trop long pour tout le monde. Il faudrait
que l’Europe mette en place un système harmonisé et rapide pour tous les mineurs pouvant en bénéficier. »
Hussam, un Kurde irakien qui vient tout
juste de fêter ses 18 ans, habite au SMA depuis
plus d’un an. Parti de Messine sur un bateau
avec 800 personnes pour l’Italie, avec à bord
cinq jours de nourriture, il a dérivé pendant
douze jours avant d’être secouru par les gardes-côtes grecs au large de la Crète. Identifié
comme mineur non accompagné, il est
d’abord transféré dans des camps de réten­
tion, avec des majeurs, où il restera plus de six
mois. « C’était très dur la vie en prison. Beaucoup de bagarres, pas assez à manger. Et puis
ils m’ont mis dans ce centre ici et m’ont envoyé à
l’école », dit-il.
Tous les enfants du SMA sont en effet scolarisés dans l’une des quatre écoles multiculturelles de la capitale grecque. « C’est l’un des
outils pour les fixer ici, précise Dimitra. L’école
leur redonne un sentiment de normalité, alors
qu’ils sont tous déscolarisés depuis des mois.
Les règles leur font du bien, les aident à se restructurer et à gagner en autonomie. »
En un an à peine, Hussam maîtrise déjà
assez bien le grec. Il aime le foot, et a une petite
amie d’origine géorgienne qu’il emmène se
promener le long du front de mer, faute
d’argent pour sortir dans les cafés. « Je suis
resté ici, parce que j’avais un oncle en Angleterre, et ils m’ont dit qu’ils pouvaient nous réunir », explique le jeune homme. Ce qu’il a com­
pris entre les lignes, mais que le personnel
social ne lui a jamais totalement confirmé,
c’est que son oncle a refusé d’entreprendre les
démarches de rapprochement familial.
Maintenant il a plus de 18 ans, ne peut plus
bénéficier de cette procédure, et a donc de­
mandé l’asile ici, en Grèce. « J’aime l’école, et
j’aimerais étudier, mais j’ai 18 ans. Ils ne vont
pas pouvoir me garder très longtemps ici. Où
vais-je aller ? Je vais devoir quitter l’école pour
gagner ma vie, payer un loyer et la bouffe, alors
que c’est la crise ici. Je me sens coincé. »
La Grèce a effectivement peu à offrir aux
majeurs demandeurs d’asile. Il n’y a que
1 100 places d’accueil, pas d’aides au logement, à l’apprentissage de la langue ou à la recherche d’emploi. Pour échapper à ces angoisses sur cet avenir qui s’annonce compliqué,
Hussam se réfugie dans la musique. « Je joue
du sazi, un instrument traditionnel de mon
pays. Dès que je rentre de l’école, je m’entraîne,
et je pense à ma mère qui adorait me voir
jouer. » Assis sur son lit, le jeune homme se
lance dans un air kurde lorsque soudain entre
en trombe un Syrien de 12 ans. En deux minutes, l’atmosphère tranquille vire à l’orage, et
les insultes en arabe pleuvent. « Lui, c’est
Naïm, les gens de Daech l’ont rendu complètement timbré », souffle Hussam.
VIOLENCE À FLEUR DE PEAU
Naïm, c’est un cas spécial pour tout le monde,
et surtout pour les psychologues du centre.
Originaire de Rakka, en Syrie, il est passé par
les camps d’entraînement de l’organisation
Etat islamique (EI). Il en a gardé un regard som­
bre et une violence à fleur de peau. « Daech
[acronyme arabe de l’EI] a fermé notre école
primaire, et après ils voulaient faire de nous des
soldats, raconte-t-il en aparté. L’entraînement
militaire, ce sont des heures de course et d’exercices où l’on nous frappe aux jambes et au ventre pour nous endurcir. Et où l’on nous prive
d’eau pour apprendre à ne pas en avoir besoin. » Naïm dit aussi que les recrues vivent séparées de leurs familles pendant des mois à regarder des vidéos de décapitations et à apprendre le Coran. « Il y avait un Irakien qui vivait aussi en Suède. Lui, je l’aimais. Il était gentil
avec moi. C’est lui qui m’a appris le petit djihad,
écouter et respecter ses parents, et puis le grand
djihad, qui consiste à punir les infidèles. Moi, je
n’ai pas peur de mourir. L’important, c’est d’aller
au paradis », récite-t-il.
C’est sa grand-mère, alarmée de l’endoctri­
nement subi par son petit­fils, qui monnaie
son départ avec l’EI. C’est du moins ce que
Naïm a expliqué aux travailleurs sociaux du
SMA. « On a entrepris un travail avec les psys
pour renverser le lavage de cerveau dont il a été
victime. C’est long, mais il va déjà mieux. On a
réussi à ce qu’il ne se jette plus sur un couteau
ou une fourchette pour attaquer les autres enfants lorsqu’il s’engueule avec eux. Naïm doit
partir rejoindre son père installé aux Etats-Unis.
Nous allons profiter des sept mois que prend la
procédure pour le raccrocher au monde réel »,
assure Dimitra.
Quelle innocence reste­t­il derrière cette en­
fance martyrisée ? « Tu aimes les chiens, toi ? »,
demande­t­il d’un coup, dans un sourire aussi
furtif qu’éblouissant, avant de reprendre :
« Moi beaucoup. Ils ne font jamais de mal. »
Naïm, Fatima, Eman, Hussam, Mohammed
ou Chadab… Qu’ils en aient été témoin ou vic­
time, aucun de ces enfants n’a échappé à la
violence sur la route. Un naufrage collectif
total pour une Europe qui a longtemps mis les
droits de l’enfant au cœur de ses valeurs et de
ses aspirations. p
Sur le Web : voir le grand format
16 | culture
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
ART CHINOIS
Les musées
français
s’éveillent
à la Chine
Les établissements consacrent
de grosses expositions
aux artistes asiatiques, mais
tissent aussi des partenariats
d’un nouveau genre avec
des collectionneurs argentés
venus de l’empire du Milieu
ENQUÊTE
A
i Weiwei suspend des mobiles au Bon Marché, des stars
venues de Shanghaï et de Pékin installent leurs sculptures colossales à la Fondation
Vuitton, le Franco-Chinois
Huang Yong Ping est annoncé en mai pour
Monumenta au Grand Palais… La Chine a le
vent en poupe sur la scène artistique parisienne. On n’avait pas vu cela depuis sa première irruption, en 2003, au Centre Pompidou, avec l’exposition « Alors, la Chine ? ». Depuis, l’empire du Milieu s’était fait plutôt discret à Paris, bien que ses plasticiens phares
aient accédé aux premiers rangs des ventes
aux enchères internationales, détrônant les
habitués américains ou allemands.
Ces quelques expositions ne sont que la
partie émergée de l’iceberg. Soft power made
in China ? Voilà quelques années que de puissants collectionneurs chinois se sont lancés
dans une redoutable entreprise de séduction
de nos musées. A commencer par deux d’entre eux, et pas des moindres : le Centre Pompidou et le Palais de Tokyo.
En juin 2015, le Musée national d’art moderne annonçait, assez discrètement, une
importante donation de cinq œuvres, qui venait enrichir un ensemble d’une centaine de
pièces chinoises : une installation de Xu
Zhen et des peintures de Ding Yi, Zhang Enli
et Zhao Yang. Cinq milliardaires étaient à
l’origine du cadeau : Budi Tek, David Chau,
William Zhao, Andrew Xue et, surtout,
Adrian Cheng. Car ce dernier, tycoon héritier
du New World Group (hôtellerie, routes,
joaillerie…), scellait par la même occasion un
partenariat d’un nouveau type : il proposait
à Pompidou de créer un poste de conservateur dévolu à l’art chinois, entièrement à la
charge (salaire et voyages compris) de sa fon-
« IL EST IMPORTANT
POUR UNE
INSTITUTION
DE RESPECTER
DES DOSAGES, DE NE
PAS TROP S’ENGAGER
SUR UN PAYS
EN PARTICULIER »
FABRICE HERGOTT,
directeur du Musée d’art
moderne de la Ville de Paris
Jean-François
Zygel
Les Concerts Enigma
Boris Vian
L’ÉCUME DES JOURS
Le 20 février 2016
Rés : 01 40 28 28 40 | chatelet-theatre.com
dation artistique, K11, pendant trois ans. Une
première dans un pays qui, longtemps, s’est
méfié de l’ingérence des collectionneurs privés dans les musées publics. « Ah ça, c’est une
première ! soupire un des conservateurs du
centre. Mais que voulez-vous ? Parfois on en
est à payer sur nos fonds personnels le taxi ou
l’hôtel des artistes que nous invitons, alors on
ne peut pas lutter. »
Le nom du curateur chinois, agréé par les
deux parties, devrait être divulgué bientôt.
Mission de l’heureux élu ? Prospecter de
Guangzhou à Chongqing et identifier les artistes intéressants, bref, faire profiter le Centre Pompidou de son savoir et de ses réseaux. « Nous avons choisi le meilleur d’entre
tous », promet Bernard Blistène, directeur
du musée. C’est aussi l’occasion, pour l’institution, d’asseoir son engagement vis-à-vis
d’un pays où elle compte installer une de ses
annexes provisoires, comme elle vient de le
faire à Malaga, en Espagne. Dans la ligne de
mire, Shanghaï, malgré l’échec d’une première tentative lancée en 2007. Le projet devrait voir le jour d’ici à la fin 2017 (ainsi
qu’un autre, en Corée).
Mais qu’un privé supporte ainsi les frais
d’un salarié du musée national, cela ne risque-t-il pas de fausser la mise ? L’Afrique ou
l’Amérique latine ne mériteraient-elles pas
tout autant d’attention ? « Aucune puissance
privée ne saurait interférer sur nos choix, pas
question de favoriser la reconnaissance d’un
artiste qui arrangerait notre mécène, tentet-on de rassurer à Pompidou. Il s’agit simplement de construire la collection de demain. »
Et vu la cote exubérante des artistes en question, aucun musée ne peut en effet plus se
les offrir.
« ÉCOSYSTÈME INTERNATIONAL »
Au Palais de Tokyo, également engagé avec
Adrian Cheng, collectionneur féru de jeunes
artistes chinois mais aussi français, comme
Tatiana Trouvé ou Neil Beloufa, on se défend
tout autant d’une quelconque ingérence. Ici,
c’est le poste de Khairuddin Hori, directeur
artistique adjoint, pas moins, qui se voit financé sur trois ans : à mi-temps par K11, et à
mi-temps par l’entreprise Total. Un chargé
de production bénéficie également de cette
manne. Quel intérêt pour Cheng ? « Je souhaite participer à la création d’un écosystème
international, une plate-forme où les jeunes
artistes chinois puissent avoir leur place, résume celui que Forbes identifie comme l’un
des plus jeunes milliardaires de la planète.
Le Palais représente le global, moi la Chine. »
Comme à l’ICA de Londres ou au Metropoli-
tan de New York, dont il est également mécène, il leur laisse toute liberté, promet-il. « Il
n’est pas question de promouvoir ma propre
collection, je n’ai pas d’ambitions de curateur.
Mais si certains m’accusent de brouiller les limites entre public et privé, il faut comprendre
que le rôle d’un collectionneur a beaucoup
changé : aujourd’hui, c’est aussi un producteur, un promoteur. Perturber les lignes ne me
dérange pas, et tant mieux si j’ai l’audace
d’être le premier Chinois à faire cela. »
« Audacieux », ainsi pourrait-on, si l’on
reste poli, qualifier le travail de Chen
Tianzhuo, premier Chinois à avoir fait l’objet d’une exposition personnelle au Palais
de Tokyo, en été 2015, dans le cadre de l’accord avec K11. Nains boxeurs, monstres bigarrés, vidéos kitchissimes… Ce chaos connecté a déconcerté (on reste poli) les plus fidèles défenseurs de Jean de Loisy, directeur
du lieu. D’autant plus qu’il succédait à une
exposition collective mêlant Français et
Chinois, elle aussi suscitée par K11, et pour le
moins ratée. « C’était moyen, reconnaissons-le, mais ce n’est pas Cheng qui est stupide, en l’occurrence c’est moi, concède Jean
de Loisy. Quant à Tianzhuo, je ne goûte guère
son ironie, mais il nous faut montrer toutes
les chapelles. »
De là à promouvoir la Chine comme seul
et unique continent de l’avenir ? « Cheng
nous permet simplement de financer un curateur qui se balade et produit de la connaissance sur cette contrée où le plus ancien animisme rencontre les technologies les plus
contemporaines, et plus largement sur l’Asie
du Sud-Est, zone qui me semble intéressante
car on y rencontre des artistes “bio”, si je puis
me permettre. A savoir qu’ils ne savent même
pas ce qu’est un curateur », rétorque Jean de
Loisy.
Et d’ajouter qu’en ces temps de vaches
maigres, alors que le Palais vient de perdre
deux importants mécènes (Pierre Bergé –
actionnaire à titre personnel du Monde – et
Japan Tobacco International), il faut bien
combler le manque à gagner de
700 000 euros. Sans vendre son âme au diable, jure-t-il. « Tous les jours, je reçois des emails de Russes ou d’Ouzbeks qui offrent
300 000 euros pour montrer leur collection :
nous refusons bien sûr ces compromissions.
Mais Cheng n’a rien à voir avec cela, son soutien pour les jeunes artistes est sincère, et sa
fondation est un véritable incubateur. »
Que se passera-t-il dans trois ans, à l’issue
du partenariat ? Promis, le Palais mettra cap
sur l’Afrique. Car « il est important pour une
institution de respecter des dosages, de ne
pas trop s’engager sur un pays en particulier », remarque en voisin Fabrice Hergott,
directeur du Musée d’art moderne de la
Ville de Paris. Lui aussi connaît la problématique : en 2013, il aurait eu bien du mal à présenter le peintre Zeng Fanzhi sans le soutien
de Budi Tek, milliardaire sino-indonésien
féru d’art. « Mais ce n’est pas lui qui a suscité
l’exposition, il a été très correct, tient à préciser Fabrice Hergott. Il a juste facilité les choses, prêté une pièce de sa collection et apporté un soutien financier, pour répondre à
une promesse qu’il avait faite à l’artiste, il y a
longtemps. »
« LE REGARD A CHANGÉ »
L’exposition aurait-elle existé sans son apport ? « Cela aurait été plus difficile, mais
nous l’aurions faite quand même, répond-il.
Je voulais absolument réaliser la monographie d’un artiste chinois, montrer qu’on pouvait enfin les regarder comme tout autre artiste, ce qui n’était pas le cas il y a trois ans. On
cherchait alors encore un particularisme chinois. Aujourd’hui, le regard a changé. »
Et les milliardaires savent accompagner le
mouvement : Budi Tek vient d’offrir
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culture | 17
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
A Versailles et au Louvre,
suivez le guide… en mandarin
Encouragé par une politique d’expositions croisées et par des actions marketing ciblées,
le tourisme chinois explose dans les musées et les châteaux
S
500 000 euros au Musée de l’Elysée de Lausanne, pour la valorisation de ses collections
photographiques. Au-delà du bénéfice moral que retire, imagine-t-on, tout philanthrope, quelles sont les ambitions de ces protagonistes désormais incontournables du
monde de l’art ? Tous l’assurent, il s’agit de
faire profiter en retour leur pays de ce savoir
nouveau.
DEAL GAGNANT-GAGNANT
« Budi Tek se sent une vraie responsabilité de
transmettre là-bas ce qu’il voit ici, raconte Suzanne Pagé, qui vient d’effectuer plusieurs
voyages en Chine afin de réaliser l’exposition « Bentu », en cours à la Fondation Vuitton qu’elle dirige. Il est venu trois fois chez
nous visiter l’exposition précédente, “Les Clefs
d’une passion”. Et quand il achète, il a conscience de jouer un vrai rôle social, car il sait ce
que peut représenter le capital culturel pour
la Chine d’aujourd’hui. »
Même ambition chez Cheng, qui a notamment créé un village d’artistes en Chine. « Il
m’importe de développer la culture dans mon
propre pays. C’est pourquoi j’ai créé le concept
de centre commercial-musée, où les gens peuvent découvrir l’art contemporain en faisant
leurs achats. Dans la même perspective, j’ai
organisé une exposition Dali à Shanghaï, car
je pense que son imaginaire peut être une
source d’inspiration très puissante pour les
jeunes artistes chinois. Ma façon de contribuer à l’évolution de la société dans laquelle
je vis, c’est d’y injecter de l’art. »
Ai Weiwei compte-t-il exporter en Europe
la mode de l’exposition en centre commercial ? Il investit en tout cas cet hiver le Bon
Marché de Saint-Germain-des-Prés avec des
cerfs-volants aussi jolis qu’inoffensifs. Drôle
d’idée pour un dissident. L’entreprise Vuitton, propriétaire du luxueux grand magasin, a dû le convaincre du bien-fondé de l’entreprise. Le plus célèbre des Chinois est
d’ailleurs également en majesté dans l’exposition « Bentu », hébergée par la fondation
du dit groupe.
Alors, ce dialogue France-Chine, un deal
gagnant-gagnant, comme l’assurent les plus
pragmatiques ? Certains chiffres sont en
tout cas imparables : le pays aux 600 milliardaires représenterait pour les marques de
luxe plus de 20 % de leur marché ; quant aux
touristes chinois, leur croissance est exponentielle dans les musées parisiens, fragilisés par les répercussions des attentats.
Alors, la Chine : désormais, le point d’interrogation a disparu. p
emmanuelle lequeux
« Le Heleo »,
d’Ai Weiwei
exposé
au Bon marché,
à Paris.
GABRIEL DE LA CHAPELLE
ur les 7,4 millions de visiteurs reçus au château de
Versailles en 2015, 781 000
étaient chinois. Soit un bond de
50 % en un an. Pour la première
fois, les citoyens de l’empire du Milieu sont au coude-à-coude avec
les Américains, encore en tête des
visiteurs étrangers – lesquels représentent 80 % des entrées chez
Louis XIV. Ainsi, 13 % des visiteurs
sont chinois, juste derrière les
Français (20 %), et prêts à les dépasser tant l’engouement est fort.
Dans les salons aux lambris d’or, il
faut se faufiler entre les groupes
serrés au pas.
Entre Versailles et la Chine, les
échanges ont repris en 2004,
avec l’exposition « Kangxi, 16621722, empereur de Chine », le contemporain de Louis XIV, avec de
précieux prêts de Pékin. En 2005,
une centaine d’objets partait à
Shanghaï pour illustrer « Louis
XIV, le Roi-Soleil : trésors du château de Versailles ». En 2014, ce
fut « La Chine à Versailles, art et
diplomatie au XVIIIe siècle ».
Pour 2016-2017, Catherine Pégard, la présidente du domaine,
annonce une exposition à
Suzhou (Est), célèbre pour ses jardins classiques.
Au château, tout est fait pour séduire ce public : des plans-guides
sont édités en chinois, avec un tel
succès que, plusieurs fois par jour,
les présentoirs doivent être réapprovisionnés. L’agenda des expositions, concerts, visites prévus
sur le site est en ligne sur WeChat,
le réseau social chinois.
Même les boutiques ont adapté
leur offre à la clientèle : « les Chinois n’aiment pas trouver à Versailles des tasses made in China, expliquait Jean-Paul Cluzel, l’ancien
président de la Réunion des musées nationaux, au Monde en 2015.
C’est bien normal, mais cela demande d’énormes efforts pour dénicher des fabricants en France. »
« Un potentiel gigantesque »
Même constat au Louvre, à Paris,
où, sur les 8,7 millions d’entrées
en 2015, le nombre de visiteurs
chinois a fait un bond de 73 % en
un an – passant de 470 000,
en 2014, à 820 000, en 2015. Ils
n’étaient que 160 000 en 2009.
L’établissement public communique, lui aussi, sur les réseaux sociaux Weibo et WeChat. 761 000
plans-infos en chinois ont été distribués depuis le 1er janvier 2015,
contre 598 000 en français. Un engouement soutenu par le site du
Louvre. fr, accessible en mandarin
depuis 2009.
L’exposition « Cité interdite, empereurs de Chine et rois de
France », en 2011-2012, au Louvre, y
est aussi pour beaucoup. Cent
trente œuvres étaient arrivées de
Pékin. En 2013-2014, ce sont les collections de la Méditerranée antique qui ont été vues dans la capitale chinoise. Pour les voyageurs
individuels, déjà nombreux, « un
Audioguide en mandarin sera disponible fin 2016, au musée », an-
nonce son président, Jean-Luc
Martinez, qui se dit déterminé à
« renforcer encore le travail avec la
Chine, avec l’organisation d’expositions par le Louvre ».
Les châteaux-musées privés
surfent aussi sur cette vague. Le
château de Vaux-le-Vicomte a
déjà son Audioguide en chinois.
Le palais de Nicolas Fouquet, surintendant de Louis XIV, a reçu
2 500 Chinois en 2015, « un chiffre
en progression de 90 %, souligne
Jean-Charles de Vogüé, directeur
commercial du domaine familial. C’est un marché au potentiel
gigantesque que l’on travaille depuis trois ans, mais il faut faire attention à ne pas être saturé. Versailles est surpeuplé. Nous, on
sera très vigilants ». Vaux-le-Vicomte s’en tient au haut de
gamme, en organisant des événements, des dîners, des mariages à destination de petits
groupes.
Chez François Ier, à Chambord,
Jean d’Haussonville, le directeur
général du domaine national,
privilégie les jumelages. En 2015,
il a reçu 25 000 Chinois sur un total de 780 000 entrées, et vise le
triple pour 2020. En septem-
Cette dynamique
a été orchestrée
par Laurent
Fabius, dès 2014,
avec la délivrance,
en 48 heures,
d’un visa pour les
voyageurs chinois
bre 2015, l’ancien conseiller culturel à Berlin, fin connaisseur des
arcanes de la diplomatie, recevait
une délégation de hauts responsables du Palais d’été de Pékin – le
site reçoit quinze millions de visiteurs par an. Une conventioncadre a alors été signée entre
Chambord et le Palais d’été.
« Prêts prestigieux »
Classés l’un et l’autre au Patrimoine mondial de l’Unesco, les
deux palais célèbrent ce jumelage
par deux expositions. Chambord,
fin 2015, exposait l’art calligraphique de Baixu, artiste contemporain. Dans la foulée, le Palais d’été
reçoit une exposition de photos et
un séminaire sur l’art des jardins.
Un premier jumelage avait déjà
été noué avec l’Ancien Palais d’été,
en 2014, à l’occasion des 50 ans des
relations diplomatiques francochinoises.
Pour Sophie Makariou, présidente du Musée national des arts
asiatiques Guimet, « il y a des choses que les fenêtres diplomatiques
permettent. En 2014, pour l’année
France-Chine, des prêts prestigieux
sont venus de Pékin, enrichissant
l’exposition “Splendeur des Han,
essor de l’Empire céleste”. Cela a eu
un effet considérable sur les relations culturelles. Le musée a renoué
avec la Chine, sur le plan humain
aussi. J’y vais en terrain ami, c’est
fondamental. Il y a un appétit de
faire des choses ensemble ».
Cette dynamique est orchestrée
par Laurent Fabius, ministre des
affaires étrangères et du tourisme, qui décidait, en janvier 2014, de la délivrance d’un
visa, en 48 heures, pour les voyageurs individuels chinois. En octobre 2015, le ministre visait un
objectif de cinq millions de visiteurs chinois supplémentaires
d’ici à 2020 en France. p
NOVA RECORDS PRÉSENTE
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820 000
Nombre de visiteurs chinois au Louvre en 2015
Les touristes venus de Chine ont augmenté de 73 %
en un an, puisqu’ils n’étaient que 470 000 en 2014.
Ils représentent presque 10 % des 8,7 millions
de visiteurs du Musée du Louvre.
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www.novaplanet.com
18 | culture
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
A Clermont-Ferrand, la société
française en court et en large
Le festival de cinéma fait émerger de jeunes réalisateurs
soucieux de s’affranchir des recettes de scénario
CINÉMA
clermont-ferrand
L
e sans-papiers n’est pas un
ange. Et le jeune de banlieue va rater son audition
au Conservatoire de théâtre. Tant pis pour le happy end, et
tant pis pour le politiquement correct qui se voit chassé de l’écran…
On y voit mieux, après coup :
c’est l’effet réjouissant que produisent certains films de la 38e édition
du Festival international du courtmétrage de Clermont-Ferrand
(du 5 au 13 février). Une nouvelle
génération de cinéastes français
s’exprime, à travers les 57 films de
la compétition nationale, sélec­
tionnés sur un total de 1 700 – le
festival propose par ailleurs une
compétition internationale, un
« Labo » avec des films expéri­
mentaux, un marché du film, etc.
Leur mot d’ordre ? Renvoyer dos
à dos l’angélisme et le conserva­
tisme ambiants. Leur point com­
mun ? Mettre en scène des tandems de comédiens, chacun traversant une épreuve sous le regard de l’autre. Bien sûr, chaque
œuvre est différente, mais ces jeunes cinéastes partagent la même
envie : ils veulent s’affranchir des
« recettes » de scénarios, afin de
privilégier une « liberté d’écriture ». Surtout, ils bannissent le
pathos. « On ne rajoute pas du su-
cre au sucre », résume Sylvain Robineau, auteur de Sabine (14 minutes), une fantaisie sur le thème
du dépit amoureux, traversée par
une folie douce.
Certains sont autodidactes. C’est
le cas d’Uriel Jaouen Zrehen,
29 ans, né d’une mère algérienne
et d’un père breton. Dans son film
Du plomb dans l’aile (28 minutes),
Jacky, le sans-papiers burkinabé,
est aussi un voleur. Handicapé,
avec ses béquilles, il ne trouve pas
de travail. Mais il ruse et démarre
un chantier dans une maison où
vit une femme seule. Elle se montre hospitalière, Jacky lui vole ses
bijoux… « Je n’ai pas envie de montrer le sans-papiers gentil. Les gens
sont traversés par des tensions, il y
a la nécessité de survie. Je préfère le
dire, et creuser les raisons du malaise », résume le réalisateur.
Regard grinçant
Uriel a démarré comme stagiaire
dans la production chez Fidélité
Films, croisant des stars du cinéma. Puis il a découvert le mouvement « kino », un collectif de cinéastes qui réalisent des « courts »
dans un esprit d’entraide. C’est
dans ce cadre, au Burkina Faso,
qu’il a rencontré Lucien Yerbanga,
le « Jacky » du film. Du plomb dans
l’aile se situe à la croisée de toutes
ces expériences, du cinéma classique aux projets alternatifs.
Ces réalisateurs
partagent
la même envie :
privilégier
une liberté
d’écriture et
bannir le pathos
Est-ce parce qu’il a travaillé six
ans dans un centre social à Lille,
entre 18 et 26 ans, qu’Antoine
Giorgini porte un regard grinçant
sur l’accès à la culture et la diversité ? Dans Réplique (19 minutes),
Tony, un jeune de banlieue, est
convoqué pour son audition au
conservatoire de Tours. Mais le
copain qui devait lui donner la réplique ne vient pas. Tony perd les
pédales et se retrouve au commissariat, devant un policier incrédule. Lui, il voulait réciter Shakespeare ? C’est une blague… « Mon
jeune, je ne voulais pas le poser en
victime. Tony est à la fois un mec
qui nous énerve et nous touche »,
résume le cinéaste.
Loïc Espuche, lui, a voulu travailler sur les clichés hommesfemmes. Ou « comment les garçons sont enfermés dans leur cuirasse », explique le réalisateur de
26 ans, qui sort de La Poudrière,
l’école du film d’animation à Valence. Tombés du nid (4 minutes) a
reçu le prix du Public pour les
films d’école européens, au festival Premiers plans à Angers (du 22
au 31 janvier). Soit deux copains
dont l’un, Dimitri, veut conquérir
Linda. Fabio aperçoit une cane et
ses canetons. On va filmer la
scène, lui dit-il, les filles adorent
ça… Ou bien est-ce lui qui est attendri ? La salle, pas dupe, est pliée
en quatre.
En parlant de filles, justement,
elles sont bien là, à Clermont, où
la programmation s’affiche paritaire. Dans son premier « court »,
Des millions de larmes (23 minutes), Natalie Beder a voulu déjouer
le genre… cinématographique. Au
volant de sa voiture, un homme
plutôt âgé – André Wilms, qui tenait le rôle principal dans Le Havre (2011), de Kaurismäki – va faire
un bout de chemin avec une
jeune fille en errance, jouée par la
réalisatrice, qui est aussi comédienne. Le titre cache bien son
jeu : jamais on ne pleure, on est
trop intrigué. Est-ce un thriller,
un drame social ? Natalie Beder signe plutôt un road-movie entêtant, atmosphérique.
Cecilia de Arce, 22 ans, sans doute
la plus jeune des cinéastes du festival, a mis aussi la barre haut. Une
sur trois (19 minutes) est une comédie sur l’avortement, avec deux
formidables actrices, Florence Fauquet et Marie Petiot. Elles sont étudiantes, Simone est enceinte et ne
souhaite pas garder l’enfant. Sa copine, bien que maladroite, va la
soutenir dans cette épreuve. L’air
de rien, ce film girly tient un discours politique, le temps d’une
conversation entre Simone et sa
mère qui la rassure. On n’en saura
pas plus. D’où le compliment inattendu venu d’une militante de la
Manif pour tous. Interpellant la
jeune cinéaste, elle remarque :
« Votre film est formidable. Car, à la
fin, on peut aussi imaginer qu’elle
garde le bébé. » p
clarisse fabre
Lire le portrait du réalisateur
Sylvain Robineau sur Lemonde. fr
Les écrans mélancoliques
de Sharunas Bartas
Une rétrospective, une exposition et un livre
saluent l’œuvre du cinéaste lituanien radical
A
lors que son nouveau
film, Peace to Us in Our
Dreams, sort en salles
mercredi 10 février, Sharunas
Bartas, réalisateur lituanien mélancolique et pointu, est sous les
feux d’une actualité groupée.
Projection de son œuvre au Centre Pompidou, exposition de ses
photographies au passage de
Retz, parution d’un ouvrage à lui
consacré, sous la direction de Robert Bonamy.
On se représente peut-être mal
qui est Bartas, et ce qui lui vaut
conséquemment ces honneurs.
Allons au plus simple : à 51 ans,
dont trente de « carrière » cinématographique si ce mot avait le
moindre sens le concernant, ce
Lituanien fait partie de la fraction
ultraradicale de la cinéphilie
mondiale. Sous le signe de la
puissance plastique et du débridé
narratif, il donne la main au
Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, au Philippin Lav Diaz,
au Portugais Pedro Costa, à l’Argentin Lisandro Alonso, au Hongrois Bela Tarr, au Russe Alexandre Sokourov, pour ne citer que
les plus réputés.
Katerina Goloubeva, son égérie
Parmi cet aréopage qui ne se distingue pas particulièrement par
sa joie de vivre, la note Bartas est,
sans doute, la plus sombre, la
plus farouche, la plus intimement douloureuse. Sa reconnaissance n’en fut pas moins immédiate, portée par une frange déterminée de la critique et par certains pairs, tels que Claire Denis
ou Leos Carax, qui le feront
d’ailleurs tourner comme acteur
(la première dans Les Salauds, le
second dans Pierre ou les Ambiguïtés).
Formé à l’école cinématographique russe, ses premiers films
datent du mitan des années 1980.
La chute de l’URSS précipite
l’épure de son cinéma, avec la
construction de son propre studio dans les bois proches de Vilnius, et l’organisation d’une autonomie créatrice qui, quand bien
même elle s’accommoderait
d’un producteur (ce fut quelque
temps le cas avec Paulo Branco),
lui permet de filmer comme écri-
CORRESPONDANCE
Une lettre de Guy Cogeval
l'histoire de nos 30 oeuvres indispensables
nos 30 révélations pour demain
numéro collector
cette semaine en kiosque
A la suite de l’article « Au Musée d’Orsay, un bilan en “trompe-l’œil” »
paru dans Le Monde du 2 février, nous avons reçu de Guy Cogeval, président du Musée, la lettre suivante :
« Si vous faites état des succès du Musée d’Orsay, de “bons chiffres”,
d’“expositions prometteuses”, d’“expositions qui ont massivement attiré les visiteurs”, si vous annoncez des “dons exceptionnels” qui enrichissent de manière significative les collections, il n’y aurait cependant “plus de pilote dans l’avion” et ce pilote absent, ce serait moi,
évidemment. La contradiction est piquante : il est difficile d’imaginer
que ce musée à la dérive puisse rencontrer tant de succès artistiques
et commerciaux, si plus personne ne préside à ses destinées.
De même, présenté comme impotent tout en étant qualifié de “génie”, vous n’expliquez pas comment je ferais pour présider et être
commissaire d’exposition dans cet état d’affaiblissement généralisé.
Ce qui semble troublant, c’est que les éléments utilisés pour qualifier
mon bilan de “trompe-l’œil” seraient des dysfonctionnements datant
de 2013 et des déclarations énervées et acrimonieuses de “chefs de service” et de “conservateurs” cachées derrière le confort de l’anonymat,
qui, en cette période propice, auraient décidé, évidemment par intérêt
pour le Musée d’Orsay qui pourtant se porte bien, de donner libre
cours à leur volonté de dénonciation.
Je souhaite rétablir les faits : le rapport remis en mars 2013 par l’inspection générale a rendu des conclusions positives s’agissant de ma
gestion du Musée d’Orsay et de ses collaborateurs ; je regrette que
vous ne le disiez pas. De même, mon accident vasculaire cérébral date
de juillet 2014 et j’en suis remis. Rien ne justifie des attaques sans réserve sur mon prétendu état de santé. Enfin, en cette période de renouvellement, qui explique mon silence à la suite de vos demandes
(je suis candidat à ma succession et je n’entendais pas m’exprimer
pendant cette période), vous apportez du crédit et faites de la publicité à des déclarations anonymes de personnes non identifiées, qui
pourraient être soit des candidats, soit des soutiens des candidats dévoilés ou non, de ces “nombreux noms” qui circuleraient, prêts à prendre ma succession… Je conteste et regrette les allégations contenues
dans votre article. »
rait un poète, opération non sans
beauté (liberté) et non sans risque (solipsisme).
A ce jour, huit longs-métrages
sont nés de ce principe. Les trois
premiers – Trois jours (1991), Corridor (1994) et Few of Us (1995),
tournés entre Kaliningrad, Vilnius et chez les Tofolars de Sibérie – sont des chocs esthétiques
inoubliables. Chroniques silencieuses d’un univers qui s’effondre, portraits de personnages
murés en eux-mêmes, projections mélancoliques de l’âme
dans la matière même du monde,
dispensateurs d’une beauté inattendue et foudroyante, ils sont
synchrones des bouleversements historiques de leur temps.
Ils révèlent aussi une des plus impérieuses et mystérieuses icônes
féminines du cinéma mondial en
la personne de Katerina Goloubeva, ex-femme et égérie de Bartas, dont la vie et la mort documentent son cinéma.
Goloubeva partie, et le premier
choc esthétique sans doute un
peu évaporé chez le spectateur,
vient l’époque de la variation sur
le même thème. Asthénie muette
des personnages, éclairs de violence brute, hiératisme des clairsobscurs, quatre murs et un ciel
viennent entoiler cette dialectique à l’arrêt.
Depuis The House (1997) jusqu’au récent Peace to Us in Our
Dreams, on aurait voulu, sur la foi
de séquences montrant qu’il
peut magnifiquement le faire,
que Bartas brise son propre carcan et sorte de lui-même, sans
nécessairement avoir à se trahir.
Indigènes d’Eurasie (2010), faux
polar langoureux et bien frappé,
aura donné un avant-goût de ce
possible, dont rien ne légitime, il
est vrai, qu’on le rêve à sa place. p
jacques mandelbaum
« Bartas », Centre Pompidou,
place Georges-Pompidou, Paris 4e.
Jusqu’au 6 mars 2016.
« Sharunas Bartas – Few of Them
– photographies », Passage de
Retz, 9, rue Charlot, Paris 3e.
« Sharunas Bartas ou les Hautes
Solitudes », ouvrage collectif
(De l’incidence Editeur/Centre
Pompidou, 190 p., 18 €).
T HÉÂT R E
Jean-Luc Choplin quitte
le Théâtre du Châtelet
à la fin de la saison
A la tête du Châtelet depuis
2004, Jean-Luc Choplin quittera son poste de directeur à
la fin de la saison 2016-2017,
à l’occasion de la fermeture
du théâtre pour de lourds
travaux de rénovation,
d’avril 2017 à début 2019. Il
souhaite « se consacrer à de
nouveaux projets ». Un appel
international à candidatures
sera lancé avant l’été, précise
la Ville de Paris. – (AFP.)
ARTS
La Ville de Paris aura
une fresque de street-art
par arrondissement
Un tirage au sort a désigné,
mardi 9 février à l’Hôtel de
Ville de Paris, dix artistes
(Hopare, 2shy, Shaka,
Marko93, Da Cruz, Psyckoze,
Alex, Zenoy, Astro et Lazoo)
pour réaliser des fresques
dans dix arrondissements
de la capitale. L’initiative découle d’un projet voté par les
Parisiens, « Les œuvres d’art
investissent la rue », financé
grâce au budget participatif
2014. Le tirage au sort
pour les autres arrondissements aura lieu quand la
mairie aura trouvé les murs
pour les accueillir. – (AFP.)
télévisions | 19
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Beatles et Rolling
Stones, confraternels
VOTRE
SOIRÉE
TÉLÉ
Le mythe de deux groupes rivaux déconstruit
par Michaël Prazan et Christiane Ratiney
FRANCE 5
JEUDI 11 – 22 H 15
DOCUMENTAIRE
C
ela aurait pu être une
belle histoire. Mais contrairement à ce que dit la
légende, la rivalité entre
les Rolling Stones et les Beatles,
instrumentalisée par leurs managers et alimentée par la presse, n’a
jamais existé. C’est ce que nous racontent, à l’aide de nombreuses archives (photos, films, concerts, interviews télé) et d’entretiens avec
quelques témoins de l’époque, les
deux réalisateurs Michaël Prazan
et Christiane Ratiney dans leur documentaire diffusé jeudi dans le
cadre de la collection « Duels », sur
France 5.
Tout commence à Liverpool, au
début des années 1960, dans cette
ville ouvrière totalement défigurée par les bombardements allemands et où l’on s’ennuie ferme.
Heureusement, il y a la musique et
quelques clubs où les jeunes découvrent le rock’n’roll de Chuck
Berry et Elvis Presley. Constatant
l’enthousiasme autour de cette
nouvelle musique, Brian Epstein,
jeune vendeur qui travaille dans le
magasin de disques de ses parents,
J E UD I 1 1 F É VR IE R
John
Lennon et
Mick Jagger
en 1968.
comprend tout de suite l’importance de cette nouvelle culture.
Dans cette Angleterre encore ultraconservatrice d’après-guerre, la
révolte couve, et il devine qu’elle
passera par le rock’n’roll.
MIKE RANDOLPH/
CAMERAPRESS/
GAMMA
France 2
20.55 Envoyé spécial
Magazine présenté par Guilaine
Chenu et Françoise Joly.
22.40 Complément d’enquête
« Procès Cahuzac : la fin des riches
qui trichent ? »
Présenté par Nicolas Poincaré.
Contrechamp
C’est au Cavern Club, où se produisent de très nombreux groupes
amateurs, que Brian Epstein découvre un soir de novembre 1961,
quatre jeunes garçons de 20 ans,
les Beatles, qui chantent du rock
avec un style très différent de ce
qu’on pouvait entendre jusqu’alors. Il devient vite leur manager et les façonne à sa façon : les
blousons de cuir de prolos sont
remplacés par des costumes cravate, et la coupe de cheveux sera
des plus classiques. Un look de
gendre idéal qui séduit les filles et
les maisons de disques. EMI, l’une
des deux majors britanniques de
l’époque, les signe. Le succès est
immédiat. Love Me Do et Please
Please
Me
s’écoulent
à
75 000 exemplaires en quelques
jours et, grâce à la télévision, les
« quatre garçons dans le vent » deviennent des vedettes qui vont
conquérir le monde.
A quelques kilomètres de Liver-
pool, en avril 1963, la même histoire se répète dans la banlieue de
Londres où un autre jeune
homme ambitieux, Andrew Oldham, découvre les Rolling Stones
dans un club. Leur musique plus
agressive et leur allure de bad boys
rebelles est l’exact contrechamp
des Beatles. Oldham voit tout de
suite ce qu’il pourra tirer de cette
rivalité. Face aux gentils Beatles en
pleine gloire, il parie sur le scandale, le charisme de Mick Jagger et
l’outrance des Rolling Stones, à
l’image du guitariste Brian Jones,
qui se noiera dans sa piscine, complètement drogué, le 3 juillet 1969
à l’âge de 27 ans. Des scandales qui
n’empêcheront pas les Rolling Stones de devenir le plus grand
groupe de rock’n’roll du monde.
« Bien sûr que les Stones et les
Beatles étaient amis, explique
Chris Welch, journaliste spécialiste
du rock. A l’époque, c’était le Swinging London, la scène musicale
existait vraiment. C’était une sorte
de confrérie qui fréquentait les mêmes milieux, les mêmes clubs et, au
sein de ce réseau social, ils se ren-
contraient, discutaient de leurs projets, échangeaient sur leur musique. » Pour preuve, les deux réalisateurs nous montrent la complicité musicale et amicale entre
Mick Jagger et Paul McCartney, et
comment les deux groupes
s’aidaient pour finir certaines de
leurs chansons. p
daniel psenny
The Beatles vs the Rolling Stones,
it’s NOT only rock’n’roll
de Christiane Ratiney et Michaël
Prazan (Fr., 2015, 52 min).
L’adaptation par Roman Polanski du roman de Charles Dickens
D
ans l’histoire de la littérature britannique, la figure
de Fagin est un écho à la
fois lointain et proche de celle de
Shylock. Comme le receleur londonien des débuts du règne de la
reine Victoria, l’usurier juif vénitien que Shakespeare met en scène
dans Le Marchand de Venise est à la
fois une magnifique création et le
reflet de l’antisémitisme de son
époque. Dickens décrit ainsi Fagin
lors de sa première apparition
dans les pages d’Oliver Twist, qu’il
écrivit en 1838 : « Un très vieux juif
ratatiné, dont le visage répugnant à
l’aspect dépravé était couvert par
quantité de touffes de poils roux. »
En 1864, le romancier devait faire
amende honorable en prenant à
rebours les stéréotypes antisémites pour élaborer le personnage de
Riah dans l’ultime roman qu’il devait terminer, L’Ami commun.
Quand il a décidé d’adapter Oliver Twist, Roman Polanski, rescapé
du ghetto de Cracovie, a confié le
personnage de Fagin à Sir Ben
Kingsley. Celui-ci prenait ainsi la
suite d’un autre acteur anobli, Sir
Alec Guinness, qui tint le rôle dans
l’adaptation que David Lean avait
réalisée en 1948.
Un onguent « de ses pères »
Sir Alec arborait un long nez crochu qui faisait tant ressembler Fagin aux caricatures de la presse nazie que le film dut être remonté à la
demande d’organisations juives
américaines avant sa sortie
en 1951. De cet héritage, Sir Ben dit
tout ignorer. « Pour moi, le personnage n’existe pas avant que je re-
France 3
20.55 Erreur de la banque
en votre faveur
Comédie de Gérard Bitton et Michel
Munz. Avec Gérard Lanvin, JeanPierre Darroussin (Fr., 2009, 95 min).
23.10 Versailles, rois, princesses
et présidents
Documentaire de Frédéric Biamonti
(Fr., 2015, 95 min).
Canal+
21.00 Homeland
Série. Avec Claire Danes, Mandy
Patinkin, Sebastian Koch
(EU, S5, ép. 3 et 4/12).
22.25 The Affair
Série. Avec Dominic West, Ruth
Wilson (EU, S1, ép. 1 et 2/10).
France 5
20.45 La Grande Librairie
Magazine animé par François Busnel.
Invités : Emmanuel Carrère, BernardHenri Lévy.
22.15 Duels
« The Beatles - The Rolling Stones, it’s
not only rock’n’roll ». Documentaire
de Michaël Prazan et Christian
Ratiney (Fr., 2015, 55 min).
Et Ben Kingsley créa Fagin
CHÉRIE 25
JEUDI 11 – 20 H 55
FILM
TF1
20.55 Section de recherches
Série. Avec Xavier Deluc, Chrystelle
Labaude, Franck Sémonin
(Fr., saison 10, ép. 4 et 2/13 ;
S9, ép. 7/12 ; S7, ép. 10/16).
çoive le scénario. Mon travail était
de créer Fagin en sachant que tous
les personnages du roman incarnent des traits de la personnalité
d’Oliver Twist. » Pour l’acteur, Fagin
« est venu d’Europe continentale,
sans doute de Pologne, avec ses
grands-parents, qui ne parlaient
pas anglais. Il s’est retrouvé dans la
rue et s’est dit : “Je serai le plus fort
des enfants des rues.” Arrivé à l’âge
adulte, il s’entoure d’enfants parce
qu’il n’a jamais eu de parents ».
Mais, lorsque le receleur doit soigner Oliver, blessé, il prend un onguent qui lui vient « de ses pères ».
Ben Kingsley voit là l’une des clés
du personnage : « Il ne se souvient
pas de la provenance du médicament. Il y a là un fil culturel et religieux qui a été brisé, et de ces notions, il ne reste que des traces terriblement déformées. » L’acteur a su
qu’il avait rempli les attentes de
son réalisateur lorsqu’un jour celui-ci lui a dit : « J’ai connu quelqu’un comme ça, à Cracovie. » p
thomas sotinel
Oliver Twist, de Roman Polanski.
Avec Barney Clark, Ben Kingsley
(GB - Fr. - Rép. tch., 2005, 1 h 50).
Arte
20.55 Trepalium
Série. Avec Léonie Simaga, Pierre
Deladonchamps (Fr., S1, ép. 1 à 3/6)
23.30 Hanna K
Drame de Costa-Gavras.
Avec Jill Clayburgh, Jean Yanne
(Fr. - Isr., 1983, 105 min).
M6
20.55 Once Upon a Time
Série créée par Edward Kitsis
et Adam Horowitz. Avec Jennifer
Morrison, Ginnifer Goodwin
et Elizabeth Mitchell (EU, S4,
ép. 17 et 18/23, S4, ép. 19 et 20/23).
0123 est édité par la Société éditrice
HORIZONTALEMENT
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
SOLUTION DE LA GRILLE N° 16 - 034
HORIZONTALEMENT I. Permissivité. II. Oxo. Nautiles. III. Uhlan. Recels.
IV. Salière. Tôla. V. Suons. Léon. VI. Este. Peur. Té. VII. Ct. Elevé. Air.
VIII. Aeu (eau). Ire. Alfa. IX. Fuselèrent. X. Eradications.
VERTICALEMENT 1. Pousse-café. 2. Exhausteur. 3. Rollot. Usa. 4. Aînée.
Ed. 5. Innés. Lili. 6. Sa. Perec. 7. Surélèvera. 8. Ite. Eue. Et. 9. Victor. Ani.
10. Iléon. Alto. 11. Tell. Tif. 12. Essaierais.
I. Posera plus de problèmes aux esprits qu’aux laboratoires. II. Rend
sensible et nerveux. Dieu à tête de
faucon. III. Accord chez Vladimir.
Mise à l’écart. Possessif. IV. Evénement imprévu quand le sort s’en
mêle. Endroit de poursuite. V. Une
fois de plus. Dans la banlieue d’Helsinki. Espar sur le bâtiment. VI. Auxiliaire. A beaucoup de mal à quitter la
ville. VII. Personnel. Fournisseuse
d’huile. VIII. Sensibles myriapodes.
Mesure de l’information. Cours du
Nord. IX. Fit le premier pas. Savants
découpages pour bien tourner.
X. Occupent une grosse pomme.
VERTICALEMENT
1. Travail en profondeur. 2. Dame du
parc. 3. Refus à London. Trébuche et
sonne dans la poche du Suédois. Est
passé de la banque à la banqueroute.
4. Se jette dans l’Eure. Larve de crustacé. 5. Profonde inspiration. Pompes
américaines. 6. Porteuses d’iris. En
crise. 7. Mauvais fond. Belle libanaise
prospère au temps des Antonins.
8. Dans les pattes. Mit bas à l’écurie.
9. Ses coups sont imprévisibles. Pris
mes repas à la source. 10. Madame et
sa ille sont montées sur les planches.
Fin mars. 11. Précieux et un peu
mou. Le même au labo. Fait tache sur
l’œil. 12. Laissais de côté.
La reproduction de tout article est interdite
sans l’accord de l’administration. Commission
paritaire des publications et agences de presse
n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
0123
Les Unes du Monde
RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ
DES « UNES » DU MONDE
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VOTRE CHOIX ENCADRÉE
Encyclopéd
ie
Universalis
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65 e Année
- N˚19904
- 1,30 ¤ France métropolitaine
L’investiture
de Barack
Nouvelle édition
Tome 2-Histoire
---
Jeudi 22 janvier
Uniquement
2009
Fondateur
Premières mesures
Le nouveau président
américain a demandé
la suspension
: Hubert Beuve-Méry
En plus du «
en France
- Directeur
Monde »
métropolitaine
: Eric Fottorino
Obama
des audiences
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Barack et
Michelle Obama,
à pied sur
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WASHINGTON
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20 janvier,
CORRESPONDANTE
se dirigent
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nouvelle génération
Blanche. DOUG
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a Les carnets
transformationde l’Amérique. Une ère
d’une chanteuse.
national de été réunie sur le Mall
de Angélique
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Washington,
Des rives du commencé.
Kidjo, née au
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a Le grand
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Pacifique à
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celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté
discours d’investituremardi 20 janvier,
toute l’Amérique
la liesse ; les
la campagne
de Barack Obama
;
ambitions d’un
presque modeste.un sur le moment
s’est arrêtée
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en 2008,
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qu’elle était
pendant les
A vivre :
décision de
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Abraham
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Martin Luther
l’accession
la nouvelle
Lincoln,
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l’investiture,
au poste
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Avec espoir et dû. Elle doit se mériter.
avait lui même King ou John Kennedy,
pendant cent la suspension
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(…)
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il
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responsable
vingt
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elle
de plus les courants bravons une fois
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passera probablement
les rencontres
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glacials et endurons
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Pages 6-7
les tempêtes à
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page 2
et l’éditorial
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de 47 ans.
venir. » Traduction
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Harry Belafonte… Bacall,
du discours
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miste Alan Greenspan.
Lire la suite
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des Etats-Unis.
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qui secoue la
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les troupes
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page 13
d’Irak d’ici
à mai 2010.
Trop rapide,
estiment les
hauts gradés
de l’armée.
D
Education
UK price £ 1,40
GRILLE N° 16 - 035
PAR PHILIPPE DUPUIS
du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans
à compter du 15 décembre 2000.
Capital social : 94.610.348,70 ¤.
Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui,
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Le Monde sur microilms : 03-88-04-28-60
SUDOKU
N°16-035
L’avenir de
Xavier Darcos
Ruines, pleurs
et deuil :
dans Gaza dévastée
« Mission terminée
»:
le ministre
de
REPORTAGE
ne cache pas l’éducation
considérera qu’il se
GAZA
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ENVOYÉ SPÉCIAL
disponibilité
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Bonus
Les banquiers
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14
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CFA autres
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1,40 ¤, Malte
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Page 20
RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique
Présidente :
Corinne Mrejen
PRINTED IN FRANCE
80, bd Auguste-Blanqui,
75707 PARIS CEDEX 13
Tél : 01-57-28-39-00
Fax : 01-57-28-39-26
L’Imprimerie, 79 rue de Roissy,
93290 Tremblay-en-France
Toulouse (Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
20 |
styles
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
L’« Office » et
ses appareils
ménagers,
à l’entrée de
l’exposition
« Zones
de confort »,
à Nancy.
MICHEL GIESBRECHT
aux confins
du confort
Cafetière, sofa, luminaires...
A Nancy, une exposition
interroge notre rapport intime
aux objets du quotidien
DESIGN
nancy
S
ignes d’une époque consumériste, nos intérieurs
n’ont jamais été aussi
chargés d’objets censés
améliorer notre bien-être. Mais
que cache ou révèle la notion de
confort, aujourd’hui dans les pays
industrialisés ? Telle est l’intelligente question que soulève l’exposition « Zones de confort » à la galerie Poirel, à Nancy, jusqu’au
17 avril.
La réponse prend la forme d’un
petit théâtre des vanités où les objets-acteurs de notre bien-être –
une centaine de pièces puisées
dans les collections du Centre national des arts plastiques (CNAP) –
paradent au milieu des salles, mis
en scène par Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard, alias GGSV. Le public
est invité à entrer par l’« Office »,
où trônent de rutilants appareils
ménagers. Cafetière, machine à laver, fer à repasser ou Cocotte-Minute… sont disposés sur une
grande roue aux lumières clinquantes, façon présentoir de
grand magasin.
Ces assistants domestiques
d’aujourd’hui, symboles du « confort moderne », doivent, historiquement, beaucoup au design. « Il
a fallu habiller moteurs, résistances, turbines, et définir les interfaces
de commande de ces machines domestiques aux opérations parfois
complexes », souligne Stéphane
Villard, co-commissaire de l’exposition. Le design s’est posé en garant de la compréhension et de la
manipulation, facilitant l’usage
et l’entretien. »
Le réalisateur Jacques Tati,
dans Mon oncle (1958), appelle à se méfier de ces machines qui risquent d’asservir l’humain. Cependant, de 1950 à 1970,
les foyers français s’équipent à
tour de bras, grâce à la production
industrielle des appareils ménagers qui les rend accessibles.
Bonne nouvelle : les corvées domestiques (traditionnellement attribuées à la « ménagère ») s’allègent considérablement, en temps
passé comme en pénibilité. « La
femme a gagné quatre semaines de congés supplémentaires » (par rapport à la lessive à la main), clame
une publicité pour
une machine à laver
Brandt,
en 1963. Con-
Tabouret W.W. créé
par Philippe Starck
pour Wim Wenders
(1991, édition Vitra).
CNAP
trepartie : une horloge – présentée
dans l’exposition – invite à observer, en temps réel, les consommations d’eau, de gaz, d’électricité…
qui accompagnent chaque nouvel
équipement.
La zone suivante, baptisée « Réception », donne à voir ce qui contribue au repos dans les salons
bourgeois. Du fauteuil-trône en
chêne dur revêtu d’une fourrure,
par Jean Royère (1948), au célèbre
canapé Togo (1973), assise molle
posée à même le sol, créé par Michel Ducaroy pour Ligne Roset : en
deux décennies, se vautrer est le
nouvel art de vivre. Le corps tout
entier se décontracte. Les conventions sociales, jusqu’alors garantes
de la « bonne tenue », autorisent
même de faire son nid dans le pouf
Sacco (1968), ce sac de billes qui se
modèle aux contours de l’utilisateur, ou dans ce siège Pratone
(1966), une pelouse synthétique
gag dont on plie telle ou telle herbe
pour s’y blottir.
Le fauteuil à peluches
Le public est lui-même invité à lâcher prise : en s’asseyant dans le
sofa Ploum des frères Bouroullec,
moelleux croissant apte à accueillir toute une nichée – l’image
mentale du confort ergonomique
et psychologique réunis –, ou en se
jetant dans cette pieuvre géante,
un « dispositif de repos
collectif à positions
multiples » inventé
par l’artiste et designer Florence
LE DESIGN OPTIMISTE
DES ANNÉES 1990
LAISSE LA PLACE
À DES CRÉATIONS
POST-11-SEPTEMBRE
PLUS AMBIVALENTES.
ÉTRANGES,
VOIRE INQUIÉTANTES
Doléac, en 2008, pour « réveiller
l’enfant qui sommeille en nous »
(soit, des boules de Pilates entre
deux moquettes).
On pourrait croire que la suite de
l’exposition va encore « réconforter » le visiteur. Il n’en est rien.
Après une série d’objets « amicaux » ou ludiques, tels que le fauteuil recouvert de peluches des
frères Campana ou ce téléviseur
Zéo, dit « culbuto », s’inclinant à
droite ou à gauche pour être regardé en position allongée, c’est la
douche froide. Le design optimiste
des années 1990, bouleversant les
codes formels avec poésie ou espièglerie, laisse la place à des créations post-11-Septembre plus ambivalentes. « Etranges, voire inquiétants, les objets se font l’écho d’une
société précaire, tourmentée par
l’imaginaire de la catastrophe »,
analyse Juliette Pollet, responsable
de la collection design au CNAP et
co-commissaire de l’exposition. Le
public est invité à la table d’un banquet funèbre, dans la dernière
pièce dite « Antichambre » (annonciatrice du futur). Ici trônent la
banquette BDC de Robert Stadler,
dématérialisée au point de se résu­
mer à deux bouts de canapé, la
chaise Homme à la figure acéphale
de Ruth Francken ou le tabouret W.
W. en forme d’épines de Starck.
« Lentement, tout ce dont nous
n’avons plus besoin disparaît »,
peut-on lire sur l’aspirateur de Jurgen Bey qui fait naître un fauteuil
fantomatique du sac qui se remplit de poussière. Tabouret en tôle
froissée comme une carrosserie
emboutie (François Azambourg),
chaise Cloning, grotesque quoique
empruntant aux caractéristiques
physiques de son propriétaire (5-5
Designers), chien robotisé (Sony),
ou carafe en verre prise dans une
mâchoire d’os (Formafantasma) : il
est question de clonage, de robotisation, de Memento mori.
La carafe filtrante d’Alberto
Meda, le purificateur d’air de Mathieu Lehanneur, qui met la nature sous cloche, ou la lampe-détecteur de CO2 de Pierre Charrié,
qui frémit à chaque seuil dépassé,
trahissent « une relation angoissée
face à des éléments naturels – l’eau,
l’air –, rendus menaçants par notre
propre activité », analysent les
commissaires de l’exposition. Finalement, au moment où l’on
pourrait croire le bien-être du
corps et de l’esprit acquis, il
s’échappe encore, restant à conquérir.
« Le confort est une notion omniprésente qui ne cesse pourtant
d’être fuyante », résume Juliette
Pollet, heureuse d’avoir réussi à
faire sortir le visiteur de sa « zone
de confort ». p
véronique lorelle
« Cette idée de bien-être est apparue à la cour de Louis XIV »
ENTRETIEN
Juliette Pollet est conservatrice du
patrimoine et responsable de la
collection design du Centre national des arts plastiques. Après l’exposition à Nancy, elle publie, au
printemps, avec Tony Côme, l’an­
thologie L’Idée de confort.
A quand remonte la notion
de confort qui nous semble
aujourd’hui si naturelle ?
On pourrait longtemps débattre
de ce qui constituent les premières
stratégies élaborées par les hommes pour améliorer leur bienêtre : le feu ? Les peaux à l’entrée de
la caverne ? De manière moins hasardeuse, la conception du confort
telle que nous la partageons encore aujourd’hui naît au XVIIIe.
Selon l’Américain Edgar Kaufmann Jr, auteur de Comfort, What
Is a Modern Interior Design ?, paru
en 1953, l’idée du confort est apparue à la cour de Louis XIV, où l’aristocratie oisive aurait développé
une attitude sans gêne – des ma-
nières courtoises, mais simples et
sans contraintes –, à mesure que
le Roi-Soleil vieillissait.
Plus récemment, John E.
Crowley, auteur en 2003 de The Invention of Comfort, observe à cette
époque l’émergence d’une nouvelle définition de l’intime avec de
nouvelles typologies d’objets laissant plus de place au bien-être, de
la méridienne au service à chocolat. Les appartements se font plus
petits et mieux distribués, les assises s’adaptent manifestement au
corps, les accessoires liés à la toilette et aux loisirs se multiplient…
(jusqu’au 17 avril), un certain nombre d’objets « ouverts », qui échappent aux conventions, sont rassemblés sur ce que nous avons
baptisé L’Aire de jeux.
Loin d’un confort qui serait uniquement pratique ou ergonomique, ces objets ludiques déjouent
les attentes et nourrissent les rêves. C’est le cas de cette chaîne stéréo modulable aux allures de galets Rock’n’Rock, de cette rallonge
électrique façon boa de fourrure
ou de ce mobilier modulaire BabyLonia, qui s’apparente à un jeu de
cubes.
Le design joue-t-il aussi un rôle
pour satisfaire nos esprits ?
Cette question en amène une
autre : la satisfaction de nos esprits conduit-elle fatalement à
leur assoupissement, voire leur
aliénation ? C’est en tout cas ce que
pointe un certain nombre de penseurs critiques, qui lient prolifération des objets et discipline capitaliste. Inversement, dans l’exposition « Zones de confort » à Nancy
Le confort, dites-vous, est
toujours fuyant… Est-ce pour
cela que vous préparez une
anthologie ?
Parallèlement à l’exposition de la
galerie Poirel, avec Tony Côme,
professeur aux Beaux­Arts de Ren­
nes, nous avons mené un travail
de collecte et d’organisation de
textes pour une anthologie, en tra­
duisant notamment des textes
d’auteurs peu connus en France,
comme l’anthropologue et archi­
tecte d’origine autrichienne Chris­
topher Alexander, le psychana­
lyste allemand Alexander Mits­
cherlich ou le peintre et designer
argentin Tomás Maldonado. Nous
avons rassemblé des essais critiques, des témoignages de designers et de la littérature médicale
ou des planches issues d’un traité
de menuiserie. On y verra les schémas de pionniers de l’ergonomie,
tel le Français Alain Wisner, qui, en
voulant modéliser le corps humain, le réduit à une mécanique
régie par les lois de la physique.
C’est dire si le confort, ce terme
banal, ouvre sur des questionnements fondamentaux dans le
champ du design, liés à l’économie, la politique, et partant, la philosophie. p
propos recueillis par v. l.
« L’Idée de confort », par Juliette
Pollet et Tony Côme, édité par le
Centre national des arts
plastiques et B42, sortie prévue
au printemps 2016.
disparitions & carnet | 21
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Monique Nemer
Editrice
On nous prie d’annoncer le décès le
5 février 2016, de
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AU CARNET DU «MONDE»
Décès
Paris. Pierrefort (Cantal).
M. Jean-Pierre Biron,
son ils,
Les familles Biron, Duverger, Cachin,
Lafortune, Chassignet
Et ses amis et alliés,
ont la tristesse de faire part du décès,
dans sa cent troizième année, de
Mme Edmond BIRON,
Le 23 janvier 2016.
née Anne-Marie DUVERGER,
DR
survenu à son domicile, le 7 février 2016.
E
ditrice, biographe de
l’écrivain Raymond Radiguet et professeure de
littérature comparée,
Monique Nemer est morte subitement d’une crise cardiaque,
lundi 8 février, à Oléron, où elle
était installée depuis juin 2015.
Elle était âgée de 77 ans. Femme
de cœur et de tête, mais aussi
femme de l’ombre, ayant un réseau amical et professionnel
dans l’intelligentsia parisienne,
elle aura marqué beaucoup d’étudiants, de collaborateurs, d’hommes politiques ou de femmes de
lettres, par sa personnalité et son
érudition.
Sa carrière commence à l’université. Elle est reçue première à
l’agrégation de lettres modernes
en 1968 et démarre un parcours
universitaire à Caen, où ses cours
de littérature comparée sont très
courus par les étudiants. Celui sur
« la représentation romanesque
de la jalousie » est resté célèbre.
Mieux, on les enregistre, car la rumeur, tenace, veut que les thèmes
et les auteurs traités par Monique
Nemer tombent en fin d’année
universitaire comme sujets à
l’agrégation.
L’amour de la littérature et celui
de sa transmission auront été le
fil rouge de la vie de Monique Nemer qui est notamment l’auteure
d’une biographie remarquée de
Raymond Radiguet (Fayard, 2002)
et d’un essai sur André Gide, Corydon citoyen (Gallimard, 2006).
Le Diable au corps, Le Bal du comte
d’Orgel et surtout Corydon, le petit livre par lequel Gide a assumé
sa pédérastie, ont été disséqués
avec subtilité par cette érudite à la
prose claire.
Conseillère de l’ombre
Née le 18 juin 1938, à Paris, dans un
milieu modeste, même si sa
mère, née dans les îles, est une
lointaine cousine de Joséphine de
Beauharnais, Monique Nemer a
connu une enfance difficile. Son
père, monteur téléphonique, est
mobilisé un an après sa naissance. Sa mère, employée de bureau à la mairie du 20e arrondissement, frappée par la tuberculose,
la laissera orpheline, à l’âge de
12 ans. Elle-même sera rattrapée
par cette maladie. Quand son père
et sa belle-mère s’installent en
province, elle décide de rester
seule à Paris. Pauvre, âgée de
16 ans, elle passe le bac, devient
institutrice et se marie.
Au début des années 1980, la
carrière de Monique Nemer
prend une autre tournure. Par
l’entremise de Josyane Savigneau,
elle devient collaboratrice du
« Monde des livres ». Dans la foulée, elle rencontre Françoise
Verny. La « papesse de l’édition » la
18 JUIN 1938 Naissance
à Paris
1968 Reçue première à l’agrégation de lettres modernes
1986 Entre chez Flammarion
1991 Devient directrice
éditoriale de Stock
2002 Publie « Raymond
Radiguet » (Fayard)
2006 Publie « Corydon
citoyen » (Gallimard)
8 FÉVRIER 2016 Mort à Oléron
convainc de passer de l’autre côté
et de travailler avec elle. Ce qu’elle
fait à partir de 1986, chez Flammarion, où leurs bureaux étaient limitrophes, rue Racine, dans le 6e
arrondissement de Paris.
Mais, en 1991, Monique Nemer
s’émancipe. Claude Durand, PDG
de Fayard, qui l’avait repérée, lui
confie la direction éditoriale de
Stock, maison qu’il avait en tutelle. L’aventure dure jusqu’à une
brouille mémorable en 1997 avec
cet éditeur brillant et autocrate.
Directeur littéraire de Stock, JeanMarc Roberts prend les rênes de la
maison d’édition, tandis que Monique Nemer devient conseillère
de Jean-Louis Lisimachio, PDG
d’Hachette Livre, premier groupe
d’édition français, maison mère
de Fayard et Stock.
A ce poste d’observation, Monique Nemer peut faire profiter les
principaux responsables d’Hachette et du groupe Lagardère de
son carnet d’adresses. Jean-Luc Lagardère appréciait les avis de cette
conseillère de l’ombre. Au fil de sa
carrière, universitaire puis éditoriale, cette fumeuse invétérée de
gitanes avait en effet tissé un réseau étroit de fidèles, éclectique,
même si sa sensibilité et son parcours la faisaient appartenir à la
famille de la gauche intellectuelle.
Ainsi, depuis la publication
en 1991 de L’Invention du possible,
de Lionel Jospin, alors ministre de
l’éducation nationale, elle s’était
liée avec le futur premier ministre, candidat du Parti socialiste
aux élections présidentielles de
1995 et 2002. Elle fut d’ailleurs
coordinatrice de son comité de
soutien en 2002. « Un engagement à gauche, c’est toujours une
volonté de réparer », disait-elle.
Monique Nemer fut également
une proche de Bertrand Delanoë,
maire de Paris de 2001 à 2014.
A partir de 2008, elle s’était retirée sur la pointe des pieds. Elle
avait créé avec sa fille une petite
société de conseil et d’événements. En 2015, elle avait écrit une
biographie d’Emile, patriarche des
Servan-Schreiber (Eyrolles), en
sympathie avec Jean-Louis Servan-Schreiber, qui comptait
parmi ses amis. p
alain beuve-méry
La cérémonie religieuse sera célébrée
le jeudi 11 février, à 10 heures, en l’église
Saint-François-Xavier, Paris 7e.
Cet avis tient lieu de faire-part.
26, boulevard des Invalides,
75007 Paris.
Mme Chantal Costa,
son épouse,
Marie-Pierre Costa,
Anne Sattonnet,
Olivier Costa,
ses enfants,
Ses petits-enfants,
Les familles Aimetti, Helly et Galante,
font part du décès de
M. Pierre COSTA,
préfet honoraire,
président d’honneur
de la Fondation Lenval,
oficier de la Légion d’honneur,
survenu à Nice, le 6 février 2016.
Les obsèques religieuses seront
célébrées le jeudi 11 février, à 10 h 30, en
l’église du monastère de Cimiez,
à Nice.
PF. Robaut Prestations.
Tél. : 04 92 00 41 41.
Bertrand Deloche de Noyelle,
son mari,
son amour de cinquante-sept ans,
son ami,
Cédric Deloche de Noyelle,
son ils,
Camille Deloche de Noyelle,
sa ille,
Nihne Deloche de Noyelle,
sa petite-ille,
Julie Aguttes,
sa belle-ille
Ainsi que Sacha et Solal Ordonneau,
Daniel et Danielle Douxami,
Thierry et Sylvie Douxami,
Françoise et Robert Meahl,
Matthieu et Danielle Douxami,
Gérard et Marie-Odile Deloche
de Noyelle,
Alain Deloche de Noyelle,
Patrick et Cécile Deloche de Noyelle,
ses frères, sœurs, beaux-frères et bellessœurs et leurs enfants, petits-enfants
et arrière-petits-enfants,
ont la tristesse d’annoncer la mort de
Sylvie
DELOCHE de NOYELLE,
née Sylvie DOUXAMI,
survenue le 1er février 2016,
à l’âge de soixante et onze ans.
L’inhumation de l’urne a eu lieu
le 9 février dans l’intimité familiale et
amicale au cimetière du Montparnasse,
Paris 14e, dans le caveau de famille.
Un culte d’action de grâce sera célébré
le 13 février, à 15 heures, au temple
de l’Eglise protestante unie de
l’Annonciation, 19, rue Cortambert,
Paris 16e.
Ni fleurs ni couronnes. Des dons
peuvent être adressés à la CIMADE.
« Vous êtes le sel de la terre.
Mais si le sel perd sa saveur,
avec quoi la rendra-t-on ? »
Evangile selon Matthieu, 5-13.
Cet avis tient lieu de faire-part.
78, boulevard Saint-Germain,
75005 Paris.
Mme Jean CRÉMIEUX,
née Annette WEILL,
dans sa quatre-vingt-dix-septième année.
De la part de
Mme Denise Gerbert,
sa sœur,
Mme Mylaine Weill,
sa belle-sœur,
Ses neveux et ses nièces
et leurs enfants.
Annette avait choisi de faire don de son
corps à la science.
Mme E. Gerbert,
7, square Claude Debussy,
75017 Paris.
Odette LATREILLE
a quitté ce monde le 7 février 2016.
Elle venait de fêter ses quatre-vingttrois ans.
Madeleine, Noëlle, Marie-Andrée,
ses sœurs,
Henri, Paul et François,
ses frères
et leurs conjoints,
leurs enfants
et leurs petits-enfants
Et aussi tous ses amis de toutes
époques et de tous les pays qu’elle
a habités et aimés, Tunisie, Maroc,
Madagascar,
Ses collègues enseignants,
Ses élèves devenus amis,
Ceux qu’elle a connus dans son
engagement à la prison Saint-Paul ou dans
d’autres lieux,
font part de leur tristesse.
Heureux de l’avoir eue comme sœur,
tante ou cousine, ou comme amie, collègue
ou voisine.
Nous l’accompagnerons le samedi
13 février, à 9 h 30, en l’église de Neuvillesur-Saône (Rhône).
Familles Latreille, Ruplinger,
Rumelhard, Rostagnat, Guyon, Bourgerie,
Rousselot.
4, chemin de Parenty,
69250 Neuville-sur-Saône.
Rennes. Toulouse. Nantes.
Paris. Quédillac.
Françoise Legavre et Xavier Leprince,
Paul Legavre,
Anne Legavre,
Jean-Baptiste Legavre
et Béatrice Jérôme,
ses enfants,
Matthieu et Agnès, Chloé et Mathieu,
Camille,
Ulysse, Virgile, Phileas,
ses petits-enfants,
Adèle, Elise, Ismaël,
ses arrière-petits-enfants
Et toute leur famille,
ont la grande tristesse de faire part du
décès de
Mme Marie LEGAVRE,
née BUSNEL,
épouse de
M. Pierre LEGAVRE (†),
survenu le 6 février 2016,
à l’âge de quatre-vingt-onze ans.
Elle repose à la chambre funéraire
du CHU de Pontchaillou.
La célébration eucharistique aura lieu
le jeudi 11 février 2016, à 14 heures,
en l’église Saint-Etienne de Rennes
(bas des Lices).
Elle sera inhumée au cimetière de
Quédillac (Ille-et-Vilaine).
Ni fleurs ni couronnes, pas de
condoléances.
Des prières, des dons à l’ACAT
et au Service Jésuite des Réfugiés.
PF. Legrand,
Rennes
Tél. : 02 99 30 62 91.
Jean-François Pinton,
président de l’ENS de Lyon,
Ses collègues
Et l’Association des Élèves
et anciens Élèves des ENS de Lyon,
Fontenay-aux-Roses et Saint-Cloud,
ont le regret d’annoncer la disparition de
Gaston MIALARET,
ancien inspecteur
de l’ENS de Saint-Cloud (1946),
créateur du laboratoire
de psychopédagogie
de l’ENS de Saint-Cloud (1948),
le 30 janvier 2016.
15, parvis René Descartes,
69007 Lyon.
(Le Monde du 10 janvier.)
Toute sa famille
Et ses proches,
ont la douleur de faire part du décès de
Jean-François MANDROU,
professeur d’Histoire bienveillant,
bricoleur passionné,
jardinier amoureux des plantes,
cuisinier d’exception
et grand amateur de bonne chère,
père, mari et grand-père aimant...
et tant d’autres choses encore.
Étienne Nemer,
son mari,
Pascale et François Nemer,
ses enfants,
Julie Nemer,
sa petite-ille,
Annie Nemer,
sa belle-sœur,
Josyane Savigneau
Et ses amis,
ont la tristesse de faire part de la mort de
Monique NEMER,
universitaire et éditrice,
le lundi 8 février 2016,
d’une crise cardiaque,
à Saint-Pierre-d’Oléron,
à l’age de soixante-dix-sept ans.
34 B, rue des Garnaudières
La Cotinière,
17310 Saint-Pierre-d’Oléron.
Line O’SIONNEAU-QB,
artiste peintre, poète et humaniste,
aujourd’hui à la « Croisée des Mondes »,
le 1er février 2016, à Saint-Cyr-sur-Loire.
Bordeaux.
Biarritz.
Jacqueline Lamour,
sa mère,
Alban, Alexandre, Minh et Paul,
Sa famille,
Ses amis,
ont la profonde tristesse de faire part
du décès de
Virginie SUMPF,
née LAMOUR,
survenu le 4 février 2016,
à l’âge de soixante-trois ans.
Les obsèques se dérouleront le jeudi
11 février, à 16 heures, au crématorium du
Val de Bièvre, à Arcueil.
Danielle Tartakowsky,
présidente de l’université Paris 8
Vincennes - Saint-Denis
Et l’ensemble de la communauté
universitaire,
ont la tristesse de faire part du décès de
Virginie SUMPF,
survenu le 4 février 2016.
Nous exprimons notre peine et notre
sympathie à sa famille et à ses proches.
Marseille. Toulon. Villeurbanne.
Pélussin.
Mme Jeanne Vincent, née Voyer,
Brigitte, Rémy, Denis
et leurs conjoints,
Ses sept petits-enfants,
Ses quatre-arrière-petits-enfants,
Les familles Prémilleux, Vincent,
Castellan, Olivieri, Allègre, Blanc,
Aude, Daury,
Parents et amis,
ont la douleur de faire part du décès de
Bertrand Perret
et sa compagne,
Catherine Louradour,
Dominique Perret,
ses enfants,
Fleur, Charlotte et Martin, Paul,
Mathilde, Maxime,
ses petits-enfants,
Jacques, Victor,
ses arrière-petits-enfants,
Les familles Perret, Garaud et Texte,
ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Marie Françoise PERRET,
née GARAUD,
survenu le 8 février 2016, à Biarritz,
dans sa quatre-vingt-douzième année.
Ses obsèques seront célébrées
ce mercredi 10 février, à 16 heures,
en l’église de Bidache, suivie de
l’inhumation dans le caveau familial,
à Bidache (Pyrénées-Atlantiques).
La Conférence des présidents
d’université (CPU)
s’associe à la peine et la douleur
qui touchent la famille, les proches
et l’université que présidait le
professeur
Pierre SINEUX,
décédé brutalement le 4 février 2016.
Président de l’université de Caen,
il était un membre précieux et
unanimement apprécié de notre
conférence.
Ingrid,
son épouse,
Thomas et Claudia,
Arnaud et Laurence,
Alexandre, Luc, Marlène,
ses petits-enfants
Et ses amis,
font part du décès de
Bernard SOUCHE,
M. Charles VINCENT,
survenu dans sa quatre-vingt-dixième
année.
L’inhumation aura lieu au cimetière
de Toulon « Principal », le jeudi 11 février,
à 14 heures.
Cet avis tient lieu de faire-part.
[email protected]
Genève. Paris. Old Greenwich (USA).
Marjolaine et Jean-Dominique
Vassalli,
Laurence et Freddy Filippi,
ses enfants,
Eric et Yulia Vassalli,
Nicolas et Taruna Vassalli,
Camille-Alexandre Filippi,
Pascal Filippi,
ses petits-enfants,
Julie, Emilie, Krish et Alya,
ses arrière-petits-enfants,
Raïssa Bambara
et sa famille à Ouagadougou,
ont la grande tristesse de faire part du
décès de
M. René-Jean WILHELM,
ancien directeur adjoint
au Comité international
de la Croix-Rouge,
survenu le 3 février 2016, à Genève,
à l’âge de cent ans.
Le service funèbre aura lieu le jeudi
11 février, à 14 h 45, en la chapelle du
Centre funéraire de Saint-Georges, PetitLancy, Canton de Genève.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Anniversaire de décès
Il y a un an déjà
architecte DPLG. honoraire,
survenu le 7 février 2016,
à l’âge de soixante-dix-huit ans.
Les obsèques auront lieu le vendredi
12 février, à 13 heures, au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise,
71, rue des Rondeaux, Paris 20e.
Jean
nous quittait.
Nous pensons à lui tous les jours.
Anne Marie Presburger,
Ses enfants
Et ses petits-enfants.
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JEUDI 11 FÉVRIER 2016
EUROPE | CHRONIQUE
par ar naud l e par m e nt ie r
Larmes à gauche
C
e fut le cri du cœur. « La
gauche, c’est moi ! En
quoi sont-ils plus à gauche que moi ? », a demandé, dimanche 7 février, la ministre de la santé, Marisol Touraine. Ce « ils », ce sont les frondeurs
Taubira-MontebourgDuflot-Hamon et la gauche
radicale qui ne cessent d’instruire
le procès en mauvaise gauche de
l’équipe Valls-Hollande.
Même plaidoyer, une semaine
plus tôt, toujours au « Grand Rendez-Vous » Europe 1, Le Monde et iTélé, de la part de Stéphane Le Foll,
ministre de l’agriculture : « Nous
sommes la gauche. » Et de défendre le bilan de l’équipe gouvernementale : « Est-ce qu’on a remis en
cause le modèle social ? Est-ce
qu’on a pris, comme dans d’autres
pays, des décisions d’austérité ?
Est-ce que, face au terrorisme, on
cède sur l’Etat de droit ? »
On peut débattre sur la dérive
sécuritaire du gouvernement,
mais sur l’économie, franchement, Le Foll et Touraine ont raison. Comment contester que le
gouvernement mène une politique de gauche : dépenses publiques au plus haut, avantages familiaux sabrés pour les plus riches, taxation du capital au même
taux que le travail, compte pénibilité, réformettes du marché du
travail. « On ne peut pas dire que ce
gouvernement est de droite et considérer que les mesures les plus importantes qu’il a adoptées sont
manifestement de gauche », a protesté Marisol Touraine. Et encore,
les Français ont échappé à plus de
gauche, grâce à la censure par le
Conseil constitutionnel de la taxe
à 75 %, de la CSG progressive et du
tiers payant généralisé.
Le contraste est saisissant avec
l’hymne à la modernité chanté
par le premier ministre Manuel
Valls dans son excellent entretien
accordé à L’Obs, en octobre 2014 :
« Si la gauche ne se réinvente pas,
oui, elle peut mourir. »
« Junior partner »
A l’heure des comptes et à un an
de l’élection présidentielle, on réalise que l’équipe Valls-Hollande a
tenu un discours moderniste, notamment grâce au leurre Macron,
mais pratiqué une politique digne
de la vieille gauche. Logiquement,
elle a perdu sur les deux tableaux :
le peuple de gauche les lâche, tandis que les résultats ne sont pas au
rendez-vous : en atteste l’envolée
du chômage supérieure à celle subie sous Sarkozy, pour cause de recettes dépassées.
Sans doute eût-il fallu faire l’inverse : un discours qui parle à la
gauche, notamment sur l’égalité –
elle ne se porte pas si mal en
France –, mais des réformes plus
audacieuses.
Concédons-le, cela n’aurait pas
été un gage de victoire électorale,
comme en témoigne l’étiolement, quoi qu’elle fasse, de la gauche sociale-démocrate dans toute
l’Europe.
« Avec la crise économique et la
mondialisation, on est arrivé à un
moment où la social-démocratie a
perdu son équilibre. Elle n’arrive
plus à réaliser un échange entre
mesures de gauche et défense de
l’économie de marché. Résultat,
elle hésite sur sa vocation gouvernementale », estime le politologue spécialiste du socialisme Gérard Grunberg.
Ceux qui se sont frottés au pou-
« LE PS COMMENCE
À RESSENTIR
LA FATIGUE
DU POUVOIR »
LES FRONDEURS
NE CESSENT
D’INSTRUIRE
LE PROCÈS
EN MAUVAISE
GAUCHE
DU GOUVERNEMENT
voir dans les années de crise et
ont réformé énergiquement ont
été réduits au rôle de junior partner. C’est le cas du Parti social-démocrate allemand (SPD), cloué à
25 % des suffrages depuis les réformes Schröder et devenu l’alibi
social d’Angela Merkel : il porte les
réformes sociales devenues indispensables – le salaire minimum –
pour corriger la violence réformiste du schröderisme. Au fond,
le SPD permet à Merkel de faire
du Schäuble à visage humain.
« Nouvelles désillusions »
Y a-t-il une alternative plus à gauche ? La gauche radicale n’émerge
pas en France, l’extrême droite de
Marine Le Pen ayant siphonné
l’électorat populaire. « Il ne leur
reste que les petits-bourgeois révolutionnaires », persifle le centriste
Jean-Louis Bourlanges. Elle n’apparaît pas non plus en Allemagne,
la triple alliance des Verts et du
SPD avec Die Linke, alliage d’excommunistes et de gauchistes incarné par le couple Sahra Wagenknecht-Oskar Lafontaine, étant
inenvisageable.
Elle a bien eu lieu en Grèce. L’espace d’un printemps. Alexis Tsipras fut de gauche radicale jusqu’à ce qu’il capitule à l’été 2015
en rase campagne face à ses partenaires européens, à l’issue d’un
référendum-trahison. « Tsipras a
donné la démonstration que la
gauche radicale ne peut pas gouverner en Europe. C’est un cas magistral qu’on enseignera dans les
écoles », poursuit Grunberg.
Les amis de Jean-Luc Mélenchon ont reporté leurs espoirs sur
Podemos, le parti issu du mouvement des « indignés », qui a talonné le Parti socialiste ouvrier
espagnol (PSOE) aux élections de
décembre. Ce dernier s’efforce de
former un gouvernement. Car si
de nouvelles élections avaient
lieu, Podemos pourrait dépasser
les socialistes et les marginaliser.
Certes, quelle politique la gauche radicale espagnole mèneraitelle ? « Podemos va forcément se
“normaliser” », indiquait, dès septembre 2015, Pablo Iglesias, chef
de file du parti anti-austérité. On
a compris la tactique : la gauche
radicale capitalise sur la critique
véhémente des sociaux-démocrates, pour in fine appliquer la
même politique qu’eux.
La manœuvre ne peut conduire
qu’à de nouvelles désillusions,
comme en témoigne la sécession
en Grèce de l’ancien ministre des
finances Yanis Varoufakis et la
lente usure de Tsipras à l’épreuve
du pouvoir. Le parti conservateur
grec Nouvelle Démocratie, doté
d’un nouveau leader, Kyriakos
Mitsotakis, devance désormais
Syriza dans les intentions de vote.
Alors pourquoi ne pas faire
comme les travaillistes britanniques, qui ont perdu les élections
parce que le leader Ed Miliband
était trop rouge. Choisir un leader
encore plus à gauche et s’installer
avec Jeremy Corbyn dans l’opposition. Dans l’impasse. « C’est la
fatigue du pouvoir. Le PS commence à la ressentir, analyse Grunberg. Quand on n’arrive plus à
gérer ses contradictions, survient
la tentation de l’opposition, car on
préfère faire semblant que la gauche existe. » p
GÉRARD GRUNBERG
politologue
[email protected]
Tirage du Monde daté mercredi 10 février : 245 756 exemplaires
TRANSPORTS :
QUE LES
FRANCILIENS
PATIENTENT
A
ux millions de Franciliens qui empruntent les transports en commun, la Cour des comptes recommande une vertu qu’ils connaissent au
quotidien : la patience. Dans son dernier
rapport, publié mercredi 10 février, la juridiction financière constate la dégradation
du réseau en Ile-de-France et estime surtout que la situation devrait empirer dans
les années à venir. Rarement, un service
public – les fameux services publics français – aura autant méprisé… le public !
Les lignes de RER et de trains de banlieue,
déjà saturées, devraient voir leur fréquentation augmenter, encore et encore. Avec,
pour l’usager, des conséquences qu’il ne
connaît que trop bien : pannes à répétition,
retards en cascade, entassements inhu-
mains, stress, fatigue. Et l’obligation de partir toujours plus tôt de chez lui et de rentrer
toujours plus tard : un habitant d’Ile-de-France passe en moyenne 68 minutes
chaque jour dans les transports.
La cause de ce naufrage, selon la Cour des
comptes ? Des « sous-investissements persistants ». Depuis trente ans, la maintenance
du matériel et des voies a été insuffisante.
On a laissé le réseau vieillir. La RATP, Réseau ferré de France (qui gère les voies) et la
SNCF sont tous montrés du doigt par la
Cour. Avec mention spéciale à la SNCF, qui a
privilégié le TGV au détriment des lignes de
proximité. Pourtant, la seule banlieue parisienne compte pour 40 % du trafic total de
l’entreprise ferroviaire.
Bien sûr, de nouvelles lignes de métro, de
RER, de tramway ont été ouvertes, de nouvelles rames mises en service, avec flonflons et rubans. De nouvelles gares ont été
créées, comme la station Rosa-Parks, inaugurée par Manuel Valls le 6 février. Le premier ministre a promis de nouveaux investissements dans la ligne E (Eole) qui permettrait de désengorger le RER A, le plus
fréquenté (1,2 million de voyageurs par
jour). Ils seront insuffisants, assure la Cour,
qui chiffre le besoin à 50 milliards d’euros.
C’est à un véritable volontarisme politique qu’elle appelle, au « grand coup de
neuf » que promettait Valérie Pécresse,
nouvelle présidente de l’Ile-de-France, lors
de la récente campagne des régionales. Il
faut un engagement digne de celui qui
avait prévalu dans les années 1960, quand
fut décidée la création du RER. Mis en service à partir des années 1970, il avait alors
amélioré la vie quotidienne des Franciliens, rapproché les salariés de leur travail,
avant de devenir aujourd’hui leur hantise
quotidienne.
Les sceptiques avanceront le coût faramineux d’un tel chantier. Il convient de le
comparer avec ce qui est investi dans les infrastructures routières et de mettre en regard les gains économiques qu’apporterait
un réseau de transport efficace. Ou trouver
l’argent ? Faut-il emprunter ? Peut-être.
La Cour des comptes propose une solution plus audacieuse : faire payer plus cher
les transports à l’usager, en échange d’un
meilleur service. Cela va à l’encontre de la
politique actuelle. Reste que la RATP et la
SNCF ne peuvent pas tout. Le réseau de
transport supporte les conséquences de la
hausse des prix de l’immobilier et d’un urbanisme débridé, qui poussent les habitants toujours plus loin vers la périphérie.
Le projet de Grand Paris entend repenser
l’aménagement de l’agglomération et offrir
de nouveaux transports. Mais le chantier
ne cesse d’être retardé, notamment pour
des querelles de clocher. La première ligne
ne commencera à fonctionner, au mieux,
qu’en 2022. L’usager patientera. p
La pénurie de logements
s’invite au Parlement
Vers un site
Web unique
d’information
publique ?
▶ Alors que le prix des
▶ Parmi les pistes de
▶ Dans le coût global d’une
▶ Daniel Goldberg (PS),
terrains à bâtir a bondi
de 71 % entre 2006 et 2014,
un rapport parlementaire
préconise une meilleure
régulation du marché
réformes envisagées
figurent une révision de
la fiscalité et un référencement plus encadré des
parcelles constructibles
maison, l’achat du terrain
pèse pour 45 % en Ile-deFrance et en ProvenceAlpes-Côte d’Azur, contre
19 % dans le Limousin
rapporteur du groupe,
estime que l’enjeu « devrait
être au centre de la campagne présidentielle de 2017 »
→LIR E PAGE 3
Le champagne fait pétiller les exportations françaises
▶ Les exportations
de vins et
spiritueux
ont atteint
11,7 milliards
d’euros en 2015,
un niveau
historique
▶ Le secteur
redevient
le deuxième
excédent
commercial
français, devant
les parfums
▶ Les ventes de
cognac repartent
et le champagne
bat des records
→ LIR E
→ LIR E PAGE 8
6
PAGE 5
Livraison
de champagne dans
un supermarché,
au Royaume-Uni,
en novembre 2015.
MILLIONS D’EUROS
C’EST LE BUDGET PROVISIONNÉ
EN 2016 POUR LA FUTURE CHAÎNE
PUBLIQUE D’INFO EN CONTINU
SOLENT NEWS/SIPA
GOUVERNANCE
LA PARITÉ PROGRESSE
(TROP) DOUCEMENT
DANS LES ÉTATS-MAJORS
→ LIR E
PAGE 4
IDÉES
L’APPEL
DE 80 ÉCONOMISTES
POUR UNE AUTRE
POLITIQUE EN FRANCE
→ LIR E
D
ans le bouillonnement
des réflexions qui accompagnent le projet de
chaîne d’information en continu
du service public émerge l’hypothèse d’unifier l’offre sur le Web.
Si aucune décision n’est prise à
ce stade, certains caressent l’idée
de faire converger le site Internet
de France Info, Franceinfo.fr, et
celui de France Télévisions, Francetvinfo.fr, pour aboutir à une
seule offre d’information publique en ligne. « Ce serait une erreur industrielle majeure et
grave » de ne pas l’envisager, justifie un proche du dossier, interrogé par Le Monde à propos d’un
tel scénario.
Cette vision a une histoire. De
Bercy à la Rue de Valois, certains
plaident de longue date pour que
l’audiovisuel public rassemble
ses forces sur le numérique. François Hollande lui-même y avait
fait allusion lors d’un discours
prononcé à la Maison de la radio
en décembre 2013.
Si l’idée de rationaliser l’offre
publique d’information est séduisante sur le papier, les difficultés de mise en œuvre sont importantes. Les dirigeants de l’audiovisuel public sont partagés entre
la tentation de saisir un moment
propice aux avancées et la volonté de ne pas compliquer un
projet de chaîne d’information
au calendrier déjà serré. p
PAGE 7
j CAC 40 | 4 028 PTS + 0,78%
J DOW JONES | 16 014 PTS – 0,08%
j EURO-DOLLAR | 1,1295
J PÉTROLE | 31,07 $ LE BARIL
K TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,60 %
VALEURS AU 10/02 - 9 H 30
PERTES & PROFITS | DISNEY-VIACOM-VIVENDI
La télévision payante ne fait plus recette
L
uke Skywalker n’est pas content. Lui qui
s’est démené, avec ses amis de Star
Wars, pour propulser les résultats financiers de Disney vers des sommets
historiques, il n’a reçu en retour qu’un accueil
glacial des investisseurs qui ont fait chuter le
cours de la société de plus de 3 % ce mardi 9 février. Ils ont à peine remarqué que la firme avait
battu les prévisions des analystes avec un bénéfice net de presque 3 milliards de dollars
(2,6 milliards d’euros) sur le dernier trimestre et
se sont focalisés sur le seul point faible du numéro un mondial des médias : sa télévision
payante ESPN.
Il faut dire que ce bouquet de chaînes sportives est traditionnellement, avec sa cousine ABC,
le principal contributeur aux profits de Disney.
En trois ans, plus de 7 millions de téléspectateurs ont quitté la chaîne (pour 91 millions
d’abonnés en janvier). Or, l’audience conditionne les tarifs publicitaires indispensables
pour financer des droits de diffusion, notamment sportifs, toujours plus onéreux.
Des coûts de contenu qui explosent, des abonnés qui désertent, l’effet de ciseaux touche tous
les acteurs du câble aux Etats-Unis. Et la première victime n’est pas Disney, mais son concurrent Viacom, propriétaires des chaînes MTV
ou Nickelodeon. Paralysé par la succession compliquée de son fondateur, Sumner Redstone,
92 ans, le groupe a vu son chiffre d’affaires reculer sur son activité télévision au dernier trimestre… et son cours de Bourse s’effondrer de plus
de 20 % ce mardi 9 février.
Cahier du « Monde » No 22106 daté Jeudi 11 février 2016 - Ne peut être vendu séparément
HORS-SÉRIE
UNe vie, UNe ŒUvRe
Les médias américains ont déjà donné un
nom à ce phénomène, qui a pris de l’ampleur
en 2015 : « couper le cordon », ou cord cutting .
En masse, les populations les plus jeunes se désabonnent des télévisions du câble au profit
des chaînes sur Internet. La bascule s’est accélérée avec le développement d’offres spécifiques
sur le Web, comme Netflix ou Amazon Prime,
qui proposent des vidéos et des séries à volonté
pour moins de 10 dollars par mois contre près
de 40 pour les chaînes du câble.
Endiguer la fuite des téléspectateurs
Ces dernières ont réagi. HBO, la chaîne de Game
of Thrones, a lancé un service Internet à 10 dollars, et Disney avec Sling TV. Ce bouquet offre
ESPN et des chaînes jeunesse pour 20 dollars et
a permis au dernier trimestre d’endiguer la
fuite des téléspectateurs.
Cette histoire résonne de ce côté-ci de l’Atlantique pour les mêmes raisons. Le britannique
Sky, propriété de Rupert Murdoch, a revu son
offre et sa technologie pour conquérir des téléspectateurs plus versatiles et dont Internet est le
point de passage obligé. Canal +, qui n’arrive
toujours pas à enrayer l’hémorragie de ses
abonnés, doit revoir son offre, toujours figée à
40 euros par mois face à Netflix ou beIN Sports.
La riposte se dessine, comme le montrent les
rumeurs de rapprochement de la chaîne cryptée avec beIN Sports. La réponse devra être vigoureuse, car Vivendi ne pourra pas compter
sur Skywalker pour sauver le soldat Canal+. p
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0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Au centre François-Jacob,
à Paris, spécialisé
dans la recherche sur
les maladies émergentes,
le Pasteur Tech Lab
a organisé ses espaces de
travail en plusieurs modules.
JOSEPH MELIN « POUR LE MONDE »
V
isiter le campus de l’Institut
Pasteur, à Paris, est une invitation à voyager dans le
temps et dans l’histoire de la
science. Construit dans le
quartier Vaugirard, au milieu de terrains vagues et de jardins maraîchers, le premier bâtiment a été inauguré
en 1888, grâce à une souscription publique.
Derrière son imposante façade de style
Louis XIII sont conservés les trésors du chercheur : sa collection de cristaux, les fioles
contenant ses premiers vaccins, le microscope avec lequel il traquait les microbes, et,
surtout, les récits manuscrits de ses expérimentations. De l’autre côté de la rue, le bâtiment François-Jacob – l’un des dix scientifiques « maison » à avoir reçu un prix Nobel –
est le miroir contemporain de cet âge d’or.
Derrière son élégante façade de verre,
400 chercheurs sont en première ligne dans
la recherche sur les menaces émergentes
comme Ebola ou Zika.
L’équipement
des
scientifiques
d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec les instruments de leurs ancêtres. « La biologie se
fait de moins en moins sur la paillasse et de
plus en plus derrière un ordinateur », souligne
Elodie Brient-Litzler, une biochimiste recrutée il y a un an avec pour mission de créer la
future « boîte à outils » de l’Institut : des instruments ultrasophistiqués qui seront rassemblés dans un même lieu et partagés par
l’ensemble des chercheurs. L’imagerie et la
génétique sont au cœur de cette révolution.
Observer des cellules vivantes en 3D, séquencer en quelques heures un génome entier ou modifier un gène grâce à des ciseaux
moléculaires – appelés « CRISPR » –, voilà le
quotidien du chercheur au XXIe siècle.
« Les progrès sont extrêmement rapides, et
les technologies très vite obsolètes. Nous devons sans cesse investir pour rester dans la
course et attirer les meilleurs talents », indique Elodie Brient-Litzler. Un défi d’abord financier : ici, le moindre microscope ou instrument de séquençage génétique vaut plusieurs centaines de milliers d’euros. Et pour
s’offrir le Titan, le microscope le plus puissant du monde, l’Institut Pasteur devra réunir 5 millions d’euros. Une somme colossale
à l’aune de son budget de 300 millions
d’euros.
Fondation privée à but non lucratif, ses revenus proviennent pour moitié des contrats
de recherche et des redevances versées par
les industriels qui exploitent ses brevets. Le
reste est fourni par les dons (30 %) et les subventions publiques (20 %). Ce business model trouve aujourd’hui ses limites, dans un
contexte international très compétitif.
« Nous devons nous donner les moyens de recréer un espace scientifique attractif, pour attirer des chercheurs d’exception et répondre
Pasteur, les habits
neufs de la recherche
dus », dont bon nombre ont été sauvés grâce
au vaccin contre la rage, mis au point par Pasteur en 1885. Aujourd’hui, on vient y discuter
business plan. « En échange d’une petite part
au capital de leur start-up, nous offrons aux
chercheurs la possibilité d’exploiter leurs brevets. L’idée n’est pas d’en faire des businessmen, mais de les encourager à se lancer », détaille Isabelle Buckle.
COURSE AUX TALENTS
La science a un coût, et celui-ci ne fait que grimper.
Les dirigeants du célèbre institut sont en quête de fonds
et d’une nouvelle alchimie pour leur business model
aux nouveaux enjeux de santé publique », indique Christian Bréchot, le directeur général.
En visite à Boston, sur la côte est américaine, il devait rencontrer, jeudi 11 février,
des industriels et des fondations. Objectif :
les convaincre de parier sur « l’esprit » Pasteur et d’investir dans les projets de l’Institut. « Nous devons être plus visibles et nous
montrer davantage ouverts aux partenariats », déclare cet ancien de l’Inserm et de
l’Institut Mérieux, à la tête de l’institution
depuis 2013.
APPRENTISSAGE DE LA MODESTIE
Business as usual pour les organismes de recherche aux Etats-Unis, ces opérations de
collecte de fonds bousculent la culture maison. « C’est un apprentissage de la modestie :
les Anglo-Saxons sont imbattables lorsqu’il
s’agit de convaincre des organisations comme
le Wellcome Trust, la Fondation Bill et Melinda Gates ou le National Institutes of Health
américain, très impliqués dans le financement de la recherche. Nous avons dû adapter
notre discours », souligne Pierre Legrain, qui
a rejoint Pasteur il y a un an et demi pour
aider les chercheurs à trouver des fonds pour
leurs projets. Fondateur d’Hybrigenics, l’une
des premières biotechs créées en France, il
connaît le sujet par cœur. « L’idée est de “matcher” nos projets avec leurs centres d’intérêt »,
explique-t-il avec pragmatisme. Cette approche pourrait bientôt payer : l’Institut est en
discussion avec la Fondation Bill et Melinda
Gates pour un partenariat de long terme.
Pasteur compte aussi sur ses propres fondations aux Etats-Unis, en Suisse et en Asie,
pour convaincre de riches donateurs. Un
philanthrope américain vient ainsi de lui accorder un don de 1 million de dollars
(884 096 euros) pour financer un nouveau
centre de recherche dévolu à la bio-informatique. Un nouveau bâtiment sera construit
« LA BIOLOGIE SE FAIT
DE MOINS EN MOINS
SUR LA PAILLASSE
ET DE PLUS EN PLUS
DERRIÈRE
UN ORDINATEUR »
ÉLODIE BRIENT-LITZLER
biochimiste
à l’Institut Pasteur
pour l’occasion, qui devrait ouvrir ses portes
dans un an. Ce Pasteur Global Health Genomics Center a vocation à devenir une plateforme utilisée par les différentes équipes de
recherche du réseau Pasteur, soit trentetrois instituts dans le monde.
Une équipe de quarante scientifiques travaille déjà sur le projet, et quarante autres les
rejoindront. « Nous développons de nouveaux algorithmes, de nouvelles méthodes. Je
suis tellement heureux de vivre cette époque »,
s’enthousiasme Magnus Fontes, un mathématicien suédois arrivé à Pasteur il y a un an
et demi. Il travaille déjà sur un premier programme. « Pour mieux comprendre le virus
Zika, nous avons d’urgence besoin de regrouper des images, des séquences génétiques… et
de les analyser. » Ce n’est qu’une première
pierre. « Les ressources nécessaires pour conduire ces recherches sont colossales », ajoute
le chercheur qui estime ses besoins de financement à au moins 100 millions d’euros.
Pour répondre à ce défi, l’Institut compte
en partie sur une meilleure valorisation de
ses découvertes. Aujourd’hui, une bonne
partie de ses 2 400 brevets ne lui rapporte
pas un centime, bien qu’il y soit fréquemment fait référence. « Nous sensibilisons nos
chercheurs à la nécessité de déclarer leurs inventions, et nous les y incitons financièrement », explique Isabelle Buckle, dont la mission est d’identifier des applications possibles et de négocier avec les industriels intéressés. Mis en place en 2015, ce programme
cartonne avec plus de soixante inventions
publiées, soit 25 % de plus qu’un an auparavant. « Tout ne pourra pas être breveté, car
cela coûte cher », nuance cependant la scientifique. « Nous y consacrons 2,8 millions
d’euros par an, et il faut bien réfléchir à ce que
nous allons en faire », résume-t-elle.
Son bureau est installé dans l’hôpital où
étaient autrefois accueillis les patients « mor-
Parmi les start-up incubées à l’Institut, Axenis, fondée en 2010, fabrique, pour les besoins de la recherche, des souris humanisées,
en s’appuyant sur les travaux de James Di
Santo, un « pasteurien » de renommée mondiale, spécialisé en immunologie. « Nous supprimons le système immunitaire de la souris,
et nous réinjectons un système immunitaire
humain », explique Erwan Corcuff. Ses modèles permettent d’étudier de façon beaucoup
plus précise des virus comme le VIH, qui affectent différemment l’homme et l’animal.
Axenis, qui a produit environ deux
cents souris en 2015, a réalisé 500 000 euros
de chiffre d’affaires. Elle devrait prochainement déménager à Fontenay-aux-Roses
(Hauts-de-Seine), près de sa future usine.
« J’ai failli renoncer à plusieurs reprises, mais
j’ai été très soutenu ici », raconte Erwan Corcuff, qui a notamment bénéficié d’une formation à HEC. « La notoriété de l’Institut est
aussi un avantage important. Cela facilite les
discussions avec d’éventuels partenaires, et
nous aide dans notre recherche de financements. » En contrepartie, Pasteur détient
20 % du capital. A la clé, peut-être le jackpot :
Cellectis, une autre start-up couvée par Pasteur et spécialisée dans l’ingénierie du génome, est aujourd’hui valorisée près de
600 millions d’euros en Bourse.
Ce business model inédit l’aidera à tenir
tête aux grandes organisations anglosaxonnes dans la course aux talents. « Pasteur est en mesure d’offrir des packages très
compétitifs aux jeunes chercheurs », insiste
Thomas Bourgeron, qui mène des recherches sur les gènes impliqués dans l’autisme.
Ce n’est pas seulement une question d’argent. « Nous disposons ici d’une liberté rare.
J’ai été chassé par des universités étrangères
comme Oxford, mais l’interdisciplinarité que
j’ai trouvée ici est précieuse », témoigne le généticien.
« Je peux discuter autour d’un café avec des
virologues, des bactériologues : cela fait naître
des idées », abonde l’immunologue Gérard
Eberl. Il participe ainsi à un programme baptisé « Microbe et cerveau », qui implique plusieurs équipes du campus. « Harvard, c’est
fantastique… mais c’est gigantesque ! » Fort de
ses 2 500 « pasteuriens », l’Institut s’invente
un avenir à visage humain. p
chloé hecketsweiler
économie & entreprise | 3
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Le logement en mal de terrains
Pour pallier la pénurie de foncier, un rapport parlementaire propose de mieux encadrer un marché jugé opaque
D
ès qu’il s’agit de construire des logements,
a fortiori sociaux,
beaucoup d’élus invoquent « le manque de foncier »
pour justifier leur réticence. Une
pénurie pourtant toute relative
puisque, lorsqu’il s’agit de créer
des centres commerciaux ou des
bureaux, les terrains, soudain,
abondent.
Autour de Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis, un
groupe de quatre parlementaires
a planché sur la pénurie foncière
et présentera, le mardi 16 février,
devant la commission des affaires
économiques de l’Assemblée nationale, un rapport d’information
sur « la mobilisation du foncier
privé en faveur du logement ».
« Nous souhaitons faire des propositions équilibrées entre droit de
propriété et intérêt général pour
casser la spirale infernale du renchérissement du prix des logements et des terrains, source d’inégalités entre générations et de
ghettoïsation entre riches et pauvres », annonce le rapporteur,
pour qui « l’enjeu devrait être au
centre de la campagne présidentielle de 2017 ».
Un portail de l’urbanisme
Depuis l’an 2000, le prix du foncier a, il est vrai, beaucoup augmenté : trois fois plus vite que celui du logement, selon une enquête de l’association Consommation, logement et cadre de vie
(CLCV) de septembre 2015 : « Le
prix moyen d’un mètre carré de
terrain s’est accru de 71 % entre
2006 et 2014, passant de 46 à
79 euros, quand, dans le même
temps, le prix du mètre carré bâti
n’augmentait “que” de 26 %, passant de 1 031 à 1 306 euros. »
Les différences sont, bien sûr,
abyssales d’une région à l’autre.
Un mètre carré de terrain peut ne
coûter que 47 euros en zone rurale mais grimpe à 310 euros en
Ile-de-France (chiffres 2014). Dans
le coût global d’une maison,
l’achat du terrain pèse donc pour
45 % en Ile-de-France et ProvenceAlpes-Côte d’Azur, mais pour 19 %
dans le Limousin. Certains spécialistes, tel l’économiste Jacques
Comby, évoquent même une
bulle foncière, dans un marché de
l’espace qui ne fonctionne pas selon le jeu de l’offre et de la demande mais est commandé par
l’usage futur des parcelles et la
constructibilité qu’elles permet-
Dans le coût
global d’une
maison, l’achat
du terrain pèse
pour 45 % en Ilede-France et en
Provence-AlpesCôte d’Azur, 19 %
dans le Limousin
tent. La logique qui prévaut est
donc celle du compte à rebours : le
promoteur escompte un prix de
vente dont il déduit le coût de
construction pour arriver au prix
du terrain qu’il peut proposer.
Pour réguler ces prix, les auteurs
du rapport proposent d’abord de
faire la clarté sur un marché qu’ils
jugent opaque et éparpillé. L’urbanisation se développe en effet,
pour les deux tiers, sur une myriade de parcelles diffuses et pour
seulement un tiers dans de grandes opérations concertées. Ils
suggèrent un repérage systématique des terrains constructibles
par des observatoires régionaux
ou des établissements publics
fonciers, et la mise en ligne des
données. Il existe déjà treize établissements publics fonciers
d’Etat (EPF), à vocation régionale
ou départementale, et vingt-trois
établissements fonciers locaux,
dont les compétences se superposent parfois : le rapport demande
donc leur généralisation et leur
rationalisation. C’est fait, depuis
le 1er janvier, en région capitale,
avec la fusion des quatre établissements existants en un seul
Grand EPF d’Ile-de-France.
Pour que l’information soit complète, les servitudes et la constructibilité de chaque parcelle devraient, d’ici à 2020, être accessibles sur un site baptisé Géoportail
de l’urbanisme, alimenté par les
collectivités locales que la loi pour
l’accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR, de
mars 2014) oblige à communiquer.
L’autre levier sur lequel les parlementaires entendent agir est la
fiscalité des terrains non bâtis. Ils
se montrent d’abord très critiques sur le système actuel : si la
taxe foncière impose faiblement
leur détention, les droits de mutation, et surtout l’impôt sur la plusvalue, dissuadent une cession ra-
Le poids du foncier varie du simple au double selon les régions
PART DU FONCIER DANS LE COÛT TOTAL D’UNE ACQUISITION IMMOBILIÈRE EN 2014, EN %
19 à 25
25 à 30
30 à 35
35 à 40
13 000 MILLIARDS
40 à 45
C’est, en euros, le patrimoine national des Français, estimé fin
2014. Il était composé à 83 % de
biens immobiliers, dont
4 100 milliards d’euros en logements et 4 800 milliards d’euros
en terrains.
NORDPAS-DE-CALAIS
30
HAUTENORMANDIE
PICARDIE
30
50 %
30
BASSENORMANDIE
ÎLE-DE-FRANCE
26
CHAMPAGNEARDENNE
45
LORRAINE
C’est en pourcentage ce que le
patrimoine foncier global de la
France représentait dans le produit intérieur brut, en 1997.
En 2013, il représentait 255 % du
PIB.
27
ALSACE
26
29
BRETAGNE
26
CENTREVAL DE LOIRE
PAYS DE LA LOIRE
28
BOURGOGNE
29
POITOUCHARENTES
26
FRANCHECOMTÉ
24
26
LIMOUSIN
19
RHÔNE-ALPES
AUVERGNE
37
24
AQUITAINE
34
LANGUEDOCROUSSILLON
MIDI-PYRÉNÉES
39
32
PROVENCE-ALPESCÔTE D'AZUR
45
CORSE
33
SOURCES : MEEDDM/SOES/ENQUÊTE EPTB
pide. « Garder un terrain ne coûte
rien parce que les taxes foncières
sur les propriétés non bâties reposent sur des assiettes dépassées,
explique Daniel Goldberg. Quand
à l’actuel impôt sur les plus-values,
plus la vente est tardive, plus il s’allège, puisqu’il est dégressif jusqu’à
devenir nul au bout de trente ans. Il
faut casser cette logique », soutient-il.
« Instabilité paralysante »
Les auteurs jugent, en outre, inefficaces les mécanismes temporaires d’abattement sur cet impôt,
mis en place en 2014 et 2015 par le
gouvernement, pour, disait-il,
« créer un choc foncier » qui n’a pas
eu lieu. « Ces mesures à trop court
terme n’ont pas le temps de s’installer dans les esprits et créent une
LES CHIFFRES
Le rapport
préconise
d’exonérer de
plus-value les
ventes de terrain,
à condition
d’y construire
des logements
instabilité finalement paralysante », selon M. Goldberg. La solution passe donc par un système
pérenne qui exonère de plus-value les ventes de terrain, à condition d’y construire des logements.
Les recours incessants contre les
permis de construire qui ralentis-
sent les procédures sont aussi
dans le collimateur. Une pratique,
très développée vers la Côte
d’Azur, consiste même à attaquer
un permis pour monnayer le retrait du recours auprès de promoteurs souvent enclins à céder,
pour gagner du temps. L’ordonnance du 18 juillet 2013 a tenté de
freiner ce fléau, en restreignant le
droit au recours et en le sanctionnant s’il est abusif.
Si les magistrats constatent bien
que le nombre de procédures en
annulation de permis a, entre
2012 et 2014, baissé de 25 % dans le
ressort de la cour d’appel de Versailles et de 16 % devant le Conseil
d’Etat, ce n’est pas le ressenti des
professionnels. « En moins d’un
an, le nombre des logements bloqués par des recours a bondi de
25 000 à 33 000 », rappelait
Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers, lors de journées d’études professionnelles, le
3 février. « Il faut donner au juge le
pouvoir d’imposer des délais pour
que les parties présentent leurs arguments », propose le rapport
Goldberg.
Les parlementaires pointent enfin la responsabilité des maires,
qui, sous la pression de leurs administrés, ne se montrent pas
toujours très entreprenants. Peutêtre parce que les élections municipales de mars 2014 ont vérifié
une fois de plus l’adage « maire
bâtisseur, maire battu ».
Le rapport propose donc des innovations, par exemple que les
plans locaux d’urbanisme (PLU),
au lieu de n’édicter que des interdictions, contraignent les maires
à instaurer dans les zones urbaines un seuil minimal de mètres
carrés constructibles par parcelle.
« Les documents d’urbanisme ne
peuvent pas se contenter de déclarations d’intentions et doivent être
opérationnels, dire comment et où
réaliser les objectifs inscrits, par
exemple, dans le programme local
de l’habitat », insiste M. Goldberg.
Le rapport se conclut sur une
mesure de portée symbolique :
l’inscription dans la Constitution
du droit à un logement digne,
comme un aveu d’échec de la politique du logement. p
isabelle rey-lefebvre
Le bulletin de santé de l’industrie française s’améliore
La production manufacturière a augmenté au dernier trimestre de 2015, portant la hausse à 1,7 % sur un an
C’
est une nouvelle encourageante pour l’industrie française. La production manufacturière – c’est-àdire hors électricité – a augmenté
de 0,4 % au dernier trimestre 2015
par rapport au troisième trimestre, et même de 1,7 % sur un an, selon les chiffres publiés mercredi
10 février par l’Insee.
Sur le seul mois de décembre
2015, la production manufacturière (qui représente 80 % de l’industrie tricolore) a reculé de 0,8 %,
« mais les variations au mois le
mois ne sont pas nécessairement
2%
significatives », relativise Dorian
Roucher, chef de la division synthèse conjoncturelle à l’Insee.
« Ce deuxième trimestre consécutif de hausse indique une reprise
nette de l’activité manufacturière,
en ligne avec les enquêtes de conjoncture [moral des patrons] qui
restent supérieures à leur
moyenne de long terme », se réjouit M. Roucher.
Au total, la production manufacturière a crû de 0,9 % en 2015
en France. Symbole de la reprise,
la production automobile, secteur très sensible à la conjoncture,
C’est la hausse des investissements consentis par l’ensemble des
entreprises non financières françaises en 2015, selon l’Institut national de la statistique et ses études économiques (Insee). La progression est la même qu’en 2014. Pour cette année, l’Insee prévoit une
accélération de ces investissements. L’institut table notamment sur
une progression de + 2,6 % d’ici à la mi-2016.
a bondi de 5 %, portée par la reprise dans les pays du sud de l’Europe, ses principaux débouchés.
Attention toutefois : l’industrie
tricolore est encore loin d’avoir
retrouvé son étiage d’avant-crise.
« Nous sommes revenus au niveau
de fin 2012, mais sommes encore
12 % en dessous du niveau de production de l’été 2008 », indique M.
Roucher.
Une baisse du pétrole profitable
L’optimisme semble pourtant de
mise. Les chefs d’entreprises du
secteur manufacturier interrogés
par l’Insee prévoient une hausse
de… 7 % de leurs investissements
en 2016, a-t-on appris mardi ! Une
embellie nettement plus marquée que lors de la dernière enquête d’octobre, où les répondants prévoyaient une augmentation de 3 % cette année.
Au moment où le ralentissement chinois et le recul du pétrole
font craindre un affaissement de la
croissance mondiale, et où le spectre d’une nouvelle crise financière
fait tanguer les marchés mondiaux, il semble difficile de croire
que ces clignotants puissent rester
au vert. D’autant que ces données,
basées sur le ressenti des patrons,
sont sujettes à caution. Ainsi, les
chefs d’entreprise interrogés ont
finalement constaté un recul de
2 % de l’investissement l’an dernier, alors qu’ils anticipaient une
hausse de 3 % début 2015…
« De manière générale, lorsque
les prévisions des chefs d’entreprise se situent au-dessus de 5 % en
début d’année, c’est qu’on se trouve
dans un cycle de croissance dynamique de l’investissement », estime tout de même Mathieu
Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures
économiques.
Une orientation largement due
à une bonne conjoncture macroéconomique. « La demande se raffermit en raison de la chute du pétrole, les marges des entreprises se
sont fortement améliorées [sous
l’effet du pacte de responsabilité
et du crédit d’impôt compétitivité
Le secteur
manufacturier
prévoit une
progression
de 7 % de ses
investissements
en 2016
emploi] et le coût du capital est
particulièrement attrayant en raison des taux bas », détaille M.
Plane. Selon les dernières prévisions de l’Insee, le taux de marge
des entreprises devrait atteindre
31,8 % à la mi-2016, son plus haut
niveau depuis fin 2008, même s’il
n’a pas encore retrouvé ses niveaux d’avant-crise (33,5 % en
moyenne sur l’année 2007).
La baisse de l’euro a également
profité aux entreprises exportatrices en 2015, nettement plus
présentes dans l’industrie que
dans les services. La mesure fis-
cale de « suramortissement », annoncée au printemps 2015 et destinée à doper l’investissement en
machines, crée également un climat favorable.
Seul clignotant à ne pas être encore passé au vert : le taux d’utilisation des capacités de production, qui laisse entendre que les
entreprises ont encore de la
marge de manœuvre avant d’investir ou d’embaucher. Cet indicateur est ressorti à 80,7 % en janvier, contre une moyenne de long
terme de 84,5 % et un niveau de
plus de 82 % sur les trois trimestres précédents…
Faut-il y voir la concrétisation de
craintes sur la conjoncture mondiale ? « Si la crise bancaire conduisait à un arrêt du financement des
entreprises, elle pourrait avoir un
effet fort et rapide sur la reprise. De
même, un “choc d’incertitude” serait très néfaste à l’investissement.
Mais pour l’heure, nous ne voyons
dans nos enquêtes ni l’un ni
l’autre », rassure M. Roucher. p
audrey tonnelier
4 | économie & entreprise
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Le luxe accessible a son fonds d’investissement
Fréderic Biousse lance Experienced Capital Partners, qui financera les jeunes pousses de la mode à fort potentiel
L
e trio, qui a permis à
Sandro Maje et Claudie
Pierlot (SMCP) de s’imposer comme un acteur incontournable de la mode haut de
gamme, lance son propre fonds
d’investissement. Installé depuis
peu devant la Comédie-Française
à Paris, Experienced Capital Partners (ECP) n’est pas seulement
une structure financière. « Nous
nous définissons comme des accélérateurs de marques à fort potentiel », explique Frédéric Biousse,
président de cette nouvelle société.
Avec son associé de la première
heure, Elie Kouby, spécialiste des
réseaux de boutiques, et rejoint
par le financier Emmanuel Pradère, tous trois ont porté SMCP
vers des sommets financiers. Ces
trois griffes commercialisées
dans un millier de points de
vente, valorisées 650 millions
d’euros en avril 2013, au moment
de leur prise de contrôle par le
fonds KKR, devraient facilement
trouver un nouveau repreneur
pour plus d’un milliard d’euros.
Cette ascension dans le difficile
secteur de la mode fera école puisque Frédéric Biousse et Elie Kouby
étaient entrés dans le capital de
ces marques du Sentier en 2007, à
l’époque où elles n’étaient que de
toutes petites pépites.
Le dogme de cette équipe très
courtisée depuis son départ de
SMCP – elle garde toutefois une
part très minoritaire dans le capital – semble pourtant assez simple : « Il faut toujours diriger à plu-
« On regarde
dans le monde
entier, aussi bien
les entreprises
scandinaves que
chinoises »
FRÉDÉRIC BIOUSSE
président du fonds ECP
sieurs. Personne n’est omniscient »,
affirme M. Biousse. Il faut « savoir
dire non et être proactif ». Il a la
dent assez dure envers les fonds
d’investissement : « Ce ne sont généralement que des financiers, entourés de consultants déconnectés
du business. » Le trio les connaît
par cœur puisqu’ils ont fait entrer
successivement L Capital et Florac, puis KKR dans le capital de
Sandro Maje et Claudie Pierlot.
Cette injection d’argent frais avait
alors permis d’implanter ces griffes dans trente-quatre pays.
« Des marques pas trop lisses »
Experienced Capital Partners veut
financer de jeunes pousses (de 2 à
20 millions d’euros de chiffre d’affaires) mais aussi effectuer, parfois avec d’autres partenaires, des
investissements dans des entreprises plus importantes (de 20 à
300 millions d’euros de chiffre
d’affaires). Les trois entrepreneurs
ont ainsi déjà levé 37 millions
d’euros, notamment auprès du
cofondateur de Vente-privée.
Une nouvelle usine pour Longchamp
Le maroquinier français Longchamp a enregistré, en 2015, un chiffre d’affaires de 566 millions d’euros, en hausse de 10 % à taux de
change constant (+14 % en tenant compte de l’effet positif des
changes), selon des données publiées mardi 9 février. Positionnée
sur le haut de gamme, l’entreprise familiale n’a pas souffert de la
conjoncture difficile en Chine continentale où ses ventes ont
grimpé de 30 %. Pour faire face à la demande dans ses 300 boutiques dans le monde, le groupe va construire un nouvel atelier à
Pouzauges (Vendée). « Une centaine d’artisans y travailleront
en 2018 », dit Jean Cassegrain, directeur général. Cinq sites sont
déjà exploités dans l’ouest de la France où le groupe effectue 50 %
de sa production. L’autre moitié de ses propres sites en Tunisie, à
l’île Maurice ou avec des partenaires au Maroc, en Roumanie...
ECP a choisi la marque française de prêt-à-porter masculin Balibaris pour sa première prise de participation. GÉRALDINE BRUNEEL/VIEWS AI
com, Michaël Benabou, de Leopold Meyer (directeur général de
Florac), ou des actionnaires du
holding luxembourgeois Artal,
qui contrôle Weight Watchers,
Children Worldwide Fashion ou le
fabricant de biscuits Poult.
Leur idée est d’investir, mais
aussi de conseiller. Ce qui n’existe
pas encore sur le marché. Experienced Capital Partners va ainsi
constituer une équipe opérationnelle, avec des professionnels
chargés de mission dans le développement international, la mise
en œuvre cohérente des collections, le fonctionnement des boutiques, leur rentabilité, les relations avec les grands magasins, la
valorisation des marques, la protection de leur créateur… Un autre
sera chargé de la production, un
deuxième du numérique, un troisième des finances et du contrôle
de gestion. « Ce sera une boîte à
outils qui permettra aux marques
de se développer sereinement », assure Frédéric Biousse.
« Nous cherchons des marques
dans tous les secteurs du luxe abordable – mode, accessoires, enfant,
alimentation, design, cosmétiques,
technologie, voyage… – qui ont une
image lisible, répondent à un joli
concept, raffiné et chaleureux. Il
faut qu’elles aient déjà testé avec
succès au moins un magasin, qu’il
soit en dur ou en ligne », explique
M. Biousse. « On regarde dans le
monde entier, aussi bien les entreprises scandinaves que chinoises »,
ajoute-t-il. Des marques qui ont
« un coefficient affectif fort mais ne
sont pas trop lisses. Il faut des aspé-
Parité dans les entreprises: malgré deux lois,
le plafond de verre persiste
Plus présentes dans les conseils d’administration, les femmes en obtiennent rarement la tête
P
lus de 30 % de femmes dans
les conseils d’administration ou de surveillance des
entreprises du CAC 40. La France,
meilleure élève de l’Union européenne (UE) pour la parité dans les
groupes les plus capitalisés… Le
rapport remis, mercredi 10 février,
par le Haut Conseil à l’égalité entre
les femmes et les hommes
(HCEFH) et le Conseil supérieur de
l’égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes (CSEP) à
Marisol Touraine, la ministre des
affaires sociales, de la santé et des
droits des femmes, et à Pascale
Boistard, la secrétaire d’Etat aux
droits des femmes, pourrait donner envie de crier cocorico.
Mais la réalité est tout autre
pour les sociétés non cotées. Ou
encore pour celles du secteur public, pointe le document, qui fait
un rapport d’étape sur les lois Copé-Zimmerman (27 janvier 2011)
et Sauvadet (12 mars 2012). Ces lois
cherchent à atteindre la parité
dans les conseils d’administration ou de surveillance, des instances où les femmes étaient
alors quasiment inexistantes.
Elles ont fixé un objectif de 40 %
pour la part de femmes, ou
d’hommes, au sein des conseils de
plus de huit membres, prenant
ainsi en compte les cas, rarissimes, où un conseil serait essentiellement féminin : l’entreprise
concernée serait tenue de respecter la parité. Après un palier
d’étape fixé à 20 % en 2014, l’objectif de 40 % doit être atteint en 2017.
Pour les conseils de huit membres
ou moins, l’objectif est de parvenir
à un écart maximum de deux entre le nombre de femmes et
d’hommes au sein des conseils.
Des sociétés hors radars
Mais les entreprises ont encore
du chemin à parcourir. Le HCEFH
estime que 1 265 mandats d’administrateurs devront s’ouvrir à des
femmes dans les groupes privés
d’ici à 2017. Les deux lois s’appliquent aux entreprises cotées, à
celles de plus de 500 salariés et de
plus de 50 millions d’euros de
chiffre d’affaires, aux sociétés publiques, aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics administratifs.
En ce qui concerne les groupes
cotés, les conseils sont en bonne
voie d’atteindre la parité, avec
27,8 % de femmes dans leur conseil d’administration ou de surveillance. La part augmente dans
les entreprises du CAC 40. Avec un
pourcentage de 34,1 % en 2015
pour 10,7 % en 2009, la présence
des femmes dans ces sphères de
pouvoir a été multipliée par trois
en six ans. Un taux qui place la
France en tête des pays de l’UE, devant la Lettonie et la Suède (32 %).
L’évolution est similaire pour les
entreprises cotées sur l’indice au
SBF 120 (Société des Bourses françaises) : les femmes occupaient
32 % des sièges des conseils
en 2015, contre 9,3 % en 2009.
Le rapport fait toutefois remarquer que les femmes détiennent
seulement entre 5 % et 6 % des
postes de présidence des conseils
et de direction générale. En 2015, il
n’y avait ainsi que trois entreprises parmi celles présentes sur le
SBF 120 à avoir un conseil présidé
par une femme : Publicis, Vallourec et Virbac.
La « performance » des entreprises non cotées est par contre bien
plus faible, avec 14,2 % de femmes
dans les conseils. Cinq ans après la
promulgation de la loi Copé-Zimmermann, elles ne remplissent
même pas l’objectif intermédiaire
de 20 % en 2014. Les chiffres sont,
en outre, particulièrement difficiles à obtenir. Les sociétés non cotées « sortent complètement des
radars », prévient le HCEFH, pour
qui ce « manque crucial (…) [de
données] risque de constituer un
frein réel à la mise en œuvre des
sanctions prévues par la loi ».
Pour le secteur public, le rapport
ne rassemble que des données
parcellaires et datées, faute d’informations suffisantes. En 2013,
les femmes représentaient 25 %
des conseils des établissements
publics à caractère industriel et
commercial et des établissements publics administratifs.
Pour assurer que les objectifs
fixés par lois Copé-Zimmermann
et Sauvadet seront atteints en 2017,
le HCEFH et le CSEP ont dressé une
liste de treize recommandations, à
commencer par le rappel des obligations légales aux entreprises, la
mesure et le contrôle de la parité,
notamment avec la création d’un
indicateur, l’accompagnement de
la recherche des administrateurs
et des administratrices, et la professionnalisation du mandat. p
marine forestier
rités ». L’idée est d’aborder ces
marchés saturés non pas de façon
frontale mais de biais.
Le premier investissement a
déjà été signé : une participation
de 40 % – pour un montant non
communiqué – dans le capital
d’une jeune PME de prêt-à-porter
pour hommes, Balibaris. Son fondateur, Paul Szczerba, s’est jeté
dans l’aventure à sa sortie d’HEC
en 2010, à 24 ans. « Je n’avais pas
envie de faire du conseil, de la finance, je me suis lancé dans ce qui
me plaisait », dit-il. Une mode
sage, chic, non ostentatoire. Les
tissus proviennent d’Italie, la façon est sous-traitée au Portugal
ou en Roumanie. La collection
n’est pas donnée non plus puisque la chemise en oxford est vendue 125 euros, le pantalon
195 euros et le costume moins de
600 euros.
Pour l’heure, la marque est commercialisée dans cinq boutiques à
Paris, chacune revendiquant son
caractère propre et donc un petit
côté artisanal. Paul Szczerba fait
d’ailleurs lui-même les essayages
et n’a aucune intention d’embaucher un styliste. Tout comme Frédéric Biousse fuit comme la peste
les études de marché. Ce qui ne les
empêche pas de mettre au point
une machine de guerre : avant la
fin de l’année, Balibaris comptera
25 points de vente, grâce à une
forte implantation dans les grands
magasins. Un développement sur
le marché européen est déjà prévu
en 2017. Premier test donc pour cet
accélérateur d’affaires. p
nicole vulser
8%
C’est l’objectif, à moyen terme, de progression du chiffre d’affaires
à taux de change constant fixé par Hermès pour 2016. Mais le groupe
de luxe a prévenu, mercredi 10 février, qu’« en raison des incertitudes
économiques, géopolitiques et monétaires, la croissance des ventes
pourrait être inférieure ». En 2015, elles ont atteint 4,84 milliards
d’euros (+ 8,1 % à taux de change constant) et le sellier devrait publier,
le 23 mars, une rentabilité opérationnelle en 2015 d’environ 31,5 %,
meilleure que prévu.
AU TOMOBI LE
La Google Car reçoit
un coup de pouce
des régulateurs
Les autorités américaines de
sécurité routière ont estimé
que le système d’intelligence
artificielle pilotant la voiture
autonome de Google peut,
selon la législation fédérale,
être considéré comme un
conducteur, ce qui pourrait
accélérer l’approbation de ce
type de véhicules. La National
Highway Traffic Safety Administration a notifié sa décision dans une lettre, datant
du 4 février, et publiée sur
son site Internet mardi 9 février. – (Reuters.)
AGR OALI MEN TAI R E
Coca-Cola se désengage
de ses activités
d’embouteillages
Engagé dans un plan de réduction des coûts visant à
économiser 3 milliards de
dollars (2,6 milliards d’euros),
le groupe américain CocaCola a annoncé, mardi 9 février, qu’il allait donner leur
indépendance à ses activités
d’embouteillages en Amérique du Nord et en Chine.
– (AFP.)
MOD E
Pharrell Williams
investit dans les jeans
G-Star Raw
Le chanteur américain Pharrell Williams a annoncé,
mardi 9 février, qu’il devenait, par l’intermédiaire de sa
société Bionic Yarn, l’un des
copropriétaires de la marque
de jeans G-Star Raw.
Il apportera son regard sur
les collections et les campagnes publicitaires. Jos Van
Tilburg, le fondateur de cette
marque créée en 1989, gardera la haute main sur la
stratégie d’une entreprise qui
revendique quelque 380 magasins en franchise dans le
monde.
économie & entreprise | 5
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Champagne pour les
exportations d’alcool !
Les Etats-Unis et la Chine ont tiré les ventes
de vins et spiritueux français en 2015
C
ognac et champagne
plus forts que Chanel
N°5 et Miss Dior…
En 2015, les vins et spiritueux ont grillé la politesse aux
parfums et cosmétiques dans la
balance commerciale française.
En effet, les exportations d’alcool
« made in France » ont représenté
un chiffre d’affaires de 11,7 milliards d’euros, selon les chiffres
publiés mercredi 10 février par la
Fédération des exportateurs de
vins et spiritueux de France
(FEVS). La progression affichée de
8,7 % lui permet de décrocher ce
record historique.
Avec un solde commercial positif de 10,4 milliards d’euros, les
vins et spiritueux retrouvent ainsi
leur rang de deuxième excédent
commercial français derrière l’aé-
ronautique, mais devant les parfums et cosmétiques (9,2 milliards). Une position perdue un an
plus tôt, alors que les ventes d’alcool français subissaient une certaine baisse de régime. Un résultat
dont se félicite Christophe Navarre, président de la FEVS. « Cela
représente l’équivalent de la vente
de 126 Airbus, ce n’est pas neutre, estime-t-il, tout en relativisant la
performance. Les exportations
ont été dopées par les taux de
change. La dépréciation de l’euro
face au dollar, au yen et à la livre
sterling a contribué à l’attrait des
bouteilles françaises. Hors effet de
change, la progression est tout de
même de 5,3 % par rapport à 2014.
Ce record est à mettre au crédit
des deux locomotives, le champagne et le cognac, et de deux mar-
chés clés, les Etats-Unis et la Chine.
En 2015, après deux années de
baisse, les exportations vers la
Chine, quatrième pays de destination pour les alcools français, renouent avec la croissance. Elles
progressent de 22,6 %, à 830 millions d’euros, et retrouvent leur niveau de 2013. Le rebond bénéficie
aussi aux pays de transit vers la
Chine comme Hongkong, où les
ventes sont en hausse de 17 %.
« Rebond technique »
M. Navarre reste toutefois prudent : « En Chine, on observe un rebond technique avec une base de
comparaison favorable. On est arrivé globalement à la fin de la période de déstockage de la distribution. Mais on ne reviendra pas aux
niveaux précédents », affirme-t-il.
Les groupes français ont adapté
leurs offres, troquant les flacons de
cognac XO contre des bouteilles
plus accessibles aux jeunes consommateurs.
Il faut dire que la brusque volteface du marché chinois avait quelque peu secoué la filière française.
La volonté de Pékin de lutter contre la corruption et l’ostentation
avait porté un coup à la pratique
des cadeaux et des banquets et fait
plonger les ventes de cognac et de
vins fins. Un décrochage sensible à
partir de mi-2013, qui a pris à contre-pied les grands noms de l’eau
de vie charentaise. LVMH avec
Hennessy, Pernod-Ricard avec
Martell, et Rémy Cointreau avec
Rémy Martin, qui semblaient
écouler sans limite leurs flacons
les plus précieux, XO et éditions
spéciales, ont soudain vu la source
chinoise se tarir. Les grands crus
bordelais ont souffert de même de
ce changement brutal de règles .
Mais le premier marché pour les
alcools français reste, et de loin,
les Etats-Unis. Vins et spiritueux y
ont encore gagné des parts de
marché, portés par les effets de
change. Avec une augmentation
de 28 %, les ventes atteignent un
record de 2,6 milliards d’euros.
Soit deux fois plus que celles réalisées au Royaume-Uni, deuxième
Pour la première
fois depuis 2013,
les exportations
de cognac
renouent avec
la croissance
destination des alcools français.
« Le cognac bénéficie de l’engouement des consommateurs américains pour les alcools bruns », explique M. Navarre.
Résultat, pour la première fois
depuis deux ans, le cognac renoue
avec la croissance avec une hausse
des exportations de 19,6 %, à
2,6 milliards d’euros. L’eau-de-vie
domine largement la catégorie
des spiritueux, qui pèse au total
de 3,74 milliards d’euros, en termes de dynamisme. A noter également, la progression de 8 % des
ventes de liqueurs, à 313 millions
d’euros. La vodka, deuxième spiritueux français, engrange 399 millions d’euros mais la hausse est limitée à 1,2 %. A l’inverse, le calvados et l’armagnac souffrent.
Le champagne décroche, lui, la
palme de l’exportation avec un
bond de son chiffre d’affaires de
12,1 %, à 2,69 milliards d’euros. Au
global, champagne et vins tranquilles pèsent lourds dans la balance commerciale, frôlant la
barre des 8 milliards d’euros, en
hausse de 6,7 %. Dont près de la
moitié engrangée grâce aux bouteilles d’appellation d’origine contrôlée (AOC). Dans cette catégorie,
après la période de dégrisement
chinoise, les vins de Bordeaux repartent de l’avant, ceux de Bourgogne continuent à se valoriser
tandis que les flacons de Beaujolais font grise mine.
Dans ce contexte florissant qui
tranche avec l’actualité agricole
souvent sombre, la FEVS veut à
tout prix mettre des bémols. Elle
milite en effet pour une augmentation des volumes de vin en
France estimant que l’Hexagone
perd des parts de marché face à
ses concurrents. Or, les règles du
jeu ont justement changé en Europe au 1er janvier 2016. Près de
8 000 hectares de vigne vont pouvoir être plantées en France, dont
des vignobles sans appellation
géographique. Nul ne connaît encore les effets de cette libéralisation poussée à Bruxelles par les
négociants. Mais on voit
aujourd’hui les conséquences de
la fin des quotas laitiers pour les
éleveurs français… p
laurence girard
Heineken mise sur
les bières artisanales
Le néerlandais va créer des marques locales
et inonder le marché français de Mort subite
L’
image a le mérite d’être
limpide. Pour se relancer
en France et faire la nique à
ses concurrents, le néerlandais
Heineken a décidé de commercialiser à grande échelle la bière artisanale belge… Mort subite. De
même, il compte imposer la marque californienne Lagunitas et développer des mousses « locales »
qui viendront s’ajouter à ses quatre principaux labels, Heineken,
Pelforth, Desperados et Affligem.
Manière de répondre au succès
des microbrasseries et des bières
artisanales, cette offensive du numéro trois mondial du secteur a
été dévoilée mercredi 10 février,
lors de la publication des résultats
annuels du groupe. En 2015, il a vu
son chiffre d’affaires progresser de
6,5 %, à 20,5 milliards d’euros, tandis que son bénéfice net a bondi de
25 %, à 1,9 milliard. En France, Heineken affiche un chiffre d’affaires
de 968 millions d’euros (+ 2,5 %).
« Avec Mort subite, nous répondons à une forme de concurrence
qui se développe », reconnaît Pascal
Sabrié, directeur général d’Heineken France. De fait, les bières artisanales ne sont pas un phénomène nouveau. La Coreff, la « cervoise bretonne », a fêté ses 30 ans.
Mais le phénomène prend de l’ampleur. « Près de 120 nouvelles microbrasseries se sont créées en 2015,
portant leur nombre à plus de
800 », estime M. Sabrié.
Même si elle n’a pas encore le
même poids qu’aux Etats-Unis et
en Grande-Bretagne, où la craft
beer pèse 10 % à 11 % du marché en
volume, la bière artisanale est plébiscitée en France. « Elle représente
entre 4 % et 5 % du marché hexagonal », selon M. Sabrié. Ce succès a
contribué au dynamisme des ventes de blondes en France, en
hausse de 2 % à 4 % en 2015. La météo favorable pour les brasseurs,
qui raffolent des poussées de mercure, a fait le reste.
Résultat : même s’ils sont lancés
dans une course à la taille, à
l’image de l’OPA géante du belgobrésilien AB InBev, numéro un
mondial, sur son rival britannique
SABMiller pour 110 milliards
d’euros, les géants de la bière ont
également les brasseries artisanales en ligne de mire.
AB InBev s’est ainsi emparé d’un
brasseur de Seattle, Elysian
Brewing. SABMiller a jeté son dé-
« La bière
artisanale
représente entre
4 % et 5 %
du marché
hexagonal »
LA MATINALE DU MONDE
LE MEILLEUR DE L’INFO 7 JOURS SUR 7
PASCAL SABRIÉ
DG d’Heineken France
volu sur la bière artisanale londonienne Meantime. Quant à Heineken, il a annoncé, en octobre, l’acquisition de 50 % du capital de Lagunitas qui produit la très prisée
India Pale Ale. Le néerlandais s’apprête à la proposer aux consommateurs parisiens.
Nature et authenticité
Heineken a aussi déterré, parmi les
labels récupérés lors de différents
rachats, la marque artisanale Mort
subite, entrée dans son giron lors
de l’acquisition de Scottish
& Newcastle en 2008. Cette pépite,
une bière de fermentation spontanée de type lambic, est brassée à
Kobbegem, près de Bruxelles.
Le néerlandais souhaite aussi enrichir son portefeuille de marques
régionales. Il a décidé que chacune
des trois brasseries industrielles
qu’il possède en France produirait
sa propre bière. En Alsace, où il détient Fischer, il va créer une nouvelle version à la mirabelle, baptisée « Fischer la Belle Mira ». L’usine
de Schiltigheim (Bas-Rhin) produira aussi la bière Pélican, sortie
des oubliettes. A Mons-en-Barœul
(Nord), ce sera l’Ancre, et à Marseille la Phénicienne. Ces bières seront distribuées dans les cafés et
les restaurants.
Au coude-à-coude avec Kronenbourg, filiale de Carlsberg, pour la
domination du marché français,
Heineken espère prendre le large
par ses innovations. Le lancement
réussi d’Edelweiss, en 2015, l’a conforté dans ce choix. Présentée
comme une bière de montagne,
prenant sa source dans les Alpes –
même si elle est produite dans les
usines d’Heineken en France –, elle
séduit le consommateur avec des
arguments marketing de nature et
d’authenticité. Les mêmes qui font
le succès des microbrasseurs. p
l. gi.
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6 | économie & entreprise
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
«Repousser les limites du corps avec la technologie »
Le Forum Netexplo distingue des innovations qui cherchent à stimuler le vivant ou à y intégrer du numérique
ENTRETIEN
DIX LAURÉATS
L
e 9e forum Netexplo se
tient, mercredi 10 et jeudi
11 février, à l’université Paris-Dauphine. Cette manifestation, organisée en partenariat avec HEC, le Sénat, le secrétariat d’Etat chargé du numérique
et l’Unesco, permet de prendre
chaque année le pouls de la révolution technologique et de distinguer des projets à la pointe de l’innovation.
Julien Levy, professeur affilié à
HEC, où il dirige le Centre digital,
est l’auteur de l’étude annuelle
« Netexplo Trend » qui a passé au
crible plus de 2 000 innovations
numériques à travers le monde. Il
évoque les ultimes avancées et les
réflexions qu’elles suscitent.
IKO Creative Prosthetic
System, le Grand Prix 2016
Netexplo, est une prothèse
robot, réalisée avec une imprimante 3D. Que dit cette innovation de nos prochains usages ?
Ce projet s’inscrit dans une tendance mondiale : la volonté de
plus en plus forte de repousser les
limites du corps en s’appuyant
sur la technologie.
Aujourd’hui, sur tous les continents, des laboratoires et des
start-up cherchent à simuler le vivant ou à y intégrer du numérique.
L’idée de la fusion entre l’homme
et la machine n’est pas nouvelle,
mais cette quête s’accélère avec le
progrès des technologies et l’utilisation du big data. Grâce, aussi,
aux coûts de plus en plus faibles
du séquençage de l’ADN.
L’homme « augmenté » est-il
pour bientôt ?
Disons que la frontière entre le
naturel et l’artificiel est de plus en
plus ténue. En Suède, l’Institut
Karolinska travaille, par exemple,
sur des neurones artificiels. En
Suisse, le Blue Brain Project reproduit le fonctionnement du cerveau sur un ordinateur.
Dans une autre expérimentation helvétique, DNA Data Storage, des morceaux d’ADN sont
utilisés pour stocker de l’information codée, que l’on peut ex-
Amino
Kit de fabrication de matière
organique (Canada).
AscTec Firefly
Drone « intelligent » qui
s’autopilote (Allemagne).
Aweza
Application de traduction mobile
(Afrique du Sud).
BitLand
Cadastre virtuel (Ghana).
Colu
Service rendant l’identité
numérique infalsifiable (Israël).
IKO
Creative Prosthetic System
Prothèse personnalisable avec
des Lego (Colombie).
Micro-Swimmer Robot
Nanorobots chirurgiens
(Etats-Unis).
Self-teaching 3D-printed
robots
Robot qui s’autoperfectionne
(Norvège).
Todai Robot Project
Robot qui veut rentrer
à l’université (Japon).
Wonolo
Application permettant à un
employeur de trouver directement un employé (Etats-Unis).
Dario, un jeune Colombien, collabore depuis deux ans à un projet de prothèse conçue notamment avec des Lego. IKO
ploiter après coup, ce qui ouvre la
voie à l’ordinateur biologique. Il
devient aujourd’hui très difficile
de distinguer ce qui est de l’ordre
de la biologie de ce qui relève de
la technique, donc de la volonté
humaine. Certaines innovations
s’orientent en effet vers le
transhumanisme, un homme
fruit de la volonté de l’homme.
Ce qui relevait de la spéculation
devient une réalité avant même
que la réflexion sur les enjeux ait
abouti.
« Blockchainisation », nouvelle rupture ?
« Et si, pour les entreprises, la prochaine innovation de rupture était
la “blockchainisation” ? », cette technologie qui permet de réaliser
des transactions certifiées par un réseau et non par une autorité
centrale. C’est par ces mots que Thierry Happe, cofondateur du
Forum Netexplo, devait accueillir, à l’université Paris-Dauphine,
mercredi 10 février, le millier de cadres et de dirigeants venus à la
9e édition de cette manifestation pour s’informer sur les usages qui
bousculeront notre quotidien. Pour prendre le pouls de la planète
numérique, Netexplo a examiné 2 175 projets innovants. Parmi les
dix lauréats distingués, deux utilisent la « blockchain ». « Son application va dépasser le domaine financier, dit M. Happe. A l’instar de
la plate-forme prototype Ujo, lancée fin 2015 à Londres, sur laquelle
un artiste peut décider seul des conditions de commercialisation de
sa musique et récupère directement ses droits et rémunérations. »
Un de vos dix lauréats, Amino,
propose même un kit pour manipuler le vivant à domicile…
C’est la boîte du petit chimiste à
l’âge des manipulations génétiques. Et ce projet n’est pas le seul.
Un autre, l’Open Source Insulin
Project, qui a vu le jour grâce au
financement participatif, s’essaie
à manipuler des bactéries afin de
produire de l’insuline à domicile.
Ces innovations sont bien entendu émergentes, mais elles posent clairement de nouvelles
questions sociétales.
La recherche sur le vivant a toujours été à la fois très encadrée et
très coûteuse, ce qui en limitait le
champ d’application. Si ces techniques sortent des laboratoires et
se démocratisent, le système de
régulation devient inadapté.
Après le hacking numérique, le
piratage des systèmes pour en détourner l’usage, voici l’émergence
du bio-hacking.
La Google Car, qui roule déjà en
Californie, est aux prémices de
notre histoire avec les robots ?
Les robots ménagers ou industriels sont déjà très présents dans
nos vies. On ajoute désormais à
même. Des questions, qui se posaient aux auteurs de science-fiction il y a trente ans, se présentent
désormais devant nous.
« L’idée de
la fusion entre
l’homme et
la machine n’est
pas nouvelle,
mais cette quête
s’accélère avec
l’utilisation
du big data »
leur performance mécanique de
l’intelligence artificielle, avec la
volonté claire d’aller vers une
autonomisation de ces machines.
Certaines innovations sont troublantes. Tel le Self-Teaching 3DPrinted Robots, imaginé en
Norvège.
Ces robots, dotés d’intelligence
artificielle, évaluent leurs points
faibles, puis donnent des instructions d’amélioration pour produire de nouvelles générations
aux meilleures performances. On
voit là encore la volonté de repousser la limite : d’outil, le robot
devient acteur, et acteur de lui-
Netexplo met en lumière
de nouvelles plates-formes
numériques. Qu’est-ce que
cela annonce ?
Certains lauréats, en effet, proposent de trouver du travail en direct par smartphone (Wonolo aux
Etats-Unis), d’enregistrer une propriété sans notaire (Bitland au
Ghana) ou de sécuriser notre
identité en ligne sans recours à
une autorité (Colu en Israël).
Pour Ronald Coase et Oliver
Eaton Williamson, deux Prix
Nobel américains d’économie,
l’existence d’une grande entreprise ne peut se justifier que si ses
coûts internes (salaires, organisation…) sont inférieurs au coût de
transaction sur le marché.
La société californienne Uber et
toutes ces nouvelles plates-formes sélectionnent les partenaires, organisent l’interaction, réduisent les risques par un système de notation, ce qui fait chuter les coûts de transaction. Elles
deviennent ainsi des modèles
Grand Prix 2016 Netexplo, une main robot en Lego pour se faire des copains
une prothèse de bras articulée sur
laquelle peuvent se greffer une multitude de briques Lego, compagnon de jeu
modulable à l’infini. Le projet IKO
Creative Prosthetic System, qui a reçu,
mercredi 10 février, le Grand Prix Netexplo 2016, a été pensé pour aider les enfants à dédramatiser leur handicap et
rompre leur isolement. Son concepteur,
le jeune designer d’origine colombienne, Carlos Arturo Torres Tovar, l’a
imaginé en à peine vingt semaines alors
qu’au départ, il ne connaissait « rien à la
robotique », reconnaît-il.
L’aventure d’IKO démarre en 2014.
Carlos Arturo, alors élève de la prestigieuse école suédoise de design Umea,
effectue un stage au « Lego Future Lab »,
le centre de recherche et de développement ultra-secret de l’entreprise de
jouets danoise. « Sur place, j’ai mesuré le
pouvoir social universel de ces briques de
couleurs qui permettent de se faire des
amis partout », se souvient-il.
Alors à la recherche d’un projet de fin
d’étude pour son master d’« Advanced
Product Design », il pense aux enfants
colombiens victimes de blessures par
arme. « L’idée d’IKO a surgi à ce moment-là, précise Carlos Arturo. J’ai imaginé une prothèse qui puisse, grâce aux
Lego, être tout autant fonctionnelle que
folle, permettant à un enfant d’exprimer
sa créativité et de rentrer en lien avec les
autres. »
Soren Holm, le directeur du centre, est
emballé. Lego accepte de financer une
imprimante 3D pour réaliser les prototypes et règle les billets d’avion aller-retour
entre la Colombie et l’Europe. Reste à
réaliser, en moins de six mois – la durée
du stage –, un premier prototype.
Carlos Aturo doit notamment trouver
un enfant avec lequel collaborer. « La difficulté était de ne pas projeter un besoin
qui n’existe pas, se souvient le créateur. A
quoi rêve-t-on quand on n’a pas de bras ?
Seule une personne concernée le sait. »
C’est par l’intermédiaire de la Fondation
Cirec, une ONG colombienne travaillant
depuis cinquante ans à la réinsertion des
personnes handicapées, qu’il rencontre
Dario, 9 ans, handicapé de naissance.
« Dès notre première entrevue, ce jeune
garçon m’a montré des dessins de robots
un peu fous avec des bras laser, se souvient-il. C’était magique, mon idée était
validée. » Depuis plus d’un an, c’est donc
avec Dario que le projet se construit.
« Voulez-vous prêter vos Lego ? »
Son master en poche, Carlos Arturo a
quitté la Suède pour Chicago (Illinois), où
il travaille pour IDEO, un cabinet de conseil en design. Mais il n’a pas abandonné
IKO, un projet sur lequel il multiplie les
collaborations internationales. Un partenariat a ainsi été noué avec l’« Escuela
Colombiana de Ingenería » (Ecole colombienne d’ingénierie) pour l’aider sur le
plan robotique ; un coup de pouce de la
prestigieuse agence de design danoise
Index lui a permis d’être coaché par un
cabinet de conseil international, afin de
valider son « business plan ».
Enfin, avec l’aide d’une agence de communication colombienne, filiale de
Publicis, il a pu présenter IKO dans différentes écoles à la rentrée scolaire 2015.
« Nous avons pu mesurer l’acceptation sociale du projet, constate-t-il. A la question
“voulez-vous prêter vos Lego ?”, la majorité des écoliers répondent invariablement
non. En revanche, si on leur demande s’ils
les prêteraient à un enfant pour construire
son bras, ils sont tous partants. »
Une semaine avant l’annonce du prix,
Carlos Arturo expliquait qu’il ne manquait plus « que des fonds supplémentaires pour que le projet industriel se concrétise ». Mercredi, le créateur a profité de sa
présence à Netexplo pour présenter la
nouvelle version de son prototype, fruit
des dernières séances de jeu organisées
avec Dario. p
l. be.
économiques alternatifs crédibles aux grands groupes, dont les
structures souvent lourdes et lentes doivent être repensées. Ces
usages posent un autre défi aux
grandes structures : les jeunes talents, adeptes de ces nouveaux
modes de collaboration, ont-ils
envie du lien de subordination
qui définit le salariat ?
La technologie « blockchain »,
utilisée par les lauréats
ghanéen ou israélien, va même
plus loin en court-circuitant
les autorités centrales.
Quelles peuvent en être
les conséquences ?
Jusqu’à présent, ce sont les institutions qui garantissent un titre
de propriété : une banque centrale pour la valeur de la monnaie
papier, les notaires pour les titres
de propriété, les banques pour les
transactions, etc. Avec la blockchain, c’est un réseau de serveurs
et un protocole technologique qui
remplacent l’institution.
Sans entrer dans le détail technique, la conséquence est double.
D’une part, certaines institutions
peuvent devenir obsolètes ;
d’autre part, les coûts associés à la
transaction chutent, ce qui ouvre
la voie à de nouveaux usages.
Le projet ghanéen Bitland permet effectivement de se passer
d’un notaire pour enregistrer une
terre. Mais il fait surtout accéder
au droit une masse de gens qui en
étaient jusqu’à présent exclus, en
faisant reconnaître une propriété
là où ce n’était pas possible, en raison de la déficience des services
étatiques et de la corruption. C’est
une manière de transformer ce
que l’économiste péruvien Hernando de Soto Polar appelle le
« capital mort ».
C’est-à-dire un capital qui n’est
pas dans les statistiques et qui ne
permet pas d’avoir accès au crédit
ou de faire de l’escompte, faute de
titre de propriété. L’enjeu est planétaire. C’est aussi un moyen,
même si ce n’est pas suffisant, de
donner la sécurité juridique à des
millions de gens alors que les systèmes antérieurs étaient coûteux
et peu performants. p
propos recueillis par
laure belot
idées | 7
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Un plan pour sortir de l’impasse économique
Quatre-vingts économistes d’instituts
d’études et de recherche publics et privés
signent un appel à changer de politique
pour lutter contre le chômage
collectif
I
l est possible de réenchanter l’avenir y compris en matière économique. Tel est le sens de cet appel.
La gravité de la situation l’exige : nous
tenons aujourd’hui à souligner ensemble en tant qu’économistes – pardelà nos sensibilités très diverses –
que des alternatives crédibles existent
pour sortir de l’impasse.
Le chômage, la précarité, la difficulté
à boucler ses fins de mois, marquent
la vie de millions de nos concitoyens.
Aux souffrances de la vie matérielle
s’ajoutent la perte d’espérance, le sentiment que l’avenir est bouché pour
notre pays et nos enfants. Les élections régionales ont, après bien
d’autres, sonné l’alarme. Les causes de
la désespérance sociale ne sont pas
qu’économiques, mais nul espoir ne
renaîtra si la donne ne change pas en
la matière.
Que faire ? Les partisans du libéralisme économique plaident pour réduire plus drastiquement encore la
dépense publique, démanteler le
droit du travail, remettre en cause la
pourtant si indispensable réduction
du temps de travail et diminuer le
coût du travail par la compression des
salaires et des prestations sociales.
Cette thérapie de choc a été appliquée
en Europe du Sud (Grèce, Portugal, Espagne…). Elle y a entraîné un effondrement de l’activité, une explosion
du chômage et de la pauvreté. La
dette publique elle-même s’est fortement accrue, la réduction du produit
intérieur brut (PIB) entraînant spontanément une contraction des recettes et une hausse du rapport dette sur
PIB. Les pays européens sont ainsi engagés dans une course mortifère à la
compétitivité par l’austérité dont
l’objectif se résume à prendre des
parts de marché et des emplois aux
pays voisins.
Il est temps d’abandonner cette politique qui conduit à l’enlisement sans
fin dans la crise. Pour répondre à l’urgence économique et sociale, redonner espoir aux classes populaires,
nous proposons à nos concitoyens,
aux mouvements associatifs, syndicaux et politiques, d’ouvrir un débat
sur la mise en œuvre d’un plan de sortie de crise autour de trois volets.
Un nouveau pacte productif à la fois
écologique et social Les besoins ne
manquent pas : investissements pour
réduire les émissions de gaz à effet de
serre (rénovation thermique des bâtiments, transports collectifs, énergies
renouvelables…) ; construction de logements ; programmes urbains afin
de mettre fin aux ghettos, de refaire
mixité et égalité ; nouveau pacte social en faveur de l’éducation, de l’hôpital, de la culture, de la sécurité et de la
justice ; aide aux personnes en perte
d’autonomie et accueil de la petite enfance. Non délocalisables, ces activités
permettraient de créer des centaines
de milliers d’emplois. Autour d’elles, il
est possible de retrouver le chemin
d’un nouveau type de plein-emploi
avec des emplois de qualité, sans discrimination selon le sexe ou l’origine.
La reconstruction sur de nouvelles
bases de notre économie suppose de
sortir de la logique du mépris généralisé. Des chômeurs soupçonnés d’être
responsables de leur situation, alors
que c’est l’organisation défaillante de
l’économie qui est fautive. Des pauvres suspectés d’être un fardeau social, alors que la société ne leur alloue
que de faibles ressources. Des fonctionnaires accusés de n’être pas productifs, alors qu’ils contribuent au PIB
IL EST TEMPS
DE REMETTRE EN CAUSE
CES RÈGLES
NÉOLIBÉRALES QUI FONT
QUE L’UNION EUROPÉENNE
EST DEVENUE
LE GRAND MALADE
DE L’ÉCONOMIE MONDIALE
et que leur production, les services
publics, permet de réduire massivement les inégalités. Des travailleurs
du privé accusés d’être des nantis indûment protégés par le droit du travail, alors que les conditions de travail
sont de plus en plus difficiles.
Cette reconstruction exige la mobilisation de l’ensemble de la société.
Les services publics qui demandent à
être pleinement réhabilités afin que
les fonctionnaires assument mieux
leurs missions d’intérêt général, de façon moins bureaucratique, en associant les usagers. L’économie sociale
et solidaire, indispensable pour le développement de biens communs,
pour que l’économie collaborative et
du partage qui se développe ne soit
pas synonyme d’« ubérisation », de
précarité aggravée. Les entreprises, où
les collectifs de travail, avec des salariés d’autant plus impliqués qu’ils
sont respectés et reconnus, doivent
être reconstruits contre les logiques
financières et spéculatives qui dominent aujourd’hui la plupart des
grands groupes et écrasent les soustraitants. Les cadres dirigeants, les
chefs d’entreprise, souvent étranglés
par les exigences des banques et des
actionnaires, doivent se dissocier de
la stratégie agressive du Medef pour
s’inscrire pleinement dans la transition écologique et sociale.
Un programme de soutien à l’activité et à l’emploi Les enquêtes auprès
des entreprises le montrent, ce sont
avant tout les carnets de commandes
dégarnis qui bloquent l’activité, l’emploi et l’investissement. Les besoins
ne manquent pourtant pas, nous venons de le voir. Afin de les satisfaire
nous proposons un programme de
soutien de 40 milliards d’euros par an,
financé pour une part par le redéploiement de sommes consacrées au
pacte de responsabilité, dont l’échec
en matière d’emploi et d’investissement est patent, pour une autre part,
par un recours à l’endettement, à l’instar de ce que n’ont pas hésité à faire les
Etats-Unis.
Les règles européennes ne permettent pas ces politiques de relance
C’est le dernier volet : il est temps de
remettre en cause ces règles néolibérales qui font que l’Union est devenue
le grand malade de l’économie mondiale. L’excédent commercial de la
zone euro s’élève à 3 % de son PIB, ce
qui témoigne d’une demande interne
clairement insuffisante. Cela justifie
une hausse des salaires et des prestations sociales, en particulier de l’ordre
¶
de 10 % pour les bas revenus. Cette
hausse devrait être plus importante
dans les pays qui accumulent des excédents commerciaux excessifs (8 %
du PIB en Allemagne, deux fois plus
qu’en Chine). L’introduction de l’euro
dans des économies hétérogènes et
sans mécanismes correcteurs a conduit à des déséquilibres majeurs.
L’euro est de facto sous-évalué pour
l’Allemagne, surévalué pour les pays
d’Europe du Sud dont la France. Les règles néolibérales actuelles demandent à ces derniers de regagner en
compétitivité par la déflation interne
(baisse des salaires et des dépenses
publiques), ce qui alimente leur récession, et partant, limite leurs investissements et donc leurs possibilités de
redressement.
C’est l’inverse qu’il convient à présent de promouvoir : la hausse des dépenses dans les pays excédentaires
permettrait de réduire par le haut les
déséquilibres commerciaux et de juguler les pressions déflationnistes
que la Banque centrale européenne
ne peut contrecarrer seule. Au-delà du
plan Juncker, qui n’est quasiment pas
financé, un véritable plan d’investissement européen, centré sur la transition écologique et déployé de façon
plus ample dans les pays en difficulté,
doit enfin voir le jour.
La France doit proposer cette réorientation à ses partenaires européens et notamment à l’Allemagne
(laquelle vient déjà d’engager plus de
10 milliards d’euros afin d’accueillir
les réfugiés). En cas de blocage, elle devra proposer aux pays qui le souhaitent (le Portugal, la Grèce mais aussi
d’autres, dont l’Italie et l’Espagne, ces
quatre pays représentant, avec la
France, plus de 50 % du PIB de la zone
euro) de s’inscrire dans un pacte de reconstruction faisant primer l’urgence
économique et sociale sur les règles
néolibérales.
Accompagnée de mesures visant à
réorganiser drastiquement les banques, à rompre avec la finance libéralisée et le dumping fiscal et social, y
compris au sein même de l’Union,
cette stratégie est la seule à même de
refaire l’Europe.
La France meurtrie a besoin d’un
nouvel horizon. La sortie du sombre
tunnel politique dans lequel elle est
engagée ne passe pas uniquement par
l’économie. Mais elle restera hors de
portée si l’on s’acharne à poursuivre
des politiques néolibérales qui creusent les inégalités, alimentent le désastre social. Il est temps de mettre en
œuvre une politique économique alternative. p
Michel Aglietta, Bruno
Amable, Philippe Askenazy,
Michael Assous,
Philippe Batifoulier,
Mathieu Beraud, Eric Berr,
Fréderic Boccara,
Mireille Bruyère, Gunther
Capelle-Blancard, David
Cayla, Virgile Chassagnon,
Gabriel Colletis, Laurent
Cordonnier, Benjamin Coriat,
Jézabel Couppey-Soubeyran,
Nathalie Coutinet, Thomas
Dallery, Hervé Defalvard,
Jean-Paul Domin, Ali Douai,
Gérard Duménil, Cédric
Durand, Anne Eydoux,
Olivier Favereau, David
Flacher, Anne Fretel, Jean
Gadrey, Jérôme Gautié,
Jérôme Gleizes, Mathilde
Guergoat-Larivière,
Jean-Marie Harribey,
Eric Heyer, Liêm Hoang-Ngoc,
Michel Husson, Sophie Jallais,
Florence Jany-Catrice,
Esther Jeffers, Thierry Kirat,
Agnès Labrousse, Thomas
Lamarche, Dany Lang, Edwin
Le Héron, Philippe Légé,
Jonathan Marie, Catherine
Mathieu, Jérôme Maucourant,
Matthieu Montalban
François Morin, Léonard
Moulin, Stefano Palombarini,
Corinne Perraudin,
Héloïse Petit, Mathieu Plane,
Dominique Plihon,
Jean-François Ponsot,
Thomas Porcher, Nicolas
Postel, Muriel Pucci,
Philippe Quirion,
Christophe Ramaux,
Gilles Raveaud, Antoine
Rebérioux, Sandra Rigot,
Sandrine Rousseau,
Laurence Scialom, Francisco
Serranito, Richard Sobel,
Henri Sterdyniak, Yamina
Tadjeddine, Nadine Thevenot,
Xavier Timbeau, Bruno Tinel,
Hélène Tordjman,
Aurélie Trouvé, Julie Valentin,
Daniel Vasseur, Sébastien
Villemot, Olivier Weinstein,
Michaël Zemmour
sont tous économistes
VU D’AILLEURS | CHRONIQUE
par j im al- khal il i
Les pays musulmans doivent redevenir une terre de sciences
L
es gouvernements musulmans ont
conscience du fait que la croissance économique, la puissance
militaire et la sécurité nationale dépendent des avancées technologiques. Nombre d’entre eux ont considérablement accru les financements en matière de
sciences et d’éducation ces dernières années. Malgré tout, aux yeux de nombreux observateurs – notamment occidentaux –, le monde musulman semble
préférer se tenir à l’écart des sciences
modernes.
Ils n’ont pas totalement tort :
les pays à majorité musulmane
investissent en moyenne moins
de 0,5 % de leur PIB dans la recherche et
le développement (R&D), cinq fois
moins que les économies développées.
Ils comptent en moyenne moins de
10 scientifiques, ingénieurs et techniciens pour 1 000 habitants, contre
40 dans le monde et 140 dans les pays
développés.
Pire encore, si, au sein de l’Occident dit
« des Lumières », un nombre
fâcheusement croissant de citoyens
aborde les sciences avec suspicion, voire
crainte, la science se trouve
confrontée à un défi unique dans
certaines régions du monde musulman :
elle y est considérée comme une construction occidentale laïciste, voire
athéiste. Trop de musulmans ont oublié –
ou n’ont jamais étudié – les brillantes
contributions scientifiques apportées par
les savants islamiques il y a un millier
d’années. Certains auteurs islamiques de
renom sont même allés jusqu’à considérer que les disciplines scientifiques telles
que la cosmologie mettaient à mal
le système de croyance de l’islam. D’après
le philosophe musulman Osman Bakar,
si la science se trouve attaquée, c’est
parce qu’elle « cherche à expliquer des
phénomènes naturels sans faire intervenir
aucune cause spirituelle ou métaphysique,
mais uniquement des causes observables
ou matérielles ». Il a bien sûr raison : chercher à expliquer les phénomènes naturels sans recourir à la métaphysique, tel
est précisément l’objectif de la science !
Mais il est difficile d’imaginer
une meilleure définition des sciences
que celle qui a été exprimée il y a presque mille ans par le savant perse et musulman du XIe siècle Abou Rehan Al-Biruni : « Il s’agit au sens général de la
connaissance, qui est poursuivie uniquement par l’homme, et qui l’est pour le bien
de la connaissance elle-même, car son acquisition est véritablement délicieuse et
diffère des plaisirs auxquels l’homme aspire dans ses autres quêtes. Car le bien ne
peut être suscité, et le mal ne peut être
évité, excepté par la connaissance. »
UN ÂGE D’OR À RÉINSCRIRE
Fort heureusement, de plus en plus de
musulmans seraient aujourd’hui d’accord avec cette définition. Beaucoup
s’indignent lorsqu’on les accuse d’être
culturellement et intellectuellement
mal équipés sur le chemin de la compétitivité scientifique et technologique.
Certains gouvernements augmentent
substantiellement leur budget de R&D.
Mais le simple fait d’investir
de l’argent ne résoudra pas tout le
problème. La compétitivité à l’échelle
mondiale exige bien plus que des équipements flambant neufs. Elle exige – et c’est
beaucoup plus important – de nourrir la
liberté intellectuelle, le scepticisme et le
courage de soulever des questions peu
orthodoxes dont dépendent les progrès
scientifiques. Si le monde musulman
doit un jour redevenir le centre
d’innovation qu’il était autrefois,
il serait utile de réinscrire dans la mémoire cet « âge d’or » musulman qui
s’étendit du VIIIe jusqu’à une bonne partie du XVe siècle. L’année 2021 marquera
le millénaire de la publication du Traité
d’optique d’Ibn Al-Haytham, l’un des textes majeurs de l’histoire des sciences. Rédigé plus de six cents ans avant la naissance d’Isaac Newton, cet ouvrage est
reconnu comme l’une des plus anciennes illustrations de la méthode scientifique moderne.
Parmi les plus célèbres épicentres de
cette période figure la « maison de la sagesse » de Bagdad, à l’époque la plus
grande bibliothèque au monde. Certes,
les historiens se disputent autour de sa
véritable fonction, mais ce débat est
moins important que la puissance symbolique qu’exerce encore aujourd’hui
cette demeure légendaire sur le monde
musulman.
Lorsque les chefs d’Etat du Golfe évoquent leur volonté de bâtir une nouvelle
« maison de la sagesse » pour plusieurs
milliards de dollars, ils ne se préoccupent pas du fait que l’édifice originel
n’ait été qu’une modeste bibliothèque
léguée par un vieil homme à son fils calife. Ils souhaitent simplement faire renaître l’esprit d’une libre quête de connaissance, esprit devenu absent de la
culture islamique, et qu’il est urgent de
ranimer.
Il est important de reconnaître combien les pays musulmans pourraient
contribuer à l’humanité
en nourrissant à nouveau cet esprit
de curiosité qui caractérise la quête
scientifique – aussi bien dans le but de
s’émerveiller devant une création divine
que de tout simplement
chercher à comprendre pourquoi
les choses sont ce qu’elles sont. p
Traduit de l’anglais
par Martin Morel
© Project Syndicate, 2016.
Project-syndicate. org
¶
Jim Al-Khalili est professeur
de physique théorique et dirige l’Initiative de
sensibilisation du public aux sciences à l’université de Surrey (Royaume-Uni)
8 | MÉDIAS&PIXELS
0123
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
Réflexions autour d’un site unique d’info publique
Une convergence entre Franceinfo.fr et Francetvinfo.fr est envisagée
Y
aura-t-il prochainement une seule offre
d’information publique
en ligne, au lieu de la
pluralité actuelle entre Francetvinfo.fr, édité par France Télévisions, et Franceinfo.fr, par Radio
France ? Selon nos informations,
l’hypothèse est clairement évoquée, à mesure qu’avancent les
discussions relatives au projet de
chaîne d’information en continu
du service public. Aucune décision
n’est toutefois prise à ce stade, précisent plusieurs sources.
Le site de France Info a été créé
en 1996 dans le prolongement de
la radio d’information en continu. Il a longtemps vécu dans
l’ombre de l’antenne, sans s’imposer comme une plate-forme de ré-
férence. Plus récemment, il s’est
repositionné comme un canal de
distribution de l’antenne, notamment en vidéo.
De son côté, Francetvinfo.fr est
une création ex-nihilo datant de
2011, lancée pour doter France Télévisions d’un site d’information
puissant. Le site s’est installé dans
le peloton de tête des plates-formes d’information, avec, en 2015,
plus de 7 millions de visiteurs uniques en moyenne mensuelle selon Médiamétrie.
Entre les deux sites existe une
sourde rivalité. France Info a mal
vécu la création de Francetvinfo.fr, qui semblait lui emprunter une part de sa marque. La
première revendique une légitimité historique sur l’information
LCI : premier feu vert pour le gratuit
« Les requérants n’étaient pas dans une situation d’urgence qui justifierait que la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel [CSA]
soit suspendue. » C’est ainsi que le Conseil d’Etat a justifié, mardi
9 février, son rejet du recours en référé déposé par BFM-TV contre
le passage en gratuit de la chaîne d’information LCI (groupe TF1).
Celui-ci a été décidé le 17 décembre 2015, mais doit devenir effectif d’ici au 5 avril. « La concurrence de LCI ne met pas en cause
l’équilibre économique de BFM-TV de façon suffisamment grave et
immédiate », selon le Conseil d’Etat. De plus, le passage de LCI en
gratuit « n’est pas irréversible », a-t-il souligné. En effet, BFM-TV a
également déposé un recours « au fond », qui devrait être tranché
au plus tard à l’automne.
en continu, quand la seconde
peut mettre en avant son essor rapide et son potentiel sur la vidéo.
Un élément nouveau pourrait
venir redistribuer les cartes : l’arrivée prochaine de la chaîne d’information du service public, annoncée pour septembre. Opérée
par France Télévisions, celle-ci
rassemblera des contenus issus
des différents médias publics,
dont France Info. Outre un probable canal TNT, la chaîne sera diffusée, de façon linéaire et délinéarisée, sur le site Francetvinfo.fr.
Un pas supplémentaire
Le site de France Télévisions diffusera donc pour partie des contenus estampillés France Info. Les
deux sites seront naturellement
conduits à collaborer davantage :
Francetvinfo.fr pourrait ainsi renvoyer du trafic à FranceInfo.fr,
comme aux autres partenaires du
projet (France 24, l’INA…)
Dès lors, pourquoi ne pas franchir un pas supplémentaire et envisager une convergence de ces
deux offres en ligne qui prétendent incarner l’information de
service public ? « Ce serait une erreur industrielle majeure et grave »
de ne pas l’envisager, justifie un
proche du dossier.
La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, était al-
L’arrivée, prévue
pour septembre,
de la chaîne
publique
d’information en
continu pourrait
redistribuer
les cartes
lée en ce sens lors de son passage
au « Club de l’économie » du
Monde, le 20 janvier. « Si on n’avait
pas créé cette chaîne d’information, Radio France aurait fait des
développements sur le numérique,
et France Télévisions aurait fait de
même, expliquait-elle. Là, on va le
faire ensemble. Ce qui m’importe,
c’est que l’on soit concrètement
plus efficaces, donc plus forts ensemble mais aussi plus économes
de l’argent public. »
Cette vision a une histoire. De
Bercy à la Rue de Valois, certains
plaident de longue date pour que
l’audiovisuel public rassemble ses
forces sur le numérique, où la convergence des formats gomme les
frontières entre médias (Francetvinfo.fr produit des textes,
Franceinfo.fr de la vidéo…). François Hollande lui-même y avait
fait allusion lors d’un discours
prononcé à la Maison de la radio,
en décembre 2013.
Parmi les avocats d’une telle
convergence figure par exemple
Louis-Cyrille Trébuchet, un polytechnicien passé par Radio France
et dont le cabinet de conseil, LCT,
collabore avec France Télévisions
sur le volet technique du projet de
chaîne d’information.
Pour le compte de Terra Nova, un
think tank proche du Parti socialiste, M. Trébuchet a corédigé
en 2015 un rapport qui qualifiait le
numérique public d’« offre fragmentée, cloisonnée, parfois redondante et confuse », identifiant « des
services qui se concurrencent, des
infrastructures techniques complexes et hétérogènes ». Les auteurs de
la note appelaient à développer
une vision « intégrée et ambitieuse » de l’offre numérique grâce
à « la coordination des actions et à
la mutualisation des ressources ».
Pour certains, le projet de chaîne
d’information doit être un catalyseur de cette évolution. Les dirigeants de l’audiovisuel public
sont invités à travailler ensemble
et échangent désormais au sein
d’un comité stratégique créé en
octobre 2015 sous l’égide du ministère de la culture.
Reste que si l’idée de rationaliser
l’offre publique d’information est
Un rapport de
2015 pour Terra
Nova qualifiait le
numérique public
d’ offre « parfois
redondante
et confuse »
séduisante, les difficultés concrètes sont importantes, de l’architecture technique à l’organisation, en passant par la compréhension par le public. Les dirigeants de l’audiovisuel public
semblent partagés entre la tentation de saisir un moment propice
aux avancées et la volonté de ne
pas compliquer un projet de
chaîne d’information au calendrier déjà serré.
Un élément sera déterminant :
la marque de la nouvelle chaîne
d’information, actuellement très
discutée. Deux options semblent
aujourd’hui sur la table : décliner la marque France Info, ou
créer une marque entièrement
nouvelle. Selon ce choix, l’urgence à modifier la structuration
actuelle sur le Web sera plus ou
moins grande. p
alexis delcambre
Facebook tancé par les régulateurs français
D I VERT I SS EMEN T
MÉD I AS
Le bénéfice de Viacom
s’érode nettement
La CNIL et la DGCCRF mettent le réseau social en demeure de modifier certaines de ses pratiques
Le marché français
du jeu vidéo croît
à nouveau
Le marché français du jeu vidéo est en croissance pour la
deuxième année consécutive.
Son chiffre d’affaires s’élèverait à 2,87 milliards d’euros
en 2015, soit 5,5 % de plus
qu’en 2014, selon l’étude publiée mardi 9 février par le
Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL). Après
un pic en 2008, le marché en
France avait atteint un plus
bas à 2,5 milliards d’euros de
chiffre d’affaires en 2013.
M
auvais karma pour Facebook. Après une
énorme déconvenue
en Inde, où il va être obligé d’arrêter son offre d’accès Internet low
cost, appelée Free Basics, le réseau
social américain vient coup sur
coup d’être épinglé en France par
la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)
et la DGCCRF, chargée de la répression des fraudes.
Après plusieurs mois d’enquêtes, la CNIL, qui avait lancé en 2015
une action conjointe avec quatre autres autorités en Europe,
dont les Pays-Bas et la Belgique, a
donné trois mois au réseau social
pour se conformer aux lois françaises sur la protection des données personnelles. A l’issue de
cette période, elle pourrait prononcer jusqu’à 150 000 euros
d’amende. Une sanction légère en
termes de montant, mais très
dommageable pour la réputation
de l’entreprise.
Cette amende pourrait être
d’ailleurs revue à la hausse en
fonction du moment où elle serait décidée. En effet, la loi pour
une « république numérique »,
qui sera discutée au printemps au
Sénat, s’apprête à renforcer l’arsenal des sanctions dont dispose la
CNIL, en portant leur montant
jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires total de l’entreprise concernée.
La CNIL a adressé de nombreux
reproches à Facebook. Le réseau
social est accusé de suivre les internautes à leur insu, même lorsqu’ils
ne sont pas inscrits sur le site, dès
lors qu’ils naviguent sur des pages
contenant le bouton « J’aime » ou
« Se connecter ». Sans s’exprimer
officiellement, Facebook considère qu’il s’agit là de pratiques généralisées sur Internet, l’ensemble
des sites Web utilisant des cookies,
ces programmes informatiques
qui tracent l’internaute, pour collecter de l’information.
Autre grief : Facebook rassemble
« des informations relatives aux
opinions politiques et religieuses
des internautes, ainsi qu’à leur
orientation sexuelle ». Là aussi, le
site de Mark Zuckerberg estime
qu’il s’agit seulement d’options.
Enfin, la CNIL reproche au réseau
social de combiner un tas d’informations personnelles collectées
sur le réseau ou ailleurs sur le Web,
sans permettre à l’internaute de
s’y opposer. De son côté, Facebook
pense informer correctement l’internaute sur ses pratiques.
Plus étonnant, la CNIL réprouve
aussi l’utilisation par Facebook du
Safe Harbor, cet accord transatlantique de transfert de données personnelles aux Etats-Unis, qui avait
été dénoncé le 6 octobre 2015 par la
Cour européenne de justice. Or, la
CNIL s’était jusque-là montrée clémente envers les entreprises recourant à ce régime juridique, en
leur accordant un délai, le temps
que soit négocié un nouvel accord.
Les Etats-Unis et l’Europe se sont
ainsi entendus sur une nouvelle
mouture du texte le 2 février, et se
sont donné trois mois pour en
peaufiner les contours. Facebook,
qui assure avoir trouvé des alternatives au Safe Harbor, est donc la
première société en Europe à être
mise en demeure sur le sujet. A la
CNIL, on indique que d’autres
plaintes relatives au Safe Harbor
sont en cours d’instruction.
Facebook se sent irlandais
Face à ce réquisitoire, Facebook
s’est contenté de dire qu’il « respectait la vie privée » et qu’il prendrait « contact avec la CNIL pour
discuter de l’ensemble de ces
points ». En réalité, le réseau social
pense dépendre des autorités de
régulation irlandaise, où il a installé son siège social.
En parallèle, la DGCCRF a elle
aussi émis son lot de griefs. Les
services anti-fraude avaient lancé
une enquête sur Facebook, à la
suite de la publication d’un rapport sur les réseaux sociaux par la
Commission des clauses abusives, une entité sous la tutelle de
Bercy. Selon la DGCCRF, le site s’arroge indûment le pouvoir de retirer des contenus des internautes
de manière « discrétionnaire ». Il
peut aussi modifier unilatéralement ses conditions d’utilisation,
et résilier ou modifier son système de paiement sans en informer l’utilisateur.
Facebook a deux mois pour se
conformer aux injonctions de la
DGCCRF. Après cette date, les services de Bercy pourront lui infliger
une amende de 15 000 euros, mais
surtout saisir un juge qui pourra
lui imposer des astreintes. Facebook s’est dit « déçu que la DGCCRF
ait choisi de faire cette annonce.
Nous étions engagés dans un dialo-
gue avec ses représentants pour répondre aux points soulevés. Nous
espérons pouvoir poursuivre ces
discussions », dit une porte-parole.
A Bercy, on assure avoir envoyé
une pré-injonction à Facebook et
lui avoir laissé le temps de modifier ses pratiques, ce que le réseau
n’a pas fait. p
sandrine cassini
Au premier trimestre de
l’exercice entamé début octobre, le bénéfice net du groupe
américain de médias Viacom,
dont le patriarche Sumner
Redstone vient de passer la
main, a chuté de 10,2 %, à
449 millions de dollars
(398 millions d’euros), et son
chiffre d’affaires a reculé de
5,6 %, à 3,15 milliards de dollars. Des résultats mal accueillis en Bourse, où l’action
Viacom dévissait de 21,48 %
mardi 9 février à New York.
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universités
&grandes écoles
ILLUSTRATIONS ALE + ALE
Les formations courtes
recherchées par les entreprises
Pour les bac +2 et bac +3, le marché de l’emploi est rassurant. Avec des possibilités d’évolution en interne
D
es voix s’élèvent pour souligner
la pression sociale qui s’exerce en
faveur des études longues, au détriment des formations courtes.
Il faudrait donc atteindre un niveau bac +5 pour réussir honorablement sa vie professionnelle… Résultat : une
majorité des diplômés des formations courtes –
brevets de technicien supérieur (BTS), diplômes
universitaires de technologie (DUT) en deux ans,
licences professionnelles ou bachelors en trois ou
en quatre ans – prolongent leurs études.
Est-ce que les formations courtes mènent difficilement vers un emploi ? Non. D’après la plus récente enquête du ministère de l’enseignement supérieur, 92 % des titulaires d’une licence professionnelle travaillent trente mois après l’avoir
décrochée. Pour les DUT, ce taux est de 88 %. Avec
même le plein-emploi qui leur est garanti dans les
secteurs de la santé et du social. Au total, selon
l’Insee, seulement 5,6 % des professions intermédiaires (de technicien à assimilé cadre) sont au
chômage. Les spécialistes notent même une importante demande, voire des pénuries, dans les
métiers techniques, ainsi que dans la banque et
dans les assurances, à ce niveau de formation.
Horizon souriant
Les emplois difficilement pourvus expliquent
en partie l’essor des licences professionnelles,
quasiment gratuites à l’université, et des bachelors dans les écoles de commerce privées, au coût
de 4 000 à 8 000 euros par an. Les écoles d’ingénieurs se sont mises, elles aussi, à proposer des ba-
chelors, à l’instar de l’Ecole des arts et métiers ou,
bientôt, de Polytechnique. Les spécialisations sont
conçues en liens avec les entreprises en fonction
de leurs attentes, et garantissent donc des débouchés. De leur côté, les responsables des DUT ou des
BTS s’efforcent, eux aussi, de répondre au plus
près aux besoins des entreprises de leur région.
Les professions intermédiaires sont donc recherchées. Certes, à l’embauche, les salaires sont
moins élevés que pour un bac +5. Mais, selon la
dernière enquête de l’IFOP pour Cadremploi, 48 %
des cadres actuels (dont un tiers de femmes) le
sont devenus par promotion interne ou à l’occasion d’un changement d’entreprise. Pour les formations courtes, l’horizon est donc, en général,
souriant. Qu’on se le dise ! p
martine jacot
des perspectives d’emploi
à bac +2 et à bac +3
Les DUT, les BTS et les bachelors
affichent de très bonnes
performances sur le plan
de l’insertion professionnelle.
PA G E 2
la licence pro, un pari
gagnant De la conception
des programmes au placement
des stagiaires, ce cursus
universitaire tisse des liens étroits
avec le tissu économique local.
PA G E 8
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Cahier du « Monde » No 22106 daté Jeudi 11 février 2016 - Ne peut être vendu séparément
2|
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| Formations courtes
Bac +2, bac +3
L’autre chemin
vers la réussite
BTS, DUT, licences pro, bachelor… Certaines formations
courtes affichent de très bons taux d’insertion
professionnelle. Et l’ouverture internationale de ces cursus
constitue un atout supplémentaire
Bachelor et BBA
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0123
Jeudi 11 février 2016
L
es formations de niveau master, à
l’université comme dans les grandes
écoles, occupent depuis longtemps le
devant de la scène. Pour nombre
d’étudiants, décrocher un diplôme à
bac +5 constitue le but ultime, le couronnement d’un parcours réussi et le sésame
pour accéder à l’emploi. Mais l’hégémonie des filières longues semble se fissurer. Des formations
dites « courtes » peuvent, elles aussi, offrir une
bonne insertion. Le succès des licences pro et l’irruption récente du bachelor montrent que les
choses évoluent.
Deux facteurs, notamment, peuvent jouer.
D’abord, la crise : la montée du chômage pousse les
étudiants à se préoccuper davantage des débouchés à l’issue de leur cursus. Et à se tourner vers les
filières qui assurent un emploi. Or, dans ce domaine, certaines formations courtes affichent des
performances très honorables. Selon la dernière
enquête du ministère de l’éducation, 92 % des titulaires d’une licence pro ont un emploi trente mois
après leur diplôme. Pour les diplômes universitaires de technologie (DUT), le taux est de 88 %.
« Les entreprises ont toujours eu d’importants besoins de compétences à bac +2 et à bac +3. Certains
métiers sont en pénurie, observe Sophie LengrandJacoulet, directrice de l’IUT d’Aix-Marseille, l’un des
plus importants de France, avec ses 5 600 étudiants répartis dans 23 départements. Pour nos licences pro, dans le tertiaire comme dans l’industrie,
le taux d’insertion oscille entre 85 % et 90 % dès la
sortie. Ce sont des profils très appréciés des recruteurs. » Même constat pour Frédéric Toumazet, vice-président à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée : « Notre offre très large de licences pro répond
bien aux attentes des employeurs. Nos diplômés
sont très demandés par les entreprises. »
La crise incite aussi les familles à se poser la question du coût des études. Et à arbitrer en faveur de
filières courtes, moins onéreuses. Un choix qui
permet de gagner aussi sur un autre tableau : le
jeune est rémunéré une ou deux années (voire
trois) plus tôt qu’avec un master. Au final, la différence est loin d’être négligeable.
Autre facteur d’évolution, l’ouverture internationale. Nombre d’étudiants observent la façon dont
s’organisent les études à l’étranger, notamment
dans les pays anglo-saxons. Ils constatent que
beaucoup de jeunes y entrent dans la vie active
avec un bachelor (l’équivalent d’une licence, mais
avec un contenu plus « pratique » qu’en France),
quitte à reprendre ensuite leurs études. Ce modèle
fait son chemin dans l’Hexagone. Car la perspective, après le bac, de s’engager dans un cursus de
cinq ou six ans, sans accès assuré à un emploi, décourage nombre de jeunes, même brillants. « Beaucoup préfèrent se fixer un objectif moins lointain,
quitte à prolonger après une première étape à
bac +3 », note Denis Boissin, directeur des bachelors de Skema Business School. Bien sûr, certains
voient dans ces formations courtes un moyen de
contourner les classes préparatoires. Les deux stratégies ne sont pas incompatibles.
En conséquence, nombre de responsables académiques réfléchissent au développement de formations courtes. La Conférence des grandes écoles a monté un groupe de travail sur la question.
« Les entreprises manquent de cadres de niveau in-
termédiaire, constate Arnaud Poitou, directeur de
Centrale-Nantes et responsable de ce groupe. Comment répondre à ce besoin ? Faut-il former, par
exemple, des assistants ingénieurs ? Et comment positionner nos écoles sur un marché international de
l’enseignement supérieur en forte croissance ? Le bachelor doit-il être la première étape d’une formation
d’excellence ? A nous de proposer aux étudiants,
partout dans le monde, des cursus qu’ils comprennent. En Afrique anglophone, par exemple, le modèle prépa-grande école est incompréhensible. »
C’est dans cette optique que les Arts et métiers ParisTech ont lancé récemment, avec plusieurs IUT,
un bachelor destiné à des profils techniques (bacheliers STI2D). Quant aux écoles de commerce,
leur offre de bachelors ne cesse de s’étoffer.
Les universités travaillent, elles aussi, sur les filières courtes. Elles sont conscientes que les entreprises ne trouvent pas assez de candidats titulaires d’un DUT, la plupart d’entre eux préférant prolonger leurs études. « Même dans les licences
générales, nous devons aider nos étudiants à acquérir des compétences professionnelles, indique
Achille Braquelaire, vice-président formation et
vie universitaire à l’université de Bordeaux. Et
nous essayons de les convaincre que le bac +5 n’est
pas la seule voie de réussite. »
Chargé d’études au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), Boris Ménard
tempère cependant le diagnostic : « Pour l’heure, la
primauté du bac +5 n’est guère remise en cause. Certes, il existe des emplois de niveau intermédiaire,
mais les perspectives de carrière y sont limitées. Un
La perspective de s’engager
dans un cursus de cinq ou
six ans, sans accès assuré à un
emploi, décourage nombre
de jeunes, même brillants
titulaire d’un BTS a peu de chances d’accéder à un
poste de cadre. Le plus souvent, les employeurs préfèrent miser sur les profils les plus qualifiés. »
En outre, l’insertion ne dépend pas seulement de
la durée des études et du niveau de sortie, mais
aussi de la spécialité de formation. « Aux niveaux
bac +2 ou bac +3, la filière santé et social tire toujours
son épingle du jeu avec seulement 2 % de chômeurs
trois ans après le diplôme », relève une note récente
du Cereq. Et, surtout, les stages et la proximité avec
les entreprises durant le cursus restent un facteur
majeur d’accès à l’emploi.
Certaines tendances de fond pourraient pourtant
améliorer encore le penchant pour les formations
courtes : le fort développement des emplois de services, la hausse des niveaux de compétences dans
les technologies de l’information et l’industrie en
général, l’essor de l’autoentrepreneuriat… Mais tout
cela ne donne guère d’indications sur les choix les
plus judicieux en matière de formation initiale. « Ce
qui est certain, c’est que les entreprises n’ont pas besoin de cadres supérieurs partout », souligne Sophie
Lengrand-Jacoulet. De son côté, Arnaud Poitou pose
la question clé : « Est-il vraiment nécessaire d’allonger sans cesse la durée des études ? » p
jean-claude lewandowski
Formations courtes |
0123
Jeudi 11 février 2016
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
|3
Jusqu’à 90 % de jeunes issus des filières pro ont un emploi
TAUX D’INSERTION PROFESSIONNELLE DIX-HUIT MOIS APRÈS L’OBTENTION DU DIPLÔME
EN 2012
DUT
82
Droit, économie, gestion
Entre Lens et Nîmes, les conseillers d’orientation
constatent des besoins différents, mais une même attirance
des lycéens pour les BTS ou les DUT
80
Sciences humaines et sociales
83
Sciences, technologie, santé
Licence professionnelle
90
Droit, économie, gestion
79
Lettres, langues, arts
82
Sciences humaines et sociales
89
Sciences, technologie, santé
BTS*
58
Dont mines, carrières,
génie civil, topographie
72
Dont génie civil,
construction, bois
66
Dont transformations
chimiques
65
Dont santé
Dont finance, banque,
assurance
Dont spécialités sanitaires
et sociales
80
71
69
*Taux d’insertion en 2014 des jeunes diplômés au cours de l’année scolaire 2012-2013
SOURCES : MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE, ONISEP
« Des pénuries dans
les métiers techniques »
| Les jeunes issus de formations courtes
sont aussi très recherchés dans la banque ou dans les
assurances, comme le note un spécialiste du recrutement
A
Y a-t-il un regain d’intérêt des
recruteurs pour les bac +2 ou bac +3 ?
Un certain nombre d’entreprises préfèrent recruter des diplômés à bac +2 ou
bac +3 qu’elles pourront former et faire
évoluer, plutôt que des titulaires de master qui auront de fortes exigences de salaire, de poste et d’évolution. Mais ce
mouvement est loin d’être général. Traditionnellement, en France, les bac +2 ou
bac +3 sont moins valorisés – en particulier lorsqu’il s’agit de formations techniques. Beaucoup de jeunes sont dirigés
vers des programmes courts par défaut,
parce qu’ils n’ont pas le niveau pour aller
jusqu’au master. En outre, il existe une
volonté politique d’orienter le plus
d’étudiants possible vers des filières générales. C’est un problème culturel. On
observe un double mouvement. D’un
côté, les entreprises ont tendance à accroître leurs attentes en termes de niveau de compétences. Mais dans le
même temps, soucieuses de limiter leur
masse salariale, elles se tournent vers
des profils moins diplômés.
Dans quels secteurs constate-t-on le
plus de besoins ?
Il existe d’importants besoins dans la
plupart des métiers techniques, dans la
production ou la maintenance, notamment. L’industrie peine à y recruter. Il y a
peu de candidats, en raison d’un manque
de vocations. La banque et les assurances
recrutent aussi beaucoup à bac +2 et +3.
Va-t-on vers des pénuries de compétences à ce degré de formation ?
C’est déjà le cas. D’autant que beaucoup
d’entreprises, du fait de leur pyramide
des âges, vont être confrontées à de
nombreux départs en retraite. Dans
« Se créer son marché »
Cependant, pour Patrick Méjean, il n’est pas toujours bon
d’élaborer des stratégies uniquement en fonction d’un recrutement supposé : « Chaque année,
on apprend que tel BTS ou tel DUT
va beaucoup recruter. Les jeunes
s’y précipitent et cela crée un taux
de pression tel qu’il devient plus
difficile d’y entrer et que des places
se libèrent dans d’autres formations sélectives. »
Dans l’orientation entre aussi
en jeu la mobilité des lycéens, faible dans le bassin minier, plus
importante à Nîmes. La culture
régionale influe aussi. Jean-Pierre
Renard regrette qu’à Lens les lycéens soient marqués par les fermetures d’usines très médiatisées. Résultat, « les formations
industrielles sont délaissées, constate-t-il, alors que nous avons des
PME et PMI prêtes à recruter des
chaudronniers ou des DUT en
génie mécanique, ou encore en
mesures physiques ».
De son côté, Patrick Méjean déplore le manque d’ambition de
certains lycéens dans le secteur,
en difficulté, de son CIO, une des
zones à urbaniser en priorité
(ZUP) de Nîmes. Parfois, il parvient à faire émerger un projet de
BTS en informatique à partir
d’une passion pour les jeux vidéo. Bien sûr, ceux qui ont une
véritable idée de ce qu’ils veulent
faire ont de meilleures chances
de réussir. Et pour les cursus qui
pourraient paraître trop ambitieux (BTS en arts appliqués, formation en design industriel,
image ou son, par exemple), il
conseille de « se créer le marché
soi-même ». Il prend l’exemple
d’une étudiante en arts appliqués
devenue ferronnière d’art. Enfin,
certaines formations gagnent à
être complétées, estime-t-il,
quitte à prolonger ses études par
une spécialisation. p
pauline sauthier
D2F ;8="8*AA$
(37G?$77
) A*?&"$A$?6 /4+
entretien
ntoine Lecoq est directeur
exécutif de Page Personnel,
cabinet de recrutement et
d’intérim.
Pour choisir leur voie, les lycéens
semblent assez bien informés sur
les secteurs qui recrutent. A Lens,
par exemple, « les BTS “gestion des
entreprises et administrations” et
les DUT en commerce sont en vogue », explique Jean-Pierre Renard,
directeur du CIO. Les formations
portant sur les services à la personne, le social ou le paramédical
(BTS esthétique-cosmétique, DUT
génie biologique), très demandées,
sont peu nombreuses dans l’ancien bassin minier. Mais ceux qui
y entrent ont des chances de trouver un emploi. A Nîmes, les futurs
étudiants sont attirés par les mêmes formations, mais d’autres secteurs comme le BTP, le tourisme
ou l’agriculture emploient aussi
des diplômés de BTS ou de DUT.
certains secteurs, il y a donc un problème de transmission des connaissances.
Quels profils les entreprises recherchent-elles aujourd’hui ?
Elles recherchent des candidats qui seront opérationnels rapidement. Elles apprécient les jeunes diplômés qui ont déjà
mis un pied dans l’entreprise, par le biais
des stages ou celui de l’alternance. Et elles
sont prêtes à investir sur leur formation.
Mais si les entreprises veulent des
diplômés à bac +2 ou bac +3, pourquoi
ne les rémunèrent-elles pas mieux ?
Il existe, en effet, un net écart de salaire
entre diplômés à bac +3 et titulaires d’un
master. Il est lié au niveau du poste. C’est
un problème, car cela dissuade beaucoup
de jeunes de choisir les formations courtes, ce qui entretient la pénurie de compétences. De plus, leur évolution professionnelle est souvent plus lente que celle des
bac +5. Dans les métiers techniques, il n’y
a pas toujours de passerelle vers des postes plus qualifiés. Alors que les commerciaux, eux, ont souvent accès à des progressions de carrière basées sur leurs résultats. Mais la sortie à bac +3 offre aussi
des avantages : on gagne sa vie plus tôt, on
a moins d’années d’études à financer.
Existe-t-il un « plafond de verre »
entre le niveau bac +3 et bac +5 ?
A bac +3, il peut être difficile et long
d’accéder à un poste d’encadrement. La
France attache encore beaucoup d’importance au diplôme initial. Sur ce point, les
mentalités n’évoluent guère…
Faut-il alors prolonger ses études ?
Il faut le faire à bon escient, en s’attachant à son objectif professionnel. S’il
n’est pas bien identifié, mieux vaut entrer
dans la vie active et décider ensuite s’il
faut vraiment reprendre ses études. p
propos recueillis par
j.-c. l.
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Filière services
59
Q
ue ce soit à Lens (Pasde-Calais) ou à Nîmes,
les conseillers d’orientation-psychologues
(COP) rencontrent de
nombreux lycéens qui envisagent des formations courtes en
vue d’un BTS, d’un DUT ou
d’une licence professionnelle.
Un des grands changements observés ces dernières années par
Patrick Méjean, directeur du centre d’information et d’orientation
(CIO) de Nîmes-Ouest, est justement l’importance prise par la licence professionnelle : « On parle
de moins en moins aux lycéens de
bac +2 et de plus en plus de bac +2
+1, pour ne pas les effrayer en disant bac +3 », explique-t-il.
Pour lui, la licence professionnelle est une bonne voie pour
ceux qui veulent avoir un profil
plus généraliste qu’après un BTS,
très spécialisé, ou un DUT. « Cela
vaut pour de futurs managers
mais aussi pour le jeune qui découvre une innovation technique
et va devoir, pour la valoriser, en
parler avec d’autres personnes occupant d’autres fonctions dans
l’entreprise », souligne-t-il. A ses
yeux, choisir une licence professionnelle, c’est aussi s’adapter
aux conventions collectives des
entreprises, de plus en plus calquées sur la réforme licencemaster-doctorat (LMD).
7
Filière production
Des différences régionales
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4|
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| Formations courtes
0123
Jeudi 11 février 2016
Bachelor
Les raisons d’un succès
Des labels
pour mieux
choisir
On compte plus d’une centaine de ces formations à bac +3 dans les écoles. Chez les
étudiants comme du côté des recruteurs, elles suscitent un engouement croissant
Passage en revue des critères
qui garantissent
la qualité d’un bachelor
L
a plupart des écoles de commerce et de gestion l’ont
adopté, plusieurs écoles d’ingénieurs s’y mettent, d’autres
filières s’y intéressent aussi.
En quelques années, le bachelor a conquis une place de choix dans
l’enseignement supérieur français.
On dénombre aujourd’hui plusieurs
centaines de ces bachelors. Et ce n’est sans
doute qu’un début. Les raisons ne manquent pas, qui expliquent cette ascension
fulgurante. Pour les étudiants, le bachelor
vient pallier les lacunes de l’offre traditionnelle des écoles. Jusqu’à une date récente, en effet, celles-ci n’offraient pas de
sortie vers l’emploi à bac +3 ou à bac +4.
C’est chose faite avec le bachelor. De plus,
à la sortie de ce cursus, les diplômés ont le
choix. Ils peuvent entrer dans la vie active
– quitte à reprendre leurs études plus tard,
par exemple en mastère spécialisé ou en
MBA – ou, cas le plus fréquent après un
bac +3, enchaîner sur un cycle « grande
école », voire un master universitaire.
« Le bachelor offre une troisième voie à
ceux qui ne sont attirés ni par la fac ni par le
cursus prépa-grande école. Il leur permet de
construire leur parcours par étapes »,
indique Claire Souvigné, directrice des
bachelors à l’Institut des hautes études
économiques et commerciales (Inseec) de
Paris. Les élèves y bénéficient des points
forts traditionnels d’une grande école : travail en petits groupes, suivi personnalisé,
proximité avec les entreprises – mais
avec un enseignement très concret et des
possibilités d’entrée rapide dans la vie
professionnelle.
Le bachelor bénéficie en outre d’une
grande souplesse : cursus en trois ou en
quatre ans, en français ou en anglais,
parcours à la carte, modalités variées – en
alternance à Sup de Co Montpellier, à
l’Inseec ou à l’Institut supérieur des scien-
A la sortie de ce cursus,
les diplômés ont le choix : entrer
dans la vie active ou enchaîner
sur un cycle « grande école »,
voire un master universitaire
ces, techniques et économie commerciales (Istec) de Paris, en validation des acquis
de l’expérience à Grenoble Ecole de management, etc. –, niveaux d’entrée divers
(après le bac, à bac +1 ou bac +2). Il existe
même des bachelors spécialisés (en entrepreneuriat à l’Institut de formation aux
affaires et à la gestion (IFAG) de Paris, en
design ou en tourisme à l’ESC Troyes, ou
en management du commerce de détail à
Neoma Business School).
Les recruteurs ont aussi de bonnes raisons d’apprécier le bachelor. Il répond à
leurs deux attentes prioritaires : trouver
des candidats rapidement opérationnels
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et ouverts sur l’international. L’enseignement met en effet l’accent sur la pratique
et la vie réelle de l’entreprise, avec une
large place accordée aux stages – souvent
d’une durée d’environ douze mois en
tout. Quant à la dimension internationale, elle est très présente dans tous les bachelors : cours en anglais, apprentissage
d’une troisième langue, échanges avec des
universités étrangères (avec souvent un
double diplôme à la clé), parcours sur trois
continents, par exemple. Cette ouverture
sur le monde est encore plus prononcée
pour les cursus en quatre ans, dits « bachelors internationaux », comme ceux de
Skema Business School, de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec, Cergy-Pontoise) ou de
l’Edhec Business School de Roubaix. « Nos
diplômés ont une vraie compétence, et ils
font preuve d’humilité. Résultat, ils sont
souvent recrutés sur des postes à responsabilités », assure Denis Boissin, directeur
des bachelors de Skema. « Et l’écart de salaire est souvent limité avec le niveau master, car les entreprises ont tendance à freiner sur les bac +5 », ajoute Claire Souvigné.
Les écoles trouvent leur compte dans
cette expansion du bachelor. Confrontées à une baisse drastique de leurs revenus, beaucoup voient dans ce programme un moyen de toucher un nouveau
public – celui des bacheliers et celui des
étudiants étrangers – et d’accéder ainsi à
de nouvelles ressources. « Le bachelor
n’est pas la poule aux œufs d’or que certains imaginent, tempère M. Boissin.
C’est un cursus qui réclame un accompagnement de haut niveau, même si des
économies d’échelle sont possibles. »
Autant d’éléments qui plaident en faveur d’une poursuite de la croissance du
bachelor. Plusieurs écoles de commerce
prévoient d’élargir leur gamme de « Ba »
et d’augmenter leurs effectifs. Quelquesunes, encore absentes de ce marché,
n’excluent pas de se lancer. Des écoles
d’ingénieurs proposent, elles aussi, des
bachelors. A la suite des Arts et métiers
ParisTech, qui ont lancé leur bachelor
en 2014, Centrale Nantes testera, à la rentrée, un « Ba d’ingénierie » à l’île Maurice,
par exemple. Ailleurs, Sciences Po et plusieurs écoles de design pourraient aussi
ouvrir le leur.
Reste que le niveau est très inégal entre
les différents bachelors, qui sont peu
contrôlés. Seuls quelques-uns possèdent
le visa du ministère de l’éducation. Si le
contenu et l’architecture du programme
sont des critères importants, la réputation
de l’école est aussi un élément à prendre
en compte. Tout comme le prix… p
Visa de l’Etat
A travers ce visa, le ministère de l’enseignement
supérieur valide le contenu de la formation, son
corps professoral et l’insertion professionnelle.
« Toutes les conditions sont alors réunies pour que
la formation se passe bien », affirme Jean-François
Fiorina, directeur-adjoint de Grenoble Ecole de
management. Cette validation n’est accessible
qu’aux écoles reconnues par l’Etat. Mais certaines
jouent sur les mots : elles peuvent être reconnues,
mais ne pas avoir obtenu de visa pour le bachelor… Pourquoi ce label est-il crucial ? « Avec un bachelor agréé par l’Etat, on peut envisager un master
et obtenir des équivalences avec d’autres diplômes,
français ou étrangers », explique Charlotte Fradet,
responsable du concours Ecricome Bachelor.
Appartenance à la CGE
Si l’école fait partie de la Conférence des grandes
écoles (CGE), c’est qu’elle a été reconnue par l’Etat et
respecte un certain niveau d’exigences, dans la pédagogie et l’accompagnement des étudiants notamment. Autre avantage, la formation offrira les
atouts des grandes écoles, comme le note Mme Fradet : « Les élèves bénéficieront du réseau d’entreprises, des professeurs et du rayonnement de l’école. »
RNCP
Le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) est une autre forme de reconnaissance par l’Etat. « Mais ce n’est pas le même niveau de reconnaissance que le visa », avertit M. Fiorina. Il garantit le degré de qualification d’un
diplôme à finalité professionnelle, mais pas sa teneur académique. Donc pour les titulaires d’un
bachelor sans visa de l’Etat, il ne garantit pas le
droit de continuer en master, ni les équivalences.
Equis, AACSB, AMBA
Les labels internationaux permettent aux écoles
d’afficher un certain niveau de qualité, d’accroître
leur notoriété et de grimper dans les classements.
On en compte trois principaux : l’européen Equis
(European Quality Improvement System), l’américain AACSB (Association to Advance Collegiate
Schools of Business) et l’AMBA (Association of Masters of Business Administration) d’origine britannique et axé sur les MBA. Une dizaine d’écoles en
France ont décroché ces trois labels.
Le label EPAS (pour EFMD Programme Accreditation System) valide une formation. « Pour les étudiants, ces labels offrent l’assurance que l’école est
internationale et qu’ils peuvent poursuivre leur parcours à l’étranger ; les échanges à l’international
sont facilités », indique Mme Fradet. p
jean-claude lewandowski
diane galbaud
Trois ou quatre ans ?
La première formule est plus répandue, la seconde plus internationale
C
ursus en trois ou en quatre ans ? Si les deux formats de bachelor coexistent, c’est le premier qui
domine assez largement. Avec
parfois des effectifs conséquents :
celui de Toulouse Business School
(TBS), le plus important en France,
compte plus de 1 450 inscrits.
Les deux modèles ont des vocations différentes – bien que proches. Le « Ba » en trois ans est un
cursus à la fois professionnalisant
et ouvert sur l’international. Celui
d’EM Normandie prévoit ainsi
deux semestres hors de l’Hexagone, et permet de suivre sa troisième année en anglais. A TBS, les
élèves peuvent effectuer leur scolarité à Barcelone ou choisir de
rester dans la Ville rose. « Notre bachelor est une formation à double
vocation : professionnelle et interculturelle », souligne Victor Gervasoni, le directeur du programme.
De son côté, le Ba en quatre ans
– souvent appelé « bachelor international » ou « global bachelor » –
accroît cette ouverture sur le
monde, et en fait l’axe de son programme. A l’Essec, les élèves du
Global BBA peuvent opter pour les
campus de Singapour ou de Rabat
(Maroc), et passent au moins un
an dans une université étrangère.
Asie ou Amérique latine
Ceux de l’Edhec se voient proposer plusieurs parcours, dont un
Global Business Bachelor sur trois
continents (avec UCLA aux EtatsUnis et Nanyang University en
Chine), et un autre avec une dernière année en Asie ou en Amérique latine. Le Ba d’EM Lyon inclut
entre deux semestres et deux ans
à l’étranger ; celui de Kedge, deux
années hors de France. Ce cursus
en quatre ans permet d’obtenir un
diplôme de niveau master 1.
Plusieurs écoles proposent les
deux formats. C’est le cas de l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec),
qui vient de relancer son cursus
en quatre ans. Le groupe ESC
Troyes offre également les deux
options, avec en prime deux Ba
spécialisés, en tourisme et en design. L’ESC La Rochelle propose
aussi une gamme étendue de bachelors, tout comme Neoma, avec
un cycle international et deux
autres en trois ans.
Certains Ba en trois ans misent
sur l’international. Celui de l’ESC
Dijon, sur le campus de Lyon, est
dispensé en anglais, tout comme
le Bachelor in International Business (BIB) de Grenoble EM. Quant
au Ba de Sup de Co Montpellier, il
permet de valider une année dans
une université étrangère, voire de
passer deux ans en Chine. p
j.-c. l.
Formations courtes |
0123
Jeudi 11 février 2016
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
Tous les concours pour accéder
aux écoles de commerce
Pour intégrer un bachelor, il faut généralement passer un concours. Seuls quelques établissements
recrutent sur dossier. Comment se repérer parmi les différentes voies d’accès ?
B
eaucoup d’écoles de commerce
organisent
leur
propre
concours, telles que les écoles
supérieures de commerce (ESC)
d’Amiens, de Clermont-Ferrand, de Rennes ou de Pau, ou encore l’Esiame, à
Cholet, et l’Ecole supérieure de commerce
et de management (Escem), à Poitiers et à
Tours. Si ces cursus sont accessibles sur
APB, ce n’est toutefois pas le cas pour la
majorité d’entre eux. Les candidats doivent alors se renseigner auprès des écoles
qu’ils visent pour connaître leurs modalités précises de recrutement.
Intégrer un bachelor est aussi possible
en se présentant à des concours communs qui regroupent plusieurs écoles.
Ils permettent au candidat de postuler à
toutes les écoles participantes en passant un seul concours. Ce dispositif accroît les chances de sélection, d’autant
que les coefficients diffèrent selon les
établissements. Ainsi, une épreuve mal
réussie peut-elle s’avérer rédhibitoire
pour une école, mais ne le sera pas forcément pour les autres. Ces concours,
également appelés banques d’épreuves,
sont au nombre de trois.
Atout +3
Atout +3 réunit huit écoles de commerce, membres de la Conférence des
grandes écoles (CGE) : l’Ecole atlantique
de commerce du groupe Audencia à
Nantes, l’Ecole de management (EM) de
Normandie, l’EM Strasbourg, l’ESC Dijon-Bourgogne, Grenoble Ecole de management, Sup de Co La Rochelle, Novancia Business School Paris et Télécom
Ecole de management d’Evry.
Le dispositif des banques
d’épreuves accroît les chances
de sélection : une épreuve mal
réussie peut être rédhibitoire
pour une école, mais ne le sera
pas forcément pour les autres
L’inscription se fait sur APB et ne
compte que pour un seul vœu. Le
concours comporte quatre épreuves
écrites : « raisonnement logique et
ouverture au monde », synthèse, QCM
d’anglais et QCM d’une seconde langue
vivante. Les épreuves orales consistent
en un entretien individuel et en une
épreuve d’anglais. Atout +3 offre plus de
1 200 places.
Des journées de présentation et de
préparation sont organisées dans plusieurs villes afin d’aider les candidats.
Des annales sont également disponibles
sur le site Internet de ce concours.
Bachelor EGC
Le concours EGC, qui regroupe un réseau d’écoles de gestion et de commerce
(EGC), offre 900 places sur 20 campus
différents, partout en France. L’inscription se fait sur APB, et l’étudiant choisit
le nombre d’écoles pour lesquelles il
veut concourir.
L’écrit comporte deux épreuves : un
QCM d’anglais et une épreuve de français d’analyse, de synthèse et de rédaction. Le candidat passe en outre un entretien de motivation dans chaque EGC
choisie. A noter : certaines proposent
une seconde épreuve de langue à l’oral.
Le site du concours propose des annales
des trois dernières années.
Ecricome
Ce concours permet de postuler à
trois écoles, sur dix campus différents :
ICN Business School (Nancy et Metz),
Kedge Business School (Avignon, Bastia,
Bayonne, Bordeaux, Marseille et Toulon) et Neoma Business School (Reims
et Rouen).
L’inscription se fait par la plate-forme
APB, sur laquelle l’élève doit préciser s’il
s’inscrit aux épreuves pour une, deux ou
trois écoles. Chacune vaut un vœu. Ecricome offre 830 places et tous les étudiants passent les épreuves écrites et orales. Si le candidat se présente aux trois
écoles, il passera les écrits dans un seul
campus, mais l’oral sur trois campus. Les
épreuves écrites sont le test d’aptitude à
la gestion des entreprises (TAGE) postbac
(QCM qui teste les aptitudes verbales et
le raisonnement logique) et un QCM
d’anglais. L’oral consiste en un entretien
de découverte (discussion avec un jury)
et une épreuve d’anglais. Ecricome propose des journées de préparation et des
annales sur son site Internet.
Il est possible d’intégrer un bachelor à
bac +1 ou bac +2. Les trois concours communs sont en effet ouverts aux étudiants à bac +1. En outre, certaines écoles
de commerce ouvrent leur deuxième ou
leur troisième année de bachelor aux
admissions parallèles.
Enfin,
quelques
établissements
(comme l’Inseec ou Skema Business
School, à Nice, par exemple) proposent
d’intégrer un bachelor en « deuxième
rentrée » ou en « rentrée décalée », en
janvier ou en février. Il s’agit de permettre à ceux qui souhaitent se réorienter à
l’issue du premier semestre de ne pas
perdre un an. p
erwin canard
Quatre pistes
de financement
Qui dit études « courtes » dit aussi, dans le cas
d’un bachelor, études « chères ».
Mais il existe des moyens pour diminuer la facture
I
l faut généralement compter entre
4 000 et 8 000 euros par an pour un
bachelor. Mais il existe des moyens
d’alléger ce coût. Passage en revue.
Prêts étudiants De nombreuses écoles
qui proposent des bachelors ont noué
des partenariats avec des banques pour
faciliter les prêts étudiants. Pour ces
emprunts, qui ne sont remboursés
qu’après la fin des études, les taux d’intérêt, toujours présentés comme « préférentiels », descendent rarement en
dessous de 1 %. Mais ils peuvent dépasser les 4 % si l’étudiant frappe seul à la
porte d’une banque. Des sites spécialisés comme Financetesetudes.com permettent de faire jouer la concurrence.
Se pose alors la question de la caution
solidaire pour obtenir ce prêt. Certaines
écoles, comme Sup de Co La Rochelle,
proposent à quelques élèves de se porter garantes. Ailleurs, les étudiants qui
n’ont pas une caution familiale peuvent
demander à bénéficier du dispositif de
« prêt étudiant garanti par l’Etat » d’un
maximum de 15 000 euros. Cinq banques y sont ouvertes : le Crédit mutuel,
la Banque populaire, le CIC, la Caisse
d’Epargne et la Société générale.
Bourses Si, dans certaines écoles,
comme par exemple à l’Ecole des hautes études commerciales du nord (Edhec) ou à la Montpellier Business
School, des prêts d’honneur sans intérêt peuvent être proposés, de nombreuses formations proposent aussi
des bourses. Dans les établissements
ayant obtenu un visa du ministère de
l’enseignement supérieur, une bourse
d’Etat du Crous est possible.
Mais les écoles peuvent aussi proposer
des bourses en interne. C’est le cas au
sein du groupe Institut des hautes études économiques et commerciales
(Inseec) où un « fonds de solidarité » bénéficie à « 1 % à 2 % des élèves », précise
Marion Guigue, responsable du développement des bachelors dans cette
école. Ces bourses, qui varient « entre
200 euros et 1 000 euros par an », sont
octroyées sur critères sociaux et académiques (assiduité, mérite, etc.).
Petits boulots « La plupart des étudiants
n’ont pas cours les vendredis. Certains
mettent donc à profit cette journée pour
travailler à l’extérieur », commente
Marion Guigue. Les petits boulots sont
de plus en plus favorisés par les écoles.
Dans certaines, la démarche est
d’ailleurs intimement liée au fonctionnement de l’école.
A l’Institut supérieur du commerce
(ISC) de Paris, « 20 % des étudiants en bachelor ont un job », explique Corinne
Rougeau-Mauger, la directrice du programme bachelor. Le planning des
cours, concentrés sur les matinées de la
semaine, le facilite. Originalité : l’ISC
Network, entreprise étudiante, est une
« agence d’intérim qui a pour mission de
trouver des jobs aux étudiants de l’ISC »,
indique encore Corinne Rougeau-Mauger. Son chiffre d’affaires est en
moyenne de 450 000 euros par an.
Alternance Enfin, si les stages rémunérés peuvent constituer un appoint bienvenu pour les étudiants, l’alternance
reste sans aucun doute la formule la
plus rentable. Car c’est l’entreprise d’accueil qui prend en charge la scolarité de
l’étudiant, auquel elle verse également
un salaire mensuel.
De nombreuses écoles proposent des
formules d’alternance en bachelor,
mais souvent à partir de la troisième
année, lorsqu’il est moins compliqué de
trouver une entreprise et lorsque les
stages à l’étranger sont terminés. Avec
un avantage supplémentaire : l’étudiant
peut espérer une embauche à l’issue de
son alternance. p
séverin graveleau
> 4 spécialisations
_ Commerce International
_ Communication et Marketing Digital
_ Management des Ressources Humaines
_ Gestion - Administration
> Admissions en 1re, 2e et 3e années
www.bachelor.esce.fr
10 rue Sextius Michel - 75015 Paris - Tél. 01 84 14 02 22
[email protected]
Etablissement d’enseignement supérieur technique privé.
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UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| Formations courtes
0123
Jeudi 11 février 2016
Des écoles d’ingénieurs
se lancent dans les bachelors
Ces établissements, dont Polytechnique, poursuivent deux objectifs : former des assistants ingénieurs et des managers
intermédiaires, que réclament les entreprises, et attirer davantage d’étudiants étrangers
A
près s’être déployé avec
succès dans les écoles de
commerce, le bachelor
fait son entrée chez les ingénieurs. L’école des Arts
et Métiers ParisTech en a
fait un diplôme professionnalisant en
trois ans qui cible les bacheliers en sciences et technologies de l’industrie et du
développement durable (STI2D). Les frais
de scolarité n’y sont que de 184 euros par
an. L’école a ouvert des filières sur ses
campus de Bordeaux-Talence (Gironde)
et de Châlons-en-Champagne en 2014 et
les proposera en septembre à Angers et à
Cluny (Saône-et-Loire), ainsi qu’en partenariat avec l’Ecole supérieure des technologies industrielles avancées (Estia) de
Bidart (Pyrénées-Atlantiques).
« Cette formation technologique généraliste répond à un besoin des entreprises
industrielles qui recherchent des assistants
ingénieurs et des managers intermédiaires, aptes à encadrer de petites équipes »,
explique Laurent Champaney, directeur
général adjoint des Arts et Métiers ParisTech. Au bout de trois ans d’études, les
étudiants pourront s’insérer dans le
monde professionnel ou continuer les
Arts et Métiers jusqu’au diplôme d’ingénieur, via un concours spécifique. L’école
mise sur l’insertion d’une partie des effectifs. « Si les étudiants optent à 100 % pour
la poursuite d’études, notre objectif initial
ne sera pas atteint. Comme ils doivent
suivre un stage chaque année, ce sera
l’occasion pour les entreprises de leur proposer des postes », ajoute M. Champaney.
Pour sa part, l’Ecole supérieure d’électronique de l’Ouest (ESEO) proposera à
la rentrée un bachelor « solutions numériques connectées », sur ses campus
de Paris et d’Angers ; les frais de scolarité
« Le système des classes
préparatoires n’est pas très
connu hors de l’Hexagone.
Ce nouveau cursus pourra
toucher des bacheliers français
qui s’inscrivent dans de grandes
universités étrangères »
Frank Pacard
directeur de l’enseignement et de la recherche
de l’Ecole polytechnique
seront respectivement de 18 000 et de
15 000 euros pour trois ans. « Les besoins
explosent dans le domaine du logiciel et
des objets connectés, et toutes les tâches
ne relèvent pas uniquement de postes
d’ingénieurs », indique Olivier Paillet, directeur général de l’école. Il voit un
autre avantage au bachelor : « Il sécurise
le parcours des élèves qui rentrent dans
les écoles post-bac comme la nôtre. Nous
nous inscrivons ainsi dans un cursus par
étapes, trois ans puis deux ans, comme
cela se fait dans beaucoup de pays. »
Tout comme les écoles de commerce, les
écoles d’ingénieurs souhaitent attirer des
étudiants étrangers en ouvrant des bachelors. Tel est l’objectif de l’Ecole polytechnique qui prévoit d’en créer un d’ici à 2018.
« Nous souhaitons attirer des élèves internationaux de très bon niveau, qui intègrent
les bachelors d’universités réputées dans le
monde après le bac. Le système des classes
préparatoires n’est pas très connu hors de
l’Hexagone. Le bachelor pourra toucher
aussi des bacheliers français qui s’inscrivent dans de grandes universités étrangères, une tendance qui ne se dessinait pas il y
a encore une dizaine d’années », observe
Frank Pacard, directeur de l’enseignement
et de la recherche. L’X conçoit son futur
bachelor non comme un diplôme de sortie, mais comme un tremplin vers des formations supérieures. « Il n’aura pas vocation à être une classe préparatoire pour Polytechnique, même ses diplômés pourront
candidater au cursus », ajoute M. Pacard.
La première promotion comptera une
quarantaine d’étudiants, puis la capacité
d’accueil progressera jusqu’à 160 places.
L’enseignement sera dispensé en anglais,
avec une sélection tôt dans l’année, pour
correspondre au calendrier international.
Ces nouveaux bachelors posent la
question de leur reconnaissance dans un
système français très normé. Polytechnique va déposer une demande pour que
son bachelor confère le grade de licence.
Le bachelor des Arts et Métiers est, lui,
inscrit dans Admission postbac (APB)
sous l’appellation « diplôme d’études supérieures en technologie ». « De nombreuses écoles d’ingénieurs délivrent déjà
un diplôme d’établissement qu’elles intitulent “bachelor” à l’issue de la première
année du parcours ingénieur. Cela donne
une lisibilité du niveau de leurs étudiants
à l’étranger, et permet leur admission
dans des échanges internationaux. Mais il
faudra consulter l’Etat pour déterminer
les grades correspondants », souligne Frédéric Fotiadu, président de la commission développement et partenariats de la
Conférence des directeurs des écoles
françaises d’ingénieurs (Cdefi).
Le bachelor est une nouvelle source de
revenus pour les établissements. « L’enseignement supérieur est un marché qui
connaît une croissance colossale dans le
monde. Dans de nombreux pays, les élites
ont un bachelor de niveau bac +4 », souligne Arnaud Poitou, directeur de L’Ecole
centrale de Nantes, qui pilote un groupe de
travail à la Conférence des grandes écoles
(CGE) sur le sujet. Centrale Nantes propose
ainsi sur son campus de l’île Maurice un
cycle payant, destiné aux étudiants étrangers, incluant un bachelor en quatre ans et
un master ingénieur en deux ans. Une
voie en deux temps qui pourrait inciter
d’autres écoles à s’y lancer. p
coralie donas
témoignage
«Nous mettons directement en pratique
tout ce que nous apprenons»
Wandrille Würz, 19 ans, est en deuxième année du bachelor
de technologie de l’Ecole des arts et métiers, après un DUT « génie
électrique en informatique industrielle »
BTS
ƒ Services Informatiques
aux Organisations
ƒ Systèmes Numériques
Bachelors
ƒ Responsable de la Sécurité
des Systèmes d’Information
et des Réseaux
ƒ Développeur/euse en Génie
Logiciel Web & Mobilité
ƒ Ville Numérique
& Développement Durable
Formation initiale et alternance
www.ecetech.fr
10 rue Sextius Michel 75015 Paris - 01 84 14 03 04 - [email protected]
Etablissement d’enseignement supérieur technique privé reconnu par l’Etat.
« CE BACHELOR, c’est
ma mère qui en a
entendu parler à la
radio. Je me suis alors
renseigné sur le site
de l’Ecole des arts et
métiers et j’ai regardé
une vidéo explicative.
C’était justement
la période des choix
d’orientation sur
DR
Admission postbac (APB).
J’étais en filière « sciences et
technologies de l’industrie et du
développement durable », STI2D,
au lycée à Monaco. J’hésitais entre
une classe préparatoire « technologie et sciences industrielles » et un
DUT « génie électrique et informatique industrielle », en vue d’entrer
ensuite dans une école d’ingénieurs.
Effectif idéal
Le bachelor des Arts et Métiers
a l’avantage de proposer un stage
chaque année et de nous permettre
de totaliser près d’un an
d’expérience professionnelle à la fin
du cursus. J’ai donc opté pour cette
voie. L’environnement m’a aussi
plu. La prépa se fait au lycée, le DUT
à l’université ; ici nous sommes
directement dans une école
d’ingénieurs. La sélection s’opère
sur dossier et sur entretien.
Une partie de l’échange se déroule
en anglais. Nous sommes une
promotion de 24 étudiants, ce qui
est un effectif idéal pour bénéficier
d’un suivi individualisé. Je ne
me serais pas imaginé dans un
amphithéâtre bondé où ma
présence et mon absence n’auraient
pas été relevées. Trois fois
par semaine, un mentorat est assuré
par des étudiants de l’école
d’ingénieurs. Cela nous permet de
combler des lacunes dans certaines
matières et également d’acquérir
des méthodes de travail très utiles.
L’anglais tient une place très
importante dans les cours et même
dans certains des projets que nous
devons réaliser. C’est vraiment
un atout, car cela nous permettra
de faire des stages à l’étranger
et éventuellement d’envisager de
travailler plus tard à l’international.
Le côté très appliqué de la formation
me convient parfaitement et m’aide
à me projeter plus clairement
dans mon avenir professionnel.
Je ne peux pas suivre des études
sans avoir une idée d’où je vais,
j’ai besoin d’objectifs à atteindre.
Dans la filière STI2D, j’avais choisi
la spécialité « énergies et
environnement », ce qui ne m’avait
pas donné l’occasion d’aborder
souvent les procédés de fabrication.
Ici, nous mettons directement
en pratique tout ce que nous
apprenons. A partir du dessin d’une
pièce, nous devons déterminer
les cotations, concevoir le modèle,
couler la pièce, l’usiner, en vérifier
la conformité.
Toutes les matières sont reliées
entre elles dans l’enseignement :
les mathématiques vont par
exemple être réutilisées en
mécanique ou en électricité.
J’ai suivi en 2015 mon premier stage
dans une entreprise de mécanique
de précision. Je voulais découvrir
ce domaine, mais je me suis rendu
compte que le travail ne
correspondait pas vraiment à ce que
j’imaginais. J’ai donc pu orienter
mon stage de deuxième année
dans un domaine tout à fait
différent puisqu’il se fera dans une
entreprise qui conçoit des
engrenages de très grande taille.
A l’issue de mon cursus,
je souhaiterais intégrer l’école
d’ingénieurs. Les stages m’aideront
à déterminer si je suis plutôt
fait pour continuer en alternance,
ou par la voie classique. » p
propos recueillis par
c. do.
Formations courtes |
0123
Jeudi 11 février 2016
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
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Quatre nouveaux venus
dans des secteurs prometteurs
De l’hôtellerie aux jeux vidéo en passant par le luxe, des bachelors originaux voient le jour dans des domaines en pleine
expansion. Ils mettent l’accent sur le management intermédiaire, l’international et l’évolution du marché
D
es bachelors tout neufs – ils
ont été mis en place à la rentrée 2015 ou bien ouvriront
leurs portes en septembre –,
dans des secteurs qui ont le vent en
poupe.
Istec « Même pour les postes de management intermédiaire, la dimension internationale est très demandée par les entreprises », estime Alain Fronteau, directeur du développement de l’Institut
supérieur des sciences, techniques et
économie commerciales (Istec, Paris).
Forte de ce constat, cette école de commerce propose depuis la rentrée 2015 un
bachelor international, au coût de
8 300 euros par an.
Les cours – vente, géopolitique, négociation, droit international des affaires,
fiscalité internationale, management
interculturel, etc. – sont entièrement
dispensés en anglais. En troisième année, les trente étudiants de cette première promotion pourront, au choix, aller passer un semestre en Irlande, sur
un campus de Dublin, ou choisir de s’expatrier en Chine pour approfondir leur
connaissance de ce marché.
Quels métiers peuvent viser ces diplômés ? « Commercial, ingénieur d’affaires, chargé des achats, chef de produit
export, courtier international », parfaitement au fait des codes et de l’évolution du marché chinois, pour ceux qui
auront choisi de se spécialiser sur ce
pays.
en poursuivant en master au sein de
cet établissement.
Ecole Ferrières Cette école, installée
dans un prestigieux écrin, le château
de Ferrières-en-Brie (Seine-et-Marne),
une ancienne propriété du baron de
Rothschild, a pour ambition de former
des jeunes à « l’excellence à la française » dans le domaine de l’hôtellerierestauration de luxe.
« En tant que professionnel de ce secteur, j’ai fait le constat que nous manquions de cadres, au point que nous allions chercher des diplômés d’écoles suisses pour perpétrer le savoir-faire à la
française, un comble ! », souligne Khalil
Khater, le directeur du groupe Accelis,
qui gère l’établissement. Le bachelor de
cette école se compose donc d’un tronc
commun d’enseignement, suivi d’une
spécialisation (hôtellerie, gastronomie
ou luxe) en dernière année.
Les cours sont assurés par de nombreux meilleurs ouvriers de France, et
les stages peuvent se faire dans des palaces. Cette excellence a un prix –
18 000 euros l’année, mais l’école peut
attribuer des bourses sur dossier.
Les titulaires de ce bachelor sont formés au management intermédiaire. Ils
peuvent ainsi devenir responsable de
salle, chef de réception ou second de
cuisine. Ils pourront également choisir
d’approfondir encore leur formation
e-artsup A la rentrée, e-artsup, l’école supérieure de la création numérique,
ouvrira trois nouveaux bachelors, à la
croisée du design et du numérique, en
partenariat avec l’école d’informatique
Epitech. Les bachelors « Game & Creative
Coding », « animation & 3D », et « Digital
Media » (cours dispensés en français, en
dépit des intitulés) seront lancés sur les
gramme : maîtrise des logiciels de création graphique, codage, mais surtout fabrication d’objets connectés et d’applications. « L’apprentissage se fera par la
pratique, autour de projets concrets, pour
former des diplômés immédiatement
opérationnels », insiste M. Becqueret.
Avec un coût annuel de 5 310 euros.
« Nous voulons former des gens
capables d’utiliser le code
et le design pour inventer
des expressions numériques
innovantes »
Nicolas Becqueret
directeur général d’e-artsup
sept campus d’e-artsup – Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes et
Toulouse. « Nous voulons former des
gens capables d’utiliser le code et le design pour inventer des expressions numériques innovantes dans ces domaines »,
explique Nicolas Becqueret, directeur
général d’e-artsup.
Ces formations s’adressent aux bacheliers passionnés de jeux vidéo, d’objets
connectés et d’animation. Au pro-
Sup de luxe L’Institut supérieur de marketing du luxe formait depuis presque
trente ans des professionnels du secteur
par le biais de MBA, mais ne proposait
pas de programme post-bac. C’est chose
faite depuis la rentrée 2015 : l’école de
Courbevoie (Hauts-de-Seine) a ainsi
lancé un bachelor pour les futurs commerciaux dans l’industrie du luxe.
« Nous répondons ainsi à la sollicitation
de nombreuses grandes marques qui nous
demandaient de créer une formation pour
donner envie aux jeunes d’aller vers les
métiers du commerce, fondamentaux
dans le domaine », indique Thibaut de La
Rivière, directeur de l’établissement.
L’enseignement allie cours sur le secteur du luxe (marketing, économie),
culture artistique, cours d’étiquette et
stages auprès de grandes marques. Ce
bachelor, pour lequel les étudiants doivent débourser 8 500 euros par an,
forme aux métiers d’acheteur, de commercial, de vendeur, de responsable de
magasin ou de responsable export. p
françoise marmouyet
Aux Etats-Unis,
la magie du
« bachelor degree »
M
ichelle Obama en a fait un
rap : « Go to college ! » Midécembre 2015, alors que
s’approchait la date limite
des inscriptions dans les universités, la
First Lady a diffusé un clip où elle danse
à la Maison Blanche, avec le comédien
Jay Pharoah. « Si tu veux aller loin et toucher des chèques, tu devrais aller à la fac
[college, en anglais] », scande-t-elle.
Objectif : encourager les jeunes de milieux défavorisés à entreprendre des
études supérieures. L’université est devenue un passage obligé. Il y a encore
une quinzaine d’années, le diplôme de
fin d’études secondaires permettait
d’accéder à des emplois solides qui
ouvraient la voie vers la classe moyenne.
Aujourd’hui, c’est plutôt un pas vers la
précarité. Sur trente emplois à croissance rapide, plus de la moitié nécessitent au moins le bachelor degree ou
« baccalauréat universitaire », un diplôme qui s’obtient généralement au
bout de quatre ans d’université. Les étudiants les plus pressés peuvent l’obtenir
en trois ans s’ils prennent des cours
pendant l’été. En 2014, 88 % des jeunes
âgés de 20 à 24 ans, titulaires d’un titre
universitaire avaient un emploi, contre
63 % pour les diplômés du secondaire.
Meilleurs salaires
Le bachelor degree garantit un salaire
deux fois plus élevé que celui qui attend les simples diplômés du secondaire (26 000 dollars soit 23 800 euros
de plus par an, a calculé l’université de
Berkeley). « L’éducation supérieure est
maintenant la voie la plus directe pour
accéder à la classe moyenne », souligne
la Maison Blanche. Malheureusement,
regrette-t-elle, les Etats-Unis ont été dépassés par leurs concurrents. En 1990,
ils étaient au premier rang mondial
pour la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur parmi les
25-34 ans. Aujourd’hui, le pays est à la
12e place. Seule la moitié des élèves issus de milieux défavorisés s’inscrit à
l’université (d’où le clip de Michelle
Obama). Un quart seulement obtient
un diplôme (la moyenne nationale sur
l’ensemble des étudiants est de 44 %).
Le bachelor degree est un véritable sésame pour l’entrée dans la vie active. Il
peut être délivré dans la catégorie
« arts » (BA) ou « sciences » (BS). Les
deux premières années sont des études
plutôt générales. Les deux dernières,
plus axées vers une spécialisation. Les
étudiants choisissent un major (santé
publique, arts plastiques, biologie, langues étrangères, sciences de l’ingénieur, informatique..) ou un double
major, pour les meilleurs, avec deux
matières principales. Pour recevoir le
diplôme, il leur faudra accumuler un
certain nombre d’unités de valeur (credits) dans des matières obligatoires et
des options.
Selon les données de la Maison Blanche, le coût moyen des frais de scolarité est de 17 000 dollars par an.
En 2014, 1,8 million d’étudiants ont obtenu un bachelor degree. Le rituel de la
cérémonie de graduation (remise des
diplômes) est bien connu. Discours de
commencement (celui de la vraie vie),
lancer de chapeaux vers le ciel, familles réjouies. Mais derrière « la
pompe et les circonstances » (du nom
de la marche d’Edward Elgar jouée
pendant la cérémonie), se profilent les
réalités. Les diplômés qui ont dû emprunter pour payer leurs études sortent de l’université avec 26 000 dollars
de dettes en moyenne. p
corine lesnes
(san francisco, correspondante)
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UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
0123
Jeudi 11 février 2016
Licences professionnelles
Un développement ciblé
Montées avec l’appui des entreprises, les licences pro attirent les diplômés d’un BTS ou d’un DUT.
Ils y affinent leurs compétences et se constituent un réseau qui leur permettra d’évoluer plus vite
A
nthony Thivolle avait
prévu d’arrêter ses études
en 2014, une fois obtenu
son BTS « négociation et
relation client ». Mais,
lorsqu’il a découvert
l’existence de la licence professionnelle
« métiers de la vente », proposée à l’Institut d’administration des entreprises (IAE)
de Lyon, il s’est dit que cette année de
formation supplémentaire donnerait un
meilleur élan à son début de carrière.
Pari gagné. En alternant les cours de
l’IAE avec un contrat de chargé de relations avec les entreprises auprès de l’IUT
Lumière-Lyon-II, il a élargi ses horizons.
« C’est le réseau de la licence qui m’a aidé
à décrocher cette mission », précise-t-il.
Outre un gros travail pour cerner les besoins des professionnels et promouvoir
l’IUT, il est aussi intervenu dans le coaching et la sélection des candidats. Cette
expérience a attiré l’attention d’un grand
cabinet de recrutement, qui lui a offert,
en septembre 2015, un CDI de consultant.
« Je n’aurais pas pu accéder à ce poste à la
sortie du BTS », estime le jeune homme.
A l’instar de ce diplômé lyonnais, nombreux sont les jeunes gens qui peuvent
se féliciter de leur passage en licence
professionnelle, ou « licence pro ». Créés
en 1999, ces cursus d’un an, alliant théorie
et missions de terrain, affichent 92 % d’insertion au bout de trente mois, d’après la
dernière enquête ministérielle, portant
sur les diplômés de 2012. Aussi se sont-ils
multipliés dans des domaines variés, de la
production agricole aux services à la personne, en passant par les transports ou le
commerce. Ils accueillent aujourd’hui
plus de 50 000 étudiants, contre 34 000
environ en 2005. Leur force : des partenariats étroits avec les entreprises, de la
conception des programmes au placement des stagiaires ou des apprentis.
« Si nous avons ouvert une licence de
technicien des opérations bancaires à la
rentrée 2015, c’est à la demande de la
profession, indique Corinne Montoya,
responsable de l’apprentissage à l’IAE de
Lyon. Les entreprises participent au comité de pilotage qui nous aide à organiser le cursus et interviennent dans 40 % à
50 % des cours. » Pour se développer, les
licences pro misent beaucoup sur le
tissu économique local. « Leur ancrage
territorial permet de décliner une vaste
gamme de programmes, des plus généralistes, en production mécanique par
exemple, aux plus spécialisés, comme la
licence consacrée au son et à l’image
dans le spectacle vivant à Nantes », observe Rodolphe Dalle, directeur de l’IUT
de Nantes et porte-parole du réseau des
IUT. Pour monter cette formation culturelle très pointue, son établissement a
pu compter sur le pôle d’industries
culturelles créatives (ICC) des Pays de la
Loire. « On vérifie régulièrement que les
besoins sont présents et on fait évoluer les
programmes », ajoute M. Dalle.
L’université de Bretagne-Sud, à Vannes,
s’est aussi adaptée aux besoins du marché. Alors qu’elle formait plutôt des
chefs de projet dans les années 2000,
capables de superviser la réalisation de
sites Internet, sa licence « e-commerce et
marketing numérique » se concentre
désormais sur l’animation Web visant à
attirer les internautes et à convertir leurs
visites en ventes. « L’enjeu actuel, pour les
entreprises, ce n’est plus tant d’être présentes sur la Toile que d’y être rentables »,
assure la responsable, Leïla Damak.
Pour les étudiants ayant suivi deux années en licence, ces cursus très professionnels sont un sésame pour la vie
active. Mais la majorité des effectifs des licences pro sont des détenteurs de BTS ou
de DUT qui souhaitent commencer leur
carrière dans de meilleures conditions.
« Les deux tiers de nos promotions sont issues d’un BTS hôtelier, les autres venant de
cursus en langues étrangères, en géographie ou de BTS tourisme, constate Régine
Davroux, responsable de la licence « direction des services d’hébergement en
hôtellerie internationale » à l’université
« Le secteur industriel
nous réclame à cor et à cri des
cadres intermédiaires formés
en licence pro. On pourrait
ouvrir davantage de places »
Rodolphe Dalle
porte-parole du réseau des IUT
de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Durant
l’année d’apprentissage, ils se confrontent
peu à peu aux questions de management,
de sorte qu’ils peuvent devenir chefs de
brigade une fois diplômés. » Et Corinne
Montoya d’ajouter : « On ne prépare pas
seulement les étudiants à un métier, on
les aide aussi à prendre de la hauteur sur
leur expérience, à travers notamment
leur mémoire de fin d’études. » Ceux qui,
dans le cadre de leur cursus, partent étudier à l’étranger progresseraient plus
vite encore dans leur carrière.
« Efficacité et culture générale : ce cocktail séduit beaucoup les PME », observe
Mme Damak. « A l’heure actuelle, on parle
beaucoup du besoin d’ingénieurs, mais le
secteur industriel nous réclame aussi à cor
et à cri ces cadres intermédiaires formés
en licence pro. On pourrait ouvrir davantage de places dans les parcours en logistique et en mécanique », ajoute M. Dalle.
Un certain nombre de diplômés vise
ensuite un master, souvent en alternance : c’est le cas de 32 % des détenteurs
d’une licence pro, d’après la dernière
enquête du ministère. p
aurélie djavadi
Bachelor ou licence pro, comment trancher ?
Parce qu’il favorise les liens avec l’entreprise et la dimension internationale, le bachelor est apprécié. Mais la licence
pro garde des atouts forts : c’est un diplôme reconnu, dont le coût est modéré. Le point sur ces deux formations
D
epuis la réforme licencemaster-doctorat (LMD)
engagée en 2002, de
plus en plus d’étudiants choisissent de continuer
leurs études après un bac +2. Et
les licences professionnelles,
longtemps seules sur le créneau
du bac +3 professionnalisant, doivent aujourd’hui faire avec la
concurrence, féroce et croissante,
des bachelors.
Si la licence pro, délivrée par les
universités et les instituts universitaires de technologie (IUT), est
accessible uniquement après un
bac +2 pour une formation en un
an, le bachelor, proposé dans les
écoles privées ou consulaires,
peut se commencer dès après le
bac, en trois ou en quatre ans.
Nombre de bachelors sont toutefois accessibles à bac +1 ou bac +2.
De là, une autre différence, non
moins importante pour qui hésiterait entre le bachelor et la licence
pro : celle de la spécialisation. Un
bachelor sur plusieurs années permet souvent de couvrir un spectre
plus large de connaissances et de
compétences professionnelles, la
spécialisation métier n’ayant lieu
qu’en dernière année. Les possibles débouchés professionnels
s’en trouvent élargis. Alors qu’une
formation accessible seulement
après un bac +2 – licence professionnelle mais aussi bachelor en
un an – se concentrera sur la spécialisation métier.
2 000 spécialités
Point commun de ces deux formations : la prise directe avec le
monde de l’entreprise, qui garantit à chacune de bons taux d’insertion professionnelle. Ces deux
cursus sont toujours en adéquation avec le marché du travail car
co-imaginés, et souvent co-enseignés, avec les professionnels d’un
secteur. Ce lien fort avec le
monde professionnel se traduit
aussi par l’accent mis dans les
deux cas sur les stages en entreprise et par le nombre de spécialisations – plus de 2 000 en licence
professionnelle.
Pour ceux qui hésitent encore,
la dimension internationale est
également à prendre en compte.
Bien que présente en licence pro,
elle demeure la véritable marque
de fabrique des bachelors. Ils proposent parfois, dès la première année, des enseignements en langues étrangères. Sans oublier les
stages à l’étranger qui, fidèles à la
culture des écoles privées, font
souvent partie intégrante du cursus. Mais si le concept de bachelor
est familier à l’étranger – surtout
dans les pays anglo-saxons –, en
France, ce diplôme n’est pas reconnu par le ministère de l’enseignement supérieur, contrairement à la licence pro. Le jeune intéressé par un bachelor devra
donc être attentif aux visas, labels
et autres reconnaissances internationales des formations visées.
Dernière différence, mais de
taille : les frais de scolarité. Il faut
compter entre 4 000 euros et
8 000 euros par an en moyenne
pour un bachelor… contre environ 300 euros de frais d’inscription pour la plupart des licences
professionnelles. p
séverin graveleau
Formations courtes |
0123
Jeudi 11 février 2016
IUT et STS
Les deux voies de la
démocratisation
du supérieur
Le ministère veut faire progresser la part des bacheliers
« pros » en STS et des « technos » en IUT. Quitte à mettre
en place un système de quotas
P
our élever le niveau de formation des jeunes, il faut
améliorer la réussite dans le
supérieur des bacheliers
professionnels et, dans une
moindre mesure, technologiques. Fort de cette conviction, le ministère de l’éducation et de l’enseignement
supérieur a lancé une politique volontariste pour orienter davantage les premiers
vers les sections de technicien supérieur
(STS) des lycées et les seconds vers les instituts universitaires de technologie (IUT).
Et les recteurs ont été appelés à faire respecter des quotas.
Tout est parti d’un constat : les bacheliers professionnels constituent
aujourd’hui près de 30 % du total des bacheliers. Si la France veut atteindre les
50 % d’une classe d’âge diplômée du supérieur, comme son gouvernement le
souhaite, ce sont ces jeunes-là qu’elle
doit pousser vers le supérieur. Les ba-
cheliers « pros » demandent à 80 % des
STS où ils réussissent le mieux. Mais
souvent, ils se voient refuser des places
au profit de bacheliers technologiques.
Ils se replient alors sur l’université où ils
échouent massivement.
Pour le ministère, il faut donc remettre
de l’ordre dans un système brouillé : offrir
davantage de places aux « pros » dans les
STS, présentées comme leur filière de
réussite par excellence, et inciter les
« technos » à préférer les IUT, leur débouché naturel. Les STS et les IUT restent ainsi
des voies privilégiées de démocratisation
du supérieur, avec une évolution récente :
dans les IUT, la grande majorité poursuit
désormais après le diplôme universitaire
de technologie (DUT), rejoignant en priorité des licences professionnelles.
La loi du 22 juillet 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche a introduit
des quotas – des « pourcentages minimaux » fixés par les recteurs – pour vain-
cre certaines réticences. Les STS, implantées dans les lycées généraux et technologiques, aiment garder leurs bons élèves
des séries technologiques. Les IUT, eux,
n’ont pas envie de renoncer à leurs bacheliers généraux au profit de « technos » qui
réussissent moins bien.
Le ministère se félicite de certains progrès au sein des STS. A la rentrée 2015, les
bacheliers professionnels représentaient
38,9 % des nouveaux entrants (une
hausse de 1,4 % par rapport à 2014), aux
côtés de 43,5 % de bacheliers technologiques et de 17,6 % de généraux. « C’est la
preuve que cette politique fonctionne,
commente un spécialiste du dossier au
ministère, mais il faudrait gagner encore
4 ou 5 points. »
Pour certains proviseurs, ce système
a des limites. « Il ne suffit pas de demander d’adapter la pédagogie des BTS aux
bacheliers professionnels pour les faire
mieux réussir, estime Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDENUNSA, le syndicat majoritaire des chefs
d’établissement. A un moment, il faudra se poser la question de l’adéquation
des lycéens professionnels au supérieur
et revoir leur cursus. »
Les résultats dans les IUT sont, eux, jugés décevants avec un léger tassement
en 2015 de l’admission de bacheliers
technologiques. « Ils représentent à peine
31 % des primo-entrants, contre 67 % de
bacheliers généraux et 2 % de professionnels, constate-t-on au ministère. Or si l’on
arrivait à un rapport de 60 % - 40 %, le
modèle des IUT ne s’effondrerait pas. »
Certains directeurs traîneraient les
pieds. Mauvais procès, répliquent les intéressés. « Nous sommes tous convaincus de
la nécessité d’accueillir davantage de bacheliers technologiques, assure Laurent
Gadessaud, vice-président de l’Association des directeurs d’IUT (Adiut) et directeur de l’IUT de Créteil-Evry. La preuve en
«On ne valorise pas
assez l’insertion
à court terme»
Alors que 80 % des titulaires d’un DUT
choisissent de continuer leurs études,
le rôle des IUT est-il toujours le même ?
En cinquante ans, le public de l’enseignement supérieur a changé, les écoles et
formations à bac +5 ont diversifié leur recrutement, en y intégrant de plus en plus
d’étudiants d’IUT. Si nous proposons de
renforcer certaines compétences pour
leur permettre de continuer leurs études,
notre objectif premier reste de leur donner les compétences nécessaires à leur insertion rapide sur le marché du travail.
Une certaine pression sociale poussant
aux études longues fait qu’on ne valorise
pas assez l’insertion à court terme
aujourd’hui. Les DUT sont un tremplin,
une première marche dans l’enseignement supérieur, pour des élèves issus de
classes socioprofessionnelles inférieures
et moyennes souhaitant sécuriser leur
parcours. S’ils entrent en IUT, c’est
d’abord parce que nous proposons une insertion rapide. Puis ils découvrent qu’ils
peuvent être plus ambitieux et continuer.
Les IUT ont donc vocation à être toujours en phase avec le marché du travail.
Comment s’y adaptent-ils ?
Les programmes pédagogiques nationaux de nos différentes spécialités évoluent régulièrement. La dernière réforme
a eu lieu en 2013, avec deux objectifs :
s’adapter aux nouveaux publics et décliner l’ensemble de nos programmes sous
forme de compétences, pour renforcer le
lien avec les secteurs économiques correspondants. Ces programmes sont élaborés au sein de commissions pédagogiques nationales composées, entre autres,
Quelles sont les perspectives pour
le management intermédiaire ?
Lors de son université d’été de 2015, le
Medef a signé une convention et un appel
à projets pour développer des formations
menant à des emplois de niveau intermédiaire. La pression sociale qui pousse aux
études longues, et on a aujourd’hui dans
l’entreprise des salariés avec des compétences de niveau bac +5 et, d’autre part,
des salariés avec des compétences d’exécution. Le niveau intermédiaire a été délaissé. Il est difficile de trouver des gens capables de faire le lien entre approche théorique – celle des bac +5 – et niveau
pratique. C’est le rôle du management intermédiaire. Les diplômés d’IUT ont les
compétences adéquates pour cela, grâce
aux 40 % d’enseignements pratiques
qu’ils ont reçus. A bac +2 et bac +3 – les IUT
sont porteurs d’environ deux tiers des licences pro –, le niveau de qualification que
nous proposons reste recherché. p
propos recueillis
par s. gr.
est que, dès 2013, nous avons réformé nos
programmes pour correspondre aux filières technologiques rénovées du lycée. Et
nous sommes passés ces dernières années
de 26 % à 30 % de bacheliers technos ». Il attribue le tassement à « une série de microexplications ». D’abord, explique-t-il, la
concurrence est de plus en plus forte pour
attirer les bacheliers technologiques. Ces
derniers sont par ailleurs moins de 25 % à
demander un IUT en premier vœu sur le
portail admission post-bac (APB). Enfin,
certains professeurs de lycées technologiques décourageraient leurs élèves en leur
parlant de la forte sélectivité des IUT.
« Dès 2013, nous avons
réformé nos programmes
pour correspondre aux filières
technologiques du lycée.
Nous sommes passés de 26 %
à 30 % de bacheliers technos »
Laurent Gadessaud
vice-président de l’Adiut
et directeur de l’IUT de Créteil-Evry
L’Adiut est par ailleurs hostile aux quotas – « des mesures de coercition contreproductives », juge M. Gadessaud. « Ce
qui marche, poursuit-il, c’est lorsque
nous dialoguons avec les recteurs et que
nous fixons les chiffres des bacheliers généraux et technos que nous voulons recruter dans chacun de nos départements. » A cet égard, les filières sont très
inégales : s’il est facile de trouver des
« technos » en « techniques de commercialisation », on manque de candidats
pour « mesures physiques ». A l’approche de la fin du quinquennat, le ministère ne fait plus dans la nuance et réclame des résultats. p
véronique soulé
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de représentants du patronat et des salariés du secteur d’activité. Elles évaluent
ensuite chaque département et chaque
IUT à partir d’indicateurs chiffrés sur le recrutement ou l’insertion professionnelle,
et grâce à des visites. Ces mêmes professionnels – recruteurs potentiels – assurent 20 % à 25 % des cours. Les enseignements collent donc à la réalité du terrain.
Ces programmes nationaux constituent
80 % des programmes pédagogiques finaux. Les 20 % restants sont adaptés au
tissu économique local. A Saint-Nazaire
par exemple, la formation « génie civil et
construction durable » comprend des
modules sur les ouvrages marins. Enfin,
l’alternance concerne 15 % à 20 % de nos
étudiants. Nous avons ainsi un retour permanent des entreprises sur nos formations et nos étudiants. Tous ces éléments
nous permettent d’être très réactifs.
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e n t r e t i e n | Le président de l’Assemblée des
directeurs d’IUT expose les enjeux de ces établissements
ernard Lickel est directeur de
l’institut universitaire de technologie (IUT) Robert-Schuman à
Strasbourg et président de l’Assemblée des directeurs d’IUT (Adiut) depuis mai 2015.
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
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UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
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0123
Jeudi 11 février 2016
Des postes à pourvoir et de
belles carrières en perspective
Webmestre, cuisinier, conducteur de travaux: autant de métiers qui peinent
à recruter. Une carte à jouer pour les titulaires de DUT ou de BTS
C
ertains secteurs économiques manquent particulièrement de bac + 2. De ce
fait, les perspectives
d’insertion y sont rapides
pour les jeunes diplômés.
Numérique
En pleine expansion, le numérique est
très friand d’ingénieurs, mais les titulaires d’un BTS ou d’un DUT ont aussi une
carte à y jouer : de 5 000 à 10 000 étudiants à bac +2 ou bac +3 seraient recrutés
chaque année, selon une estimation de
l’association Munci (l’association professionnelle des informaticiens). Ils peuvent
briguer des postes de technicien de maintenance, d’administrateur de réseau,
d’analyste d’exploitation, de webmestre
ou de développeur. « Le manque de développeurs est le plus criant, car les langages
de programmation évoluent très vite et il y
a de plus en plus d’applications », observe
Marie Prat, consultante en enseignement
numérique et présidente d’honneur du
Cinov-IT, chambre professionnelle des
TPE et PME du numérique.
Globalement, l’insertion est rapide : les
trois quarts des titulaires de BTS et de
DUT en informatique sont en poste un an
après leur diplôme, selon l’association
Munci. En termes de salaire, les bac +2
peuvent espérer à leurs débuts 22 000 à
28 000 euros en moyenne par an
(30 000 euros ou plus avec une licence
pro). « Ce sont des profils bien formés techniquement et adaptés au pragmatisme des
entreprises. S’ils sont talentueux, on peut
très vite les faire travailler sur des projets
de haute technologie », précise Philippe
Hedde, directeur général de NextiraOne
France et vice-président du syndicat
professionnel Syntec Numérique.
Après cinq ans d’expérience environ,
les étudiants à bac +2 ou bac +3 peuvent
décrocher un poste de chef de projet informatique. Dans les petites entreprises,
l’évolution peut être très rapide, comme
le souligne Marie Prat : « Le travail y est
moins cloisonné. Les BTS et DUT peuvent
assumer plus de responsabilités et accéder à davantage de projets. » Dans ce
champ en mutation permanente, l’autoformation aide à acquérir de nouvelles
spécialités. « Il existe beaucoup de passerelles entre les métiers : un architecte de
réseaux peut par exemple évoluer vers les
métiers d’architecte des systèmes d’information ou d’expert en cybersécurité »,
indique encore Mme Prat.
Les activités qui ont le vent en poupe
relèvent de technologies émergentes
(manageur ou analyste de données, expert du cloud computing, des systèmes
embarqués, des objets connectés, etc.),
ou d’évolutions de marché (développeur
Web et mobile, Web designer, community manager, expert en cybersécurité). Tous les secteurs sont concernés,
comme le résume Philippe Hedde :
« Aujourd’hui, il n’y a pas de productivité
ni d’innovation sans numérique. »
Hôtellerie-restauration
D’après un rapport de la Direction de
l’animation de la recherche, des études
et des statistiques (Dares), 375 000 postes
seraient à pourvoir dans les métiers de
l’hôtellerie et de la restauration pour la
période 2012-2022. Le secteur peine
pourtant à recruter et les diplômés des
BTS hôtellerie-restauration – environ
2 800 inscrits chaque année, dans les
deux options, « gestion hôtelière » et
« art culinaire » – sont prisés : « Ils trouvent un emploi dès l’obtention de leur diplôme », estime Michel Lugnier, inspecteur général de l’éducation nationale
pour le secteur.
Si 60 % des diplômés de ces BTS sont
issus d’un bac technique ou professionnel, 40 % ont rejoint ces formations avec
un bac général, mais après une « mise à
niveau » obligatoire d’un an. Pour quels
métiers ? Réceptionniste, serveur, chef
de partie, cuisinier, avant d’accéder à des
postes d’encadrement comme chef de
cuisine ou responsable de personnel.
L’hôtellerie-restauration fait face à un
problème de fidélisation de ces nouvelles
recrues : au bout de quelques années d’activité, nombre de jeunes voguent vers
d’autres horizons. A cela, plusieurs raisons : « Les contraintes de ces métiers, et les
conditions de travail très dures dans certaines entreprises », avance Cyrille Jeannes,
président de l’Association française des lycées d’hôtellerie et de tourisme (Aflyht).
« C’est un secteur où l’on apprend par la
pratique, où il faut accepter de passer quelques années au bas de l’échelle avant de
monter en grade, même si l’on est qualifié ;
certains se lassent », ajoute Stéphane Pille,
qui dirige un cabinet de recrutement spécialisé. Les titulaires d’un BTS peuvent, selon lui, espérer débuter avec un salaire net
de 1 500 euros, et ont toutes les chances de
gravir les échelons par la suite.
Bâtiment et travaux publics
(BTP)
Dans ce secteur, les bac + 2 sont particulièrement prisés par les entreprises. « Il
y a un besoin croissant de recrutements
sur ces niveaux-là », constate Véronique
Chauvin, responsable de l’Observatoire
des métiers du BTP. Au total, une dizaine
de BTS préparent aux métiers du BTP,
parmi lesquels le BTS « bâtiment », le
BTS « travaux publics » ou encore le BTS
« constructions métalliques ».
Les DUT dont quant à eux au nombre
de deux : le DUT « génie civil-construction durable » et le DUT « génie thermique et énergie ». L’insertion professionnelle se révèle relativement rapide : sept
mois après la fin de leurs études, 65 %
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« Un chef de chantier peut
démarrer à 28 000 euros par an,
mais en deux ou trois ans,
on passe à 31 000 euros,
puis au bout de dix ans
à 35 500 euros »
Véronique Chauvin
responsable de l’Observatoire des métiers du BTP
Tendance forte, les postes d’encadrement (chef de chantier ou conducteur
de travaux) continuent à se développer
dans le BTP, au bénéfice des jeunes diplômés (de bac +2 à bac +5). Véronique
Chauvin précise : « Nombre d’entreprises
ont plus besoin d’encadrement que de
production, qu’elles sous-traitent. Les
chefs de chantier doivent être capables
de gérer plusieurs chantiers et des soustraitants. En parallèle, les évolutions
technologiques et réglementaires nécessitent des connaissances techniques plus
poussées. »
Parmi les nouveautés, figure notamment le BIM (building information modeling, ou « modélisation des données
du bâtiment »), qui utilise des maquettes en 3D interactives pour concevoir
un projet de construction ou de rénovation. Cette technologie a fait naître une
profession, BIM manager, qui nécessite
des compétences numériques très spécifiques. Autre mutation, la mise aux
normes liée à la transition énergétique
implique de nouveaux procédés (isolation des bâtiments et économie d’énergie ou gestion des déchets). Des évolutions qui s’appuient sur une élévation
générale des compétences. p
diane galbaud et
françoise marmouyet
DUT et BTS, deux diplômes
aux caractéristiques distinctes
LES MÉTIERS
du GRAPHISME & du MULTIMÉDIA
Directeur Artistique
des diplômés de BTS relevant du BTP et
74 % des DUT (génie civil) sont en poste,
selon les enquêtes d’insertion de 2013
du ministère de l’éducation.
Sur le chantier, ils peuvent être recrutés comme assistant chef de chantier,
voire au poste de chef de chantier ou de
chef d’équipe. Pour quels salaires ? « En
moyenne, à un poste de chef de chantier,
on peut démarrer à 28 000 euros par an,
mais ensuite la progression est rapide :
en deux ou trois ans, on passe à
31 000 euros par an, puis au bout de dix
ans à 35 500 euros », indique Véronique
Chauvin.
Après quelques années d’expérience,
les bac +2 peuvent rivaliser directement
avec les diplômés d’écoles d’ingénieurs,
par exemple sur des postes de conducteur de travaux. Autre voie possible
après un DUT ou un BTS : intégrer des
bureaux d’études, notamment comme
métreur, technicien méthodes, dessinateur-projeteur en bâtiment ou géomètre-topographe.
Contenu pédagogique, modalités d’évaluation, degré de spécialisation… les différences entre
le BTS et le DUT sont réelles. A bien évaluer, selon l’évolution professionnelle souhaitée
L
es diplômes universitaires de technologie
(DUT) sont plus généralistes que les brevets de
technicien supérieur (BTS) : au
total, ils comptent une vingtaine de spécialités, contre plus
d’une centaine pour les BTS.
« Chaque DUT vise globalement
un champ d’activité plus
étendu », explique Bernard Lickel, président de l’Association
des directeurs d’IUT (Adiut). Ces
compétences élargies ouvrent
les perspectives de poursuites
d’études. Elles peuvent aussi
faciliter l’évolution professionnelle ultérieure.
Le BTS, lui, propose des spécialités plus pointues. « Sur le plan
technique, l’étudiant est davantage opérationnel », souligne
Armand Huet, professeur en BTS
et président de l’Association
nationale des enseignants des
techniques touristiques (Anett).
Ce diplôme vise une insertion
directe sur le marché du travail.
Le DUT, « plus théorique »
Néanmoins, aujourd’hui, la majorité des titulaires de BTS
comme de DUT poursuivent
leurs études, notamment en
licence professionnelle. « Ils sont
formés pour travailler dans plu-
sieurs secteurs. Avec la licence
professionnelle, ils ajoutent une
couche de spécialisation », estime
Armand Huet.
En matière pédagogique, DUT et
BTS mêlent tous deux cours théoriques et pratiques (TP, TD, projets
tutorés), accompagnés de plusieurs stages (de dix à quinze semaines au total). « Il y a parfois des
cours magistraux en DUT, mais
pas en BTS, précise Bernard Lickel.
Globalement, la formation en DUT
est un peu plus théorique. » L’IUT
relève de l’université et en offre
les avantages (bibliothèques, laboratoires de recherche…), tout en
dispensant un enseignement très
encadré par rapport à la fac. Les
cours sont assurés par des équipes mixtes : enseignants du supérieur, du second degré, vacataires,
dont des professionnels issus
d’entreprises.
La section de technicien supérieur (STS, section qui prépare au
BTS) se situe, elle, dans un lycée,
public ou privé. Les promotions
restent relativement réduites
(une trentaine d’élèves) et l’enseignement est essentiellement assuré par des professeurs de lycée.
A terme, un examen clôt les études de BTS, alors que le DUT, lui,
privilégie le contrôle continu. p
di. g.
Formations courtes |
0123
Jeudi 11 février 2016
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| 11
Partir à l’étranger
pendant son cursus
En STS ou en IUT, les stages peuvent être une bonne occasion
de s’ouvrir à l’international. Mais d’autres possibilités existent
S
i les formations longues permettent plus facilement de partir à l’étranger en cours de cursus, un séjour hors de France est également
possible lorsque l’on est étudiant en IUT ou
que l’on prépare un BTS. « Partir, être contraint à sortir
de sa zone de confort, c’est très bénéfique », assure
Guillaume Bordry, directeur de l’IUT Paris-Descartes.
« Les étudiants français sont souvent très pressés
d’avancer et ne veulent pas passer un an à l’étranger.
Or, c’est très enrichissant », renchérit Laurent Simonin, du service relations internationales de l’IUT
Lyon-I. Tour d’horizon des possibilités d’expatriation.
Stage « Pour partir, le plus simple est le stage », souligne-t-il encore. En IUT, le stage de première année
offre peu de possibilités (sa courte durée – quatre
semaines – limite l’intérêt et n’ouvre pas droit à une
bourse). En revanche, en deuxième année, le stage,
de huit à dix semaines, permet de partir plus facilement, notamment pour les étudiants des filières à
vocation internationale et commerciale. En BTS, un
stage à l’étranger est obligatoire ou fortement
conseillé pour les étudiants en première année
d’une filière « à référentiel commun européen » :
commerce international, assistant gestion PME-PMI,
responsable d’hébergement, industries plastiques,
transport, etc. En outre, depuis 2007, le programme
Erasmus est ouvert aux stages, ce qui élargit le choix.
Echange universitaire La France étant un des seuls
pays où existent des formations en bac +2, les échanges sont rares pour les étudiants de STS ou d’IUT. Toutefois, « certains IUT ont un partenariat pour permettre un semestre ou deux dans une autre université, gé-
néralement en deuxième année », explique Guillaume
Bordry. De nombreuses régions proposent des aides
à la mobilité pour les stages et pour les échanges.
Dueti Le diplôme universitaire d’études technologiques internationales (Dueti), créé par les IUT français,
permet aux étudiants, après leur DUT, de passer une
année à l’étranger en niveau bac +3. « Il n’offre pas le
diplôme licence mais équivaut à une licence, et ouvre
la plupart du temps la porte au master », précise
M. Bordry. « Il est assez bien reconnu, en particulier
dans les formations commerce », ajoute M. Simonin.
Les étudiants peuvent là aussi profiter d’Erasmus.
Séjour linguistique en BTS Depuis 2008, la région
Ile-de-France propose le Passeport langues vivantes
pour les BTS, destiné aux étudiants de première année. « Il s’agit d’un séjour linguistique en Espagne ou
en Grande-Bretagne – tous frais pris en charge –
pendant les vacances de printemps, avec vingt cours
sur deux semaines », indique Agnès Evren, vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France en charge de
l’éducation et de la culture. Le choix des participants
(650 chaque année) se fait sur critères sociaux.
Volontariat et césure D’autres possibilités existent :
le volontariat international en entreprise (VIE), l’année de césure, ou la poursuite d’études dans une filière qui permet de partir à l’étranger. Dans tous les
cas, il y a, conseille M. Simonin, « deux questions essentielles à se poser avant de partir : est-ce que je peux
le faire financièrement et est-ce que ce que je vais y
faire – études ou stage – est reconnu en France ? ». p
erwin canard
Une prépa sur mesure
pour les plus industrieux
Méconnues, les prépas ATS permettent à des titulaires de BTS
ou de DUT industriels d’accéder à des écoles d’ingénieurs prestigieuses
A
l’heure où une majorité d’étudiants de
DUT envisagent un bac +5, et où les écoles
multiplient les passerelles à leur intention,
certains établissements restent cependant
hors de leur portée. C’est le cas de Centrale Lille, Marseille, Nantes ou Lyon, qui ne participent pas à la banque d’épreuves DUT/BTS montée par une quinzaine
d’écoles d’ingénieurs.
Les diplômés des instituts universitaires de technologie (IUT) ne doivent pas renoncer à ces prestigieux
horizons. La solution : passer par une classe prépa
« adaptation technicien supérieur » ou ATS. Implantées dans les lycées, comme les prépas scientifiques
accessibles après le bac, elles permettent à des titulaires de BTS ou de DUT industriels de renforcer leurs
connaissances en maths et en physique pour se présenter à une quarantaine d’écoles, dont le réseau Polytech, les Mines ParisTech, Télécom Nancy ou les Mines de Douai. En plus de ce concours sur mesure, ils
peuvent aussi tenter des admissions sur titre à bac +2,
avec plus de chances de réussite. « Il est dommage que
témoignage
cette filière sélective soit méconnue car elle transforme
vraiment l’avenir des étudiants », juge Annie Leuridan, coordinatrice de la classe ATS du lycée EugèneLivet, à Nantes. Elle cite l’exemple d’un bachelier professionnel, passé par un BTS en productique textile,
et qui a rejoint les Arts et Métiers en 2015. Vu son parcours très spécialisé, sans la prépa ATS, il n’aurait pas
pu accéder à une école généraliste de ce rang.
Une telle réussite requiert un fort investissement
personnel pendant un an. « Le rythme est très soutenu,
avec des interrogations écrites et orales chaque semaine. Nous n’accueillons pas seulement des têtes de
classe. Mais il faut, dans tous les cas, faire preuve d’une
grande motivation », indique Annie Leuridan. Sur
120 dossiers de candidature, son lycée retient 30 à
40 profils, qui « décrochent tous une école, même si
certains préfèrent finalement s’inscrire à l’université ».
Outre cette trentaine de classes orientées vers l’ingénierie industrielle, il existe treize prépas ATS bio,
menant aux écoles d’agronomie ou de vétérinaires. p
aurélie djavadi
témoignage
«Mon DUT m’a donné le goût du terrain»
«Le BTS m’a permis d’intégrer une école de commerce»
Alexandre Laflaquière, 23ans, a rejoint l’Ensta Bretagne après un DUT de génie industriel
Laura Chiche, 22 ans, a intégré l’Inseec de Paris en 2013, après un BTS international
« J’AI CHOISI LE DUT
“génie industriel et
maintenance” pour avoir
une formation complète
et surtout pratique. On y
aborde tous les aspects
de ces domaines : réparer
ou maintenir en état des
systèmes mécaniques,
électroniques ou
DR
informatiques. Pour
apprendre, j’ai besoin de savoir à quoi sert un
objet, comment on l’utilise. J’envisageais dès
le départ de faire une école d’ingénieurs après
mon DUT, mais une classe prépa aurait été trop
théorique pour moi. Pour être pris à l’Ecole
nationale supérieure de techniques avancées
[Ensta] Bretagne, dont la spécialité “mécanique
et électronique” en alternance m’intéressait, j’ai
misé sur de bons résultats en DUT (un peu plus
de 15 de moyenne sur les deux ans). J’ai aussi
passé le TOEIC – un test d’anglais nécessaire
à l’obtention du diplôme d’ingénieur. Ma
candidature a été retenue sur dossier, puis j’ai
passé deux entretiens, l’un avec des professeurs
et l’autre avec des industriels partenaires de
l’école. J’ai vite trouvé une entreprise pour me
former en alternance : DCNS, un constructeur
de navires de guerre et de sous-marins. Depuis
près de trois ans, je suis chargé d’études du
système d’exploitation sur le site de Cherbourg.
Il y a du travail sur des automates, de l’informatique, du code : c’est exactement ce que je voulais faire. Les deux premières années, j’alternais
tous les deux mois entre l’école et mon
entreprise ; pour ma dernière année, c’est
six mois à l’école, six mois à DCNS.
Mon DUT étant assez généraliste, je n’ai pas eu
de difficultés à l’Ensta : je connaissais les
matières, ce qui m’a mis en confiance. En
entreprise aussi, mon DUT constitue un atout.
Il m’a donné le goût du terrain et j’ai appris
à me débrouiller avec les moyens du bord. » p
propos recueillis par f. ma.
« APRÈS AVOIR OBTENU
mon bac ES en 2011 puis
échoué aux concours
de commerce, j’ai choisi de
faire un BTS international :
je voulais me former
en marketing, et c’était le
cursus le plus complet,
et il me permettait aussi
de voyager. Avec le recul, je
DR
dirais que mon BTS a été la
voie idéale pour intégrer une école de commerce
et faire ce que j’aime – du e-marketing –, car c’est
une formation moins théorique qu’une première
année d’école de commerce, qui donne de solides
bases. En première année, je me suis confrontée
au monde de l’entreprise deux mois de stage
à Londres pour un showroom de mode, ce qui
m’a permis d’améliorer mon anglais. L’année
suivante, je suis partie en mission exportation en
Turquie pour une marque de bijoux. Je n’aurais
pas eu la possibilité de faire tout cela en intégrant
une école directement après le bac ou en faisant
une prépa. Mais pour être plus spécialisée,
j’ai voulu compléter ma formation en école de
commerce. J’ai présenté le concours de l’Institut
des hautes études économiques et commerciales
(Inseec) en 2013. Je m’y suis sérieusement
préparée : j’ai travaillé à partir des annales,
surtout pour l’épreuve de logique. J’ai aussi misé
sur l’anglais. Et je l’ai eu ! En première année,
j’avais des lacunes en comptabilité, car je n’en
avais pas fait en BTS. En revanche, le marketing
n’était pas nouveau pour moi. En deuxième
année, j’ai choisi une spécialisation e-marketing,
et j’ai fait un stage dans une agence à Tel-Aviv
en Israël, pays à la pointe dans ce domaine.
J’y faisais du « community management ».
Aujourd’hui, je suis en année de césure, en stage
dans le groupe Dim. Pour ma dernière année
qui s’achèvera par l’obtention d’un master, je
voudrais faire un échange avec un établissement
espagnol, partenaire de l’Inseec. » p
propos recueillis par f. ma.
12 |
UNIVERSITÉS
& GRANDES ÉCOLES
| Formations courtes
0123
Jeudi 11 février 2016
Deux jeunes gens
dans le vent
| Passionnés de musique, Jérôme Wiss
et Laura Weiss ont suivi une formation en alternance à l’Itemm,
au Mans. Ils y ont appris à réparer ou à concevoir
des instruments. Un parcours sans fausse note
portraits
D
ans deux semaines,
Jérôme Wiss, 31 ans,
ouvrira son atelier, un
peu plus d’an après
avoir décroché son diplôme des métiers
d’arts (DMA) : il fabriquera des pièces
pour instruments à vent, plus précisément des embouchures pour saxhorns.
Il a déjà des commandes. « Je fais un
métier fabuleux, je ne pouvais pas rêver
mieux », dit ce passionné de musique.
A 21 ans, Laura Weiss est, quant à elle,
élève de l’Institut technologique européen des métiers de la musique
(Itemm) du Mans, où Jérôme a préparé
son DMA. Elle est en première année de
brevet des métiers d’arts (BMA), un diplôme équivalant à un niveau bac, dans
la même spécialité que lui – « facture
instrumentale, option instruments à
vent ».
Avec le BMA, Laura deviendra réparatrice, alors que le DMA forme, en plus, à
la conception d’instruments. « Je crois
que je m’arrêterai là, confie-t-elle.
J’aime réparer : ça change tous les jours,
on rencontre de nouvelles situations
auxquelles il faut s’adapter. Et puis, pour
le DMA, il faut un projet solide en innovation ou en conception, ce que je n’ai
pas. » Laura évoque avec admiration
Jérôme, qui pendant ses deux années
de DMA, a recréé un instrument tombé
en désuétude – l’ophicléide, cousin du
saxophone.
Ces formations sont réservées à des
passionnés qui, plutôt que de s’embarquer dans de longues études, ont envie
d’acquérir un savoir-faire. Laura, qui
étudie en alternance – deux semaines à
l’Itemm du Mans et trois semaines
dans l’entreprise Buffet-Crampon à
Mantes-la-Ville (Yvelines) –, évoque son
maître d’apprentissage : « Il a trentecinq ans de maison, il est passé par tous
les secteurs et peut répondre à toutes les
questions. »
Pour s’engager dans ces métiers, il
faut une vraie motivation, mais aussi
un mélange de fibre artistique et de
goût pour le travail manuel. Laura et Jérôme pratiquent la musique depuis
« Ce sont des études
que je conseille à ceux
qui veulent faire bouger
le monde de la musique,
mais attention, il faut être
autonome scolairement »
Jérôme Wiss
titulaire du DMA
« facture instrumentale, option instruments à vent »
l’enfance – pour elle, la flûte traversière ; pour lui, l’euphonium, un petit
tuba. Tous deux originaires d’Alsace, ils
ont joué dans des orchestres d’harmonie, populaires dans la région. Petite,
Laura aidait son père dans son atelier.
Jérôme rêvait, lui, de devenir mécanicien auto.
Ces formations réunissent souvent
des jeunes aux parcours singuliers.
Très tôt, Jérôme, pourtant un bon élève
à qui on avait fait sauter une classe,
avait décidé qu’il ne ferait pas d’études
générales. Il obtient de ses parents de
passer un CAP de cuisine, puis un autre
de boulangerie. Il travaille ensuite pendant quatre ans. « Mais à force de porter
des sacs de 50 kg de farine, je me suis
abîmé le dos », explique-t-il.
Il doit alors chercher une reconversion : « J’ai pensé à mes deux autres passions, la musique et la mécanique. » Le
voilà parti pour un CAP en facture instrumentale, indispensable pour préparer ensuite le BMA. Puis il enchaîne
avec le DMA, toujours en alternance.
« Ce sont des études que je conseille à
ceux qui veulent faire bouger le monde
de la musique, dit-il, mais attention, il
faut être autonome scolairement. »
Laura, elle, a décroché le bac, dans la
filière S. Mais elle ne se voyait pas suivre des études longues. En cherchant
sur Internet ce qu’elle pourrait bien
faire, elle est tombée sur l’Itemm. Elle
se rend aux portes ouvertes avec ses
parents. Tous sont conquis. Puis elle visite l’entreprise qui accepte de la prendre en apprentissage. Elle trouve les
ateliers « magnifiques », avec « tous ces
gens qui travaillaient de leurs mains ».
Elle ajoute : « Je me suis tout de suite
sentie bien. »
Entre l’école et l’entreprise, le rythme
est soutenu, mais Laura trouve encore
le temps d’aller à des concerts à l’opéra.
Jérôme, lui, travaille même le weekend. Mais le dimanche soir, pour se
détendre, il fait de la brioche, souvenir
de son ancien métier. p
L’École Française du Journalisme
devient l’École du Nouveau Journalisme
véronique soulé
Vingt-deux
spécialités dans
les métiers d’arts
Le diplôme des métiers d’arts
(DMA) se prépare en deux ans
après le bac, en formation
initiale ou en apprentissage.
Il compte vingt-deux
spécialités, certaines n’étant
proposées que dans une seule
école – horlogerie, lutherie,
marionnette, art du bijou
et du joyau, arts graphiques
option gravure ou option
reliure et dorure, décor
architectural option métal,
cinéma d’animation, etc.
Il permet de travailler
dans l’artisanat d’art, dans
des ateliers de restauration,
des agences de création…
On y est admis avec un bac
sciences et technologies du
design et des arts appliqués
(STD2A), après un brevet
des métiers d’arts (BMA) ou
un brevet de technicien (BT)
des arts appliqués. Les
bacheliers généraux passent
par une classe de mise
à niveau en arts appliqués.
Outre des contenus
professionnels, le DMA compte
des enseignements généraux –
français, économie, gestion,
etc. – et, selon les spécialités,
de l’histoire de l’art ou
de la restauration muséale,
ainsi que quatre à huit
semaines en entreprise.
ENQUÊTER, INFORMER, CONNECTER
ADMISSION POST-BAC | ADMISSIONS PARALLÈLES | MBA SPÉCIALISÉS
DEVENEZ
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(13h-17h)
› Journaliste enquêteur (terrain)
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Paris
Samedi 13 février 2016
Mercredi 23 mars 2016
Bordeaux
Samedi 5 mars 2016
Mercredi 11 mai 2016
CONCOURS D’ENTRÉE
Samedi 12 mars 2016
samedi 2 avril 2016
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