Traduction d`un article de Doretta Poli

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Traduction d`un article de Doretta Poli
La Mode à Venise. Le plus complexe des arts appliqués.!
Traduction d'un article de Doretta Davanzo Poli
Le mot "mode", qui vient du latin modus-modi, qui signifie mesure, ryhtme, mélodie et aussi
manière est utilisée dans son acception actuelle seulement depuis le 17ème siècle, quand
s'accélérèrent les temps des changements vestimentaires. On trouve le mot pour la première
fois dans le livre La carrozza da nolo (le carrosse à louer, publié en 1645 par l'abbé Agostino
Lampugnani. Le terme utilisé précédemmentà Venise est foza (mot du dialecte vénitien pour
foggia, la forme). On le trouve dans les lois somptuaires, lois qui avaient pour objet de
restreindre et de réglementer les dépenses de luxe, menaçant de peines sévères les "créateurs
de nouvelles formes", que ce soit dans le domaine de l'habillement ou celui de l'aménagement.
Par le mot "mode", on entend naturellement la manière de se vêtir des classes sociales
élevées, puisque la petite bourgeoisie et le peuple endossaient pour la plupart des habits
achetés au très florissant marché de l'occasion ou de toute façon, des habits aux lignes
anciennes qu'ils faisaient durer le plus longtemps possible.
Il s'agit du plus complexe des arts appliqués de l'époque parce qu'il est à la fois architecture,
dans le sens espace structuré et délimité, sculpture puisqu'il modèle une forme et peinture car
il utilise couleurs et décorations naturellement liées dans un ensemble harmonique.
L’artisan de cet art est le tailleur. Un document officiel vénitien daté de février 1219 énumère
les règles de la corporation et sa déontologie. En plus, il rapporte quels sont les différents
modes de confection et les coûts.
Tommaso Garzoni, dans son livre Piazza Universale di tutte le professioni (Place universelle
de toutes les professions) de 1581, qualifie le tailleur de "géomètre" parcequ'il doit prendre
d'un seul coup d'œil les mesures, de "peintre" parcequ'il dessine les modèles ( de nombreux
livres qui nous sont parvenus en témoignent), et d'"homme comme il faut" puisqu'au lieu de
sucer le sang des autres, il suce le sien, quand il se pique avec l'aiguille.
Un des métiers illustrés
dans le livre de T. Garzoni
Le Pressoir
Nous examinerons rapidement les changements de la mode au cours des siècles à Venise, des
origines de la République jusqu'au delà de sa fin, jusqu'à la naissance des costumes
traditionnels folkloriques, en particulier ceux des gondoliers et des femmes du peuple.Le
châle qui caractérise l'habit de celles-ci jusque vers 1950 est une persistence de l'usage des
fazzuoli (pochettes) du 15ème et du 16ème, des zendali (voiles en tissus légers qui recouvrent la
tête) du 17ème siècle,constituant une sorte de fil conducteur de l'habillement du Veneto.
Mais de l'analyse des formes des vêtements telles qu'on peut les observer dans les documents
de la Bibliothèque Marciana, apparaîssent beaucoup d'autres éléments originaux par rapport
aux autres modes italiennes et européennes : par exemple, dans les teintures préférées, de
l'azur des habitants de la lagune au rouge cramoisi de l'aristocratie et du Doge à partir du
14ème siècle. L'invention la lus importante est celle du bouton au 14ème siècle qui permettra le
passage des formes amples et fluides aux formes plus adhérentes, modelant la silhouette.
Les gonnelle (tuniques) des hommes se raccourcissent sur les habituelles calzebraghe
(chaussettes de maille), les camore (vestes) s'élargissent sur l'encolure et s'affinent jusqu'aux
hanches, s'ouvrant ensuite avec des plis souples. Les sur-vestes, fourrées avec des peaux
précieuses, vaio (une espèce d'écureuil) ou hermine ont des manches ouvertes aux coudes et
laissent pendre de longues bandes de tissus.
Grâce à l'apport des maîtres du tissus de Lucques, expatriés pour des raisons politiques, l'art
de la soie et de l'or vénitien augmente de qualité, mettant au point de nouvelles techniques
mais aussi améliorant la décoration.
Mosaïque de la première moitié du 14ème
Dans le baptistère de la basilique Saint Marc :
Salomé
avec la supertunique de velours rouge
cramoisi, fourré de vaio, avec manches
pendantes, endossée sur la camora bleue
dont on ne voit que les manches.
Si au début du 15ème siècle, la mode se ressent encore des influences gothiques
internationales, évidemment surtout dans les hautes coiffures, compliquées, personnalisées
avec imagination.. Dans le dernier quart du siècle, on commence à noter quelques originalités
par rapport au reste de l'Europe. Par exemple, les femmes renoncent à la dépilation du front
pour rassembler leurs cheveux "a fungo", (sorte de coiffure ayant la forme d'un champignon)
couvrant les oreilles avec des mèches dégressives et crêpées. Sur la veste ou camora (avec des
manches ajustées, détachées au tour d'épaules et ouvertes aux coudes, d'où sortent des
dentelles blanches), adhérente à un corsage court, avec un décolleté arrondi; elles endossent
une supertunique avec une ample traîne ou coda . Les ourlets commencent à apparaître aux
chemises, rocchetti, traverse, les premières dentelles faites à l'aiguille. Pour les hommes
aussi, on remarque une certaine singularité. Les différentes formes des vêtements permettent
de déterminer la classe sociale.
Quand la mode était de se dépiler le front pour le
faire paraître plus haut
La guérison miraculeuse de Giovanni
Mansueti (Accademia)
Portrait de Battista Sforza
par Piero della Francesca (vers 1470)
Détail du tableau où l'on voit des
coiffures a fungo
Les nobles, les dignitaires, les speziali (pharmaciens), les avocats portent une toge, qui
peuvent être rouge cramoisi, pavonazza(rouge-violet) ou noire, plus ou moins fourrée selon la
saison, avec les manches larges alla dogalina, serrées au poignet avec jabot et sur les épaules
une bande de velours précieux, qui s'élargira de plus en plus au fil des siècles. Quant aux
hébreux, si les médecins ont le privilège de pouvoir endosser une veste et una anneau, tipiques
de la profession, tous les autres, du banquier au strazzarolo(fripier), deux des métiers que
pouvaient exercer les juifs devaient porter au cou une petite corde avec un cercle jaune en
pendentif, ou bien la berretta gialla (béret jaune). Le jaune à Venise est considéré comme une
couleur négative, liée aux épidémies, à la prostitution, aux souteneurs.
Les dames, aristocratiques et courtisanes chaussent des sabots à très haute semelle
(calcagnini), malgré les interdits des lois somptuaires.
Gravure de Vercellio
hauts sabots
Gravure de Vercellio
qui nécessitent l'aide de deux servantes
Le redimensionnement de la politique expansioniste vénitienne, suite aux changements
historiques causés par les grandes découvertes géographiques, porte la Sérénissime à trouver
des ressources alternatives dans les manufactures locales, réussissant à maintenir l'image
d'une grande puissance, plus virtuelle que réelle, et cela aussi grâce à la représentation
scénographico-vestimentaire indépendante des modes étrangères (en particulier de la mode
dominante espagnole).
Dans la première moitié du 16ème siècle, l'habillement feminin en général est carctérisé par de
généreux décolletés et un buste qui va progressivement déplacer la hauteur de la taille du
dessous des seins jusqu'au nombril (et plus bas encore après 1550). Les manches glissant des
épaules, volumineuses dans le premier quart du siècle, iront en diminuant de taille.
Les cheveux, qu'on a l'habitude d'éclaircir artificiellement en les exposant au soleil avec l'aide
de liscivie (solutions alcalines), sont maintenus dans des "cages en cuivre" ou couverts de
"coiffes faites de mailles d'or". Il en descend "un voile noir de soie transparente" (Vecellio).
Seules les épouses les laissent librement descendre, le jour des noces, les mélangeant à des fils
d'or. Couleurs et bijoux dépendent de l'état, célibataire, mariée ou veuve. C'est ainsi que les
courtisanes se verront interdire le noir et les perles.
Gravure de Vecellio
Femme faisant blondir ses cheveux au soleil
Les hommes, sous leurs toges, sous leurs éventuels ferraioli (manteaux larges et sans
manches), capes, endossaient les casacchette ou saioni (casaques) courtes, avec des pans qui
descendent jusqu'au genou, le pettorale, un gilet de couleur diverse, la chemise froncée mais
basse au tour de cou et la fraise. Les jeunes zazzeroni du début du 16ème préféraient les longs
calzebraghe (pantalons) colorés et les gavardine, tandis que ceux de la fin du siècle enfilaient
des pantalons comodes aux lignes fuselées, en étoffe trinciata (hachée) , des bérets larges sur
des chevaux courts.
Tonalité, tissus et formes changent pour les marchands, artisans, porteurs, ouvriers aux
chantiers navals.
La mode féminine des 20 dernières années du 16ème est extravagante, elle est caractérisée par
des bustiers ajustés, rendus rigides par des petites lames métalliques internes, des décolletés
carrés et profonds, une ouverture sur le milieu du devant de chemises enrichies de dentelles et
de broderies. Les épaules et le sein sont couverts par le bavaro (col) terminé par un haut tour
de cou, soutenu par des vergole (baleines), disposées en éventail derrière la tête. Les manches
sont étroites et reliées au tour du cou par des petites cordelettes, cachées par des petits rubans
de dentelles (spallini). Les jupes, froncées, se posent avec mollesse sur des jupons, sans qu'il
y ait de faldiglie ou verdugali (baleines). Les cheveux, ramassés, sont réhaussés sur le front en
deux boucles frisées, en forme de corne ou demi-lune et on continue à se chausser de
calcagnini avec des talons à semeles compensées revpetues de cuir ou de velours, qui
atteignent jusqu'à 50cm de haut.. On a cherché à justifier de telles dimensions, en donnant
pour raison le souci d'éviter l'acqua alta ou simplement la boue des ruelles, mais au contraire,
il est évident que les vraies raisons sont symbolique, liées au statut social, rendant
immédiatement compréhensible à tous la position privilégiée, soulignée par le besoin de se
faire accompagnée par des dames de service.
Au début du 17ème siècle, on note de tardives références aux modes espagnole et anglaise dans
l'habillement des hommes, particulièrement avec la gorgiera (fraise), collier à plusieurs
couches de dentelle, et les courts pantalons à clochettes sur des bas ajustés aux genoux
Col rond amidonné avec plis :
la gorgiera (de gorgia = gola, gorge)
Dans le second quart du siècle, quand la riche bourgeoise hollandaise avait un rôle phare en
Europe, succédant, entre autre, aux marchands orientaux avec ses tissus de laine préférés aux
plus pesants tissus vénitiens, on adoptera dans la Dominante les lignes ovales et rondes
d'origine flamande. En éliminant presque complètement le point de distinctipn entre la partie
supérieure et la partie inférieure du buste, les femmes véntiennes s'enveloppèrent dans des
vêtemenst vaporeux et gonflés, leur donnant l'allure de montgolfières..
Le caractère de plus grande commodité qui se note dans l'habillement de l'époque se remarque
aussi dans la mode masculine, avec les ghelari, courtes casaques ouvertes sur les côtés, les
pantalons commodes, les grands chapeaux et les omniprésentes bottes militaires.
Dans la seconde moitié du siècle, la France, Louis XIV et sa cour auront une influence sur la
mode de toute l'Europe.
Arcangela Tarabotti, qu'on avait obligé à rentrer au couvent et écrivain féministe vénitienne
ante litteram, se livre à la satire sur quelques détails de la mode masculine : les bretelles,
comparées à des brazaruole ou dande c'est à dire les courroies qui soutiennet les enfants dans
leurs premiers pas, les colliers à facciole (bandes de toile empésées qui descendent autour du
cou sur la toge des magistrats) comparés aux bavaruoli (bavoirs) des nourrissons; les faux
mollets de bambace (cotons) enfilés dans les calze d’Inghilterra (chaussettes anglaises); les
perruques longues et bouclées tirées des teschi di morto (têtes de mort).
A Venise, comme ailleurs, avec l’identification de l’accessoire de dentelle comme le plus
important status symbol, la production de dentelle touche à son apogée.
Pour faire face à la forte demande, il est nécessaire d'organiser a production à grande échelle,
la production des petits laboratoires ne suffisant plus.
Se lancèrent dans la fabrication les populations féminines des îles de la lagune. Ainsi la
Sérénissime régna de nouveau sur les marchés européens avec l'extraordinaire punto Venezia
tagliato a fogliame ad alto rilievo (point de Venise avec feuilles en relief). L'exclusité ne
durera pas longtemps parce que Colbert, ministre du Roi Soleil importera en France la
fabrication de la dentelle, réussissant à convaincre à fuir un certain nombre de maîtres
vénitiens en la matière, en vain rappelées à Venise même avec de lourdes menaces par le
gouvernement vénitien. Cela aura pour conséquence la mise en place de corporations des
métiers féminins qui cependant étaient contrôlées par une organisation masculine, celle des
Marzeri (mot vénitien pour merciai,merciers).
Les gentilshommes à la mode de l'époque, avec perruques voyantes, portent de larges braghe
(pantalons) presque totalemnt cachés par une longue casacca, par une petite jupette dite
girello ou gonnellino all’eroica dans le dernier quart de siècle, qui restera dans l'habillement
populaire pour toute la première moitié du 17ème.
Les coupes des vêtemenst féminins de la seconde moitié du 17ème sont décidement
influencées par Versailles. Ce sont des vestes ou mantò, enfilées sur une sottana ou cottolo
décorées de broderies et passementeries, réhaussées sur les flancs avec derrière une traîne. De
1670 à 1780 l'encolure de forme ovale est soulignée par une bande de dentelle. Des manches
courtes, sortent de la chemise d'étroits rubans ou des volants de dentelles. Sur le devant du
buste, on insère un plastron rigide dit ponta postiza, décoré de broderies.
Les cheveux sont ramassés en boucles et ornés de posticci. On y pose des rubans, des voiles,
des coiffes avec des morceaux de dentelles, rendus rigides commes des canne d’organo
(tuyaux d'orgues), par de minces armatures métalliques.
Les femmes de mœurs faciles se distinguent, selon le témoignage de Misson, des femmes
nobles le plus souvent vêtues de couleurs sombres par des habits " de couleurs voyantes,
jaunes , rouges, telles les tulipes". Ces fleurs exportées dans toute l'Europe d'Hollande, où l'on
avait pour la première fois réussit leur culture, déclanchèrent une véritable "tulipomanie".
Au 18ème, siècle qui demanda à la raison de résoudre tous les problèmes, Venise récupère un
peu d'originalité. L’aristocratie se refuse d'endosser "la veste patricienne", même dans les
occasions publiques, malgré les ordres de la Magistrature aux Pompes. Le gentilhomme
"type", comme on le voit dans les gravures de Zucchi, a le visage rasé, les cheveux poudrés et
coiffés avec une petite queue, ou couverts d'une perruque arrangée de la même façon, girello
(rondelle) sur les braghe (pantalon) au genou, chemise volumineuse, cravatta et court
farsetto (gilet). On a aussi relevé dans les archives de longues camisiole et autres longues
velade (habits de cérémonie) avec de larges paramani (revers de manches), qui caractérisent
tout le siècle, les premières se raccourssissant et devenant gilè (du tuc jaleck), les secondes se
resserrant et se simplifiant. Ces dernières, à la fin du 18ème, arrêtant à l'abdomen les deux
parties antérieures devinrent le frac.
A la maison, on endossait une veste longue, d'origine orientale dite zamberlucco (du turc
jagmurluq) ou, pplus courte, d'origine albanese une veste dite codegugno, fourée de peau. Les
tupé (toupets) sont resserés par un ruban généralement noir, la petite queue postérieure
pouvant ainsi être enfilé dans un petit sac ou catogan. Le tricorno reste le couvre chef typique
du siècle, remplacé à la fin du siècle par le chapeau à la Jocquey.
En ce qui concerne les femmes, si au début elles endossent encore mantò e cottoli, bientôt, on
ne parlera que de andriè (adrienne). D'origine française, cette surveste rendue pompeuse par
une traîne à pli qui s'élargissait en partant des épaules, sera peinte par Longhi et décrite dans
les textes de Goldoni.
Adrienne (1775)
exposée au Palais Mocenigo
Entre 1740 et 1750 les cerchi ou panieri (cercles ou paniers), cages d'osier recouvertes de
coton, disposées sous les jupes por élargir les flancs, atteignent des dimensions extrêmes
(tellement exagérées qu'elles entraînent la production des sièges et fauteuils sans accoudoirs).
L'ourlet du bas prendra la forme d'une gondole. En suite, on préférera de simples coussinets et
les cottoli s'arrêteront à la cheville, dont la finesse est soulignée par de minces rameaux
brodés sur les bas. Sur le buste, qui est séparé de la jupe, on peut revêtir une espèce de velada
aux longs pans, appelée cotus, et ensuite, quand petit à peit il se réduira, caraco et petanler
(quand il n'arrivera plus à couvrir le derrière).
Exposé au palais Mocenigo
Habit masculin de 1750
Exposé au palais Mocenigo
Camiciola (même époque)
La piavola de Franza (poupée de France), mannequin en bois exposé sur la place Saint Marc
le jour de l'Ascension, qui devait faire publicité pour les nouveautés vestità vestimentaires
parisiennes, en réalité, très souvent, au dire de Goldoni lui même, montre les créations des
couturiers locaux, que les étrangers copient, définissant eux mêmes ces modèles comme
exotiques.
Les dentelles sont maintenant plus légères et sont disposées sur la poitrine, les poignets, le
cou.
Jusqu'à la fin du 17ème, ce sont les dentelles noires qui sont à la mode, indispensables pour la
confection du petit manteau transparent de la bauta, déguisement unisexe vénitien par
excellence. Le mot semble dérivée de l'onomatopée bau-bau, utilisé pour définir quelque
chose d'épouvantable avec laquelle on menaçait les enfants capricieux, ou de bava-bavuta,
parole dialectale qui désignait le ver à soie, dont les traits sont repris dans le masque facial
blanc, appelé volto ou larva, justement pour cela.
L'habit complet de carnaval est composé du tabarro, houppelande de tissus noir ou de satin
coloré, plus court pour les dames, rendu excentriques par des broderies et des galons; la
pelegrina (petit manteau) de dentelle noire; une capuche ou soggolo de satin noir, d'où sort le
visage dans un ovale, couvert par la larva; et enfin le tricorno.
Tabarro (1750)
Pour les femmes du peuple ou petites bourgeoises, il est plus pratique de soulever au-dessus
de la tête nizioleto (demi jupe postérieure), ou de se couvrir avec le zendale (longue étole de
cendale ou taffetà de soie), et de se cacher la face avec la moreta, petit masque ovale, tenue
entre les dents par un bouton.
Bauta
Moretta
Quant à la lingerie intime, elle est nombreuse chez les classes aisées qui peuvent en changer
fréquemment malgré la difficulté de faire des lessives, qui étaient souvent faites sur la terre
ferme peu de fois par an (à cause de la rareté de l'eau douce, exclusivement eau de pluie en
ville). Les inventaires qui nous sont parvenus font étét de caleçons dits braghesse, de toile de
lin, mais aussi de laine en périodes hivernales.
La chaussure préférée est une pianella sans talon ou un autre avec un tout petit talon, avec
empeigne de tissus assorti à l'habit, revêtu de fine peau blanche dite mula.
Après des siècles de démarche incertaine sur de véritables échasses, les vénitiennes goûtent à
la joie de pouvoir marcher par rues et par ponts, sans l'aide de serviteurs, grâce à de petites
chaussures confortables, "malheureusement confortables", se lamenteront quelques uns,
faisant allusion au plus de liberté qu'elles apportaient.
Dans les années 1786-1788, on publie en ville une des premières revues féminines imprimées
en Europe Donna galante ed erudita , qui présente des dessins de mode provenant de France
et d'Angleterre. La grande nouveauté est l'émergence de la tendance des femmes à s'instruire
et à s'émanciper, adoptant des attitudes, des vêtements et des accessoires masculins.
Les excès et les extravagances post révolutionnaires n'arrivent pas à Venise, qui s'efforce de
simplifier les vêtements qui envahissent l'Europe à partir de l'Angleterre et de faire prévaloir
le monochrome, surtout le blanc. Dans les gravures qui représentent la mise en place de
l'arbre de la Liberté sur la place Saint Marc en juin 1797, on entrevoit outre de nombreux
uniformes militaires, des cittadine avec des habits anglo-français et des cittadini en frac et
feluca (chapeau à deux pointes).
Les nouveautés de la mode seront importantes dans le second quart du 19ème, quand au style
"empire" succédera le style "romantique". Cependant, il n'y aura pas de bouleversement par
rapport à la mode européenne. Les dessins de mode du supplément La moda, au journal
vénitien Il gondoliere, publié dans les années 30, ne sont pas tellement différents de ceux des
autres revues féminines, désormais très diffusé.
Dans le Corriere delle dame, très répandu dans toute la Lombardie-Vénétie, la directrice
Carolina Lattanzi tente de faire publicité pour une mode italienne, caractérisée par l'utilisation
du velours, tissus de la Renaissance, éminemment ilaien et par l'usage des couleurs verte,
rouge, blanche.
L’innovation la plus importante du siècle, en ce qui concerne les hommes, se trouve dans
l'allogement définitif des caleçons et dans la codification de l'ensemble pantalon-gilet-veste
plus ou moins longue, plus ou moins large mais toujours identifiable comme tel.
Les femmes, au contraire, changeront complétement de lignenea environ tous les quinze ans
de sorte qu'aux statues gréco-romaines succèdèrent les poupées-clepsydres de la période
romantique et aux crinolines du Second Empirecondo Impero succèdèrent les excroissances
seulemnt postérieures du centaure dans les années 1870-80, obtenues avec tournurs et sellini
(rembourages); la sinueuse ligne en "S" sera remplacée par celle élégante et confortable de la
mode Liberty.
A cette époque dite "Belle Epoque", les conterie (petites perles) et le giaietto vitreo (verre
coloré) de Murano auront un grand succès, Murano qui mettait tout en œuvre pour produire à
profusion franges, passementeries, boutons, petites bourses et autres accessoires variés.
Reviendront à la mode les dentelles de Venise, Burano, Pellestrina et Chioggia, demandés par
les VIP européens, aussi bien pour l'habillment que pour la décoration. On fabrique en
dentelle de très couteux cols, plastrons, gants, éventails, habits tout entier, voiles de mariée,
ombrelles, etc… en plus naturellement des nappes, rideaux, couvre-lits de somptuosité
aujourd'hui impensable..
Mais au début du 20ème, Venise a une autre chance : y vit désormais depuis de nombreuses
années un artiste éclectique, génialement qui s'occupae, entre autre, aidé par sa femme
Henriette de tissus, costumes, mode.
C'est Mariano Fortuny y Madrazo qui ouvre un laboratoire d'impression sur velours d'abord,
puis sur coton, avec une technique originale brevetée, jalousement gardée, et encore
partiellement mystérieuse aujourd'hui, qui en 1907 inventeale delphos, petite tunique
d'inspiration grecque, confectionnées en satin très fin chinois, partiellement coloré avec des
tintures naturelles et rendu adhérent grâce à des plis soigneusement étudiés. Suivirent ensuite
d'autres modèles inspirés de la Renaissance ou de l'Orient, définis par Proust comme
"fidèlement antiques, mais puissamment originaux" qui seront endossés par de divines
actrices, danseuses ou extravagantes aristocrates de l'époque.
Le costume de la femme du peuple mérite un discours à part, ne serait-ce que par l’importance
qu'il aura dans l'image touristique du début du 20ème siècle.
Depuis des temps immémorables, comme on l'a vu, la femme vénitienne sent le besoin
physico-psychologique de se couvrir la tête et les épaules avec un ample drap, soit le fazzuolo
de soie des aristocrates, soit le nizioleto plus simple des femmes du peuple, mais la prise de
conscience d'une telle attitude se fera seulement au début du 19ème, avec l'apparition du
prolétariat suite à la Révolutuon Française et surtout à la période romantique qui donnera
toute sa valeur à ce qui concerne le peuple.
La codification folklorique apaprue gâce à l'Enquête napoléonienen del 1811, coincidant avec
l'affirmation dans toute l'Europa des foulards en cachemire (initialement importés de l'Inde,
puis fabriqués en Franece et en Angleterre), une certaine "génétique" prédisposition pour le
noir, porteront à imposer à Venise surtout des foulards à franges. Devenu emblême de
l'émancipation féminine ("più se slonga la franza, più se scurta la virtù" = "plus longue est la
frange, plus courte est la vertu"), parce que fièrement porté par les tabacchine (ouvrières du
tabac) et impiraresse ou impiraperle (ouvrières des perles), les premières femmes ouvrières
du siècle, le foulard à franges deviendra avec le lion et la gondole le symbole de la
Sérénissime.
L’ultime tentative de faire revenir Venise comme capitale de la mode mondiale sera celle de
l’industriel Franco Marinotti, fondateur du Centre International des Arts et Costumes du
Palais Grassi au début des années 50. Il oranisait des défilés pour présenter ce que la Haute
Mode Internationale avait de mieux, vêtements réalisés en fibres artificielles, produites pour
la majeure partie par la Snia-Viscosa, sponsor de ces initiaves.
Enfin, il revient à Giuliana di Camerino, le mérite d'avoir fait parler à nouveau de Venise
comme ambassadrice des habits et accessoires de mode originaux, précieux dans les tissus
employés, orientalisant dans les approches chromatiques, extravagants dans des inventions
trompe-l’oeil.
Malheureusement aujourd'hui, dans le désintêret général pour tout ce qui regarde le tissus et la
mode, après 1000 ans d'histoire de l'habillement vénitien, restent seulement sur les comptoirs
pour touristes les habitueles poupées-souvenirs représentant gondoliere avec paglietta
chapeau de paille) et casaque dite popolana, avec foulard noir à la longue frange.
Bibliographie : D.Davanzo Poli, Abiti antichi e moderni dei Veneziani, Vicenza, N.Pozza,
2002.

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