Traduction d`un article de Doretta Poli
Transcription
Traduction d`un article de Doretta Poli
La Mode à Venise. Le plus complexe des arts appliqués.! Traduction d'un article de Doretta Davanzo Poli Le mot "mode", qui vient du latin modus-modi, qui signifie mesure, ryhtme, mélodie et aussi manière est utilisée dans son acception actuelle seulement depuis le 17ème siècle, quand s'accélérèrent les temps des changements vestimentaires. On trouve le mot pour la première fois dans le livre La carrozza da nolo (le carrosse à louer, publié en 1645 par l'abbé Agostino Lampugnani. Le terme utilisé précédemmentà Venise est foza (mot du dialecte vénitien pour foggia, la forme). On le trouve dans les lois somptuaires, lois qui avaient pour objet de restreindre et de réglementer les dépenses de luxe, menaçant de peines sévères les "créateurs de nouvelles formes", que ce soit dans le domaine de l'habillement ou celui de l'aménagement. Par le mot "mode", on entend naturellement la manière de se vêtir des classes sociales élevées, puisque la petite bourgeoisie et le peuple endossaient pour la plupart des habits achetés au très florissant marché de l'occasion ou de toute façon, des habits aux lignes anciennes qu'ils faisaient durer le plus longtemps possible. Il s'agit du plus complexe des arts appliqués de l'époque parce qu'il est à la fois architecture, dans le sens espace structuré et délimité, sculpture puisqu'il modèle une forme et peinture car il utilise couleurs et décorations naturellement liées dans un ensemble harmonique. L’artisan de cet art est le tailleur. Un document officiel vénitien daté de février 1219 énumère les règles de la corporation et sa déontologie. En plus, il rapporte quels sont les différents modes de confection et les coûts. Tommaso Garzoni, dans son livre Piazza Universale di tutte le professioni (Place universelle de toutes les professions) de 1581, qualifie le tailleur de "géomètre" parcequ'il doit prendre d'un seul coup d'œil les mesures, de "peintre" parcequ'il dessine les modèles ( de nombreux livres qui nous sont parvenus en témoignent), et d'"homme comme il faut" puisqu'au lieu de sucer le sang des autres, il suce le sien, quand il se pique avec l'aiguille. Un des métiers illustrés dans le livre de T. Garzoni Le Pressoir Nous examinerons rapidement les changements de la mode au cours des siècles à Venise, des origines de la République jusqu'au delà de sa fin, jusqu'à la naissance des costumes traditionnels folkloriques, en particulier ceux des gondoliers et des femmes du peuple.Le châle qui caractérise l'habit de celles-ci jusque vers 1950 est une persistence de l'usage des fazzuoli (pochettes) du 15ème et du 16ème, des zendali (voiles en tissus légers qui recouvrent la tête) du 17ème siècle,constituant une sorte de fil conducteur de l'habillement du Veneto. Mais de l'analyse des formes des vêtements telles qu'on peut les observer dans les documents de la Bibliothèque Marciana, apparaîssent beaucoup d'autres éléments originaux par rapport aux autres modes italiennes et européennes : par exemple, dans les teintures préférées, de l'azur des habitants de la lagune au rouge cramoisi de l'aristocratie et du Doge à partir du 14ème siècle. L'invention la lus importante est celle du bouton au 14ème siècle qui permettra le passage des formes amples et fluides aux formes plus adhérentes, modelant la silhouette. Les gonnelle (tuniques) des hommes se raccourcissent sur les habituelles calzebraghe (chaussettes de maille), les camore (vestes) s'élargissent sur l'encolure et s'affinent jusqu'aux hanches, s'ouvrant ensuite avec des plis souples. Les sur-vestes, fourrées avec des peaux précieuses, vaio (une espèce d'écureuil) ou hermine ont des manches ouvertes aux coudes et laissent pendre de longues bandes de tissus. Grâce à l'apport des maîtres du tissus de Lucques, expatriés pour des raisons politiques, l'art de la soie et de l'or vénitien augmente de qualité, mettant au point de nouvelles techniques mais aussi améliorant la décoration. Mosaïque de la première moitié du 14ème Dans le baptistère de la basilique Saint Marc : Salomé avec la supertunique de velours rouge cramoisi, fourré de vaio, avec manches pendantes, endossée sur la camora bleue dont on ne voit que les manches. Si au début du 15ème siècle, la mode se ressent encore des influences gothiques internationales, évidemment surtout dans les hautes coiffures, compliquées, personnalisées avec imagination.. Dans le dernier quart du siècle, on commence à noter quelques originalités par rapport au reste de l'Europe. Par exemple, les femmes renoncent à la dépilation du front pour rassembler leurs cheveux "a fungo", (sorte de coiffure ayant la forme d'un champignon) couvrant les oreilles avec des mèches dégressives et crêpées. Sur la veste ou camora (avec des manches ajustées, détachées au tour d'épaules et ouvertes aux coudes, d'où sortent des dentelles blanches), adhérente à un corsage court, avec un décolleté arrondi; elles endossent une supertunique avec une ample traîne ou coda . Les ourlets commencent à apparaître aux chemises, rocchetti, traverse, les premières dentelles faites à l'aiguille. Pour les hommes aussi, on remarque une certaine singularité. Les différentes formes des vêtements permettent de déterminer la classe sociale. Quand la mode était de se dépiler le front pour le faire paraître plus haut La guérison miraculeuse de Giovanni Mansueti (Accademia) Portrait de Battista Sforza par Piero della Francesca (vers 1470) Détail du tableau où l'on voit des coiffures a fungo Les nobles, les dignitaires, les speziali (pharmaciens), les avocats portent une toge, qui peuvent être rouge cramoisi, pavonazza(rouge-violet) ou noire, plus ou moins fourrée selon la saison, avec les manches larges alla dogalina, serrées au poignet avec jabot et sur les épaules une bande de velours précieux, qui s'élargira de plus en plus au fil des siècles. Quant aux hébreux, si les médecins ont le privilège de pouvoir endosser une veste et una anneau, tipiques de la profession, tous les autres, du banquier au strazzarolo(fripier), deux des métiers que pouvaient exercer les juifs devaient porter au cou une petite corde avec un cercle jaune en pendentif, ou bien la berretta gialla (béret jaune). Le jaune à Venise est considéré comme une couleur négative, liée aux épidémies, à la prostitution, aux souteneurs. Les dames, aristocratiques et courtisanes chaussent des sabots à très haute semelle (calcagnini), malgré les interdits des lois somptuaires. Gravure de Vercellio hauts sabots Gravure de Vercellio qui nécessitent l'aide de deux servantes Le redimensionnement de la politique expansioniste vénitienne, suite aux changements historiques causés par les grandes découvertes géographiques, porte la Sérénissime à trouver des ressources alternatives dans les manufactures locales, réussissant à maintenir l'image d'une grande puissance, plus virtuelle que réelle, et cela aussi grâce à la représentation scénographico-vestimentaire indépendante des modes étrangères (en particulier de la mode dominante espagnole). Dans la première moitié du 16ème siècle, l'habillement feminin en général est carctérisé par de généreux décolletés et un buste qui va progressivement déplacer la hauteur de la taille du dessous des seins jusqu'au nombril (et plus bas encore après 1550). Les manches glissant des épaules, volumineuses dans le premier quart du siècle, iront en diminuant de taille. Les cheveux, qu'on a l'habitude d'éclaircir artificiellement en les exposant au soleil avec l'aide de liscivie (solutions alcalines), sont maintenus dans des "cages en cuivre" ou couverts de "coiffes faites de mailles d'or". Il en descend "un voile noir de soie transparente" (Vecellio). Seules les épouses les laissent librement descendre, le jour des noces, les mélangeant à des fils d'or. Couleurs et bijoux dépendent de l'état, célibataire, mariée ou veuve. C'est ainsi que les courtisanes se verront interdire le noir et les perles. Gravure de Vecellio Femme faisant blondir ses cheveux au soleil Les hommes, sous leurs toges, sous leurs éventuels ferraioli (manteaux larges et sans manches), capes, endossaient les casacchette ou saioni (casaques) courtes, avec des pans qui descendent jusqu'au genou, le pettorale, un gilet de couleur diverse, la chemise froncée mais basse au tour de cou et la fraise. Les jeunes zazzeroni du début du 16ème préféraient les longs calzebraghe (pantalons) colorés et les gavardine, tandis que ceux de la fin du siècle enfilaient des pantalons comodes aux lignes fuselées, en étoffe trinciata (hachée) , des bérets larges sur des chevaux courts. Tonalité, tissus et formes changent pour les marchands, artisans, porteurs, ouvriers aux chantiers navals. La mode féminine des 20 dernières années du 16ème est extravagante, elle est caractérisée par des bustiers ajustés, rendus rigides par des petites lames métalliques internes, des décolletés carrés et profonds, une ouverture sur le milieu du devant de chemises enrichies de dentelles et de broderies. Les épaules et le sein sont couverts par le bavaro (col) terminé par un haut tour de cou, soutenu par des vergole (baleines), disposées en éventail derrière la tête. Les manches sont étroites et reliées au tour du cou par des petites cordelettes, cachées par des petits rubans de dentelles (spallini). Les jupes, froncées, se posent avec mollesse sur des jupons, sans qu'il y ait de faldiglie ou verdugali (baleines). Les cheveux, ramassés, sont réhaussés sur le front en deux boucles frisées, en forme de corne ou demi-lune et on continue à se chausser de calcagnini avec des talons à semeles compensées revpetues de cuir ou de velours, qui atteignent jusqu'à 50cm de haut.. On a cherché à justifier de telles dimensions, en donnant pour raison le souci d'éviter l'acqua alta ou simplement la boue des ruelles, mais au contraire, il est évident que les vraies raisons sont symbolique, liées au statut social, rendant immédiatement compréhensible à tous la position privilégiée, soulignée par le besoin de se faire accompagnée par des dames de service. Au début du 17ème siècle, on note de tardives références aux modes espagnole et anglaise dans l'habillement des hommes, particulièrement avec la gorgiera (fraise), collier à plusieurs couches de dentelle, et les courts pantalons à clochettes sur des bas ajustés aux genoux Col rond amidonné avec plis : la gorgiera (de gorgia = gola, gorge) Dans le second quart du siècle, quand la riche bourgeoise hollandaise avait un rôle phare en Europe, succédant, entre autre, aux marchands orientaux avec ses tissus de laine préférés aux plus pesants tissus vénitiens, on adoptera dans la Dominante les lignes ovales et rondes d'origine flamande. En éliminant presque complètement le point de distinctipn entre la partie supérieure et la partie inférieure du buste, les femmes véntiennes s'enveloppèrent dans des vêtemenst vaporeux et gonflés, leur donnant l'allure de montgolfières.. Le caractère de plus grande commodité qui se note dans l'habillement de l'époque se remarque aussi dans la mode masculine, avec les ghelari, courtes casaques ouvertes sur les côtés, les pantalons commodes, les grands chapeaux et les omniprésentes bottes militaires. Dans la seconde moitié du siècle, la France, Louis XIV et sa cour auront une influence sur la mode de toute l'Europe. Arcangela Tarabotti, qu'on avait obligé à rentrer au couvent et écrivain féministe vénitienne ante litteram, se livre à la satire sur quelques détails de la mode masculine : les bretelles, comparées à des brazaruole ou dande c'est à dire les courroies qui soutiennet les enfants dans leurs premiers pas, les colliers à facciole (bandes de toile empésées qui descendent autour du cou sur la toge des magistrats) comparés aux bavaruoli (bavoirs) des nourrissons; les faux mollets de bambace (cotons) enfilés dans les calze d’Inghilterra (chaussettes anglaises); les perruques longues et bouclées tirées des teschi di morto (têtes de mort). A Venise, comme ailleurs, avec l’identification de l’accessoire de dentelle comme le plus important status symbol, la production de dentelle touche à son apogée. Pour faire face à la forte demande, il est nécessaire d'organiser a production à grande échelle, la production des petits laboratoires ne suffisant plus. Se lancèrent dans la fabrication les populations féminines des îles de la lagune. Ainsi la Sérénissime régna de nouveau sur les marchés européens avec l'extraordinaire punto Venezia tagliato a fogliame ad alto rilievo (point de Venise avec feuilles en relief). L'exclusité ne durera pas longtemps parce que Colbert, ministre du Roi Soleil importera en France la fabrication de la dentelle, réussissant à convaincre à fuir un certain nombre de maîtres vénitiens en la matière, en vain rappelées à Venise même avec de lourdes menaces par le gouvernement vénitien. Cela aura pour conséquence la mise en place de corporations des métiers féminins qui cependant étaient contrôlées par une organisation masculine, celle des Marzeri (mot vénitien pour merciai,merciers). Les gentilshommes à la mode de l'époque, avec perruques voyantes, portent de larges braghe (pantalons) presque totalemnt cachés par une longue casacca, par une petite jupette dite girello ou gonnellino all’eroica dans le dernier quart de siècle, qui restera dans l'habillement populaire pour toute la première moitié du 17ème. Les coupes des vêtemenst féminins de la seconde moitié du 17ème sont décidement influencées par Versailles. Ce sont des vestes ou mantò, enfilées sur une sottana ou cottolo décorées de broderies et passementeries, réhaussées sur les flancs avec derrière une traîne. De 1670 à 1780 l'encolure de forme ovale est soulignée par une bande de dentelle. Des manches courtes, sortent de la chemise d'étroits rubans ou des volants de dentelles. Sur le devant du buste, on insère un plastron rigide dit ponta postiza, décoré de broderies. Les cheveux sont ramassés en boucles et ornés de posticci. On y pose des rubans, des voiles, des coiffes avec des morceaux de dentelles, rendus rigides commes des canne d’organo (tuyaux d'orgues), par de minces armatures métalliques. Les femmes de mœurs faciles se distinguent, selon le témoignage de Misson, des femmes nobles le plus souvent vêtues de couleurs sombres par des habits " de couleurs voyantes, jaunes , rouges, telles les tulipes". Ces fleurs exportées dans toute l'Europe d'Hollande, où l'on avait pour la première fois réussit leur culture, déclanchèrent une véritable "tulipomanie". Au 18ème, siècle qui demanda à la raison de résoudre tous les problèmes, Venise récupère un peu d'originalité. L’aristocratie se refuse d'endosser "la veste patricienne", même dans les occasions publiques, malgré les ordres de la Magistrature aux Pompes. Le gentilhomme "type", comme on le voit dans les gravures de Zucchi, a le visage rasé, les cheveux poudrés et coiffés avec une petite queue, ou couverts d'une perruque arrangée de la même façon, girello (rondelle) sur les braghe (pantalon) au genou, chemise volumineuse, cravatta et court farsetto (gilet). On a aussi relevé dans les archives de longues camisiole et autres longues velade (habits de cérémonie) avec de larges paramani (revers de manches), qui caractérisent tout le siècle, les premières se raccourssissant et devenant gilè (du tuc jaleck), les secondes se resserrant et se simplifiant. Ces dernières, à la fin du 18ème, arrêtant à l'abdomen les deux parties antérieures devinrent le frac. A la maison, on endossait une veste longue, d'origine orientale dite zamberlucco (du turc jagmurluq) ou, pplus courte, d'origine albanese une veste dite codegugno, fourée de peau. Les tupé (toupets) sont resserés par un ruban généralement noir, la petite queue postérieure pouvant ainsi être enfilé dans un petit sac ou catogan. Le tricorno reste le couvre chef typique du siècle, remplacé à la fin du siècle par le chapeau à la Jocquey. En ce qui concerne les femmes, si au début elles endossent encore mantò e cottoli, bientôt, on ne parlera que de andriè (adrienne). D'origine française, cette surveste rendue pompeuse par une traîne à pli qui s'élargissait en partant des épaules, sera peinte par Longhi et décrite dans les textes de Goldoni. Adrienne (1775) exposée au Palais Mocenigo Entre 1740 et 1750 les cerchi ou panieri (cercles ou paniers), cages d'osier recouvertes de coton, disposées sous les jupes por élargir les flancs, atteignent des dimensions extrêmes (tellement exagérées qu'elles entraînent la production des sièges et fauteuils sans accoudoirs). L'ourlet du bas prendra la forme d'une gondole. En suite, on préférera de simples coussinets et les cottoli s'arrêteront à la cheville, dont la finesse est soulignée par de minces rameaux brodés sur les bas. Sur le buste, qui est séparé de la jupe, on peut revêtir une espèce de velada aux longs pans, appelée cotus, et ensuite, quand petit à peit il se réduira, caraco et petanler (quand il n'arrivera plus à couvrir le derrière). Exposé au palais Mocenigo Habit masculin de 1750 Exposé au palais Mocenigo Camiciola (même époque) La piavola de Franza (poupée de France), mannequin en bois exposé sur la place Saint Marc le jour de l'Ascension, qui devait faire publicité pour les nouveautés vestità vestimentaires parisiennes, en réalité, très souvent, au dire de Goldoni lui même, montre les créations des couturiers locaux, que les étrangers copient, définissant eux mêmes ces modèles comme exotiques. Les dentelles sont maintenant plus légères et sont disposées sur la poitrine, les poignets, le cou. Jusqu'à la fin du 17ème, ce sont les dentelles noires qui sont à la mode, indispensables pour la confection du petit manteau transparent de la bauta, déguisement unisexe vénitien par excellence. Le mot semble dérivée de l'onomatopée bau-bau, utilisé pour définir quelque chose d'épouvantable avec laquelle on menaçait les enfants capricieux, ou de bava-bavuta, parole dialectale qui désignait le ver à soie, dont les traits sont repris dans le masque facial blanc, appelé volto ou larva, justement pour cela. L'habit complet de carnaval est composé du tabarro, houppelande de tissus noir ou de satin coloré, plus court pour les dames, rendu excentriques par des broderies et des galons; la pelegrina (petit manteau) de dentelle noire; une capuche ou soggolo de satin noir, d'où sort le visage dans un ovale, couvert par la larva; et enfin le tricorno. Tabarro (1750) Pour les femmes du peuple ou petites bourgeoises, il est plus pratique de soulever au-dessus de la tête nizioleto (demi jupe postérieure), ou de se couvrir avec le zendale (longue étole de cendale ou taffetà de soie), et de se cacher la face avec la moreta, petit masque ovale, tenue entre les dents par un bouton. Bauta Moretta Quant à la lingerie intime, elle est nombreuse chez les classes aisées qui peuvent en changer fréquemment malgré la difficulté de faire des lessives, qui étaient souvent faites sur la terre ferme peu de fois par an (à cause de la rareté de l'eau douce, exclusivement eau de pluie en ville). Les inventaires qui nous sont parvenus font étét de caleçons dits braghesse, de toile de lin, mais aussi de laine en périodes hivernales. La chaussure préférée est une pianella sans talon ou un autre avec un tout petit talon, avec empeigne de tissus assorti à l'habit, revêtu de fine peau blanche dite mula. Après des siècles de démarche incertaine sur de véritables échasses, les vénitiennes goûtent à la joie de pouvoir marcher par rues et par ponts, sans l'aide de serviteurs, grâce à de petites chaussures confortables, "malheureusement confortables", se lamenteront quelques uns, faisant allusion au plus de liberté qu'elles apportaient. Dans les années 1786-1788, on publie en ville une des premières revues féminines imprimées en Europe Donna galante ed erudita , qui présente des dessins de mode provenant de France et d'Angleterre. La grande nouveauté est l'émergence de la tendance des femmes à s'instruire et à s'émanciper, adoptant des attitudes, des vêtements et des accessoires masculins. Les excès et les extravagances post révolutionnaires n'arrivent pas à Venise, qui s'efforce de simplifier les vêtements qui envahissent l'Europe à partir de l'Angleterre et de faire prévaloir le monochrome, surtout le blanc. Dans les gravures qui représentent la mise en place de l'arbre de la Liberté sur la place Saint Marc en juin 1797, on entrevoit outre de nombreux uniformes militaires, des cittadine avec des habits anglo-français et des cittadini en frac et feluca (chapeau à deux pointes). Les nouveautés de la mode seront importantes dans le second quart du 19ème, quand au style "empire" succédera le style "romantique". Cependant, il n'y aura pas de bouleversement par rapport à la mode européenne. Les dessins de mode du supplément La moda, au journal vénitien Il gondoliere, publié dans les années 30, ne sont pas tellement différents de ceux des autres revues féminines, désormais très diffusé. Dans le Corriere delle dame, très répandu dans toute la Lombardie-Vénétie, la directrice Carolina Lattanzi tente de faire publicité pour une mode italienne, caractérisée par l'utilisation du velours, tissus de la Renaissance, éminemment ilaien et par l'usage des couleurs verte, rouge, blanche. L’innovation la plus importante du siècle, en ce qui concerne les hommes, se trouve dans l'allogement définitif des caleçons et dans la codification de l'ensemble pantalon-gilet-veste plus ou moins longue, plus ou moins large mais toujours identifiable comme tel. Les femmes, au contraire, changeront complétement de lignenea environ tous les quinze ans de sorte qu'aux statues gréco-romaines succèdèrent les poupées-clepsydres de la période romantique et aux crinolines du Second Empirecondo Impero succèdèrent les excroissances seulemnt postérieures du centaure dans les années 1870-80, obtenues avec tournurs et sellini (rembourages); la sinueuse ligne en "S" sera remplacée par celle élégante et confortable de la mode Liberty. A cette époque dite "Belle Epoque", les conterie (petites perles) et le giaietto vitreo (verre coloré) de Murano auront un grand succès, Murano qui mettait tout en œuvre pour produire à profusion franges, passementeries, boutons, petites bourses et autres accessoires variés. Reviendront à la mode les dentelles de Venise, Burano, Pellestrina et Chioggia, demandés par les VIP européens, aussi bien pour l'habillment que pour la décoration. On fabrique en dentelle de très couteux cols, plastrons, gants, éventails, habits tout entier, voiles de mariée, ombrelles, etc… en plus naturellement des nappes, rideaux, couvre-lits de somptuosité aujourd'hui impensable.. Mais au début du 20ème, Venise a une autre chance : y vit désormais depuis de nombreuses années un artiste éclectique, génialement qui s'occupae, entre autre, aidé par sa femme Henriette de tissus, costumes, mode. C'est Mariano Fortuny y Madrazo qui ouvre un laboratoire d'impression sur velours d'abord, puis sur coton, avec une technique originale brevetée, jalousement gardée, et encore partiellement mystérieuse aujourd'hui, qui en 1907 inventeale delphos, petite tunique d'inspiration grecque, confectionnées en satin très fin chinois, partiellement coloré avec des tintures naturelles et rendu adhérent grâce à des plis soigneusement étudiés. Suivirent ensuite d'autres modèles inspirés de la Renaissance ou de l'Orient, définis par Proust comme "fidèlement antiques, mais puissamment originaux" qui seront endossés par de divines actrices, danseuses ou extravagantes aristocrates de l'époque. Le costume de la femme du peuple mérite un discours à part, ne serait-ce que par l’importance qu'il aura dans l'image touristique du début du 20ème siècle. Depuis des temps immémorables, comme on l'a vu, la femme vénitienne sent le besoin physico-psychologique de se couvrir la tête et les épaules avec un ample drap, soit le fazzuolo de soie des aristocrates, soit le nizioleto plus simple des femmes du peuple, mais la prise de conscience d'une telle attitude se fera seulement au début du 19ème, avec l'apparition du prolétariat suite à la Révolutuon Française et surtout à la période romantique qui donnera toute sa valeur à ce qui concerne le peuple. La codification folklorique apaprue gâce à l'Enquête napoléonienen del 1811, coincidant avec l'affirmation dans toute l'Europa des foulards en cachemire (initialement importés de l'Inde, puis fabriqués en Franece et en Angleterre), une certaine "génétique" prédisposition pour le noir, porteront à imposer à Venise surtout des foulards à franges. Devenu emblême de l'émancipation féminine ("più se slonga la franza, più se scurta la virtù" = "plus longue est la frange, plus courte est la vertu"), parce que fièrement porté par les tabacchine (ouvrières du tabac) et impiraresse ou impiraperle (ouvrières des perles), les premières femmes ouvrières du siècle, le foulard à franges deviendra avec le lion et la gondole le symbole de la Sérénissime. L’ultime tentative de faire revenir Venise comme capitale de la mode mondiale sera celle de l’industriel Franco Marinotti, fondateur du Centre International des Arts et Costumes du Palais Grassi au début des années 50. Il oranisait des défilés pour présenter ce que la Haute Mode Internationale avait de mieux, vêtements réalisés en fibres artificielles, produites pour la majeure partie par la Snia-Viscosa, sponsor de ces initiaves. Enfin, il revient à Giuliana di Camerino, le mérite d'avoir fait parler à nouveau de Venise comme ambassadrice des habits et accessoires de mode originaux, précieux dans les tissus employés, orientalisant dans les approches chromatiques, extravagants dans des inventions trompe-l’oeil. Malheureusement aujourd'hui, dans le désintêret général pour tout ce qui regarde le tissus et la mode, après 1000 ans d'histoire de l'habillement vénitien, restent seulement sur les comptoirs pour touristes les habitueles poupées-souvenirs représentant gondoliere avec paglietta chapeau de paille) et casaque dite popolana, avec foulard noir à la longue frange. Bibliographie : D.Davanzo Poli, Abiti antichi e moderni dei Veneziani, Vicenza, N.Pozza, 2002.