2002-07 Les systèmes de contrôle de gestion des projets de

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2002-07 Les systèmes de contrôle de gestion des projets de
2002-07
Les systèmes de contrôle de gestion des projets de conception et de développement de produits nouveaux :Une analyse empirique
Frédéric Gautier
[email protected]
Professeur Agrégé d’Economie et Gestion à l’IAE de Paris
Résumé : Cette communication s'interroge sur le rôle et les facteurs déterminants du
contrôle de gestion des activités de conception et développement de produits nouveaux. Il
propose une analyse des principaux constats de la littérature sur le sujet et émet une hypothèse qui a été testée lors d'une recherche empirique dans le secteur aéronautique en France.
Mots-clés : conception, cycle de vie du produit, contrôle de gestion, projets, risques.
Abstract : This paper wonders about the functions and the driving factors of management
control systems for the activities of new product design and development activities. It proposes
an analysis of the main reports of the literature on the topic and gives out a hypothesis that has
been tested during an empirical research in the aeronautic sector in France.
Keywords : product design, life-cycle, management control systems, projects, risks.
L’importance stratégique des activités de conception et développement a été amplement
soulignée au cours des années récentes. Ces activités connaissent, d’autre part, des évolutions
structurelles et organisationnelles majeures (mise en place de directions de projets « lourdes »
et ingénierie concourante). Ces évolutions conduisent à s’interroger sur la conception de
systèmes de contrôle de gestion pertinents pour ces activités. En effet, les activités de recherche
et développement ayant un impact important sur la performance globale de l’entreprise, le
besoin de contrôle de ces activités et les moyens alloués devraient être significatifs. Or, la
littérature sur ce sujet conclut, au contraire, que les systèmes de contrôle jouent au mieux un rôle
mineur en matière de conception et développement de produits nouveaux. Ce constat conduit à
s’interroger sur le rôle des systèmes de contrôle de gestion concernant les activités de
conception et développement de produits nouveaux mais aussi sur les facteurs de contingence
de ces systèmes.
Notre analyse, basée sur une recherche de terrain d’environ 3 ans dans le secteur
aéronautique en France, montre que les risques auxquels le projet fait face constituent une
variable importante de conception des systèmes de contrôle de gestion.
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Les caractéristiques des activités de conception et développement de
produits nouveaux
Les activités de conception et développement de produits nouveaux possèdent des
caractéristiques qui les différencient fortement des activités récurrentes des firmes. Après avoir
défini la nature de ces activités, les principaux facteurs de performance de la conception et du
développement de produits nouveaux seront introduits.
1.1 Définition et caractéristiques
développement
des
activités
de
conception
et
Le concept de conception est difficile à cerner et à distinguer d’autres concepts tels que
l’innovation ou l’invention. Deux définitions permettent d’appréhender cette difficulté. La
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conception d’un produit nouveau peut être définie comme « l’ensemble des activités et des
processus qui permettent de passer de l’idée d’un nouveau produit (ou de l’amélioration d’un
produit existant) à la fourniture de l’ensemble des informations (plans, descriptifs, logiciels...)
qui permettent de lancer la production de ce produit et d’en assurer l’usage et la
maintenabilité » (Perrin, 1996, page 254). Cette première définition insiste sur la conception
comme activité permettant de passer de l’espace fonctionnel du produit nouveau à l’espace
physique. La définition de Clark, Chew et Fujimoto (1987, page 730) souligne l’importance du
caractère «production d’informations» et communication de la conception : le développement
d’un produit est analysé comme « un ensemble d’activités de création et de communication
d’informations qui transforme les données du marché et les opportunités techniques en
informations pour la production ; ces informations sont : des modèles, des spécifications, des
prototypes, des dessins, des logiciels, des spécifications de machine et d’outils ».
Ces activités possèdent des caractéristiques propres qui les distinguent des activités
récurrentes d’une firme. Midler (1996) propose une analyse de ces caractéristiques spécifiques
en six points :
- la réalisation d’un but spécifique est au cœur de l’action ; dans des logiques de spécialistes
fonctionnels, c’est un champ d’expertise et des méthodes qui définissent l’action ;
- la conception apparaît comme un contexte de communication élargie et de négociation
entre les logiques hétérogènes des différents spécialistes-métiers participant ;
- les activités de conception sont caractérisées par des incertitudes fortes ;
- la prise en compte du temps qui est marquée par la convergence et l’irréversibilité ;
- la singularité de ces activités, c’est-à-dire la recherche de solutions non-standard ;
- et enfin, l’impossibilité d’assigner a priori des frontières nettes et stables à ces activités.
1.2 Les facteurs de performance des activités de conception et
développement
Les activités de conception et développement ont fait l’objet d’analyses multiples dans
différents champs disciplinaires tels que l’économie, la sociologie, les sciences de l’ingénieur
ou les sciences de gestion. La diversité des travaux portant sur les activités de conception et
développement nous enseigne que les facteurs expliquant la performance de ces activités sont
multiples et que les interactions entre ces facteurs sont difficilement modélisables. L’analyse de
la littérature permet de proposer une double clé de lecture :
- tout d’abord par rapport au niveau d’analyse retenu : l’individu en situation de
conception, le collectif c’est-à-dire le groupe d’individus participant aux activités de
conception et développement et l’entreprise ;
- et selon l’orientation privilégiée par l’analyse : la littérature a analysé la conception et le
développement des entreprises comme une résolution disciplinée de problèmes, un réseau
de communication et un système rationnel de planification (Brown & Eisenhardt, 1995).
De nombreuses analyses insistent également sur l’importance du rôle de l’apprentissage
collectif.
Cette double clé nous permet de présenter succinctement les principaux travaux dans le
tableau suivant.
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Tableau 1 : l’analyse des activités de conception et développement de produits nouveaux
La conception et le développement de produits nouveaux en tant que
Résolution de
problème
La conception comme
modèle de compréhension
et de résolution de
problème :intelligence et
sélection (Simon, 1991) ;
La conception comme
conversation réflexive
avec la situation :
processus de recherche
Niveau
donnant du sens à une
individuel situation problématique et
de transformation de cette
situation en problème
pouvant être résolu
(Schön, 1983)
Rôle primordial de la
solution dans la réflexion
des concepteurs (Béguin,
1997 ou Darses, 1997).
La conception en tant que
processus collectif de
résolution de problèmes :
- Séquentiel
- Itératif : (Kline et Rosenberg, 1986).
Niveau
collectif
Niveau
entreprise
Réseau de
communication
La conception en tant
qu’activité
communicationnelle :
- communications internes
à l’équipe de conception
(Allen, 1971 jeu du
silence de Schön, 1997,
modèle de la concourance, notamment Clark
et Fujimoto, 1991 ou
Wheelwright & Clark,
1992) : importance du
compromis entre différents métiers.
- communications externes (« gate keepers »,
Allen 1971, réseaux
technico-économique en
sociologie de l’innovation, Callon, 1991).
Emploi efficace des
communications
horizontales du marché
vers la production et de la
production vers la
conception (Aoki, 1988)
Plan rationnel
Apprentissage
collectif
Le succès du
développement d’un
produit nouveau est le
résultat (Cooper &
Kleinschmidt, 1996) :
- d’une planification méticuleuse d’un produit de
qualité pour un marché
attractif ;
- l’exécution de ce plan
par une équipe plurifonctionnelle et correctement coordonnée ;
- soutenue par la direction.
La conception comme
apprentissage collectif :
- La conception permet de
créer, à partir des savoirs
individuels et d’un contexte spécifié, un savoir
commun nouveau :
constituer au plus tôt une
connaissance partagée
sur les principales incertitudes (Garel & Midler,
1995 & Midler, 1996).
- Apprentissage croisé et
évolution des prestations réciproques (Hatchuel, 1994).
Stratégie de portefeuille
de projets de
développement
(Wheelwright et Clark,
1992).
Stratégies de plate-forme
(Meyer et Lehnerd, 1997,
Robertson et Ulrich,
1998).
Le rôle des acteurs est de
porter et mettre en œuvre
les différentes
compétences nécessaires à
la performance du
développement (Verona,
1995).
La capitalisation des
connaissances permet de
développer les
compétences et
d’améliorer la
performance de la
conception et du
développement
(Wheelwright & Clark,
1992, Verona, 1995)
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Cette analyse indique que les facteurs à l’origine de la performance des activités de
conception et développement sont spécifiques et peuvent être présentés en quatre grandes
classes suivant l’optique retenue.
Lorsque la conception et le développement sont analysés comme des activités de
résolution de problème, l’importance de la coordination est mise en avant. Sans pouvoir
conclure de manière définitive, les principales analyses semblent indiquer un lien entre le degré
d’innovation du projet, le caractère stable ou dynamique de l’environnement et les modalités de
la résolution collective des problèmes (caractère séquentiel ou itératif).
Lorsque la conception et le développement sont analysés sous l’angle d’un réseau de
communications, c’est la qualité (fréquence, moment, intensité…) des communications qui
semble expliquer la performance du projet.
Le troisième facteur de performance réside dans la planification du projet et notamment
dans la cohérence de la planification du projet par rapport à la stratégie de développement de
l’entreprise. L’importance des activités menées lors de l’avant-projet est alors soulignée.
Enfin, le dernier facteur de performance important souligné par la littérature est
l’apprentissage au cours du projet et la capitalisation des connaissances en fin de projet.
L’analyse de ces facteurs de performance des activités de conception et développement
conduit à s’interroger sur le rôle des systèmes de contrôle de gestion pour ces activités.
2
Le contrôle de gestion des projets de conception et développement de
produits nouveaux
Merchant indiquait il y a une vingtaine d’années (1982, page 48) : « contrôler les activités
de développement de produits nouveaux est de loin, plus important dans beaucoup
d’entreprises, que de s’assurer que la fabrication des produits existants est réalisée de la
manière la plus efficiente possible. En conséquence, plus de ressources devraient être
consacrées au contrôle des activités de développement de produits nouveaux, même si ce
domaine est beaucoup plus difficile à contrôler ».
2.1 Les limites des systèmes de contrôle
Les activités de recherche et développement ayant un impact important sur la
performance globale de l’entreprise, le besoin de contrôle de ces activités et les moyens alloués
devraient être significatifs. Or, la littérature sur le sujet conclut, au contraire, que les systèmes
de contrôle jouent au mieux un rôle mineur en matière de conception et développement de
produits nouveaux.
Rockness et Shields (1984) testent empiriquement sur un échantillon de 76 projets le
cadre conceptuel proposé par Ouchi1 (1979) pour les activités de recherche et développement.
L’analyse des résultats montre que le cadre conceptuel d’Ouchi (1979) trouve une application
limitée en matière d’activités de R&D. Les auteurs de l’étude montrent néanmoins une
corrélation positive entre le recours à un contrôle de type bureaucratique (règles, procédures,
ordonnancement...) et la connaissance du processus de transformation.
Dans une perspective similaire, Abernathy et Brownell (1997) utilisent le modèle de
Perrow2 qui relie le type de contrôle avec deux caractéristiques d’une tâche: la possibilité
1. Le modèle proposé par Ouchi explique le recours à différentes modalités de contrôle organisationnel en fonction de deux caractéristiques des tâches à contrôler :
- l’incertitude technologique pesant sur les tâches et donc la connaissance du processus de transformation des
moyens en résultats ;
- la mesurabilité du résultat des tâches.
Suivant les caractéristiques des tâches, trois stratégies de contrôle sont envisageables : le contrôle des résultats,
le contrôle bureaucratique qui consiste en un ensemble de règles formelles et procédures concernant la réalisation des tâches et le contrôle social qui repose notamment sur la sélection et la formation du personnel.
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d’analyser la tâche et le nombre d’exceptions lors de son exécution. Selon les auteurs,
l’utilisation de contrôles de type comptables a un effet statistiquement significatif sur la
performance seulement lorsque l’incertitude liée à la tâche est faible. La conclusion des auteurs
est tout aussi nuancée que celle de Rockness et Shields (1984): les systèmes de contrôle jouent
au mieux un rôle mineur en ce qui concerne la performance des activités de conception et
développement de produits nouveaux.
Le caractère paradoxal de ces deux études tient au constat suivant: alors que, dans de
nombreux secteurs industriels, la performance des firmes provient d’une meilleure maîtrise du
développement de produits nouveaux, les systèmes de contrôle jouent un rôle peu significatif.
Ce caractère paradoxal s’explique notamment par les caractéristiques spécifiques des activités
de conception et de développement de produits nouveaux, marquées par le niveau d’incertitude
élevée et la singularité de ces activités, qui remettent en cause les trois hypothèses
fondamentales du modèle traditionnel de contrôle de gestion (Bouquin, 1994).
• La possibilité d’organiser la cohérence entre court et long termes par une organisation qui
spécialise verticalement les personnes. La planification stratégique s’identifie avec les décisions
prises au sommet, les échelons inférieurs étant en charge de l’application de la stratégie dans le
cadre d’une zone d’autonomie décroissante. Cette hypothèse est remise en cause, en ce qui
concerne le contrôle de gestion des projets de conception et développement de produits
nouveaux, d’une part, parce que ce sont les mêmes cadres opérationnels qui gèrent le projet de
bout en bout et, d’autre part, parce que ces cadres sont obligés de concevoir de manière intégrée
la planification stratégique du projet et son contrôle détaillé.
• La possibilité d’identifier à intervalles réguliers la performance des centres de
responsabilité et de leur responsable. Comme l’indique Bouquin (1994), cela suppose que soit
possible un assez fort cloisonnement des responsabilités dans le temps et dans l’espace.
- Dans le cadre d’un projet de conception et développement d’un produit nouveau, le
cloisonnement dans le temps est difficilement envisageable en raison notamment des
interdépendances temporelles entre les différentes tâches.
- De plus, ce sont des objectifs forts différents du cloisonnement des responsabilités qui
sont poursuivis en matière de gestion de projets de conception et de développement de
produits nouveaux, puisque c’est la coordination entre les différents acteurs-métiers, la
négociation d’un compromis et la résolution collective des problèmes de conception qui
sont recherchés. De plus, les nouvelles approches de la conception visent à engager des
apprentissages sur des prescriptions réciproques faibles (Hatchuel, 1994).
• La dernière hypothèse est culturelle: le modèle traditionnel de contrôle de gestion
fonctionne essentiellement sur un pilotage contractuel par le couple objectifs-moyens. Ce mode
de pilotage est difficile en matière de contrôle de gestion des projets de conception et
développement de produits nouveaux, dans la mesure où le lien entre objectifs et moyens est
mal défini et l’effet réel de la conception n’est pas immédiatement visible. Kerssens-van
Dronlegen et alii (2000) retiennent quatre caractéristiques des activités de conception et
développement qui rendent difficiles la mesure de la performance des activités.
- Il est tout d’abord difficile d’isoler la contribution exacte d’un projet au niveau de
performance de la firme parce que cette performance résulte le plus souvent d’effets
conjugués. Au sein même d’un projet, comme nous l’avons indiqué dans le premier
chapitre, la communication et la collaboration entre services fonctionnels favorisent la
réussite des projets.
2. Perrow estime que la technologie est la principale variable permettant d’analyser la structure organisationnelle.
Deux caractéristiques de la technologie sont mises en avant : le nombre de cas exceptionnels à traiter durant
l’exécution du travail et la nature du processus de recherche mis en place lorsque les cas exceptionnels se réalisent. Ces deux dimensions ont un impact sur quatre variables-clés caractérisant la structure :
- deux variables de contrôle, le degré de discrétion qu’un individu dispose dans son travail et la possibilité de
déterminer partiellement ses objectifs ;
- et deux variables liées à la coordination des tâches qui peut se réaliser par des règles définies a priori ou par
ajustement négocié a posteriori.
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- Une partie des bénéfices des projets de conception et développement sont difficilement
quantifiables; les projets innovants impliquent souvent de nombreux effets externes que
les économistes ont souligné, mais améliore aussi le niveau de connaissances et de
compétences de la firme.
- Les difficultés d’identification et de mesure d’un projet de conception et développement
conduisent à la difficulté de modéliser les liens entre inputs et outputs de la conception et
du développement. De plus, au cours du déroulement du projet, ces liens sont caractérisés
par une forte incertitude.
- La quatrième difficulté provient de la période de temps qui sépare les efforts de
conception et développement de leurs résultats sur le marché. Les conséquences des
efforts de conception et développement ne peuvent donc être appréhendées que bien des
années plus tard.
Ces difficultés conduisent à s’interroger sur le caractère applicable du «modèle
cybernétique» (Hofstede, 1978) de contrôle de gestion, à savoir un modèle qui s’appuie sur des
boucles rétroactives d’écarts négatifs, pour les activités de conception et développement de
produits nouveaux. Comme le souligne Hofstede (1978), le recours au modèle cybernétique de
contrôle de gestion est pertinent pour des activités qui n’ont pas un caractère fortement
stochastique ou dont les conditions de réalisation et les conséquences sont facilement
déterminables.
Ces travaux et analyses suggèrent une étude plus approfondie du rôle et des méthodes des
systèmes de contrôle de gestion des projets de conception et développement de produits
nouveaux, notamment au regard des caractéristiques et des facteurs de performance de ces
activités.
2.2 Des systèmes de contrôle interactifs orientés vers la réduction des
incertitudes
Selon Merchant (1982), le besoin de contrôle dans une organisation découle de deux types
de problèmes.
• Une première classe de problèmes relève de ce que Merchant (1982) nomme des limites
individuelles: ces limites individuelles sont principalement liées à des manques d’information
ou des difficultés de traitement pertinent de ces informations. Les individus peuvent, par
exemple, ne pas être correctement informés sur les stratégies de l’organisation, sur le rôle et
l’action des autres membres de l’organisation ou tout simplement sur ce qui est attendu d’eux.
• La seconde classe de problèmes est liée aux questions de convergence des buts des
individus et de l’organisation.
Or, la plupart des analyses estiment que le contrôle de gestion des projets de conception
et développement de produits nouveaux devrait remplir un triple rôle :
- d’outil d’information permettant de réduire les différentes incertitudes auxquelles le
projet doit faire face ;
- d’outil de communication et de résolution de problème ;
- et enfin de dispositif favorisant l’apprentissage et l’expérimentation.
Le rôle du contrôle de gestion des activités de conception et développement est donc
principalement de fournir l’information requise pour réduire l’incertitude inhérente à ce type de
projet. Cette analyse s’appuie sur les travaux de Galbraith (1973), ainsi que ceux de Tushman
et Nadler (1978) concernant le rôle de l’information et de l’incertitude en matière de design
organisationnel et sur une conception large du contrôle de gestion telle qu’elle a été proposée
par Simons (1990 et 1995) et par les travaux portant sur les pratiques de target costing (Tani,
1995).
Les travaux de Galbraith (1973) montrent que l’incertitude est une variable centrale en
matière de design organisationnel. L’incertitude est définie (Galbraith, 1973, page 5) comme
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« la différence entre le montant de l’information requis pour réaliser une tâche et la quantité
d’information déjà disponible dans l’organisation ». L’information nécessaire est fonction :
- de la diversité des outputs mesurée par le nombre de produits ou services, clients
différents ;
- du nombre de ressources différentes mesuré par le nombre de spécialités techniques
différentes sur un projet, le nombre de machines différentes dans un atelier…
- du niveau de difficulté de la performance à atteindre (critères d'efficience et d’efficacité).
Lorsque l’information disponible n’est pas suffisante, l’organisation adopte une stratégie
permettant soit de réduire la quantité d’information nécessaire (création d’un slack de
ressources ou création de tâches autonomes), soit d’accroître la capacité de traitement
d’information par l’organisation (investissement dans des systèmes d’information ou création
de relations latérales sous forme de « task force »). L'organisation choisira une combinaison de
stratégies la mieux adaptée à son contexte. Si l'organisation ne choisit pas délibérément une
stratégie, alors la première, des standards de performance dégradés (sous forme d’un slack de
ressources), se produira automatiquement. Par exemple, « lorsqu'une organisation introduit de
nouveaux produits, de nouveaux processus ou une ligne de production diversifiée, elle doit
supporter des coûts plus importants. Elle n'a pas le choix. Le seul choix est relatif à la forme
sous laquelle le coût survient. Il peut être supporté sous la forme de délais plus longs (slack de
ressources), d'une spécialisation réduite (autonomie), de l'investissement en systèmes
d'information verticale ou de relations latérales » (Galbraith, 1973, page 56).
Tushman et Nadler (1978) avancent que les systèmes de contrôle de gestion sont des
dispositifs efficaces pour gérer l’incertitude. Leur analyse permet de préciser deux points par
rapport au schéma conceptuel de Galbraith (1973).
Tout d’abord, en ce qui concerne le recours à des systèmes d’information formels: ceuxci seront de préférence utilisés pour accroître les capacités de traitement de l’information
lorsque l’information a un caractère quantifiable ou formel (ordonnancements, prévisions...).
Ensuite, concernant le caractère dynamique de l’analyse. Dans la mesure où les
incertitudes sont susceptibles d’évoluer au cours du temps, les exigences de traitement de
l’information évoluent (tant en termes de quantité d’information que de nature de l’information)
et les moyens doivent s’adapter en conséquence. Cependant, en raison de l’existence de modes
alternatifs de traitement de l’information, cette adaptation n’a pas un caractère déterministe. Par
exemple, en matière d’activités de conception et développement de produits nouveaux, les
travaux d’Utterback et Abernathy (1975) montrent que les modes de traitement de l’information
évoluent suivant les phases du projet.
L’analyse de Simons (1995) permet de distinguer les systèmes de contrôle de gestion
programmés (qui s’apparentent au modèle cybernétique de contrôle de gestion qui s’appuie sur
une boucle unique de feed-back) des systèmes de contrôle qualifiés d’«interactifs» dont le rôle
est de collecter de l’information sur les incertitudes stratégiques (contingences ou incertitudes
pouvant menacer ou invalider la stratégie d’un domaine d’activité) afin de stimuler la recherche
d’opportunités nouvelles et l’apprentissage. Quatre caractéristiques permettent de qualifier
d’interactif un système de contrôle (Simons, 1991, p. 50):
- l’information générée par le système constitue un point important et récurrent d’intérêt
pour les plus hauts niveaux du management;
- le système de contrôle interactif demande une attention fréquente et régulière de la part
des managers opérationnels à tous les niveaux de l’organisation;
- les données générées par le système sont interprétées et discutées en face à face lors de
réunions entre les supérieurs et les subordonnés;
- le système est un catalyseur pour un débat continuel sur les données, les affirmations et
plans d’actions sous-jacents.
Les systèmes de contrôle interactifs remplissent trois rôles :
- un rôle de signalement: lorsque le processus de décision est diffus (ce qui est le cas au sein
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des équipes de conception), les systèmes de contrôle interactif permettent de révéler les
valeurs et préférences du management aux individus participant à la décision ;
- un rôle de surveillance: ils guident les acteurs en leur indiquant le type d’information à
collecter ;
- un rôle de ratification des décisions: les systèmes de contrôle interactifs permettent
d’informer les managers sur les décisions prises engageant l’organisation et ses
ressources.
Le caractère interactif des systèmes de contrôle de gestion conceptualisés par Simons
(1990) procède principalement de communications verticales entre les subordonnés et les
managers. Dans le cadre des activités de conception et développement de produits nouveaux, ce
qui est recherché, ce sont également des communications au sein de l’équipe-projet, notamment
pour la résolution collective de problèmes et la négociation du compromis. En conséquence, le
contrôle réside dans une information partagée par interaction verticale, mais aussi par
interaction horizontale entre les différents participants au projet de conception et
développement.
Analysant la mise en œuvre des pratiques d’ingénierie simultanée dans l’industrie
japonaise, Tani (1995) souligne l’importance des systèmes de contrôle favorisant le partage
d’informations entre les différents participants au projet. En particulier, Tani (1995) remarque
que les systèmes de management par coûts-cibles (target cost management) constituent de
véritables systèmes de contrôle de gestion interactif. L’analyse des pratiques d’ingénierie
simultanée dans les entreprises japonaises fournit deux leçons principales:
- la réduction drastique des coûts ne peut être obtenue sans coopération importante entre les
différentes fonctions; les bénéfices de l’ingénierie simultanée ne sont effectivement
obtenus que lorsque l’information est partagée;
- la coopération entre les différents métiers est importante pour l’émergence d’idées sur le
plan stratégique. Tani (1995) note, par exemple, que les revues de conception constituent
des séances «in vivo» de contrôle interactif au cours desquelles l’information essentielle
sur les besoins des clients ou la technologie est partagée afin d’adapter le plan stratégique
concernant la conception et le développement du produit nouveau.
En conséquence, le concept de contrôle de gestion interactif peut avoir un caractère
vertical, mais aussi horizontal.
Le contrôle interactif vertical, tel qu’il a été conceptualisé par Simons, aide la direction à
communiquer les objectifs au management intermédiaire et à obtenir l’information détenue par
le management intermédiaire et favorise l’adaptation de la stratégie.
L’interaction horizontale est à la base du chevauchement des différentes phases du projet
(cet aspect de l’ingénierie simultanée a été précisé par Wheelwright et Clark, 1992, qui
distinguent quatre modes d’interaction entre les différentes tâches, l’interaction la plus aboutie
étant la résolution de problèmes intégrée). Tani (1995) souligne que les systèmes de
management par coûts-cibles favorisent l’interaction horizontale entre les managers des
différentes fonctions participant au projet, permettant ainsi des résolutions conjointes des
problèmes.
Cette analyse sur le rôle des systèmes de contrôle de gestion est cohérente avec les
quelques analyses empiriques concernant les dispositifs de contrôle des activités de conception
et développement.
2.3 Les analyses empiriques
Ces analyses reposent sur des travaux relevant de différents domaines :
- les analyses des pratiques de target costing dans les entreprises japonaises (Tani, 1995 ou
Cooper et Slagmulder, 1997) ;
- les quelques analyses empiriques portant sur les systèmes de contrôle des projets de
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conception et développement (Nixon, 1997 et Davila, 2000) ;
- les analyses relevant du management de projet ;
Ces différentes analyses empiriques permettent de compléter le cadre conceptuel qui a été
présenté dans le paragraphe précédent.
2.3.1
Les études des pratiques de target costing dans les entreprises japonaises
Les travaux de Tani (1995) sur le management par coût-cible montrent que la conception
de ces dispositifs de management dépend des incertitudes de l’environnement classées en trois
catégories : celles liées à l’évolution et à la diversité des besoins des consommateurs, celles liées
à l’accélération de l’innovation technologique et celles liées à l’intensité de la concurrence sur
les marchés. La nature et le niveau de ces incertitudes ont un impact sur l’étendue, les objectifs,
l’organisation et les outils du management par coût-cible.
Cooper et Slagmulder (1997), sur la base de l’étude des pratiques de target costing de
quelques grandes entreprises japonaises indiquent des liens entre l’énergie dépensée dans les
activités de target costing et l’incertitude pesant sur le projet. Lorsque la concurrence est
intense, lorsque les clients ont des exigences évoluant ou lorsque le produit est complexe et le
développement est long, le target costing favorise la gestion du processus de conception et
développement. Au contraire, lorsque le produit est innovant (incertitudes techniques), le
système de target costing apparaît moins pertinent.
2.3.2
Les analyses des systèmes de contrôle des projets de conception et développement
Nixon (1998), sur la base de l’étude longitudinale d’un projet de conception dans le
secteur des biens industriels, remarque que lors de chaque étape importante du projet de
conception et développement d’une nouvelle machine, les objectifs et les mesures de
performance résultaient de discussions intenses entre tous les participants au projet, y compris
le consommateur et les fournisseurs. En conséquence, les objectifs et les mesures retenus
faisaient référence à des variables ou événements que l’équipe pouvait influencer. Nixon (1998)
en déduit qu’un système de mesure de performance correctement conçu permet d’intégrer les
processus clés et d’améliorer les communications au sein de l’équipe, ce qui semble nécessaire
pour passer d’un développement séquentiel à un développement concourant. L’étude montre
également que le système de mesure et d’évaluation évolue au cours du projet au fur et à mesure
de la réduction de l’incertitude. Dans les phases avancées du projet, des mesures stratégiques
plutôt qualitatives sont préférées. Ensuite, les mesures deviennent plus précises, plus centrées
sur des éléments techniques ou financiers et aussi plus opérationnelles. En outre, son étude
montre que l’entreprise ne recourt qu’à certaines des méthodologies que nous avons citées en
fonction des objectifs considérés comme primordiaux.
Une étude de Davila (2000) s’appuyant sur quatre études de cas et un questionnaire testé
auprès de 73 managers de projet dans l’industrie du matériel médical en Amérique du Nord
montre que les systèmes de contrôle de gestion sont importants et utilisés par les chefs de projet.
Trois types d’incertitudes (liées au marché, à la technologie et à l’étendue du projet) façonnent
la conception des systèmes de contrôle de gestion. Cependant, les systèmes de contrôle de
gestion ne constituent pas, suivant la nature des incertitudes, le seul dispositif permettant de
réduire l’incertitude.
2.3.3
Les analyses relevant de la littérature en management de projet
Les analyses précédentes sont cohérentes avec la littérature en management de projet.
Couillard (1995, page 3) indique, par exemple, que « lorsque les risques d’un projet ne sont pas
pris en compte, les techniques classiques d’ordonnancement du projet ou celles de contrôle de
gestion du projet n’ont pas d’influence significative sur la réussite» et qu’en conséquence, les
risques d’un projet doivent être considérés d’un point de vue stratégique et tactique lors de la
mise en œuvre du projet. L’étude empirique de Couillard (1995) montre que plus le niveau de
risque du projet est élevé et plus le projet sera planifié, surveillé et contrôlé de manière formelle.
L’analyse distingue trois types de risques:
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10
- le risque technique de performance, c’est-à-dire le risque de ne pas atteindre les exigences
opérationnelles;
- le risque de coût portant sur un dépassement du budget;
- et le risque de délai.
Cependant, au-delà de la nature des risques, la littérature en management de projet (Giard,
1991) montre que la gestion des risques évolue au cours du projet.
3
Etude des dispositifs de pilotage des projets de conception et développement dans le secteur aéronautique
Afin de valider les hypothèses portant sur le rôle et les variables de conception des
systèmes de pilotage économique des projets de conception et développements de produits
nouveaux dans le secteur industriel, une étude empirique a été réalisée à la Branche
« Aéronautique » d’un groupe français participant à un partenariat européen de
commercialisation d’avions.
3.1 Présentation de l’entité et caractéristiques des développements
Les produits du partenariat sont rattachés à trois gammes d’appareils:
- des appareils moyen-courriers à fuselage large;
- des appareils moyen-courriers à fuselage étroit, dont environ 2000 ont été commandés
depuis le lancement du programme en 1984;
- des appareils long-courriers, déclinés en versions bi ou quadrimoteurs.
Les innovations de produits font largement appel à la technologie numérique appliqué aux
systèmes des cockpits. Les appareils du partenariat ont été précurseurs au cours des années 1980
en adoptant pour la première fois sur un appareil commercial des commandes de vol électriques.
Pour développer de tels systèmes, l’avionneur a été conduit à développer de nombreux outils
informatiques pour la conception des équipements, la simulation du fonctionnement simultané
des divers systèmes et leur validation.
La Branche «Aéronautique» joue un rôle d’architecte-intégrateur de systèmes notamment
en développant une approche globale reliant la cellule, le système propulsif et les systèmes
embarqués. Au sein du partenariat européen, la Branche Aéronautique prend en charge tous les
aspects liés au développement et à la production des pointes avant équipées, des tronçons
centraux de fuselage, des caissons structuraux, de l’installation électrique et de celle des mâts
porte-réacteurs et des nacelles.
La Branche est également chargée de l’assemblage final d’une partie substantielle de
modèles et assure les campagnes d’essais en vol de tous les appareils en vue de leur certification.
3.1.1
L’organisation des activités de la Branche
La Branche est structurée selon un schéma matriciel autour de deux séries d’entités:
- les Programmes, qui sont organisés autour des lignes de produits et coordonnent les
différentes activités techniques pour le compte des clients (développement, fabrication et
soutien série);
- les différents métiers, organisés sous forme de centres de compétence, apportent les
moyens nécessaires aux Programmes. La Direction Technique fait partie des centres de
compétence au même titre que la Direction Industrielle ou la Direction des Achats.
La Direction Technique assure les activités de bureau d’études et d’essais en vol pour le
compte des Programmes et développe le Programme Recherche de la Branche Aéronautique.
Elle est organisée en différents départements représentant des pôles de compétences techniques:
Études Générales, Systèmes, Calculs…
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11
3.1.2
Les caractéristiques du développement d’un produit nouveau
Les produits avion ont un cycle de vie d’au moins 30 ans. En conséquence, un
développement de produit nouveau peut concerner plusieurs types d’affaires:
- la conception et le développement d’un appareil nouveau ou d’un appareil dérivé;
- mais aussi la conception et le développement d’évolutions importantes, tant sur le plan
des structures que des systèmes de pilotage ou de navigabilité, d’un appareil existant.
- Enfin, la durée de vie particulière du produit et sa complexité font qu’une partie
importante (environ un tiers) des activités de la Direction Technique consiste à assurer le
soutien série des appareils en service. Ces activités sont gérées par la Direction Technique
pour le compte des Directions de Programme sans recours aux méthodes et techniques du
management de projet.
Les dépenses de développement d’un nouvel appareil se répartissent en trois catégories
principales:
- les essais;
- l’industrialisation de la production: l’industrialisation fait partie intégrante du
développement. De manière générale, les avions de développement sont fabriqués avec
des moyens destinés à la production en série. Les dépenses de développement
comprennent donc l’ensemble des outillages et des moyens d’essais.
- et les études (conception détaillée, liasse…).
Les objectifs du développement d’un produit nouveau ne portent pas uniquement sur les
délais. Pour un développement nouveau, les constructeurs recherchent surtout le degré de
maturité de l’avion au démarrage de la phase des essais en vol et à l’entrée en service. Pour les
dérivés, les constructeurs recherchent la réduction de l’ensemble des cycles.
La conception et le développement d’un nouvel appareil s’organisent autour de deux
phases principales:
- une phase de pré-développement qui comprend:
. des études de marché;
. les études préliminaires (après choix des moteurs);
. et la démonstration de la faisabilité industrielle.
- La phase de développement proprement dite.
Le développement prend en compte les contraintes d’industrialisation à un niveau tel que
l’établissement de la définition d’un avion est soumis à des contraintes analogues à sa
fabrication. Il est très difficile et très coûteux de modifier les principes constructifs, les
architectures ou les technologies mises en œuvre, une fois le développement lancé.
-
Cette phase de développement comporte les principales activités suivantes:
les études: spécifiques ou non, développement des équipements;
les essais aérodynamiques;
les maquettage d’études et outillages;
la mise au point des processus de fabrication;
la documentation;
les essais structuraux et des systèmes;
les essais en vol.
3.2 Méthodologie de l’étude
L’étude menée à la Branche Aéronautique a permis l’analyse de six projets de
développement de produits nouveaux au sens large. En effet, la nature des projets était la
suivante:
- un projet de développement d’un appareil long-courrier, dérivé d’un appareil existant
mais dont l’augmentation de taille et de masse entraînait des problèmes de conception tout
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12
à fait nouveaux;
- un projet de développement d’un appareil dérivé d’un appareil de la gamme: l’objectif
était d’augmenter la distance franchissable de l’appareil existant et donc sa masse, afin de
le proposer en tant qu’avion d’affaires;
- un projet de type «grosse modification» portant sur la structure d’un appareil, visant à
permettre un aménagement commercial particulier pour un opérateur précis;
- trois projets de développement de produits nouveaux portant sur les systèmes d’avionique
d’appareils. Contrairement aux précédents projets, ces trois développements ont un
caractère multi-programmes et visent donc toute la gamme des appareils proposés. Ces
projets conduisent à l’installation de nouveaux équipements de type avionique sur les
appareils ou à la modification des logiciels embarqués.
L’unité d’analyse de cette étude est le projet. En effet, l’objet est d’identifier les outils
utilisés par le chef de projet afin de lui permettre de piloter les objectifs du projet:
- Quels sont les outils de pilotage privilégiés par le chef de projet?
- Comment sont-ils utilisés?
- Pourquoi des outils particuliers sont-ils utilisés sur un projet et peut-on faire un lien de
causalité entre les outils utilisés et les risques principaux perçus au cours du projet?
Cette étude ayant un caractère exploratoire, la méthodologie de l’étude de cas a été
retenue (Yin, 1984). L’objectif de ces études de cas est de mettre en évidence un lien de
causalité entre les risques perçus sur un projet lors des phases amont, les dispositifs et outils de
pilotage utilisés par le chef de projet et la performance du projet. Cette question générale repose,
de manière tout à fait explicite, sur les conclusions esquissées par la littérature. En raison de
l’incertitude présente au démarrage d’un projet de conception et développement d’un produit
nouveau, le chef de projet va sélectionner, sur la base des incertitudes stratégiques perçues, les
systèmes formels de contrôle sur lesquels il s’appuie pour piloter son projet et stimuler des
interactions avec les participants au projet et entre les participants au projet. Ces incertitudes
stratégiques découlent directement des objectifs stratégiques retenus sur le projet.
3.2.1
Les mesures retenues
Cette question générale nécessite, pour assurer la validité construite, de justifier et
démonter les mesures sélectionnées qui vont refléter ce qui est avancé (Yin, 1984). Trois
concepts apparaissent centraux dans cette étude.
Le risque stratégique peut être défini comme «un événement inattendu ou un ensemble de
conditions qui réduit la capacité des managers à mettre en œuvre leur stratégie d’activité
intentionnelle» (Simons, 2000, p. 255). La stratégie intentionnelle s’exprime par les objectifs
fixés au projet en matière de délais, coûts et performance technique et résulte de la politique de
produits de la firme. Quant aux risques, ils ont été rapportés sur la base des typologies
présentées dans la littérature en distinguant selon leur origine:
- les risques externes provenant des clients, des fournisseurs, des concurrents ou de la
technologie;
- les risques internes provenant de la taille du projet, de son organisation et des ressources
utilisées.
Les risques peuvent également s’exprimer par rapport à la conséquence de l’événement
sur les objectifs du projet que sont les spécifications techniques, les coûts et les délais (Giard,
1991).
Les principaux outils de pilotage utilisés: les systèmes de contrôle de gestion interactifs
sont des systèmes formels d’information utilisés de manière interactive aussi bien entre les
différents acteurs-métiers participant au projet qu’entre le responsable du projet et les acteursmétiers. Un système de contrôle interactif est un système qui suscite débat et dialogue à tous les
niveaux de l’organisation. Ont donc été recherchés durant les études de cas les outils de pilotage
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13
fréquemment utilisés par le responsable du projet et dont les informations étaient discutées lors
des réunions d’avancement.
Le niveau de performance des projets: concernant un projet de conception et
développement d’un produit nouveau, ce niveau de performance est impossible à évaluer
autrement qu’en demandant l’avis des acteurs de l’organisation. Cependant, les avis des acteurs
ne sont pas nécessairement convergents et peuvent évoluer au cours du projet. Trois approches
de la performance du projet ont été retenues:
- la performance commerciale telle que la percevaient les responsables des Directions de
Programme concernées par le projet;
- la performance technique du projet, telle qu’elle pouvait être perçue par le Directeur des
Études et les responsables des métiers;
- la performance financière du projet perçue par les contrôleurs de gestion ou la Direction
de l’Audit.
En cas de désaccord entre les acteurs, les différences d’appréciation sont mentionnées
dans le tableau d’analyse. De plus, il convient d’être prudent lors de l’interprétation dans la
mesure où cette performance est susceptible d’évoluer en fonction de l’avancement du projet.
3.2.2
Procédures générales sur le terrain, questions spécifiques et sources d’information
Les six études de cas ont été réalisées sur la base d’une cinquantaine d’interviews réalisées
sur une période de trois mois.
Cette multiplicité des personnes interviewées a permis une triangulation des différentes
informations recueillies. De plus, la documentation interne concernant l’organisation des
projets et l’historique des six projets a été analysée. Au cours de la dernière phase de l’étude,
des interviews semi-directives sur les modalités de pilotage ont été menées auprès des six
responsables de projet.
3.3 Analyse des six projets de conception et de développement étudiés
3.3.1
Les projets de type « structure »
Le projet St. A est le plus important pour la Branche lors de la réalisation de cette étude.
Le coût de développement de ce programme représente la moitié du coût de développement
d’un programme entièrement nouveau et un des objectifs est de réduire de manière importante
le coût de développement de cet appareil par rapport aux versions précédentes. Le résultat est
de proposer un appareil d’une capacité jamais encore réalisée par le constructeur et comportant,
en conséquence, des risques techniques importants: les caractéristiques techniques de la
structure de cet appareil, le plus long jamais réalisé, constituent la principale incertitude sur le
projet et notamment la masse de cette structure. Le délai constitue également un objectif
important dans la mesure où une date de livraison à la compagnie de lancement est fixée.
La réalisation du projet s’appuie sur différentes innovations organisationnelles pour la
Branche Aéronautique en raison de l’importance du projet et des objectifs de réduction de coût.
Le projet est organisé autour d’équipes-projet intégrées, qui comprennent toutes les
compétences nécessaires à l’élaboration du produit final de l’équipe. Il s’agit d’une structure qui
a une durée limitée (sa durée d’existence est limitée à la résolution d’un problème spécifique).
Ces équipes-projet intégrées assurent les interfaces avec les fournisseurs. Chaque équipe reçoit
une délégation de responsabilité portant sur la maîtrise des coûts, des délais et de la qualité sur
son propre projet. Cette délégation de responsabilité est matérialisée par la signature d’un
contrat d’objectif entre l’équipe intégrée, les métiers concernés et la direction du projet.
La mise en place d’un responsable du processus de management de projet (chargé de
mettre en place les méthodes et outils de gestion de projet) et d’un responsable économique et
commercial du projet chargé:
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14
- de réaliser et maintenir le business plan du projet;
- de suivre les dépenses du projet au fur et à mesure de l’avancement;
- de définir et suivre des objectifs de coûts récurrents (notamment en simulant des prix de
revient et fabrication);
- et d’assurer la liaison avec les contrôleurs de gestion des différentes entités
opérationnelles participant au projet.
Le mode d’organisation du projet en plateau permet des discussions fréquentes sur
l’avancement technique (qui conditionne la date de livraison, mais aussi le respect de
l’enveloppe de coûts de développement). La masse de l’appareil fait aussi l’objet d’un suivi
précis et régulier, notamment parce qu’elle conditionne les performances techniques de
l’appareil et le respect du DOC3 (Direct Operating Cost).
Le projet St. B est un projet simple sur le plan technique puisqu’il vise à développer un
avion d’affaire à distance franchissable accrue sur la base d’un appareil existant. L’objectif le
plus important est le respect des dates de livraison et de certification du premier appareil. En ce
qui concerne les objectifs de coût, seuls des objectifs de coûts de développement ont été fixés
au chef de projet par le Directeur du programme, suite à une évaluation de la rentabilité du
programme. En ce qui concerne les coûts récurrents, il n’y a pas eu d’objectifs particuliers:
- les coûts récurrents de fabrication ne devraient pas différer sensiblement de ceux de
l’appareil duquel est dérivée la nouvelle version;
- les coûts récurrents supportés par le client (coûts directs d’exploitation) ne constituent pas
un argument commercial décisif pour le type de clientèle envisagé.
Le pilotage du projet porte essentiellement sur l’avancement technique du projet: le chef
de projet organise des réunions d’avancement technique avec les différents métiers. Le
responsable du projet se déplace dans les différents sites pour discuter avec les acteurs chargés
du développement. Le chef de projet rend compte tous les trimestres au Directeur de Programme
de l’avancement physique du projet et des coûts de développement.
Le projet St. C consiste à modifier la structure d’un appareil existant pour modifier
l’aménagement intérieur suite à la demande d’une compagnie aérienne. Le projet comporte
quelques risques techniques liés à la modification de la structure de l’appareil: selon le
responsable du projet, l’incertitude principale est technique et porte sur la capacité à
industrialiser rapidement la solution retenue. En effet, les objectifs principaux portent sur la date
de livraison des appareils modifiés, ainsi que sur le respect des coûts de développement du
projet afin de respecter la rentabilité envisagée du projet. La modification technique n’entraîne
pas d’évolution significative des coûts récurrents et du DOC de l’appareil.
Les systèmes de contrôle de gestion sont donc utilisés principalement à cette fin: les
techniques classiques de contrôle de gestion des projets rapprochant l’avancement du projet et
les dépenses sont utilisées fréquemment par le chef de projet ainsi que l’estimation du coût à
terminaison. Le chef de projet discute également tous les mois de ces analyses avec les
responsables du Programme.
Enfin, pour accélérer la durée du projet, les études d’industrialisation ont été menées en
parallèle avec l’élaboration des solutions techniques. Cette approche s’apparente aux principes
du Design for Manufacturing4 et a été rendue possible, selon le chef de projet, grâce à la
structure de projet sorti et la présence et les discussions continues entre les acteurs-métiers du
bureau d’études et des centres industriels
3. Le modèle du DOC a pour objectif d’évaluer les charges ( investissement initial, charges de vol, coûts de maintenance, coûts liés aux aléas et les charges diverses liées, par exemple, à l’assurance ou la formation des équipages) supportées par la compagnie cliente lors de l’utilisation de l’appareil. Le DOC constitue un critère
d’achat important pour les compagnies.
4. Le Design for Manufacturing est une méthodologie visant à prendre en compte les contraintes de production le
plus tôt au cours d’un projet de conception et développement et constitue ainsi une des méthodologies disponibles en matière d’ingénierie concourante (Gautier & Giard, 2000).
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15
3.3.2
Projets systèmes Sy. A, Sy. B & Sy. C.
Les produits concernés par ces trois projets consistent en des systèmes de pilotage ou de
navigation. Sur un plan pratique, il s’agit de développer des logiciels embarqués. En
conséquence, l’étude des coûts récurrents de fabrication ou du DOC est peu pertinente. Les
objectifs fixés aux responsables de projet portent essentiellement sur les délais de
développement des logiciels et éventuellement des équipements correspondants, dans la mesure
où ces systèmes sont vendus aux clients à partir d’un numéro de série des appareils.
Les trois projets systèmes ont en commun d’être structurés selon une logique de
coordination de projet. D’autre part, contrairement au projet St. B, le coordinateur de projet est
rattaché au Bureau d’Études et non à un Programme. Enfin, la troisième caractéristique de ces
projets est d’être multi-programmes.
En ce qui concerne le projet Sy. A, le responsable de projet estime que les principales
incertitudes sont externes au projet et portent sur la définition par les États, les clients et les
constructeurs de nouvelles normes de navigation aérienne. En conséquence, une partie
importante de l’agenda du responsable de projet est remplie par ce problème de définition de
normes. L’absence de dispositifs formels de pilotage du projet et de réunions entre les différents
acteurs-métiers du projet fait que les acteurs ne savent pas exactement ce qui est attendu. Des
retards importants sont constatés par rapport aux délais spécifiés aux clients entraînant la mise
en place de solutions de sauvegarde coûteuses. Devant cette situation, le responsable du projet
a décidé de mettre à jour et formaliser un planning et une analyse des risques du projet. Selon
les participants au projet, ces deux outils ont permis, lors de leur élaboration, des réunions
fréquentes entre le responsable du projet, les acteurs-métiers et les responsables du programme
leader.
Les deux derniers projets, Sy. B et Sy. C sont semblables en ce qui concerne leur objet et
leur organisation. Dans les deux cas, la principale incertitude porte sur la capacité du fournisseur
à livrer dans les délais l’équipement attendu sur la base du cahier des charges établi par le
constructeur. Les dispositifs formels de pilotage dans les deux cas sont très légers: ils sont
constitués d’un rapide suivi de l’avancement technique. Les différences portent sur trois points:
- une analyse formelle des risques a été réalisée par le fournisseur de l’équipement dans le
cadre du projet Sy. C;
- le responsable du projet Sy. B organise des réunions fréquentes avec les principaux
participants au projet sur l’avancement technique, notamment avec les fournisseurs. En
plus de ces réunions programmées, de fréquents échanges téléphoniques ont lieu entre le
responsable de projet et le fournisseur;
- le niveau de performance du projet Sy. B est jugé meilleur que celui du projet Sy. C qui
connaît de fréquents délais dans la livraison de l’équipement aux clients. Cependant, le
démarrage du projet Sy. B est plus récent que celui du projet Sy. C
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16
.
Tableau 2 : présentation des caractéristiques des projets
Projets
St. A
Développement
d’un nouvel
Nature du projet
appareil
St. B
St. C
Sy. A
Développement Modification
Évolution
d’un appareil
importante d’un importante
dérivé
appareil existant (système de
navigation)
Date de
Date de
Date de
Objectifs
certification et de certification et certification et techniques
livraison.
de livraison du de livraison du (équipements
Maturité et
premier
premier
vendus à un
disponibilité
appareil.
appareil.
client) et dates
Objectifs assignés
opérationnelle du Respect des
Respect des
de certification
au projet
produit.
coûts de
coûts de
des
Respect d’une
développement. développement. équipements
cible de coût
(rang
d’utilisation pour
d’application).
les clients.
Incertitudes
Incertitudes
Incertitudes
Incertitudes
techniques et
internes sur la
techniques
liées aux
organisationnelles disponibilité des (notamment
autorités
(projet de grande ressources.
liées aux sous- (évolutions de
Nature des
taille, disponibilité
la définition
traitants)
incertitudes
des ressources).
technique).
Quelques
Incertitudes
incertitudes
liées à la
commerciales.
concurrence.
Projet sorti
Structure de
Structure de
Projet sorti.
(plateau).
type
Directeur de
type
Direction de
coordination de projet rattaché à coordination de
projet et équipes projet, avec des un responsable projet :
intégrées.
correspondants des métiers.
coordinateur
Structure
Directeur de
des métiers.
rattaché aux
organisationnelle projet rattaché au Chef de projet
métiers.
Directeur de
rattaché au
Projet multiProgramme.
Directeur du
programmes
Programme
avec un
programme
leader.
Sy. B
Sy. C
Évolution
importante
(système de
navigation)
Objectifs
techniques
(équipements
vendus à un
client) et dates
de certification
des
équipements
(rang
d’application).
Évolution
importante
(système de
navigation)
Objectifs
techniques et
de délais en
raison de la
vente des
équipements à
deux
compagnies.
Incertitudes
externes (liées à
un
équipementier
de premier
rang).
Incertitudes
techniques
liées aux
fournisseurs.
Structure de
type
coordination de
projet :
coordinateur
rattaché aux
métiers.
Projet multiprogrammes
avec un
programme
leader.
Structure de
type
coordination
de projet :
coordinateur
rattaché aux
métiers.
Projet multiprogrammes.
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17
Tableau 3 : outils de pilotage économique utilisés sur les projets
Projets
St. A
Principaux
risques identifiés
et analyse
formalisée.
Analyse des
risques
Réunions
régulières
d’avancement
technique et
industriel
(planning).
Suivi fréquent des
NRC et du DOC.
Principaux outils
Suivi de la
de pilotage
disponibilité des
utilisés
ressources.
Fréquentes
interactions avec
le client de
lancement
(partiellement
présent sur le
plateau).
Satisfaisante
concernant les
objectifs
techniques,
industriels et de
délais.
Analyse de la
Dépassement des
performance
NRC liés à des
difficultés
techniques.
St. B
St. C
Sy. A
Sy. B
Principaux
risques
identifiés et
analyse
formalisée.
Principaux
risques
identifiés mais
analyse non
formalisée.
Pas d’analyse Pas d’analyse
des risques
formelle des
réalisée au
risques.
début du projet.
Réunions
fréquentes pour
suivre
l’avancement
technique du
projet
comprenant les
métiers et le
chef de projet.
Ré-estimations
fréquentes du
coût à
terminaison
(NRC).
Suivi de
l’avancement
technique et
industriel
fréquent facilité
par le plateau.
Suivi mensuel
des NRC.
Fréquentes
interactions
avec le client.
Absence
d’outils de
pilotage
spécifiques au
projet et peu de
réunions entre
le chef de projet
et les acteurs.
Pas de suivi des
coûts (autre que
dans le cadre du
suivi
budgétaire) ou
de
l’avancement.
Planning
général de
l’ensemble des
certifications à
obtenir et suivi
des plannings
détaillés par
équipement à
certifier.
Réunions
techniques tous
les 2 mois avec
les principaux
acteurs internes
et externes.
Satisfaisante
aux niveaux
commercial,
technique et
financier.
Satisfaisante
aux niveaux
commercial,
technique et
financier.
Dépassements
budgétaires.
Retards dans la
livraison des
équipements
aux compagnies
aériennes.
Solution
technique non
définie :
solution de
sauvegarde
mise en œuvre.
Niveau
satisfaisant
mais début du
projet.
Sy. C
Pas d’analyse
formelle des
risques, mais
un des
principaux
équipementiers
a réalisé et
formalisé une
analyse de ses
risques.
Pas de
véritables outils
de suivi de
projet : remise
à jour du
planning
prévisionnel en
fonction des
retards
constatés.
Outil de
prévision des
besoins en
ressources,
uniquement
dans le service
du chef de
projet.
Retards
importants dans
la mise en place
de la solution
pour les
compagnies.
RC : coûts récurrents
NRC : coûts non récurrents
DOC : Direct Operating Cost
3.3.3
Caractéristiques de l’information de pilotage des projets
Dans le cadre de cette étude, il est important de préciser les principales caractéristiques de
l’information utilisée pour le pilotage de projet par le responsable. En effet, les incertitudes
pesant sur le projet peuvent avoir un impact sur la nature des systèmes de contrôle de gestion
utilisés mais également sur les caractéristiques de l’information conformément à l’analyse de
Chenhall et Morris (1986). L’information est analysée selon quatre dimensions: étendue,
rapidité (en fait, la fréquence), le niveau d’agrégation et le niveau d’intégration. Si les trois
dernières dimensions ne posent pas de difficultés, la dimension d’étendue suppose quelques
précisions en ce qui concerne les projets à rentabilité contrôlée. Il semble possible de déterminer
différents niveaux de production et d’utilisation de l’information financière sur le projet:
- le premier niveau peut correspondre à l’absence de traitement et d’utilisation
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-
-
-
18
d’information sur les coûts au cours du projet.
Le deuxième niveau correspond à un suivi des coûts de développement dans le cadre du
budget général de l’entité: le suivi des coûts est réalisé dans le cadre du processus
budgétaire des opérations récurrentes et donc l’horizon de temps est l’exercice budgétaire.
Le responsable du projet s’informe sur d’éventuels dépassements dans le cadre de
l’exercice budgétaire.
Le troisième niveau prend en compte la dimension temporelle du projet (qui est différente
de l’horizon temporel de l’exercice budgétaire). En retenant la distinction classique entre
suivi des dépenses et suivi des engagements (Meredith & Mantel, 1989), il est possible de
distinguer deux niveaux:
le suivi des dépenses de développement rapprochées de l’avancement technique du projet;
le suivi des engagements liés aux activités de développement et la ré-estimation du coût
à terminaison (coût non récurrent de développement).
Le dernier niveau porte sur l’étendue temporelle la plus large: il tient compte des coûts de
développement mais aussi des coûts récurrents de production et/ou des coûts récurrents
supportés par l’utilisateur.
Sur la base de ces précisions, il est possible d’appliquer l’analyse de Chenhall et Morris
(1986) aux six projets de conception et développement étudiés..
Tableau 4 : caractéristiques de l’information permettant le pilotage des projets
Projets
Etendue
Fréquence
Niveau
d’agrégation
Intégration
St. A
St. B
St. C
Niveau 4 : coûts à
terminaison, coûts
récurrents et DOC
(au niveau interne
et au niveau
externe : soustraitants et
équipementiers).
Niveau 3 :
charges non
récurrentes
engagées par
rapport
l’avancement
technique et
estimation du
coût à
terminaison.
Suivi mensuel au
niveau du projet,
plus fréquent au
niveau des
équipes.
Estimation du
DOC lorsqu’une
nouvelle solution
technique est
proposée.
Au niveau des
équipes intégrées
et consolidation
au niveau du
projet.
Information
relative à
l’ensemble des
métiers et des
fournisseurs
participant au
projet.
Suivi très
fréquent des
engagements.
Analyse
trimestrielle du
coût à
terminaison.
Niveau 3 :
charges non
récurrentes
engagées par
rapport à
l’avancement
technique et
coût à
terminaison.
Estimation de
quelques coûts
récurrents
(analyse
partielle).
Suivi très
fréquent des
engagements.
Analyse
mensuelle du
coût à
terminaison.
Au niveau des
macro-tâches et
du projet dans
son ensemble.
Réalisée au
niveau du
responsable du
projet.
Sy. A
Sy. B
Niveau 1 :
Niveau 2 : suivi
absence de
des coûts dans
suivi des coûts. le cadre
budgétaire des
opérations
récurrentes.
Sy. C
Niveau 2 :
suivi du projet
dans le cadre
budgétaire du
service.
Fréquence
identique à
celle du suivi
budgétaire des
opérations
récurrentes.
Fréquence
identique à
celle du suivi
budgétaire des
opérations
récurrentes.
Au niveau des
macro-tâches et
du projet dans
son ensemble.
Au niveau des
services
(métiers).
Au niveau des
services
(métiers).
Information
relative à
l’ensemble des
métiers et des
fournisseurs
participant au
projet.
Faible
intégration
entre métiers et
avec les
fournisseurs.
Intégration des
informations
au niveau des
chefs de
services.
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3.3.4
Discussion des études de cas
Ces études de cas présentent des similitudes et des différences tant en termes de nature de
produits développés qu’en termes d’arrangement organisationnel des projets et d’utilisation des
systèmes de contrôle et de comptabilité de gestion.
Le projet St. A est à la fois un projet complexe sur les plans techniques et organisationnels
comportant d’importantes incertitudes techniques. Les objectifs fixés à l’équipe-projet sont
ambitieux. Le projet a fait l’objet d’une étude commerciale et financière précise et une analyse
des risques a été menée. L’analyse du cas montre que les systèmes de contrôle de gestion sur le
projet sont développés et utilisés par le directeur de projet et au niveau des équipes intégrées.
Ces systèmes s’inspirent principalement de la méthodologie du design-to-cost. Le principal
indicateur utilisé de manière interactive (c’est-à-dire entraînant de fréquentes discussions entre
le directeur de projet et les responsables d’équipes intégrées) est celui de la masse. Les
incertitudes commerciales conduisent à de nombreuses interactions avec les clients de
lancement qui peuvent être présents sur le projet.
Les projets St. B et St. C sont des projets moins complexes et donc les impacts sur la
politique de produits de la firme sont moins importants. L’intérêt de ces deux projets provient
principalement de la différence en matière d’organisation du projet: le projet St. B dispose d’un
coordinateur de projet rattaché au Programme concerné alors que le projet St. C est organisé en
plateau autour d’un directeur de projet provenant des métiers. Une des conséquences de ces
différences est que le responsable du projet St. C utilise une partie importante de son temps à
négocier des ressources avec les métiers et à coordonner l’avancement technique. Au contraire,
la structure plateau permet une meilleure coordination de l’avancement technique du projet
(notamment sur ce projet une coordination étroite entre la définition et l’industrialisation des
solutions techniques retenues).
Les trois projets de développement de systèmes ont pour caractéristique commune leur
structure de coordination de projet. Le responsable du projet est, à chaque fois,
hiérarchiquement rattaché aux métiers. Sur le plan des systèmes de contrôle de gestion, ces trois
projets se caractérisent par l’absence de véritables systèmes formels dédiés au projet. Dans le
cadre des projets Sy. B et Sy. C, les responsables de projet pilotent les coûts dans le cadre des
systèmes budgétaires classiques de l’entreprise. Cependant, le responsable du projet Sy. B a mis
en place un planning avec les principaux participants au projet et mène de fréquentes réunions
avec les principaux participants au projet au cours desquelles ce planning et l’avancement
technique sont discutés. Le projet Sy. A est caractérisé par une prise de conscience tardive des
principaux risques pesant sur le projet et par l’absence de tout système formel de pilotage. Les
discussions entre les membres participant au projet sont rares. Devant les multiples retards et
les problèmes commerciaux qui en résultent, l’acteur-programme sur le projet décide de mettre
en place un planning concernant la réalisation d’une solution de sauvegarde pour deux clients.
Selon les acteurs ayant participé à la réalisation de ce planning, celui-ci a permis d’engager des
discussions entre eux et de mieux comprendre les enjeux du projet.
Enfin, l’analyse des six cas montre que l’information provenant de la comptabilité de
gestion est peu utilisée de manière interactive entre le chef de projet et les acteurs du projet en
dehors des réunions planifiées. Par contre, la responsabilisation sur des objectifs économiques
et l’utilisation d’un modèle de DOC au niveau des équipes intégrées, dans le cadre du projet St.
À, permettent d’alimenter les discussions entre les membres de l’équipe et entre l’équipe et les
métiers.
3.4 Conclusions et hypothèses
L’analyse de ces cas permet tout d’abord de confirmer des conclusions présentes dans la
littérature et notamment dans les études de Davila (2000) et de Nixon (1998).
Les systèmes de contrôle de gestion sont importants pour la performance d’un projet
lorsque ceux-ci sont orientés vers la réduction des incertitudes. Les études de cas indiquent que
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la performance des projets semble plus satisfaisante lorsque les systèmes de contrôle de gestion
sont orientés vers la réduction des principales incertitudes. L’étude montre également que
lorsque les risques d’un projet ont été identifiés, les systèmes de contrôle de gestion semblent
avoir une influence positive sur la performance du projet (cas des trois projets de
développement de type structure). L’étude est également conforme avec l’analyse de Couillard
(1995) qui indique que plus le niveau de risque du projet est élevé et plus le projet est planifié
et contrôlé de manière formelle. Dans cette étude, c’est particulièrement le cas lorsqu’on
compare le projet St. A par rapport aux deux autres projets de type structure. Le projet St. A
s’appuie sur une planification détaillée et est pilotée selon une méthodologie de design-to-cost,
des objectifs de coûts de développement et de coûts récurrents ayant été répartis entre les
différentes équipes intégrées. On constate, par contre, que des méthodologies telles que le QFD
n’ont pas été utilisées, ce qui peut s’expliquer par la présence des clients de lancement sur les
projets St. A et St. C.
Les différents risques façonnent la conception des systèmes de contrôle de gestion.
Cependant, comme pour les systèmes de contrôle de gestion des opérations récurrentes, deux
préalables apparaissent importants.
La stratégie du projet de développement, c’est-à-dire la définition d’objectifs clairs et
mesurables pour le projet dans le cadre de la stratégie de développement de l’entreprise
(Wheelwright & Clark, 1992). En effet, les risques ne peuvent être appréciés que par rapport
aux objectifs stratégiques du projet. Dans le cadre du projet Sy. A, une partie des difficultés
s’explique par des objectifs insuffisamment précisés et peu présentés aux acteurs du projet. Ce
cas montre qu’un des rôles des systèmes de contrôle de gestion des projets est d’informer les
participants sur les objectifs attendus.
La structure du projet et notamment la définition de l’autorité du chef de projet: les
systèmes de contrôle de gestion apparaissent plus développés dans le cadre de projets organisés
selon le schéma de la direction de projet.
Les cas montrent que les systèmes de contrôle de gestion jouent un triple rôle sur les projets,
lorsqu’ils jouent un rôle effectif:
- ils permettent de focaliser l’attention des participants au projet, notamment en
communicant les objectifs;
- ils permettent au responsable du projet de faire le diagnostic du déroulement du projet par
rapport aux objectifs et de détecter d’éventuelles difficultés
- enfin, ils permettent au responsable du projet de collecter de l’information sur les
principales incertitudes auxquelles le projet fait face. L’analyse des projets de type
structure ou du projet Sy. B montre que les responsables de projet utilisent les systèmes
de contrôle de gestion pour collecter des informations auprès des participants au projet ou
auprès des clients.
Cependant, cette étude comporte des limites.
La première limite tient au fait que ces études n’ont pas un caractère dynamique: chacun
des projets a fait l’objet d’une analyse à un instant donné même si les documents internes
retraçant l’historique des projets ont été récupérés.
La seconde limite tient au fait que l’avancement des différents projets étudiés était
différents. Ces différences d’avancement peuvent tout d’abord avoir un impact sur l’évaluation
du niveau de performance du projet. En outre, l’appréciation et l’analyse des responsables de
projet peuvent différer suivant l’avancement du projet: lorsque le projet est suffisamment
avancé, des phénomènes de rationalisation a posteriori sont possibles. Au contraire, lorsque le
projet démarre, le responsable du projet peut avoir tendance à insister sur les difficultés.
La troisième limite tient au fait que si l’importance des systèmes de contrôle de gestion
sur la performance suppose de prendre en compte la stratégie de développement et de concevoir
ces systèmes sur la base des risques du projet, l’étude ne précise pas les raisons qui expliquent
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la prise en compte ou non des risques au démarrage du projet, ni les conditions de conception
du système de pilotage.
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http://gregoriae.univ-paris1.fr/
Site de l’IAE de Paris : http://www.iae-paris.com
2002-07
Les systèmes de contrôle de gestion des projets de
conception et de développement de produits
nouveaux :Une analyse empirique
Frédéric Gautier
Professeur Agrégé d’Economie et Gestion à l’IAE de Paris

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