Répondre à une interview radio

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Répondre à une interview radio
Communiquer avec les médias
Répondre à une interview-radio…
Bruno DENAES,
secrétaire général et rédacteur en chef de France Info
Premier point important : la radio est le média le plus "éphémère", que l’on écoute – j’exagère à
peine ! - dans les "pires conditions". C’est ce qui va conditionner la "technique" de l’interview radio…
Comment écoute-t-on la radio ?
On n’écoute plus la radio comme il y a 60 ans, "religieusement" installé dans un fauteuil face à ce
grand meuble, qu’était le poste TSF.
Désormais, la radio nous accompagne partout. Mais elle est justement devenue plus un média
d’accompagnement et d’alerte qu’un média écouté avec une attention soutenue.
Quand écoute-t-on la radio ?
Principalement le matin, au réveil. Ce qui signifie que l’on ne dispose pas encore forcément de ses
pleines facultés de réception... On branche aussi sa radio en voiture où l’écoute est peut-être la moins
perturbée, sauf ennuis de circulation car, là aussi, l’attention décline fortement...
Tout cela pour dire que - ne nous faisons pas d’illusion -, le message délivré à la radio a de bonnes
chances de passer par pertes et profits si l’on ne respecte pas un minimum de règles.
Des réponses compréhensibles par tous
Lorsqu’on s’exprime à la radio, on s’exprime autant pour l’ouvrier de Renault, le commerçant du
quartier, le taxi, l’étudiant que le médecin, l’ingénieur ou encore le haut fonctionnaire. La radio est un
média très généraliste dans son écoute. Il faut donc que le message délivré soit compris de tous.
À la radio, les réponses doivent donc être simples, compréhensibles immédiatement : on connaît
peu d’auditeurs qui enregistrent les journaux radio pour les réécouter si une phrase ou un argument
n’a pas été compris. Même si la réécoute est désormais souvent possible sur le site internet de la
radio…
Des réponses claires, simples, précises, concises et concrètes
La plupart des interviews radio sont courtes. Selon la station de radio, elles se traduisent sur l’antenne
par un "élément sonore" de 30 secondes à 2 minutes. En général, on tourne autour d’une minute
environ.
Le message doit être accessible immédiatement. Tout de suite, aller à l’essentiel, ne pas s’enliser
dans les détails et surtout attirer l’attention de l’auditeur en "soignant" particulièrement l’"attaque" de
l’interview. Il faut, exactement comme le fait le journaliste à l’antenne, commencer son intervention par
une information, un élément ou un exemple fort, de manière à retenir l’attention de l’auditeur.
C’est le "principe de la pyramide". On commence par le plus précis, le plus original, le plus marquant,
le plus immédiat et on élargit son propos. Par exemple, pour expliquer une décision, il faut débuter
l’interview par un élément qui va marquer les esprits et, donc, l’attention. Éviter les détails
institutionnels qui rebuteront l’auditeur et le détourneront de l’écoute. Puis, au fil de l’interview, on
élargit ses propos…
Il faut bannir tout ce qui est abstrait. En radio, il faut du concret. Il est nécessaire de mettre les
images qu’évidemment, ce média n’offre pas. Il faut donc "parler en images" pour que l’auditeur
puisse "visualiser" les propos que vous tenez.
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Expliquer à l’aide d’exemples
Il s’agit de prendre des exemples qui illustreront vos paroles, de mettre vos explications en situation
concrète.
Vous avez à expliquer une réforme. Dîtes-vous déjà qu’en une minute, ce sera impossible de tout
expliquer. Que faire ? Tout simplement choisir un des éléments les plus représentatifs de cette
e
réforme et le présenter sous forme d’exemple. "Prenons l’exemple du petit Aurélien qui est en 6 .
Désormais, il pourra... Avant cette réforme, il aurait... Ce qui montre que...".
Commencer par le présent
Nous sommes dans l’actualité, pas dans un cours d’Histoire. Toute interview doit toujours
commencer par le "présent", l’événement. Ce n’est qu’après, que l’on peut revenir sur le passé. On ne
débute jamais une interview en refaisant l’historique d’une décision.
Exemple journalistique. Lorsque s’ouvre un procès, le journaliste qui couvre l’événement attaquera
son "papier" par le portrait des accusés, décrira le début de l’audience, avant de revenir sur les faits
("mais l’affaire remonte au 3 janvier 2006. Ce jour-là,...").
Bannir jargons et sigles
Point très important, notamment pour les représentants d’une administration, d’une institution... Sortez
absolument du discours administratif, de "la langue de bois"... Evitez les jargons et les sigles...
Un membre de l’éducation nationale doit avoir en permanence à l’esprit qu’il s’adresse aux parents
d’élèves ou aux élèves, une population qui ne maîtrise évidemment pas tout le jargon de l’éducation
nationale.
Toute profession possède son vocabulaire. Mais pour communiquer, pour se faire comprendre du plus
grand nombre, il vaut mieux employer le vocabulaire le plus commun. Ainsi, lors d’interviews avec des
inspecteurs, nous avons découvert l’existence de "ZIL", de "IPR-IA", de "CASU" ou encore de
"commissions d’harmonisation", le tout énoncé sans explication. Autant dire que l’auditeur confronté à
ce jargon se sentira exclu et sera loin d’adhérer au message délivré. Au pire, il prendra cette forme
d’expression pour un certain mépris à son égard...
Soyez humain... Avant d’être enseignant, chef d’établissement ou inspecteur, vous êtes des hommes
et des femmes, souvent des parents d’élèves vous-mêmes. Le message ne passera que mieux si
vous comprenez la situation de vos interlocuteurs. Évitez la "distance" du fonctionnaire...
“Moi-même parent d’élèves, je comprends très bien l’inquiétude de ces parents, mais je voudrais leur
dire...”.
Du punch !
Au micro, il faut faire preuve de dynamisme. Croire à ce que l’on affirme. Ne pas être soporifique et
monocorde. L’auditeur aura tôt fait de relâcher son attention.
Pour que l’auditeur vous "suive", il s’agit de faire comme si on racontait une histoire (évidemment,
pas dans le sens négatif de "raconter des histoires"!).
Et on raconte au présent. Le présent est le temps préféré de la radio. Bannir le plus possible
l’imparfait et le passé simple.
"Il est 10 heures. La récréation commence. C’est à ce moment-là que le camion défonce la porte de la
cour. Son chauffeur a vraisemblablement eu un malaise…".
Pour faciliter la compréhension, s’exprimer en phrases courtes et simples. Principe journalistique :
une idée/une phrase. Autre principe journalistique : une interview/un angle et un seul (un angle
signifiant un aspect d’un sujet). Il s’agit à chaque fois de ne pas compliquer l’assimilation du message.
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Les "risques" du direct
L’interview en direct présente évidemment plus de "risques" que l’interview enregistrée. Si vous êtes
confus ou si vous vous faites une erreur, impossible de recommencer… Donc, ne vous lancez pas
dans de très longues explications. Mieux vaut être relancé par le journaliste; d’abord, cela rend
l’entretien plus agréable et plus structuré, sous la forme d’un dialogue et puis, surtout, cela empêche
les dérives dues souvent au stress du direct.
Combien de fois, lors d’exercices à la pratique de l’interview en direct, avons-nous vu des personnes,
pourtant bien au fait des sujets abordés, ne plus savoir s’arrêter et finir par développer des idées
contraires à celles du début de l’entretien... Prises par le stress du direct et, surtout, par la crainte du
"blanc", elles en arrivaient finalement à "dire n’importe quoi".
Pour limiter ce risque, il faut évidemment savoir s’interrompre lorsque la réponse est apportée et se
dire que ce n’est pas vous qui gérez les "blancs" à l’antenne. C’est le journaliste - et lui seul - qui en
est responsable. C’est à lui de vous relancer ou de conclure quand votre réponse est apportée.
Il peut arriver qu’en direct, soit posée une question à laquelle il est impossible, de par vos fonctions,
de répondre. Cela peut être, par exemple, une question d’ordre politique.
Deux attitudes à éviter :
ne rien dire et faire signe au journaliste que vous ne pouvez pas répondre. Celui-ci, comme
nous sommes en radio, se devra d’expliquer pourquoi il y a subitement un "blanc" à l’antenne.
Cela pourra donner: "ah, visiblement une question qui vous embarrasse..." d’un effet plutôt
négatif ;
répondre : "vous comprenez, mon devoir de réserve m’impose de..." qui donne toujours une
désagréable impression d’irresponsabilité et de refus de tout engagement.
Le mieux est de s’en sortir par une "pirouette", une plaisanterie ou toute autre forme de non-réponse
agréable à l’écoute.
En direct dans une émission consacrée à l’école : "une dépêche nous apprend à l’instant la démission
du ministre de l’éducation nationale. Plusieurs proviseurs sont avec nous dans ce studio, nous allons
leur demander ce qu’ils en pensent. Alors, Michel Duroc ? ; "eh bien, je vous répondrai que les
ministres changent, mais que l’éducation nationale a toujours un grand avenir devant elle..." ; "et vous,
Joceline Vitout, espérez-vous que son successeur sera plus à votre écoute ?" ; "vous savez, pour
l’instant, attendons de connaître notre nouveau ministre et nous verrons bien...".
À savoir également...
Éviter les réponses trop courtes ("oui, tout-à-fait"). Au montage, le journaliste coupe ses
questions, et notamment, la première ; il faut donc que les réponses puissent se comprendre
indépendamment des questions ;
il faut reprendre les éléments de la question pour formuler une phrase complète ("je suis toutà-fait satisfait de cette décision qui va permettre de…") ;
reprendre les éléments de la question permet également de gagner quelques secondes de
réflexion avant de formuler sa réponse ;
finir ses phrases et baisser la voix. Sinon, tout montage sera impossible et ainsi, toute
diffusion de l’interview ;
il est possible que le journaliste demande à recommencer l’interview. C’est souvent
parce qu’elle est trop longue et peu claire : le journaliste craint un montage délicat, voire
impossible. En recommençant, l’interviewé aura eu le temps de remettre de l’ordre dans ses
idées et l’interview gagnera en clarté et en efficacité. Il vaut mieux recommencer plutôt que
l’interview finisse... à la poubelle ;
lors de la diffusion de l’interview enregistrée, l’ordre des réponses peut être modifié. Rien
d’étonnant à cela ; le journaliste a tout simplement décidé de rendre l’interview plus
compréhensible, avec un "cheminement" plus logique. Il débutera son montage avec une
"attaque forte" qui attire l’attention de l’auditeur. Toujours le "principe de la pyramide".
Cette “reconstruction” n’altère évidemment en rien le sens des propos.
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Pour conclure...
Pour un enseignant, adopter ces quelques "techniques" journalistiques n’est pas toujours évident. La
démarche pédagogique est plutôt inverse. On expose d’abord l’historique avant d’arriver au présent.
Ou encore, on expose d’abord la théorie avant de l’illustrer par des exemples.
En radio, mais aussi en télévision, c’est le contraire. Puisqu’on parle d’actualité, on commence
systématiquement par le présent. Et pour impliquer immédiatement l’auditeur, on illustre très vite son
propos avec des images, des exemples, des situations.
Ces quelques conseils pour tenter de faire passer au mieux son message s’applique à toute interview
audiovisuelle. Mais ils sont aussi valables pour toute intervention en public, comme par exemple face
à des parents d’élèves.
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