La mémoire coloniale vue de Fort-de-France

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La mémoire coloniale vue de Fort-de-France
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La mémoire coloniale
vue de Fort-de-France
Élisabeth Landi et Silyane Larcher*
E
n France hexagonale, les mobilisations collectives des Antillais,
Guyanais et Réunionnais tournent essentiellement autour de la défense
de la mémoire de l’esclavage et de la revendication de reconnaissance.
Aux Antilles en revanche, à partir d’autres ressorts, le débat public revêt
des enjeux sensiblement différents, même si le besoin de reconnaissance
semble constituer le trait d’union entre les Antillais de la migration et
ceux des départements français d’Amérique (DFA).
En Martinique, l’actualité médiatique récente a été animée par une
polémique autour de la dénomination du très vieux et prestigieux lycée
Schœlcher de Fort-de-France que l’actuelle majorité indépendantiste
du conseil régional souhaiterait voir débaptisé. Cette volonté met en
lumière la portée politique des discours sur l’histoire régionale et nationale1.
Silyane LARCHER – J’ai le sentiment que les interpellations du récit
national ont avant tout vocation à légitimer des revendications locales.
Les gens, et peut-être en particulier les hommes politiques, semblent
* Respectivement professeur d’histoire en première supérieure au lycée de Bellevue (Fortde-France), ancienne présidente de l’association des professeurs d’histoire et de géographie de
la Martinique (EGHIN) de 1991 à 2002 ; et étudiante en doctorat d’études politiques à l’École
des hautes études en sciences sociales (EHESS).
1. Lors de sa séance plénière du 3 octobre 2006, le conseil régional de la Martinique votait à
une large majorité la proposition de son président, Alfred Marie-Jeanne, de faire baptiser
l’aéroport du Lamentin « aéroport Frantz Fanon » et le lycée Schœlcher de Fort-de-France,
« lycée Aimé Césaire ». Sous couvert, selon ses dires, de refuser d’« entrer dans les polémiques
stériles », le président de la région contestait ainsi le projet commun de l’assemblée départementale et de la mairie de Fort-de-France (toutes deux dirigées par des majorités « autonomistes » proches d’Aimé Césaire) de faire baptiser l’aéroport de la Martinique « aéroport Aimé
Césaire ». Derrière la simple opposition des deux figures majeures de l’histoire intellectuelle de
la Martinique, c’est le sens de ce geste de débaptiser le lycée Schœlcher qui était habilement,
voire grossièrement, passé sous silence. Lui n’avait fait l’objet d’aucun débat à l’assemblée ce
jour-là.
Février 2007
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