111. ROMANISATION

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111. ROMANISATION
LA ROMANISATION DE NOS RÉGIONS.
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* Remarque préliminaire.
Les Romains - en partie héritiers des Grecs - ont, à partir de l’Italie, étendu leur domination à une grande
partie de l’Europe, mais aussi à l’Afrique du Nord et au Proche-Orient, jetant ainsi les bases d’un Empire
prestigieux soudé par des institutions communes et par une civilisation qui a peu à peu été adoptée partout.
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I. Du point de vue romain.
A. Encadrement politique des pays conquis grâce à la mise en place d’un système administratif
uniforme.
B. Cohésion militaire et économique, grâce surtout au réseau routier qui facilite et l’approvisionnement de Rome et la défense de l’Empire (surtout au nord et au nord-est, contre les
Germains).
C. Cohésion culturelle grâce à la diffusion de la civilisation romaine.
II. Du point de vue de nos régions.
A. Politique.
Dans ce domaine, l’apport romain est considérable.
1. Les Romains nous ont procuré la sécurité (pax romana), par la conquête d’abord (!), par
leur organisation militaire ensuite, et aussi grâce à notre connexion à l'empire (routes).
2. Ils ont assuré notre unité, faisant de la Gaule une province solidement structurée et
cohérente, où tous les citoyens sont sur le même pied.
3. Ils ont mis en place un Etat solide.
L’Etat, c’est l’organisation politique d’un peuple, sur un territoire donné (appelé également
Etat), au moyen d’un système politique, c’est-à-dire un ensemble coordonné d’institutions
et de lois destinées à assurer, indépendamment des personnes qui dirigent, le bon
fonctionnement du pouvoir (législatif, exécutif, judiciaire, financier, militaire…) pour le
bien de tous.
L’Empire romain possède une remarquable organisation politique, administrative et
judiciaire, dans laquelle des pouvoirs hiérarchisés et distincts sont répartis dans des
cadres bien délimités (cité, province, diocèse). Cette organisation est fondée sur le droit le
plus élaboré de l’Antiquité, caractérisé par la précision et la rigueur des définitions, la
clarté des règlements, le respect de la personne et des droits de la défense, la primauté de
l’écrit et l’uniformité. Cette organisation bénéficie en outre de communications efficaces
grâce à un remarquable réseau de routes ainsi qu'à une poste d’Etat (cursus publicus) à
relais rapides.
On parle d’un Etat de droit, car le pouvoir s’exerce effectivement en application des lois et
non par une violence arbitraire. Le pouvoir est impersonnel car, étant soumis aux lois (le
droit, écrit et connu de tous), il ne peut être laissé à l’arbitraire de la personne qui dirige.
En conséquence, le système politique ne peut en aucun cas être perturbé par la maladie ou
la mort du chef : l’Etat est permanent et se perpétue. De même, le détenteur du pouvoir
n’en est pas le propriétaire, pas plus que du territoire ; dès lors, le domaine de l’Etat
(terres, immeubles) est, sauf nécessité absolue, inaliénable. Le chef de l'Etat est l'arbitre
impartial et la garant du bon fonctionnement des institutions.
D’autre part, celui qui détient le pouvoir est là pour servir la collectivité, lachose publique
(Res publica, d’où république) ; il a l’obligation de l’assumer non pas à son profit
personnel mais pour le plus grand bien de tous (bonum commune), faute de quoi il perd sa
légitimité. Une fonction publique est donc un service au public (ministerium).
4. Grâce au système mis en place, ils ont rendu possible une participation au pouvoir des
Gaulois devenus citoyens romains (droit de cité, comices, curie, conseil de province, Sénat
romain).
Par ces mesures et par l’adoption de la culture romaine, Rome nous a inculqué laconscience
d’appartenir à un Empire, vaste communauté de peuples cimentée par des institutions, une
culture et des intérêts communs.
B. Economie.
1. Nos régions sont connectées à l'ensemble de l'Empire grâce à un réseau routier sécurisé
et centré sur de grands carrefours (Lyon, Bavay). Le génie organisateur des Romains s’est
illustré dans tout l’Empire par une politique ordonnée et rationnelle de construction de
routes, de villes, d’aqueducs et d’égouts.
2. Grâce à ce réseau routier, élargissement considérable des débouchés commerciaux.
3. Grâce à ces débouchés, intensification de la production (blé, laine, lin, viande, céramique,
verrerie), notamment pour l’exportation.
4. Apparition de véritables villes (Bavay, Arras, Tournai, Tongres, Cologne, Trèves), avec de
grands édifices en pierre. Approvisionnement et sécurité mieux assurés.
C. Société.
1. Adoucissement des moeurs à la faveur de la paix et de l’unification (puis grâce à la
diffusion du christianisme).
2. Naissance de la classe moyenne (artisans, commerçants). L’essor économique fera
apparaître une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie commerçante - mais cela seulement
dans les grandes villes, et donc très peu chez nous.
3. Romanisation des élites. Les couches supérieures de la population - partout favorisées
par le pouvoir - sont les premières (et parfois les seules) à adopter les usages romains:
thermes, théâtres, costume, langue, religion…
D. Culture.
1. Activités intellectuelles.
La culture romaine, elle même imprégnée par la civilisation grecque et supérieure à la
culture celtique sur beaucoup de points, l’emporte notamment grâce auxthéâtres et aux
écoles, où l’enseignement du latin va supplanter rapidement la langue celtique et permettre
enfin un usage généralisé de l’écriture (ce phénomène touchera essentiellement les
écoliers de l’aristocratie et les colons vétérans de l’armée, mais aussi les commerçants).
2. Activités artistiques.
Apparition de l’architecture en pierre et de la grande sculpture ; anthropomorphisme
accru de la sculpture ; raffinement inconnu jusqu’alors dans toutes les manifestations
artistiques.
E. Religion.
a) Dans ce domaine, la romanisation a échoué : la religion officielle des Romains
- contrairement au christianisme plus tard - laisse les Gaulois indifférents. En effet, à
l’opposé de la religion romaine fondée sur un échange donnant-donnant (la chance
moyennant l’accomplissement scrupuleux de rites tout extérieurs), les druides
transmettaient une religion très pure (haute conception de la divinité, croyance en
l’immortalité de l’âme).
b) Mais c’est aussi dans le cadre de l’Empire romain qu’arrivera la religion chrétienne.
Répondant à sa mission apostolique (Lc 10, 3-4 ; Mc 16, 15-16 ; 20 ; Mt 28, 19-20),
l’Eglise s’est répandue à travers le monde (d’où sa qualification de catholique) à partir du
Proche-Orient, d’abord dans le cadre de l’Empire romain - et donc en milieu surtout
urbain (paganus = paysan, ou païen).
La diffusion rapide du christianisme - qui concerna surtout, dans un premier temps, les
milieux modestes de la population - s’explique à la fois par la puissance d’attraction du
message (les hommes sont aimés de Dieu comme ses enfants, et promis à la résurrection
pour une vie de bonheur éternel auprès de Lui), par son ouverture (il n’est pas réservé à de
petits cercles d’initiés ou de personnes cultivées), son esprit égalitaire et sa démarche
rassurante (prédilection pour les pauvres, les faibles, les exclus) - sans oublier qu’il
apporte enfin une réponse d’ensemble à la question du sens de la vie humaine.
Les chrétiens ont fait l’objet de persécutions (au IIIe siècle surtout), essentiellement à
cause de l’intransigeance du christianisme (monothéisme radical) et du fait qu’il heurtait
de front les valeurs établies de la civilisation romaine (solidarité civique, principe
d’autorité). Mais le IVe siècle verra la libération de l’Eglise: en 313, un édit de tolérance
de l’empereur Constantin Ier le Grand met fin à l’interdiction du christianisme. En 380, le
christianisme est même proclamé par Théodose comme religion officielle de l’Empire
(facteur d’unité), et des mesures ultérieures interdiront le paganisme.
L’Eglise va calquer son organisation sur celle de l’Empire, avec sa structure centralisée
et son esprit juridique : divisions territoriales (régions, provinces, diocèses), chefs-lieux
de cités (résidence de l’évêque), langue officielle (le latin), rites liturgiques rappelant
certains traits du faste impérial de Constantinople.
III. Bilan.
A. La romanisation de nos régions a, dans l’ensemble - et à l’exclusion du domaine religieux été une réussite. Celle-ci s’explique par les facteurs suivants.
1. La conquête (pour imposer la paix et les cadres).
2. L’habileté et le sens politique des conquérants : réformes progressives, conciliation des
élites (notamment par l’appât du luxe) qui influencent le peuple, récompense du service
militaire par la citoyenneté romaine, etc.
3. La supériorité romaine évidente dans ces domaines (principalement le sens de
l’organisation).
4. L’esprit ouvert et curieux des Gaulois prompts à assimiler les nouveautés.
B. La romanisation n’a pas été aussi totale que les conquérants auraient pu l’espérer. Ce demiéchec concerne l’économie, restée fortement rurale, la société, dont les classes inférieures
restent peu touchées, et surtout la religion.
Il s’explique par les facteurs suivants.
1. Nos régions, trop éloignées de Rome et des grands courants commerciaux, sont très peu
urbanisées.
2. En conséquence, la classe moyenne (bourgeoisie commerçante) est peu développée.
D’autre part, la romanisation, pénétrant par les villes (comme, plus tard, le christianisme),
concerne peu les ruraux, de même que les classes populaires en général, nettement moins
favorisées par Rome.
3. La religion celtique est beaucoup plus élevée et profonde que celle des Romains.
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