rwanda : les séquelles du génocide les enfants n`arrivent plus à rêver
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rwanda : les séquelles du génocide les enfants n`arrivent plus à rêver
VIVRE DEBOUT NUMÉRO 55 RWANDA : LES SÉQUELLES DU GÉNOCIDE DOSSIER LES ENFANTS N’ARRIVENT PLUS À RÊVER TÉMOIGNAGE DE SYRIE ÉTÉ 2014 WWW.HANDICAP-INTERNATIONAL.CH VOTRE SOUTIEN SOMMAIRE Faites un don régulier pour accompagner un enfant dans sa croissance. 4/5 DOSSIER RWANDA: 20 ANS APRÈS LE GÉNOCIDE 6 TÉMOIGNAGE URGENCE SYRIE : « LES ENFANTS N’ARRIVENT PLUS À RÊVER. » 7 Une prothèse rend à un enfant une grande partie de son insouciance, tout du moins pour six mois. Car les enfants doivent changer de prothèse à intervalles réguliers pendant leur croissance. Si la prothèse n’est pas harmonisée à la longueur de la jambe saine, la mauvaise position peut rapidement entraîner des dommages irréversibles pour le squelette et les muscles. C’est pourquoi il est capital d’adapter régulièrement les prothèses des enfants à la taille de leur corps. NOS ACTIONS DANS LE MONDE PHOTO DE COUVERTURE Consolée a perdu son mari à cause du génocide au Rwanda et son visage a été mutilé lors d’une attaque. Aujourd’hui elle est la présidente d’un groupe de soutien. IMPRESSUM Éditeur Handicap International Av. de la Paix 11 – 1202 Genève Tél. 022 788 70 33 Fax 022 788 70 35 www.handicap-international.ch Responsable de publication Petra Schroeter Rédaction et coordination Regula Zellweger Graphisme Parenti Design - Carouge Imprimeur Jost Druck AG - Hünibach/Thun Iguens a perdu sa jambe droite lors du tremblement de terre en 2010 à Haïti. Il a reçu une prothèse qu’il doit régulièrement changer. Le papier utilisé ici a été produit à partir de matière première provenant de forêts dont l’exploitation est exemplaire et qui dispose du label FSC. Tirage : 15 000 exemplaires COPYRIGHTS PHOTOS Page de couverture : © Wendy Huyghe / Handicap International Soutenez notre travail régulièrement au moyen du formulaire de débit direct. Merci ! Plus simple pour vous En choisissant le don régulier par prélèvement bancaire direct ou postal, vous répartissez votre aide à Handicap International sur toute l’année, sans risque d’oubli et sans engagement de votre part. Il vous suffit de choisir le montant et la fréquence de votre don. Plus efficace pour nous Ce mode de soutien nous permet d’intervenir sur des actions à long terme auprès des plus vulnérables tout en réduisant considérablement nos frais de collecte. 2 Page 2 : © Gaël Turine / Handicap International Page 3 : © S. Nogier / Handicap International Pages 4-5 : © Wendy Huyghe / Handicap International Page 6 : © S. Sommella / Handicap International © G. Dubourthoumieu / H. International Page 7 : © Camille Lepage / Handicap International © Molly Feltner / Handicap International ©Handicap International © Till Mayer / Handicap International Page 8 : © Shumon Ahmed / CDD www.facebook.com/ handicapinternationalsuisse ÉDITORIAL Chères amies, chers amis, Petra Schroeter Directrice L es premiers mois de cette année ont donné lieu à la commémoration de différents événements qui ont marqué l’histoire récente. Nous nous souvenons volontiers de certains événements, pour d’autres nous aurions préféré qu’ils n’aient jamais eu lieu. Début avril 2014, le Rwanda commémore l’une des pages les plus sombres de son Histoire : le début d’un génocide qui fera 800 000 morts. Pendant trois mois, hommes, femmes et enfants ont été torturés, violés, massacrés ; une violence incompréhensible qui a choqué le monde entier et qui, vingt ans après, laisse encore des traces indélébiles dans la société rwandaise. Handicap International a commencé son intervention au Rwanda en 1994, au lendemain du génocide des Tutsis, et intervient encore aujourd’hui dans des secteurs différents. Vous pouvez en apprendre plus dans notre Dossier. Ce mois de mars a marqué les trois ans de la guerre civile en Syrie – une guerre qui a généré la plus grosse crise de réfugiés depuis le génocide des Tutsis au Rwanda. Dans notre témoignage, une psychologue décrit ses expériences sur le terrain et sa volonté d’apporter une touche humaine à cet univers très déshumanisé. Les obstacles auxquels est confrontée l’aide humanitaire sont immenses, avec des conséquences dramatiques pour la population civile. Il est important pour nous de condamner régulièrement cette situation inacceptable. Il est également important pour nous que des personnes particulièrement vulnérables comme les personnes âgées, des personnes handicapées et des blessés ne soient pas oubliées. Pour remédier à cela, Handicap International et HelpAge International ont publié une étude consacrée à ces « victimes cachées ». Cette étude est disponible sur notre site web. Handicap International s’engage pour que les besoins spécifiques des personnes âgées ne soient pas oubliés dans la crise syrienne. Pour la première fois dans l’histoire, 122 États ont condamné une arme conventionnelle. Aujourd’hui 161 pays sont états membres de la convention ce qui constitue un véritable succès : le nombre annuel de victimes a été divisé par 5, plus de 4000 m2 ont été déminés et 70 millions de mines ont été détruites. Mais malgré ces résultats réjouissants, la mobilisation ne doit pas faiblir, car nos équipes voient tous les jours sur le terrain les souffrances créées par la présence de ces armes, et ceci encore longtemps après la fin des combats. Au centre de nos actions contre les mines se trouvent les victimes qui, malgré les résultats positifs atteints, ont besoin d’assistance sur du long terme. Les journées de commémoration donnent l’occasion de se souvenir des événements, mais aussi de mobiliser en mettant la lumière sur des sujets oubliés. Grâce à votre généreux soutien, nous pouvons réaliser notre travail et agir aux côtés des personnes concernées par des événements bouleversants. Je vous remercie de tout cœur pour cela. Au mois de mars, nous avons également fêté le 15e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention d’Ottawa, un événement qui m’inspire de l’espoir. HANDICAP INTERNATIONAL « VIVRE DEBOUT » | N° 55 3 DOSSIER Rwanda : 20 ans après Les séquelles du gé Début avril 2014, le Rwanda commémore l’une des pages les plus sombres de son Histoire : le début d’un génocide qui fera 800 000 morts. Pendant trois mois, hommes, femmes et enfants ont été torturés, violés, massacrés ; une violence incompréhensible qui a choqué le monde entier et qui, vingt ans après, laisse encore des traces indélébiles dans la société rwandaise. Handicap International a commencé son intervention au Rwanda en 1994, au lendemain du génocide des Tutsis et est encore présente dans le pays avec plusieurs activités. Avec ses groupes de partage Handicap International soutient les personnes souffrant des conséquences du génocide de 1994. A Pour plus d’informations sur nos projets, consultez notre site internet : www.handicap-international.ch 4 ujourd’hui, le Rwanda enregistre le plus haut niveau de troubles de stress posttraumatique de la région, la cause principale étant le génocide des Tutsis de 1994(1). Handicap International a commencé son intervention au Rwanda en 1994, au lendemain du génocide des Tutsis. Les actions de l’association consistaient en des distributions d’aide alimentaire et des projets de réadaptation. Deux ans plus tard, Handicap International initiait son premier projet de santé mentale (notamment le soutien psychosocial aux enfants orphelins). Depuis, l’organisation n’a jamais arrêté de soutenir les personnes traumatisées. Handicap International intervient toujours auprès des personnes qui ont été touchées directement, comme les veuves qui ont perdu leur mari, ou les orphelins qui ont perdu leurs parents et sont devenus chefs de famille. L’association apporte également un soutien psychosocial aux personnes qui souffrent des conséquences indirectes, comme des femmes devenues mères suite à un viol, des femmes séropositives, des victimes de la violence (sexuelle), des familles en crise à cause de DOSSIER énocide Le projet « santé mentale » L’association a initié son premier projet de santé mentale en 1996. Il s’agissait de proposer un soutien psychosocial aux enfants qui avaient perdu leurs parents. Depuis ce moment, le projet Santé mentale ne s’est jamais arrêté. Aujourd’hui encore, plus de 7 000 personnes dans 5 districts différents bénéficient d’une aide psychosociale. Des recherches menées en 2009(2) ont permis d’établir que 2,65 millions de personnes au Rwanda (environ 29 % de la population) souffrent de troubles de stress post-traumatique. Handicap International organise avec ses partenaires des groupes de partage et garantit un soutien social (parfois avec des activités génératrices de revenus à vocation thérapeutique) et psychologique (par exemple des séances de thérapies individuelles menées par un psychologue de Handicap International). la violence et l’abus d’alcool, etc. Les problèmes de santé mentale – très souvent causés par le génocide – peuvent être la cause et la conséquence de problèmes relationnels, du chômage, de la pauvreté, de la violence… Le défi est de briser ce cercle violent de problèmes posttraumatiques. Au Rwanda, 20 ans après le génocide des Tutsis, Handicap International est plus que jamais mobilisée pour apporter un soutien à des milliers de personnes victimes de cette horreur. L’association leur propose la possibilité de construire un avenir meilleur. HANDICAP INTERNATIONAL « VIVRE DEBOUT » | N° 55 « Au Rwanda, on ne parle que très peu du passé, ni même des problèmes actuels. Je rencontre régulièrement des victimes qui ont vécu des choses horribles et qui n’ont jamais eu l’occasion d’en parler. C’est insupportable. Grâce à la « règle de protection » qui doit être respectée par tous ceux qui participent aux groupes de parole, les victimes osent s’exprimer, souvent pour la toute première fois », explique Augustin Nziguheba, psychologue et coordonnateur technique des projets de santé mentale de Handicap International au Rwanda. Rejetées par leur famille Immaculée fait partie de ces nombreuses victimes rejetées par leur famille. Le génocide des Tutsis en 1994 a fait d’elle une orpheline. A l’âge de 9 ans, elle est allée vivre chez son oncle, qui avait déjà cinq enfants. Sa sœur a été placée dans une famille d’accueil de l’autre côté du pays. Tout allait bien, jusqu’à ce qu’Immaculée soit violée et mis enceinte par un de ses cousins à l’âge de 20 ans. Après l’accouchement, sa famille d’accueil l’a jetée à la rue. Immaculée pendant une séance privée avec une psychologue de Handicap International. Avoir la mère d’un enfant illégitime dans la famille est une honte. « Je n’avais raconté à personne que mon violeur était quelqu’un de la famille, parce que je voulais protéger le reste de la famille. Je n’ai dit la vérité que quand j’ai pu m’exprimer lors des conversations avec la psychologue de Handicap International. » Handicap International aidera Immaculée à retrouver le cousin, le père de son premier enfant, et à le convaincre de reconnaître l’enfant. Un grand pas pour Immaculée. Il y a peu de temps encore, elle cachait avec acharnement l’identité du violeur. Mais, grâce aux groupes de discussions, elle se rend compte qu’elle n’est pas la seule dans cette situation. Qu’elle a des droits et qu’elle doit essayer de les faire respecter. Le projet « Santé mentale » s’inscrit directement dans le contexte du génocide de 1994. Mais Handicap International intervient dans le pays à travers d’autres projets en faveur des personnes handicapées et des populations vulnérables : •Renforcement de la participation citoyenne, sociale et économique des populations vulnérables •Ubuntu Care : faire face aux violences sexuelles envers les filles et les garçons handicapés •Promotion d’une démarche socioéducative inclusive pour couvrir les besoins spécifiques des élèves handicapés (1)Selon des recherches menées en 2009 sur 1 000 répondants, environ 29 % de la population totale souffre de troubles de stress post-traumatiques. (2)Munyandamutsa N., Mahoro Nkubamugisha P., Ariel E., Prevalence of PTSD among rwandan population: clinical aspects, drug abuse and other co-morbidity, 2009. 5 TÉMOIGNAGE URGENCE SYRIE « Les enfants n’arrivent plus à rêver. » Psychologue pour Handicap International en Jordanie, Anne Filorizzo a passé plusieurs nuits avec les équipes chargées de l’accueil des réfugiés au camp de Zaatari. Dans une zone de transit où l’organisation prend le pas sur l’humain, l’objectif est avant tout d’apporter un vrai réconfort à ceux qui ont tout quitté pour fuir la guerre. en quittant la Syrie, et qui débarquent dans un hangar où les enregistrements se font à la chaîne… C’est une organisation rodée qui prend en charge ces personnes. Mais nous avons voulu y ajouter de l’humanité, en étant là en permanence, en étant à l’écoute de ces familles, de ces femmes isolées qui ont perdu leurs proches, de ces enfants qui n’arrivent plus à rêver ». Handicap International y a installé une sorte de mobilehome qui permet d’assurer cet accueil nécessaire, aux côtés des autres organisations. « On appelle cela un projet « protection », explique Anne, cela veut dire que l’on met tout en œuvre pour épargner de nouvelles souffrances et de nouvelles difficultés à ces personnes très fragiles ». C’ est une zone où toutes les nuits, les réfugiés arrivés en Jordanie après une interminable fuite au travers de la Syrie sont regroupés avant de recevoir de quoi s’installer sommairement dans le camp de Zaatari. A l’entrée de ce camp qui accueille actuellement plus de 80 000 personnes, toutes les nuits, plusieurs bus remplis d’enfants, de femmes, de personnes âgées viennent se garer devant un espace d’accueil. Auparavant, ces personnes ont été enregistrées par le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés et les autorités jordaniennes à la frontière et après avoir patienté des heures destinées à identifier les blessés graves et procéder à des vaccinations, elles ont pu embarquer à bord de bus pour Zaatari. « Les arrivées se font de nuit, explique Anne, psychologue pour Handicap International, qui a accompagné début février les équipes présentes 7 jours sur 7 auprès de ces nouveaux arrivants. Les réfugiés passent d’une zone cerclée de barbelés à une autre zone également clôturée dans la lumière des lampadaires. C’est leur premier contact avec l’extérieur de la Syrie. Ces personnes sont enfin en sécurité, mais on ne lit aucun soulagement sur leur visage. Seulement une immense fatigue, des traits tirés… Je n’ai pas vu de sourire. La plupart n’ont presque rien emporté, un petit sac de sport ou une couverture. Leur maison a souvent été détruite par des bombardements ou des combats, elles ne possèdent donc plus rien ». Apporter de l’humanité « Nous sommes présents à la descente du bus, pour identifier tout de suite ceux qui sont les plus fragilisés, et qui ont besoin d’une aide sans tarder, de soins spécifiques, de béquilles ou d’un fauteuil roulant. Quand nous voyons par exemple une femme très âgée qui peine à marcher, nous pouvons lui remettre un fauteuil roulant, et lui indiquer, à elle ou à ses proches, un centre qui pourra lui donner des soins pour qu’elle puisse se déplacer plus facilement. Si une personne est malade, on l’oriente vers une clinique proche ou un hôpital. Et nous veillons à prendre les coordonnées de chaque personne pour vérifier qu’elle a bien accès à l’aide humanitaire ». « C’est un univers très déshumanisé, poursuit Anne, imaginez la vie de ces personnes qui se sont enfuies 6 Beaucoup d’enfants ont vécu des moments traumatisants durant leur fuite depuis la Syrie. NOS ACTIONS DANS LE MONDE SOUDAN DU SUD >>> Depuis le début des combats, en décembre 2013, 740 000 personnes originaires du Soudan du Sud ont dû prendre le chemin de l’exil dans leur propre pays. Un flux de réfugiés est ainsi arrivé dans les camps de la capitale, Djouba. Dans l’un de ces camps, qui abrite plus de 15 000 personnes, Handicap International a aménagé un point relais « handicap et vulnérabilité » qui distribue des aides à la mobilité et propose des mesures de rééducation. Par ailleurs, plusieurs équipes mobiles se déplacent afin de pouvoir identifier les personnes particulièrement démunies. <<< PHILIPPINES Six mois après le passage du typhon Haiyan, les Philippines en sont toujours à la phase de reconstruction. Handicap International est encore présente sur place avec une équipe d’une vingtaine de personnes. Cette équipe garantit que la population locale – et en particulier les personnes démunies – reçoit bien les soins nécessaires et que ces besoins sont effectivement couverts. Chaque jour, les équipes mobiles identifient 10 à 15 personnes ayant besoin d’aide et d’un accès aux soins. SUISSE >>> Le 4 avril, à l’occasion de la Journée mondiale contre les mines antipersonnel, Handicap International Suisse a organisé, en partenariat avec la société MineWolf Systems et la Fondation suisse de déminage (FSD), une manifestation sur la Waisenhausplatz à Berne. Grâce à un champ de mines et une machine de déminage, ainsi qu’à des stands d’informations, les gens intéressés ont pu se faire une idée du grand engagement dont font preuve des entreprises suisses et des organisations dans la lutte générale contre les mines. <<< RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO En décembre 2013, Handicap International a lancé une action de déminage de grande envergure à Mukwanyama, localité située à proximité de Kisangani, dans la République Démocratique du Congo. A l’aide d’un dispositif « machine – chien – homme », l’action avait pour but d’éliminer aussi vite que possible les mines encore présentes dans la région. Au bout de 3 mois, l’organisation a pu déminer plus de 36 000 m2, ce qui représente environ 5 terrains de football, et a ainsi pu rendre une terre propre à la population civile. HANDICAP INTERNATIONAL « VIVRE DEBOUT » | N° 55 7 Un engagement au-delà de votre vie En faisant un legs à Handicap International, vous promettez un futur meilleur à des enfants handicapés et à d’autres personnes vulnérables. Vous leur offrez la possibilité de se construire à nouveau une existence. Vous pouvez leur donner un accès à l’éducation, au travail et à une nouvelle vie sociale. Les équipes de Handicap International procurent jour après jour les soins et l’appareillage indispensable pour que les personnes handicapées vivent à nouveau debout. Votre legs à Handicap International Un geste qui compte ! Pour plus d’informations sur la possibilité de faire un legs à Handicap International, vous pouvez nous contacter par téléphone au 022 788 70 33 ou par email à [email protected] Pour faire un don : CCP 12-484-4 ou www.handicap-international.ch