Un système de dépistage du cancer du sein, propre à l`Algérie, est

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Un système de dépistage du cancer du sein, propre à l`Algérie, est
DOSSIER
Dr. Zineb Lounici Baba-Ahmed *,
à Santé Mag
Un système de dépistage du
cancer du sein, propre à l’Algérie,
est une nécessité absolue
En Algérie, le cancer du sein survient
chez les femmes jeunes et en âge
de procréer, contrairement aux pays
occidentaux. Il est, donc, plus agressif
et plus difficile à détecter... Pour cette
raison, le système de mise en place du
dépistage précoce du cancer du sein ne
doit pas être le même qu’ailleurs, pour
les raisons qu’évoque le Docteur Zineb
Lounici Baba-Ahmed, justement. Par
ailleurs, la spécialiste insiste sur un
autre paramètre, très important, qui
est la lecture d’une mammographie.
A ce propos, elle explique que le
médecin radiologue doit être spécialisé,
dans le domaine de la sénologie, afin
de détecter le cancer et de ne pas
faire un «faux positif», à la lecture
d’une mammographie. Pour cela, le
radiologue doit lire, au moins, 500
mammographies, par an. Pour être
1er lecteur et 2ème lecteur, il faut lire
25.000 mammographies, par an, pour
ne pas faire de «faux positif». Ecoutons
la sénologue, dans cet entretien qu’elle
nous a accordé.
Entretien réalisé par Tanina Ait
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Santé-MAG N°15 - Février 2013
Santé mag: Selon vous, comment doit
se faire l’organisation du dépistage du
sein, en Algérie?
Dr. Z. Lounici Baba-Ahmed: Il n’y a
pas de bon dépistage organisé sans
qu’il n’y ait, en amont, tout un travail,
pour connaître les modalités de ce
dépistage. Autrement dit, un dépistage,
organisé en France, en Algérie, en
Belgique, ou en Irlande, n’est pas le
même et si on doit mettre un système
de dépistage, dans notre pays, il ne
sera pas le même que celui pratiqué
ailleurs. En Algérie, justement, il y a
des particularités du cancer du sein,
du point de vue, essentiellement,
épidémiologique, qui sont différentes
des particularités du cancer du sein
de la femme occidentale. Donc, on
doit, absolument, en tenir compte;
sinon, on échoue.
Quelles sont ces particularités, qui
font que le cancer du sein, de la femme
algérienne, soit différent de celui de la
femme occidentale?
Chez nous, le cancer du sein survient
chez la femme jeune. En Occident, le
risque de cette pathologie augmente
avec l’âge; notamment, à partir de
50 ans. Deux tiers, voire plus, des
cancers, qu’on découvre en France,
sont dépistés après la ménopause.
En Algérie, ce n’est pas du tout le
cas, car 2/3 sont dépistés alors que
la femme est encore en période
d’activité
génitale;
c’est-à-dire,
entre 35 et 45 ans.
La deuxième spécificité est que
ce cancer est plus agressif, plus
difficile à soigner; d’où l’intérêt d’un
diagnostic encore plus précoce.
Enfin, l’autre particularité est que
la mammographie, chez la jeune
femme, cancéreuse, est plus difficile
à regarder parce qu’il y a ce qu’on
appelle la densité mammaire, qui gêne
la lecture de cette mammographie.
Donc, le radiologue doit être encore
mieux formé, pour ce diagnostic et il
faut qu’il ait un œil encore plus averti;
parce que, lire la mammographie
d’une femme qui a une grosse
poitrine est beaucoup plus difficile
qu’une autre. Aussi, on voit bien qu’il
y a différents paramètres, dont il faut
tenir compte, pour mettre en place un
dépistage organisé, en Algérie. Cela
dit, le dépistage du cancer du sein
doit être «sur mesure» et adapté à la
situation et non pas copié, ou calqué,
sur un autre, qui existe ailleurs.
DOSSIER
Quel est le profil du radiologue,
pour lire, convenablement, une
mammographie?
Les radiologues et sénologues,
qui font la lecture de la
mammographie, sont, d’abord,
des radiologues, qui ont un cursus
de radiologie générale, bien
évidemment; c’est-à-dire, cinq
années de spécialité. Mais, ce n’est
pas suffisant, car durant ces cinq
années de spécialité, on ne fait que
3 à 6 mois de radiologie sénologie
et là je dirais que ce n’est pas
assez.
Ainsi, si un radiologue veut se
spécialiser en sénologie, il faut qu’il
fasse l’effort de se former, dans ce
domaine bien précis. En France,
pour lire une mammographie du
dépistage organisé, il faut lire, au
moins, 500 mammographies, par
an.
Pour être 1er lecteur et 2ème
lecteur, il faut en lire 25.000, par an,
Donc, vous voyez bien où se situe
la différence. C’est l’entraînement
et l’expérience, qui font que les
radiologues ne vont pas manquer
des cancers et ne vont pas faire
de «faux positif»; c’est-à-dire, voir
une image et croire que c’est un
cancer, alors que ce n’en est pas
un. Donc, c’est tout ce caractère
discriminatif que le radiologue doit
avoir, pour lire la mammographie,
à grande échelle.
Je travaille au CHU de Bordeaux, je
suis première lectrice et deuxième
lectrice du dépistage national
français du cancer du sein. Là,
les choses sont bien encadrées,
bien organisées et j’exerce, aussi,
à temps partiel, dans le secteur
privé (à la clinique El-Azhar, de
Dély-Ibrahim) où j’ai une activité de
sénologie pure; c’est-à-dire que je
fais des consultations de sénologie,
d’échographie mammaire et de
biopsies du sein.
Selon vous, quel est l’état des lieux
de cette maladie, chez nous?
La situation est un peu désolante
en Algérie, car les femmes, qui
viennent dans le secteur privé,
sont des femmes jeunes, qui
ont les moyens de se payer une
mammographie. Par contre les
autres, même si elles doivent se
soumettre à cet examen, elles
ne peuvent pas le faire chez un
privé, car elles ne sont pas à
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Santé-MAG N°15 - Février 2013
l’aise financièrement. Donc, on
rencontre de graves inégalités
pour accéder aux soins, dans notre
pays. En outre, il y a un problème de
communication et d’information.
Justement, que pensez-vous de
l’information, relative au cancer du
sein, en Algérie?
La communication, sur le cancer
du sein en Algérie, est nécessaire,
mais elle se fait d’une manière trop
angoissante, au point où la femme
redoute aller se faire dépister.
Donc, c’est une communication
qui va avoir l’effet inverse que celui
souhaité. Car normalement, le but
est d’informer, pour que les femmes
adhèrent et viennent se faire
dépister; mais, la communication,
telle qu’elle est faite, en Algérie,
fait peur. En effet, les femmes,
lorsqu’elles viennent pour une
mammographie, tremblent, et
lorsqu’on leur annonce que leur
examen est normal, elles vous
embrassent et vous interrogent, à
nouveau, pour voir si le diagnostic
est le bon. A mon avis, il faut revoir
ce genre d’information, car il faut
la faire d’une façon plus apaisée et
moins angoissante, pour que les
femmes adhèrent et qu’une culture
de dépistage se mette en place.
Avez-vous
un
message
à
transmettre aux femmes?
Oui, les femmes doivent prendre
soin de leur santé car, en plus
d’être des femmes, ce sont aussi
des épouses, des mères de famille,
des femmes actives. Le cancer du
sein reste une maladie grave et
elles doivent être attentives à cette
problématique et au moindre doute,
qu’elles n’hésitent pas à consulter
leur généraliste, ou gynécologue,
qui les orientera. Pour celles qui
veulent, tout simplement, être
rassurées, je tiens à leur dire que
dans 95% des cas où l’on fait une
mammographie, il n’y a rien à
signaler, donc ce n’est pas la peine
de s’angoisser inutilement
* Docteur Zineb Lounici BabaAhmed,
- Radiologue et sénologue.
- Chef d’unité, chirurgien à l’hôpital
de Bordeaux (France).
- Spécialiste du dépistage du cancer
du sein, à la clinique d’El Azhar de
Dely- Ibrahim, Alger.
Reprise des travaux
de réalisation
du centre anticancer de Tlemcen
Les travaux de réalisation du centre anticancer ont repris, dernièrement, au pôle
sanitaire de Chetouane (Tlemcen), après
un arrêt de plus d’une année, pour des raisons administratives, a-t-on appris auprès
du directeur de la Santé et de la population
de la wilaya.
La reprise est intervenue suite à des visites, effectuées par les autorités locales,
pour prendre connaissances des obstacles
qui ont entravé les travaux, selon le même
responsable, qui a souligné que ses services ont résolu, avec leurs homologues
de la Direction du logement et des équipements publics (DLEP), tous les problèmes
administratifs soulevés.
Les travaux de concrétisation de cette importante infrastructure sanitaire, qui devra
épargner aux malades le déplacement,
pénible, hors de la wilaya, pour effectuer
des examens et des analyses, ont atteint
un taux avancé, pour le bâtiment principal
(services de traitement, opérations, services médicaux) et pour le bloc annexe.
Ce centre sera doté d’équipements médicaux modernes permettant d’effectuer
les interventions chirurgicales les plus
délicates et sera équipé de structures
d’accueil des malades de Tlemcen et des
wilayate limitrophes.
Le même pôle sanitaire de Chetouane
enregistre, par ailleurs, la réalisation d’un
centre de transfusion sanguine et un autre,
ophtalmologique, dans le cadre de la coopération algéro-cubaine; outre, l’important
projet du deuxième centre hospitalo-universitaire, dont a bénéficié la wilaya, pour
atténuer la pression sur l’actuel CHU
"Tidjani Damerdji", de Tlemcen