Ville-Management 7
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Saidi TAHAR « Ville et participation citoyenne. Quartier de Bouakal – Batna - Algérie » Ville-Management 7 Saidi Tahar - E-mail : [email protected] - Adresse : BP 19 poste du 1er novembre 05000 Batna Algérie. - Enseignant au département d’architecture – université de Batna – Algérie. - Doctorant au département d’architecture et d’urbanisme Constantine Algérie – sous la direction du Prof. Marc Côte et Prof. Sahnoune Tayeb. - Laboratoire urbanisme et environnement université de Constantine - Algérie. Ville et participation citoyenne Quartier de Bouakal – Batna – Algérie. Résumé : Batna est située dans la partie est de L’Algérie au carrefour des routes de Constantine, Biskra et Khenchela. Elle occupe actuellement le 5eme rang dans la hiérarchie des villes algériennes avec une population de 250.000 habitants. De naissance coloniale, l’extension de la ville s’est faite principalement suivant deux urbanisations bien différentes. La première est formelle, est le fait de la planification urbaine avec des zones d’habitat urbaines nouvelles et les lotissements, par contre la deuxième est informelle avec un mode de vie, un mode de production de l’espace qui ont engendré un esprit d’organisation, de gestion efficace et un développement de l’entraide communautaire ce qui est une vraie démocratie. Cette urbanisation a connu une marginalisation puisque construite par les habitants eux même donc sans permis de construire et automatiquement vouée à être rasée. Mais vînt l’intégration en 1984 avec une régularisation de ce type d’urbanisation à travers tout le territoire algérien et suivi par l’adoption de la constitution 1989 qui incarne la démocratie et les libertés individuelles et collectives. Une nouvelle dynamique s’est instaurée entre les autorités locales et les habitants des quartiers informels en général et celui de Bouakal en particulier dans la prise en charge de leur quartier. Généralement, la participation populaire débouche sur des politiques mieux adaptées aux besoins des particuliers, ce qui leur confère plus de légitimité et de représentativité. Cette concertation entre les différentes composantes sociales et de leur capacité de faire des choix a permis au quartier de Bouakal d’être géré efficacement. Nous pensons que la participation à l’élaboration d’une politique peut être facilitée par l’association des habitants à la gestion de leur quartier par création d’associations. Le cas de Bouakal est illustrant puisque pas mal d’associations sont actives entre autre la section de football dans la division régionale et celle du karaté aussi. A ce niveau, la participation conduit à expérimenter de plus en plus la pratique de la démocratie. De même, l’implication des habitants dans l’embellissement de leur quartier par l’apport de matériaux par les autorités locales, avec aussi la plantation d’arbres et leur travail communautaire pour la préservation de leur environnement. C’est une expérience très louable dans ces quartiers informels où les habitants innovent pour produire collectivement et préserver le cadre de leur environnement quotidien avec bien sûr la participation active des autorités locales. Ces mécanismes mis en place entre gouvernants et gouvernés sont très louables et positifs quant ils sont perçus par ces derniers comme servant leurs intérêts. I - Présentation du champ d’étude : la ville de Batna. A- Situation : La ville de Batna est située à l’est algérien (carte N°01) sur les hautes plaines, au carrefour des routes de Constantine, Biskra et Sétif. Cette situation lui conféra un rôle polarisant en plus des implications des options politiques de développement national (programme spécial en 1968, option hauts plateaux). Carte N°01 : Situation de la ville de Batna (ANAT). B - La ville de Batna : De création coloniale, la ville de Batna fût fondée en 1844, au beau milieu d’une cuvette entourée de montagnes avec un relief très accidenté. Cette situation s’est poursuivie jusqu’à 1962 et s’est traduite au plan spatial par l’extension des quartiers européens, le regroupement des populations dans des cités de recasement et surtout la naissance des quartiers informels. Après l’indépendance, la ville a connu une extension dans les quartiers informels. L’éclatement s’est opéré durant la période 1978/1984, la recherche la recherche de l’emploi, la scolarisation et les services ont drainé un flux migratoire très important. Tous les quartiers ont connu une urbanisation spectaculaire, d’un côté la planification avec ses programmes d’habitat et d’équipements, de l’autre côté une progression accrue de l’habitat informel qui occupa les terrains prévus pour l’extension future de l’agglomération. A partir de l’année 1990, de nouvelles lois d’urbanisme ont été promulguée mais durant cette même période, l’Algérie a connu une décennie noire 1 sécuritaire et ceci s’est répercuté au niveau spatial par une poussée d’urbanisation sans précédent (carte N°2). II – Le cas d’étude : Le quartier de Bouakal L’urbanisation informelle : En Algérie, l’urbanisation informelle a une ampleur considérable et se présente sous deux aspects bien distincts : 1 : Le bidonville : Son cadre bâti est le fait de matériaux hétéroclites (de récupération : tôles, planches de bois …) et sa localisation correspond à des terrains étatiques (squat) ou à des propriétés males définies (carte N°3 - oueds, décharge, anciennes carrières…) 2 Carte N°3 : Un bidonville à Constantine - Algérie 2 : L’informel en dur Leur localisation correspond dans la majorité des cas sur des terrains privés et leur cadre bâti s’apparente au formel. L’infractus se situe plus au niveau du transfert de propriété privé - acquéreur, non reconnu par l’état et donc absence du permis de construire. C’est une urbanisation de masse et beaucoup de quartiers informels ont été absorbés par la croissance urbaine. Dans cette optique, nous nous sommes intéressés au quartier de Bouakal au niveau de Batna qui est la 5eme ville algérienne située dans la partie est algérien avec une population avoisinant les 250.000 hab. Bouakal est situé dans la partie sud de la ville de Batna. A l’origine, c’était une petite entité, mais au fur et à mesure on assiste à une poussée spatiale due essentiellement aux effets de guerre (1954-1962). Après l’indépendance en 1962, la réalisation d’équipements, d’industries et des logements vont être le moteur d’un afflux de population venue rechercher un emploi, une scolarisation ou un service. Cette poussée poursuivra son essor jusqu’a 1985 où une régularisation s’est opérée par les pouvoirs publics. Ce type d’urbanisation est très répandu dans les villes algériennes et à Batna en particulier (carte N°4), d’ailleurs C. Chaline a estimé le parc immobilier informel à 60%. Le quartier de Bouakal domine par sa masse, par sa population (50.000 hab.) et son type d’habitat (carte N°5). 3 La gestion étatique de l’habitat informel était passive durant les deux décennies postindépendance, elle entama ensuite une régularisation donc implicitement une reconnaissance et une intégration à l’urbain par la libération des différents services. Aujourd’hui, Bouakal est un pôle administratif et commercial au niveau de la ville de Batna. Bouzourane Quartier Kéchida Damier colonial Quartier Bouakal Quartier Parc-àfourrage Carte N° 4 : Batna avec ses quartiers informels 4 Carte N°5 : L’habitat informel – Quartier de Kéchida – Batna - Algérie III – La participation citoyenne interne : Notons que toutes les initiatives élaborées sont le fait de la population de Bouakal sans aucune participation étatique. La population de Bouakal est dans sa majorité ethnique chaoui c’est pour cela qu’au niveau du quartier règne une certaine discipline non voyante mais très souple. On assiste à une concertation entre les différentes composantes sociales pour gérer le quartier efficacement. Tous les travaux internes au quartier sont gérés par une association qui récolte l’argent au niveau des habitants pour faire face à tout branchement d’égout, d’eau… Aussi pour toute personne qui va couler la dalle de sa maison, cette dernière est prise en totalité par les riverains. De même, pour les fêtes, elles sont prises parfois par la grande famille, chacun y participe suivant ses capacités financières en toute liberté. D’autres fois, les mariages sont pris en charge par l’association cultuelle des fêtes pour assurer un mariage en groupe, tout en assurant a chaque mariée sa dote et une cérémonie familiale, généralement ceci est destiné aux démunis du quartier qui sont répertoriés par l’association. 5 Généralement, pour affirmer leur présence urbaine, ces quartiers s’engagent dans différents créneaux pour asseoir une image de marque. Le sport est un des créneaux par lequel on peut se faire une image et plus particulièrement le football. C’est pour cela que Bouakal a pris les devant en instaurant une association sportive de football (ESB – carte N°6). La dénomination Espoir Sportive Bouakal est très significative de la représentativité du quartier et toute la population apporte tout son appui moral et financier à son équipe. L’association englobe les différentes catégories à savoir : minimes, cadets, juniors et séniors. Une assemblée de soixante membres gère l’association et un staff technique de trois entraineurs pour la catégorie des jeunes et deux autres pour la section séniors. Du côté supporteurs, ils avoisinent le nombre de trois mille adhérents mais un nombre supérieur assiste aux compétitions. Notons, actuellement l’équipe est en division régionale. Dans le sillage de cette association, d’autres ont vu le jour et elles ont un rôle remarquable au niveau social en particulier. Parmi ces dernières, une fait un travail remarquable c’est l’embellissement du quartier et d’ailleurs chaque maison plante au moins un arbre devant sa porte et la carte N° 5 est représentative de cette initiative. Carte N° 6 : La jeune équipe de football de Bouakal 6 IV – La participation étatique : C’est à partir de l’année 1990, qu’un souffle démocratique se déferla sur l’Algérie en changeant la constitution par l’instauration du multipartisme que les choses commencèrent à bouger. Les administrations locales se sont engagées avec les acteurs urbains pour améliorer la qualité de vie des gens et de leur quartier. Les choses commencent à bouger au niveau de Bouakal, par l’accès aux services de bases entre autre l’ouverture d’antenne de payement à son niveau (gaz, électricité, eau…) et la construction d’équipements tertiaire. L’apport surtout financier des autorités aux associations locales pour améliorer leurs services et en particulier la section football qui est dotée d’une subvention à l’instar des deux autres clubs de la ville et l’aménagement du stade en tartan pour améliorer la compétition des jeunes de Bouakal. Ces premiers jalons ont confirmés la participation, le renforcement de l’autonomie et l’engagement actif avec la population. Les jeunes représentent un fort pourcentage de citadins et leur participation massive a insufflé une énergie. C’est pour cela qu’il faudrait adopter des stratégies tenant compte de leurs besoins spécifiques et à impliquer les jeunes dans les décisions touchant leur existence. Dans cette perspective, les autorités locales ont engagé deux stratégies bien distinctes : 1 - La première touche la qualité de vie du quartier : Des associations ont été créées pour travailler au niveau de chaque sous ensemble du quartier par le ramassage des ordures, la plantation d’arbres, l’apport de matériaux pour la devanture des maisons. Le fait saillant c’est les jeunes qui ont pris en charge le jardin public qui était ceinturé par une clôture servant de dépotoir et de regroupement de jeunes délinquants, lui ont insufflé un nouveau souffle où le soir les gens de différentes catégories se regroupent (carte N°7). D’autres initiatives ont vu le jour, la construction d’équipements de loisirs (maisons de jeunes, centres culturels, piscines et aménagement de terrains de quartier). 7 Carte N°7 : Le jardin public transformé par des jeunes 2 – Création de cellules d’accueil et d’orientation Le rôle de ces cellules consiste à partir d’entretiens avec les jeunes de moins de 35 ans de distinguer le projet qui commence à se réaliser et donc susceptible à être orienter vers un projet réalisable. Le candidat doit verser apport de 10% et le reste est complété par l’état. Cette stratégie a apporté ses fruits puisque pas mal de jeunes ont ouvert leurs ateliers. V – Conclusion : Ces mécanismes mis en place entre gouvernants et gouvernés sont très louables et positifs quant ils sont perçus par ces derniers comme servant leurs intérêts. La démocratie locale a aujourd’hui profondément besoin de se nourrir de la participation citoyenne. La démocratie participative a pour but de favoriser un dialogue approfondi entre les élus et les acteurs locaux. L’usager, l’habitant devient un maillon essentiel de la vie locale. 8 Bibliographie : - Actes 2001 « Où vont les villes algériennes » Sétif, PUVIT, 210p. ANAT 1994, (agence nationale de l’aménagement du territoire) PDAU de Batna. Chaline C. 1988, « Les villes du monde arabe » Ed. Masson, Paris, 188p. Côte M. 1993, « L’Algérie ou l’espace retourné » Ed. Média-plus, Algérie, 355p. Roncayolo M. 1993, « La ville et ses territoires » Ed. Gallimard, Paris, 278p. Saidouni M. 2000,« Eléments d’introduction à l’urbanisme » Ed. Casbah, Alger, 271p. Recensements de population (RGPH) 1966 à 1997. 9