La politique de l`encadrement dirigeant de l`État, un levier pour la

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La politique de l`encadrement dirigeant de l`État, un levier pour la
dossier
La politique de l’encadrement
dirigeant de l’État, un levier
pour la parité des nominations
L
Par Isabelle Roux-Trescases
Fernand Braudel, 1987
Déléguée pour la rénovation de
l’encadrement dirigeant de l’État
Secrétariat général du gouvernement
C’est par une action
déterminée combinant
plusieurs leviers que
la féminisation des
nominations pourra
s’ancrer dans une politique
d’ensemble concernant
l’encadrement dirigeant de
l’État, s’appuyant sur une
professionnalisation de la
gestion des parcours des
hauts fonctionnaires sur
les moyen et long termes.
e gouvernement, anticipant sur le
calendrier fixé par la loi du 12 mars
2012, a pris l’engagement, dans un souci
d’exemplarité, d’atteindre dès 2017 un
pourcentage d’au moins 40 % de chaque
sexe dans le flux des nominations aux
emplois d’encadrement supérieur et
dirigeant de l’État. Le calendrier visé est
ambitieux puisque, partant d’un seuil
de 20 % en 2013, il s’agit de doubler
l’objectif en quatre ans. Si des « sanctions
financières » ont été prévues en cas de non
atteinte des taux cible, l’objectif poursuivi
est bien de parvenir à des nominations
« équilibrées » sur la base de critères
de compétences : l’engagement conduit
en effet à une évolution qualitative, en
profondeur, de la gestion de l’encadrement
dirigeant, axée sur le repérage des meilleurs
talents, et qui permette de dépasser les
« stéréotypes » qui pourraient freiner la
diversification des nominations.
C’est dans cette logique que le Premier
ministre a inscrit dans ma « feuille de
route » de déléguée pour la rénovation
de l’encadrement dirigeant de l’État, en
décembre 2012, l’objectif de contribuer à la
mobilisation de l’ensemble des acteurs pour
faire progresser la parité dans l’encadrement
dirigeant de l’État. Veiller à la diversification
des profils des cadres dirigeants lors du
processus de préparation des nominations
en conseil des ministres, dans un poste
directement rattaché au secrétaire général
du gouvernement, est donc un axe de mes
fonctions. Axe important mais pas unique,
car la « colonne vertébrale » de ma fonction
consiste à professionnaliser la gestion de
l’encadrement dirigeant de l’État. La mixité
en est une composante, un levier… et un
indicateur.
Cette action s’inscrit naturellement dans
une dynamique partenariale, en lien étroit
avec le ministère chargé des Droits des
femmes, les cabinets, la direction générale
de l’administration et de la fonction publique
et l’ensemble des administrations, le Conseil
d’État, la Cour des comptes et les corps
d’inspection et de contrôle.
Des actions menées pour
favoriser la déclinaison de
la loi du 12 mars 2012 aux
nominations de cadres dirigeants
de l’État
La mixité dans l’accès aux fonctions de
cadres dirigeants, souvent nommés en
conseil des ministres, qui occupent des
postes « à la décision du gouvernement »
– par exemple secrétaires généraux
et directeurs d’administration centrale,
préfets, ambassadeurs –, prend appui sur
les actions engagées dans le cadre plus
large de la politique de l’encadrement
dirigeant de l’État, qui vise à anticiper les
nominations, identifier les potentiels et les
meilleurs talents – notamment féminins,
et professionnaliser la gestion d’un vivier
diversifié et décloisonné.
Des actions concrètes sont désormais mises
en œuvre :
– un dispositif d’identification des hauts
potentiels est activé chaque année
depuis 2012, dispositif qui repose sur
des revues de carrières ministérielles
systématiques ; un référentiel commun de
compétences managériales a été diffusé
au plan interministériel pour faciliter
la détection des potentiels sur la base
d’une objectivation des critères. Les
profils iden­tifiés constituent ce qu’on
appelle le « vivier des cadres susceptibles
d’occuper à court terme des fonctions
de cadre dirigeant » ; ils sont mis à la
disposition des autorités de nomination
dans le cadre d’un Système d’information
des cadres dirigeants (SICD), qui est une
CV-thèque interministérielle suivie par
la MCD. Dans le cadre d’orientations
visant à diversifier et mieux équilibrer
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dossier
Femmes et politiques publiques
les potentiels identifiés, les revues de
carrières pour 2014 ont permis d’inscrire
37 % de profils féminins. La mise en place
du SICD permet à des ministères encore
peu féminisés de prendre connaissance
de profils féminins talentueux en fonctions
dans d’autres structures ;
– un dispositif d’accompagnement spé­
cifique, le Cycle interministériel de
ma­na­gement de l’État (Cime) visant à
préparer les futurs cadres dirigeants de
l’État, a été mis en place, en lien avec
l’Ena, afin de favoriser le partage d’une
culture managériale commune et la
consti­tution de réseaux de connais­sances
au plan interministériel. Sur la soixan­taine
de personnes identifiées chaque année
pour participer au Cime, les femmes
repré­sentent en 2014, comme en 2013,
près de 40 % des auditeurs ;
– enfin, outre les actions ministérielles,
menées dans le cadre des feuilles de route
respectives, des actions spécifiques sont
également développées au plan inter­
ministériel pour encourager les femmes
du vivier à faire valoir leurs com­pétences ;
ces actions prennent la forme d’échanges
avec des dirigeantes du secteur public
ou privé, de rencontres, de colloques
et d’accompagnements spécifiques –
« mentorat collectif au féminin », ou
d’actions de formation à la prise de parole
en public notamment. Ces formationspilote, initiées en 2014, rencontrent
d’ores et déjà un très grand succès. Il
apparait que ce type d’accompagnement
contribue à « conforter » les femmes
dans leur motivation pour accéder à des
responsabilités plus élevées, par rapport
à une image des fonctions de dirigeant
encore marquée par les codes masculins.
Notre objectif est d’accompagner les femmes
du vivier dans leur projet personnel de prise
de postes d’encadrement, notamment dans
les directions d’administration centrale, à
leur faire prendre conscience également
de l’intérêt et de leur responsabilisation de
l’accompagnement de leurs collaboratrices.
L’espace de dialogue ouvert au sein de la
Mission cadres dirigeants permet de faire
comprendre les ressorts du passage de
fonctions de responsabilité à des fonctions
de direction, de bénéficier des expériences
des plus expérimentées pour éviter des
erreurs, identifier les obstacles, gagner en
assurance. Pour les femmes qui s’inscrivent
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à ces modules d’accompagnement, il s’agit
essentiellement de mieux cerner et valoriser
leurs atouts, d’apprendre à s’affirmer da­
vantage et de construire une stratégie
d’évolution professionnelle en échangeant
sur les solutions déployées et les réussites
tant sur le plan professionnel que personnel.
En aval de l’identification d’un vivier de
hauts potentiels, une circulaire du Premier
ministre du 3 mai 2013 prévoit que chaque
nomination en conseil des ministres d’un
directeur d’administration centrale doit
dorénavant faire l’objet de trois propositions,
dont un candidat de chaque sexe et au
moins un candidat figurant dans le vivier
interministériel. Certes, ce dispositif ne
lie pas le Gouvernement, les emplois de
cadres dirigeants étant à la décision du
Gouvernement. Mais cette procédure
permet d’ouvrir le champ d’examen des
candidatures et conduit à une plus grande
appréhension des profils et des talents
disponibles pour pourvoir ces postes. La
directrice de cabinet du Premier ministre
a rappelé en avril 2014 l’importance de
ce dispositif, ce qui constitue un signal
renouvelé, très positif, de l’intérêt que le
Gouvernement accorde à la mixité des
nominations de cadres dirigeants. Dans
le prolongement de cette orientation, la
mission cadres dirigeants est en outre
régulièrement sollicitée par les autorités
de nomination, en tant que conseil pour
proposer des profils adaptés aux postes de
cadres dirigeants à pourvoir.
Et comme toute politique nouvelle doit faire
l’objet d’un suivi régulier, un suivi statistique
des nominations dans des emplois de cadres
dirigeants fait l’objet d’une veille mensuelle
auprès des ministères, et d’un compte rendu
régulier en Conseil des ministres. Courant
2014, un « palmarès » des administrations
les plus avancées en la matière sera établi,
de manière à favoriser la diffusion des
bonnes pratiques.
Des résultats encourageants
mais qui demandent à s’inscrire
et s’amplifier dans la durée
En 2012, 47 des 223 nominations de
cadres dirigeants prononcées concernent
des femmes, soit 21 %. Si l’on prend en
compte les primo-nominations, notion
retenue par la loi, cette proportion est
de 24 % en 2012, avec 35 femmes sur
145 primo-nominations.
En 2013, la mobilisation aux plans mi­
nistériel et interministériel commence à
pro­duire des résultats puisque, globale­ment,
les femmes représentent 25 % des nomi­
nations (y compris les renouvellements) et
31 % des primo-nominations aux emplois
de cadres dirigeants, taux supérieur de
7 points au taux 2012. Si des disparités
sont constatées entre les ministères, ceux
connaissant un faible taux de féminisation
de cadres dirigeants font preuve aussi,
en contrepartie, d’un effort de mixité
dans le cadre des primo-nominations
dans les emplois dits « de direction »
(sous-directeurs, directeurs de projet, ex­
perts de haut niveau), pour constituer
progressivement un « vivier » de femmes
susceptibles d’accéder à court ou moyen
terme à de plus hautes responsabilités.
Bien sûr, le risque demeure que les résultats
plafonnent progressivement ou baissent
et l’enjeu est bien de les conforter et de
les approfondir, dans la durée. Plusieurs
études interministérielles ont été engagées
à cette fin en 2014, pour identifier les
freins structurels et les leviers de cette
nouvelle politique. Ainsi, une étude conduite
par la Mission cadres dirigeants porte sur
un diagnostic des mécanismes présidant
au déroulement des carrières féminines
au sein de chaque administration. Des
recommandations concrètes au service de la
féminisation des viviers et des nominations
de femmes aux emplois à la décision du
Gouvernement seront proposées au niveau
interministériel. Il reste en effet à concevoir
en appui de l’action des responsables à
tous les échelons de nouvelles méthodes,
de nouveaux outils, pour développer encore
le repérage des talents féminins, et mieux
les accompagner.
Il faut aussi encourager plus en amont, dès
le recrutement au sein des grandes écoles
en particulier, le mouvement de féminisation
et sensibiliser sur les parcours au féminin,
comme cela a été le cas dans le cadre du
colloque organisé le 15 octobre dernier
par le ministère des Droits des femmes,
le ministère de la Réforme de l’État, de la
Décentralisation et de la Fonction publi­que,
le Secrétariat général du Gouvernement et
l’Ena sur le thème « Comment surmonter
le plafond de verre dans la fonction
publique ? »
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