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THÉORIES ET MÉTHODOLOGIES THEORIES AND METHODOLOGIES L’ACCEPTABILITÉ DES NOUVELLES TECHNOLOGIES : QUELLES RELATIONS AVEC L’ERGONOMIE, L’UTILISABILITÉ ET L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR ? par J. BARCENILLA* et J.-M.-C. BASTIEN** SUMMARY ROLE OF ERGONOMICS IN STUDIES OF USABILITY AND USER EXPERIENCE Many concepts and methodologies exist today that are based on the idea that products and technical systems used in both work and everyday life need to satisfy a number of criteria if they are to be accepted and used under normal conditions. These new concepts, particularly those related to « user experience », bring into question the role played by human factors and ergonomics in the design of products, as well as the contributions they can make. Also brought into question are the concepts and methods that are borrowed from other disciplines, and the development of methodological tools used. This paper aims to examine such issues, together with any developments. Key words : Usability, Emotion, Pleasure, User experience, User acceptance, Products design. I. INTRODUCTION Par acceptabilité, on entend habituellement le « degré » d’intégration et d’appropriation d’un objet dans un contexte d’usage : • L’intégration correspond à la manière dont le produit, ou système technique, s’insère dans la chaîne instrumentale existante et dans les activités de l’utilisateur, et comment il contribue à transformer ces activités. • L’appropriation renvoie à la façon dont l’individu investit personnellement l’objet ou le système et dans quelle mesure celui-ci est en adéqua** Université Paul-Verlaine, Metz, 2LP (EA 4432), Expériences utilisateurs dans le traitement des interactions technologiques et des conduites humaines et sociales, Île du Saulcy, F.57045 Metz Cedex 1. E-mail : [email protected]. ** Université Paul-Verlaine, Metz, 2LP (EA 4432), Expériences utilisateurs dans le traitement des interactions technologiques et des conduites humaines et sociales, Île du Saulcy, F.57045 Metz Cedex 1. E-mail : [email protected]. Le Travail Humain, tome 72, no 4/2009, 311-331 312 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien tion avec ses valeurs personnelles et culturelles, lui donnant envie d’agir sur ou avec celui-ci, et pas seulement de subir son usage. Le cas extrême de l’appropriation est celui où l’objet devient une composante de l’identité du sujet. Dans ce numéro portant sur l’acceptabilité de produits et de systèmes techniques, différentes approches ou facettes de celles-ci nous sont présentées. Ces différentes approches visent à montrer, chacune à sa manière et avec un éclairage particulier, quels peuvent être les facteurs d’intégration et d’appropriation des nouvelles technologies dans le monde du travail et/ou dans la vie quotidienne et comment les sciences humaines peuvent y participer. Dans ce chapitre, notre contribution portera plus particulièrement sur les relations pouvant exister entre cette notion d’acceptabilité telle qu’elle a pu être présentée par Davis (1989) et développée par la suite (par ex. Venkatesh, Morris, Davis, & Davis, 2003), et les concepts qui gravitent autour des nouvelles technologies telles que : conception centrée utilisateur, conception universelle, conception inclusive, conception émotionnelle ; utilisabilité et amusement (funology). Plus précisément, cet article vise à montrer comment ces différentes approches visent un objectif commun, qui est aussi celui de l’ergonomie : assurer la compatibilité entre les caractéristiques des utilisateurs et les caractéristiques des produits et systèmes techniques en vue de faciliter leur usage, à la fois sous l’angle de leur intégration technique et sociale et sous l’angle de leur appropriation. L’idée générale consiste donc à considérer les objectifs de l’ergonomie « classique », portant sur l’amélioration des conditions du travail physique et cognitif, comme devant être élargis à l’étude du « ressenti » du sujet. Il s’agira par conséquent de prendre en compte les différentes facettes de la personnalité de l’individu, la cognition, mais aussi les affects (attitudes, émotions, etc.), ainsi que les caractéristiques des produits et des systèmes techniques qui influencent ces aspects ; ceci de façon à concevoir non seulement un produit adapté, mais plutôt « une relation adaptée au produit » et finalement une « expérience utilisateur ». Une caractéristique de ces différentes approches de l’utilisabilité consiste à étendre le champ d’application de l’ergonomie aux produits et aux technologies interactives de la vie courante (Brangier & Barcenilla, 2003 ; Brangier & Bastien, 2009). Non seulement parce que ceci constitue un nouveau champ de débouchés, mais surtout parce qu’avec le renouvellement rapide des produits, il existe une relation étroite entre les manières de les consommer et les manières de les produire. À l’expression « comprendre le travail pour le transformer », on pourrait rajouter « comprendre les modes de relations aux produits pour transformer le travail » et comprendre les relations aux produits pour agir sur l’expérience. De plus, le sens du mot « travail » a perdu son acception en tant qu’entité localisée dans un lieu précis de production. Le travail « nomade », le télétravail, ou simplement l’extension de la journée de travail (permise, entre autres, par les nouvelles technologies) vers d’autres lieux que l’entreprise, justifient de reconsidérer ce qu’on peut entendre par outil de travail et du coup le domaine d’application de l’ergonomie. Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 313 Dans ce chapitre, nous présenterons d’abord l’approche traditionnelle de l’utilisabilité, son émergence et son évolution. Dans la pratique, les préoccupations de celle-ci ne diffèrent pas significativement de celles de l’ergonomie, surtout de l’ergonomie cognitive. Cependant il nous semble important de souligner comment les approches de l’utilisabilité ont contribué à la prise en compte de l’utilisateur dans la conception et l’usage des produits ; prise en compte qui sera élargie aux utilisateurs porteurs de déficits à travers la notion de conception universelle. Il nous est apparu également important de souligner comment le courant de recherche sur l’utilisabilité a contribué à la systématisation et normalisation des pratiques en ergonomie à travers la certification et les normes ISO. Dans un deuxième temps nous présenterons des approches théoriques plus récentes qui visent à élargir les champs de la pratique et de la recherche dans le domaine de l’utilisabilité, en prenant en compte des caractéristiques des produits et des utilisateurs qui étaient écartées jusqu’à il y a peu de temps de l’analyse ergonomique (par ex., l’apparence ou les propriétés esthétiques, entre autres). Ces approches se caractérisent par la prise en compte des réactions affectives ou émotives suscitées par les produits chez l’utilisateur, et par la volonté de saisir l’expérience globale de l’interaction produit - utilisateur, qu’on a appelée l’ « expérience utilisateur » à travers ses multiples facettes. Ces nouvelles perspectives de l’utilisabilité posent la question de la place de l’ergonomie dans cette évolution1. II. L’APPROCHE TRADITIONNELLE DE L’UTILISABILITÉ Dans les années 1980, on assiste aux premières tentatives de définition de la notion d’utilisabilité (Shackel, 1981 ; Eason, 1984). L’accroissement des activités de traitement de l’information dans la vie quotidienne, au moyen de systèmes techniques, facilitera son essor et son implantation comme thématique centrale de recherche, aussi bien d’un point de vue théorique que méthodologique. Encore aujourd’hui, il est difficile de trouver une définition unique de la notion d’utilisabilité. Nous disposons de multiples définitions, dépendantes de la manière d’opérationnaliser (mesurer) cette notion. Shackel (1991) définira l’utilisabilité d’un système comme « sa capacité, en termes fonctionnels humains, à permettre une utilisation facile et effective par une catégorie donnée d’utilisateurs, avec une formation et un support adapté, pour accomplir une catégorie donnée de tâches, à l’intérieur d’une catégorie spécifique de contextes » (p. 24). C’est en partie sur cette définition que s’appuieront par la suite les rédacteurs des normes ISO 1. Pour des raisons de place, nous n’aborderons pas les particularités liées à des domaines d’application spécifiques comme les textes électroniques et les logiciels d’apprentissage. Pour ces aspects, le lecteur pourra se référer, entre autres, à l’ouvrage de Sears et Jacko (2009) ou à celui de Lazar (2007). De même, nous n’aborderons pas des aspects particuliers de l’utilisabilité, tels que l’usage de métaphores, d’affordances, de critères ergonomiques, etc., qui visent à améliorer la compatibilité système/utilisateur. 314 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien pour définir l’utilisabilité, et dont l’usage a été plus ou moins standardisé : « Degré selon lequel un produit peut être utilisé, par des utilisateurs identifiés, pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d’utilisation spécifié » (ISO 9241-11, 1998, p. 2). Nous retiendrons surtout les trois composantes initiales de l’utilisabilité (efficacité, efficience, satisfaction), même si le contour de cette notion a évolué, y compris à l’intérieur des normes ISO. Il nous semble important de souligner trois aspects de cette évolution : la volonté de placer l’utilisateur au centre du processus de conception, la volonté d’inclure au niveau des objectifs de conception des populations à besoins spécifiques qui étaient exclues auparavant (conception universelle, conception inclusive), et la prise en compte des avancées de la recherche à travers un processus de standardisation et de normalisation. II . 1. LA PRISE EN COMPTE DES UTILISATEURS À partir des années 1990, se développe l’idée d’une « conception centrée utilisateur » (Norman & Draper, 1986 ; Karat & Bennett, 1991), approche qui préconise la prise en compte de l’ensemble des caractéristiques et des besoins des utilisateurs au moment du développement d’un produit, ainsi que la participation active de l’utilisateur final au processus de conception. Cette prise en compte de l’utilisateur aura pour impact : • L’élargissement du champ d’application de cette approche aux produits de consommation courante (cf. Green & Jordan, 1999), autres que ceux du domaine du génie logiciel où initialement elle s’est développée. On passe ainsi des applications spécialisées développées pour des activités de travail bien définies pour des utilisateurs connus, à des systèmes interactifs grand public où les utilisateurs potentiels ne sont pas forcément connus et bien identifiés. • La reconnaissance de l’utilisabilité comme un champ de recherche et d’application à part entière, à travers la certification et la normalisation des pratiques dans le monde du travail (par ex. Usability Professional Association). • La prise en compte des utilisateurs présentant des besoins spécifiques. En élargissant la gamme des utilisateurs potentiels des systèmes interactifs grand public, de nouvelles demandes apparaissent émanant d’utilisateurs ayant des besoins spécifiques (c’est le cas, par exemple, des utilisateurs ayant des déficits sensoriels, moteurs ou cognitifs à différents degrés). Ces demandes vont donner lieu à l’émergence d’une approche dénommée « conception universelle » ou « conception inclusive ». II . 2. LA CONCEPTION UNIVERSELLE Tout en restant dans le paradigme que l’on peut appeler « classique » de l’utilisabilité, l’émergence d’une conception centrée utilisateur a représenté une opportunité pour le développement de produits visant à pallier Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 315 les problèmes d’exclusion sociale et cognitive, et à prendre en compte les différentes populations faisant l’objet d’exclusion (handicapés moteurs et cognitifs, personnes âgées, public à faible niveau de qualification, etc.). Cette approche de la conception a reçu plusieurs dénominations : conception universelle, pour tous, inclusive, inclusive holistique, etc. L’objectif d’une démarche « conception pour tous » est de répondre à des questions d’ordre éthique, face à l’impossibilité de certains individus d’accéder à certains produits ou services. Cette approche vise aussi à réunir deux démarches de conception qui étaient séparées auparavant : celle destinée à une population dite « valide et bien portante », et celle destinée aux personnes « à besoins spécifiques » que l’on retrouve dans la littérature avec des dénominations diverses : accessible design (par ex. Erlandson, 2008), assistive technology (par ex. Jacko, Leonard, & Scott, 2009), barrier-free design (par ex. Lazar, 2007), transgenerational design (par ex. Pirkl, 1994), mais dont le point commun est la volonté d’inclure, au niveau de la conception de produits et de systèmes techniques, les populations souffrant de déficits cognitifs ou physiques. La notion de conception pour tous est sans doute abusive. Il s’agit plutôt de développer une réflexion et des méthodologies pour simplifier la vie de tout citoyen, en faisant en sorte que les produits, les technologies et les infrastructures soient accessibles et utilisables par le plus grand nombre. Un des arguments de la conception universelle est que malgré l’effort requis au niveau de la conception pour accommoder les produits aux caractéristiques des usagers à besoins spécifiques, l’ensemble des utilisateurs peut en bénéficier (Shneiderman, 2008). Un autre postulat de cette approche est qu’il n’existe pas de coupure radicale entre personnes plus ou moins handicapées ou déficitaires et personnes bien portantes, mais plutôt une continuité (Newell & Gregor, 2001). À un moment ou à un autre de notre existence, chacun d’entre nous va se trouver en situation de handicap. Concevoir pour des minorités, c’est aussi concevoir pour tous. En dehors des populations se caractérisant par un déficit bien ciblé (nous pouvons trouver de nombreux exemples dans l’ouvrage récent publié sous la direction de Lazar, 2008), on estime généralement entre 10 et 15 % la part de la population ayant des difficultés de lecture et d’écriture dans nos sociétés occidentales dites « évoluées ». Or, les nouvelles technologies ne font qu’accentuer ces difficultés car il s’agit d’outils pour traiter et manipuler de l’information. Par ailleurs, les produits destinés aux personnes âgées commencent à faire l’objet d’une attention particulière (Herwig, 2008), due notamment au vieillissement accéléré de la population dans certains pays occidentaux. C’est le cas notamment du Japon, où la moyenne d’âge sera de 50 ans en 2027 (elle était de 41 ans en 2000). Les chercheurs travaillant dans ce domaine se sont attachés à préciser un certain nombre de principes qui doivent être adoptés lorsqu’on se réclame d’une conception universelle (cf. The Center for Universal Design), mais aussi à rendre compte des problèmes méthodologiques posés lorsqu’on conçoit des produits pour des personnes à besoins spécifiques 316 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien (Vanderheiden, 2000 ; Newell & Gregor, 2001). Vanderheiden (2000) a notamment avancé quatre dimensions à prendre en compte : • accessibilité vs utilisabilité : le concepteur doit tenir compte des caractéristiques du produit qui peuvent poser des problèmes d’utilisabilité pour un groupe d’utilisateurs donnés et notamment ce qui rendrait les produits inutilisables pour certains ; • indépendance vs codépendance : en fonction de l’expertise et des capacités de l’utilisateur, les concepteurs doivent privilégier un usage individuel et indépendant du produit ou au contraire ils doivent réfléchir à des solutions de conception qui impliquent une assistance technique et sociale ; • efficience vs urgence : le concepteur doit privilégier, soit les choix de conception permettant la facilité d’accomplissement de la tâche (efficience), soit les choix permettant de satisfaire les contraintes temporelles en fonction des utilisateurs et de leurs contextes d’utilisation ; • facilité d’implémentation : il s’agit ici de prendre en compte les coûts de développement et d’installation. Selon Vanderheiden (2000) donc, la conception des produits et des systèmes techniques requiert la hiérarchisation de ces différents facteurs en fonction des caractéristiques des utilisateurs et des contextes d’usage. Les progrès réalisés dans le domaine de la conception universelle, soutenus et encouragés parfois au niveau politique, semblent indiquer que la prise en compte de l’augmentation des besoins fonctionnels de certaines populations (notamment les personnes âgées) devrait constituer dans les années à venir un des principaux champs d’application et de recherche de l’ergonomie des produits. II . 3. STANDARDISATION/NORMALISATION DE L’UTILISABILITÉ Les nombreuses normes internationales portant explicitement le label « utilisabilité » ou « centrées utilisateur », en plus des normes qui portaient déjà sur l’ergonomie, attestent du degré de maturité des recherches portant sur l’utilisabilité. En voici quelques-unes : Bien que toutes ces normes aient comme objectif général d’améliorer l’utilisabilité de produits et de systèmes techniques, Bevan (2001) a jugé pertinent de regrouper les différentes normes traitant de l’utilisabilité ou de la conception centrée utilisateur en quatre catégories, en fonction des aspects spécifiques de conception ou de production sur lesquels portent les normes : • celles portant sur une analyse organisationnelle visant à diagnostiquer la capacité de l’entreprise à mettre en place des processus de conception centrés utilisateur (par ex. ISO/TR 18529) ; • celles visant à mettre en place les processus de conception (par ex. ISO 13407) ; • celles visant à améliorer la qualité du produit (par ex. ISO 9241-110) ; • celles visant à améliorer la qualité de l’usage (par ex. ISO 20282). Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 317 TABLEAU 1 Normes ISO s’intéressant explicitement à l’utilisabilité de systèmes techniques et à une démarche de conception « centrée utilisateur » Evolution of ISO Norms pointing out the usabiliy aspects of design and the human centered approach design ISO 9241-11 (1998) ISO 13407 (1999) ISO/DIS 9241-210 Exigences ergonomiques pour travail de bureau avec terminaux à écrans de visualisation (TEV). Partie 11 : Lignes directrices relatives à l’utilisabilité Processus de conception centrée sur l’opérateur humain pour les systèmes interactifs (en révision) ISO/TR ISO/IEC ISO/TR ISO 18529 (2000) Ergonomie de l’interaction homme/système. Descriptions des processus cycle de vie centrées sur l’opérateur humain 9126-1 (2001) Génie du logiciel. Qualité des produits. Partie 1 : Modèle de qualité 16982 (2002) 20282-1 (2006) Ergonomie de l’interaction homme-système. Méthodes d’utilisabilité pour la conception centrée sur l’opérateur humain Ergonomie de l’interaction homme-système. Méthodes d’utilisabilité pour la conception centrée sur l’opérateur humain Les concepts définis dans ces normes et la manière de les préciser, sont aussi révélateurs de l’évolution des recherches et des pratiques. La définition standard des premières normes (ISO 4941) rendant compte de l’utilisabilité en termes d’efficacité, efficience, satisfaction, acquiert un autre contour dans la norme ISO/IEC 9126, où l’utilisabilité devient une caractéristique de la qualité de l’usage, définie à partir de cinq composantes : les facilités de compréhension, d’apprentissage, d’utilisation, le pouvoir d’attraction, et la conformité réglementaire. L’apparition de la composante « pouvoir d’attraction » atteste d’un changement de point de vue dans l’étude des usages. Ce changement se retrouve aussi dans la mesure de la satisfaction, qui n’était pas spécifiée dans les premières normes. La norme ISO/IEC CD 25010.2 introduit la composante hédonique de la satisfaction en préconisant la mesure du confort, de la confiance dans le produit, du plaisir, ainsi que des réponses émotionnelles suscitées par le produit. Enfin, la révision en cours de la norme ISO 13407 (ISO/DIS 9241-210) marque clairement un changement de point de vue en proposant de substituer la notion d’utilisabilité par celle d’ « expérience utilisateur ». Par ailleurs, une des dernières normes (ISO 20282, 2006, 2007) marque clairement la volonté de systématiser les mesures de l’utilisabilité 318 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien en préconisant des méthodologies de recueil de données et d’échantillonnage de la population cible et des indicateurs quantitatifs de la facilité d’usage. L’apparition de cette dernière norme montre aussi le champ d’application extrêmement large de l’ergonomie de produits. Quoique les normes présentent toujours un certain décalage entre l’état d’avancement de la recherche et le contenu de celle-ci, on peut souligner un certain nombre d’avantages pour la pratique de l’ergonomie : • l’intégration des résultats et des recommandations issus de la recherche et leur dissémination pour leur application dans le monde du travail ; • la normalisation/standardisation et généralisation des pratiques de l’ergonomie en entreprise ; • la prise en compte des difficultés des utilisateurs lorsqu’ils utilisent des systèmes techniques et l’élargissement des pratiques de l’ergonomie aux produits de la vie courante. Il va de soi, que le degré d’acceptabilité d’un produit varie en fonction du type de facteur pris en compte pour l’expliquer ; l’utilisabilité n’étant qu’un des prédicteurs de celle-ci. Le degré d’acceptabilité d’un produit varie aussi en fonction des différents moments de la confrontation du sujet avec l’objet, de l’expérience et la connaissance que l’individu possède de celui-ci, et de la perception subjective, chez l’utilisateur, d’un ensemble de facteurs attachés à l’objet : utilité perçue, propriétés esthétiques, valeurs culturelles véhiculées, coût économique, etc. L’acceptabilité dépend donc d’un compromis, chez l’utilisateur, parmi un ensemble de facteurs que la recherche essaie de circonscrire. On pourrait aussi ajouter comme l’indiquait Dourish (2003) que l’utilisateur s’approprie une technologie, c’est-à-dire qu’il l’adopte, l’adapte et l’intègre à son activité. Dans cette appropriation, il peut utiliser les technologies à des fins qui n’avaient pas été prévues initialement. Mais ces usages apparaissent après l’adoption. Cette appropriation peut donc jouer un rôle a posteriori important sur l’acceptabilité d’un produit, ce qui a des conséquences non négligeables sur la conception. En effet, comment concevoir un produit, à l’aide des approches « traditionnelles » qui permettent cette appropriation (cf. Salovaara & Tamminen, 2009). D’un autre côté, l’approche traditionnelle de l’utilisabilité peut parfois être perçue comme une approche « boîte à outils », par son ambition de recenser de façon systématique les ressources et les méthodologies disponibles (cf. Hom, 1998), au détriment d’une approche plus analytique et explicative de la situation de travail et d’utilisation. Mais le vrai défi actuel est de trouver un mode d’intégration dans les nouvelles approches de l’utilisabilité qui se développent, et dont la question était déjà évoquée par Green et Jordan (1999) : « L’ergonomie/facteurs humains se trouve à un moment crucial de son développement. C’est une discipline qui a toujours été liée au processus de conception du travail, des systèmes techniques et des produits... Cependant, la révolution électronique a mis au jour une quantité impressionnante de problèmes qui étaient considérés jusqu’ici comme “ésotériques” dans le domaine de l’ergonomie... apportant de nouvelles demandes aux ergonomes et à ceux qui interviennent dans les processus de conception » (p. 249). Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 319 Ces nouveaux problèmes « ésotériques » auxquels Green et Jordan (1999) font référence, sont entre autres, la nécessité de prendre en compte dans l’étude de la relation utilisateur/produit des aspects non instrumentaux de l’activité, tels que l’impact des aspects esthétiques, hédoniques ou émotionnels de cette relation. III. DE L’UTILISABILITÉ À L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR : III. UNE ÉVOLUTION THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE ? Nous assistons actuellement à un changement ou à une évolution dans la façon de considérer ce que nous appellerons la qualité « ergonomique » des produits et des systèmes techniques, notamment par la prise en compte de leurs caractéristiques non instrumentales, c’est-à-dire, celles qui ne sont pas liées directement à l’efficacité et à l’efficience : apparence, esthétique, plaisir, émotion, etc. Ces nouvelles approches ont reçu des dénominations diverses : conception inclusive holistique, émotionnelle, expérience utilisateur. Même si dans ces nouvelles perspectives, les aspects fonctionnels des produits et des systèmes techniques ne sont pas toujours écartés de l’analyse, ils jouent un rôle secondaire dans le processus explicatif des usages, comme l’indique Jordan (1999, p. 208) : « Les produits ne sont pas uniquement des outils. Les produits sont des objets vivants avec lesquels les personnes ont des relations. Les produits sont des objets qui peuvent rendre l’individu heureux ou furieux, orgueilleux ou honteux, sécurisé ou anxieux... Ils ont une personnalité. » Il s’agit presque d’une approche animiste où le travail de l’ergonome va consister, précisément, à doter les objets avec lesquels nous sommes en interaction d’une personnalité, à travers laquelle les utilisateurs vont pouvoir se projeter et exprimer leurs sensations, leurs émotions, enfin leur vécu (expérience). Un exemple de cette démarche est le « questionnaire d’attribution d’une personnalité à un produit » (Product Personality Assignement Questionnaire, Jordan, 2002). Ces aspects non fonctionnels des produits sont abordés à partir d’approches conceptuelles hétéroclites : ce sont ceux de l’amusement ou fun (Blythe, Overbecke, Monk, & Wright, 2003), d’esthétique (Macdonald, 1998 ; Bonapace, 2002), de plaisir (Jordan, 1999, Green & Jordan, 2002) ; d’émotion (Norman, 2004) ; de valeur ou qualité hédonique (Hassenzahl, 2004, 2008). III . 1. LA III . 1. LA CONCEPTION HOLISTIQUE INCLUSIVE : RECHERCHE DE PLAISIR PAR LA SATISFACTION DES BESOINS Pratiquement tout le monde peut s’accorder sur le fait que si l’on utilise un produit, c’est qu’on en a besoin, qu’il est utile pour quelque chose. Mais le problème de l’utilité, en tant que satisfaction d’un besoin, est de définir ces derniers, ou parfois de les créer : c’est l’objectif de la publicité, 320 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien du marketing. La nature du produit (connu, émergent) et l’expérience avec des produits similaires sont des facteurs importants pour l’appréciation de leur utilité et de leur acceptabilité. Certaines approches de l’utilisabilité mettent au cœur de l’analyse cette notion de besoin. Un besoin peut être défini comme un manque de quelque chose, dont la présence ou l’obtention est indispensable pour le sujet : utiliser un produit, c’est d’abord satisfaire un certain besoin dont l’assouvissement permet d’atteindre un certain plaisir (Jordan, 1999 ; Green Jordan, 2002 ; Norman, 2004). Ainsi pour Jordan (1999), l’utilisation d’un produit vise à satisfaire trois types de besoins organisés hiérarchiquement (recherche de fonctionnalités, recherche d’utilisabilité, recherche de plaisir). D’autres, comme Foxall et Goldsmith (1994), ont essayé encore de distinguer différents types de besoins : besoins fonctionnels, besoins sociaux, besoins symboliques (succès, statut social, réalisation, etc.), besoins hédoniques (stimulation des cinq sens), besoins émotionnels, besoins cognitifs. En fonction de l’aspect particulier qui sera pris en compte dans la relation que le sujet entretient avec le produit, Jordan distingue également quatre types de plaisirs qui sont dérivés de quatre types de besoins : • plaisirs physiques (besoin de stimulation de nos organes sensoriels) ; • plaisirs psychologiques (besoins liés à l’accomplissement satisfaisant des tâches) ; • plaisirs sociaux (besoins d’appartenance sociale et d’entrer en relation avec les autres individus) ; • plaisirs idéologiques (besoin d’investir ses valeurs, son appartenance idéologique). Une approche globale de l’acceptabilité de produits, devrait conduire, selon Jordan, à prendre en compte l’ensemble de ces besoins. Or l’ergonomie classique ne s’intéresse qu’aux besoins liés à l’accomplissement de tâches. On peut retrouver chez Hassenzahl (2004) une perspective similaire du rôle de la satisfaction des besoins : « Mon point de vue est que les gens partagent un ensemble général de besoins qui peuvent servir comme point d’ancrage en matière de conception : besoins de manipulation (réalisation des objectifs), besoins de stimulation (accomplissement personnel, accroissement de connaissances et d’habilités), besoins d’identification (expression personnelle, interaction avec les autres), et besoins d’évocation (mémoire des événements passés et des souvenirs en relation avec le produit). L’accomplissement en situation de ces besoins produit des émotions positives » (p. 47). Dans son modèle explicatif de la relation au produit, celui-ci est perçu comme pouvant satisfaire potentiellement certains de ces besoins. Lorsque le produit permet de répondre au besoin de la situation, cela donne lieu à une attractivité ou attirance envers le produit, qui produit à son tour une réponse émotionnelle. Le rôle de l’ergonome dans ces nouvelles perspectives, telle que celle présentée par Jordan (1999), est de rechercher et d’inventorier le type de plaisir que potentiellement un produit peut apporter à l’utilisateur, mesu- Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 321 rer les sensations de plaisir qu’éprouvent les individus pour pouvoir attribuer aux objets une valeur qualitative ou une « qualité hédonique », et finalement être capable de reproduire la « plaisirabilité » dans la conception des produits. Hassenzahl, Platz, Burmester et Lehner (2000) présentent un point de vue moins tranché concernant le rôle de la recherche de plaisir dans l’usage des produits. Pour ces auteurs, le jugement d’attractivité d’un produit et les réponses émotionnelles qu’il suscite dépendent à la fois de sa qualité hédonique (par exemple, nouveauté, originalité, etc.) et de sa qualité ergonomique (simplicité, contrôle de la part de l’utilisateur, etc.) ; cependant, ces deux groupes de facteurs interviennent de manière indépendante. Cette façon de concevoir notre relation aux produits plaide pour une démarche de conception pluridisciplinaire où l’ergonomie classique peut apporter ses compétences sans pour autant tomber dans le design ou le marketing. III . 2. LA PRISE EN COMPTE DES ÉMOTIONS D’autres approches qui se démarquent des conceptions classiques de l’utilisabilité sont celles qui considèrent que nos réponses émotionnelles vis-à-vis des produits sont un des déterminants principaux de leur usage. La recherche sur les émotions peut s’intéresser à différents types de réactions affectives : sensations (par ex., agréable, désagréable), humeur (par ex., tristesse) et émotions ; ces dernières pouvant être définies comme des états limités dans le temps consécutifs à un événement bien identifié, dont on peut préciser la cause et possédant une certaine intensité ; contrairement à l’humeur dont la durée peut s’étaler sur une période indéfinie et dont la cause peut être inconnue pour le sujet. Ce qui pousse la recherche sur l’utilisabilité à s’avancer sur cette voie, est que les émotions donnent lieu à un ensemble de réponses qui pourraient être utilisées comme critères de l’acceptabilité des produits : expériences conscientes verbalisables, réponses comportementales, expressions faciales, réponses physiologiques du système périphérique, etc. Norman (2004) est un des précurseurs de cette approche. L’idée principale qu’il défend est que les études sur l’utilisabilité se sont préoccupées principalement des aspects cognitifs de l’activité en perdant de vue le fait que les traitements d’ordres cognitif et affectif s’influencent mutuellement. Dans son modèle, il distingue trois niveaux de traitement de l’information des caractéristiques des produits, se distinguant par le degré de contrôle que l’utilisateur exerce sur ces traitements : • le niveau viscéral qui agit de manière réflexe, involontaire, et qui porte essentiellement sur l’apparence des objets ; • le niveau comportemental, lié à la mise en place de procédures et au déclenchement des habilités motrices requises pour accomplir les tâches ; • le niveau réflexif, lié à la conceptualisation et l’élaboration des informations sur les objets. 322 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien Chacun de ces trois niveaux, tout en s’influençant mutuellement, est à l’origine de réactions physiologiques et psychologiques, plaçant l’utilisateur dans des états affectifs ou émotionnels qui, lorsqu’ils ont une valence négative, sont préjudiciables pour son activité. Selon Norman, on peut classer les produits, mais aussi les utilisateurs, en fonction du niveau de traitement de l’information mis en œuvre. Du point de vue des produits, on peut les classer en fonction de leur attractivité (niveau viscéral), leurs fonctionnalité et utilisabilité (niveau comportemental) ou leur prestige (niveau réflexif). De la même manière, on pourra identifier le type d’utilisateur en fonction de ses réactions : les personnes « viscérales » vont être influencées par l’apparence, les « comportementales » par les fonctions et l’utilisabilité, et les « réflexives » par le prestige, les valeurs que le produit véhicule et l’image qu’il renvoie. Selon cette approche, une conception adaptée du produit consisterait à apparier les caractéristiques du produit à celles de l’utilisateur : une conception « viscérale » portant principalement sur l’apparence et l’impact initiaux du produit, une conception comportementaliste visant à améliorer les aspects liés à l’utilisabilité (efficacité, efficience, fonctionnalité) et une conception réflexive mettant l’accent sur l’image, les valeurs ou le message idéologique véhiculés par le produit. Le rôle de l’ergonome dans cette perspective serait d’examiner les caractéristiques du produit et les réactions qu’il provoque à ces différents niveaux de traitement, afin de déceler et modifier les aspects qui conduisent à des états affectifs à valence négative, et qui empêchent ou interfèrent avec les traitements cognitifs ou moteurs nécessaires à la réalisation de la tâche. C’est ce que l’auteur appelle « une conception émotionnelle » visant uniquement à produire des états émotionnels positifs. Des assertions de l’auteur du type : « les choses attractives fonctionnent mieux » (Norman, 2004 p. 17) ont eu un impact important sur la manière d’envisager la conception des produits, comme le montre la vaste littérature publiée sur le sujet. Cette influence se manifeste aussi dans une perspective émergente de la conception de systèmes techniques appelée affective computing (Picard, 1997), dont une des hypothèses fortes est que les systèmes techniques peuvent induire eux-mêmes des états émotionnels chez les sujets mais aussi tenir compte des états affectifs des utilisateurs et modifier leur activité en conséquence (Westerink, Ouwerkerk, Overbeek, Pasveer, & Ruyter, 2008 ; Peter & Beale, 2008). Plusieurs chercheurs (par ex. Hassenzahl, 2004 ; Mahlke, 2008 ; Paeln & Bodker, 2008) ont critiqué cette approche, la considérant comme trop simpliste pour expliquer les relations que nous entretenons avec les produits et les systèmes techniques, ainsi que le rôle joué par les émotions. La première critique tient à l’état actuel de la recherche sur les émotions elles-mêmes, et à la diversité des approches théoriques et méthodologiques utilisées pour les identifier et rendre compte de leurs composantes. La deuxième critique touche les aspects liés à la conception et aux usages à proprement parler. En effet, ces approches qui se sont développées, à la fois comme un effet de mode et comme une réaction à l’approche classique de l’utilisabilité ont comme conséquence d’oublier l’étude de l’interaction elle-même. L’émotion joue sans doute un rôle important Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 323 dans l’interaction avec les produits et les systèmes techniques, mais on ne peut pas réduire cette interaction aux seuls phénomènes affectifs (Paeln & Bodker, 2008). Par ailleurs, ces derniers auteurs qualifient l’influence qu’a eue la théorisation de Norman comme « la tempête dans une théière » (pour reprendre une analyse de l’auteur autour de l’esthétique de théières) pour qualifier cette perspective un peu simpliste visant à considérer les aspects émotionnels comme des propriétés intrinsèques des objets, et oubliant le rôle que jouent le contexte et l’expérience de l’individu sur les réactions affectives. De même, il est difficile d’envisager de détacher l’émotion des autres qualités des produits comme l’efficience, la sécurité ou la fiabilité. Hassenzahl (2004), pour sa part, estime qu’étant donné le caractère éphémère des émotions, il n’est pas d’une grande utilité pour la recherche de s’intéresser à celles-ci lors de la conception des produits, sauf éventuellement pour les produits destinés exclusivement à un usage ludique. Dans la recherche sur les émotions en lien avec la conception des produits, on peut trouver deux points de vue quant au rôle qu’elles jouent : le premier que l’on retrouve chez Norman (2004) consiste à considérer les émotions comme étant un facteur antécédent à l’usage d’un produit et suscité par ce dernier. Il y aurait par conséquent une relation « directe » entre la manière dont les produits ont été conçus et les émotions qu’ils suscitent. Le deuxième point de vue que l’on retrouve chez Desmet, Hekkert et Hillen (2004) et Hassenzahl et Tractinsky (2006) considèrent les émotions comme une conséquence de l’interaction avec les produits apparaissant après un processus évaluatif mettant en rapport certaines caractéristiques des utilisateurs (intérêt, besoins, valeurs) et certaines caractéristiques d’un produit. Malgré ces critiques, les approches qui envisagent la conception des produits du point de vue de leurs propriétés esthétiques, du plaisir qu’ils procurent ou des réactions émotionnelles qu’ils suscitent, vont introduire des changements importants dans la manière d’envisager les interactions utilisateur/produit. III . 3. L’EXPÉRIENCE DE L’UTILISATEUR La notion d’ « expérience de l’utilisateur » peut être envisagée dans un premier temps comme un cadre intégrateur, inclusif et holistique des différentes composantes relatives à l’interaction utilisateur/produit qui constituent autant de variables permettant de rendre compte de l’expérience subjective de l’utilisateur. Cependant, il n’y a pas une approche « expérience de l’utilisateur » mais des approches, étant donné la diversité de points de vue disciplinaires, méthodologiques et conceptuels sur le sujet. Il est donc difficile de trouver un consensus permettant d’arriver à une définition unique de ce qu’on peut entendre par « expérience de l’utilisateur ». Dans ce sens, un des apports éventuels de ce concept serait de servir de « concept parapluie » (Instone, 2005) permettant d’intégrer les apports des diffé- 324 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien rents champs disciplinaires et professionnels participant au processus de conception. Norman et Draper (1986), en se questionnant sur ce qui est essentiel pour l’étude des interactions, préfigurent en quelque sorte l’émergence de cette perspective de recherche et d’application : « À quoi ressemble l’expérience de l’utilisateur ? En fin de compte, celle-ci est la question centrale qui sous-tend toute conception centrée utilisateur » (p. 4). Quels peuvent être les contours conceptuels de cette notion ? On peut trouver une revue de la littérature sur le sujet chez Kankainen (2002), Hassenzahl et Tractinsky (2006) et Mahlke (2008). Voici quelques-unes des définitions qui y sont proposées : Pour Kankainen (2002), « l’expérience de l’utilisateur est le résultat d’une action motivée dans un certain contexte. L’expérience antérieure de l’utilisateur et ses attentes influencent l’expérience actuelle, et celle-ci conduit à des nouvelles expériences et des nouvelles attentes » (p. 30). Pour Arhippainen et Tähti (2003) l’expérience de l’utilisateur est le résultat de l’interaction de cinq catégories de facteurs : sociaux, culturels, ceux liés aux caractéristiques de l’utilisateur, ceux liés au contexte et ceux liés aux caractéristiques du produit. Enfin, Hassenzahl et Tractinsky (2006, p. 95) définissent cette notion comme « la conséquence de l’état interne de l’utilisateur (prédispositions, attentes, besoins, motivations, humeur, etc.), des caractéristiques du système (par ex. complexité, objectif, utilisabilité, fonctionnalité, etc.) et du contexte (ou environnement) dans lequel ont lieu les interactions ». Communément à toutes les définitions, nous retrouvons l’expérience de l’utilisateur comme résultante de l’interaction d’un ensemble de facteurs. À partir d’une revue de la littérature et de résultats empiriques de recherches, Mahlke (2008) propose un modèle (CUE-Model), ou un cadre d’analyse, qui intègre la plupart des composantes de l’expérience de l’utilisateur qu’on retrouve dans les différentes approches. L’expérience de l’utilisateur comporte trois dimensions : la perception des qualités instrumentales qui correspondent à l’utilité perçue et aux autres composantes du point de vue classique de la notion d’utilisabilité, et la perception des qualités non instrumentales (esthétique, valeurs véhiculées, facteurs motivationnels, etc.). Ces deux aspects de la qualité du produit influencent directement nos réactions émotionnelles, la troisième dimension du modèle, qui peuvent se manifester par l’apparition de différents indicateurs (sentiments subjectifs, expressions motrices et comportementales, réactions physiologiques, évaluation cognitive). Contrairement à d’autres modèles, l’auteur n’établit pas de lien direct entre les réactions émotionnelles et les manifestations comportementales. Les réactions émotionnelles seraient influencées par la perception des qualités à la fois instrumentales et non instrumentales. Par ailleurs, dans ce modèle, les propriétés du système affectent à la fois la perception des qualités instrumentales et non instrumentales des produits. Les caractéristiques de l’utilisateur et les paramètres du contexte ont une influence sur les interactions entre les trois dimensions de l’expérience utilisateur évoquées plus haut, ainsi que sur les conséquences de Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 325 Fig. 1. — Cadre de recherche pour l’étude de l’expérience de l’utilisateur (adapté de Mahlke, 2008) Framework for user experience research (adapted from Mahlke, 2008) l’expérience de l’utilisateur (jugements et comportements). Les qualités instrumentales et non instrumentales sont perçues par les utilisateurs comme étant indépendantes, bien que les réactions émotionnelles soient influencées par ces deux catégories de facteurs, ce qui va à l’encontre des affirmations de Norman (2004). Il nous a semblé pertinent de présenter ce modèle, car à notre connaissance, c’est un des seuls qui essaie d’intégrer les différents aspects de l’expérience de l’utilisateur qu’on retrouve éparpillés dans la littérature, en les étayant par des données expérimentales. Bien que cela ne soit pas mentionné de manière explicite, ce modèle intègre également des composantes des approches dites de l’ « acceptabilité » qui se sont développées, 326 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien indépendamment des approches de l’utilisabilité, plutôt dans une perspective épistémologique sociocognitiviste (Davis, 1989 ; Venkatesh, Morris, Davis, & Davis, 2003 ; voir aussi les autres articles de ce numéro spécial pour les approches d’acceptabilité). Parmi ces caractéristiques, nous pouvons noter principalement l’utilité perçue et les facteurs motivationnels. Mais un des constats, dans la plupart des approches de l’utilisabilité ou de l’expérience de l’utilisateur est l’oubli de la dimension temporelle de l’activité. Le degré d’acceptabilité d’un produit, sa perception subjective, les problèmes liés à l’usage varient en fonction des différents moments de la confrontation du sujet avec l’objet et de l’expérience et la connaissance que l’individu possède de celui-ci : première impression, premier usage, usage sporadique, usage quotidien. Par conséquent, la prépondérance de certains facteurs comme prédicteurs de l’activité (objective ou subjective) du sujet ne peut pas être dissociée de la dimension temporelle de l’usage. Certains facteurs, comme les propriétés esthétiques, peuvent être déterminants pour former les premières impressions et aboutir à l’acte d’achat, mais perdre par la suite de leur force au profit de la facilité d’usage. Certains facteurs peuvent être parfois fortement corrélés, comme les propriétés esthétiques et les valeurs culturelles à un moment donné ou, au contraire, devenir complètement indépendants sous l’effet de changements dans les normes sociales (effets de mode, par exemple). III . 4. DE NOUVELLES APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES ? La question principale posée par ces nouvelles approches de la relation aux produits est de savoir de quelle manière on peut accéder à l’expérience de l’utilisateur pour rendre compte de celle-ci. Les mesures typiques en termes de temps requis pour réaliser la tâche, nombre et nature des erreurs, temps d’apprentissage et les méthodologies de recueil de données qui les accompagnent s’avèrent insuffisantes pour prendre en compte la multiplicité des facettes de l’interaction que ce courant de recherche se propose d’étudier (voir Tullis & Albert, 2008, pour une présentation détaillée de certaines méthodologies). Le premier signe de ce changement méthodologique a été la multiplication des échelles d’appréciation subjectives, soit pour étudier l’utilisabilité globale des produits, soit pour étudier le niveau de satisfaction à l’égard des produits (SUMI : Software Usability MeasureMent Inventory ; SUS : System Usability Scale ; QUIS : Questionnaire for User Interface Satisfaction ; WAMMI : Website Analysis and Mesurement Inventory, etc.). Dans le même registre des évaluations subjectives, on retrouve des méthodologies visant à évaluer un aspect particulier d’un produit, telles que l’apparence ou l’esthétique, ou à établir un profil qualitatif. Un exemple de cette méthodologie est l’outil mis au point par Bandini-Butti, Bonapace et Tarzia (1997) : SEQUAM (Sensorial Quality Assessment Method), ou la méthode Kansei (Nagamachi, 1995). Du point de vue de l’évaluation subjective des émotions, ou des états affectifs, la construction de la plupart de ces outils obéit à des principes de Acceptabilité, ergonomie et expérience utilisateur 327 la psychométrie, qui sont censés rendre compte de tel ou tel facteur de l’approche théorique qui les sous-tend. Parmi ces outils, on peut souligner, de par leur originalité, SAM (Self Assesment Manikin), de Lang (1985), et un instrument similaire PrEmo (Desmet, 2003). Tous les deux visent à rendre compte des émotions ou des états émotionnels suscités par les produits utilisés, mais leur particularité réside dans le fait qu’à la place d’une échelle verbale, les items sont représentés par des pictogrammes d’individus schématisés, dont chacun renvoie à un état émotionnel particulier. L’objectif de cette méthodologie est de pallier les biais liés au langage dans l’expression des émotions, mais aussi de faciliter la tâche des sujets possédant des compétences langagières limitées (enfants, etc.). On peut retrouver chez Westerman, Gardner et Shutherland (2006) une analyse critique des principaux instruments psychométriques destinés à évaluer les émotions suscitées lors de l’interaction avec des systèmes techniques. Par ailleurs, étant donné la prolifération de ce type d’outils dans le domaine de l’utilisabilité et de l’expérience utilisateur, Green, Dunn et Hoonhout (2008), ont élaboré l’outil SAFE (Scale Adoption Framework for Evaluation) qui devrait permettre d’évaluer les qualités métriques des instruments proposés, en termes de validité de construction, de validité prédictive et de fidélité. Enfin, une dernière catégorie de méthodologies visant à recueillir cette fois-ci des données objectives est celle qui utilise l’enregistrement d’indicateurs physiologiques pour rendre compte des émotions ou des états affectifs, avec tous les problèmes d’interprétation que cela comporte. Certaines de ces méthodologies ne sont pas nouvelles, puisqu’elles étaient déjà utilisées en ergonomie physique ou en ergonomie cognitive. Ce qui est nouveau, c’est l’objet sur lequel porte l’analyse : mesure de la dilatation pupillaire pour rendre compte de l’attractivité ou de la surprise face à un produit, étude de l’expression faciale ; détection des émotions suscitées par les produits à partir de l’enregistrement du rythme respiratoire, rythme cardiaque, réponse électrodermale, etc. IV. CONCLUSION L’expression « expérience utilisateur » est de plus en plus utilisée dans des contextes où l’on utilisait il y a peu celle d’ « ergonomie des logiciels » puis celle d’ « utilisabilité ». Ce terme a fait croire à certains qu’un nouveau domaine de recherche s’ouvrait, que des spécialistes d’un nouveau genre faisaient leur apparition. Peut-être est-ce effectivement le cas. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que l’objectif semble toujours être de satisfaire les utilisateurs et qu’à cet égard, l’expérience utilisateur est toujours, nous semble-t-il, directement liée à l’ergonomie bien que ce contexte nous incite à nous interroger sur ses implications. Rappelons que l’ergonomie des logiciels et le domaine de l’utilisabilité se sont d’abord intéressés à l’adéquation des systèmes interactifs aux besoins des utilisateurs dans des contextes de travail. Les tâches et les activités des utilisateurs devaient être étudiées. Les ergonomes se sont par la suite intéressés à des contextes 328 J. Barcenilla et J.-M.-C. Bastien domestiques, de loisirs et plus généralement d’information et de communication. De ce fait, ils se sont tournés vers des utilisateurs pouvant ou non avoir des besoins plus ou moins bien définis. Dans certains cas, ils se sont vus impliqués dans des projets où les utilisateurs potentiels n’étaient pas bien définis (voir à ce propos, Brangier & Bastien, 2009, sous presse). Cette évolution des domaines d’applications et l’élargissement des utilisateurs potentiels ne sont sans doute pas étrangers à l’évolution des concepts. Le domaine de recherche portant sur l’expérience de l’utilisateur avec des produits ou des systèmes techniques est en pleine évolution, aussi bien d’un point de vue théorique que méthodologique. Si l’ergonomie se retrouvait assez bien dans l’approche classique de l’utilisabilité, puisqu’il s’agissait d’une extension des théories et des pratiques existantes dans le domaine de l’ergonomie cognitive, le développement des approches dites de l’ « expérience utilisateur », obligent l’ergonomie à se questionner sur ses contributions et sa place dans ce nouveau champ de recherche émergent. Deux options s’offrent à elle : continuer à s’occuper des aspects purement ergonomiques : analyse des tâches et de l’activité en termes d’activités cognitives, ou envisager de nouvelles collaborations avec les approches de l’expérience de l’utilisateur. Pragmatiquement, cette dernière option ne devrait pas poser trop de problèmes, car les ergonomes, surtout ceux qui ont une approche psychologique de l’activité, possèdent les ressources théoriques et méthodologiques pour s’intégrer dans ces nouvelles orientations. D’un point de vue méthodologique, ces approches ne sont pas nouvelles pour les psychologues, que ce soit les approches relevant de l’évaluation sensorielle, de la psychométrie ou des mesures physiologiques. Les psychologues et les ergonomes peuvent dans ce sens contribuer au développement de ces outils et s’assurer de leur validité et de leur fidélité (Law, Bevan, Christou, Springett, & Lárusdóttir, 2008). D’un point de vue théorique, nous constatons surtout un éparpillement d’approches pluridisciplinaires. Le psychologue ergonome a un rôle à jouer surtout dans le recentrage de la relation au produit autour de l’activité psychologique des utilisateurs. BIBLIOGRAPHIE Arhippainen, L., & Tähti, M. (2003). Empirical evaluation of user experience in two adaptative mobile application prototypes. Proceedings of the 2nd International Conference on Mobile and Ubiquitous Multimedia (MUM). Norrköping, Sweden, Dec. ACM : 27-34. Bandini-Butti, I., Bonapace, L., & Tarzia, A. (1997). 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Ces nouvelles conceptions (notamment celles qui gravitent autour de la notion d’ « expérience utilisateur ») obligent l’ergonomie à se questionner sur la place qu’elle occupe dans la conception de produits et de systèmes techniques, sur ses apports et ses emprunts disciplinaires, et sur le renouvellement de ses outils méthodologiques. Ce texte vise à rendre compte de ce questionnement et de ces évolutions. Mots-clés : Utilisabilité, Émotion, Plaisir, Expérience utilisateur, Acceptabilité, Conception de produits. Manuscrit reçu : avril 2009. Accepté après révision par M.-É. Bobillier-Chaumon et M. Dubois : septembre 2009.