rap femmes wakhinane pikine senegal

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rap femmes wakhinane pikine senegal
FEMMES DU MONDE
EQUIPE DE PIKINE – GRAINES SENEGAL
RECHERCHE ACTION PARTICIPATIVE DES GROUPES DE FEMMES AU
QUARTIER WAKHINANE 3 – PIKINE (SENEGAL)
I- LE PROCESSUS
1.1 HISTOIRE D’UNE RECHERCHE ACTION
La recherche action tire son origine d’une formation des jeunes organisée dans le
quartier Wakhinane – Pikine- (Sénégal). Profitant de cette activité mobilisatrice, les
femmes
se sentant « exclues » ont contacté les collègues
de la coordination
internationale Quartier du Monde (QDM) pour exprimer le besoin de « faire partie »
du réseau QDM, ou de « se faire financer leurs projets »
Tout ceci dans un contexte ou, dans la conscience collective, un projet équivaut
nécessairement à des financements. Une logique dominante qui a libre cours en général
dans les pays africains.
A partir de ce moment, l’idée d’une recherche action participative a germé dans les
esprits. Le thème serait « les femmes et l’économie sociale et solidaire ». Au-delà d’une
amélioration des conditions de vie, il fallait mettre l’accent sur la « qualité de vie » des
femmes.
Mais, une recherche action doit avoir un ancrage. C’est le premier défi que l’équipe de
facilitatrices a du relever.
1.2. ANCRAGE DE LA RECHERCHE ACTION
L’ancrage territorial, organisationnel et social de la recherche action induit que les
femmes devront s’engager en toute connaissance de cause. C’est pourquoi, les
facilitatrices se sont déployées dans le quartier pour identifier les femmes qui
seront en recherche action.
Dans le quartier Wakhinane, il existe de multiples et divers regroupements de femmes.
Parmi ceux-ci, certains sont fonctionnels, d’autres pas. Les questions qui se posaient :
- fallait –il choisir un seul regroupement féminin pour être en recherche action ? La
réponse a été négative car, le risque majeur est de créer des tensions dans le quartier
et entre les femmes : un choix est toujours subjectif.
- fallait –il travailler avec les regroupements féminins actifs sur le terrain ?
Cette option a été retenue avec l’avantage de les mettre en synergie
1
Ainsi, huit regroupements féminins sont contactés. En effet, profitant de leur réunion,
les facilitatrices ont partagé les objectifs, les résultats attendus et les perspectives de
la recherche action. Les groupements féminins l’ont favorablement accueilli.
Mais, comme l’objectif est de mettre en synergie les groupements féminins, il est
laissé la latitude à chaque groupement de choisir une déléguée parmi ses membres. Elle
s’engagerait à assister à toutes les réunions, rencontres, réflexions concernant la
recherche action mais surtout de restituer aux membres de son regroupement.
Au total, ces huit délégués vont constituer le groupe de recherche action, un outil de
liaison et d’interface avec les regroupements féminins.
L’enjeu de la recherche action sur cette thématique « économie sociale et solidaire »
est énorme. Les constats ci-dessous permettent de saisir toute la complexité de la
situation
1.3. CONSTATS PRINCIPAUX
Les projets et programmes en direction des femmes ont beaucoup plus tendance à
reproduire la division sexuelle du travail.
Cette division sexuelle du travail consiste à engager les femmes dans des « activités
faites pour les femmes, de femmes » : couture, broderie, tricot….
Même si ces activités leur permettent d’avoir des revenus, les femmes ne sont que sur
une échelle productive, productiviste : très souvent, la gestion financière et technique
échappe à leur contrôle, faute de formation si tout simplement ces espaces ne sont pas
gérés par des hommes.
De tels projets ou programmes participent beaucoup plus d’une offre. C’est pourquoi,
même si les femmes disposent de certaines capacités techniques sur « les métiers de
femmes », elles ont des difficultés de mettre en évidence leur savoir faire.
Ce savoir faire se développe faiblement, la vente de jus par exemple ne dépasse pas le
cadre du quartier sinon de quelques maisons, l’activité est toujours informelle.
Les femmes et leurs groupements ont l’habitude d’attendre des financements des
institutions d’appui au développement.
1.4 HYPOTHESES
La recherche action doit sortir des sentiers battus, des logiques dominantes.
En partant de leur auto organisation, les femmes
diagnostiquer leur situation, leur condition de vie.
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doivent être capables de
Ce diagnostic leur permet d’identifier les activités, les actions pour améliorer leur
qualité de vie et participer aux décisions qui les concernent à tous les niveaux (espaces
publics comme privés)
L’amélioration des conditions de vie ne signifie pas forcément l’amélioration de la qualité
de vie.
Le processus de recherche action facilité par des professionnelles contribue à insérer
dans leur propre pratique organisationnelle
(regroupements féminins, GIE.), la
participation.
Cette participation de tous les membres leur permet de prendre conscience de leur rôle
d’acteurs, capables de réfléchir et d’agir.
La recherche action ne part pas du postulat qu’existent les financements d’un tel ou tel
projet déjà ficelé.
De ce fait, la clarté du discours avec les femmes de Wakhinane permet de proposer
des modes de recherche action, leur engagement étant déjà un indicateur de succès
1.5 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE ACTION
a) Objectif général : construire une recherche action des femmes de Wakhinane sur
leurs conditions et leur qualité de vie
b) Objectifs spécifiques :
-
-
Connaitre et comprendre le système socio - économique, les conditions de vie des
femmes de la ville et du quartier Wakhinane 3
Analyser les problèmes qui découlent des conditions et de la situation des
femmes
Formuler des propositions en fonction de l’analyse des problèmes prioritaires des
femmes
Restituer les résultats de la recherche action aux femmes du quartier, aux
structures décentralisées (Municipalité, Développement Communautaire, CDEPS),
aux organisations sociales
Elaborer une planification des propositions des femmes
Capitaliser le processus de recherche action en tenant en compte des résultats
des restitutions.
1.6 ACTIVITES ET OUTILS DE LA RECHERCHE ACTION
a) La collecte de données
3
Elle a permis de cibler les personnes, les structures et de s’organiser. Ainsi, des
données sur la situation géographique, économique, sociale de la ville et du quartier ont
été recueillies auprès des structures décentralisées, des associations diverses.
b) Les interviews
Ils constituent le soubassement de la collecte de données. Avec l’observation
participante, les interviews ont permis d’interroger les membres des structures, des
femmes, des membres d’associations avec un questionnaire élaboré par les concernés
c) Les cartographies sociales
Elles ont été privilégiées. Les facilitatrices ont accompagné plusieurs séances de
cartographies sociales. Les femmes ont pu lire et discuter autour de leur environnement,
leur situation et leur condition
d) Les ateliers
Il y a eu deux types d’ateliers :
- les ateliers de restitution: en effet, les données collectées par le groupe de
recherche action, les interviews, les résultats de la recherche action ont été
restitué aux autres membres des groupements féminins, aux structures
étatiques et aux organisations sociales
-
les ateliers de mise en commun pour stabiliser les données en tenant compte des
conclusions, débats lors des restitutions
1.7. EVOLUTION DE L’ORGANISATION TECHNIQUE DE LA RECHERCHE
ACTION
a) Une recherche action qui a évolué dans sa dynamique
Au début de la recherche action, il a été convenu que le groupe de recherche action
allait ensemble conduire tout le processus. Mais, cette approche a évolué à l’issue de la
formation sur le genre au Maroc (Mars 2008), à laquelle ont participé deux facilitatrices
de l’équipe de Pikine.
Cette formation a eu des conséquences sur le terrain. En effet, elle a permis de mieux
appréhender les questions relatives au Genre, notamment, les modalités de travail dans
la perspective de genre. A leur retour du Maroc, les facilitatrices ont organisé une
restitution formation pour le groupe de femmes.
C’est ainsi que, le groupe de recherche action des femmes a été scindé en deux, chaque
groupe ayant deux facilitatrices :
- le premier groupe élabore sa planification spécifique pour diagnostiquer la
situation de genre dans la ville et le quartier Wakhinane. Par situation de genre, il
est entendu les aspects relatifs à l’éducation, à la culture, à l’économie…
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le deuxième groupe se penche sur le diagnostic de la condition de genre. Par
condition de genre, nous entendons les droits civiques et politiques des femmes,
leur libre circulation, leur participation politique, la liberté de s’épanouir, de vivre
en sécurité…
L’avantage et l’efficacité de cette organisation résident sur le fait que les femmes
auront plus le temps d’aller en profondeur dans leur diagnostic et de s’inscrire dans une
logique d’analyse de problèmes.
C’est pourquoi, les deux groupes se retrouvaient pour mutualiser leurs données d’une
part. Mais aussi, chaque groupe d’autre part, à l’issue de son diagnostic, identifiait les
problèmes des femmes, procédait à leur analyse pour ressortir le problème prioritaire,
ses causes, la cause génératrice à partir de laquelle des activités sont proposées. Enfin
de compte, les groupes ont restitué leur processus et les solutions de chaque groupe ont
été croisées. La capitalisation a été restituée aux structures de la Mairie et d’autres
organisations sociales.
b) Le schéma ci-dessus renseigne sur l’organisation du groupe et la dynamique de
recherche action :
-
Groupement de
femme
Groupement de
femme : accord pour
être en rap / valide le
plan
d’action/délègue
deux membres
délégue de,
R
E
S
T
I
T
U
T
I
O
N
Groupe de recherche action : 16 femmes soit 2
déléguées pour 8 groupements
Groupe
situation de
genre
Groupe condition
de genre
R E S T I T U T I ON
5
R
E
S
T
I
T
U
T
I
O
N
Les difficultés rencontrées durant le processus sont liées :
-au respect lapidaire des horaires de rencontres
- à la charge de travail qu’induit le processus : toutes les rencontres sont l’objet d’une
préparation minutieuse y compris la dispersion des groupements sur le territoire.
- le manque de formation et d’alphabétisation qui renforçait un complexe chez certaines
femmes du groupe au début de la recherche
Par contre des avancées notoires ont été attestées notamment :
- La mobilisation sans faille du groupe de recherche action
- La motivation des femmes à s’engager dans un projet commun
- Une participation active des femmes dans la recherche action
- Une prise de conscience des femmes de leurs positions sociales et géographiques
durant le processus de recherche action
- Une implication ferme à vouloir améliorer leur condition et leur qualité de vie
- Le désir de réaliser des activités durables et rentables.
II CARACTERISTIQUES DES FEMMES
Pour les huit regroupements en recherche action à Wakhinane, chaque regroupement
comprend en moyenne 30 personnes. Si 16 femmes (2 par groupement) constituent le
noyau dur, la recherche action a indirectement touché 240 femmes à travers les
restitutions de toutes les activités.
2.1 Notre approche de groupe ne nous commande pas de fournir des données
individuelles sur l’environnement familial et les conditions de vie.
Par contre, nous privilégions les tendances fortes du groupe :
Le Sénégal est un pays en voie de développement avec un taux de natalité de 36,52 pour
mille en 2008. Cette forte natalité explique que les moins de 15 ans constituent environ
50% de la population totale.
Le quartier de Wakhinane s’inscrit dans cette tendance : une forte natalité, une
population jeune. Mais aussi le taux de fécondité (le nombre d’enfants par femme durant
sa vie féconde) se situe dans la tendance globale du pays : 4, 8. Ce qui signifie en
moyenne chaque femme met au monde 4 enfants.
Plus précisément, pour le groupe de femmes en recherche action, chaque famille
comporte en moyenne 20 (vingt) personnes
2.2 Les conditions de vie des familles
C’est pourquoi, les familles sont « pléthoriques » dans le quartier. Nous remarquons que
sur 10 hommes, 2 seulement ont un travail stable. Ce qui n’est pas le cas pour les pour les
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femmes qui doivent s’occuper « à temps plein » des besoins de leurs familles et des
taches domestiques.
Nourrir la famille large constitue tous les jours un véritable casse – tête. Il faut
toujours tirer le Diable par la queue. Dans un contexte de « manques », le terreau est
fertile et fait germer toutes formes de violences collectives et individuelles.
Le fonctionnement social fait que dans ce cette ambiance, la femme est « moins que
rien », elle n’a pas la voix au chapitre, son rôle est immuable : faire des enfants,
s’occuper de leur éducation, des travaux domestiques
2.3 Quels sont leurs intérêts à participer à la Rap ?
La proposition de conduire une recherche action a bouleversé les pratiques dominantes
dans le travail avec les femmes ; ce sont les femmes qui ont la parole, qui vont discuter,
planifier ce qu’il faut faire, qui va le faire, quand se réunir, ou se réunir , pour dire quoi
..Etc.…
Ainsi la valorisation de la femme est un intérêt majeur Elle s’est exprimée par leur
rôle central et surtout le respect que leur confère la recherche action.
L’autre intérêt réside en ceci : les femmes sont auto organisées en associations
diverses. Participer à la recherche action a un intérêt symbolique : une reconnaissance
et un élargissement de leur base sociale et relationnelle.
Enfin, en participant à cette recherche action, les femmes veulent renforcer leur auto
promotion économique, sociale et culturelle.
Cet intérêt se comprend aisément au regard des modes d’organisation des femmes.
2.4 Caractéristiques de l’organisation des femmes
a) La problématique des regroupements féminins
Un nombre de 500 regroupements de femmes ont été identifiés dans la ville Pikine
dont 300 Groupements féminins et 200 autres organisations (daaras, tontines) lors des
enquêtes menées par le Service du développement Communautaire. Cependant,
l’hypothèse est de penser qu’il existe des groupements de femmes »informels », non
reconnus par les services étatiques
Les groupements cherchent à être officiellement reconnus, pour les raisons suivantes :
- avoir une carte d’identité
- faciliter les contacts et relations
avoir des textes de base
bénéficier d’appui matériel, technique ou financier de l’état ou des ONG.
Les principaux objectifs des groupements de femmes sont :
- Lutter contre la pauvreté
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-
Avoir une autonomie (autonomie de la femme)
Etablir un lien de solidarité et d’entre aide
Les groupements apportent à leurs membres
- des expériences et des compétences en matière de développement
- un renforcement de leurs capacités
- une dynamique de groupe.
Par rapport à la collectivité, ce sont les groupements de femmes qui prennent des
décisions relatives à des actions au profit de la collectivité. Comme exemple, on peut
citer entres autres, les séances de causeries, la lutte contre le paludisme, la
désinfection.
A la question de savoir pourquoi certains groupements ne veulent pas être
officiellement reconnus, les raisons sont:
- le manque d’informations sur l’importance de la reconnaissance juridique
- la négligence des autorités et la lenteur des procédures.
- le manque de suivi
b) Le tableau suivant donne les ressemblances et les différences entre
« Mbotay », « tontine » et groupement de femmes.
Mbotay
Tontine
Groupement de Femmes
Tous les membres sont des Peut regrouper des femmes Tous les membres sont des
femmes
et hommes
femmes et peut avoir une
reconnaissance officielle
Mène des activités
Mène des activités
Mène des activités
communautaires
économiques
communautaires
La notion de solidarité est
L’aspect pécuniaire est
Adhésion, cotisation
mise en exergue ; par
privilégié ; par exemple
mensuelle / les membres
exemple lors d’une
cotisation fixée à un
peuvent bénéficier de prêt
cérémonie chez un membre, montant chaque semaine où avec de douces conditions
présence des autres
chaque mois on donne la
de remboursement ; le prêt
membres et soutien
somme à un membre qui est peut être collectif ou
matériel et financier
tenu de rembourser
individuel
l’intégralité de la somme
reçue
Règlement intérieur pas
Application stricte du
Application stricte du
toujours appliqué
règlement intérieur
règlement intérieur
Le fonds de caisse peut
servir à l’achat de matériel
au profit des membres
Le fonds de caisse est
souvent partagé et il y a
une redevance versée à la
personne qui gère la tontine
Les réunions sont l’occasion
pour les femmes de parler
d’argent, pour certains
groupements ces réunions
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Politique d’accroissement
des fonds ; rentable car le
membre peut recevoir plus
qu’il a donné /Possibilité
d’achat de matériel et
location (une autre source
de revenus pour le
groupement)
sont agrémentées de
musique. Pour l’essentiel
des groupements, les
cotisations des membres
sont rassemblées, un tirage
au sort s’effectue et la
gagnante reçoit la mise.
L’utilisation de cet argent
est de la volonté de la
gagnante du jour. Mais,
pour l’essentiel des
femmes, cet argent leur
permet : de débuter un
petit commerce
s’occuper des besoins de sa
famille, d’acheter des biens
matériels
III. CARACTERISTIQUES DE L’ESPACE DE RENCONTRE DES
FEMMES
Il convient de préciser ceci ;
- avant les activités de recherche action, chaque groupe de femmes a son espace
de rencontre. Elles se réunissent dans un espace privé (la maison d’un membre)
soit hebdomadairement ou mensuellement. Elles s’y rencontrent pour remettre
leur cotisation de la tontine, tirer au sort une gagnante (voir tableau ci-dessus)
Nous pouvons alors constater qu’il n’existe pas en tant que tel pour les femmes dans
le quartier de Wakhinane 3 un espace collectif spécifique de rencontre
-
avec la recherche action, les déléguées ou représentantes des différents
regroupements de femmes sont mises ensemble. Dés lors que chaque groupement
concerné a décidé de s’engager dans un projet commun, les femmes partagent
alors un même objectif et s’organisent à cet effet. Elles choisissent pour leurs
ateliers, leurs restitutions des lieux ou espaces différents : il peut s’agir des
locaux de l’association des jeunes du quartier, de la salle de réunion de Enda
jeunesse action, ou du Cadre Local de Concertation des Associations de Pikine
Nous disposons d’un indicateur certain qui montre comment les facilitatrices ont pu
travailler à ce que le groupe de femmes prenne conscience de leur réalité et
revendiquent. En effet, lors de la restitution aux femmes, lors des discussions de
longues heures ont été consacrées à la place qu’elles occupent même s’il s’agit de la
Maison de la Femme.
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Pour cette Maison, si une femme est Présidente, (c’est bien, c’est une Maison de la
Femme), mais le Trésorier est un homme sur lequel la Présidente n’a aucune emprise
l(Trésorier, un poste stratégique) en plus « qu’elle ne connaît rien de sa gestion » ! Les
femmes ont longtemps discuté sur comment elles sont manipulées. Et exigent que
cessent ces situations.
Justement leur motivation pour participer à ce futur projet est que les femmes sont au
début, vont maîtriser la logique et la gestion technique, financière, administrative y
compris l’évaluation.
IV. LE DIAGNOSTIC
4.1 Diagnostic de genre
a) Caractéristiques de l’environnement : la présentation du contexte de Dagoudane
Pikine
L’arrondissement de Dagoudane Pikine est un territoire administratif à l’intérieur du
grand département de Pikine, démembré en sept (7) communes d’arrondissement sous
l’autorité de la sous-préfecture du même nom. Les communes d’arrondissement sous
tutelle, constituées suite à la mise en œuvre de la politique de décentralisation en 1996
sont les suivantes : Pikine Est, Pikine Ouest, Pikine Nord, Djiddah Thiaroye Kao, Guinaw
Rails Nord, Guinaw Rail Sud et Dalifort.
La population de l’arrondissement estimée à 300 000 habitants est inégalement répartie
entre les communes différentes de taille sur le plan de l’espace administratif. Cette
population est caractérisée par une prépondérance des femmes et des jeunes qui
représente une frange importante (53% pour les femmes et 55% pour les jeunes).
L’espérance de vie côtoie celle du niveau national qui s’élève à 51,3 ans, avec une
population scolarisée d’une moyenne de 55,7%. La population active est en dessous de la
moyenne nationale qui est de 42%, et l’essentiel des personnes se meuvent dans le
secteur informel.
b) Le développement des activités informelles
L’économie de la commune est populaire basée essentiellement sur les activités du
secteur informel .Une faible proportion de la population occupe un emploi dans le
secteur formel, ce qui donne une certaine importance aux initiatives en matière
d’Activités Génératrices de Revenus et de petite entreprise.
En somme, l’essentiel des actifs est sans emplois, situation liée à la faiblesse de la
structure économique, la faible capacité de financement des projets, la compression des
emplois dans les usines des environs.
Cependant, plusieurs activités peuvent être distinguées, notamment le petit commerce,
la vente au détail, l’artisanat, etc. Il y a aussi les ateliers de quartier et les magasins de
quincaillerie installés sur la route des Niayes.
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Seulement 7 % de la population active sur un total de 30 % occupe un emploi structuré
(agriculture, pêche, industrie, fonction publique, service) contre 23 % qui exerce des
activités informelles (commerce, artisanat, personnels de maison, transport etc.…).
Le secteur informel occupe une place de choix au niveau de l’embauche pour une valeur
relative de plus de 50% des emplois occupés.
De ce fait un phénomène de faible capacité d’embauche et une quasi totalité
d’infrastructures appropriées se posent mais plus fondamentalement des problèmes
socio- économiques.
La caractéristique principale est la faiblesse des revenus de la plupart des ménages. La
faiblesse de la couverture des structures financières a favorisé et facilité l’implantation
de Structures de Financement Décentralisées (SFD) comme les mutuelles d’épargne et
de crédit.
Ce système bancaire polarise la presque totalité de l’arrondissement et dans un cadre
plus large la grande banlieue de Dakar et présente un certain impact au niveau des
femmes et des artisans.
C) Une prépondérance de femmes qui s’organisent pour faire face
Les conditions de vie difficile ont incité les populations par le biais de regroupements
associatifs à mettre en place des initiatives locales visant à améliorer leur niveau de vie.
Ainsi, dans les communes d’arrondissement on compte en moyenne vingt cinq (25) par
territoire communal. Il s’agit d’associations sportives et culturelles, d’associations de
développement de quartier (ADQ), de groupements de promotion féminine (GPF), de
groupements d’intérêts économiques (GIE), etc.
Ces réactions communautaires sont la réponse aux divers problèmes qui assaillent les
populations. Elles tentent de se regrouper et constituent des groupements ou des
réseaux d’associations en vue de réfléchir sur les solutions communes d’autant qu’elles
évoluent sur le même territoire.
Dans ce sens, les femmes en recherche action ont fait ressortir deux aspects dans le
diagnostic et l’analyse de leur situation de genre : l’éducation et l’économie.
4.2 La condition de genre à Wakhinane
Les femmes comme les hommes ont des droits. Elles ont des droits civiques comme des
citoyennes à part entière mais aussi des droits politiques.
Les femmes et leurs droits civiques, politiques.
Dans leur condition, pour les femmes trois aspects émergent :
- la libre circulation,
- la participation et la représentation politique,
- la liberté de s’épanouir et de vivre en sécurité.
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Sur ces points, les femmes expriment une très forte discrimination fondée sur des
pesanteurs socio culturelles, ou simplement sur leur caractère physique de…..femmes.
C’est pourquoi, pour la libre circulation, la condition de femme ne permet pas toujours
de savourer ce droit à cause des normes et des exigences de la société. Les femmes
n’ont pas beaucoup de temps. Elles s’occupent des travaux ménagers, des enfants y
compris leur éducation.
Pour sortir, aller en réunion ou même rendre visite aux amies, elles sont dans l’obligation
de demander toujours l’accord du tuteur, du mari ou des parents. Contrairement aux
hommes qui n’ont de compte à ne rendre à personne. Ils circulent librement, et à
n’importe quelle heure.
La participation et la représentation politique pleine des femmes ne sont pas encore
installées ni dans les mentalités, ni dans la conscience collective.
Pourtant, ce sont les femmes qui sont mobilisées lors des manifestations politiques
(meeting…etc.)
Mais, dans les instances de décision et de direction, elles sont beaucoup plus au bas de
l’échelle.
La participation dans la famille : le mari est souvent jaloux au début lorsqu’une femme
est membre d’un groupement féminin. Il ignore l’importance du regroupement.
Mais, quand la femme commence à avoir des revenus et cherche à aider son mari, sa
famille (participation à la prise en charge des besoins de la famille), à partir de ce
moment, elle devient autonome et « libérée » par son mari. Il y trouve son intérêt.
C’est ce que vivent les femmes membres des groupements féminins.
La liberté de s’épanouir, de vivre en sécurité : à ce niveau les femmes subissent des
violences :
- de la communauté (agressions, vols, viols)
- dans les familles car la « famille » est toujours présente au sein des foyers, ce
qui entraîne des conflits
- au sein des couples
Les problèmes relatifs aux droits sont :
-
des violences psychologiques au sein des couples
une liberté de circulation restreinte
une faible liberté d’expression
une communication insuffisante
des violences physiques au sein de la communauté
des violences symboliques au sein de la famille et de la communauté
une faible participation
une faible représentation politique
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La cause principale de ces problèmes est la suivante
Insuffisance de la communication
Quelles sont les propositions du groupe ?
Installation et promotion d’un espace social des femmes de Wakhinane :
- pour exécuter des activités, sensibiliser, éduquer se
rapprochant de la
population féminine.
- Organiser des thés débat et se rencontrer fréquemment, discuter
- Enlever les tabous en privilégiant le dialogue
- Eduquer les filles qui seront les femmes de demain en matière d’éducation à la vie
familiale (EVF)
- Mobiliser les femmes par classe d’âge, les conseiller et améliorer leur éducation
de base
4.3 La situation de genre à Wakhinane
L’EDUCATION
A Wakhinane les hommes réussissent en nombre beaucoup plus important aux études
que les femmes.
Dés le bas âge, on constate la division sexuelle du travail. Au retour de l'école la fille
accomplit les travaux domestiques tandis que le garçon joue au foot- ball ou révise ses
leçons. Les parents financent plus les études du garçon que celles de la fille. Ils
pensent toujours que le garçon est plus rentable (en terme de revenu, économique) pour
la famille que la fille qui va rejoindre, tôt où tard le domicile conjugal.
La femme qui a le même niveau d'étude que l'homme, avec les mêmes responsabilités
dans une société ou une entreprise a un salaire inférieur. Les hommes sont beaucoup plus
nombreux dans les espaces de décision que les femmes même dans les associations,
exemple: la direction de l'AJWP compte 30 membres dont 2 femmes.
Sur 100 filles inscrites à l'école seules 25 parviennent au niveau supérieur dont 10 vont
travailler dans le secteur formel. Sur 100 garçons, 50 arrivent au niveau supérieur dont
30 vont travailler dans le secteur formel.
La faiblesse de la formation des femmes va avoir des conséquences sur leur place
dans l’économie formelle. En d’autres termes, leur faible niveau d’éducation et de
formation ne leur ouvre guère des opportunités dans le secteur formel.
L’ECONOMIE
L'économie du quartier Wakhinane III n’est que le reflet de la structure économique
de la ville de Pikine. : La majeure partie des hommes et des femmes travaille dans le
secteur informel.
Les activités économiques formelles qui existent dans le quartier Wakhinane
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Les activités formelles dans le quartier sont:
- l’enseignement public et privé,
- la garderie d’enfants,
- la vente dans les stations d’essence et les fast food
les soins dispensés au dispensaire et chez le dentiste
Les activités économiques formelles occupées par les femmes
Avec la cartographie sociale, les femmes ont pu matérialiser leur par rapport à celui
des hommes dans les activités formelles.
Les résultats ont montré :
- au niveau du dispensaire il ya une égalité : deux hommes et deux femmes,
- chez le dentiste il y a une femme pour 2 hommes,
- dans les deux écoles publiques, l’école privée, la station d’essence, le fast food, le
tiers des employés est constitué de femmes (1 sur 3)
- par contre a la garderie d’enfants on constate une supériorité des femmes ; deux
femmes pour un homme
Quels sont les résultats de cette comparaison et qu’en pensent les femmes ?
Les femmes ont clairement vu qu’elles sont nettement moins employées que les hommes
au niveau du secteur formel
Les femmes ont été déçues et pensent qu'elles n'occupent pas toutes la place qu'elles
devaient avoir au sein du système formel. Les hommes qui travaillent dans le secteur
formel sont plus nombreux que les femmes qui sont « invisibles » : sur 100 femmes
seules 10 travaillent dans le secteur formel)
Les femmes ont beaucoup plus de charge financière que les hommes et leurs revenus
sont très faibles. Elles estiment également que leur quartier est délaissé par les
autorités et le manque d'infrastructures en témoigne.
Les problèmes des femmes
-
l’insuffisance de moyens financiers
le manque de travail,
des revenus très faibles,
le manque d'espace pour développer des activités rentables,
la lourde charge des travaux domestiques
la responsabilité de la gestion de la grande famille,
des espaces de santé insuffisants
une faiblesse dans l’éducation et la formation des femmes
L’analyse du problème commun
L’insuffisance de moyens est le problème prioritaire dont les causes sont:
- l’insuffisance d'infrastructures
- l’insuffisance d'emplois
- une faible formation des femmes
Les propositions du groupe
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Mise en place un espace appelé foyer des femmes dont elles assurent elles même la
production et la gestion. Les actions et activités proposées dans cet espace sont:
- la formation et l’alphabétisation fonctionnelle des femmes dans leurs différentes
activités (couture, teinture, coiffure, transformation céréalière, des fruits et légumes,
poissonnerie, boucherie, import- export et commercialisation de leurs produits),sur les
droits sexuels et reproductifs, le plaidoyer.
V- SYNTHESE DES PROPOSITIONS
La proposition des femmes pour améliorer leur condition de vie et leur qualité de vie
est la mise en place d’un espace socio économique et de multi média qui leur permettra :
- de se rencontrer
- d’échanger et de discuter autour de leurs problèmes
- de se former
- de sensibiliser les filles et les femmes
Mais, cet espace socio économique sera géré et dirigé exclusivement par les femmes
VI. LES PROPOSITIONS POUR UN FUTUR PROJET DE TROIS
ANS
La stratégie d’action est de bénéficier d’un espace de rencontres et d’échanges. Cet
espace géré par les femmes doit avoir un contenu tendant à améliorer leur qualité de
vie.
Objectifs
Activités
Résultats
Indicateurs de
Disposer d’un
espace socio
éducatif, culturel et
économique
Recherche d’un
espace (maison)
Contribuer à élever
le niveau
d’éducation et de
formation des
femmes
Alphabétisation
fonctionnelle
Organiser des
activités
d’éducation à la vie
familiale (EVF)
Sessions/ateliers de
sensibilisation sur la
contraception, les
droits sexuels et
reproductifs
15
attendus
résultats
Les femmes
disposent d’un
lieu ou elles
peuvent se
rencontrer
Les femmes sont
alphabétisées en
fonction des
activités qu’elles
développent
Les femmes trouvent
et négocient un
espace
Les femmes
appréhendent les
risques des
grossesses
multiples, se
Les femmes gèrent en
amont et en aval
toutes les activités
tendant à améliorer
leur qualité et
conditions de vie
Les femmes ont une
prise sur les décisions
concernant leur corps
dans leur vie de
couple
Favoriser la
concertation entre
les femmes autour
de leurs problèmes
Ecoute
Groupe de parole
Se regrouper pour
produire et écouler
les produits locaux
transformés
Développer des
capacités de
plaidoyer pour
mieux contribuer à
une meilleure
gestion des
préoccupations des
femmes
Transformation de
produits locaux
protègent des
MST/sida
Les femmes
disposent d’un
cadre
d’expression
Les femmes
s’organisent en
coopérative auto
gérée
Une grande
synergie est
créée avec les
autres
dynamiques
féminines
Forum sur les
résultats de la RAP
Ateliers de
restitution
Table ronde
thématique
Contacts : Graines
Alassane Faye
Email : [email protected]
[email protected]
Tel 00 221 77 658 17 78
Copyright : graines Sénégal Mai 2009.
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Les femmes
investissent des
espaces publics,
participent aux
décisions qui les
concernent à tous les
niveaux (familial,
économique,
politique.)
Une coopérative est
fonctionnelle
Les partenaires
(administratifs,
politiques,
financiers…)
valorisent mieux les
expériences et les
capacités des
femmes.