LA PREMIERE PARTIE : 17m 28s – le « nettoyage » d`Hiroshima I
Transcription
LA PREMIERE PARTIE : 17m 28s – le « nettoyage » d`Hiroshima I
LA PREMIERE PARTIE : 17m 28s – le « nettoyage » d'Hiroshima – Introduction : une unité : évidente, littéraire (ouverture et fermeture sur voir) et cinématographique (fondu au noir, image du générique dupliquée et élucidée) une singularité : masse de gens / masse de plans – alors qu'ensuite plutôt absence de gens et plans plus longs. Images d'actualité, nombreuses – alors qu'aucune ensuite Mais : il faut remettre en doute cette évidence. Cette partie n'est pas si singulière, à deux niveaux (cinématographique et éthique). Cinématographique : le passage de la foule au couple est relatif parce que il y a de la foule dans d'autres séquences (le défilé) et parce que le vide est préparé (travellings dans Hiroshima). Ethique : la 1ere partie livre déjà des clés pour comprendre le sens. Donc il faut mettre en avant les enjeux suivants : la 1ere partie est comme une grande ouverture, avec des motifs qui se retrouveront dans le film entier : scintillements (dans le musée – beaucoup plus tard sur Riva) ou cicatrices (celles de la peau, du Palais de l'Industrie 11:49, celles du delta de la rivière Ota : 12: 42), de l'enterrement : 7:14 et 7:42) et surtout un projet déterminant ce qu'on dira du projet sera repris et élargi dans d'autres cours, qui porteront sur l'ensemble du film Quel projet ? (3) : « Si peu qu'on lui ait montré du Monument Hiroshima, ces misérables vestiges d'un Monument de Vide, le spectateur devrait sortir de cette évocation nettoyé de bien des préjugés... » I- Le Monument Hiroshima : quels effets produits sur le spectateur ? l'évocation d'Hiroshima : multiples images d'actualité, du « 1er jour... du 15ème jour », insoutenables. le crescendo : musical et en images. Presque forcée à cause de la dénégation répétée : « Tu n'as rien vu ». Les réponses sont inquiètes (voir les questions rhétoriques posées : comment aurais-je pu ne pas voir ? ») et réaffirment : j'ai vu / je le sais le faux-documentaire : sur une ville traversée, travelling, panoramiques + le « ton récitatif » (cesse en 26) un équilibre esthétique : vers 7:OO panoramiques droite/gauche puis gauche/droite ; plus tard personnage qui traverse de gauche à droite puis le suivant de droite à gauche. Pose un problème éthique – le cinéma est bien une question de point de vue, de regard mais Resnais n'est pas inconscient. Ses choix esthétiques ont pour finalité... - laquelle ? soit de choquer (voir bus), soit favorisent le faux-documentaire (qui in fine doit changer le regard sur Hiroshima) les effets de scandale : A) Hiroshima // (mon) amour : ce qui frappe en premier lieu, c'est l'anachronisme d'associer l'amour et Hiroshima : les deux réalités les plus éloignées l'une de l'autre. Riva fera cette association en 8:43 mais avant : Le titre est une oxymore choquante, mystérieuse, interpellatrice même si on peut intellectuellement trouver des associations comparables : Eros et Tanathos (Tu me tues, tu me fais du bien 13:30) , là, c'est la confrontation concrète des « corps intacts » et des monstres : la main déformée puis la main de Riva (9:35) en 2 temps : a) les 1eres images, très isolées du reste (bande son au piano seul, Plan fixes, pas de paroles) : corps avec sable / corps avec pluie / corps amoureux – à détailler b) le reste de la séquence : 1- elle place la voix amoureuse sur les images d'actualité 2- les autres effets de scandale : 4:10 : thème jazzy, de fête au musée – et réinterprétation de l'atome comme une boule à facette (le cinéma est une question de point de vue) 11: 35 : le bus et le sourire de l'hôtesse – noter comme la paroi du bus est tronquée et/ou rapide, si bien que l'anachronisme est souligné 8: 20 : la voix parle de bleuets et de fleurs merveilleuses sur les images d'enfants martyrs (p 21 : MD souligne dans une note que la phrase existait dans le reportage d'Hershey : « je n'ai fait que la reporter sur les enfants martyrs ») Toujours on revient sur l'image si parfaite des corps (22) Finir sur l'ambigüité féconde de la ville et de la nuit « pareille aux autres au point de s'y méprendre » (27) II- Les deux thèmes de l'amour et de la bombe se répondent : comment, pourquoi ? D'abord, au risque de se redire, leur union est brutale : les corps (recopier les pages 15 et 16) Une fois que la fusion a dépassé le stade de la confrontation, comment procède cette union ? D'abord, le thème d'Hiroshima est le sujet de leur conversation amoureuse (voire sexuelle) et c'est lui qui l'initie. Donc est posée comme une évidence cette association de leur amour et d'Hiroshima. 15:40 : images et voix dans la chambre (ils parlent de sa peau, du passé : NE-VERS - il n'y a plus de décalage) mais toux : « c'est 4 heures » et elle se réfugie dans ses bras. Hiroshima ne se laisse pas oublier à Hiroshima. Sur l'amour, on apprend des choses sur ses protagonistes, mais très peu : elle a une alliance (9:00), c'est un adultère quasi certain (« je te rencontre » 13: 30) – on peut dire que cela passe inaperçu à peu près, même si leur histoire prend plus de place (mais le spectateur est encore dans la stupeur) quand les images d'actualité disparaissent : d'abord celle des morts et des déformations (vers 11:00) tandis que la voix continue de parler des retombées (ça a continué – nourriture jetée) puis finalement l'aveu commence à être posé (« quel évènement ! ») 13:52 à cause de ce décalage : images/voix puis le ton récitatif cesse, on se recentre sur eux dans le propos, il y a un apaisement mais les images restent un travelling d'Hiroshima : peu à peu les rues se vident, ce sera le temps des amants – or, au moment de parole amoureuse : « Déforme-moi jusqu'à la laideur » (qui débute le motif de la folie ?) on voit le Palais de l'Industrie, à droite, inaperçu (14:22) passage de l'un à l'autre en espalier : 1er fondu enchaîné en 14:38, fondu au noir final en 17:28 Le montage : le CUT qui unifie ce qui est de Resnais et ce qui est du documentaire le choix du Noir et Blanc qui facilite la fusion + Le son : on n'entend pas les suppliciés. C'est la voix de Riva sur leurs corps. Puis la voix de Riva seule dans un long monologue entre 11:24 et 14:40 l'ambition est celle du « faux documentaire » - avant de voir ce que c'est, surtout ce que ce n'est pas : pas un film sur la paix, pas un documentaire, pas un récit de fiction sur une histoire adultère – un genre à part. Imprévu : une surprise (comment me serais-je doutée...) 8:43 : « De même que, dans l'amour cette illusion existe, cette illusion de ne pouvoir jamais oublier ; de même, j'ai eu l'illusion devant Hiroshima que jamais je n'oublierai » - c'est Riva qui parle et qui délivre l'outil de comparaison : le couple Hiroshima / mon amour est uni par la thématique de la mémoire. [on laisse ce cours pour plus tard – on ne parle que du regard] pourquoi ? C'est la question : qu'est-ce qui autorise cette union ? On ne répond pas aujourd'hui mais rappelons ce que MD dit d'eux : « un halo particulier y auréole chaque geste, chaque parole, d'un sens supplémentaire à leur sens littéral ». Les personnages agissent de manière imprévue dans la situation amoureuse aussi : quand le Japonais rit : c'est un rire « qui n'est pas de mise dans le propos » (28) – ils sont décalés par rapport à la situation d'amour normale – est-ce à cause du halo qui les nimbe ? Piste 1:02:23 « Dans quelques années, quand je t'aurai oubliée, je me souviendrai de toi comme l'oubli de l'amour-même. Je penserai à cette histoire comme à l'horreur de l'oubli ». Phrase absolument déterminante, pour 3 raisons (voir cours amour et douleur) dont une est la suivante : – fonction allégorique re-soulignée : Hiroshima mon amour parle de l'horreur de l'oubli, in fine Ce sens supplémentaire, ils en sont prescients, comme malgré eux dirait MD (lui surtout, qui a un temps d'avance au départ, qui en sait plus qu'elle et fait le rapprochement en la réfutant d'emblée), car ce qui est sûr, c'est qu'il ne le comprennent pas : ils ignorent de quoi ils sont le nom. III- L'interpellation du spectateur rejoint la problématique du regard : l'interpellation procède par le mystère : titre + la cicatrice qui se décode (qui produit de l'effroi) par l'horreur : à certains moments, le spectateur dans la position du visiteur du musée (du touriste) ou comme au premier rang du car ATOMIC TOUR et dans le déchiffrement de l'énigme de la cicatrice : générique – 5:43 – 12 : 39 + de la reconnaissance de la similitude entre les corps ensablés (générique - ?) par le tutoiement + la position du spectateur (caméra subjective de Riva) qui produit de l'irritation dans le scenario de MD - retrouver par le scandale (déjà vu) on voit comme le spectateur est interpellé dans des sens apparemment opposés (son regard horrifié, compatissant est en même temps frappé de nullité : les regards de 3:24 qui se détournent de lui) la problématique du regard est essentielle ce sont les 1ers mots, le 1er verbe – et le dernier de la séquence : Tu n'as rien vu à Hiroshima / Moi, oui, tu m'auras vu. Intimement ? Quel sème dans ces occurrences, derrière l'apparence de la répétition ? le piège dans lequel le regard est enfermé : « la connaissance d'Hiroshima étant a priori posée comme un leurre exemplaire de l'esprit » Comment est-ce que le regard se laisse prendre au leurre ? Comme s'il y avait un trompe-l'oeil : séquences de film japonais (de reconstitution) sur Hiroshima (19 – autour de 4/30) où l'homme échevelé regarde le spectateur « comment aurais-je pu éviter de voir ? » (3:24) tandis que les regards des suppliciés se détournent d'elle-nous – c'est donc qu'il y a un souci dans ce regard direct. Même, il n'y a pas d'évidence concernant tout ce qui était évident et non-dit : voir quoi ? Tu n'as rien vu / J'ai tout vu (les soulignements sont de MD)/ Sur quoi aurais-tu pleuré ? (ce sont des adverbes). Cela quand les images se durcissent (4:30) 4:27 : « les gens se promènent, pensifs, à travers les photographies, les reconstitutions, faute d'autre chose » : phrase prononcée 3 fois, alors qu'elle-même y est allée 4 fois : répétition qui signe l'échec de ce regard, une impossibilité d'aller plus loin. Et se traduit par une angoisse : j'ai lutté « contre l'horreur de ne plus comprendre du tout le pourquoi de se souvenir » 11:24. Il faut autre chose. 8:51 : l'oeil enlevé – à l'évidence pas un hasard « il faut en finir avec la description de l'horreur par l'horreur » (6) « tu n'as rien vu » et qu'est-ce qu'on voit : des actualités, on baigne dans la douleur, dans la compassion et en même temps, le coeur de cette douleur, du désastre n'est pas atteint. Les images ne servent qu'à faire « un monument du vide », tous les adjectifs du scenario sont négatifs : « monumental », « conservé » (conserve ?) = une sorte de présence-absence à la mémoire (il faut y retourner 4 fois ), il faut une autre voix, imprévisible (donc scandaleuse, et irritante : la voix de l'homme doit être « insupportable » car sans affect) et après le nettoyage : « nettoyé de bien des préjugés », les images d'Hiroshima ne serviront plus à l'embaumer. L'histoire d'amour, douloureuse, doit réanimer Hiroshima. conclusion : pourquoi est-ce impérieux de changer le regard ? Le message communiste (lutte des classes) + la prophétie 12:11 « ça recommence »