La propriété intellectuelle : un enjeu pour pénétrer le marché

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La propriété intellectuelle : un enjeu pour pénétrer le marché
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La propriété intellectuelle :
un enjeu pour pénétrer le marché américain
Le marché américain exerce sur les acteurs économiques français un attrait évident par sa taille. Mais, du
fait de son rayonnement géographique et de la compétition intense qui s’y livre, les entreprises souhaitant
exporter ou s’implanter aux États-Unis ont vivement intérêt à préparer leurs démarches, à agir sur le terrain
et à effectuer un suivi à long terme.
Concernant tout particulièrement la propriété intellectuelle, actif immatériel dont la valeur patrimoniale est
unanimement reconnue et qui, employée à bon escient, peut constituer une arme stratégique d’une grande
efficacité, il est indispensable de mener en amont une réflexion globale sur la protection des marques, des
inventions ou du Copyright.
Les entreprises françaises doivent, en effet, avant de protéger leurs droits aux États-Unis, se familiariser
avec les particularités du système de propriété intellectuelle américain et prendre en compte l’importance
que ce pays attache à la culture de la preuve.
I. UN SYSTÈME DE PROTECTION QUI DIFFÈRE SUR DE NOMBREUX POINTS DU SYSTÈME FRANÇAIS
1. Les brevets d’invention
a. Quelques repères réglementaires
Le droit américain connaît trois types de brevet : le brevet utilitaire (Utility Patent) qui protège les fonctionnalités des procédés, machines, produits manufacturés ou toute amélioration portant sur ces éléments 1 ; le
brevet de plante (Plant Patent) délivré pour de nouvelles variétés végétales ; le brevet de modèle (Design
Patent) octroyé pour les éléments ornementaux d’un produit manufacturé.
A priori, dès lors qu’une invention présente une utilité sociale, elle a vocation à être brevetée : il n’existe
pas, comme en Europe, de liste d’inventions non éligibles à la protection par brevets 2. En conséquence,
sont, par exemple, susceptibles de bénéficier de la protection par brevets les méthodes d’affaires ou les
logiciels.
En vertu du Patent Act modifié par l’American Inventors Protection Act, les conditions de la brevetabilité
sont :
-
-
la nouveauté : une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas déjà connue du public et
dès lors qu’elle ne fait pas partie de l’art antérieur opposable ; toutefois, contrairement à ce qui est prévu
en droit français, un inventeur bénéficie, à compter de la date de l’invention, d’un délai de grâce d’un an
pour déposer son invention, en dépit de la divulgation de celle-ci (Disclosure) ;
l’utilité, définie par la jurisprudence comme "une utilité substantielle" dont on attend un bénéfice
particulier ;
la non-évidence : il faut prouver qu’il n’aurait pas été évident pour l’homme du métier compétent dans le
domaine considéré de concevoir l’invention au regard de l’art antérieur pertinent ;
le fait que l’invention soit réalisable (Enablement) : la demande de brevet doit non seulement décrire
l’invention de manière suffisante pour en permettre la reproduction par un homme de l’art, mais elle doit
encore, sous peine de nullité du brevet, indiquer la meilleure modalité de fonctionnement ou d’utilisation
connue de l’inventeur au moment du dépôt (Best Mode).
La protection des inventions par brevets est subordonnée au dépôt d’une demande auprès de l’US Patent
and Trademark Office (USPTO).
1
2
Il n’est pas tenu compte, dans les développements ci-dessous, des spécificités liées au brevet de plante ou au brevet de modèle.
Seules sont expressément exclues de la protection les inventions contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Les exclusions de la
brevetabilité des théories scientifiques, des découvertes, des méthodes mathématiques, ainsi que des présentations d’information, ont
un fondement jurisprudentiel.
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Mais, à l’inverse de l’Europe qui a adopté le système du First to File en vertu duquel les droits sont attribués
au premier déposant, les États-Unis ont retenu le système du First to Invent qui confère les droits au premier
inventeur 3.
Dès lors, l’inventeur doit être à même de prouver qu’il a été le premier à concevoir l’invention. Afin de se
ménager une telle preuve, il a tout intérêt à procéder à un "dépôt provisoire" (Provisionnal Application). Ce
dépôt, outre le fait qu’il donne une date certaine à l’invention, prime sur une demande postérieure effectuée
par un tiers aux États-Unis, à condition toutefois qu’un dépôt classique auprès de l’USPTO soit effectué dans
un délai de 12 mois à compter du dépôt provisoire.
La protection de l’invention peut être acquise soit par un dépôt international, via le Patent Cooperation
Treaty (PCT), désignant les Etats-Unis, soit par un dépôt direct auprès de l’USPTO.
Par ailleurs, en vertu de la Convention d’Union de Paris, un déposant dont le brevet est en cours d’enregistrement en France bénéficie, à compter de la date de dépôt en France, d’un délai de priorité de 12 mois
pour étendre ses droits à l’étranger 4. D’où l’intérêt de bien synchroniser tous les impératifs de délai qui
s’imposent aux États-Unis.
Lors de l’examen, l’USPTO contrôle la régularité formelle des demandes qui lui sont présentées et vérifie
l’ensemble des conditions de validité du titre, y compris la nouveauté puisqu’il recherche d’éventuelles antériorités. Les décisions de rejet peuvent faire l’objet d’un recours administratif devant le Board of Patent
Appeals and Interferences (BPAI). La demande de brevet est généralement publiée 18 mois après le dépôt.
Aucune procédure d’opposition n’est prévue 5.
La durée de protection est de 20 ans à compter du dépôt 6, sous réserve que les redevances de maintien
soient acquittées. Tout breveté a le droit d’interdire aux tiers de fabriquer, d’utiliser, d’offrir à la vente,
d’importer sur le territoire américain ou d’exporter en vue d’un assemblage à l’étranger l’objet de l’invention.
La loi américaine ne prévoit aucune obligation d’exploiter les inventions brevetées 7, mais le marquage des
produits avec l'indication du numéro de brevet est nécessaire pour obtenir des dommages-intérêts en cas de
contrefaçon, si le brevet n’a pas été notifié au contrefacteur présumé.
b. Quelques chiffres clé
Plus de 445 000 demandes de brevets utilitaires ont été déposées auprès de l’USPTO au cours de l’année
fiscale 2006 8, dont 47 % par des non-résidents. Les déposants d’origine française ont effectué 7 228 demandes de brevets auprès de l’Office, au cours de cette même période. La France est le septième pays étranger en matière de dépôts de brevets aux États-Unis derrière le Japon, l’Allemagne, la Corée du sud, Taïwan,
le Canada et le Royaume-Uni.
Quelques recommandations
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S’il existe, pour l’entreprise, un marché potentiel aux États-Unis, envisager le dépôt d’une demande de brevet
américain au moment même du dépôt en France.
La procédure de dépôt étant particulièrement complexe et formaliste, recourir aux services d’un conseil en
propriété industrielle ou d’un avocat spécialisé.
Être conscient du fait que toute déclaration fausse ou erronée peut être lourde de conséquences.
Effectuer des recherches d’antériorités préalablement au dépôt. Il existe aux États-Unis un "devoir de franchise"
qui n’existe pas en Europe : ainsi, le déposant doit spontanément communiquer toutes les antériorités pertinentes
dont il a connaissance.
Pour indiquer le meilleur mode de réalisation de l’invention (Best Mode), s’astreindre à un degré de description
élevé, car les magistrats s’y réfèreront dans le cadre d’un contentieux ultérieur.
…/...
Il résulte de ce principe qu’une invention réalisée dans le cadre d’un contrat de travail appartient à son inventeur et que, faute d’une
cession de brevet, l’employeur disposera seulement d’un "droit d’usage professionnel", c’est-à-dire d’un droit, non exclusif et non
cessible, d’exploiter gratuitement l’invention pendant toute la durée de protection du brevet.
Toutefois, un projet de loi est actuellement en débat afin de passer au système de l’attribution du brevet au premier déposant.
Ce droit lui donne priorité sur un dépôt concurrent effectué au cours de cette période.
Il existe, toutefois, une procédure de "réexamen", mais qui est davantage utilisée par le déposant lui-même, par exemple avant un
procès dans lequel son brevet est en cause.
Le Drug Price Competition and Patent Term Restoration Act, voté par le Congrès en 1984, a admis, dans certaines conditions, la prolongation de la durée des brevets de médicament, de façon à tenir compte du temps de délivrance de l’autorisation de leur commercialisation par l’Agence américaine de sécurité alimentaire et pharmaceutique, la Food and Drug Administration.
Dans la mesure où il n’est pas indispensable d’exploiter un brevet pour pouvoir le défendre, certains opérateurs économiques rachètent des brevets à des fins de "spéculation" : voir M.-G. Plasseraud, "Les Patent Trolls, mauvais génies du monde des brevets", Etude
juridique, IRPI, avril 2008 : http://www.irpi.ccip.fr/pages/index.asp?ID_ARBO=36&ref_page=419
L’année fiscale s’entend du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006.
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Quelques recommandations (suite)
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Rédiger des revendications parfaitement circonscrites à l’objet de l’invention 9.
Conserver des preuves écrites, tels des cahiers de laboratoire décrivant les différentes étapes de la recherche, qui
permettent de revendiquer la qualité de premier inventeur.
Désigner le "bon" inventeur, c’est-à-dire celui qui a réellement conçu l’invention au regard des revendications (par
exemple, ne pas indiquer le nom du Président ou Directeur Général de l’entreprise si celui-ci n’est pas l’inventeur
effectif).
Que l’inventeur soit salarié de l’entreprise ou non (en cas de sous-traitance, par exemple), exiger une cession de
droits en faveur de celle-ci.
Utiliser la procédure de dépôt provisoire. Le dépôt provisoire présente, en effet, un double intérêt : d’une part, il
évite à l’inventeur de perdre son droit au brevet 10 ; d’autre part, il rend plus difficile l’obtention par un tiers d’un
brevet pour une invention similaire, dans la mesure où il fait partie de l’état de la technique.
Requérir, si l’on est une petite entreprise 11, le statut de Small Entity afin de bénéficier de la réduction de moitié du
montant des redevances. Mais ne pas omettre de signaler à l’USPTO toute modification qui ferait que la PME n’est
plus dans cette situation et doit payer, désormais, l’intégralité des redevances.
2. Les marques de produits ou services
a. Quelques repères réglementaires
La marque permet aux entreprises d’identifier leurs produits (Trademark) et/ou leurs services (Service
Mark) et de les distinguer de ceux de leurs concurrents 12.
Sont susceptibles de constituer des marques : les dénominations – y compris les sigles et les slogans –, les
signes figuratifs – qu’il s’agisse de nuances de couleurs, de forme du produit ou de son conditionnement –
ou les signes sonores – phrases musicales, tels que les indicatifs ou jingles publicitaires –.
Pour être valide, une marque doit être :
-
distinctive, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être la désignation usuelle des produits ou services pour
lesquels elle est enregistrée ;
licite : certains signes tels que le drapeau américain, les emblèmes fédéraux ou étatiques, sont exclus de
la protection 13 ;
disponible : ce qui signifie qu’elle ne doit pas être similaire à une marque déjà enregistrée, voire
antérieurement utilisée dans le commerce, pour le même type de produits ou services ; en effet,
contrairement au droit français, l’usage confère un droit sur la marque aux États-Unis.
Le droit sur la marque s’acquiert :
-
soit par l’usage : sous réserve que les consommateurs associent le signe à une indication de l’origine
commerciale du produit ou du service, une entreprise bénéficie, même si elle n’a procédé à aucun dépôt,
de droits sur cette marque 14 ;
soit par l’enregistrement dans un certain nombre d’États américains : toutefois, qu’il s’agisse d’une
marque d’usage ou d’une marque étatique, sa protection est limitée à l’État dans lequel elle est
effectivement exploitée ;
soit par un enregistrement fédéral auprès de l’US Patent and Trademark Office (USPTO), en vertu duquel
une protection peut être acquise pour l’ensemble du territoire américain 15.
La demande d’enregistrement peut être fondée :
-
soit sur une utilisation actuelle de la marque dans le commerce (Use in Commerce) ; le déposant doit
alors fournir à l’USPTO : la date de la première utilisation, le type de commerce concerné (interétatique,
9
Les revendications constituent un élément essentiel de la demande de brevet, car elles seules définissent l’étendue de la protection à
laquelle le breveté peut prétendre. Or, les magistrats américains les interprètent de façon très restrictive.
Ceci dans la mesure où l’inventeur doit effectuer un dépôt dans l’année suivant les premiers actes de commercialisation sur le territoire
américain. Le cas échéant, le dépôt provisoire permet d’effectuer un premier dépôt relativement modique et d’évaluer le potentiel de
l’invention pendant un an, avant de déposer une demande de brevet, plus onéreuse.
Moins de 500 personnes durant l’exercice qui précède le dépôt de la demande de brevet.
Le système américain connaît également la marque collective (Collective Mark) utilisée par les membres d’un groupement économique
ou professionnel et la marque de certification (Certification Mark), ainsi que la marque de configuration (Trade Dress) qui porte sur
l’apparence générale originale d’un produit ou d’une entreprise.
D’autres signes ne constituent pas des marques valables, comme les signes contraires aux bonnes mœurs, les signes trompeurs ou les
indications géographiques.
Il est bon, toutefois, de noter que la protection d’une telle marque d’usage est particulièrement fragile et limitée.
Ce mécanisme a été instauré par le Trademark Act (ou Lanham Act).
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transfrontalier), les produits et services concernés, ainsi que la fourniture des spécimens (représentation
de la marque telle qu’elle apparaît dans le commerce : étiquette, photographie…) ;
soit sur l’intention de bonne foi d’utiliser la marque (Intent to Use) : la preuve du commencement effectif
de l’utilisation doit être rapportée dans les six mois qui suivent le dépôt (Allegation of Use) ; cette faculté
présente l’avantage, pour une entreprise française souhaitant commercialiser ses produits ou services à
court terme, de gagner du temps en déposant une marque dès le stade de la promotion desdits produits
ou services.
Les formalités de protection peuvent être accomplies soit par un dépôt international, via le protocole de
Madrid, désignant les États-Unis, soit par un dépôt direct auprès de l’USPTO.
Par ailleurs, en vertu de la Convention d’Union de Paris, un déposant dont la marque est en cours d’enregistrement en France bénéficie d’un délai de priorité de six mois pour effectuer un dépôt aux Etats-Unis 16.
L’Office américain accomplit un examen de forme et de fond, et s’assure notamment de la disponibilité du
signe. Les décisions de rejet peuvent faire l’objet d’un recours administratif devant le Trademarks Trial and
Appeal Board (TTAB).
Une procédure d’opposition peut être introduite dans les 30 jours suivant la publication de la demande dans
la Gazette officielle. Le cas échéant, le titulaire d’une marque antérieure qui aurait omis d’engager une procédure d’opposition peut toujours contester, devant le TTAB, l’enregistrement d’une marque présentant des
similarités avec la sienne. Si sa demande est reconnue fondée, la marque délivrée peut faire l’objet d’une
révocation administrative.
L’enregistrement confère au déposant, pour une période de dix ans renouvelable indéfiniment, un droit
exclusif de propriété sur la marque pour les produits ou services revendiqués. Mais encore faut-il, lors de la
cinquième année suivant la date d’enregistrement, que soit rapportée la preuve de son utilisation effective
et continue dans le commerce.
Une marque est soumise à une obligation d’exploitation. Aussi est-elle susceptible d’être frappée de
déchéance, sur demande d’un tiers, si elle n’est pas commercialisée pendant trois ans.
b. Quelques chiffres clé
Au cours de l’année fiscale 2006 17, près de 355 000 demandes d’enregistrement de marques ont été
déposées à l’USPTO, dont 20 % par des non-résidents.
Les déposants d’origine française ont effectué 4 843 demandes d’enregistrement de marques auprès de
l’Office. Les dépositaires d’origine allemande sont les plus nombreux suivis par ceux du Canada, du
Royaume-Uni et de la France en quatrième position.
L’Oréal est le premier déposant français, avec 132 demandes déposées auprès de l’USPTO durant cette
période. Il se place en 27ème position.
Quelques recommandations
-
Déposer sa marque à l’USPTO afin de bénéficier d’avantages certains : protection valable sur l’ensemble des États
américains, présomption simple de validité de la marque, incontestabilité de l’enregistrement après cinq années
d’usage ininterrompu de la marque, et, en cas de contrefaçon, faculté pour son titulaire d’obtenir une retenue
douanière, ainsi que des dommages-intérêts plus conséquents.
-
Ne pas se précipiter pour procéder à un tel dépôt : attendre de réaliser un usage effectif de la marque dans le
commerce ou bien d’être sur le point de le faire.
-
Avant d’accomplir les formalités, procéder à des recherches de disponibilité tant parmi les marques enregistrées 18
que parmi les marques utilisées. Dans ce dernier cas, les recherches se feront dans les annuaires, sur Internet, dans
les brochures commerciales…
Eu égard au formalisme de l’enregistrement, il est fortement conseillé de recourir aux services d’un conseil en
propriété industrielle ou d’un avocat spécialisé.
…/…
-
16 Ce droit lui donne priorité sur un dépôt concurrent effectué au cours de ces six mois.
17 L’année fiscale s’entend du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006.
18 Il est possible d’effectuer des recherches d’antériorités en ligne, sur le site de l’USPTO.
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Quelques recommandations (suite)
-
Ne pas adopter un libellé trop large des produits ou services couverts par la marque, au risque de s’exposer à
des frais de procédure supplémentaires, l’USPTO allant demander que celui-ci soit précisé. En tout état de cause, au
cours du cinquième anniversaire de la marque, le titulaire, sous peine de radiation de sa marque, devra prouver qu’il
utilise bien dans le commerce chacun des produits ou services énumérés.
-
Utiliser avec prudence la procédure d’opposition qui est lourde, longue et onéreuse.
-
Afin d’être en mesure de prouver l’usage commercial de la marque, cinq ans après le dépôt de la marque et lors de
chaque renouvellement, bien conserver tous les éléments de preuve datés, tels que factures, bons de commandes,
impressions de pages de sites Internet…
Accompagner du symbole ® une marque enregistrée et du signe TM pour les produits, ou SM pour les services, une
marque non enregistrée.
3. Le Copyright
a. Quelques repères réglementaires
En vertu du Copyright Act 19, toute création fixée sur un support tangible 20 est susceptible de protection au
titre du droit d’auteur, sous réserve de remplir la condition d’originalité 21. Toutefois, le droit américain se
contente d’un seuil minimum de créativité.
Constituent, par exemple, des catégories d’œuvres protégées : les œuvres littéraires, musicales ou dramatiques, les chorégraphies, les dessins, photographies ou sculptures, les cartes géographiques, les œuvres audiovisuelles ou architecturales, les logiciels et les bases de données. Si les œuvres des arts appliqués
(modèles de lampe, jouets…) sont traditionnellement protégés par des brevets de modèles, il est possible
de les faire bénéficier d’un cumul de protection : par un brevet de modèle pour les éléments utilitaires et
par un Copyright pour les éléments esthétiques.
En revanche, le système américain refuse, par principe, la protection par droit d’auteur aux titres, aux idées
ou découvertes, ainsi qu’aux personnages de fiction ou aux caractères typographiques.
Enfin, les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et les entreprises de
communication audiovisuelle relèvent d’un droit aménagé rattaché à la notion de Copyright.
La protection existe dès la création de l’œuvre. En effet, depuis l’adhésion des États-Unis à la Convention de
Berne en 1989 22, le créateur d’une œuvre n’est soumis à aucune condition obligatoire pour bénéficier de la
protection par droit d’auteur 23.
Le titulaire des droits sur l’œuvre est le créateur. Mais le droit américain présente une particularité importante par rapport à la réglementation française, puisque la notion de Works made for Hire permet d’attribuer, dès l’origine, les droits à l’employeur dans le cadre d’une création de salarié, ou au maître d’ouvrage
dans l’hypothèse d’une œuvre de commande 24.
Le Copyright confère à son titulaire le droit exclusif de reproduire l’œuvre, la distribuer, la louer, l’adapter,
la traduire ou la représenter. En principe, ces droits patrimoniaux sont protégés toute la vie de l’auteur et
70 ans après sa mort.
Les droit moraux – droit de paternité, droit au respect de l’œuvre –, qui ne peuvent être cédés et durent
toute la vie de l’auteur, ont été introduits dans le Copyright Act pour les seules créations des arts
graphiques et plastiques.
Si une autorisation préalable du titulaire des droits est requise en vue d’une exploitation de l’œuvre, la notion de Fair Use permet de déroger à cette règle pour toute utilisation raisonnable à des fins de critique, de
commentaire, d’information, d’enseignement, de recherche ou de parodie 25.
19 Le 28 octobre 1998, le Congrès des États-Unis a adopté le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) qui a pour objectif d’adapter le droit
d’auteur à l’environnement numérique, notamment en protégeant les mesures techniques de protection.
20 Le support de l’œuvre doit être suffisamment stable ou permanent pour permettre la lecture, la reproduction ou la communication de
celle-ci.
21 Voir B.T. Yeh, "General Overview of U.S. Copyright Law", CRS Report for Congress, Feb. 5, 2008 (order code RS22801).
22 En vertu de cette convention internationale, à laquelle sont parties les États-Unis et la France, les œuvres, même déjà publiées, d’un
auteur français sont protégées comme les œuvres américaines.
23 Tout créateur a l’obligation d’effectuer un dépôt légal de son œuvre auprès de la Library of Congress dans les trois mois suivant la
publication sur le sol américain. Toutefois, si l’omission d’une telle formalité expose celui-ci à une amende, elle n’a pas d’impact en ce
qui concerne la protection de son Copyright.
24 Cette règle, qui peut être écartée par une disposition écrite contraire, est toutefois limitée à certains types d’œuvres, comme les contributions à des œuvres collectives, des traductions, des atlas géographiques ou des œuvres audiovisuelles.
25 Pour retenir la notion de Fair Use, les tribunaux apprécient essentiellement la finalité de l’utilisation (celle-ci ne doit pas présenter de
caractère commercial), l’importance de la citation et le préjudice économique éventuel pour l’auteur.
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b. Quelques chiffres clé
Plus de 520 000 demandes d’enregistrement d’œuvres ont été déposées auprès du Copyright Office, au
cours de l’année fiscale 2006 26.
Quelques recommandations
-
Procéder, dans les trois mois suivant la première publication, à l’enregistrement de l’œuvre auprès du Copyright
Office 27, afin d’obtenir ultérieurement, en cas de contrefaçon, certains dommages-intérêts forfaitaires prévus par la
loi (Statutory Damages) 28, ainsi que des indemnités destinées à rembourser les honoraires d’avocats (Attorney’s
Fees). Par ailleurs, une telle formalité permet de dater l’œuvre de manière certaine et de prouver sa qualité d’auteur, y
compris dans des pays autres que les États-Unis.
-
Utiliser la mention de réserve du Copyright – symbole ©, suivi de la date de première publication et du nom du
titulaire du droit –, même si elle est facultative depuis l’adhésion des États-Unis à la Convention de Berne. En effet,
celle-ci permet notamment d’écarter une disposition législative américaine qui prévoit, dans le cadre d’une action en
contrefaçon, que l’absence de mention de réserve autorise le contrefacteur à invoquer une contrefaçon de bonne foi
(Innocent Infrigment), susceptible de lui permettre d’obtenir une diminution des dommages-intérêts à allouer au
titulaire de droits. De plus, de par sa reconnaissance mondiale, la mention de réserve est perçue comme un gage de
confiance pour les partenaires commerciaux du titulaire de droits.
Afin de pallier l’absence de protection du droit moral pour les œuvres ne relevant pas des arts visuels, négocier, par
contrat, la reconnaissance de prérogatives reconnues par le droit français, comme le droit de paternité ou le
droit au respect de l’œuvre.
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II. UNE MOBILISATION DANS LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON
1. L’action douanière
Les brevets, les marques enregistrées auprès de l’USPTO ainsi que les œuvres enregistrées au Copyright
Office peuvent faire l’objet d’un enregistrement auprès des douanes américaines. Cette formalité permet
d’interdire l’entrée ou de saisir des produits enfreignant un droit de propriété intellectuelle. En outre, des
amendes douanières peuvent être infligées aux personnes qui ont contribué à l’importation de produits
revêtus de marques contrefaisantes 29.
Le cas échéant, il est possible de saisir l’International Trade Commission (ITC), compétente pour connaître
des plaintes liées à des pratiques anticoncurrentielles. L’ITC peut, en effet, ordonner aux service douaniers
d’empêcher l’importation de produits contrefaisants.
Quelques recommandations
-
Faire enregistrer ses droits de propriété intellectuelle auprès des services des douanes, afin de s’opposer à l’importation de produits contrefaisants, constitue une action préventive souvent plus utile et moins onéreuse qu’une
action a posteriori devant les tribunaux.
-
Fournir des informations précises aux services douaniers afin d’optimiser la surveillance des produits
(coordonnées de l’importateur et de l’exportateur, pays d’origine et description des marchandises, indication de leur
lieu d’entrée sur le territoire américain).
2. L’action judiciaire
Il n’existe pas de juridiction spécialisée en propriété intellectuelle 30. Seule la Cour d’appel du Circuit fédéral
(Court of Appeals for the Federal Circuit) dispose d’une compétence exclusive pour les appels en matière de
brevets. Cette organisation risque, toutefois, d’être remise en cause, dans un contexte de réforme du
système américain des brevets, car il est reproché aux juges siégeant dans cette instance de manquer
d’objectivité, d’être pro-titulaires de brevets et de ne pas faire évoluer la jurisprudence 31.
26 L’année fiscale s’entend du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006.
27 Dans le cadre d’un tel dépôt, le Copyright Office s’assure que les conditions de protection sont remplies et délivre, dans un délai
moyen de quatre mois, un certificat d’enregistrement.
28 Ces dommages-intérêts statutaires s’ajoutent aux dommages-intérêts compensatoires classiques.
29 De telles amendes peuvent atteindre un montant représentant le double de la valeur du produit authentique.
30 Les contentieux sont soumis aux juridictions fédérales de droit commun : en première instance, les Federal District Courts, et, en appel, les Circuit Courts of Appeal. Ces juridictions sont placées sous le contrôle de la United States Supreme Court.
31 Revue du réseau propriété intellectuelle et lutte anti-contrefaçon, Minefi, DGTPE, n° 14, janvier 2008.
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Pour l’ensemble des droits de propriété intellectuelle, les entreprises victimes de contrefaçon peuvent
intenter une action civile et obtenir notamment la cessation des faits litigieux (Injunctions), des dommagesintérêts et la confiscation ou la destruction des objets contrefaisants. Concernant les réparations accordées,
les justiciables semblent largement satisfaits, dans la mesure où, si les magistrats tiennent compte du
manque à gagner et du profit du contrefacteur, ils n’hésitent pas à prononcer, en matière de contrefaçon,
des "dommages punitifs" 32 à l’encontre d’un défendeur qui n'est pas de bonne foi.
Les atteintes aux droits de propriété intellectuelle – exception faite de la contrefaçon de brevet d’invention
qui n’est pas réprimée pénalement aux Etats-Unis – peuvent, par ailleurs, engager la responsabilité pénale
d’un contrefacteur, les sanctions étant alors une peine d’emprisonnement et/ou une amende 33.
En tout état de cause, les règles procédurales américaines sont particulièrement lourdes et complexes. La
procédure de Discovery 34 notamment génère des coûts importants, car elle mobilise des moyens humains
(conseils, experts, enquêteurs…) et matériels (quantité de documents brassés) considérables 35.
Quelques recommandations
-
Savoir transiger : une entreprise française doit être consciente du coût et de la durée potentielle d’une action en
contrefaçon.
3. Une lutte sans relâche sur la scène internationale
Le niveau des contrefaçons réalisées sur le territoire américain est estimé comme étant relativement bas 36.
Les États-Unis sont davantage confrontés à la violation des droits de propriété intellectuelle de leurs
ressortissants commise à l’étranger. Ainsi, pour l’année 2007, les pays coupables, du fait de leurs activités
contrefaisantes, de leur avoir fait perdre de substantiels revenus et, de fait, placés sous haute surveillance
sont, dans l’ordre 37 : la Chine 38, la Russie 39, l’Argentine, le Chili, l’Égypte, l’Inde, Israël, le Liban, la
Thaïlande, la Turquie, l’Ukraine et le Venezuela.
Les administrations américaines qui participent à la mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle sont
multiples 40. Il est possible de citer à titre d’exemples : au niveau fédéral, les douanes, le FBI 41, la Food and
Drug Administration (FDA), les Départements du commerce et de la justice, le National Intellectual Property
Law Enforcement Coordinating Council (NIPLECC) 42 ; au niveau étatique, la police locale et, parfois, d’autres
organismes locaux. Par ailleurs, un certain nombre d’associations professionnelles, comme l’International
Anticounterfeiting Coalition Foundation (IACC) sont mobilisées dans la lutte anti-contrefaçon.
Les États-Unis utilisent largement leur réglementation commerciale internationale afin d’accroître la
protection des droits de propriété intellectuelle à l’étranger.
Ainsi, ils ont conclu un certain nombre d’accords régionaux ou bilatéraux 43 qui incluent souvent, pour les
partenaires, des engagements excédant les obligations prévues dans l’accord ADPIC 44.
32 Les dommages-intérêts ont alors inévitablement un effet dissuasif, leur montant pouvant représenter le double, voire le triple du
préjudice subi.
33 En matière de marques, les amendes peuvent atteindre 2 millions de $ pour une personne physique et 5 millions de $ pour une
personne morale ; la peine de prison peut être d’une durée maximale de dix ans. Pour le Copyright, les amendes peuvent atteindre
250 000 $ pour une personne physique et 500 000 $ pour une personne morale ; la peine de prison peut être d’une durée maximale
de cinq ans.
34 La procédure de Discovery est une phase d’investigation préalable au procès. Elle oblige chaque partie à divulguer, à l’autre partie,
tous les éléments de preuve pertinents dont elle dispose (faits, actes, documents…), y compris ceux qui lui sont défavorables, et ce,
par différents moyens (déposition sous serment, question écrite, mise en demeure de communiquer des documents, demande de
reconnaissance ou de démenti d’un fait ou d’une allégation …).
35 Concernant les coûts des litiges, le rapport serait de 1 à 100 entre les États-Unis et la France.
36 CRS Report for Congress, Intellectual Property Rights and International Trade, December 20, 2007, p. 7.
37 Office of the US Trade Representative, Special 301 Report, 2007.
38 Le 9 avril 2007, les États-Unis ont attrait la Chine devant l’OMC pour piratage et contrefaçon.
39 Les États-Unis et la Russie ont conclu, le 19 novembre 2006, un accord bilatéral concernant les actions que la Russie allait prendre
immédiatement afin d’assurer le respect des droits de propriété intellectuelle.
40 CRS Report for Congress, précit., p. 39 sq.
41 Avec l’aide du FBI, les autorités américaines ont procédé, le 14 novembre 2007, dans le New Jersey, en Californie et à New York, à
l’arrestation de six personnes qui avaient importé de Chine, entre 2003 et 2007, des vêtements revêtus de marques contrefaisantes
pour une valeur de 20 millions de $.
42 Le NIPLECC, créé par le Congrès en 1999, coordonne les activités américaines destinées à faire respecter les droits de propriété
intellectuelle tant sur le territoire américain qu’à l’étranger (concernant le deuxième volet, cet organisme a adopté, en 2006, un plan
d’action dénommé STOP ! ou Strategy Targeting Organized Piracy).
43 Voir "A transatlantic Divide ? The US and EU’s Approach to the International Regulation of Intellectual Property Trade-Related
Agreements", by Meir Perez Pugatch, European Center for International Political Economy, N° 02/2007.
44 Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, négocié dans le cadre de l’Accord de
Marrakech du 15 avril 1994 instituant l’Organisation mondiale du commerce.
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Mais ils souhaitent, désormais, aller plus loin. Partant du constat que l’ADPIC, tout comme les conventions
internationales en matière de propriété intellectuelle, ne suffisaient plus à faire respecter les droits, les
États-Unis et le Japon ont proposé un nouvel accord international anti-contrefaçon (ACAC). L’ACAC établirait
un dispositif commun de protection de la propriété intellectuelle à travers un renforcement substantiel des
mécanismes de coopération et de coordination entre les autorités répressives, une assistance technique
mutuelle et des partenariats opérationnels avec les industries. La Commission européenne vient de recevoir
mandat des 27 pays membres de l’UE afin de négocier cet accord avec, outre les États-Unis et le Japon, la
Corée du Sud, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et la Suisse.
Enfin, une base de données mondiale sur les atteintes à la propriété intellectuelle, initiée par Interpol et
l’USCC, la Chambre de commerce américaine qui représente la plus grande fédération nationale au monde, a
fait l’objet d’un lancement officiel le 26 février 2007. Point central d’information sur les infractions liées à la
propriété intellectuelle, elle est destinée à faciliter les enquêtes criminelles dans les 186 pays membres
d’Interpol 45.
Catherine DRUEZ-MARIE
Véronique STÉRIN
Institut de recherche en propriété intellectuelle (IRPI)
DGA/EPI - CCIP
[email protected] et [email protected]
Où trouver des informations sur la propriété intellectuelle aux États-Unis ?
-
US Patent and Trademark Office : http://www.uspto.gov
US Copyright Office : http://www.copyright.gov
The International Anticounterfeiting Coalition (IACC) : http://www.iacc.org
US Customs and Border Protection : http://www.customs.gov
Mission économique française aux États Unis: http://www.missioneco.org/etatsunis
(voir notamment sous la rubrique "L’approche du marché", la fiche consacrée à la propriété intellectuelle américaine)
Chambre de commerce franco-américaine : http://facc-chicago.com/home.htm
45 Rappelons que les États-Unis et l’Union européenne ont lancé, le 20 juin 2006, à l’occasion du sommet de Vienne, leur premier
programme d’action commun afin de lutter contre la contrefaçon au niveau mondial. Celui-ci porte sur une coopération douanière
renforcée avec la mise en œuvre d’actions conjointes coercitives aux frontières. Par ailleurs, afin de renforcer le respect des droits de
propriété intellectuelle, sont mises en place, au sein des ambassades, des équipes de diplomates européens et américains
spécialement chargées de l’échange de données et de renseignements.

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