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irrégularité de procédure avis des domaines DANTHONY BEA droit public immobilier par Raphaël LEONETTI Groupe droit public immobilier actualité L’avis des domaines et la jurisprudence « DANTHONY » à propos de l’arrêt du Conseil d’État n°369113 du 23 octobre 2015 L a méconnaissance de la consultation des domaines prévue à l’article L. 2241-1 du CGCT n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la délibération attaquée que si cette méconnaissance a eu une incidence sur le sens de ladite délibération. Conseil d’État, Sect. 23 octobre 2015 n°369113, Société CFA Méditerranée Par cet arrêt de Section, le Conseil d’État juge que la consultation des domaines prévue à l’article L. 2241-1 du CGCT préalablement à la délibération du conseil municipal portant sur la cession d’un immeuble ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants ne présente pas le caractère d’une garantie au sens de la jurisprudence « Danthony », et qu’il appartient donc au juge, saisi d’une délibération prise en méconnaissance de l’obligation de consultation en cause, de rechercher si cette méconnaissance a une incidence sur le sens de la délibération attaquée. Traditionnellement, le Conseil d’État jugeait que la consultation du service des domaines préalablement aux déliLE BULLETIN de CHEUVREUX Notaires bérations relatives aux opérations immobilières des collectivités territoriales constituait une formalité substantielle dont la méconnaissance entraînait l’illégalité des délibérations en cause (v. par exemple : CE, 22 février 1995, Cne de Ville-la-Grand, n°122395). procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l’annulation sur le contrat lui-même ; qu’elle peut ainsi, eu égard au motif d’annulation, adopter un nouvel acte d’approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l’acte annulé ». 1 - L’irrégularité des délibérations prises en méconnaissance de cette procédure obligatoire a connu deux assouplissements récents Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, l’avis du service des domaines sur lequel la délibération d’un conseil municipal s’était appuyée pour vendre des terrains, ne portait pas sur l’une des parcelles objet de la cession. Pour régulariser cette situation, l’autorité municipale avait de nouveau saisi les domaines qui ont confirmé que la vente s’était faite dans des conditions financières satisfaisantes. Le Conseil Municipal a alors adopté une nouvelle délibération, plus de deux ans après, pour approuver rétroactivement la promesse de vente qui avait été signée et confirmer les termes de la première délibération. Au vu de ces faits, on comprend bien que le vice que la commune a voulu régulariser rétroactivement était bien « propre à l’acte » et n’entachait pas le consentement des conseillers municipaux. Dans ces conditions, comme le remarquait le rapporteur public, il aurait été excessif ■ Le premier de ces assouplissements date d’un arrêt du 8 juin 2011, Divonneles-Bains (n°327515), dans lequel le Conseil d’État a considéré « qu’à la suite de l’annulation, par le juge de l’excès de pouvoir, de l’acte détachable de la passation d’un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l’illégalité affectant cet acte ; que, s’il s’agit notamment d’un vice de forme ou de procédure propre à l’acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut N° 82 - janvier 2016 - p 7 de tirer du principe de non rétroactivité des actes administratifs une interdiction de réitérer une telle décision alors que la commune aurait pu, eu égard à la nature du vice qui l’entache, prendre une nouvelle décision « pour l’avenir » et conclure un contrat avec une portée rétroactive (Conclusions Bertrand Dacosta, BJCP n°78, p. 381). Le Conseil d’État a donc jugé que « compte tenu du motif sur lequel reposait l’annulation de la délibération […] autorisant la vente […], le conseil municipal […] a pu valablement, par la délibération attaquée […], régulariser le vice de légalité externe qui entachait la première délibération et approuver rétroactivement la promesse de vente dont elle autorisait la conclusion, dès lors que le nouvel avis du service des domaines recueilli entre temps, s’il a porté cette fois sur l’ensemble des parcelles cédées, a confirmé la précédente estimation du service mentionnée dans la délibération [initiale] et qu’ainsi, le consentement que la collectivité avait donné par cette délibération a été régulièrement réitéré ». ■ Le second assouplissement est dû à la jurisprudence « Danthony », rendue en Assemblée le 23 décembre 2011 (n°335033), dans laquelle le Conseil a posé « le principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ». Par cette décision, le Conseil d’État a ainsi fortement limité les cas dans lesquels un vice de procédure est de nature à entraîner l’annulation contentieuse d’un acte administratif, en abandonnant p 8 - janvier 2016 - N° 82 la distinction traditionnelle sans doute trop manichéenne entre les irrégularités substantielles ou non substantielles. susceptible d’avoir une incidence sur la légalité de la délibération prise en méconnaissance de cette disposition. Il considère simplement que cette consultation n’a pas le caractère d’une garantie au sens de la jurisprudence « Danthony » mais, pour autant, il appartient toujours au juge de vérifier si le vice affectant le déroulement de cette procédure de consultation obligatoire du service des domaines est susceptible d’exercer, dans chaque cas d’espèce, une influence sur la décision prise. L’arrêt rendu en Section le 23 octobre dernier fait une application de cette nouvelle démarche, plus finaliste, du juge. En l’espèce, le Conseil d’État était saisi d’une demande d’annulation d’un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille en date du 6 mai 2013 (n°10MA03447), qui confirmait l’annulation prononcée par le tribunal administratif de Marseille ■ Ensuite, il sembled’une délibération rait que cette déciLe Conseil d’État décide d’un conseil municision du Conseil d’État ainsi de « Danthonyser » pal autorisant une ne s’applique qu’à la la procédure de consultation du service des domaines. cession de droits procédure prévue réels résultant du à l’article L. 2241-1 bail emphytéotique du CGCT. À tout le administratif alors moins, s’agissant de que l’avis des dola consultation des maines sollicité sur cette opération a été domaines prévue à l’article R. 213-21 du donné plus de trois mois après et qu’au- code de l’urbanisme préalablement à cune pièce du dossier ne permettait de l’exercice du droit de préemption. En efdémontrer que le conseil municipal au- fet, dans un arrêt du 23 décembre 2014, rait été informé de la teneur dudit avis. postérieur à la jurisprudence « Danthony » (dont l’arrêt en question rappelle Le Conseil d’État casse l’arrêt d’appel d’ailleurs le considérant de principe), pour erreur de droit et décide ainsi de le Conseil d’État a considéré que « la « Danthonyser » (pour reprendre la for- consultation du service des domaines mule consacrée par la doctrine) la pro- préalablement à l’exercice du droit de cédure de consultation du service des préemption par le titulaire de ce droit domaines en considérant que ladite constitue une garantie tant pour ce derconsultation « prévue au 3e alinéa pré- nier que pour l’auteur de la déclaration cité de l’article L. 2241-1 du code général d’intention d’aliéner ». des collectivités territoriales préalablement à la délibération du conseil munici*** pal portant sur la cession d’un immeuble ou de droits réels immobiliers par une La solution de l’arrêt du 23 octobre 2015 commune de plus de 2 000 habitants ne doit donc être précisément circonscrite présente pas le caractère d’une garan- et il conviendra d’attendre les suites tie ; qu’il appartient en revanche au juge de cette jurisprudence pour savoir si saisi d’une délibération prise en mécon- d’autres hypothèses de consultation des naissance de cette obligation de recher- domaines, en dehors de celles visées cher si cette méconnaissance a eu une à l’article L. 2241-1 du CGCT, seront incidence sur le sens de la délibération « Danthonysées ». attaquée ». “ ” 2 - La portée de cette solution doit cependant être précisée à deux égards ■ D’abord, le Conseil ne juge pas que l’absence de consultation des domaines préalablement aux opérations visées à l’article L. 2241-1 du CGCT n’est pas LE BULLETIN de CHEUVREUX Notaires