exemple cas clinique

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exemple cas clinique
Une dermatite à Straelensia cynotis chez un Jack Russel
Mots clés: Straelensia cynotis, chien, dermatite, amitraz
Résumé en français: Ce cas clinique présente une dermatite à Straelensia cynotis chez un Jack
Russel. Le chien vit en milieu rural et est fréquemment en contact avec des tanières de
renards. Les signes cliniques consistaient en de nombreuses papules et quelques nodules
dispersés au niveau de la tête, de la ligne du dos et de la face externe des membres du chien,
accompagnés de zones alopéciques et squameuses. Aucun prurit n’est observé. La dissection
d’une papule ainsi que l’examen anatomopathologique d’une biopsie ont démontré la
présence de l’acarien S. cynotis au sein des papules. Le chien a été traité avec une formulation
contenant de l’amitraz (Promeris duo®). Le chien n’a jamais cessé d’être en contact avec les
forêts et champs avoisinants. Les lésions ont commencé à régresser deux semaines après et
ont totalement disparu deux mois après.
Résumé en anglais: This is a case report of dermatitis associated with the mite Straelensia
cynotis in a dog. The dog lives in rural areas and is in frequent contact with fox dens. The
clinical signs consisted of numerous papules and some nodules scattered at the head, the back
line and the lateral surface of the members of the dog, accompanied by alopecia and scaly
areas. No pruritus was observed. The dissection of the papules and the pathologic analysis of
a biopsy showed the presence of the mite S. cynotis in papules. The dog was treated with
Promeris duo®. The dog has never ceased to be in contact with the forests and fields. The
lesions began to disappear after two weeks and completely disappeared after two months.
Signalement de l’animal: Curly est une chienne Jack Russel à poil dur, noir blanc et feu, non
stérilisée âgée de 2 ans. Son numéro d’identification est le 977200007040204.
Anamnèse: En avril 2009, les propriétaires remarquent l’apparition brutale de nombreux petits
« boutons » sur la tête, la ligne du dos, et la face externe des membres de Curly, alors âgée de
un an et demi.
Ils consultent un vétérinaire qui diagnostique une pyodermite. Un traitement antibiotique
(amoxicilline + acide clavulanique : Synulox® pendant 15 jours) et des shampooings à base
de chlorexidine sont prescrits.
Aucune amélioration n’est observée.
Curly vit à la campagne, avec un labrador et 3 chevaux. Le jardin n’est pas clôturé, elle a
accès aux champs avoisinants et va régulièrement dans les tanières de renards. Elle mange des
croquettes Pro plan® pour chien adulte de petite taille. Elle est correctement vaccinée contre
la maladie de Carré, l’hépatite de Rubarth, la parvovirose, la toux des chenils (Canigen®),
ainsi que la rage (Nobivac rabies®). Elle est également régulièrement vermifugée
(Milbemax®).
Examen clinique: Curly est en bon état général, pèse 4 kg, sa température rectale est de
38,5°C, les muqueuses sont roses, le TRC < 2 sec, les orifices respiratoires, digestifs, et
génitaux ne présentent rien d’anormal. L’auscultation cardio-respiratoire est normale
(FC=105 bpm ; FR=18 rpm).
La peau présente de nombreuses papules, et quelques nodules disséminés au niveau de la tête,
de la ligne du dos et de la face externe des membres. Les papules sont fermes et présentent en
leur centre un petit point blanc nacré. Certaines sont croûteuses, et parfois sanieuses.
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La peau est érythémateuse et squameuse. Des zones alopéciques entourent les lésions,
donnant au pelage un aspect criblé. Le prurit est absent, cependant les lésions sont
douloureuses. C’est une dermatite papulo-croûteuse à nodulaire, multicentrique non
prurigineuse.
Figure 1. (a) Vue générale du chien lors de notre premier examen clinique montrant les
lésions papulo-crôuteuses et zones alopéciques sur la tête. Elles sont également présentes sur
la ligne du dos et les membres mais sont masquées par les poils longs du chien.
(b) Vue rapprochée de la tête.
Figure 2. (a) Papules fermes qui présentent en leur centre un petit point blanc nacré.
(b) Aspect criblé du pavillon auriculaire, du aux croûtes et à l’alopécie.
Diagnostic différentiel
Affection
Straelensiose
Calcinose
cutanée
Principaux éléments en faveur
Région à risque : Sud de la France
Papules et nodules
Alopécie
Croûtes
Absence de prurit
Papules blanchâtres
Principaux éléments en défaveur
Nodules
Absence de plaques
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Leishmaniose Région à risque : Sud de la France
nodulaire
Papules et nodules
Alopécie
Absence de prurit
Trombiculose Papules
Alopécie
Croûtes
Histiocytome
Mycosis
Fongoïdes
Mastocytome
Age du chien (< 4 ans)
Nodules
Nodules
Squames
Papules et nodules
Lésions étendues
Douleur
Nodules
Absence de prurit
Absence de parasites orangés visibles
à l’œil nu
Papules
Les nodules n’augmentent pas de taille
Age du chien (< 4 ans)
Absence de prurit
Les nodules n’augmentent pas de taille
Papules et nodules
Absence de prurit
Alopécie
Absence de réponse aux antibiotiques
Tableau 1 : Diagnostic différentiel de la straelensiose canine
Pyodermite
atypique
Examens complémentaires
-Brossage pour récolter poils : examen au microscope négatif.
-Dissection des papules à l’aide d’une aiguille, afin de récolter le « petit point blanc nacré » :
le matériel récolté est mis sous lame et lamelle avec une goutte d’huile minérale. L’examen au
microscope a révélé une image caractéristique d’un parasite dans une coque.
-Examen au microscope de prélèvements mis dans une goutte de liquide éclaircissant pendant
24h: image beaucoup plus nette du parasite. On distingue le céphalo-thorax, l’abdomen, les
appendices articulés, la cuticule striée et les barbes. Il mesure 700 µm * 425µm.
- Dissection fine du parasite à l’aide de deux aiguilles démontées, sous loupe. On obtient une
image caractéristique de S. cynotis.
-Biopsie punch d’une papule, au niveau du cou de la chienne : l’analyse histo-pathologique
révèle un ostium folliculaire dilaté, entouré d’une importante hyperplasie pseudoépithéliomateuse, ainsi qu’une mucinose périfolliculaire qui s’étend vers le derme.
Une coque éosinophilique amorphe s’ouvre à la surface de l’épiderme. Malgré le fait que la
coupe ne met pas directement le parasite en évidence, ces lésions sont caractéristique de la
straelensiose.
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Figure 3 : (a) Straelensia cynotis après dissection de la coque. x 40
(b) Section d’un parasite avec sa cuticule externe. PAS x 40
Diagnostic et pronostic: L’examen au microscope des prélèvements a révélé la présence de S.
cynotis au sein des papules, et l’examen histo-pathologique le confirme avec des lésions de
l’épiderme caractéristiques de la straelensiose.
Le mode de vie rural de la chienne est en accord avec l’infestation par ce parasite.
La straelensiose est une maladie rare et il n’existe pas de traitement spécifique. Dans la
littérature il est difficile de trouver de grandes séries permettant de valider une thérapeutique
optimale. Le pronostic semble donc réservé.
Traitement: La chienne a été traité une fois avec du Promeris Duo® (Fort Dodge) en raison de
sa composition en amitraz qui, selon la littérature, semble avoir un effet sur cette parasitose.
Nous avons conseillé aux propriétaires d’éviter les sorties dans les champs et les forêts afin
que la chienne ne se réinfeste pas.
Réévaluation et issue finale: Le traitement a été bien supporté par la chienne. Les lésions ont
peu à peu régressées pendant les deux mois après l’application du spot-on.
Les propriétaires n’ont pourtant pas pu empêcher Curly de sortir du jardin.
En novembre 2009, trois mois après le traitement, la chienne n’a plus aucune lésion cutanée.
Des cicatrices persistent au niveau des pavillons auriculaires.
Figure 4 :(a) Vue générale du chien 3 mois après le traitement : plus de papules ni de nodules.
(b) Lésions cicatricielles sur les pavillons auriculaires.
Prophylaxie : L’animal continue de recevoir du Proméris Duo® une fois par mois, pour
éventuellement prévenir une réinfestation, mais aussi comme traitement contre les puces et les
tiques.
Discussion: La straelensiose canine est une dermatose parasitaire de découverte récente (les
premiers cas ont été observés en France en 1991) due à l’enkystement de larves d’acarien
appartenant à l’espèce S. cynotis (famille des Leeuwenhoekiides).
Cette parasitose montre une distribution géographique particulière. La plupart des cas
rapportés dans la littérature proviennent du sud de la France, et du nord de l’Espagne et du
Portugal. Les chiens atteints sont des chiens de chasse ou des chiens vivant en milieu rural.
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Il n’y a apparemment pas de prédisposition d’âge ni de sexe (Degorce-Rubiales, Poujade,
Connefroy, Bourdeau, 2008).
Ces larves de Trombiculidés sont des parasites du renard. Le cycle biologique n’est pas
totalement connu mais on suppose que la forme adulte vit libre dans la nature, et plus
particulièrement dans les tanières de renards. Le chien est un hôte accidentel, chez qui il se
produit une violente réaction d’enkystement. Il s’infesterait lorsqu’il pénètre dans le terrier,
les zones lésionnelles correspondant aux zones en contact avec les parois (tête, ligne du dos et
face externe des membres).
Les lésions sont souvent décrites par les propriétaires comme ressemblant à des plombs de
chasse enkystés (Le Net and all., 2002).
La larve se loge dans une coque en forme de U au niveau de l’épiderme, le rostre muni de
chélicères et de pédipalpes disposé vers la profondeur.
Le prurit n’est généralement pas observé.
L’issue de la maladie est très variable. Une durée d’évolution de 3 mois a été signalée par Le
Net and coll., sur des chiens gardés à l’attache après leur infestation initiale, cependant une
grande variation est observée sur de nombreux autres cas (Hubert, Pin, Carlotti, 2001).
Certains guérissent spontanément en quelques mois, tandis que d’autres gardent des lésions
papuleuses et nodulaires douloureuses pendant plusieurs mois, amenant le propriétaire à
choisir l’euthanasie (Seixas, Travassos, Pinto, 2006).
Les traitements à base de lactones macrocycliques (Ivermectine injectable: Ivomec®,
Sélamectine en spot-on : Strongold®) sont jugés sans effet. L’amitraz (Ectodex®) semble
avoir une efficacité (Degorce-Rubiales, Poujade, Connefroy, Bourdeau, 2008).
Cependant, l’application d’une solution tous les 5 jours ne convenant pas aux propriétaires,
nous avons traité le chien avec du Promeris duo®, en raison de sa composition en amitraz et
de sa facilité d’utilisation.
Remerciements : Je remercie le Dr Isabelle Raymond-Letron pour son aide précieuse pour les
coupes histologiques, le Dr Jacques Fontaine pour son écoute et ses conseils, ainsi que Léna
Lebreton, propriétaire de Curly, qui m’a permis de voir et revoir son chien sous toutes ses
coutures.
Références bibliographiques
DEGORCE-RUBIALES F., POUJADE A., CONNEFROY D., BOURDEAU P. Etude de 20
cas de Straelensiose canine : clinique, diagnostic et traitement. Nouv Prat Vet, 2008, 8 :suppl
dermatol., 32-38
HUBERT B., PIN D., CARLOTTI D.N., WATRELOT-VIRIEUX D., MAGNOL J.P,
RAVAILLE C. Dermatite à Straelensia cynotis : à propos de trois cas. Prat Méd Chir Anim
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LE NET J-L., FAIN A., GEORGES C., ROUSSELLE S., THEAU V., LONGEART L .
Straelensiosis in dogs: a newly described nodular dermatitis induced by Straelensia cynotis.
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SEIXAS F., TRAVASSOS P., PINTO M-L., CORREIA J., PIRES M-A. Dermatitis in a dog
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MEDLEAU L., HNILICA K. Dermatologie canine et féline, atlas et guide thérapeutique.
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