Asthénie de l`Adolescent Banale fatigue ou symptôme
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Asthénie de l`Adolescent Banale fatigue ou symptôme
conduite à tenir Asthénie de l’adolescent Banale fatigue ou symptôme révélateur ? Chez l’adolescent, l’asthénie est un motif assez rare de consultation. A l’inverse, la fatigue est souvent retrouvée à l’interrogatoire et banalisée, ou rapportée par les parents avec plus d’inquiétude médicale ou sur le Dr Hervé Lefèvre, Pédiatre, Maison de Solenn, Hôpital Cochin, Paris retentissement scolaire. De la fatigue banale, souvent en rapport avec un temps de sommeil insuffisant, à l’asthénie associée à une cause somatique ou révélatrice de difficultés psychologiques, les questionnements médicaux sont multiples. L’asthénie est donc un symptôme au carrefour de nombreuses étiologies, souvent révélatrice d’un Diagnostic La fatigue physiologique est liée à l’effort et disparaît avec le repos, alors que l’asthénie correspond à un état de faiblesse générale non consécutif à l’effort et ne disparaissant pas au repos. La conduite à tenir face à cette plainte est donc de prendre le temps : • d’un bon interrogatoire, pour décrire cette fatigue (ancienneté, évolutivité, intensité), interroger le sommeil sur une semaine (durée, qualité), l’alimentation, la prise de toxique, l’activité physique, rechercher des symptômes associés (amaigrissement, sueurs nocturnes, douleur, troubles digestifs, toux, polyurie…) ; • d’un examen clinique complet (pâleur conjonctivale, organomégalie, adénopathie mélanodermie, goitre…) ; • d’évaluer le retentissement (déscolarisation, réduction des activités extrascolaires, isolement social, hypersomnie, inversion du rythme veille/ sommeil…) ; • d’évaluer pour les plus habitués l’état thymique, le fonctionnement familial. Cet interrogatoire est utile pour prescrire, le cas échéant, des examens complémentaires (Encadré 1), orienter et/ou surveiller attentivement l’évolution de ce symptôme en consultation. 16 Schématiquement, deux cas se présentent : 1) Il existe des arguments en faveur d’une étiologie organique : •L e caractère récent et fébrile de l’asthénie orientera vers une infection aiguë banale comme un syndrome grippal, une infection ORL, plus rarement une hépatite. •L e caractère persistant ou très intense de l’asthénie fera évoquer une mononucléose infectieuse, une hépatite, une anémie en cas de règles abondantes, une hypothyroïdie… •S on association à une altération de l’état général avec amaigrissement orientera davantage vers une suspicion d’hémopathie, un cancer ou la tuberculose surtout en cas de signes associés (toux, pâleur, douleur, adénopathie …). •S on association à un tableau abdominal (douleur, trouble du transit), articulaire (douleur, raideur) ou cutané (rash, loup) orientera plus vers une maladie inflammatoire ou une maladie de système. • Dans le cas d’une maladie chronique connue, l’apparition d’une asthénie évoquera une complication, un déséquilibre, l’effet secondaire du traitement ou le retentissement psychologique de la maladie et/ou de son traitement. 2) Des arguments en faveur d’un trouble du sommeil et/ou d’une étio- © JPC-PROD / fotolia trouble du sommeil, d’un trouble psychologique ou d’une maladie banale plus souvent que grave. Encadré 1 • Examens paracliniques de débrouillage • NFS plaquettes, ASAT ALAT, VS, CRP • Ferritine, radiographie pulmonaire, sérologie virale • TSH logie psychologique : • Les troubles du sommeil sont présents chez plus d’un adolescent sur trois, mais très souvent banalisés et mis sur le compte d’une activité adolescente vespérale n’incitant pas à s’endormir. Certaines caractéristiques du sommeil chez l’adolescent sont à préciser à cette occasion. Il sera alors utile d’évaluer : - la consommation de tabac, cannabis, alcool et autres psychostimulants ; - la pratique d’activité physique ou sportive en soirée ; - la présence de réveils nocturnes, cauchemars, levers. • L’asthénie peut correspondre à la somatisation de difficultés psycholo- Adolescence & Médecine • Novembre 2013 • numéro 6 Asthénie de l'adolescent giques non encore verbalisées en présence de plaintes associées (douleurs diffuses, céphalées de tension…) avec retentissement scolaire, absentéisme, trouble de l’humeur et/ou anxiété. • Au-delà de six mois d’évolution et en cas d’association à d’autres signes, un syndrome de fatigue chronique peut être discuté (Encadré 2). Sommeil chez l’adolescent Le cycle du sommeil se modifie à l’adolescence pour tendre, avec le déroulement de la puberté, vers une structure de type adulte. Il se caractérise par la diminution du temps de sommeil total et de sommeil lent profond. Le coucher plus tardif avec retard à l’endormissement est associé à des réveils spontanés plus tardifs ou “retards de phase”. Le décalage du pic de mélatonine, les activités scolaires, ludiques ou sociales participent à ce décalage. Le sommeil a un rôle sur la récupération, le développement cérébral, le métabolisme. Il est indispensable au bon fonctionnement du corps au cours de la journée et est associé à la sécrétion d’hormone de croissance. C’est aussi un facteur de cognition, d’apprentissage, de mémorisation, et de l’équilibre de l’humeur. De nombreux adolescents ont un manque chronique de sommeil, surtout durant la semaine, qu’ils récupèrent le weekend ou pendant les vacances. L’enquête HBSC a analysé en 2010 le temps de sommeil total, avec ou sans classe le lendemain chez plus Encadré 2 Le syndrome de fatigue chronique est une maladie de cause inconnue caractérisée par une fatigue persistante ou récidivante, évoluant depuis au moins six mois, non améliorée par le repos, généralement aggravée par l’effort, responsable d’une réduction des activités. Elle est associée à au moins quatre des symptômes suivants : trouble de la mémoire ou de la concentration, pharyngite ou maux de gorge, adénopathies cervicales ou axillaires, myalgies ou arthralgies, céphalées, sommeil non réparateur, sensation de malaise après un effort physique. La cause de cette maladie reste inconnue, les hypothèses étiologiques vont de l’infection virale ou à un autre agent pathogène aux troubles psychiatriques. 8 000 adolescents français âgés de 11 à 15 ans. Le temps de sommeil total avec classe le lendemain est de 8 h 41 et sans classe le lendemain de 10 h 01. Les adolescents de 15 ans dorment en moyenne 1 h 31 de moins que ceux de 11 ans. Cette diminution est compensée par une augmentation du temps de sommeil total sans classe le lendemain. L’écart entre le temps moyen de sommeil avec ou sans classe le lendemain augmente avec l’âge. Il passe de 51 min à 11 ans à 1 h 49 à 15 ans. Pour les 15 ans, cet écart est plus élevé chez les filles (2 h 02) que les garçons (1 h 35). Si l’écart entre ces deux temps de sommeil est supérieur à 2 h on parle de dette de sommeil. Elle concerne 40,5 % des 15 ans et est plus élevée chez les filles que chez les garçons. Le temps de sommeil de moins de 7 h avec classe le lendemain concerne presque un adolescent sur quatre. Ceux qui déclarent regarder la TV, utiliser un ordinateur ou un téléphone portable équipé d’Internet ont un temps de sommeil plus court. Malgré de grandes variations interindividuelles, il est recommandé à cet âge un temps de sommeil de 9 h pour favoriser la croissance, l’apprentissage, l’équilibre physique et psychologique. Si le sommeil entre en compétition avec d’autres activités, il devient insuffisant en quantité et qualité. Le manque de sommeil chez les adolescents peut avoir des conséquences sur leur performance scolaire et leur comportement. L’évolution du mode de vie adolescent explique en partie cette diminution : une étude belge sur 1 656 enfants âgés en moyenne de 13 ans et demi a montré qu’un tiers d’entre eux utilisait leur téléphone portable après l’extinction des lampes… En conclusion Si la fatigue est un symptôme fréquent et non spécifique de l’adolescent, sa persistance et/ou son intensité nécessitent d’en déterminer la cause. Le caractère isolé ou associé de cette plainte orientera vers différents groupes étiologiques associés à la prise en charge thérapeutique qui convient. Mots clés : Fatigue, Asthénie, Sommeil, Syndrome de fatigue chronique Références • Alvin P, Marcelli D. Médecine de l’adolescent. Masson, Paris 2005 : 77- • Armengaud D. Fatigue et troubles du sommeil chez l’adolescent. Revue 83. du Praticien 2005 ; 55 : 1095-98. • Nijhof S. L, Maijer K, Bleijenberg G et al. Adolescent Chronic Fatigue • Léger D, Richard JB, Godeau E et al. La Chute du temps de sommeil au Syndrome: Prevalence, Incidence, and Morbidity. Pediatrics 2011 ; 127 ; cours de l’adolescence : résultats de l’enquête HSBC 2010 menée auprès e1169. des collégiens. 2012 BEH 44-45. Adolescence & Médecine • Novembre 2013 • numéro 617