VIDÉO. Georges Corm, invité de Cuntrastu : «Il faut déconstruire

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VIDÉO. Georges Corm, invité de Cuntrastu : «Il faut déconstruire
VIDÉO. Georges Corm, invité de Cuntrastu : «Il faut déconstruire
tous les clichés»
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http://www.corsematin.com/article/derniere-minute/video-georgescorm-invite-de-cuntrastu-«il-faut-deconstruire-tous-lescliche.1604196.html
-------------------------------Publié le lundi 24 novembre 2014 à 15h20
Ancien ministre des Finances libanais, ce brillant économiste
était dimanche soir l'invité de l'émission Cuntrastu. Il a évoqué
les problèmes du Proche et Moyen-Orient sur fond de violences
et d'incompréhensions
Invité du festival Arte Mare, à Bastia, Georges Corm était hier soir
dans les studios de France 3 Corse Via Stella dans le cadre de
l'émission hebdomadaire Cuntrastu. Un beau moment de télévision
en compagnie d'un homme exceptionnel, Libanais bien que né en
Egypte, à Alexandrie, brillant économiste, et spécialiste des marchés
financiers.
Ministre des Finances du gouvernement libanais de 1998 à 2000, il
est désormais consultant auprès d'organismes internationaux, de la
Banque mondiale en particulier, et historien, auteur de nombreux
ouvrages sur le Moyen Orient parmi lesquels : Géopolitique du conflit
libanaiset Le Proche-Orient éclaté (Ed Gallimard) .
Georges Corm est issu d'une famille de grands lettrés et d'artistes du
Mont Liban. Son arrière-grand-père a été précepteur des enfants de
l'Emir Bechir Chehab II. Il a lui même accompli ses études en France,
notamment à l'Institut d'études politiques de Paris. Il enseigne à
l'université Saint-Joseph de Beyrouth.
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«De l'imprécation obsessionnelle»
Durant cinquante minutes, il a répondu aux questions de Jean-Vitus
Albertini (France 3 Corse Via Stella), Roger Antech (Corse-Matin) et
Patrick Vinciguerra (RCFM).
L'économiste et juriste Libanais a une approche extrêmement
intéressante de la situation au Proche-Orient, son discours tranche
toujours avec le politiquement correct.
Son analyse des événements, sa vision du monde se distinguent très
nettement de tout ce que l'on entend sur ces questions. Ainsi, il se
refuse à tout manichéisme, comme l'a souligné d'emblée Jean-Vitus
Albertini : « Selon vous, les bons et les méchants ne sont pas
toujours ceux que l'on croit. Au Liban, par exemple, pour vous,
chrétien maronite, le Hezbollah chiite n'est pas à l'origine de tout le
mal. Il faut déconstruire tous les clichés ressassés par les dirigeants
politiques et les grands médias, sur "les bons et les méchants",
explique Georges Corm. On peut mettre à plat un pays, le détruire
complètement, parce qu'il faut changer le "méchant" chef de l'Etat.
Comme on l'a fait en Irak et en Syrie. C'est de l'imprécation parfois
obsessionnelle, ça ne va pas plus loin ».
Il évoque ces mêmes imprécations, alors qu'il était lui-même enfant,
sur le colonel Nasser : « Souvenons-nous comment la France,
l'Angleterre et l'Etat d'Israël nouvellement créé, ont attaqué l'Egypte
en 1956 sous prétexte que Nasser avait nationalisé le Canal de Suez
!»
De clichés, en caricatures, et amalgames, l'islamisme demeure
associé au monde arabe...
« On devrait aussi regarder du côté du Pakistan, souligne Georges
Corm, il existe une fabrique à deux branches de ce qu'on appelle à
tort les Djihadistes car en réalité, c'est un mot noble. Le Pakistan,
l'Arabie Saoudite ont été depuis la première guerre en Afghanistan,
une usine à fabriquer des combattants islamistes. Et une fois la
guerre en Afghanistan terminée, on les a amenés en Bosnie, en
Tchétchénie, dans le Caucase, aux Philippines... Moi, j'appelle ça
une arme de destruction massive, et ce sont les deux alliés
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principaux des États-Unis, le Pakistan et l'Arabie Saoudite, qui sont
aux commandes de ces groupes ».
«L'indignation collective»
Outre ces deux événements « fondateurs », que sont Suez et
l'invasion de l'Afghanistan, Georges Corm cite la création de l'Etat
d'Israël en 1948, « un très grand scandale au regard de tous les
principes du droit international, et du droit humanitaire d'une
population déplacée par la force ».
L'économiste dénonce les pratiques israéliennes contre le peuple
palestinien mais aussi contre le Liban « martyrisé durant quarante
ans ».
Et quelle attitude faut-il opposer aux grands dictateurs? Après
Saddam Hussein, Kadhafi, quid de Bachar el- Assad ?
Georges Corm rappelle que ces dictateurs ont été soutenus, « et à
bout de bras », par les grandes démocraties occidentales.
«Moi,ce qui m'embête beaucoup,dit-il, c'est l'indignation collective. A
un moment donné, tel dictateur devient un ami intime d'un chef
d'Etat, on le voit au défilé du 14 Juillet sur les Champs Elysées, tel
autre est reçu à la Maison Blanche. Quand Saddam Hussein faisait la
guerre à l'Iran, c'était un héros ! ».
Tensions, rapprochements, intérêts croisés, manœuvres en
coulisses, le commun des mortels a bien du mal à y voir clair... « Le
problème est de savoir quelle est l'importance des facteurs externes
et des facteurs internes. Toute mon analyse, toute mon œuvre, est
d'essayer de les démêler en démontrant que l'interne et l'externe se
servent l'un de l'autre dans des politiques destructrices et
déstabilisatrices de tout l'ensemble méditerranéen ».
Les facteurs externes prévalent-ils ?
« Nous sommes encore en train de nous débattre dans les
problèmes laissés par cette très mauvaise gestion de la fin de
l'Empire Ottoman qui a causé le génocide arménien, les
déplacements forcés de populations, des drames intenses ».
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A travers ses nombreux ouvrages qui font référence, Georges Corm,
apporte sa contribution à une meilleure compréhension des relations
complexes entre l'Orient et l'Occident depuis des décennies.
Il revient notamment sur ce qui a fait le ferment des printemps
arabes, « des révoltes avant tout socio économiques : des millions de
gens de tous âges, de tout niveau social, ont déferlé dans les rues,
d'Omam jusqu'à la Mauritanie, car les conditions économiques et
sociales étaient devenues insupportables. Pour 80% des
manifestants, les motivations premières étaient la dignité sociale et
l'emploi ».
Mais les printemps se sont transformés en hivers... « C'était
prévisible. La contre réaction s'est mise en place tout de suite
».Georges Corm se montre sévère avec les sociétés arabes,
n'hésitant pas à parler de déchéance, «chaque fois qu'on peut avoir
un progrès on le détruit de nos propres mains. Nous devons sortir de
la culture de la discorde. On ne peut pas avoir de démocratie sans
une économie productive. La démocratie est la fin d'un processus
dans lequel on a industrialisé, on s'est approprié les sciences et les
techniques. Ce n'est pas un début ».
Un mot avant de finir sur la Méditerranée, « un espace d'imaginaire,
exubérant, une petite mer située dans un endroit stratégique qui a vu
naître de grandes civilisations, et pas seulement la Grèce. Des
paysages magnifiques, la Corse est un exemple. Je me dis parfois
qu'il vaudrait mieux qu'un seul empire domine la Méditerranée ».
Qui est devenue aujourd'hui une mer de clandestins. Faut-il les
accueillir?
« L'Europe a besoin d'un sang nouveau, la démographie stagne, elle
devrait pouvoir accueillir beaucoup plus mais la machine économique
européenne est en panne ».
Un dernier regard sur la Corse avant de se quitter...
« Elle m'éblouit, je l'envie d'avoir su résister au tourisme de masse,
d'avoir sauvegardé ses espaces naturels. La Corse est magnifique ».
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