Tout le monde en parle - Réflexions de Raymond Gravel

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Tout le monde en parle - Réflexions de Raymond Gravel
« Tout le monde en parle », la grand-messe du dimanche soir
À chaque semaine, c’est presque un rendez-vous! Durant plus de deux heures, plus d’un million de
québécois, assis bien confortablement dans leur salon, assistent à un rituel préparé et monté comme
une célébration, où on y trouve de tout : la politique, la religion, la culture, les situations dramatiques, le
divertissement, la musique et l’actualité. Le tout est présidé par un animateur chevronné, accompagné
d’un humoriste tout à fait sympathique. Il s’agit, vous l’aurez deviné de l’émission Tout le monde en
parle, à la télé de Radio-Canada.
J’me souviens des débuts de cette émission. Les critiques fusaient de toutes parts : c’est du commérage
sur les travers de nos vedettes et de nos célébrités, Guy A. Lepage est provocateur; il se moque des gens,
on fait boire les invités pour mieux les manipuler, on cherche à choquer l’opinion publique.
Personnellement, même si on m’avait déconseillé d’y participer, j’ai accepté l’invitation, car je voulais
relever ce défi. Aussi, je souhaitais clarifier mes positions sur l’homosexualité et l’avortement, et je
voulais rappeler aux gens que, dans l’Église catholique, il est possible d’être prêtre, fidèle au Magistère
et progressiste en même temps. J’ai adoré mon expérience. Le soir du tournage, Guy A. Lepage et Dany
Turcotte sont venus, à tour de rôle, me rencontrer dans les coulisses, pour me rassurer; de sorte que,
arrivé sur le plateau, entouré d’un journaliste, d’un humoriste et d’une comédienne, je me sentais tout à
fait à l’aise dans l’interview avec l’animateur et les commentaires des autres invités.
En 15 minutes, le temps d’une prédication dominicale, j’ai pu dire à plus de 1,5 millions de québécois,
pourquoi j’avais pris la défense des homosexuels dans les médias, pourquoi j’avais défendu les femmes
de Bosnie qui se faisaient avorter après avoir été violées par des soldats serbes durant la guerre et
pourquoi je dénonçais une certaine Église qui juge, qui condamne et qui exclut les personnes les plus
vulnérables de nos sociétés. En 15 minutes, j’ai pu redire ma foi en ce Dieu de liberté auquel je crois et
réitérer ma confiance en l’Église que j’aime, parce que je sais qu’elle peut encore porter un message
d’espérance pour le monde d’aujourd’hui.
Cette émission rejoint tellement de monde que, dans la semaine qui a suivie, j’ai reçu plus de 900
courriels et lettres de personnes, m’exprimant leur satisfaction ou me demandant de l’aide. Des
hommes et des femmes de tous horizons m’ont contacté : des femmes ayant subi un avortement, des
jeunes homosexuels incapables d’assumer leur condition, des prêtres pour m’appuyer, des
religieux(ses) pour me remercier, des associations, des mouvements, des groupes communautaires
pour m’inviter à des conférences ou à participer à leurs rencontres. Personnellement, mon passage à
Tout le monde en parle a été l’occasion de me faire connaître et de m’engager plus encore au service
des pauvres, des poqués de la vie, des mal aimés et des exclus. N’est-ce pas une façon d’actualiser
l’Évangile aujourd’hui?
Dans les critiques, on accuse souvent l’animateur Guy A. Lepage d’être complaisant, arrogant et même
condescendant avec ses invités. Ce n’est vraiment pas mon expérience. Après le tournage de l’émission,
le jeudi soir, il y avait une phrase que je regrettais avoir dite durant l’entrevue; j’ai donc demandé à
Lepage s’il pouvait l’enlever au montage et il m’a répondu spontanément qu’il n’y avait aucun problème.
J’ai compris alors qu’il ne voulait pas ridiculiser ses invités; au contraire, il cherche à les valoriser et à
bien les présenter.
Depuis mon passage à cette émission, je continue régulièrement à la regarder. À chaque semaine, je me
divertis et j’apprends des choses sur l’actualité. Je crois sincèrement que Tout le monde en parle nous
offre une tribune pour parler à des millions de québécois qu’on ne pourrait rejoindre autrement. Et s’il
arrive que certains invités se sentent frustrés de leur participation à l’émission, c’est peut-être parce
qu’ils ont des choses à se reprocher. La culture populaire insiste davantage aujourd’hui sur la télé-réalité.
Une chose est certaine, le vin qu’on sert à l’émission, il faut en prendre avec modération, car la boisson
c’est comme l’instruction, ça ne fait pas à tout le monde.
Raymond Gravel ptre

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