Lire et Télécharger - Tabernacle des Lumieres

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Les gemmes précieuses Al‐ Yawâqît wa Al‐Jawâhir fî bayân ‘Aqâïd al‐Akâbir DE L’Imam Sha‘rânî Volume 17 Vingt‐Troisième Étude Traduction IDRIS DE VOS Introduction et préface SLIMANE REZKI © Septembre 2013, Tabernacle des Lumières
Vingt troisième étude
Du devoir de croire en l’existence des djinns
L’avis unanime des premières et dernières générations de savants est que les djinns
existent réellement, outre la mention qu’en font le Coran et l’ensemble des livres révélés.
Les djinns sont des créatures douées de paroles. Ils mangent, s’accouplent et se
reproduisent.
Le Sheikh Abû Tâhir al-Qazwînî dit à ce sujet : « Un des faits prouvant leur existence
est que les gens attestent communément de leur influence cachée. » Il ajoute : « Les
mutazilites réfutent en bloc l’existence des djinns. Ils prétendent que les djinns sont
simplement l’expression des gens perfides et que les démons sont l’expression des gens
rebelles et mauvais. De ce fait, ils nient en substance les versets coraniques qui attestent de
leur existence et les décrivent.
D’aucuns demanderont : à combien s’élève le nombre des éléments dont sont
composées les créatures ?
La réponse nous est donnée par al-Mawardî : « Les éléments à l’origine des créatures
sont au nombre de quatre : l’eau, la terre, l’air et le feu. L’eau et la terre sont deux éléments
apparents aux créatures ; et l’air et le feu sont deux éléments cachés à celles-ci. Il est connu
que le feu se constitue de flammes, de fumée et de rayonnement. Son rayonnement est une
pure lumière ; sa fumée est une pure obscurité ; et sa flamme, soit le feu sans fumée
intermédiaire, est un pur embrasement. Dieu a créé les djinns d’un feu intermédiaire. Ils sont
donc apparentés aux anges par leur lumière et apparentés aux démons par l’obscurité de leur
fumée. C’est pourquoi certains d’entre eux obéissent et d’autres transgressent ; et c’est
pourquoi aussi certains croient et d’autres mécroient. Le Très-Haut dit en ce sens : « Et les
djinns, Nous les avons créés précédemment à partir d’un feu incandescent. »1 Certains sont
d’avis qu’il s’agit du feu du soleil et d’autres qu’il s’agit du feu de la foudre. Quant au Diable,
les avis divergent à son sujet. Certains pensent qu’il est un ange, d’autres qu’il est un djinn.
D’aucuns ont dit également qu’il faisait jadis partie des djinns qui s’enorgueillirent sur terre et
qui furent combattus par les anges. Ceux-ci emprisonnèrent le Diable dans le ciel, si bien qu’il
fut assimilé aux anges. Car [comme il est dit communément,] « qui sous la tutelle de gens
demeure devient des leurs ». Mais le diable était néanmoins un djinn par sa filiation. Si bien
qu’en définitive, il peut être assimilé aux uns et aux autres.
D’autres ont dit qu’il est un djinn par ses actions et un ange par sa nature. Quant à son
comportement, il fait de lui un impie.
Al-Mawardî déclare ensuite : « Puis le Très-Haut créa les êtres peuplant la terre et la
mer, à partir de terre et d’eau. C’est le cas des hommes, des bêtes, des fauves, des oiseaux, des
insectes, ainsi que des poissons, des grenouilles, des algues etc. Ces quatre catégories
d’espèces se répartirent ensuite en deux catégories montantes, du fait de la nature montante de
leur élément constitutif : il s’agit des anges et des djinns ; et en deux catégories descendantes
1
Coran 15 : 27.
du fait de la nature descendante de leur élément : il s’agit des êtres vivants peuplant la terre et
la mer. » Al-Mawardî a consigné tout cela dans son ouvrage intitulé An-nubuwwa. En
épilogue, il justifie sa démarche : « Je rapporte là les termes employés par les négateurs de ces
faits eux-mêmes. Parce que débattre dans les termes des détracteurs a plus d’impact et donne
plus de force aux arguments. »
Le Sheikh Abû Tâhir – Dieu lui fasse miséricorde – dit pour sa part : « Lorsque la
création de l’une de ces espèces est achevée par la puissance divine, la forme de son élément
d’origine n’apparaît plus en elle. Chacune doit prendre une forme nouvelle qui n’y ressemble
pas. Vois comme la forme d’eau et de terre n’est pas visible en l’homme. Vois comme il est
fait de chair, d’os, de peau, etc., et comme il a une apparence particulière et une constitution
distincte. On peut en dire autant des animaux comme les fauves, les oiseaux et les diverses
espèces. Les uns ne ressemblent pas aux autres. C’est également la caractéristique des anges,
des djinns et des démons : la forme de l’air n’apparaît plus dans leur corps apparent. Et Dieu
leur a donné une constitution subtile. C’est pourquoi ils sont appelés des êtres spirituels. Puis
ces lumières ont également des formes subtiles, seyant à leur nature, qui se distingue les unes
des autres, comme c’est le cas des êtres terrestres. Seul Dieu connaît ces formes : « Ne
connaît les armées de ton Seigneur que Lui. »2 Et ces différentes formes propres à chacun
sont permanentes. Mais elles échappent à nos sens en raison de leur subtilité, comme c’est le
cas de l’air et des vents. Ils peuvent aussi emprunter des formes temporaires, comme celles
qu’ils revêtent parfois pour être vus des prophètes et des saints. Mais ils quittent ensuite ces
formes. Et celles-ci sont pour eux comme des vêtements. Parce que leurs corps sont si subtils
et fins qu’ils sont comme compénétrés d’air. Or, cet air peut prendre l’apparence qu’ils
veulent aux yeux de l’observateur. Leur air se dessine ainsi parfois sous la forme d’un arc en
ciel, de sorte que les gens peuvent les voir dans cet ensemble de teintes vertes, rouges, jaunes,
etc.
‘Abd Allâh Ibn ‘Abbâs vit ainsi la forme de Gabriel avec le Prophète - Dieu lui
consente la grâce et le salut – alors que son père al-‘Abbâs ne le vit pas. Il était pourtant avec
eux dans la mosquée. Il en informa le Prophète - Dieu lui consente la grâce et le salut – qui lui
répondit : « Il ne verra pas, mais Dieu lui donnera la compréhension de la religion et lui
enseignera l’exégèse. » » Le Sheikh ajoute : « Le Très-Haut a donné aux djinns la capacité de
prendre la forme qu’ils veulent comme il nous a donné la capacité de nous vêtir comme nous
le souhaitons. Et de même que les vêtements sont à notre disposition, les formes sont à leur
disposition. La différence est que nos vêtements sont tramés de fils, tandis que les leurs sont
tramés d’air et de lumière. Et chacun œuvre selon sa nature. Mais comme les corps des anges
et des djinns sont plus subtils que l’air – c'est-à-dire, dans leur capacité à muer – ils échappent
à nos regards. Néanmoins, si Dieu veut nous faire voir un ange ou un djinn, Il dispose l’air en
conséquence. Ayant cette capacité à revêtir les vêtements d’air qu’ils veulent, les gens les
voient donc selon ces formes. Le Très-Haut dit en ce sens : « Si nous en avions fait un ange,
nous aurions fait de lui un homme et nous l’aurions revêtu des vêtements que ceux-ci
portent. »3 Or un ange ne peut pas être un homme véritablement, mais il peut en prendre la
2
3
Coran 74 : 31.
Coran 6 : 9.
forme au moyen de l’air densifié. Car quand l’air se densifie, il peut être perçu, comme c’est
le cas pour les mirages.
D’aucuns demanderont : que signifie la parole du Très-Haut « Il vous voit, lui et ses
légions d’où vous ne les voyez pas. »4
Je répondrais qu’il faut en comprendre – Mais Dieu sait mieux ce qui est vrai : d’où
vous ne les voyez pas lorsqu’ils sont dans ces formes selon lesquels ils furent créés. Mais s’ils
apparaissent sous la forme de chiens ou de chat par exemple, rien n’empêche de les voir. Cela
arrive même très souvent.
Il se trouve que l’un d’eux s’est présenté à moi pour me poser quelque soixante-dix
questions relatives à l’unicité. Il avait la forme d’un chien au pelage blond semblable aux
chiens des sables dénués de toute saleté. Cela se produisit de nuit. Mon épouse pensa qu’il
s’agissait vraiment d’un chien et lava tout l’espace de prière avec de l’eau et de la terre. J’ai
répondu à toutes les questions qu’il me posa en les consignant dans un ouvrage que j’ai
intitulé « La levée du voile et du dépôt de rouille couvrant le visage des questions posées par
les djinns. » Il s’agit d’un livre constitué d’un seul tome plein de subtilités.
D’aucuns demanderont : nous seront-ils invisibles au paradis comme ils nous le sont
ici-bas ?
Je répondrais négativement. Au contraire, les choses s’inverseront dans l’au-delà, si
bien que nous les verrons et qu’ils ne nous verront pas. Seule une élite d’entre eux pourra
nous voir, de même que seule une élite d’entre nous peut les voir ici-bas.
D’aucuns demanderont : leur voix change-t-elle en fonction des formes qu’ils prennent
ou gardent-ils la même voix ?
Je répondrais que leurs voix changent en fonction de la forme qu’ils prennent. Parce
que c’est cette forme qui en statue, qu’il s’agisse d’une forme humaine, d’une forme de bête
d’élevage ou d’un animal quelconque.
D’aucuns demanderont : lorsqu’ils prennent une forme humaine, peuvent-ils articuler
l’ensemble des lettres de nos langues ou parlent-ils différemment ?
Je répondrais qu’ils parlent en partie différemment. Parce que leurs corps sont subtils
et ils ne parviennent pas à articuler des lettres grossières, en effet, celles-ci requièrent une
certaine consistance et densité, ce dont ils sont dépourvus.
D’aucuns demanderont : comment parvient-on à les comprendre s’ils n’articulent pas
intégralement nos lettres ?
Je répondrais que leur prononciation ressemble à la nôtre mais n’est pas la même. S’ils
parlaient comme nous sans prononcer certaines lettres, nous ne les comprendrions pas.
4
Coran 7 : 27. Le verset en question parle du Diable.
D’aucuns demanderont : peuvent-ils parler le langage humain tout en revêtant une
forme non humaine ?
Je répondrais qu’un être spirituel ne peut aucunement faire cela, à moins d’accomplir
des miracles.
D’aucuns demanderont : il a été dit au début de l’étude que les djinns ont été créés
d’un feu qualifié de « mârij », ce qui signifie mélangé. Quel est donc ce mélange ?
Je répondrais qu’il s’agit d’un feu composé comportant une proportion d’humidité.
C’est pourquoi la flamme qui est un embrasement de l’air nous apparaît. Elle est donc chaude
et humide.
D’aucuns demanderont : les démons sont les damnés et les maudits d’entre les djinns.
Pourquoi gardent-ils donc le nom de djinns ?
Je répondrais que si le nom de djinn leur est toujours attribué, c’est parce que les
djinns sont des créatures situées entre les anges et les hommes. Et il est connu que les djinns
sont constitués d’éléments. C’est pourquoi le Diable s’est enorgueilli. S’il avait été constitué
d’une substance unique et pure, l’élément constitutif principal n’aurait pas prédominé chez lui
et il ne se serait pas enorgueilli. Il serait alors comme les anges. Sa constitution l’apparente au
monde intermédiaire. Une part de son être est tournée vers le monde des esprits lumineux du
fait de la subtilité de son feu. La preuve est qu’il peut se masquer et se transformer. Et une
autre part de son être est tournée vers nous. C’est en vertu de cela qu’il est naturé de cendre,
comme il a été indiqué dans le propos d’al-Mâwardî. Et si le nom de subtil lui est prêté, c’est
parce qu’il « Circule dans le sein des fils d’Adam comme y circule le sang. », comme le dit la
tradition, et que les humains n’en ont pas conscience. Si le Législateur ne nous informait pas
des approches et des suggestions du Malin dans nos poitrines, nous ne saurions pas qu’il
existe un Diable. C’est ainsi la caractéristique attachée au nom de subtil qui permet aux djinns
de demeurer inapparents aux regards des gens. Voilà pourquoi nos regards ne les voient que
lorsqu’ils prennent forme.
D’aucuns demanderont : y a-t-il une différence entre le mot « jism » et le mot
« jasad », désignant tous deux communément le corps ?
La réponse nous est donnée par le Sheikh Muhyî ad-Dîn, au chapitre trois cent
quarante-trois : « Il y a une différence entre ces deux termes. Le mot jism désigne le corps
dans son usage courant, que celui-ci soit subtil et transparent ou bien dense ; qu’il soit visible
ou invisible. Quant au mot jasad, il désigne [la forme] selon laquelle apparaissent les êtres
spirituels revêtant les formes des corps. Certains apparaissent aussi aux gens dans le sommeil
selon des formes ressemblant aux corps perçus par les sens. Mais ces réalités ne sont pas
réellement des corps (jism). »
D’aucuns demanderont : ce que l’on voit en l’image que prennent les djinns ou les
anges correspond-il à ce que sont réellement ces djinns ou ces anges ?
Je répondrais affirmativement, de même que ce que l’on entend à travers les lettres
articulées et les sons du Coran, correspond réellement à la Parole de Dieu. On demanda à
quelqu’un de définir ce qu’est un djinn. Il répondit : « C’est un être vivant fait d’air, doué de
parole et capable de prendre des formes différentes. »
D’aucuns demanderont : un djinn peut-il jurer sur un des noms divins et trahir sa
parole ? Ou les djinns honorent-ils tous nécessairement leur parole ?
Je répondrais qu’ils honorent tous la parole qu’ils engagent auprès de quelqu’un,
contrairement aux hommes.
Le Sheikh Abû Tâhir dit par ailleurs : « il est dit que les djinns ne réagissent qu’aux
formules incantatoires. Lorsque quelqu’un lit le Coran sur une personne possédée par l’un
d’eux, la lecture émet un rayonnement semblable à celui du soleil. Ce rayonnement se répand
sur le djinn, l’envahit et le ramène à l’obéissance, contraint et forcé ; et il ne peut plus s’y
soustraire. Les djinns ainsi que les vents étaient soumis à Salomon – la grâce et la paix lui
soient consentis. Car les djinns sont des êtres subtils comme les vents. Ils pénètrent les
espaces vident dans les corps des fils d’Adam, comme le feu pénètre l’argent fondu. De même
que celui-ci s’agite dans le creuset, l’homme possédé s’agite à la lecture des formules
incantatoires que l’on fait sur lui. Et le hadith déclare : « Le Diable circule dans le sein des
fils d’Adam comme y circule le sang. »
D’aucuns demanderont : qu’est-ce qui prouve que les djinns sont des êtres légalement
responsables ?
Je répondrais que ce fait est prouvé par la parole du Très-Haut : « Et lorsqu’un groupe
de djinns vint te trouver pour écouter le Coran. »5 Il s’agissait de neuf djinns de nasîbayn. Le
Prophète - Dieu lui consente la grâce et le salut - les vit à Batn an-nakhla. Ils arrivaient par les
sentiers d’Al-hajûn. L’Envoyé de Dieu - Dieu lui consente la grâce et le salut – traça une ligne
autour de ‘Abd Allâh Ibn Mas‘ûd et lui dit : « Ne sort pas de là. » Ibn Mas‘ûd raconte :
« Lorsqu’ils vinrent trouver le Prophète - Dieu lui consente la grâce et le salut – ils étaient
divisés sur une affaire de meurtre. Je les ai entendus dans leur tumulte lorsque le Prophète Dieu lui consente la grâce et le salut - délibéra entre eux. Une fois cette affaire réglée, il leur
enseigna la sourate Ar-Rahmân et leur apprit à prier, comme cela est connu dans les exégèses.
D’aucuns demanderont : qu’est-ce qui prouve que certains djinns rentreront au
paradis ?
Je répondrais ceci : Ibn ‘Abbâs – Dieu soit satisfait de lui et de son père - fut interrogé
à ce sujet. Il laissa cette question en suspend durant sept jours, jusqu’à ce que, durant sa
lecture du Coran, il tombe sur la parole de Dieu : « Elles n’auront été touchées », c'est-à-dire
les houris, « ni par des hommes, ni par des djinns. »6 Il déclara alors : « Cela prouve que les
djinns auront accès au paradis. »
Ad-Dahhâk a dit à ce sujet : « Certains djinns seront admis au paradis et seront
récompensés pour leurs actes, comme les hommes. »
5
6
Coran 46 : 29.
Coran 55 : 56.
Sufyân a dit également : « Ils seront récompensés pour leur foi en passant sans mal au-dessus
des enfers. Puis il leur sera dit : « Soyer terre ! »7
Le Sheikh Abû Tâhir a dit par ailleurs : « La plupart des djinns ne croient pas en la
résurrection, car le Très-Haut a dit : « Ils pensaient comme vous pensiez que Dieu ne
ressuscitera personne. »8
D’aucuns demanderont : l’état de fait empêchant les djinns de subtiliser des
informations au ciel depuis la venue du Prophète - Dieu lui consente la grâce et le salut – se
prolongera-t-il jusqu’au Jour du jugement ou a-t-il un terme prévu avant cela ?
Je répondrais ceci : la vérité est qu’ils en seront empêchés jusqu’au Jour du jugement.
Ils ne peuvent donc pas subtiliser des informations et nous rapporter ensuite. Ils sont brulés et
tués pas les étoiles filantes.
D’aucuns demanderont : que sont réellement ces étoiles filantes ?
Je répondrais qu’il y a deux avis sur la question. Le premier est qu’il s’agit d’une
lumière qui se prolonge en raison de son intensité et qui brûle les djinns, puis qui revient à sa
place. Le second est qu’elles sont [des astres] de la forme des étoiles qui viennent d’en
dessous du ciel et s’élancent sur eux. Elles les brûlent, mais ne repartent pas ensuite d’où elles
viennent.
D’aucuns demanderont : le Diable est-il le père des djinns comme les gens le disent
communément ?
Je répondrais que le Diable n’est pas le père des djinns, car les djinns existaient avant
lui. Mais il est le premier à avoir désobéi.
D’aucuns demanderont : quel est la fonction du Diable ?
Je répondrais que sa fonction consiste à suggérer aux hommes des pensées les
conduisant à la perdition ou ayant pour effet d’abaisser leur statut auprès de Dieu sans qu’ils
le sachent. Mais le Très-Haut nous informe qu’ : « Il n’a pas d’autorité sur ceux qui croient
et s’en remettent à leur Seigneur. Son autorité s’étend uniquement sur ceux qui le prennent
pour allié et l’associent [à Dieu]. »9 C'est-à-dire, qu’ils lui confient leur orientation en
coupant leur conscience du Très-Haut et de Sa gestion. Quiconque se garde de ses suggestions
et n’y satisfait pas, échappe à sa ruse et à ses pièges. Sachant que ses pièges visent à détourner
l’individu de ses efforts dans l’observance et à l’engager dans d’autres actions, de manière à
ce qu’il flanche et abandonne son intention première vis-à-vis de Dieu. Si le serviteur
contrevient à cette suggestion, le Malin lui susurre une belle parole l’incitant à une autre
inconduite. Il lui dit : « Si tu faisais cela, ce serait mieux encore ! » Une autre de ses duperies
consiste à donner au serviteur un dévoilement véritable et un enseignement exact et de le
convaincre d’ignorer qui lui en fait don. Une autre de ses duperies consiste à lui permettre un
7
En rapport avec le verset disant : « Les mécréants diront, à nous pouvions être de la terre » (Coran, 78 : 40). Le
Sheikh al-Akbar explique que la référence à la terre est celle du retour à l’état primordial, état en lequel l’homme
n’était rien et Dieu Tout.
8
Coran 72 : 7.
9
Coran 16 : 99-100.
dévoilement l’informant des transgressions des serviteurs de manière à entacher leur honneur
et à révéler leurs tares. L’individu voit en ce dévoilement le signe qu’il a atteint un très haut
degré. Mais c’est une ruse du Malin. Car celui-ci se fait alors son ouïe et sa vue. Si quelqu’un
est ainsi affecté, il doit s’empresser de se repentir, sans quoi il court à sa perte. Une autre de
ses duperies qui échappe à la plupart des saints, consiste à regarder dans les cœurs de ceux-ci.
S’il voit que l’un d’eux tire son soutien spirituel de la nuée, il lui représente la nuée et se
présente à lui par ce biais pour lui parler ; si un autre tire son soutien du trône, du piédestal ou
du ciel, il se présente à lui sous l’une de ces formes et fait de même. Puis si la préscience
divine a statué pour lui d’un bien, il lui fait croire qu’il s’agit d’une usurpation et d’une
tromperie fomentée par le Malin. Si bien qu’il n’en tire aucun profit. Et si Dieu ne préserve
pas un tel serviteur, celui-ci rencontre le sort des damnés.
D’aucuns demanderont : les démons ont-ils un pouvoir sur l’être extérieur des humains
comme ils ont un pouvoir sur leur être intérieur ?
La réponse nous est donnée par le Sheikh au chapitre trois cent quatre-vingt-trois :
« Les djinns démoniaques n’ont de pouvoir que sur l’être intérieur des humains, contrairement
aux hommes démoniaques, qui ont un pouvoir sur leur être intérieur et extérieur à la fois. Si
les djinns démoniaques suggèrent des pensées malignes en vue d’égarer extérieurement les
humains, c’est par le biais des hommes démoniaques, parce qu’ils inspirent à ceux-ci leurs
idées. »
D’aucuns demanderont : quelle adversité du Diable est la plus grande : celle qu’il
témoigna à Adam ou celle qu’il témoigne à ses descendants ? »
La réponse nous est donnée par le Sheikh au chapitre trois cent vingt-cinq : « Son
adversité envers les fils d’Adam est plus grande qu’elle ne le fut envers Adam lui-même.
Parce que les fils d’Adam sont fait d’eau, or l’eau s’oppose au feu. Quant à Adam, il a en
commun avec le Diable la sécheresse que comporte sa terre constitutive. Il y a donc entre le
feu et la terre un point commun. C’est pourquoi Adam crut le Démon lorsque celui-ci lui jura
qu’il voulait le conseiller. Ses enfants en revanche ne le crurent pas, parce qu’ils étaient son
contraire. Ainsi, l’adversité du Diable est-elle plus grande envers eux qu’envers lui. » Le
Sheikh ajoute : « Comme cet ennemi nous est invisible, Dieu voulut par Sa miséricorde nous
donner des repères en nos cœurs à travers la voie légale. La connaissance que nous avons de
lui par ce biais tient ainsi lieu de regard. Ce qui nous permet de nous préserver des actions
inspirées par ses suggestions. Dieu nous assiste également de l’ange qui s’oppose à lui dans ce
même monde invisible où il opère. »
D’aucuns demanderont : est-il une autre forme de démon, n’appartenant ni aux
humains ni aux djinns, comme il est dit ?
Je répondrais affirmativement. Et ce, sous une seule forme. Parce que le Démon à tous
ses degrés est l’expression d’êtres tangibles, sauf dans une de ses formes où il correspond à
une réalité abstraite. Il s’agit du cas où les humains démoniaques et les djinns démoniaques
s’inspirent les uns les autres. Au moment où ils se susurrent mutuellement de mauvaises
pensées, il se forme un autre démon conceptuel, n’appartenant ni aux hommes ni aux djinns.
D’aucuns demanderont : quelle est la différence entre ces trois démons ?
Je répondrais que la différence entre ces trois démons réside en ce que les humains ou
les djinns démoniaques s’emploient à suggérer dans les cœurs des serviteurs des idées
susceptibles de les éloigner du Très-Haut, rien de plus. Quant aux démons conceptuels, les
humains en tirent des confusions et des idées que le Diable lui-même ne projetait pas, pas plus
que tout autre être. Le Sheikh Muhyî ad-Dîn déclare à ce sujet : « De telles choses sont
attribuées au Diable du fait qu’il en est à l’origine, parce que c’est lui qui est l’instigateur des
suggestions malignes. Or, son but est que les gens ne sachent pas le reconnaitre dans leurs
pensées, de sortent qu’ils suivent celles-ci sans prendre garde. » Le Sheikh ajoute : « Dieu a
donné à ash-Shabbân le pouvoir de se corporifier. Le Très-Haut a dit en ce sens : « Nous
avons jeté sur son trône un corps. »10 Il s’agissait d’un esprit qui s’était corporifier selon la
forme de Salomon. Car lorsque le Diable constate qu’un serviteur est préservé et entouré de
l’assistance de Dieu au point d’être à l’abri de ses suggestions, il se corporifie sous la forme
d’un homme comme lui. Le serviteur croit alors qu’il s’agit d’un homme véritable et le Diable
l’égare par le biais de prétendues permissions. Il l’engage ainsi dans de multiples
interprétations visant à le commettre dans les transgressions. Le moindre de ses stratagèmes
consiste à lui dire que Dieu ne tient pas rigueur à homme comme lui, parce qu’Il lui a dévoilé
le fait que c’est Lui l’Agent véritable et le Maître du destin. Si le serviteur rejette cette idée, le
Malin tente de le tromper par le biais de la bonne opinion de Dieu. Il lui dit : « Fais-toi de
Dieu une bonne opinion en pensant qu’il ne te tiendra pas rigueur de tes fautes. Car si tu te
fais de lui cette opinion, Il ne t’en tiendra effectivement pas rigueur. Et tu es Son serviteur
quoi qu’il arrive : que tu Lui obéisses ou Lui désobéisses. Le Malin sait que le croyant ne
commet pas une transgression sciemment et sans être préalablement trompé par une
interprétation fallacieuse ou un embellissement artificieux de l’action répréhensible
concernée. Si le croyant commettait des actions de son propre chef, sans les suggestions du
Malin, Dieu n’aurait pas créé celui-ci. » Le Sheikh a explicité cela au chapitre trois cent
quatre-vingt-trois, le lecteur pourra s’y référer.
D’aucuns demanderont : comment les djinns se reproduisent-ils ?
Je répondrais qu’ils se reproduisent en s’enlaçant comme les gerbes de fumée sortant
du fourneau ou du four à charbon : ils se compénètrent et chacun tire plaisir de cette
compénétration. Ils se fécondent ainsi à l’image du dattier, lequel se suffit d’une odeur.
D’aucuns demanderont : se constituent-ils en tribus comme les hommes ?
La réponse nous est donnée par le Sheikh au chapitre neuf des Futûhât : « Oui. Et il en
résulte d’immenses guerres. Certaines tornades sont provoquées par leurs guerres. Parce que
les tempêtes sont l’effet de deux vents opposés, chacun empêchant l’autre de passer. Cet
antagonisme provoque les tourbillons connus que l’on peut voir dans le monde sensible. Mais
toute tornade ne résulte pas de leurs guerres.
D’aucuns demanderont : quel est le premier djinn à avoir été qualifié de démon ?
10
Coran 38 : 34.
Je répondrais qu’il s’agit d’al-Hârith. Dieu fit de lui un diable, c'est-à-dire qu’Il le
priva de Sa miséricorde. C’est de lui qu’est issu l’ensemble des démons. Ceux d’entre eux qui
croient, comme Hâma Ibn al-Hâm Ibn Lâqîs Ibn Iblîs sont assimilés aux croyants d’entre les
djinns, et ceux qui s’enferment dans leur impiété sont des démons.
D’aucuns demanderont : un démon peut-il adhérer à la foi comme c’est le cas d’un
impie parmi les hommes ?
Je répondrais que les gens divergent sur cette question en raison des deux lectures du
hadith suivant : « À tout homme est affecté un démon qui lui commande le mal. » On
demanda au Prophète : « même toi, ô Envoyé de Dieu. Il répondit : « Moi aussi, mais Dieu
m’a prêté force contre lui, si bien que j’en suis préservé ». Et selon une autre lecture : « si
bien qu’il a embrassé l’islam. » Le terme arabe faisant l’objet de cette double lecture peut en
effet être lu « aslamu », ce qui veut dire : j’en suis préservé ; ou « aslama », ce qui veut dire :
il a embrassé l’islam. Certaines versions de ce hadith ajoutent : « Alors, il ne me commande
que le bien. » Cet ajout conforte l’idée qu’il aurait adhéré à la foi. Quant au Diable, Dieu lui a
donné un délai jusqu’au Jour de la rétribution, c'est-à-dire, lorsque la responsabilité cessera
d’avoir court. Il est donc impossible qu’il adhère à la foi. Parce que s’il y adhérait, certains
noms divins ne pourraient plus jouer leur rôle. Puis plus personne ne désobéirait à Dieu. Car
nul ne peut transgresser en ce monde si ce n’est par son biais, que ce soit par son action
directe ou par celle de ses auxiliaires. Mais Dieu en sait davantage.
D’aucuns demanderont : si le Diable est le premier à avoir désobéi, il est dans une
situation semblable à celle de Caïn ?
Je répondrais affirmativement. De même que Caïn fut le premier des damnés parmi les
hommes, le Diable fut le premier des damnés parmi les djinns. C’est pourquoi le Très-Haut a
dit : « À l’exception du Diable. Il faisait partie des djinns. »11. C'est-à-dire de cette moitié de
créatures damnées.
D’aucuns demanderont : Dieu rapporte que lorsque le Diable incite l’homme à faire
acte d’impiété, il déclare ensuite : « Je ne suis pas responsable de toi. Pour ma part, je
crains Dieu, le Seigneur des mondes. »12 Cette crainte est-elle l’expression de sa conscience
cachée de l’unicité ?
Je répondrais que ce fait n’indique aucunement sa conscience de l’unicité, parce qu’il
est le premier à avoir ouvert la voie de l’associationnisme dans le monde. Et en supposant
qu’il puisse professer l’unicité aujourd’hui, il se peut qu’un doute le saisisse soudainement et
le soustraie à cette unicité. Car il devra nécessairement mourir en impie. Comprends donc !
D’aucuns demanderont : l’impiété que commande le Malin n’est pas de
l’associationnisme. Elle consiste à attribuer la divinité à qui elle ne revient pas, sans y associer
une seconde divinité. Quant à l’associationnisme, il consiste à faire de l’être associé un dieu
11
12
Coran 18 : 50.
Coran 59 : 16.
existant conjointement à Dieu. D’où vient donc l’idée que le Diable serait l’instaurateur de
l’associationnisme dans le monde ?
Je répondrais que l’impiété dont il est question ici est l’associationnisme, lequel est
« l’immense iniquité » comme l’a défini Luqmân à son fils selon le Coran. C’est pourquoi le
Très-Haut déclare à la fin du verset concerné : « Telle est la rétribution des gens iniques. »13
Ce qui désigne les associationistes. Car ils sont ceux qui « revêtent leur foi d’iniquité ». Nous
savons en effet que la foi évoquée par le Très-Haut dans Sa parole « ils ne revêtirent pas leur
foi d’iniquité », correspond à la foi en l’unicité de Dieu, glorifié et magnifié soit-Il. Ce fait
nous est enseigné par le verset suivant « L’associationnisme est une immense iniquité. »14 et
par l’interprétation de l’Envoyé de Dieu - Dieu lui consente la grâce et le salut – de l’iniquité
par l’associationnisme. Parce qu’à l’associationnisme n’est opposée que l’unicité. Le Prophète
- Dieu lui consente la grâce et le salut – disposait ainsi d’une science qui échappait aux
compagnons lorsqu’ils l’interrogèrent au sujet de l’iniquité. » Le Sheikh s’étend longuement
sur cette question au chapitre trois cent quatre-vingt-trois des Futûhât. Puis il déclare : « C’est
pourquoi certains savants ont vu bon de renoncer à l’interprétation et de s’en tenir à la lettre
du texte, cédant à Dieu la connaissance du sens véritable. Ceux à qui Dieu enseigne le sens de
Ses paroles peuvent donc en faire mention. Quant aux autres, ils doivent s’abstenir de les
commenter. »
D’aucuns demanderont : est-il condamnable ou louable de fréquenter les djinns ?
Je répondrais qu’il est condamnable de les fréquenter. Et ceux d’entre les savants en
sciences occultes qui les fréquentent sont des ignorants. Parce que les djinns sont d’une
complexion que domine la curiosité malsaine comme les gens pervers. L’homme sensé se
tient donc à l’écart d’eux comme il se tient à l’écart de tels individus. Nous n’avons jamais vu
personne les fréquenter et en tirer un quelconque bien. Parce qu’ils sont constitués de feu. Or
le feu est naturellement agité. Et quiconque est agité, est davantage enclin à la curiosité. Les
djinns exercent donc une plus grande tentation au mal sur les humains qu’ils côtoient. Ils ont
en commun avec les hommes pervers de s’enquérir des travers des gens, ce à quoi répugnent
les hommes sensés. Le Sheikh Muhyî ad-Dîn dit à ce sujet au chapitre cinquante et un des
Futûhât : « Jamais homme n’a acquis une science afférente à Dieu en fréquentant les djinns.
Parce qu’en ce monde naturel, il n’est d’être plus ignorant qu’eux relativement à Dieu et à Ses
attributs. » Il ajoute : « En raison des informations qu’ils donnent à leurs acolytes humains
concernant les créatures et concernant des événements commis ou subis par les gens, ces
hommes qui les fréquentent peuvent s’imaginer qu’une telle connaissance relève de vertus
miraculeuses accordées par Dieu. Mais il n’en est rien ! Le plus qu’ils puissent leur concéder
en terme de science consiste à les instruire des spécificités des plantes, des minéraux, des
noms et des lettres, ce qui appartient à la science des lettres. L’individu n’acquiert ainsi par
eux que ces sciences que réprouvent les lois. » Il ajoute : « L’expérience montre que les gens
les fréquentant avec assiduité finissent par prendre les gens de haut. Or, quiconque
s’enorgueillit n’obtient que l’inimitié de Dieu, ce qui lui vaut à terme d’être condamné à
l’enfer, comme en attestent les versets coraniques et les traditions prophétiques. » Le Sheikh
13
14
Coran 5 : 29.
Coran 31 : 13.
s’emploie longuement à incriminer les gens coutumiers de la fréquentation des djinns au
chapitre cinquante-cinq des Futûhât. Mais Dieu en sait davantage.