La recherche pour l`avenir du bio

Transcription

La recherche pour l`avenir du bio
Andi Häseli con­sultant
au FiBL en matière
d’ar­boriculture et de
viticulture, montre ici
un arbre à haute tige
avec une ancienne variété.
La recherche pour
l’avenir du bio
Coop est un partenaire important de l’Institut de
recherche de l’agriculture biologique à Frick, abrégé
FIBL. Ensemble, ils élaborent les projets bio de demain.
Interview Zeno van Essel
Photos Geri Born
Monsieur Häseli, nous vous voyons de­
vant un pommier haute tige. Coop favo­
rise la culture de vergers haute tige en
développant de nouveaux produits con­­
tenant des fruits d’arbres haute tige et en
intégrant aux produits actuels des fruits
d’arbres haute tige. Quelle est l’utilité de
cette mesure?
Andi Häseli: La culture de vergers
haute tige constitue un enrichissement
important du paysage. Par ailleurs, elle
favorise la biodiversité en permettant la
richesse des variétés et en offrant un habitat aux espèces d’oiseaux nicheurs et
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d’insectes. Mais comme le travail est laborieux, en particulier lors de la récolte,
les fruits de table sont essentiellement
produits aujourd’hui dans des vergers
basse tige.
Les vergers basse tige peuvent-ils aussi
servir à autre chose que la simple produc­
tion de pommes?
Ignazio Giordano: Tout à fait. Nous
avons réalisé au FiBL un projet très intéressant visant l’optimisation écologique de la production de pommes.
Nous avons intégré divers éléments de
biodiversité dans un verger conventionnel comme des haies, des bandes de
fleurs, des cabanes d’oiseaux, des amas
de pierres pour les lézards, des niches
pour les chauves-souris et des hôtels
pour les abeilles sauvages. Nous avons
été surpris du nombre d’animaux, en
particulier d’espèces d’oiseaux, qui y ont
élu domicile en peu de temps. C’est devenu un paradis pour les ornithologues.
Vous êtes chercheur spécialisé dans les va­
riétés de fruits susceptibles d’avoir un
avenir sur le marché du bio. Quels critères
une variété doit-elle remplir?
Häseli: Etant donné que l’arboriculteur
gagne son argent par la vente de ses
fruits, une variété doit apporter de bons
revenus et ce, de façon régulière. Une
haute résistance aux maladies et aux parasites est très importante pour la
culture bio qui est soumise à des restrictions strictes en matière de protection
végétale. De plus, nous avons besoin
d’un assortiment diversifié nous permettant d’offrir des produits toute l’année.
Mais l’aspect le plus important est toutefois que le fruit plaise au consommateur et que ce dernier l’achète.
Dans quelle mesure profitez-vous dans
vos activités de la coopération avec Coop?
Häseli: Pour améliorer l’assortiment de
pommes bio avec des variétés résistantes aux maladies, le FiBL a mis en
place une équipe responsable des variétés en coopération avec Coop. Dans
cette équipe, les cultivateurs et inspecteurs discutent avec les producteurs bio,
les marchands fruitiers et Coop pour déterminer quelles nouvelles variétés sont
adaptées à une culture d’essai dans des
exploitations pratiques triées sur le volet. Grâce aux ventes test de ces fruits,
Coop nous fait part des réactions des
consommateurs finaux qui revêtent un
caractère très important pour nous. Les
variétés qui sont convaincantes pour l’arboriculteur et pour les consommateurs
peuvent alors être recommandées en vue
d’être cultivées dans la pratique.
Combien de temps faut-il pour qu’une va­
riété soit prête à être lancée?
Giordano: Jusqu’à 15, voire 20 ans. Nous
devons effectivement observer l’évolution de la variété dans diverses conditions sur une longue durée. Par exemple,
une des récentes variétés est la Galiwa
cultivée par Agroscope Wädenswil. Il
s’agit d’une pomme bio sucrée, résistante aux maladies qui a été demandée
par le commerce pour remplacer ou
compléter la célèbre pomme Gala.
Après une phase de présélection qui a
duré plusieurs années, nous testons actuellement la Galiwa depuis près de huit
ans dans des conditions de culture biologiques. Les nombreuses expériences
acquises lors des essais précis et de la
culture d’essai chez les producteurs ainsi que dans le cadre des dégustations
nous permettent maintenant de savoir
qu’elle reçoit un bon accueil de la part
des producteurs, mais aussi des consommateurs.
Que sera le monde dans 20 ans?
Giordano: Les attentes des consomma-
Il faut 15 à 20 ans
pour qu’une nouvelle
variété de pomme
soit prête à être lancée sur le marché.
Son évolution doit
être observée pendant longtemps.
teurs peuvent changer. Le climat peut
lui aussi continuer à changer. En raison
de la hausse des températures et de
l’augmentation de l’humidité, de nouveaux parasites sont d’ores et déjà apparus comme le moucheron asiatique ou
des maladies jusque-là inconnues.
Un pari de taille! Est-ce alors judicieux
d’exploiter un produit de niche comme la
culture arboricole à haute tige?
Häseli: Pour le paysage et la biodiversi-
té oui. De plus, cela permet de sensibiliser davantage le consommateur pour
la préservation d’un important bien
culturel.
Est-ce aussi le cas pour un autre produit
de niche comme le vin bio?
Häseli: Et comment! Il y a 30 ans, nous
avions peut-être trois à quatre viticulteurs bio en Suisse. Aujourd’hui, ils se
chiffrent à plus de 200. Coop y a apporté une contribution essentielle en intégrant des vins bio dans son assortiment
de vins.
Les amateurs de vin adorent les spéciali­
tés. Une approche de commercialisation
pour les fruits bio?
Giordano: Assurément. Il y a des «spécialités de pomme» comme la Topaz épicée, légèrement acidulée que l’on ne
trouve pratiquement que dans des vergers bio. Dans un projet conjoint avec
Coop, le FiBL et la fondation ProSpecieRara, ce concept est mis en œuvre avec
franc succès, de sorte que des variétés
anciennes, très délicieuses mais presque
oubliées comme les Roses de Berne, la
Reine des Reinettes ou encore la Wilerrot régalent aussi les papilles des
consommateurs. 
Ignazio Giordano
au laboratoire de
recherche du FiBL
où il contrôle la
consistance et la
teneur en sucre de
pommes et autres
fruits bio.
A propos des personnes
Andi Häseli est responsable des Départements des sciences des plantes et de la
vulgarisation, de la formation et de la
communication à l’Institut de recherche
de l’agriculture biologique (FiBL).
Ignazio Giordano est technicien d’essai
au FiBL pour le Département des
sciences des plantes cultivées au poste
de dans l’ar­­bori­culture.
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